Brochure Quand la vie se reçoit

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Brochure Quand la vie se reçoit
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Bruxelles - Brussel asbl-vzw
Hépatotransplant
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Groupe d’entraide pour personnes !
transplantées du foie!
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Ils / Elles ont retrouvé le
chemin de la vie grâce au
cadeau d’un don d’organes...
RÉCITS
Deuxième édition
Septembre 2008
INTRODUCTION
M
anifester haut et clair les résultats de la greffe et souligner l’excellente qualité de la vie post-greffe constitue
la plus belle façon dont nous pouvons rendre hommage
aux donneurs.
Nous avons ainsi repris onze récits de parcours de vie qui, s’ils ne furent jamais simples, n’en témoignent pas moins de la pleine validité de
la démarche de la greffe. Grâce à celle-ci, chaque témoin s’est découvert une deuxième et nouvelle vie. Ils ne sont pas les seuls. La toute
grande majorité des greffés font la même expérience.
Les trois premiers témoignages sont repris à la précédente publication
d’Hépatotransplant destinée aux patients en attente de greffe. Entre
bien d’autres choses, ils rassurent, par l’exemple, sur un nombre considérable d’inquiétudes qui hantent les personnes qui devront un jour
se faire greffer : oui, la vie post-greffe laisse ouvertes, moyennant
prudence et concertation avec l’équipe médicale, toutes les possibilités de la vie saine : il est possible d’avoir des enfants après transplantation, la réinsertion professionnelle post-greffe est faisable, même
dans des métiers à risque.
Des témoins plus récents complètent le regard que le lecteur pourra
porter sur l’aspect technique, clinique de la greffe mais aussi sur
l’aventure humaine que représente chaque transplantation.
De nombreuses narrations sont celles de véritables “renaissances”,
certains parlent même de “résurrections” et l’on constatera avec
bonheur que quand le foie est rétabli, c’est l’ensemble de l’entité
corps-esprit qui va mieux, entraînant par là même une vie régénérée
sur les plans familial, social et professionnel.
Nous vous souhaitons bonne lecture de ce document conçu pour être
davantage picoré au gré des intérêts que pour être lu de la première à
la dernière page.
L’équipe de rédaction
Marie-Françoise FORET
Marie-Thérèse PARMENTIER
Ludo GIELEN
Christian GOHY
2!
Hépatotransplant Bruxelles-Brussel!
Introduction
QUAND LA VIE SE REÇOIT
Témoignages de personnes qui ont retrouvé le
chemin de la vie grâce à un don d!organe
! Être enceinte après une transplantation hépatique : Patricia
Larivière interrogée par Francine Roggen.
Extrait de la brochure “Retrouvons ensemble la joie de vivre”
éditée par Hépatotransplant (1ère édition)
! Ma vie professionnelle après la transplantation : “casque
bleu” en Yougoslavie : témoignage de Michel Leroy, recueilli
par Ruth Stassen.
Extrait de la brochure “Retrouvons ensemble la joie de vivre”
éditée par Hépatotransplant (1ère édition)
! Lettre d!un voyageur transplanté, par André Libert.
Extrait de la brochure “Retrouvons ensemble la joie de vivre”
éditée par Hépatotransplant (1ère édition)
***
! Avec ces personnes, je vais m!en sortir
Témoignage de Paula Vandeput-Laloux
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! Un parcours médical rare, une aventure humaine magnifique
Rencontre avec Gérard Janssens et Claudine Adam
! Il y a 23 ans, une greffe du foie “très précieuse”
Témoignage de Anne-Marie-Schmit
! Quand la greffe couronne une abstinence alcoolique
Rencontre avec André et Rose-Marie Boucher
! Pouvoir à nouveau admirer la nature...
Témoignage de Yvette Ovart
! Recette pour espérer contre toute espérance
Témoignage de Myriam Hucq, maman de Quentin
! Mes pérégrinations sont irrévocablement terminées.
Témoignage de Ludo Gielen
! Il me reste le sentiment d!une grande grâce...
Témoignage de Christian Gohy
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Ayant appris que Monsieur Michel LEROY venait
de vivre une expérience extraordinaire en tant que
“casque bleu” en Yougoslavie, nous lui avons
demandé de nous relater son cheminement depuis
sa greffe.
Tout d’abord, voici quelques mots extraits de notre
entretien: “Ma devise est toujours et encore : il faut
du moral, du courage et beaucoup de bonne
volonté.
“Ce n’est pas pour moi-même que je témoigne, ma
carrière est tracée, mais je le fais pour encourager
les jeunes à se battre et pour qu’ils osent réclamer,
dans la société, une place équivalente à celle des
non-greffés.”
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AVEC CES PERSONNES,
JE VAIS M!EN SORTIR
Le récit de sa greffe par Paula Vandeput-Laloux nous
dit toute l’importance de l’entourage lors d’une telle
opération : l’entourage médical, sans aucun doute, mais
prioritairement, l’entourage familial qui permet de
surmonter tous les malheurs...
A
tteinte d'une cirrhose biliaire primitive avant l'âge
de 50 ans, j'ai été soignée par le spécialiste de
médecine interne! de ma région. Les traitements
spécifiques n'existaient pas encore.! L'objectif visé
était : "me garder en vie le plus longtemps possi-
ble !"
J'étais très fatiguée, mon mari avait un garage,! nous
avions!deux filles!et je souffrais de n'avoir plus assez d'énergie
pour ma vie courante.
!
Une connaissance, greffée du foie,!me suggère de rencontrer le
Professeur Geubel à la Clinique Saint-Luc à Bruxelles. J'ai été
soignée par lui pendant plusieurs années.
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Pendant ce temps, mon mari a été opéré à coeur ouvert à
Mont-Godinne : cela s"est très bien passé et il a repris le travail
au garage avec un grand courage. Je l"aidais de mon mieux...
Puis, notre fille aînée s"est mariée et, la journée, je gardais, en
plus, notre petite-fille Aurore.
C"est à cette époque qu"on a découvert à mon mari un cancer
du poumon ; il s"affaiblissait de plus en plus et moi je me sentais de plus en plus épuisée… : que de fois ne m"a-t-il pas dit :
”Ma pauvre petite Paula, comme tu as les yeux jaunes...”
Nous nous aimions tellement, nous nous soutenions le mieux
possible, et nous essayions de minimiser nos souffrances respectives pour ne pas trop inquiéter l"autre.
Au terme de sa longue maladie, mon mari est décédé en 1981.
J"ai connu alors la plus grande détresse, quasi le désespoir.
Mon état général se dégradait de plus en plus, mais je devais
tenir bon pour mes filles et mes petits-enfants. Ma vie!habituelle
était de plus en plus laborieuse, mais je voulais guérir.
!
Le Professeur Geubel me conseille alors de rencontrer le Professeur Lerut, spécialiste des greffes du foie.
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Je fais sa connaissance ainsi que
AVEC CES PERSONNES,
celle de la coordinatrice, Fran-
JE VAIS M'EN SORTIR.
cine Roggen.
Tout de suite, je suis sentie en
confiance. Je passe quelques jours en observation, à SaintLuc.
On a décidé de m'inscrire sur la liste d'attente (pour recevoir un
foie) et on m"a donné un sémaphone afin de pouvoir me joindre
dès qu'un organe est disponible. Les GSM n'existaient pas encore...
!
Ma santé continuait de se détériorer de plus en plus, je souffrais
d'hémorragies par la bouche aussi bien que par l'anus : je me
sentais de plus en plus mal.
Un jour.... appel par le sémaphone, je suis attendue à SaintLuc, un foie serait disponible pour moi : je suis toute énervée,
j'ai peur et en même temps, quelle chance, je vais m'en sortir !
Arrivée aux urgences... énorme déception... après les derniers
examens... ce foie ne convient!pas.
!
Imaginez ma tristesse, ma révolte, mon découragement !
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De retour chez moi, je me sentais de plus en plus mal, j'allais
du lit au fauteuil et du fauteuil au lit, comme chante Jacques
Brel. Je me sentais mourir...
Heureusement, j'ai été rappelée à Saint-Luc très rapidement et
le 1er mars 1999, je suis transplantée.
!
Que du bonheur ! 15 jours en clinique et 6 mois de convalescence chez ma fille ; je revis.
J'ai ensuite subi une importante opération à l'épaule et aujourd'hui, tout
va bien : j'ai 76 ans et je suis arrièregrand-mère !
Je bénis toute l'équipe du Professeur Lerut, mon donneur et sa famille ainsi que mes filles, bien sûr.
Car pendant toutes ces périodes si
dures à vivre, j"ai toujours pu compter sur l"amour, l"aide et la présence de mes filles : je les en remercie infiniment. Tous les soirs, je prie pour tous.
MERCI, Vous m'avez rendu la vie.
Témoignage recueilli par
MARIE-FRANÇOISE FORET
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RENCONTRE AVEC
GÉRARD JANSSENS ET
CLAUDINE ADAM
Aujourd’hui, Gérard est un homme en pleine forme.
Pensionné de la S.N.C.B., il
mène une vie bien remplie!: levé
tôt, il exécute divers travaux
dans sa maison, fait son jardin
et s’occupe de bien d’autres
choses encore sans aucune
fatigue.
Et pourtant, il revient de
très… très loin. Une rencontre avec lui et sa compagne
Claudine témoigne d’un parcours médical rare et d’une
aventure humaine magnifique de tendresse mutuelle et de
complicité… jusque dans la complémentarité des réponses
qui rend leurs voix quasi indissociables.
Voici leurs réponses à quelques questions!:
Hépatotransplant :
"
Pouvez-vous retracer l’essentiel de votre aventure ?
Quand la vie se reçoit !
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Gérard et Claudine tour à tour":#
#
Tout a commencé en décembre 2003 à Libramont lors
d!une prise de sang liée à une double hernie inguinale.
Les marqueurs hépatiques dans le sang n!étaient vraiment pas bons de telle sorte que le médecin m!a adressé
au Professeur Lerut… que nous avons rencontré début
2004.
#
Les examens réalisés à l!U.C.L. ont révélé une situation
de santé compromise" : une cirrhose du foie, compliquée
de cancer. Très rapidement a débuté le traitement par
chimioembolisation. Il y en eut 7 jusqu!à l!arrêt obligé aux
environs du mois de mars 2005 car il était impossible de
poursuivre ce type de traitement... mon foie ne le tolérait
plus du tout.
"
À partir de quand la situation s’est-elle dégradée et de quelles solutions disposiez-vous ?
