le cercle français - Grove City College
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décembre 2006 LE CERCLE FRANÇAIS numéro 5 Grove City College VIVE LA DIFFÈRENCE! Adam Byrne ’07 Qui dit qu’il est impossible de jamais retourner chez soi? Le cœur se trouve à la maison. On trouve fréquemment la maison dans la littérature et la vie quotidienne. Mais, loin de n’être qu’un simple bâtiment, elle représente un idéal, même si la perfection ne s’y rencontre pas toujours. La maison incarne un motif commun, partagé entre les cultures même si chacune l’exprime à sa façon. Tout les Français ont la rentrée, les Américains fêtent “Homecoming,” le retour, particulièrement celui des anciens étudiants. Cette année, « Homecoming » à Grove City College fut, une fois de plus, un succès. Les chars ont captivé la foule et le village grec était plein de personnalités pour LETTER FROM THE EDITOR From eating “freedom fries” to eating crow… Up to very recently, a war meant that there were two conflicting, clearly identifiable camps. Since the Gulf War, however, hostilities have not taken place between two clearly demarcated sides. Since September 11, 2001, things have gotten even more muddled. Facing each other now are, on the one hand, the Western community and, on the other, fundamentalist terrorism without a country or a fatherland. Worse even, the safest territory for the terrorist is the country which he wishes to threaten and whose weapons and technology he adopts. An elusive figure, the enemy lives in the shadows, in caves; he migrates from region to region, so that the notion of excising him from his subterranean lair is as preposterous as planning to catch the minx cat by the tail. See Letter, pg. 2 HOMECOMING 2006 Suite du Département de langues le moins intéressantes. Le match de football américain avait de l’énergie potentielle, la quelle, si l’équipe avait marqué des buts, se serait facilement convertie en énergie cinétique. Partout des visages souriants, particulièrement au Centre de Langues. Les tables, nappées de blanc, proposaient un petit déjeuner international, avec une variété de fromages français, de fruits frais et de petits fours. Les anciens étudiants, qui remplissaient le Centre de Langue, mangeaient tout en devisant en espagnol, en allemand et en français. Ils n’étaient pas revenus simplement pour parler leur langue de maîtrise, mais surtout pour pour voir ce qui avait changé. Calderwood avait fait place au « SAC » (Student Activity Center) et au « HAL » (Hall of Arts and Letters), situés approximativement à l’emplacement de l’ancienne structure. Le nouveau terrain du football américain les a plaisamment surpris. See Homecoming, pg. 2 GUSTAVE FLAUBERT Bourreau de travail du 19e siècle Jessica Gross ’06 Les Américains se plaignent toujours de trop travailler. Nous vivons, certes, de nos jours une vie chargée. Un grand nombre d’entre nous travaillent plus de quarante heures par semaine, et encore n’est-ce qu’à grand renfort d’espressos. Cependant un écrivain français du 19e siècle s’avère avoir été encore plus « prisonnier du boulot » que l’Américain typique. Gustave Flaubert, véritable forçat, a produit quelquesuns des meilleurs romans jamais écrits en langue française. Les habitudes et les idées de l’écrivain sont aussi intéressantes que les personnages qu’il a créés. Flaubert naquit le 12 décembre 1821 à Rouen. Enfant précoce, il écrivit ses premiers textes au collège. Dans Mémoires d’un fou, il raconte comment, à l’âge de dix-sept ans, il eut le coup de foudre pour une jeune femme. Il faudra 35 ans avant qu’il se décide à lui écrive sa première lettre d’amour! Dans Novembre, composé quatre ans après Mémoires, perce un grand talent. Quelques années plus tard, il souffrit d’une maladie nerveuse. Si cette crise, qui se répétera au cours des années suivantes, a été bénéfique, c’est qu’elle fournit à l’écrivain le loisir et la solitude nécessaires à l’écriture. La conception de l’art chère à Flaubert a exercé une influence sur ses habitudes de travail. La raison pour laquelle il ne cessa de fournir un labeur acharné vient de ce qu’à ses yeux le style Gustave Flaubert constitue l’aspect le plus important d’une œuvre. François Kerlouégan, dans son excellente