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www.hbr.org
Trousse d’outils
La clé de la mise en œuvre
de votre stratégie : vous
assurer que votre
personnel la comprend
bien – même les processus
essentiels mais complexes
qui permettent de
convertir des actifs
incorporels en résultats
concrets. Les cartes
stratégiques peuvent vous
aider à schématiser des
problèmes complexes.
Votre stratégie vous
cause des problèmes?
Schématisez-la!
par Robert S. Kaplan et David P. Norton
Réimpression R00509
La clé de la mise en œuvre de votre stratégie : vous assurer que votre personnel la comprend
bien – même les processus essentiels mais complexes qui permettent de convertir des actifs
incorporels en résultats concrets. Les cartes stratégiques peuvent vous aider à schématiser des
problèmes complexes.
Trousse d’outils
Votre stratégie vous cause des
problèmes? Schématisez-la!
par Robert S. Kaplan et David P. Norton
Imaginez que vous êtes un général qui mène ses troupes en territoire étranger. Évidemment, vous
auriez besoin de cartes détaillées vous indiquant les villes et les villages importants, le relief
environnant, les principales structures, comme les ponts et les tunnels, et les routes qui
parcourent la région. Sans ces renseignements, vous ne pourriez pas faire connaître votre
stratégie de campagne à vos officiers de terrain et au reste de vos troupes.
Pourtant, c’est ce que tentent de faire de nombreux cadres supérieurs. En effet, quand ils
essaient de mettre en œuvre leurs stratégies d’entreprise, ils ne donnent à leurs employés qu’une
brève description de ce qu’ils attendent d’eux et de l’importance de leurs tâches. Sans des
renseignements plus complets et précis, il n’est pas étonnant que de nombreuses entreprises ne
soient pas parvenues à mettre en œuvre leurs stratégies. Après tout, comment des gens peuventils mener à bien un plan qu’ils ne comprennent pas parfaitement? Les entreprises ont besoin
d’outils pour faire connaître leur stratégie, de même que les processus et les systèmes qui leur
permettront de la mettre en œuvre.
Les cartes stratégiques sont les outils qu’il leur faut. Elles donnent aux employés une vue
d’ensemble de la manière dont leurs tâches sont reliées aux objectifs globaux de l’entreprise, ce
qui leur permet de coordonner leurs efforts et de collaborer en vue d’atteindre ces objectifs. Les
cartes sont une représentation visuelle des principaux objectifs de l’entreprise et des liens
essentiels entre ces objectifs qui déterminent la performance de l’entreprise.
Les cartes stratégiques peuvent illustrer les objectifs de croissance du produit d’exploitation,
les marchés cibles qui permettront une croissance rentable, les propositions de valeur qui
inciteront les clients faire davantage d’achats rapportant une marge plus élevée, le rôle
primordial de l’innovation et de l’excellence dans les produits, les services et les processus, et les
investissements qui s’imposent dans le personnel et les systèmes pour générer et maintenir la
croissance projetée.
Les cartes stratégiques montrent les relations de cause à effet qui font que certaines
améliorations précises produisent les résultats voulus — par exemple, comment des temps de
cycle plus rapides et de meilleures habiletés des employés permettent de fidéliser la clientèle et
d’augmenter ainsi le produit d’exploitation de l’entreprise.
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D’un point de vue plus global, les cartes stratégiques indiquent comment une entreprise
convertira ses initiatives et ses ressources — y compris les actifs incorporels, comme la culture
de l’entreprise et les connaissances des employés — en résultats concrets.
Pourquoi utiliser des cartes stratégiques?
À l’ère industrielle, les entreprises créaient de la valeur en transformant des matières premières
en produits finis. L’économie était essentiellement basée sur les actifs corporels — les stocks, les
terrains, les usines et le matériel — et une organisation pouvait décrire et documenter sa stratégie
d’entreprise à l’aide d’outils financiers comme les grands livres, les états des résultats et les
bilans.
À l’ère de l’information, les entreprises doivent de plus en plus créer et exploiter des actifs
incorporels, comme les relations avec la clientèle, les compétences et les connaissances des
employés, les technologies de l’information et une culture d’entreprise qui favorise l’innovation,
la résolution de problèmes et l’amélioration générale de l’organisation.
Même si les actifs incorporels sont devenus d’importantes sources d’avantage concurrentiel,
aucun outil n’existait pour les décrire et mesurer la valeur qu’ils pouvaient créer. Cet outil
n’existait pas principalement parce que la valeur des actifs incorporels dépend de leur contexte
organisationnel et de la stratégie de l’entreprise. Par exemple, une stratégie de vente axée sur la
croissance pourrait exiger de l’information sur la clientèle, une formation plus poussée du
personnel de vente, de nouvelles bases de données et de nouveaux systèmes d’information, une
structure organisationnelle différente et un régime de rémunération au rendement. Un
investissement dans un seul de ces éléments, ou dans quelques-uns seulement, entraînerait
l’échec de la stratégie. La valeur d’un actif incorporel, comme une base de données sur la
clientèle, ne peut pas être étudiée sans que l’on tienne compte des autres actifs, qu’ils soient
corporels ou incorporels, et des processus organisationnels qui le transformeront en nouveaux
clients et en résultats financiers. La valeur ne réside pas dans l’actif incorporel même, quel qu’il
soit. Elle provient plutôt de l’ensemble complet d’actifs et de la stratégie qui les relie.