Claudine :#
#
Déjà en novembre 2004, une hospitalisation a été nécessaire à la suite d!une hémorragie causée par des varices
œsophagiennes rupturées. Très rapidement, nous avons
compris qu!il se passait quelque chose de grave et que
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#
nous aurions pour un bon moment quasi deux domiciles":
la maison et l!hôpital, que ce soit à Jolimont ou à l!U.C.L..
Gérard":#
Pour me guérir, il est assez vite apparu qu!une
greffe serait nécessaire. Une solution aurait été
le don d!organe par un donneur vivant. Mais je
refusais cette solution parce que je ne voulais
mettre personne de ma famille en danger. Plus
tard, ma fille Karine a voulu me donner un lobe
de son foie mais il était trop tard" car mon état de santé
m!imposait désormais de recevoir un foie complet.
Claudine":#
La santé de Gérard s!est réellement dégradée à
partir d!avril 2005. Les problèmes se sont multipliés" : une hospitalisation à Jolimont en avril
pour une thrombose à la jambe"; une autre, le 13
juin 2005, aux urgences de Jolimont vu que Gérard souffrait d!encéphalopathie et qu!une ponction d!ascite était impérative. D!ailleurs, à partir de ce
moment, les ponctions nous ont imposé des allées et venues de plus en plus fréquentes entre la clinique et la
maison.
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#
Le 14 juillet, Gérard est entré dans le coma à la maison.
Je l!ai rapidement conduit en voiture aux urgences de Jolimont où il est resté jusqu!au 28, date à laquelle il a été
transféré aux Soins Intensifs de l!U.C.L.
#
Dès ce moment, il a été placé sous dialyse car ses reins
ne fonctionnaient plus très bien.
Gérard":#
#
Régulièrement, j!ai fait des allers et retours entre l!Unité
de Soins des transplantés (U53 à l!époque) et les Soins
Intensifs, mais je ne perdais pas courage…
Claudine":#
#
Nous nous interrogions beaucoup. Je voyais bien Gérard
décliner" : le 27 septembre, il faisait une infection pulmonaire et il ne cessait de maigrir" : à la fin, il ne lui restait
que 37 kilos mais comme lui, je gardais confiance lorsque
le 4 novembre, le Professeur Lerut nous a convoquées, la
fille de Gérard et moi, dans son bureau. Il nous a annoncé ce que nous devinions et craignions" : si une greffe
n!intervient pas rapidement, Gérard deviendrait intransplantable et serait perdu à plus ou moins brève échéance.
#
C!est alors qu!un immense bonheur est arrivé": Gérard a
pu être greffé le 11 novembre 2005 mais nous n!étions
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pas au bout de nos peines" : le lendemain de la greffe,
Gérard reprenait la route de la salle d!opération car il subissait des saignements trop importants.
Gérard":#
#
Je n!ai personnellement aucun souvenir de cette
deuxième opération. Je me rappelle seulement que j!ai
récupéré très progressivement.
#
La reprise n!a pas été simple car la durée de mon alitement m!a en effet
obligé à réapprendre à marcher.
#
Au fil du temps, je
me suis senti de
mieux en mieux au
point que j!ai pu sortir moins d!un mois
après ma transplantation, le 9 décembre 2005" : le bonheur, quoi, car je
n!avais pas revu ma
maison depuis près
de 5 mois.
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Un tel parcours ne se fait probablement pas
sans moments de découragement, pour la personne malade cela va sans dire, mais aussi pour
celle qui l’accompagne. Comment avez-vous vécu psychologiquement tout ce qu’il vous est arrivé ? Quelles ont été vos craintes ? Avez-vous
eu des moments de découragement ? Où avezvous puisé la force de tenir bon ?
Gérard":#
#
À titre personnel, je n!ai jamais eu de tracas véritable
pour moi-même. J!ai toujours espéré. Je m!en faisais surtout pour les miens, notamment pour ma femme qui avait
déjà connu le malheur de perdre son premier mari. Dans
la vie, je suis un battant et je suis lucide. Quand je suis
entré dans la salle d!opération, j!ai dit":"«"Ça passe ou ça
casse"!"»
#
Ce qui m!a aidé à tenir, c!est le soutien de mes proches et
ici, à l!U.C.L., le soutien extraordinaire qu!on m!a donné
dans les deux services où j!ai été hospitalisé, le 53 et les
Soins Intensifs. On n!arrêtait pas de m!encourager, de me
dire": «"Courage"! ça va aller"!"» Tout le personnel entretenait vraiment mon moral, toutes les équipes soignantes,
c!était super.
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#
Pourtant, un jour, j!ai vraiment perdu courage. J!avais été
appelé car on croyait bien qu!un greffon était disponible
pour moi mais il s!est avéré trop gros pour moi. Là, j!ai cru
que j!allais abandonner, que tout s!arrêtait.
Claudine":#
#
Je perçois très bien ce que dit Gérard parce que tous ces
sentiments, je les ai vécus aussi comme accompagnatrice. Comme lui, j!ai espéré tant et tant. Mais il m!arrive
de me dire que, par moments, j!ai vécu plus difficilement
que lui.
#
Ce qui a été le plus dur pour moi, cela a été l!attente (un
an et neuf mois) et le sentiment d!impuissance. Il n!est
parfois pas facile de se rendre dans une chambre où l!on
sait que l!être aimé ne vous reconnaîtra pas. Il n!est pas
facile non plus de voir son mari qui venait de connaître un
mieux dans sa santé, redescendre aux Soins Intensifs
parce qu!un nouvel accroc vient de se passer. C!est arrivé"pas moins de 7 fois… et le plus long séjour a été de 15
jours.
#
Si j!ai vécu très difficilement le moment où la greffe espérée n!a pas pu avoir lieu en raison de la taille et de la qualité du foie du donneur, j!ai connu mon moment le plus dur
et un vrai découragement quand le Professeur Lerut a
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évoqué la possibilité de ne pas arriver à greffer Gérard
dans les délais suffisants pour le sauver.
#
Heureusement, j!ai toujours été magnifiquement entourée
par beaucoup de personnes, notamment par les coordinatrices, qui n!ont cessé de me rendre confiance.
Depuis la greffe, voici un peu plus d’un an,
comment vivez-vous ? La santé s’est-elle encore
améliorée ? Avez-vous déjà eu l’occasion de
profiter de votre nouvelle vie ? Dans quel état
d’esprit êtes-vous maintenant ?
Gérard":#
#
Je vais de mieux en mieux. J!ai pu arrêter la dialyse en
mars 2006 et ma fonction rénale est redevenue correcte
même si je reste actuellement sous surveillance dans ce
domaine.
En juin 2006, j!ai
déjà pu réaliser un
premier voyage en
avion" : destination" :
Lourdes. Début novembre, nous
avons repris l!avion
pour un séjour en
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Espagne.
#
Inutile de dire que je suis vraiment heureux. Je pense régulièrement à la personne qui m!a fait ce don extraordinaire. J!y ai pensé encore davantage le jour anniversaire
de ma greffe": je pensais à moi et aux miens qui sommes
dans la joie et à la famille de mon donneur ou de ma
donneuse qui est dans la peine. Parfois, je veux leur envoyer une lettre via Eurotransplant mais je ne parviens
pas à me décider car je me demande si cette lettre ne
risque pas d!accroître la souffrance de la perte de l!être
aimé.
Claudine":#
#
Comment dire autre chose que merci à tous ceux qui
nous permettent de vivre un nouveau départ dans la vie":
au donneur bien sûr, mais aussi au Professeur Lerut, à
toute son équipe, aux Soins Intensifs et à toutes les personnes qui nous ont encouragés.
"
Cette aventure médicale et humaine a-t-elle
changé votre perception de la vie ?
Gérard :#
Oui, je vois la vie tout à fait différemment. Je profite du
bonheur de chaque jour et, surtout, Claudine, comme
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moi, nous avons appris à relativiser beaucoup de choses.
Nous ne supportons plus les personnes qui font des
mondes de deux fois rien.
Si vous aviez l’un ou l’autre encouragement à
donner à ceux qui vont devoir être greffés, que
leur diriez-vous ?
Claudine et Gérard tour à tour":#
#
Soyez battants"!
#
Ne désespérez jamais"!
#
Recevez un soutien important"!
Un grand merci à vous pour ce témoignage qui,
sans aucun doute, permettra à d’autres patients
de vivre mieux leur propre situation.
Témoignage recueilli par
CHRISTIAN GOHY
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IL Y A 23 ANS,
UNE GREFFE DU FOIE
"TRÈS PRÉCIEUSE"
!
!
L’équipe «!Accueil!» d’Hépatotransplant a eu le plaisir
de rencontrer le 22 mai 2007, lors de ses permanences à
l’U.C.L., Anne-Marie Schmit, une des plus anciennes
greffées du foie, même si elle est encore jeune aujourd’hui.
Récit
#Après avoir été soignée dans une clinique d'Arlon, sa région,
Anne-Marie est envoyée aux cliniques Saint-Luc à Woluwe.
#Elle" souffre du foie," des voies biliaires ou d'une hépatite, encore inconnue... Elle fait beaucoup de rétention d'eau (ascite).
#Le Docteur Geubel la prend en charge ; elle subit différents
examens et reste en clinique durant 6 semaines..."
#Sans qu!il n!en ait encore jamais entendu parler, son frère apprend qu'elle devra, peut-être, subir une transplantation.
!
1984#: En route pour la greffe du foie.
Pas le temps de s'informer, pas le temps d'avoir peur, pas encore de coordinatrice pour expliquer, rassurer…
La transplantation se déroule bien," durant 12 heures, par le
Professeur Otte, le Docteur Kestens et le Docteur de Hemptinne.
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Durant sa convalescence, Anne-Marie prend beaucoup de" cyclosporine" ainsi que de la cortisone, pendant longtemps. Les
anti-rejets n'existent pas encore. Nous sommes en 1984. Tout
le monde est en effervescence" : Anne-Marie est une malade
très entourée, elle est suivie par toute une équipe médicale, qui
est" très soucieuse, très curieuse" de son évolution" et très inquiète aussi : elle est en effet la"troisième transplantée du foie"à
Saint-Luc.
Anne-Marie y reste 6 semaines.
Elle souffre de fatigue, de fortes migraines. Mais elle assume
au jour le jour.
!
1990.
Retour à Saint-Luc pour une menace de rejet au niveau des
voies biliaires. Un traitement de choc à l!OKT3 la sauve.
Hélas, on constate qu'elle a le virus de l'hépatite C, probablement à la suite des transfusions reçues.
"
1992 et 2003.