étude de Madame Bovary, dit à ce propos: « Loin See Flaubert, pg. 8 Page 2 Letter from pg. 1 If, besides killing a few individuals, a terrorist act aims at sending a message of destabilization, the media cannot inform on that act without in effect collaborating with its perpetrator/s. Traditional war is therefore no longer possible. Something new had to be invented. Although everybody understood this, what this country entered into was, and continues to be, a traditional war… France, for a number of reasons, some of them internal and undoubtedly tied to developing unrest in its significant Muslim minority, decided not to go along for the ride. So did Germany, so did countless countries in Europe, and elsewhere. Yet, German chocolate cake was not renamed “freedom cake,” nor smorgasbord “freedom spread.” History will deter- LE CERCLE FRANÇAIS mine the reason why the French were singled out for derision. Could they have been right? Right, or wrong, this is besides the point. “I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it”: In a more congenial age, the thought was tellingly attributed to Voltaire, this Frenchman par excellence, by Evelyn Beatrice Hall, an American whose nom de plume was S. G. Tallentyre. Could there be two types of democratic principles – a set for oneself, another for other people/s? Is there not a contradiction in exporting such double standards – particularly to those whose country one occupies for the professed reason of implanting therein the seeds of democracy? U.S. opponents of free speech stifle dissonance while conveniently forgetting that this nation was founded on dissension – that its strength teurs, des avocats. De tous les participants nul qui n’ait de Pour ne considérer que conseils à donner concernant le français, les postes qu’occupent l’utilisation professionnelle de sa les anciens sont d’une grande langue de prédilection. variété. Parmi eux, l’on compte Ainsi, Shannon Sanders des professeurs, des entrepre(1997) enseigne le français au neurs, des journalistes, des pasC.E.S de Titusville depuis 9 ans. Munie d’un double diplôme de français et de pédagogie élémen- Homecoming from pg. 1 Sommaire Magazine Homecoming 2006 Homecoming Parade Quiz 1&2 7 7 Littérature Flaubert and Madame Bovary 1&8 Julia Kristeva and Harlem Désir 3 &9 Opinions Letter from the Editor Intra muros Colonial Hall Apartments National French Week Culture Parkour LE CERCLE FRANÇAIS is edited by Dr. Céline Léon & formatted by Courtney Umble 1&2 6 5 4 lies in its diversity and in its irrepressible pursuit of tolerance. 2, 700 American troops are dead, so are hundreds of thousands of Iraqis – all this because of simple slogans and rigid, stubborn ideology. Despite the overarching propaganda of these past years, those who hate the United States of America do not hate this country for its freedom: They hate it for what it does, or for what they perceive that it does, such as its defiling their holy land in Saudi Arabia with military bases (prior to September 11, 2001). Had Napoleon not sold Louisiana to the Americans to finance the Russian campaign, the U.S. would today be a francophone country. What would have happened to “homard à l’américaine” on the other side of the Atlantic? Would it have been renamed “homard de la liberté”? – One can’t help but wonder. taire à Grove City College, elle obtint par la suite une maîtrise de pédagogie à Westminster College. Fière de la bourse Fulbright qui, en 2001, la conduisit au Maroc, Mlle Sanders conseille de multiplier les occasions de rencontrer des locuteurs natifs. Elle confie que sa maîtrise du français est due à son expérience à l’étranger et à son amour de la culture française. gir ses connaissances de cette langue. Il encourage les étudiants à étudier, où du moins à voyager, à l’étranger. Adam Bush est un diplômé d’affaires internationales de fraîche date, dont les langues étaient le français et le japonais. À l’heure actuelle, il participe au programme de The Pittsburgh Fellows. Adam exhorte les jeunes à obtenir de bonnes notes, mais surtout à acquérir une compréhension plus extensive de la culture des pays qu’ils comptent un jour visiter. Il a fait du « backpacking » en Europe, mais pour s’ouvrir à la