Afin de comprendre comment les organisations créent de la valeur à l’ère de l’information,
nous avons élaboré le tableau de bord équilibré, qui permet de mesurer la performance d’une
entreprise selon quatre dimensions ou axes principaux : l’axe financier (résultats financiers),
l’axe clients, l’axe processus internes et l’axe apprentissage organisationnel1. En bref, le tableau
de bord équilibré indique les connaissances, les compétences et les systèmes dont vos employés
auront besoin (apprentissage organisationnel) afin d’innover et de bâtir les capacités et les
efficiences stratégiques appropriées (processus internes) pour offrir une valeur précise au marché
(clients), ce qui entraînera un accroissement de la valeur pour les actionnaires (résultats
financiers).
Depuis que nous avons introduit cette notion en 1992, nous avons travaillé avec des centaines
d’équipes de cadres de diverses organisations, tant dans le secteur public que dans le secteur
privé. À la lumière de ces vastes recherches, nous avons remarqué certaines tendances que nous
avons schématisées dans une représentation visuelle, la carte stratégique, qui regroupe les
différents éléments du tableau de bord équilibré d’une organisation en une chaîne de relations de
cause à effet reliant les résultats voulus à leurs inducteurs.
Nous avons élaboré des cartes stratégiques pour des entreprises de divers secteurs d’activité,
notamment dans le secteur bancaire et les secteurs des assurances, de la vente au détail, de la
santé, des produits chimiques, de l’énergie, des télécommunications et du commerce
électronique. Les cartes ont également été utiles pour les organismes sans but lucratif et les
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administrations publiques. À partir de cette expérience, nous avons conçu un modèle standard
que les cadres supérieurs peuvent utiliser pour créer leurs propres cartes stratégiques. (Voir
l’encadré « Carte stratégique du tableau de bord équilibré ».) Le modèle est divisé en quatre
parties distinctes — les résultats financiers, les clients, les processus internes et l’apprentissage
organisationnel — qui correspondent aux quatre dimensions du tableau de bord équilibré.
Le modèle offre une structure et un langage communs qui peuvent servir à décrire toute
stratégie, de la même manière que les états financiers fournissent une structure généralement
acceptée pour décrire le rendement financier. Une carte stratégique permet à une organisation de
décrire et d’illustrer, de manière précise et dans des termes généraux, ses objectifs, ses initiatives
et ses cibles; les mesures utilisées pour évaluer sa performance (comme sa part de marché et des
sondages effectués auprès de la clientèle); et les relations qui sont à la base de l’orientation
stratégique.
Pour illustrer comment se fait l’élaboration d’une carte stratégique, nous allons prendre
l’exemple de Mobil North American Marketing and Refining qui a mis en place une nouvelle
stratégie visant à transformer ce fabricant de biens centralisé en organisation décentralisée, axée
sur les clients. Mobil a ainsi pu augmenter ses flux de trésorerie liés aux activités d’exploitation
de plus de 1 milliard de dollars par année et devenir le chef de file de son secteur d’activité en ce
qui a trait au bénéfice.
Conception descendante
Le meilleur moyen de créer une carte stratégique consiste à procéder de manière descendante, en
commençant par la destination puis en traçant les routes qui y mènent. Les cadres supérieurs
doivent d’abord revoir leur énoncé de mission et leurs valeurs fondamentales — la raison d’être
de l’entreprise et ce en quoi elle croit. Avec ces renseignements, les dirigeants peuvent mettre au
point une vision stratégique, ou ce que l’entreprise aspire à devenir. Cette vision devrait donner
une image claire des objectifs globaux de l’entreprise — par exemple, devenir le chef de file en
ce qui a trait au bénéfice dans un secteur d’activité. Ils doivent ensuite définir les étapes leur
permettant d’atteindre cette destination.
L’axe financier. La création d’une carte stratégique commence habituellement par une
stratégie financière visant la croissance de la valeur pour les actionnaires. (Les organismes sans
but lucratif et les administrations publiques placent souvent leurs clients ou leurs constituantes,
non pas leurs résultats financiers, en tête de leurs cartes stratégiques.) Les entreprises disposent
de deux leviers essentiels pour leur stratégie financière : la croissance des produits d’exploitation
et la productivité. La croissance des produits d’exploitation se divise généralement en deux
éléments : bâtir la franchise à partir des revenus tirés de nouveaux marchés, de nouveaux
produits et de nouveaux clients, et accroître la valeur pour la clientèle existante en
approfondissant ses relations avec elle grâce à l’augmentation des ventes, par exemple par la
vente croisée de produits ou l’offre de produits groupés plutôt que de produits individuels. La
stratégie axée sur la productivité se divise également en deux éléments : améliorer la structure de
coûts de l’entreprise en réduisant les frais directs et indirects, et utiliser les actifs de manière plus
efficiente en réduisant le fonds de roulement et les immobilisations nécessaires au soutien d’un
niveau donné d’activités.