Elle entre à nouveau à Saint-Luc pour un" souci du côté des
voies biliaires extra-hépatiques (sténose du cholédoque). Elle
prendra de la cortisone pendant 10 ans, (elle l!arrêtera en 1994)
et puis les anti-rejets habituels.
"
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Quand la vie se reçoit
Anne-Marie reprend son travail à mi-temps dans une banque.
Elle y est très bien considérée vu la qualité de son travail antérieur"et respectée dans ses limites par son patron et ses collègues.
2007.
Aujourd'hui, c'est une toute jeune pensionnée qui se souvient....
Plus on est jeune, plus les effets de la greffe sont durs à vivre,
plus les limites sont difficiles à accepter.
"
Anne-Marie vit avec enthousiasme": "on a gagné", dit-elle. Elle
vit au jour le jour dans le respect de cette vie retrouvée, dans la
reconnaissance vis-à-vis de son donneur. La vie est une priorité
qui nous renvoie à l'essentiel. Elle vit avec une autre échelle de
valeur. Elle a appris à relativiser beaucoup de choses qui paraissent si importantes à la plupart.
Elle n'est pas vraiment intéressée par les rencontres (repas,
conférence), elle se refuse à entretenir le souvenir médical,
"
C'est réussi, donc on n'en parle plus"!
Témoignage recueilli par
MARIE-FRANÇOISE FORET
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Quand la vie se reçoit
QUAND LA GREFFE
COURONNE UNE
ABSTINENCE ALCOOLIQUE...
Hépatotransplant :
Un grand merci, André et Rose-Marie, d’aborder
en toute franchise la question de la greffe hépatique nécessitée par la destruction du foie en
raison de l’alcoolisme. André, peux-tu expliquer
aux lecteurs ton parcours qui fut loin d’être facile ?
André :#
#
Dans notre société, l!alcool est présent un peu partout, de
manière évidente ou insidieuse, et d!abord dans les mentalités. N!entend-on pas souvent dire: «"Tu prendras bien un p!tit
verre, ça ne peut pas te faire de tort..."»
Bien des personnes ont tout simplement besoin de leur apéro
par habitude sociale, parfois par besoin de réconfort moral...
Autrefois, l!apéritif était réservé au dimanche. Maintenant, on
le prend tous les jours, presque à toute heure, sans même
plus savoir pourquoi… Les hommes, les femmes savent-ils
pourquoi ? Bien souvent, non. Un verre en entraîne un autre
et la dépendance arrive très vite…
Quand la vie se reçoit !
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Tu trouves que le public n’est pas assez alerté
sur les conséquences graves de l’alcool ou, plus
exactement de l’alcoolisme ?
André :#
#
On parle beaucoup des dangers du tabac, de la drogue mais
finalement assez peu de ceux de l!excès d!alcool. Pourtant
que de drames, personnels mais aussi familiaux : des personnes qui se suicident à petit feu, consciemment ou non,
des couples qui vont à la dérive, des enfants qui ont peur des
coups…
#
C!est vrai que l!alcool en soi n!est pas dangereux et même
que, comme le dit la chanson, «" boire un petit coup, c!est
agréable"» tant qu!on sait se mesurer. Mais combien de personnes ne peuvent s!arrêter et supportent, sans trop de mal
apparent d!importantes cuites. Elles se disent qu!elles seront
capables de gérer leur consommation, et, si une fois ou l!autre elles passent la ligne rouge, elles entrent dans le cycle infernal des promesses jamais tenues, qu!elles se font à ellesmêmes, de ne plus recommencer. Croyez-moi, l!alcoolisme
n!est pas un vice mais une maladie, insidieuse, sournoise,
maligne, sans qu!il y paraisse.
"
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Comment sortir de ce cercle vicieux ?
André :#
#
En sortir n!est vraiment pas facile car il faut une prise de conscience et une décision. La prise de conscience comme la
décision, c!est la personne atteinte elle-même qui doit en
faire la démarche, qui doit se rendre compte des menaces
qui pèsent sur sa santé, qui doit établir son propre diagnostic,
décider de se faire aider et d!accepter le traitement.
#
Trop souvent, on nie la gravité de la situation ; trop souvent,
on reporte la décision à un peu plus tard, c!est-à-dire à un
état de santé davantage détérioré. Personne, pas même le
médecin ne peut prendre la décision pour le patient. Lui seul
est en possibilité de se dire : «" je suis vraiment malade, je
suis alcoolique et le seul traitement possible est l!abstinence
totale d!alcool. Je décide d!avoir la volonté qui m!a manquée
jusqu!à présent"».
#
Pour ma part, j!avais été prévenu : le médecin m!avait dit :
«"si tu n!arrêtes pas tout de suite, dans un an au plus tard, tu
es en Soins Intensifs" ». C!est ce qu!il s!est passé. J!ai vu la
mort de très près. J!ai pris vraiment conscience de mon état
quand j!ai subi plusieurs hémorragies et que ma vie ne tenait
plus qu!à un fil. C!est à ce moment-là, le 4 décembre 1984,
que d!un coup, j!ai décidé d!arrêter définitivement de boire et
je m!y suis tenu, même si cela n!a pas été facile.
Quand la vie se reçoit !
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Rose-Marie, vivre avec quelqu’un qui a ce type
de difficulté n’a pas dû être simple. Comment
as-tu vécu et géré cette période ?
Rose-Marie :
Très difficilement, comme tu peux l!imaginer. Notre relation était devenue très
tendue, nous étions même au bord du
divorce. Avant de prendre sa décision
définitive d!arrêt de boissons alcoolisées en décembre 1984, André avait
déjà essayé d!arrêter de boire. Mais quand on fait abstinence,
il faut savoir choisir ses amis. Quand on en rencontre certains
qui disent : «" Bah, c!est pas pour un petit verre..." », on est
vite reparti dans la série : un verre, puis deux, puis trois, etc.
#
Dans mon couple, j!ai toujours tenu à un principe : je voulais
la clarté et la confiance : je n!ai donc jamais caché une bouteille d!alcool dans la maison. C!est la confiance qui construit
la relation, rien d!autre…
André, quel rôle peut avoir l’entourage dans la
guérison de cette maladie ?
André : #
#
Le malade s!en sort d!autant mieux et plus facilement qu!il a
le soutien total de sa famille. Le rôle de l!entourage plus large
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Quand la vie se reçoit
(amis, collègues, voisins) est aussi très important : au début
de son abstinence, un alcoolique est fragile et peut facilement
renouer avec ses habitudes de consommation. Que les autres respectent la démarche qu!il entreprend est vital pour lui.
Par ailleurs, un alcoolique porte très vite une étiquette et il lui
est quasi impossible de l!enlever. Tiens, moi, après 23 ans
d!abstinence totale, je la porte encore pour certaines personnes, cette fichue étiquette !
#
Chaque être humain devrait apprendre à se remettre en
question car quelque part nous avons tous des problèmes
que nous ne voulons pas aborder. Pour moi, cela a été et ce
n!est plus l!alcool ; mais pour un autre, ce sera, la cigarette,
pour un autre encore la boulimie, l!anorexie
ou tant d!autres dépendances dangereuses…
Chaque personne malade, et quelle que soit
la maladie, est en droit d!attendre de la société qu!elle ne pose pas de trop rapides et
trop faciles étiquettes. Un regard confiant,
qui n!appose pas d!étiquettes, qui entoure
la personne malade d!un appui bienveillant et durable est
la toute première clé de la guérison pour le malade alcoolique.
#
C!est ce qui m!a permis de m!en sortir : merci à mes proches,
merci à mon gastro-entérologue, le Dr Pierre Migeotte de
Quand la vie se reçoit !
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Tournai d!avoir cru en moi. Certaines personnes n!ont pas eu
ma chance d!être aidées, d!avoir pu bénéficier d!une greffe.
Quel cadeau incroyable dont je me montre digne depuis 23
ans en ne buvant plus une goutte d!alcool et j!en suis fier.
Tu as cessé de boire début décembre 1984 et tu
as dû être greffé en avril 2000.
André :#
#
Oui, mon foie a certainement souffert de l!alcoolisme mais la
situation s!est compliquée en raison d!une autre maladie, héréditaire, qui faisait que mon foie ne se régénérait plus.
As-tu vécu ta greffe comme une forme de responsabilité vis-à-vis de ton donneur et des médecins qui avaient parié sur toi ?
André :#
#
Sans aucun doute. Vis-à-vis de moi-même d!abord qui ai tant
œuvré à devenir abstinent et qui continue de le faire. Je ne
suis jamais allé aux Alcooliques Anonymes. J!ai travaillé sur
moi-même et j!ai été fortement aidé par mon entourage. J!ai
aussi vécu cette greffe comme une reconnaissance du chemin accompli. Une des plus belles phrases qui m!ait été jamais dites, c!est le Docteur Migeotte qui l!a prononcée : «"Tu
l!as bien mérité, ton nouveau foie !"»
38!
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Quand la vie se reçoit
À ceux qui connaissent actuellement ce problème que tu as connu, quels encouragements
leur donneriez-vous ?
#
Rose-Marie et André se concertent et répondent ensemble :
$
$
$
#
#
Prendre conscience et reconnaître sa maladie.
#
Avoir foi en soi.
#
Recevoir un énorme soutien de la famille.
Ceux qui connaissent pareil problème peuvent, s"ils le souhaitent, prendre contact avec nous. Ils ne trouveront pas en
nous des juges mais une oreille attentive.
André et Marie-Rose
BOUCHER
Rue de la Culture, 149
7500 TOURNAI
Tél. et fax :
069 21 26 27
TÉMOIGNAGE RECUEILLI PAR
CHRISTIAN GOHY
Quand la vie se reçoit !
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39
POUVOIR À NOUVEAU
ADMIRER LA NATURE...
J
e souffre d!une maladie héréditaire qui s!appelle...
«"Polykystose hépatorénale"».
Cette maladie a commencé par les reins vers 1990 et seulement une dizaine d!années plus tard, on a découvert des kystes
au foie, car celui-ci, de 2001 à 2003, avait fortement augmenté
en volume.
À ce moment, je prends rendez-vous avec le Professeur Gigot.
Il me conseille plusieurs examens, dont un «" scanner" » pour
examiner l!état du foie. Celui-ci étant très polykysté, il était donc
justifié que la seule solution soit une greffe.
Toutefois avant d!envisager cette greffe, il fallait s!assurer qu!il
n!y avait pas d!anévrisme au cerveau (ce qui arrive occasionnellement dans le cadre de cette maladie). Malheureusement,
c!était le cas !