civilisation, il conseille de suivre des cours de poésie ou d’histoire. Le Révérend David Demarest termina ses études en 1984. Il envisageait de devenir professeur de français, mais c’est vers le journalisme de radiotélévision qu’il s’est initialement tourné. Il consacra 17 ans à la radio et 2 à la télévision. C’est toutefois dans un tout autre domaine qu’il a découvert sa véritable vocation. Ces diplômés sont tous Ayant suivi des cours de théologie différents, mais il y a une chose à Pittsburgh, il est aujourd’hui qui les joint: la passion. Selon pasteur de l’Église presbytérienne. Voltaire: « L’éducation développe Ses compétences de les facultés, elle ne les crée pas». Si français ils les exerce en écoutant les professeurs et les cours peuNRJ en ligne, en lisant des publi- vent aider à cultiver une passion, cations françaises et en regardant ils ne peuvent s’y substituer. des films francophones. La nécessité de communiquer en français au cours de fréquents voyages en France et au Québec a fait resur- numéro 5 LITTÉRATURE Page 3 JULIA KRISTEVA ET HARLEM DÉSIR « Homo sum : humani nihil a me alienum puto » -- Térence , Heautontimoroumenos (Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger) Meghan Illsley ’08 Aigu pour tous les pays développés, le problème de l’immigration se présente en France avec une acuité toute particulière. Quoique cette nation compte de nombreux immigrés, comme les États-Unis, elle n’est cependant pas définie par cette situation. Moins portée sur le communautarisme, elle souffre simultanément et paradoxalement, nous semble-t-il, d’un plus grand conformisme. Deux écrivains ont offert, et continuent d’offrir, leur avis sur les problèmes liés à l’immigration en France. L’un est Harlem Désir, chef de l’organisation « S.O.S. Racisme » et auteur d’un livre de même titre. Issu d’une mère alsacienne et d’un père antillais, Désir fonda « S.O.S Racisme » en 1984, à la suite de l’assassinat d’un immigré. Outre l’extension du droit de vote, ce que cherchent avant tout les membres de cette association, c’est « une France qui croie encore assez en elle-même pour accepter l’autre. » L’autre personnalité, c’est Julia Kristeva, psychanalyste d’origine bulgare. Bien qu’arrivée en France au début des années 1970, Kristeva dit s’y sentir toujours étrangère. Tout en parlant avec respect de la culture et de la langue de son pays d’adoption, elle rejette le nationalisme. Dans son livre, Lettre ouverte à Harlem Désir, elle répond à celui-ci et à « S.O.S. Racisme ». Ce qu’elle leur reproche dans ce texte profond mais abstrait, c’est une position indûment optimiste quant à l’immigration. Nulle part les différences ne sont Harlem Désir écrivit S.O.S. Racisme en 1984; Julia Kristeva y répond dans sa Lettre ouverte à Harlem Désir. plus marquées entre les deux penseurs, que sur les questions d’application pratique. Désir se penche sur la situation des jeunes immigrés, qui, se sentant exclus à l’école à cause de préjugés racistes, ressortissent à la délinquance. Que ces jeunes, partagés entre l’identité de leurs parents et celle des Français, essaient d’affirmer leur indépendance, voici qui n’a rien de surprenant. Désir cite l’exemple des Beurettes, les jeunes femmes maghrébines auxquelles une tradition patriarcale impose le confinement au sein de la famille, mais qui se veulent dégagées et libres, à l’instar des Françaises de leur âge. Autre cas cité par le fondateur de « S.O. S. Racisme » : les Minguettes, ces HLM situées dans la banlieue de Vénissieux, près de Lyon. Bâtis au cours des années 1960, ces immeubles aux murs de béton et aux ouvertures quasi inexistantes ressemblent à des prisons. Lors de la récession économique de 1974, beaucoup de jeunes maghrébins des Minguettes perdirent leur emploi. Aussi réagirent-ils avec violence aux conditions de vie dans la cité — par la délinquance d’abord, par la brutalité collective ensuite. Au terme de deux ans de luttes entre les jeunes « beurs » et les policiers, les autorités se sont finalement prononcées en faveur de la rénovation de ce quartier. Quant au système administratif, Désir explique : «Que ce soit pour l’obtention de la carte de séjour, pour les re- nouvellements de durée de séjour, pour les formalités d’accès