En règle générale, la stratégie de productivité donne des résultats plus rapidement que la
stratégie de croissance. Toutefois, la carte stratégique présente, entre autres atouts principaux,
celui de faire ressortir les occasions d’amélioration du rendement financier non pas seulement au
moyen de la réduction des coûts et de l’amélioration de l’utilisation des actifs, mais grâce à la
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croissance des produits d’exploitation. De plus, l’atteinte d’un équilibre entre les deux stratégies
permet de faire en sorte que les réductions de coûts et d’actifs ne mettent pas en péril les
occasions de croissance d’une entreprise auprès de la clientèle.
Mobil s’était donné pour stratégie de « devenir le meilleur raffineur-fournisseur intégré aux
États-Unis, en offrant avec efficience une valeur exceptionnelle aux clients ». L’objectif
financier de haut niveau de l’entreprise était d’accroître le taux de rendement du capital investi
de plus de six points de pourcentage en trois ans. Pour y arriver, les cadres supérieurs ont utilisé
les quatre inducteurs d’une stratégie financière que nous avons intégrés à la carte stratégique, soit
deux pour la croissance des produits d’exploitation et deux pour la productivité. (Voir le volet
financier de l’encadré « Carte stratégique de Mobil ».)
La stratégie de croissance des produits d’exploitation prévoyait que Mobil augmente ses
ventes de produits autres que l’essence en offrant des produits et des services de dépannage, des
services automobiles complémentaires (lave-auto, changements d’huile et petites réparations),
des produits pour les automobiles (huile, antigel, liquide lave-glace) et des pièces de rechange
courantes (pneus et balais d’essuie-glace). De plus, l’entreprise offrirait davantage de marques de
qualité aux clients et elle augmenterait son chiffre d’affaires plus rapidement que la moyenne du
secteur. En ce qui concerne la productivité, Mobil voulait sabrer dans les charges d’exploitation
par gallon d’essence vendu, afin que ces charges soient les plus basses du secteur, et tirer
davantage de ses actifs existants — par exemple, en réduisant les temps d’arrêt de ses raffineries
et en augmentant leur débit.
L’axe clients. Le cœur de toute stratégie d’entreprise se situe dans la proposition de valeur
pour la clientèle, qui décrit la combinaison exclusive de caractéristiques des produits et des
services, de qualité des relations avec la clientèle et d’image commerciale qu’offre l’entreprise.
Cette proposition définit de quelle manière l’organisation se distinguera de ses concurrents afin
d’attirer, de conserver et de fidéliser sa clientèle cible. La proposition de valeur est un élément
crucial parce qu’elle permet à une entreprise de relier ses processus internes à l’amélioration des
résultats auprès de ses clients.
Habituellement, la proposition de valeur est choisie parmi trois éléments de différenciation :
excellence opérationnelle, comme dans le cas de McDonald’s et de Dell, connaissance intime du
client, comme dans celui de Home Depot et d’IBM dans les années 1960 et 1970 et leadership
produit, comme dans celui d’Intel et de Sony2. Les entreprises cherchent à exceller dans l’un de
ces trois domaines tout en respectant des normes minimales dans les deux autres. En établissant
sa proposition de valeur pour la clientèle, une entreprise pourra connaître les catégories et les
types de clients qu’elle doit cibler. Dans le cadre de nos recherches, nous avons découvert que,
bien qu’une définition précise de la proposition de valeur soit l’étape la plus importante de
l’élaboration d’une stratégie, environ les trois quarts des équipes de direction n’arrivaient pas à
se mettre d’accord sur cette information fondamentale.
L’encadré intitulé « Carte stratégique du tableau de bord équilibré » souligne les différents
objectifs associés au trois éléments de base d’une stratégie, soit l’excellence opérationnelle, la
connaissance intime du client et le leadership produit. Par exemple, les entreprises qui optent
pour une stratégie axée sur l’excellence opérationnelle doivent exceller dans la fixation de prix
concurrentiels, la qualité et le choix des produits, la vitesse d’exécution des commandes et la
ponctualité des livraisons. Dans le cas de la connaissance intime du client, l’entreprise doit
insister sur la qualité de ses relations avec la clientèle, notamment en offrant des services
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exceptionnels et des solutions intégrales. Enfin, les entreprises qui choisissent une stratégie axée
sur le leadership produit doivent se concentrer sur la fonctionnalité, les caractéristiques et la
performance globale de leurs produits ou de leurs services.