Il fallut avant toute chose traiter l!anévrisme par la pose d!un
«"stent"» par artériographie.
40!
Hépatotransplant Bruxelles-Brussel!
Quand la vie se reçoit
Ensuite j!ai vu le Professeur Lerut, et après tous les examens
préliminaires, il m!a conseillé la greffe, pour mon confort, car le
foie avait atteint une grande dimension.
La décision de la greffe a été prise avec mon mari et mes filles
qui m!ont bien entourée, de même que mes amis. Ce fut très
important pour moi d!être soutenue moralement.
L!attente a duré 13 mois, les derniers mois ont été très lourds. À
cette époque, j!ai fait 10 allers-retours en clinique pour différents problèmes.
Le 6 février 2006 à 18 h., le téléphone sonne tout à coup et j!ai
la joie d!entendre Francine qui m!annonce un foie. Elle devait
me rappeler deux heures plus tard pour me dire s!il était compatible, ce qui fut le cas.
Toute la famille était là pour m!encourager. Cette difficile période prenait fin.
L!opération s!est bien passée, mais le réveil fut très pénible : j!ai
eu plein de cauchemars. Après un jour de soins intensifs, je
suis restée dix jours au 53, soignée par un personnel attentif et
efficace.
Puis ce fut le bonheur de se retrouver chez soi, où revinrent
Quand la vie se reçoit !
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l!appétit et le sommeil, et selon les conseils donnés, repos et
promenades de cinq minutes puis de dix, etc.
La prise de médicaments se passe sans inconvénient.
Ma très grande reconnaissance va au Professeur Lerut et à
toute son équipe de coordinatrices et d!assistants pour leur
compétence et leur dévouement. Elle va également au donneur
et à sa famille qui m!ont permis de revivre et de voir grandir
mes petits-enfants. J!insiste aussi pour remercier les bénévoles
qui sont à notre écoute.
Récemment encore, voyant la neige scintiller sur les buissons,
j!ai dit à mon mari,
combien j!étais
heureuse d!avoir
encore la chance
d!admirer ce superbe paysage.
YVETTE OVART
Témoignage recueilli par
MARIE-THÉRÈSE PARMENTIER
42!
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Quand la vie se reçoit
RECETTES POUR ESPÉRER
CONTRE TOUTE ESPÉRANCE
Ou comment une famille mais aussi tout un milieu de vie
fait face aux trois greffes successives qu’a dû subir
Quentin.
#Vous nous avez tous demandé un jour ou l!autre":
#“Mais comment vous faites pour tenir le coup" avec tout ce qui
vous arrive"?”
#Et bien, voilà":
#Au cas où il vous arriverait aussi l!une ou l!autre petite catastrophe…
#Ce soir, nous avons décidé de vous refiler nos meilleurs tuyaux
pour tenir le coup quand le ciel vous tombe sur la tête.
DES MÉDECINS
COMPÉTENTS
ET HUMAINS
D!abord, il est important d!avoir un excellent médecin de famille. Qui voit clair et
très vite. Quelqu!un qui fera faire les
bons examens et qui vous aiguillera vers
les bons spécialistes.
Ne pas perdre de temps, c!est important.
Choisissez un médecin de famille qui vous tiendra la main jusqu!en salle d!op.
Merci Jean Philippe.
Quand la vie se reçoit !
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43
Si vous avez un ami docteur à Gilly, comptez sur lui pour vous
expliquer tout ce que vous ne comprenez pas, pour vous rassurer et vous obtenir des tas de rendez-vous en urgence": scanner, Echo, IRM": Merci Denis.
Trouvez ensuite un spécialiste, toujours à Gilly, qui viendra vous
consoler jusque dans votre salon et puis vous accompagnera à
St-Luc. Merci Mr Descamps.
À ce moment-là, il est très important
que le malade soit inscrit dans une
UNE ÉCOLE QUI
bonne école. Surtout si les événements
VOIT D’ABORD
se passent en plein festival d!arts d!ex-
L’INTÉRÊT DU
pression. Parce que Quentin a joué
JEUNE MALADE
Iphigénie malgré tout, merci Mr Wéry.
#
Des profs qui viennent donner des cours à Aiseau ou à l!hôpital,
des profs qui viennent faire passer des examens à domicile à
leur élève en pyjama, c!est extraordinaire.
Pour le journal de classe et l!homologation, pour les 2 demirhétos, pour votre façon à tous d!avoir aidé et soutenu Quentin":
merci les profs de Pie 10."
Certains amis de Quentin s!y sont mis aussi pour les cours à la
maison" ; en physique, en néerlandais et en histoire. Merci à
Daniel pour la physique nucléaire et à Danielle pour le résumé
44!
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Quand la vie se reçoit
d!histoire juste avant l!examen de Mr Van Malder... Merci aussi
pour les fous rires en flamand"!
Heureusement que dans la famille, on a aussi une prof de langues"; merci Marie-Christine pour l!examen de néerlandais. Tu
as réussi…
UN ENTOURAGE
(FAMILLE, AMIS,
VOISINS) À
TOUTE ÉPREUVE
Ce qu!il faut aussi, c!est avoir des copines qui vous emmènent chez Ikea pour
vous changer les idées. Faites ensuite
la liste de vos amies qui ont une machine à expresso.
Quand on n!a pas le moral, rien de tel que d!aller boire un p!tit
café.
Merci Anne-Françoise, Marie-Françoise, Tacha, Laurence, Lina,
Martine, Nicole et Anne-Marie.
Je vous conseille aussi de faire partie d!une chorale. Par exemple, l!excellente Girolle (qui recrute en ce moment des voix
d!hommes"!) Pour tout ce que vous êtes, pour cette solidarité
contagieuse qui vous caractérise, pour tout ce que vous avez
fait, parce qu!à Namur, vous avez chanté pour Quentin"(même
si ça n!a pas vraiment marché pour le concours, l!important ce
jour-là, c!était la greffe)": merci à la Girolle.
Quand la vie se reçoit !
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45
Ensuite, osez demander de l!aide. Les
OSEZ DEMANDER
copains et la famille n!attendent que
DE L’AIDE
ça car ils ne savent pas trop quoi faire
d!autre. Il vous arrivera à ce moment-là, des coups de main de
partout. Tellement incroyable qu!il faudra nommer une responsable de l!organisation. Merci Tacha.
Surveiller votre poids deviendra alors impossible vu l!affluence
de hachis Parmentier, de couscous, de sauce bolognaise, de
boulettes sauce tomate, de courgettes farcies, de lasagnes, de
risotto, de plats turcs, de gratins dauphinois, de tartiflettes, de
pâtes à toutes les sauces, de crêpes, de mousse au chocolat,
de galettes, de soupe et de pains maison" : Merci à tous ceux
qui ont nourri notre famille avec autant d!amour"!
Acceptez aussi toutes les invitations, qu!elles soient dans la famille, chez des amis ou même dans des petits restos Bruxellois
sympas. Merci pour toutes ces soirées en dehors de l!hôpital"!
Dispatchez vos enfants plus jeunes dans des familles d!accueil,
ils seront très gâtés et un peu épargnés de tout ce stress. Merci
les Gueur et les Debacker d!avoir été prêts à accueillir nos deux
petits 24h/24, merci Timothée et Nathalie d!avoir partagé vos
chambres si souvent avec Antoine et Camille, merci les Lemaigre, les Giambona, les Hanus, les Alaime, les Van Hée, les
46!
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Quand la vie se reçoit
Scarnière et encore les Gueur pour les week-ends et les vacances.
Achetez un GSM et apprenez à envoyer des SMS. C!est fou ce
que ça fait du bien d!entendre tiliptilip. Merci pour tous les SMS
qui disaient": on pense à vous"!
POUVOIR ÉCHANGER
DES “MESSAGES
CODÉS” AVEC UN
AMI GREFFÉ QUI VA
BIEN
Important aussi" quand y!a rien qui
va": il faut avoir un ami greffé qui va
bien"!!! Et ainsi vous pourrez vous
envoyer des messages codés": bili":
0,7 ; Gamma" : 14 ; G.O.T" : 18 ;
Phosphatases" : 109 ; Tacro" : en
cours. Merci Michel et Françoise,
vous avez été notre phare tout le temps dans la tempête.
Composez ensuite une équipe lessive-repassage. Elles arrivent
à 3 en même temps avec leur planche et ça valse à toute vapeur. Merci à toutes les copines, mamy, sœurs et belles-sœurs
championnes du fer à repasser.
Savoir se servir d!Internet est un
atout. En un clic, donnez des nouvel-
COMMUNIQUER
les à tout le monde en même temps.
PAR INTERNET
Économisez votre énergie, c!est tel-
ÉCONOMISE
lement fatigant de dire 100 fois la
VOTRE ÉNERGIE
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même chose au téléphone, surtout quand ça ne va pas"! Restez en contact avec l!extérieur car la vie continue en dehors de
l!hôpital.
Raconter est une vraie thérapie. Merci à tous ceux qui ont suivi
nos aventures sur le net, partagé nos angoisses et nos espoirs
et répondu à nos messages.
Mais pour avoir Internet à l!hôpital, pas facile… Sauf si on connaît Francine et Chantal. Ces deux coordinatrices de transplantation hépatique se coupent en quatre pour vous faire plaisir.
Pour votre écoute et vos encouragements par téléphone, pour
votre gentillesse à notre égard, pour les petits cafés et les pralines qui consolent, pour la confiance que vous m!avez accordée
en me passant la clé du bureau et le code de l!ordinateur": merci Francine"! Merci Chantal"!
CRÉER DES
RÉSEAUX
Travailler en association vous permettra de
passer en coup de vent au bureau. Toute
mon équipe d!associés était prête à prendre
le relais à chaque hospitalisation. Période chahutée par les
événements familiaux mais aussi avec mon opération au dos,
le déménagement des bureaux, la cour d!assises en direct du
Roseau. Merci les associés et les collaborateurs.
Avoir des amis passionnés de jardinage quand on mal au dos,
c!est génial.
48!
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Pour l!entretien des parterres et les conseils jardin, merci Serge
et Lise"!
Pour tout autre dépannage, appelez le 77 72 95, notez bien": 77
72 95"; il habite au bout de la rue, il a tout plein d!outils et il sait
s!en servir. Service rapide et travail réalisé par le patron.
Merci Michel"!
Revenir de Saint-Luc un jour de grand bouchon sur le ring avec
une opérée de la tuyauterie restera un de nos grands souvenirs
communs. Merci Danielle"!