à la nationalité française, ou pour les demandes de visa, pour un mariage, ou pour la naissance d’un enfant, il faut s’affronter à la jungle ». Les immigrés qui cherchent à se renseigner auprès des fonctionnaires se heurtent généralement à des résistances. À chaque crime commis, les policiers soupçonnent les immigrés, mais d’après Désir, la violence est le résultat de « la concentration urbaine ». Certains employeurs choisissent d’ignorer les demandes d’emploi accompagnées d’un nom étrange (lire : « étranger ») ; mais qu’un immigré produise les mêmes qualifications sous une fausse identité française, voilà le poste immédiatement disponible. Pour apprécier la vanité des reproches adressés aux immigrés, tel celui de grever le budget de la Sécurité Sociale, il n’est qu’à se rendre compte que ceux-ci sont « moins malades, en moyenne, que les Français. » Désir se plaît enfin à énumérer les succès académiques. « Si les immigrés réussissent souvent moins bien, cela ne tient pas essentiellement à leur handicap culturel, mais à leur handicap social ». Dans une école de Belleville, où se trouvent réunis des étudiants venus d’un peu partout, deux instituteurs, Philippe et Véronique, ont choisi de faire confiance aux élèves des classes élémentaires. Ils ont à cet effet développé un See Racisme, pg. 9 Page Page44 LE CERCLE FRANÇAIS PARKOUR: MENS SANA IN CORPORE SANO Laura Peluso ’07 « La passion fait vivre, la sagesse fait durer »: Telle est la devise de Parkour, le sport urbain par excellence. Un traceur, un adepte de Parkour, obéit à ces principes, quand il bondit et court d’une extrémité à l’autre de la ville. Parkour, créé par David Belle et Sebastien Foucan en France, doit son inspiration au père de Belle, qui avait servi dans l’armée. Impressionné par le dévouement de celui-ci et par les histoires qu’il racontait, Belle se tourna vers des sports dont la pratique exige au moins autant de force et de dextérité que la gymnastique. Il découvrit aussitôt qu’il aimait s’entraîner dehors. Quand le père fut transféré à Lisses, près d’Evry, le fils modifia ses exercices pour les adapter aux rues de la ville. Pour le second, « Courir, sauter, grimper, se suspendre, tenir en équilibre, se dépasser, développer sa confiance en soi, surmonter l’obstacle et continuer à avancer, sont vite devenus une obsession. » Peu après, Belle fit la connaissance de Foucan et, ensemble, ils découvrirent le moyen d’appliquer pratiquement les idéaux qui leur tenaient à cœur : un certain nombre d’exercices faciles à pratiquer en ville. Après Jump London, film réalisé en 2003, Parkour a été subdivisé en parkour proprement dit et en « free-running ». « Freerunning », contrairement à Parkour, emploie des tours ingénieux et attire l’attention des médias que motive l’appât du gain. Les traceurs style-Parkour cherchent avant tout à manifester leur créativité. Selon Belle, Parkour est « une manière d’utiliser les obstacles qu’on rencontre et de transformer ces rencontres en tours et acrobaties.... Tout doit fusionner : la vitesse, la fluidité, l’esthétique et l’originalité. » Un certain nombre de mouvements sont fondamentaux à Parkour. Tous, aux dires des adeptes, rélèvent, de la spiritualité. Selon Foucan, Parkour entraîne le corps à être « liquide comme l’eau » ; l’énergie positive s’en trouve augmentée. Prenez Tic Tac, Precision Leap, 360 Leap, Cat Leap, Wall Jump, Reverse et Flowing Leap. Chaque mouvement a un but particulier, par exemple, Tic Tac est pour l’escalade d’un mur quand un autre se trouve à proximité. Chaque mouvement exige un corps fort et un esprit agile. En France, Parkour continue à gagner en popularité et maintenant d’autres pays le pratiquent. Aujourd’hui, des traceurs d’Angleterre, de Russie et des États-Unis prennent plaisir à un sport auquel ils peuvent s’adonner à la campagne d’ailleurs, aussi bien qu’à la ville. Parkour est l’un des ingrédients principaux de « Hung Up », le nouveau vidéo de Madonna. L’Angleterre doit deux films à Parkour – Rush Hour et Jump London. Aux États-Unis, des traceurs s’exercent à New York, Los Angeles, aussi bien qu’à Boston. Un site Internet (Urbanfreeflow.com) affiche les commentaires que font les traceurs des villes américaines. C’est le meilleur moyen