Par le passé, Mobil avait tenté de vendre une gamme complète de produits et de services à tous
les consommateurs, tout en pratiquant les mêmes bas prix que les stations-service de vente au
rabais des environs. Toutefois, cette stratégie non ciblée a échoué, ce qui a entraîné les mauvais
Augmenter la valeur pour les actionnaires
• cours d’action
Axe financier
• taux de rendement du capital investi
Stratégie axée sur la croissance des
produits d’exploitation
Stratégie axée sur la productivité
augmenter la valeur
pour le client
bâtir la franchise
• produits tirés de
nouvelles sources
améliorer la
structure de coûts
• charges
d’exploitation par
unité produite
• rentabilité de
la clientèle
• utilization
des actifs
Leadership produit
Axe clients
Connaissance intime du client
Proposition
de valeur
optimizer l’utilisation
des actifs
9
9
Excellence opérationnelle
9
9
• attirer, fidéliser et
satisfaire les clients
Axe
processus
internes
Axe
apprentissage
organisationnel
bâtir la franchise en
innovant
accroître la valeur pour
le client grace au
processus de gestion de
la cliètele
compétences des employés
atteindre l’excellence
opérationnelle grace aux
processus d’exploitation
et de logistique
technologie
assurer une bonne
presence sociale à l’aide
des processus relatifs à
la réglementation et à
l’environnement
culture d’entreprise
résultats financiers de la société au début des années 1990. Grâce à des études de marché, Mobil
a découvert que les consommateurs attentifs aux prix ne représentaient qu’environ 20 % des
acheteurs d’essence, tandis que près de 60 % de la clientèle était prête à payer un prix
sensiblement supérieur pour de l’essence si elle pouvait le faire dans un poste d’essence où le
service était rapide et aimable et qui était jumelé à un excellent dépanneur. Munie de cette
information, Mobil a pris la décision capitale d’adopter « une proposition de valeur axée sur la
différenciation ». L’entreprise voulait cibler les clients prêts à payer plus cher en leur offrant les
avantages suivants : un accès immédiat à des pompes à essence qui seraient toutes équipées d’un
système de paiement automatique; des stations sécuritaires et bien éclairées; des toilettes propres;
des dépanneurs bien approvisionnés en aliments frais et de grande qualité; et des employés
aimables.
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L’expérience d’achat des clients avait une importance telle pour Mobil dans l’élaboration de
sa stratégie que l’entreprise a investi dans un nouveau système permettant de mesurer les progrès
dans ce domaine. Chaque mois, Mobil envoyait des « clients-mystère » acheter de l’essence et
des collations dans toutes les stations-service du pays, puis leur demandait d’évaluer leur
expérience d’achat en fonction de 23 critères précis. De cette manière, Mobil disposait d’un
ensemble de mesures relativement simples (part de marché des segments de marché ciblés et
note globale attribuée par les clients-mystère) pour évaluer ses objectifs liés à la clientèle.
Par ailleurs, Mobil ne vend pas directement aux consommateurs. Les clients directs de
l’entreprise sont les propriétaires indépendants des postes d’essence. Ces détaillants franchisés
achètent de l’essence et d’autres produits de Mobil et les revendent aux clients des stationsservice Mobil. Compte tenu de l’importance du rôle des détaillants dans la nouvelle stratégie,
Mobil a ajouté deux autres mesures à l’axe clientèle : rentabilité des détaillants et satisfaction des
détaillants.
Ainsi, la stratégie globale axée sur la clientèle adoptée par Mobil incitait les détaillants
indépendants à offrir une excellente expérience d’achat afin d’attirer une part de plus en plus
grande de la clientèle ciblée. Ces consommateurs allaient acheter des produits et des services à
prix supérieur, ce qui entraînerait une hausse des bénéfices, aussi bien pour Mobil que pour ses
détaillants, ces derniers étant en retour d’autant plus motivés à offrir cette expérience d’achat
unique. Puis ce « cycle vertueux » allait provoquer la croissance des produits d’exploitation visée
par la stratégie axée sur les résultats financiers de Mobil. Il faut bien noter que les objectifs de la
partie de la carte stratégique de Mobil réservée à l’axe clients ne sont pas des objectifs généraux
indifférenciés comme celui de « satisfaire la clientèle ». Ces objectifs sont plutôt spécifiques et
centrés sur la stratégie de l’entreprise.
L’axe processus internes. Quand une entreprise a une image claire de son axe clients et de
son axe financier, elle peut alors déterminer de quelle manière elle parviendra à offrir à sa
clientèle sa proposition de valeur axée sur la différenciation et à améliorer sa productivité de
façon à atteindre ses objectifs financiers. L’axe processus internes regroupe ces activités
organisationnelles capitales qui se divisent en quatre processus de niveau supérieur : bâtir la
franchise en innovant grâce à de nouveaux produits et services et en pénétrant de nouveaux
marchés et de nouveaux segments de clientèle; accroître la valeur pour le client en
approfondissant ses relations avec la clientèle existante; atteindre l’excellence opérationnelle en
améliorant la gestion de la chaîne d’approvisionnement, le coût, la qualité et le temps de cycle
des processus internes, l’utilisation des actifs et la gestion de la capacité; et assurer une bonne
présence sociale à l’entreprise en établissant des relations efficaces avec les parties prenantes
externes.
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Stratégies centrées sur la proposition de valeur pour la clientèle
Carte stratégique du
tableau de bord
équilibré
Excellence opérationnelle
Caractéristiques des produits et
des services
prix
Relations
Image
moment
9
9
qualité
consommateur
averti
Les cartes stratégiques illustrent de
quelle manière une organisation
prévoit convertir ses divers actifs
en résultats visés. Les entreprises
peuvent utiliser le modèle proposé
ici afin d’élaborer leurs propres
cartes stratégiques fondées sur le
tableau de bord équilibré.