Pour le moral de la famille, ils sont prêts à tout" : vous donner
leurs places de spectacle et puis envoyer en l!air toute notre tribu faire des photos d!Aiseau vu du ciel": merci Danielle et Christian"!
Pour le moral du malade, inscrivez-le chez les scouts de Roselies. Ils le nommeront chef de troupe"!
Ambiance garantie à toute heure dans les couloirs de l!unité 53.
Pour votre soutien incroyable, merci les scouts, merci les staffs,
merci l!unité de Roselies.
Avoir de bons voisins quand on a 5 enfants, c!est important…
Il y a en effet toujours bien un trajet à faire pour la gare, l!académie, la danse, l!orthodontiste, l!école, le catéchisme ou les
Quand la vie se reçoit !
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scouts. Ils sont aussi très généreux en tomates, courgettes et
fraises": Merci les voisins"!
Faire deux demi-rhétos, c!est aussi faire 2 voyages de fin d!études… et connaître deux fois plus de copains de classe. Merci
aux rhétos 2004 et 2005 du collège Pie 10. Merci d!avoir accepté Quentin malgré son état. C!était limite raisonnable. Merci
pour les batailles au pistolet à billes en Italie et pour le tournage
du film Urgences en Espagne (avec de vrais costumes offerts
par le Dr Brenard).
Merci Madame Daube d!avoir chouchouté mon gamin"!
Avoir des copains qui débordent
d!imagination, c!est aussi un bon
plan": quelques mercis particuliers":
POUVOIR COMPTER
SUR LES COPAINS
à Claire, Pauline, Marie et Julien
pour leur fidélité, à tous ceux qui ont invité Quentin à passer
une nuit dans leur kot, à Guillaume qui est venu fêter ses 20
ans à St-Luc, à Bertrand, Benjamin et Aurélien pour les pizzas,
à l!autre Quentin qui est passé tous les jours, à tous ceux qui
nous ont prêté des DVD, BD et des jeux. Merci aux filles qui ont
décoré la chambre 561. Merci à ceux qui sont venus passer
une nuit à l!hôpital. Merci à ceux qui l!ont kidnappé pour aller
voir un concert.
50!
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Quand la vie se reçoit
Merci à tous d!être restés de fidèles amis souteneurs de moral
car ce n!était pas toujours facile" ! Et ça vous coûtait cher en
train et en métro"!
Merci les copains de Quentin"!
Et puis, quand les grands jours d!opération et d!inquiétude arrivent, achetez des actions Proximus et Mobistar": vous ferez de
bonnes affaires toute la journée grâce à nous car nous sommes
soutenus sur les ondes durant de longues heures. Merci à tous
de nous avoir portés par vos messages, vos pensées et vos
prières.
Se réveiller aux Soins Intensifs, entourée de gens qui vous aiment, ça c!est le meilleur. Merci Anne-Françoise et Denis, merci
Mamy et Papy. Merci Nicole. Merci Gérard et merci les enfants.
DITES-VOUS TOUS
LES JOURS: ÇA VA
ALLER !
Faites une fête chaque fois que quelque chose va bien.
Gardez votre humour et dites-vous
tous les jours":"«"ça va aller"».
C!est presque fini… Il reste une page"!
Mais dans toute recette, il y a un petit quelque chose qui fait
que c!est génial…
Comme ajouter de la crème ou faire flamber au grand Marnier.
Quand la vie se reçoit !
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Et ça, c!est notre dream team de docteurs…
Dans notre épreuve, nous avons eu la chance de rencontrer
des médecins proches, sensibles et extraordinairement compétents qui nous ont toujours parlé d!espoir et de qualité de vie,
qui y ont toujours cru, qui nous ont toujours beaucoup écoutés.
Ce soir, nous sommes heureux de dire devant tous nos amis
combien vous tous, les « professionnels de la santé" », vous
comptez pour nous.
Merci au service des prises de sang à domicile. Merci à Mr Poroli qui est venu tous les lundis et qui se réjouissait avec nous
quand les résultats étaient meilleurs. Merci pour tous vos coups
de téléphone. Ca va aller aussi chez vous.
Merci au «"marchand de sable"» préféré de tout Saint-Luc, le Pr
Veyckemans qui est sans aucun doute à l!origine du choix
d!études de Quentin. Quentin était rassuré quand vous étiez là,
même s!il a fallu parlementer souvent pour vous avoir…, vous
êtes élu le plus gentil docteur du monde parce que quand vous
êtes là avec votre beau sourire, on n!a plus mal… quant à moi,
ce fut un réel plaisir de m!endormir dans vos bras" ; merci Mr
Veyckemans"!
52!
Hépatotransplant Bruxelles-Brussel!
Quand la vie se reçoit
Merci Mr Brenard pour vos paroles d!encouragement au quotidien, votre incroyable disponibilité au téléphone ou en consultation sans rendez-vous.
Parce que vous avez pris Quentin comme stagiaire dans
votre service quand l!attente de la troisième greffe devenait
insupportablement longue et qu!il fallait l!occuper,
Parce que vous avez le ton juste et l!humour qui va avec,
Parce que vous êtes un médecin sympathique,
Parce qu!on retiendra vos 3 phrases célèbres":
• les résultats sont superposables…
• avec vous, je n!ose plus rien dire…
• et la plus belle" : je ne sais pas quand ça ira, mais ça
ira, j!en suis sûr"!
Vous aviez raison"! Merci, Mr Brenard"!
Merci Mr Lerut de nous avoir dit un jour que vous considériez
Quentin comme votre gamin. C!était vraiment ce que vous pouviez nous dire de mieux pour nous rendre courage. À partir de
ce moment-là, «"le plus vite que c!est possible"» prend un sens
différent, même si l!attente est insoutenable, on attend avec
confiance.
Parce que vous vous êtes acharné": merci Mr Lerut"!
Parce que vous vous êtes arrangé pour vous casser le poignet juste entre 2 greffes de Quentin et que vous étiez réparé pour la suivante,
Parce que vous répondez toujours à mes mails,
Quand la vie se reçoit !
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Parce que vous n!avez jamais regardé votre montre chaque
fois que je venais vous trouver dans votre bureau,
Parce que vous avez eu la gentillesse de nous donner votre
numéro de GSM et que c!était hyper-rassurant,
Parce que vous êtes un chirurgien exceptionnel, l!as de la
transplantation hépatique mais que malgré ça, vous êtes
quelqu!un d!infiniment humain et de disponible":
MERCI AUX FAMILLES
DE DONNEURS ET AU
Merci Pr Lerut.
DREAM TEAM DES
MÉDECINS
Et enfin, merci aux familles des deux donneurs.
C!est aussi une des leçons de cette expérience de vie" : nous
avons appris la beauté du geste gratuit.
Prenez soin de vous. Militez pour le don d!organes. Allez vous
inscrire à la commune.
Et maintenant, bon appétit"!
MYRIAM HUCQ,
maman de QUENTIN
54!
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Quand la vie se reçoit
MES PÉRÉGRINATIONS SONT
IRRÉVOCABLEMENT
TERMINÉES.
J’
essaie dans cet article de faire, d!une manière différenciée, un compte rendu de l!histoire de ma maladie, de la
période qui a précédé à celle qui a suivi ma transplantation. Je
ne veux pas seulement décrire tout ce qu!il m!est arrivé, pas
seulement communiquer des faits, mais aussi, le plus honnêtement possible et sans tout prendre au sérieux, restituer les
émotions liées à mon expérience.
Très tôt dans ma vie, j!ai été confronté à la dualité de l!existence humaine qui voit s!opposer la dépendance (souffrance,
maladie) et l!autonomie (plaisir, jouissance). Probablement, cela
a-t-il aussi déterminé qui je suis devenu, les choix que j!ai fait
dans la vie, ce que je fais, etc.
Je suis le fils aîné d!une famille de cinq enfants et lorsque
j!avais quelques mois, j!ai contracté," dans ce que l!on appelait
encore le bonheur de l!enfance, la coqueluche. À cela s!ajoutèrent encore des complications et je fus malade au point de ris-
Quand la vie se reçoit !
Hépatotransplant Bruxelles-Brussel!
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quer la mort. Mais le monde médical ne put trouver exactement
ce qu!il se passait. De justesse, j!ai échappé à la mort.
Il va de soi que je n!ai aucun souvenir conscient de cet épisode
mais je me suis demandé de temps à autre quelle influence un
tel événement avait pu avoir sur mon développement comme
enfant et comme personne. Comme traitement, je reçus une dizaine de fois par jour des injections de pénicilline, le premier
antibiotique à avoir été mis sur le marché dans les années cinquante. Bien des années plus tard, mon médecin de famille me
raconta que peut-être cela n!avait pas dû être très bon pour
mon foie.
Pourtant, je grandissais normalement, j!étais en bonne santé,
j!avais le bonheur d!être un excellent élève à l!école et depuis
mon plus jeune âge un bon footballeur, ce qui, en ce temps,
dans ma catégorie d!âge, me procura beaucoup de prestige,
d!estime et de sympathie. Mes parents étaient sévères mais
m!aimaient et mes grands-parents n!avaient d!yeux que pour
moi. Je n!avais aucun manque, ni en structures et règles, ni en
affection. En d!autres termes, j!ai eu, entre autres, la chance de
bien développer la persévérance et un sentiment positif de dignité, facteurs de grande importance pour pouvoir se jouer positivement des contretemps dans la vie ultérieure.
56!
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Quand la vie se reçoit
Mon but n!est pas de raconter ma vie entière, mais ma maladie
commença lorsque j!avais environ 30 ans. Je consultai alors un
dermatologue à propos de problèmes restreints à la peau, une
sorte d!acné qui devait être assurément d!origine nerveuse. Celui-ci me prescrivit de la vitamine A. Ce qu!il oublia malheureusement de dire, c!est que la vitamine A est une vitamine qui se
résorbe en graisse et qu!il ne faut point trop en prendre sous
peine de la voir s!accumuler et endommager le foie.
Ignorant totalement ce fait, je poursuivis la prise de la vitamine
A, qui est en vente libre en pharmacie, et cela durant presque
un an.
C!est alors, je parle de 1983, qu!arrivèrent toutes sortes de problèmes corporels, des ongles incarnés aux orteils jusqu!à une
énorme accumulation de liquide (ascite) dans la région abdominale. Après différentes consultations auprès d!un spécialiste
de médecine interne, je vins me faire aider dans un hôpital local
où, après différents examens invasifs, on me convainquit que je
souffrais du syndrome de Butt-Chiari, une maladie qui désigne
la formation de grumeaux de sang dans les veines et qui, après
six mois au maximum, mène à la mort.