de trouver les cercles de la ville la plus proche de chez vous. Parkour demande de l’entraînement, de l’équilibre et une diététique saine, dépourvue d’aliments gras comme le préconise le site, le-parkour.com. Une bonne diététique quotidienne composée de fruits, de légumes, de poisson, de blé complet, de produits laitiers faibles en matière grasse, permet de maintenir un corps sain. Tout comme les autres sports, Parkour est une dextérité qui s’acquiert. Les traceurs doivent initialement se consacrer à la maîtrise du lexique et d’un certain nombre d’exercices mentaux. En premier lieu, quiconque considère les exercices de Parkour doit se pourvoir de vêtements adaptés. Des tennis et un survêtement, ou un bon jeans, sont très importants pour la sécurité de l’athlète. En second lieu, un traceur doit s’abstenir d’exécuter des mouvements qui soient trop difficiles et faire précéder toute pratique d’au moins 15 minutes de course. Cela détend les muscles et protège contre les blessures. En début de formation, il est indispensable de se concentrer sur son équilibre. Le site Internet urbanfreeflow.com recommande un certain nombre de mouvements faciles à l’intention des débutants. Ils couvrent les techniques de simple équilibre — la marche sur la poutre par exemple, ou les petits bonds de grille en grille. C’est donc un peu partout aujourd’hui que les traceurs découvrent des lieux où s’entraîner et qu’ils créent leurs propres clubs. Le sport du corps et de l’esprit devient de plus en plus prisé ; il est toutefois très important de ne pas oublier les idéaux dont il se prévaut, car il ne demande rien moins qu’une discipline stricte et un engagement total. INTRA MUROS numéro 5 Page 5 ON FAIT LA FÊTE! Campus celebrates National French Week Alanna Teague ’07 L’observance de la Semaine Nationale du Français est devenue une tradition divertissante à Grove City College. Cette année, du 2 au 8 novembre, la langue, la culture et la cuisine de France furent présentées aux étudiants et aux professeurs grâce à une variété d’événements et d’activités. Les étudiants de Grove City College et les Français ayant en commun l’amour de la cuisine, il était approprié que la plupart des événements comprissent de la nourriture. La Semaine du Français commença par un ice-cream social dans le Centre d’Activités Estudiantines (SAC). Dans les années 1700, des immi gr ant s frança is introduisirent la glace aux ÉtatsUnis. Ce sont les découvertes du français Louis Pasteur qui en rendirent possible la production en masse. Que les étudiants remercient les Français pour ce dessert ou non, ils prirent plaisir aux diffèrents parfums. La nourriture gratuite ne manque jamais d’attirer les Grovers! Vendredi soir, une vingtaine d’étudiants se joignirent à Madame Trammell pour regarder Les Aventures de Rabbi Jacob, une comédie de 1973. Louis de Funès incarne Victor Pivert, un homme d’affaires distrait porté sur les grimaces. Après une série d’événements malencontreux et absurdes, Pivert, qu’accompagne un chef rebelle répondant au nom de Slimane, finit par avoir la police à ses trousses. Afin d’échapper à leurs poursuivants, Pivert et Slimane se font passer pour le rabin Jacob et son jeune camarade, le rabin Zeiligman, ils quittent les États-Unis pour gagner la ville natale du premier. Quand le vrai rabin Jacob arrive, la confusion et les malentendus s’ensuivent,jusqu’au dénouement palpitant qui comprend une poursuite en voiture, une rencontre avec la police montée et l’amour vrai. La pantalonnade et les grimaces de Pivert amusèrent les spectateurs, dont quelques-uns sortirent en fredonnant le thème musical accrocheur du film. La Semaine du Français culmina aux Francofollies présentées par les étudiants et les amis du Département. Les exécutants combinèrent leurs connaissances de la langue et leurs talents en musique, drame, comédie et danse pour créer un spectacle en Anna Mamo ’07, Erin Fischerkeller ’08, Katie Sobiesiak ’07, Kristin Colley ’08, Meghan Illsley ’08 and Laura Peluso ’07 are shown performing a “danse scandaleuse” — the CanCan — an annual tradition of the Francofollies. l’honneur de la culture française. Entre deux numéros, les présentateurs, Jessica White et Andrew Hart, jouaient le rôle de deux