Complètement à gauche de la carte
et de bas en haut, le modèle indique
que les employés ont besoin de
certaines connaissances, certaines
compétences et certains systèmes
(apprentissage organisationnel) afin
d’innover et de se doter des bonnes
capacités et efficiences stratégiques
(processus internes) pour offrir au
marché une certaine valeur
(clientèle), ce qui entraînera une
hausse de la valeur pour les
actionnaires (résultats financiers).
En ce qui a trait à l’axe clientèle,
les entreprises choisissent
habituellement l’une des trois
stratégies suivantes : excellence
opérationnelle, connaissance intime
du client ou leadership produit.
choix
Les entreprises excellent dans la fixation de
prix concurrentiels, la qualité des produits et
la ponctualité de la livraison.
Connaissance intime du client
Caractéristiques des produits et
des services
9
9
9
9
Relations
service
Image
relations avec
la clientèle
marque de
confiance
Les entreprises excellent dans la prestation de
services personnalisés aux clients et dans
l’établissement de relations à long terme avec eux.
Leadership produit
Caractéristiques des produits et
des services
9
moment
9
fonctionnalité
Relations
9
Image
9
meilleur de sa
catégorie
Les entreprises excellent dans la
création de produits uniques qui
repoussent les limites.
√
exigence générale
élément de différenciation
•
mesure de la réussite
Une importante mise en garde s’impose : même si de nombreuses entreprises adoptent une
stratégie faisant appel à l’innovation ou à l’établissement de relations créatrices de valeur avec
les clients, elles font l’erreur de choisir de mesurer seulement le coût et la qualité de leurs
activités, sans tenir compte de leurs processus d’innovation ou de gestion de la clientèle. Pour
ces entreprises, il n’existe pas de connexion entre la stratégie et la manière de l’évaluer. Il n’est
pas étonnant qu’elles éprouvent d’énormes difficultés à concrétiser leurs stratégies de croissance.
Les avantages financiers provenant de l’amélioration des processus d’affaires se manifestent
généralement par étapes. Les économies de coûts provenant d’une augmentation des efficiences
opérationnelles et de l’amélioration des processus produisent des avantages à court terme. La
croissance des produits d’exploitation découlant de meilleures relations avec la clientèle se
concrétise à moyen terme. Et un accroissement de l’innovation peut produire une hausse des
produits et des marges à long terme.
C’est pourquoi une stratégie complète devrait permettre à l’entreprise de tirer des rendements
de ces trois processus internes. (Voir la partie de l’encadré intitulé « Carte stratégique de Mobil »
consacrée aux processus internes.)
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Les objectifs de Mobil relatifs aux processus internes
comprenaient les éléments suivants : bâtir la franchise
grâce à l’élaboration de nouveaux produits et services,
comme les produits offerts dans les dépanneurs, et
augmenter la valeur pour le client en formant les
détaillants pour qu’ils deviennent de meilleurs
gestionnaires et en les aidant à tirer des bénéfices des
produits et services autres que l’essence. Selon ce plan, si
les détaillants pouvaient faire croître leurs produits
d’exploitation et leur bénéfice provenant des produits
autres que l’essence, ils pourraient donc moins dépendre
de leurs ventes d’essence, ce qui permettrait à Mobil de
réaliser une marge bénéficiaire supérieure sur ses ventes
d’essence aux détaillants.
En ce qui a trait à la stratégie axée sur la connaissance
intime du client, Mobil devait exceller à comprendre ses
segments de clientèle. Et, puisque Mobil ne vend pas
directement aux consommateurs, l’entreprise devait
également se concentrer sur la création d’équipes de
franchise d’une qualité exemplaire.
Il est intéressant de constater que Mobil a fortement
insisté sur les objectifs visant à améliorer ses activités de
base de raffinage et de distribution, notamment par la
réduction des coûts d’exploitation, la diminution des
temps d’arrêt de l’équipement et l’amélioration de la
qualité du produit et de la ponctualité des livraisons.
Quand une entreprise comme Mobil adopte une
stratégie axée sur la connaissance intime du client, elle se
concentre habituellement sur ses processus de gestion de
la clientèle. Toutefois, la différenciation de Mobil s’est
manifestée chez les détaillants, non pas dans ses propres
installations qui produisaient des marchandises (essence,
mazout domestique et carburéacteur). Mobil ne pouvait
donc pas hausser les prix demandés à ses détaillants pour
absorber la hausse des coûts de ses activités de
fabrication et de distribution de base. En conséquence,
l’entreprise devait viser essentiellement l’atteinte de
l’excellence opérationnelle grâce à la chaîne de valeur de
ses activités.
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Carte stratégique
de Mobil
Voici la carte stratégique que
Mobil North American Marketing
and Refining a utilisée pour
cesser d’être un fabricant de
biens centralisé et devenir une
organisation décentralisée, axée
sur les clients. L’un des
principaux éléments de la
stratégie consistait à cibler les
consommateurs disposés à payer
un prix supérieur pour de
l’essence s’ils pouvaient le faire
dans une station-service offrant
un service rapide et aimable où
ils avaient accès à un excellent
dépanneur. Les achats de ces
consommateurs ont permis à
Mobil d’augmenter ses marges
bénéficiaires et ses produits tirés
des produits autres que
l’essence. En utilisant la carte cidessous, Mobil a augmenté ses
flux de trésorerie provenant de
l’exploitation de plus de 1 milliard
de dollars par année.