Le docteur venait de me dire cela avec nervosité et lorsqu!il eut
disparu de ma vue, c!est la seule fois que j!ai pleuré.
Quand la vie se reçoit !
Hépatotransplant Bruxelles-Brussel!
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Là-dessus, je fus transporté au «"Gasthuisberg"», l!hôpital universitaire de Leuven, où l!on me refit encore des examens et –
heureusement – où l!on en vint à d!autres conclusions. C!est là
que l!on put, après une observation de plus d!un mois, dresser
la carte du problème de la vitamine A et de ses conséquences.
Il fut ainsi clair qu!il était déjà question d!une fibrose hépatique
et que celle-ci allait se développer jusqu!à la cirrhose. Le pronostic n!était donc pas très favorable. J!étais totalement affaibli
et j!avais encore certainement besoin de six mois avant de
pouvoir reprendre le travail. Cette période se passa très difficilement : j!avais entre autres à nouveau de l!ascite qui m!empêchait quasi de respirer et je souffrais de nombreux autres maux.
Je me souviens qu!il y eut des moments où je perdais courage,
où je n!avais plus d!espoir de rétablissement, où je me sentais
coupable vis-à-vis de ma femme et de mes enfants et où je désirais la mort.
Heureusement tout cela se termina merveilleusement bien, et
après un certain temps je changeai de travail. Je débutai
comme marketing manager dans la division %film et télévision!
d'une grande multinationale, un job qui impliquait beaucoup de
voyages dans le monde entier et de nombreux contacts avec
des gens extrêmement passionnants et créatifs : les metteurs
58!
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Quand la vie se reçoit
en scène, les cameramen, les producteurs, et même parfois
des étoiles du cinéma. J'ai fait cela avec beaucoup de plaisir.
Cinq ans se passèrent sans problème. C!est alors qu!une nuit,
je fus pris d!une énorme hémorragie qui se fit tant par les voies
orales que par les voies rectales. Ma femme me conduisit en
toute hâte au service d!urgence de la clinique (“Universitair
Ziekenhuis Antwerpen”). À nouveau, les examens se succédèrent, mais les hémorragies revinrent à la clinique et même à
deux reprises... Différents médecins et infirmières furent chaque
fois alertés. Heureusement, on put chaque fois en un temps record m!amener aux Soins Intensifs où l!on parvint à me donner
immédiatement des transfusions et à me stabiliser. La
deuxième fois, les médecins pensèrent pourtant que j!allais
mourir : ma femme fut immédiatement prévenue, mais apparemment je ne voulais pas mourir. Les varices rupturées dans
l!oesophage et l!estomac furent suturées mais un traitement
plus radical s!imposait. Des consultations furent prises auprès
de médecins d!autres cliniques dans notre pays et même à
l!étranger. Il en résulta que la transplantation n!était pas encore
nécessaire mais il fut décidé de placer un shunt portocave (en
raison de la cirrhose de mon foie, un problème d!hypertension
portale était apparu ; comme la transition du sang dans le foie
était devenue problématique, des varices s!étaient formées
Quand la vie se reçoit !
Hépatotransplant Bruxelles-Brussel!
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dans l!estomac et dans l!oesophage, et le sang cherchait toujours un autre chemin vers le coeur).
C!est ainsi que je fus transféré de l!Universitair Ziekenhuis
Antwerpen à Saint-Luc où le professeur Otte opérerait pour
placer le shunt. Je fis la connaissance de l!Unité 53 et de quelques infirmières incroyablement jolies. Mon sentiment esthétique a toujours été bien développé mais, surtout, quel homme
peut rester insensible devant tant de beautés ?
Elles avaient surtout à mes yeux un petit côté exotique car
j!étais Flamand et elles Francophones.
L!opération fut reportée une première fois car à ce moment un
patient italien devait être transplanté (il y avait encore à l!époque beaucoup d!Italiens au 53). Je deviendrai plus tard l!ami de
la fille de ce patient italien. On faillit une deuxième fois remettre
l!opération car il n!y avait pas assez de lits en Soins intensifs
(pour après l!opération). Je négociai avec le Professeur Otte : il
se chargerait de trouver un lit supplémentaire pour que mon
opération puisse avoir lieu et je promettais de venir dans un de
ses cours pour illustrer son exposé. Sitôt dit, sitôt fait ; le Professeur Otte me demanda surtout encore de consentir à une
interview avec un de ses assistants qui serait enregistrée en
vidéo ; l!opération serait également filmée. Ces enregistrements
60!
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Quand la vie se reçoit
vidéo existent probablement encore toujours, même s!ils ont
vieilli entre-temps. Les opérations de placement de shunts se
font aujourd!hui d!une toute autre façon.
En tous cas, l!opération a été une réussite et j!ai pu quitter la
clinique après deux semaines. La période de rétablissement a
duré trop longtemps à mon goût, mais enfin... Je repris le travail
après quatre mois. Je dus au début mordre encore sur ma chique car j!étais si vite fatigué. Je me rappelle qu!en mai 1991,
durant le Festival de Cannes, où nous étions présents avec notre firme, je dus encore parfois rentrer à l!hôtel durant la journée
pour me reposer quelque peu. Je maudissais alors le monde
entier.
À partir de ce moment, j!ai continué ma vie et je n!ai quasi plus
connu aucun problème durant 15 ans. La décision d!attendre
avant de procéder à une transplantation et de placer entretemps un shunt a été indiscutablement une remarquable décision.
Nous sommes maintenant en 2004. Lors de ma visite de contrôle semestrielle à l!Universitair Ziekenhuis Antwerpen, une
tumeur au foie est diagnostiquée. Ce n!était pas une vraie surprise. Des années auparavant, j!avais été informé par mon mé-
Quand la vie se reçoit !
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61
decin traitant de l!U.Z.A. qu!une cirrhose peut mener au cancer.
Ce moment était arrivé de toute évidence. On veut me transplanter à l!U.Z.A. Les examens préliminaires commencent.
J!apprends cependant, grâce à des amis, que l!expérience de
Saint-Luc (près de 1500 transplantations hépatiques à cette
époque) était largement supérieure à celle d!Antwerpen (seulement 25 transplantations !), et j!entends parler en termes élogieux du Professeur Lerut. J!ai décidé à ce moment, même si
cela reposait peut-être sur des préjugés, de me rendre à SaintLuc et de m!y laisser transplanter. Par parenthèses, je trouve
d!ailleurs qu!un ou deux centres de transplantation dans notre
pays constitueraient une bien meilleure alternative, car cela signifierait concentration de l!expérience, de l!expertise et de la
recherche. Au lieu de cela, chaque hôpital universitaire veut absolument réaliser des transplantations.
Les consultations auprès du Professeur Lerut, la première rencontre avec Francine et Chantal, l!information reçue d!elles, la
signature du consentement éclairé, les examens du bilan prégreffe, tout s!enchaînait, comme on le sait. Je n!en ai, comme
chacun je le crois, que des souvenirs positifs.
Il s!en suivit une période de deux années complètes d!attente.
C!est long. Plus c!était long, plus je devenais impatient. Mais je
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Quand la vie se reçoit
savais que cela pouvait durer longtemps et j!avais le bonheur
de ne pas être malade et de pouvoir poursuivre ma vie normale
et mon travail.
En revanche, j!ai senti que plus l!attente était longue, plus je me
fatiguais. Le cancer fut également traité à deux reprises, la
première fois par une alcoolisation (pour dire simplement : de
l!alcool presque pur est injecté dans la tumeur qui en est détruite). Je n!en ai été que peu ou pas gêné. Le lendemain de
l!intervention, je suis allé manger à l!extérieur avec mon amie
(j!étais séparé de ma femme depuis 1995) au lieu de rester
dans le service. La deuxième fois que la tumeur a dû être traitée, elle le fut par chimioembolisation (pour ce que j!en ai compris, je crois qu!on empêche l!arrivée du sang dans la région du
foie où se trouve la tumeur). Mon Dieu, là je n!en ai pas été
bien pendant un mois.
Une tout autre expérience fut de nature relationnelle. Initialement, lorsque le diagnostic de cancer du foie fut posé et que la
nécessité d!une transplantation hépatique fut évidente, je réagis
d!une manière négative. C!était pour ainsi dire comme si de rien
n!était, la vie se poursuivait normalement. C!était très difficile
pour mon amie : le cancer était pour elle une notion emplie de
sens. Quand elle avait 21 ans, sa maman avait souffert d!un
cancer du sein en phase terminale et elle l!avait soignée à la
Quand la vie se reçoit !
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maison jusqu!à sa mort. Toute cette période fut chargée de
beaucoup d!anxiété, de sentiment d!impuissance et de conflits,
parce qu!elle avait eu depuis l!enfance une lien étrange et dangereux d!attachement à sa mère.
Mon amie voulait que j!aille trouver des médecins qui pratiquent
la médecine alternative, de préférence un médecin qui pratique
ou bien la médecine Ayuryeda ou bien la médecine traditionnelle chinoise envers lesquelles j!étais très sceptique et dont je
n!éprouvais nul besoin. Finalement, elle décida qu!elle ne pouvait vivre plus longtemps avec un homme plus âgé de 10 ans
qu!elle, qui était malade et qui d!après sa présentation des événements mourrait peut-être. Elle ne voulait plus être confrontée
à cette situation et elle cassa la relation.
C!était évidemment un coup dur pour moi, car je l!aimais passionnément. Bien que j!eusse des amis et amies fantastiques
qui ont fait tout leur possible pour m!accueillir, je commençai à
me retirer de plus en plus des contacts sociaux. Je développais
certainement des sentiments de légère dépression et une réelle
léthargie (plus aucune envie de faire quoi que ce soit), etc.
Progressivement, j!ai cependant repris le dessus. J!écrivis dans
cette période de nombreux poèmes (j!ai toujours connu des périodes où j!écrivais des poèmes). Un exemple :
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Quand la vie se reçoit
Vivre, mon amour, c!est édifier des forteresses
contre la mort
Contre la puanteur des entrailles,
une occupation folle
Mais lorsque tu acceptes le retour des ans
Tu vis jusque dans l!éternité
La mort gît, maintenant écrasée,
sous des mètres de poix
et tu ne lui as donné ni veines ni sang
Elle est ta mort, ta crotte,
ton flux, ton reflux
Tu connais la tristesse du soleil sans partenaire
Tu sais comment tu heurtes parfois ta lignée
jusqu!au sang,
Comment tu as enterré vivante ta bien-aimée
Et comment tu as fait pour revenir en vie.