9
•
exigence générale
élément de différenciation
mesure de la réussite
** Afin de tenir compte de la
clientèle de Mobil, constituée de
détaillants indépendants, et non
pas seulement des
consommateurs, l’entreprise a
adapté la carte stratégique pour y
intégrer les relations avec les
détaillants.
8
Augmenter la valeur pour les actionnaires
•
•
taux actuel de rendement du capital investi de l’entreprise
marge nette comparativement au reste du secteur
Stratégie axée sur la croissance des
produits d’exploitation
comprendre les besoins du client et utiliser
des éléments de différenciation en
conséquence
Axe financier
accéder à de nouvelles
sources de revenu
provenant des produits
autres que l’essence en
intensifiant la présence
de dépanneurs
• revenus tirés des
produits autres que
l’essence
• marge bénéficiaire
offrir davantage de
marques de qualité afin
d’augmenter la rentabilité
de la clientèle
devenir le chef de file du
secteur quant aux coûts pour
toutes les étapes de la chaîne
d’approvisionnement
optimiser l’utilisation des
actifs existants
• volume des ventes
comparativement au
reste du secteur
• rapport entre les ventes
de produits à prix
supérieur et de produits
à prix régulier
• coût au gallon pour
Mobil par rapport au
reste du secteur
• flux de trésorerie réels
par rapport au plan
d’affaires
Caractéristiques des produits
et des services
Axe clients
Proposition de
connaissance
intime du client
propre 9
produit de
qualité 9
Stratégie axée sur la croissance de la
productivité
optimiser l’utilisation des actifs existants;
intégrer les activités afin de réduire les coûts
totaux à la livraison
Relations
sécuritaire 9
employés
aimables et
serviables
achat
rapide
Relations avec les détaillants
avantageuses pour les deux
parties**
Image
reconnaissance
de la fidélité du
client
marque de
confiance 9
offrir
davantage de
produits aux
clients
aider les
détaillants à
développer leurs
compétences en
gestion
• rentabilité des détaillants
• satisfaction des détaillants
Combler le consommateur
• part des segments
de clientèle ciblés
• note attribuée par
les clients-mystère
Axe processus
internes
créer des produits et des
services autres que l’essence
• taux d’adoption des
nouveaux produits
• rendement du capital
investi dans les
nouveaux produits
Axe apprentissage
organisationnel
mieux comprendre la
clientèle cible et créer
des équipes de franchise
exemplaires
• part du marché cible
• cote de qualité du
détaillant
promouvoir l’excellence
opérationnelle, acquérir des
compétences de leadership et
créer une vision intégrée de
l’entreprise chez les employés
• rapport entre les
compétences stratégiques
et le champ de
compétences de l’emploi
améliorer le rendement du
matériel et la gestion des
stocks, livrer des produits
conformes aux spécifications
avec ponctualité et devenir
le chef de file du secteur en
ce qui a trait aux coûts
• perte de produits de
raffinage
• temps d’arrêt imprévus
• niveaux des stocks
• taux de rupture de stock
• coûts par activité par
rapport à la concurrence
adopter de nouvelles
technologies qui favorisent
et facilitent l’amélioration
des processus
• déploiement des systèmes
en temps opportun
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améliorer la santé et la
sécurité de
l’environnement
• réduction du nombre
d’accidents liés à
l’environnement et à la
sécurité
harmoniser les objectifs
individuels à ceux de
l’entreprise
• tableaux de bord équilibrés
individuels
• réactions des employés
9
Enfin, dans le cadre de ses objectifs d’excellence opérationnelle et de présence sociale, Mobil
voulait éliminer les accidents touchant la sécurité et l’environnement. Les membres de la
direction croyaient que s’il se produisait des accidents ou d’autres problèmes sur les lieux de
travail, alors les employés ne portaient probablement pas une attention suffisante à leurs tâches.
Que manque-t-il?
Les cartes stratégiques permettent à une entreprise de repérer les lacunes importantes des stratégies mises
en œuvre aux échelons inférieurs de l’organisation. Chez Mobil, la haute direction a remarqué qu’une unité
n’avait pas d’objectifs ou de mesures pour les détaillants, comme l’indique la portion gauche de la carte.
Cette unité avait-elle trouvé un moyen de court-circuiter les détaillants Mobil et de vendre de l’essence
directement aux consommateurs? Une autre unité n’avait pas de mesure de la qualité, comme on peut le
voir dans la portion droite de la carte. Cette unité avait-elle atteint la perfection?