La mort est restée au loin,
Hors les murs de la ville.
Mais lointaine est aussi la vie
Tu t!es bien trompé toi-même
Quand la vie se reçoit !
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Et alors, à un moment inattendu, au plein milieu d!un entretien
thérapeutique avec une de mes clientes, mon GSM sonne.
Chantal au bout du fil" : l!on dispose du foie d!un donneur probablement compatible. Elle retéléphonera pour me faire savoir
si la transplantation peut avoir lieu (si le foie du donneur est
compatible). Quelques heures plus tard, je suis sur la route de
Saint-Luc. Il est à peu près 6 heures du soir. Mon père me conduit, il a 76 ans et file à 150 à l!heure sur l!autoroute. Si je survis
à sa conduite, je survivrai certainement à la transplantation,
pensai-je. Le grand avantage que tout aille aussi vite est que je
n!ai le temps ni de réfléchir, ni même d!avoir peur.
Je me présente au service des Urgences. Ils savent que j!arrive, Chantal les a prévenus. Après quelques examens préparatoires et prises de paramètres, je me suis mis au lit et je fus
emmené vers la salle d!attente de l!espace opératoire. Je suis
resté allongé là à attendre un petit moment et je ne me souviens de rien de ce qu!il s!est passé par la suite. Je pense
m!être réveillé tandis qu!ils me faisaient entrer en Soins Intensifs. Et là je dus rester une semaine complète car il y avait
quelques problèmes après l!opération" : mes reins ne travaillaient plus, je n!avais pas assez d!oxygène dans le sang et
encore quelques autres détails dont je n!ai plus le souvenir
exact. Bien que je fusse conscient, je ne parvenais pas encore
66!
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Quand la vie se reçoit
à penser correctement et je ne réalisais pas encore pleinement
ce qu!il s!était passé. Tout se passait comme si c!était en dehors
de moi. Une sorte de dépersonnalisation donc. Effet de l!anesthésie et des médicaments"? Régression cognitive"? Je devais
souvent, des heures durant, mettre un masque à oxygène étroitement fermé, que je trouvais vraiment beaucoup trop petit et je
détestais cela. Je devais aussi de temps à autre me rendre en
dialyse. Mais je ne m!en rendais pas bien compte, c!était indolore et je n!ai donc pas trouvé cela si grave. Je détestais aussi
être cloué au lit durant des jours entiers et être, pour l!hygiène
et bien d!autres choses, dépendant de toutes jeunes infirmières
qui auraient pu être facilement mes filles.
Je fus heureux lorsque je pus intégrer l!unité de soins 22
(UTRAGENDO, l!ancien 53). Je suis resté là un bon quinze
jours, je ne souffrais pas trop (ce n!est arrivé que par la suite),
j!étais encore seulement vite fatigué et je n!avais absolument
pas faim": je devais vraiment me forcer pour avaler un peu de
nourriture. Il y avait beaucoup de liquide dans mon corps, près
de 10 litres, parce que mes reins refusaient encore de fonctionner. Heureusement, ils se rétablirent progressivement, petit à
petit. Le souvenir le plus étrange qu!il me reste de ce séjour est
que durant les premiers jours, principalement la nuit, j!avais des
hallucinations et des idées fausses. Ce n!est pas anormal et j!ai
Quand la vie se reçoit !
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appris entre-temps que bien d!autres transplantés ont vécu pareille expérience. Cela semble être l!effet de l!anesthésie et du
Prograft. En lieu et place du lit d!hôpital dans lequel j!étais allongé, je me voyais allongé dans une autre espèce de chambre, dans une autre sorte de bâtiment. Cette chambre se trouvait aussi sous le sol" ! et il s!y trouvait seulement un lit. Dans
mes hallucinations, il était question d!une femme qui essayait
de toutes les manières possibles de me tuer, en mettant du poison dans ma nourriture, en essayant de m!écraser en voiture,
etc., mais je pus chaque fois en réchapper. Le thème de l!homicide, de la vie et de la mort ne va pas susciter grande surprise
puisqu!après la transplantation, tout votre corps est occupé à
tenter de rester en vie et à se défendre contre l!intrus (le foie du
donneur).
Je suis également convaincu que mon donneur est une femme
(une femme essayait de m!assassiner, mon inconscient devait
avoir appris cela), parce que je suis beaucoup plus sensible
qu!auparavant à des scènes ou des événements émotionnels.
Formulé d!une manière stéréotypée": je peux maintenant pleurer comme une femme lorsque je vois une scène émouvante,
par exemple des membres d!une famille qui se revoient pour la
première fois depuis de nombreuses années.
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Quand la vie se reçoit
De retour à la maison, je ne trouve pas directement l!énergie
pour faire les choses qu!au fond j!aurais voulu continuer de travailler. Mes peintures, que je voulais parachever, restent intactes. Les deux livres que je lisais, restent clos. Je n!ai pas non
plus fort envie de nouer des contacts sociaux, pour aller boire
un verre avec quelqu!un, par exemple. Et je ne me réjouis pas
quand quelqu!un vient en visite. Je semble bien être devenu un
ermite.
Heureusement deux amies sont venues m!aider à faire le ménage" : je n!avais pas de souci à me faire pour la lessive et le
linge à repasser. Elles cuisinèrent pour moi, vinrent nettoyer
mon appartement et même firent les courses.
Curieusement, mais c!est un fait que je remarque bien, ma libido s!est clairement accrue, j!ai beaucoup plus envie de sexe
qu!autrefois": avoir et maintenir une érection n!est plus un problème. Sur ce plan, il me semble être revenu à mes 25 ans.
Manifestement, la cirrhose hépatique n!est pas très bonne pour
le sexe. Mais ne vous faites pas d!idées, j!avais avec ces femmes, d!ailleurs mariées, un lien purement amical et je sais très
bien maîtriser mes pulsions.
Les premiers mois, je me reposais plutôt beaucoup dans le fauteuil, mais je fis très rapidement une promenade d!une heure ou
Quand la vie se reçoit !
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plus par jour, avec au début, je dois l!avouer, des arrêts réguliers de repos sur un petit banc ou l!équivalent. Un peu plus
tard, j!allai au magasin ou en ville à vélo. Mon énergie revenait
lentement, un peu plus chaque jour, j!ai même eu envie de retourner au fitness, mais cela sembla vite témoigner d!une surestimation de soi.
Après deux mois, je recommençai à faire l!entretien de la maison"; «"mes femmes"» vinrent encore un petit moment pour le
nettoyage. Bientôt neuf mois s!étaient passés.
Depuis trois mois, j!ai repris mon travail de psychothérapeute,
mon ancien emploi. Et les jours où je travaille (quatre sur les
cinq de la semaine) sont les meilleurs, je souffre alors moins de
la région abdominale (douleurs musculaires, est-ce le tissu conjonctif qui s!y est formé"?) parce que je suis concentré sur autre
chose, et j!ai moins de tracas à propos des effets secondaires
des médicaments. Les cinq, six premiers mois, c!était très ennuyeux, je connaissais des problèmes de digestion, de crampes intestinales, de diarrhées, de maux de tête, des crises de
démangeaisons, etc. Ce n!est pas encore totalement disparu,
mais c!est déjà fortement diminué. Peut-être suis-je habituellement hypersensible aux médicaments"?
Je guette le moment où je ne devrai plus prendre de Cellcept,
où l!on diminuera progressivement le Prograft jusqu!à peut-être
70!
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Quand la vie se reçoit
seulement un milligramme par jour et qui sait jamais jusqu!à…
plus rien. Mais nous n!en sommes pas encore là. Dans trois
mois, cela fera un an que j!aurai été transplanté.
Mes pérégrinations sont irrévocablement terminées.
Je fis naufrage, j!ai fréquenté des porchers, j!étais un mendiant
dans mon propre palais et je fus moqué comme vengé par des
vierges.
Je perdis mon Eurydice, je descendis aux enfers et je traversai
cinq rivières pour la trouver" : l!incompréhension, la haine, la
peine, le regret et le calme. Fasciné par sa beauté et incertain
qu!elle me suivait, je regardai autour de moi et elle se pétrifia.
L!amour était un rire insignifiant et alors… alors je te vis,
Tu me fis penser, non pas à 9 semaines et demie mais davantage à Paris Texas,
Tu n!es pas Andy McDowell mais tu as grosso modo la beauté
de Claudia Caluwé,
C"est qui ça, mon Dieu, Claudia Caluwé ?
Tu me fais hésiter entre fromage de chèvre et pâte au pistou,
Avec toi dans un petit hôtel du Sud de la France
ou en promenade à Kasterlee,
Avec toi nous serons nonagénaires et alors nous
irons ensemble au paradis.
Bois ton capuccino, Ludo, et tais-toi.
LUDO GIELEN
Quand la vie se reçoit !
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IL ME RESTE
LE SENTIMENT D!UNE
GRANDE GRÂCE...
(1)
Tout a commencé il y a 26 ans, en février 1975. Je venais
d!avoir 25 ans. Je connaissais depuis Noël 1974 celle qui n!était
même pas encore ma fiancée mais qui deviendrait, malgré toutes les difficultés, ma femme et la mère de mes enfants.
Une température qui passe sans cesse de 35 à 40° m!amène,
après l!aveu d!impuissance d!une première clinique bruxelloise,
en fin de compte, à la clinique Sint-Pieters de Leuven dont une
partie du personnel formera un an plus tard celui des toutes
nouvelles cliniques Saint-Luc à Woluwe-Saint-Lambert. Une
hépatite aiguë est diagnostiquée et je suis accueilli, alors que
j!étais jaune comme un citron, comme cinquième patient dans
une chambre de quatre, dépendant pour tout, à commencer
pour la sonnette, de mes voisins de chambre. C!est là que j!ai
découvert la solidarité fabuleuse qui peut exister entre personnes souffrantes, de quelque origine ou de quelque milieu qu!elles soient. Cette solidarité, était faite de délicatesse (alors que
j!ouvre un instant les yeux, je vois mon voisin immédiat, ouvrier
sidérurgiste, déposer sa tasse avec d!infinies précautions pour
ne pas accroître mon mal-être)"; cette solidarité était faite également d!humour (dès que je fus mieux, je fus appelé le K par la
1.
72!
Ce témoignage a été donné à la demande de Mr Van Deynze, coordinateur principal des greffes
UCL, le 13 octobre 2006, à l’occasion de la Journée Mondiale du Don d’Organes devant des
membres du Parlement Européen.