Axe
financier
croissance des
produits d’exploitation
marge bénéficiaire
nette
croissance du
volume des ventes
combler le
consommateur
produits et
services
autres que
l’essence
croissance
personnelle
relations avec les
détaillants avantageuses
pour les deux parties
équipe de
franchise
exemplaire
excellence
opérationnelle
livraison de
produits
conformes aux
spécifications
avec ponctualité
amélioration des
processus
croissance des
produits d’exploitation
croissance du
volume des ventes
Axe
clients
Axe
processus
internes
Axe
apprentissage
organisationnel
marge bénéficiaire
nette
combler le
consommateur
produits et
services
autres que
l’essence
croissance
personnelle
relations avec les
détaillants avantageuses
pour les deux parties
équipe de
franchise
exemplaire
excellence
opérationnelle
livraison de
produits
conformes aux
spécifications
avec ponctualité
amélioration des
processus
L’axe apprentissage organisationnel. À la base de toute carte stratégique se trouve l’axe
apprentissage organisationnel, qui comprend les compétences et les habiletés principales, les
technologies et la culture d’entreprise nécessaires pour appuyer la stratégie d’une organisation.
Ces objectifs permettent à la société d’harmoniser ses ressources humaines et sa technologie de
l’information à sa stratégie. Par exemple, l’organisation doit déterminer comment elle pourra
satisfaire aux exigences des processus internes essentiels, de la proposition de valeur axée sur la
différenciation et des relations avec la clientèle. Bien que les membres de la direction
reconnaissent facilement l’importance de l’apprentissage organisationnel, ils éprouvent souvent
de la difficulté à définir les objectifs correspondants.
Dans le cas de Mobil, la direction a déterminé que ses employés avaient besoin d’acquérir
une connaissance plus vaste de l’ensemble des activités de commercialisation et de raffinage. De
plus, l’entreprise savait qu’elle devait encourager les compétences en leadership que devaient
posséder ses gestionnaires afin d’élaborer la vision de l’entreprise et de stimuler les employés. À
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cette fin, Mobil a déterminé les principales technologies qu’elle devait développer, notamment
de l’équipement automatisé servant à surveiller les procédés de raffinage et des bases de données
exhaustives et des outils permettant d’analyser les expériences d’achat des consommateurs.
Une fois traité l’axe apprentissage organisationnel, Mobil disposait d’une carte stratégique
complète reliant les quatre principaux axes, à partir de laquelle les unités organisationnelles et les
services de l’entreprise pourraient élaborer leur propre carte détaillée en y incluant leurs
activités. Ce processus a permis à l’entreprise de repérer et de combler les lacunes importantes
des stratégies mises en œuvre aux échelons inférieurs de l’organisation. Par exemple, la haute
direction a remarqué qu’une unité n’avait pas d’objectifs ou de mesures pour les détaillants (voir
l’encadré « Que manque-t-il? »). Cette unité avait-elle trouvé un moyen de court-circuiter les
détaillants et de vendre de l’essence directement aux consommateurs? Les relations avec les
détaillants n’avaient-elles plus d’importance stratégique pour cette unité? Une autre unité
organisationnelle n’avait pas de mesure de la qualité. Cette unité avait-elle atteint la perfection?
Les cartes stratégiques facilitent le repérage et la correction de ce type de lacunes.
Les cartes stratégiques permettent également de repérer dans quels cas les tableaux de bord
ne sont pas réellement stratégiques. De nombreuses organisations ont élaboré des tableaux de
bord pour les parties prenantes, non pas des tableaux de bord axés sur la stratégie, en créant un
système de mesures qui semble équilibré autour de trois principaux groupes de constituantes : les
employés, les clients et les actionnaires. Une stratégie doit plutôt décrire comment l’entreprise
obtiendra le résultat voulu, soit la satisfaction des employés, des clients et des actionnaires. Cette
description du « comment » doit intégrer la proposition de valeur à l’axe clients; l’innovation, la
gestion de la clientèle et les processus d’exploitation à l’axe processus internes; et les
compétences des employés et les capacités des technologies de l’information à l’axe
apprentissage organisationnel. Ces éléments sont tout aussi essentiels à la stratégie que les
résultats prévus de cette stratégie.
Les entreprises font face à une autre limitation quand elles créent des tableaux de bord
centrés sur les indicateurs de rendement clés (IRC). Par exemple, une société de services
financiers a déterminé les « 4 P » de son tableau de bord équilibré : le profit (le bénéfice), le
portefeuille (le volume des prêts octroyés), les processus (le pourcentage des processus qui ont
obtenu une certification ISO) et les personnes (la variété des nouveaux employés). Même si cette
manière de faire est plus équilibrée que celle qui consiste à n’utiliser que des indicateurs
financiers, la comparaison de ces quatre éléments à ceux de la carte stratégique révèle de
nombreuses lacunes : aucune mesure n’est liée aux clients, une seule mesure porte sur les
processus internes — axée sur une initiative, non pas sur un résultat — et aucun rôle n’a été
défini pour la technologie de l’information (une omission étonnante pour une société de services
financiers). En fait, les tableaux de bord centrés sur les IRC constituent un regroupement
ponctuel de mesures, une liste de vérification ou encore les éléments d’un régime de
rémunération, mais non la description d’une stratégie cohérente. À moins que le lien avec la
stratégie n’ait été abordé attentivement, un tableau de bord centré sur les IRC peut créer une
grave illusion.
Le plus grand avantage des cartes stratégiques est probablement leur capacité à communiquer
la stratégie à l’ensemble d’une organisation. Ce pouvoir est clairement démontré par l’invention
par Mobil du Speedpass, un petit dispositif installé sur un porte-clés qui, quand on le passe
devant une pompe à essence munie d’une cellule photoélectrique, reconnaît le client et facture
ses achats à la carte de crédit ou de débit appropriée. L’idée du Speedpass a été lancée par un
gestionnaire de la planification du groupe des techniques de commercialisation qui avait
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remarqué en consultant le tableau de bord équilibré de Mobil l’importance accordée à la rapidité
dans les opérations d’achat. Il a proposé l’utilisation d’un dispositif pouvant traiter
automatiquement la totalité de l’opération d’achat. Il a travaillé avec un fabricant de pompes à
essence et une société de semi-conducteurs afin de concrétiser cette idée. Après son lancement,
le Speedpass est rapidement devenu un élément de différenciation important de la proposition de
valeur de Mobil qui consistait à offrir un service rapide et aimable. Depuis 1997, la direction de
Mobil a modifié le tableau de bord équilibré afin d’y inclure de nouveaux objectifs quant au
nombre de clients et de détaillants qui adoptaient le Speedpass.
Maintenant que tous ses employés travaillent en harmonie à l’exécution de la nouvelle
stratégie, Mobil North American Marketing and Refining a opéré un redressement remarquable
en moins de deux ans pour devenir le chef de file du secteur en ce qui a trait au bénéfice depuis
1995 jusqu’à sa fusion avec Exxon à la fin de 1999. La division a fait grimper son taux de
rendement du capital investi de 6 % à 16 %; la croissance du chiffre d’affaires a dépassé la
moyenne du secteur de plus de 2 % par année; les charges ayant un effet sur la trésorerie ont
diminué de 20 %; et, en 1998, les flux de trésorerie provenant de l’exploitation se sont chiffrés à
au-delà de 1 milliard de dollars de plus par année qu’avant le lancement de la nouvelle stratégie.
Ces résultats financiers impressionnants ont été possibles grâce à des améliorations dans
l’ensemble de sa carte stratégique de Mobil : les notes attribuées par des clients-mystère et
l’amélioration de la qualité des détaillants chaque année; le recrutement de 1 million de
nouveaux utilisateurs du Speedpass chaque année; une chute de 60 % à 80 % des accidents liés à
la sécurité et à l’environnement; une diminution de 70 % des pertes de produits de raffinage et de
pétrole en raison des temps d’arrêt des systèmes; et la sensibilisation et l’engagement de quatre
fois plus d’employés à l’égard de la stratégie.
Ce n’est pas un art
Nous ne prétendons pas avoir fait de la stratégie une science; la formulation d’excellentes
stratégies est un art et il en sera toujours ainsi. Par contre, la description d’une stratégie ne relève
pas de l’art. Quand on peut décrire une stratégie de manière plus structurée, on augmente les
chances de succès de sa mise en œuvre. Les cartes stratégiques permettent aux organisations
d’aborder leurs stratégies de manière cohérente, intégrée et systématique. Les cartes mettent
souvent en lumière les lacunes des stratégies, ce qui permet aux cadres supérieurs de prendre
rapidement des mesures correctives. Ces cadres peuvent également utiliser les cartes comme
bases d’un système de gestion qui facilitera la concrétisation efficace et rapide de ses initiatives
de croissance.
Une stratégie suppose qu’une organisation passe de son état actuel à un état futur souhaitable,
mais incertain. Étant donné que l’organisation n’a jamais été dans cet état, le chemin pour y
arriver est composé d’un ensemble d’hypothèses liées entre elles. Une carte stratégique précise
ces relations de cause à effet et les rend explicites et vérifiables. Ainsi, la clé du succès de la mise
en œuvre d’une stratégie consiste à expliquer clairement à tous les membres de l’organisation les
hypothèses sous-jacentes, à faire en sorte que toutes les unités et les ressources de l’organisation
adhèrent à ces hypothèses, à vérifier régulièrement ces hypothèses et à utiliser les résultats
obtenus pour s’adapter à la situation.
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Robert S. Kaplan et David P. Norton, The Balanced Scorecard: Translating Strategy into
Action, Harvard Business School Press, 1996.
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Ces trois propositions de valeur générales ont d’abord été élaborées dans l’ouvrage suivant :
Michael Treacy et Fred Wiersema, The Discipline of Market Leaders, Addison-Wesley, 1995.
Robert S. Kaplan ([email protected]) est titulaire de la chaire Marvin Bower de développement
du leadership de la Harvard Business School à Boston. David P. Norton ([email protected])
est fondateur et président de Balanced Scorecard Collaborative (www.bscol.com), établi à
Lincoln dans le Massachusetts. Le présent article est une adaptation de leur ouvrage intitulé The
Strategy-Focused Organization: How Balanced Scorecard Companies Thrive in the New
Business Environment (Harvard Business School Press, septembre 2000). La notion de carte
stratégique a d’abord été présentée dans certains numéros du bulletin The Balanced Scorecard
Report publié conjointement par Balanced Scorecard Collaborative et Harvard Business School
Publishing.
Tiré à part R00509, Harvard Business Review [version anglaise]
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