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Quand la vie se reçoit
chambrée puisque les médecins avaient révélé que seuls trois
cas semblables au mien avaient été recensés dans la littérature
médicale). Cette solidarité était faite enfin du désir commun de
vivre bien, même dans nos infortunes réciproques.
Au cours des deux mois de cette hospitalisation, j!ai été amené
à recevoir à deux reprises une transfusion de sang pour me
sauver la vie. Dans l!une d!elles se trouvait, quasi indétectable
à l!époque, le virus de l!hépatite B, dans une de ses variantes
qui en fait une maladie chronique.
Chacun sait que lorsque l!hépatite devient chronique, elle évolue vers le cancer ou vers la cirrhose et, dans les 20 à 25 ans,
elle mène à la mort sauf geste sauveur de transplantation.
Dans mon cas, le foie s!est progressivement «" cirrhosé" » si je
peux créer le néologisme mais m!a permis tout de même de
mener une vie quasi normale jusqu!en 2000 grâce notamment
au suivi d!un hépatologue, le Pr Geubel" ; une des seules contraintes était le nombre relativement important de médicaments
à prendre.
Mais en février 2000, quasi 25 ans jour pour jour après mon
premier gros problème, lors d!une visite de contrôle routinière,
je dis à l!infirmière qui m!accueille mon envie constante de dormir. Elle me répond de rester là, qu!elle prévient le médecin qui
me verra très certainement. J!ignorais que, dans le même
temps, ma femme courait les couloirs de l!UCL pour prévenir
également le même médecin que je n!allais pas bien du tout.
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Et me voilà embarqué dans une aventure qui allait me conduire
aux portes de la mort et dont je sortirais vivant in extremis grâce
à deux gestes merveilleux" : celui d!une personne qui m!est on
ne peut plus chère (dans tous les sens et toutes les orthographes) et pourtant qui me restera à jamais inconnue, mon donneur ou ma donneuse" ; celui du Professeur LERUT qui a accepté de prendre le risque médical que d!autres refusaient de
prendre": celui de me greffer, le 19 mars 2000, un nouveau foie
dans des conditions limites puisqu!il m!a affirmé a posteriori
«# C!était ce week-end ou jamais# : vous deveniez
inopérable.#»
La greffe n!a pas été simple, la suite non plus : 17 heures
d!opération, 4 mois d!hospitalisation dont un en soins intensifs,
avec plusieurs allers et retours entre le service des greffes et
les soins intensifs, des complications telles que pneumonie et
septicémie qui m!ont amené à perdre les reins et à devoir prendre conscience très rapidement après la greffe de foie de la nécessité d!une nouvelle transplantation, d!un rein cette fois, qui,
seule, pourrait enfin me faire sentir les effets bénéfiques de la
greffe hépatique…
Mais dans toutes ces difficultés, quelques moments de lumière
et de grande joie. Je n!en retiendrai qu!un" : cet instant où, en
pleine nuit, le Professeur Lerut, vint me réveiller et me dire que
les analyses étaient enfin bonnes": les soins prodigués entre le
moment où l!on m!a enlevé mon foie et celui où on m!a implanté
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le nouveau, avaient pleinement réussi" : mon nouveau foie
n!était plus attaqué par l!hépatite B.
Après un an et demi de dialyse hospitalière, un deuxième donneur m!a à nouveau sauvé la vie. «"Sauvé"» n!est pas étymologiquement le bon mot, puisqu!il est possible de vivre en recourant à la dialyse. Mais «" sauvé" » est pourtant le seul vrai et
juste mot tant, pour moi, la dialyse était difficile à supporter
physiquement, presque impossible à vivre.
Depuis ma greffe rénale le 22 août 2001, les espoirs se sont
concrétisés" : je vis à nouveau une vie pleine et épanouie.
J!ai pu recommencer mon travail à temps plein le 3 décembre
2001. Je m!y suis donné à 200% jusqu!en fin décembre 2004
où j!ai décidé de prendre, comme la loi me le permettait, une
mise en disponibilité précédant la pension de retraite.
Voilà en quelques traits rapidement brossés mon histoire médicale.
Mais là n!est pas tellement l!important si on ne souligne pas
l!aventure humaine qui la double.
Quand je repense à tout ce que j!ai vécu, j!aimerais souligner
ce qui m!a permis de vivre et même de survivre dans les moments les plus durs… Comment ne pas dire un infini MERCI"à
tant et tant de personnes"?
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Merci d!abord bien sûr à mes deux donneurs sans qui je ne
pourrais être présent parmi vous aujourd!hui et de qui j!ai déjà
reçu 6 années de belle vie gagnées sur la mort.
Merci ensuite à tous ceux qui m!ont accompagné depuis le
premier jour de ma première maladie et qui ont vécu, très certainement, plus difficilement encore que moi, mes nombreuses
hospitalisations. Je comparerais leur situation à celle des proches d!un voyageur parti dans un périple risqué" : toutes les
craintes touchent d!abord ceux qui ne font pas le voyage… Famille, amis…
Merci encore à tous ceux qui m!ont soigné depuis le premier
jour de ma première maladie, médecins, infirmières bien sûr
mais aussi à tous ceux qui dans leur métier à l!hôpital ont pu
d!un simple geste, d!un simple mot parfois, redonner courage":
je pense à des femmes de ménage, à ce brancardier qui, le 18
mars 2000, à la fin de sa journée de travail, après avoir poussé
je ne sais combien de lits d!environ 300 kilos (poids du malade
compris), est parvenu à m!encourager puissamment en me véhiculant entre le 5ème étage et le quartier opératoire où j!allais
vivre la greffe hépatique.
Merci, plus spécifiquement, aux médecins et infirmiers(ères) qui
disent la situation médicale en toute vérité mais en tenant
compte de la personne de leur patient et qui, surtout, m!ont impliqué ainsi que mes proches dans ma guérison. Après l!effort
énorme de pédagogie pour nous expliquer la complexité des si-
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tuations et des décisions à prendre, leur parole vraie, qui avait
parfois le tranchant du bistouri, disait, dans le même mouvement, ne jamais abdiquer et a forgé ainsi en moi et en mes proches un capital de confiance vital et indestructible. Merci aussi
aux techniciens qui ont le souci de la personne du malade et
qui parviennent à prévenir les angoisses des patients en leur
expliquant les examens médicaux à venir. Ils donnent alors aux
patients le sentiment d!être encore une personne à part entière
et non seulement l!objet d!une investigation souvent douloureuse.
Merci aux infirmières des Soins Intensifs qui continuent à
s!adresser aux patients dans le coma comme s!ils étaient en
pleine capacité de leurs moyens.
Merci à tous ceux, mais plus souvent à toutes celles qui mettent
de la bonne humeur, voire de la joie dans un milieu qui en a
tant besoin.
Merci au monde politique national qui a légiféré pour favoriser
le don d!organes et qui lance régulièrement des campagnes de
sensibilisation à celui-ci.
Merci aussi aux politiciens européens qui se soucient de la
question du don d!organes et qui laissent espérer une réglementation européenne relative à celui-ci. La consultation publique récemment lancée par la Commission ainsi que les récentes déclarations de M. Markos KYPRIANOU, Commissaire eu-
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ropéen en charge de la santé et de la protection des consommateurs, sont, sur ce point, très intéressantes et porteuses
d!espoir pour toutes les personnes en souffrance et en attente
d!organes":
«!Les transplantations d"organe, disait-il, constituent un de ces
grands miracles de la médecine qui sauvent des milliers de vies
chaque année en Europe. Cependant, l"accès à cette intervention susceptible de sauver des vies et la qualité de celle-ci varient d"un État membre à l"autre. (…) Il est temps d"examiner les
actions à prendre à l"échelon européen pour contribuer à assurer un apport suffisant d"organes et à en garantir la sécurité.!»
(source! : Commission européenne! ; Référence du Document! :
IP/06/852!; MEMO/06/251).
Permettez-moi de terminer mon témoignage en vous disant que
mes deux donneurs m!ont donné récemment un des plus beaux
cadeaux qui soient" : celui de connaître le visage de mon premier petit-fils. Mais mon témoignage n!est pas isolé. Mon cas
n!est pas unique. Combien de sourires ne sont-ils pas revenus
dans combien de familles"?
Samedi dernier, je participais à la fête d!Hépatotransplant, association d!entraide entre personnes greffées du foie": il suffisait
de regarder autour de soi pour se rendre compte du bonheur
des vies retrouvées": ce monsieur qui a été greffé alors qu!il ne
pesait plus que 45 kilos et qui se trouvait en pleine forme"; cette
jeune fille qui, après avoir subi deux greffes hépatiques, six
mois de soins intensifs et une hémiplégie, avait pu reprendre,
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sans aucune séquelle, ses études universitaires abandonnées
en raison de ses problèmes" ; cet indépendant qui s!est lancé
dans de nouvelles et prospères affaires. Il y a tant et tant d!autres exemples non seulement de greffés hépatiques mais aussi
de greffés rénaux. Certains de ceux-ci vivent ce bonheur de la
vie retrouvée depuis plus de 30 ans. N!est-ce pas fabuleux" ?
Nul doute qu!un bonheur similaire existe dans toutes les autres
associations de greffés.
Comment me direz-vous, dans ces circonstances, ainsi entouré
et sauvé, ne pas avoir une fringale de vie"?
Même si la maladie n!est jamais enviable ni à rechercher, elle
peut être une occasion de découvrir les liens qui nous rattachent aux autres et d!en aimer encore bien davantage la vie.
Il me reste en définitive le sentiment d'une grande grâce, dans
toutes les acceptions de ce terme à l'étymologie complexe et
variée : chance ou faveur gratuite, remise de peine, secours divin, beauté du geste, reconnaissance et remerciement, joie intense et hymne de louange sont de fait autant de sens profanes
et/ou religieux contenus dans ce mot.
Cela a été mon expérience et je vous la partage. Merci de votre écoute.
CHRISTIAN GOHY
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CES TÉMOIGNAGES NE SONT PAS LES SEULS…
ILS SONT NOMBREUX CELLES ET CEUX QUI SOUHAITENT
DIRE LEUR BONHEUR DE LA VIE RETROUVÉE.
VOUS TROUVEREZ RÉGULIÈREMENT DES TÉMOIGNAGES
DANS LA REVUE D!HÉPATOTRANSPLANT.
SI VOUS-MÊME SOUHAITEZ PARTAGER VOTRE EXPÉRIENCE,
N!HÉSITEZ PAS À L!ENVOYER À
[email protected]
80!
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