Américains à Paris. Beaucoup de participants exécutèrent des numéros de musique, mais la variété tint le public en éveil. Les étudiants partagèrent leurs talents pour le piano, la guitare, la flûte et la voix, comme ils interprétèrent « Claire de Lune » de Debussy, des extraits de Lakmé de Léo Delibes et d’autres morceaux du répertoire français. Dans l’acte le plus conséquent – une rendition des « Mariés de la Tour Eiffel » − , Natalie Zesiger et Rebecca York donnèrent voix aux échanges comiques d’une photographe et d’un gardien de la Tour Eiffel pendant qu’une foule de volontaires mimait les mouvements des personnages. Les Francofollies conclurent, comme toujours, sur la prestation du cancan, après quoi les exécutants et le public procédèrent vers la table de rafraîchissements pour se délecter de fromage et de punch. La Semaine Nationale du Français se termina le 8 novembre avec un dîner dans la caféteria MAP, où les chefs avaient préparé un repas français. Les étudiants savourèrent de nombreux mets, dont un excellent poulet cordon bleu. À Grove City College, il est parfois difficile aux majors qui ne suivent pas de cours de langue de se renseigner sur les autres cultures, mais les activités de la Semaine Nationale du Français offrent une excellente opportunité de se familiariser avec la culture du pays le plus visité du monde. LE CERCLE FRANÇAIS Page 6 ON HABITE LES NOUVEAUX APPARTEMENTS Johanna McCullough ’09 Jamie Stickl ’08 Kate Bonaquist ’09 Dans tous les appartements, les individus des deux sexes peuvent se rendre visite à l’heure qui leur sied. Outre les changements mentionnés, il y a aussi plus d’heures « d’intervis» que dans les chambres des résidences. Depuis 1876, Grove City College est renommé pour ses inébranlables principes conservateurs. Cette année cependant, plusieurs changements ont fait craindre que l’université ne s’éloigne de ses traditions conservatrices. Trois sujets ont particulièrement soulevé la controverse: le câble bon marché, les nouveaux appartements, et l’augmentation des heures « d’intervis.» « S'il y a une chose dont nous avons besoin sur ce campus, c'est une chance d'échapper à la bulle. Le câble nous permettrait de savoir ce qui se passe dans le monde», ainsi s’exprime Esther Harclerode, étudiante de deuxième année. La controverse du câble a commencé voici bientôt deux mois. Début Septembre, Grove City College fut approché par Armstrong qui proposait d’équiper chaque dortoir du câble pour la somme modique de 40 dollars par personne et par an. Ceci représente une diminution marquée du coût actuel de 40 dollars par mois, soit 360 dollars par année académique. Jean-Noël Thompson, viceprésident de student affairs, a sans tarder informé la population estudiantine de cette aubaine. La proposition fut inexplicablement saluée de sentiments contradictoires. Il semblait raisonnable de s’attendre à ce que tous les étudiants se réjouissent, or ce ne fut aucunement le cas. Au lieu de cela, un grand nombre d’entre eux ont jugé que cela grèverait leurs finances et estimé que le câble aurait des répercussions sociales négatives. « Nous n’allons pas tous employer le câble et il serait donc injuste de forcer chaque étudiant à payer: « Ni moi ni mes camarades ne regardons la télévision» », précisa Abby Barr. Colonial Hall, dont la conception fut initiée en 2004, est la nouveauté du Campus. Ce grand complexe de 10-12 millions de dollars est réservé aux étudiants de dernière année. Chaque appartement est muni de deux, trois, ou quatre chambres avec salle de séjour, cuisine et salle de bains. D’intérêt tout particulier pour nombre d’étudiants est la machine à laver individuelle, même si cela peut sembler a priori un moin- Selon Elise Born et Ryan McKinney, cette dernière transformation a été bien accueillie au premier semestre. De l’avis de la première, « Nous avons plus de liberté et nous pouvons être plus spontanés. Le seul inconvénient est que nous ne savons pas quand il y aura des garçons ici. En général, les filles n’invitent que leurs petits amis.» De l’avis du second, « Je suis très content que nous puissions nous rendre dans les appartements quand nous voulons, mais j’aimerais que nous puissions disposer de plus d’heures pendant la semaine.» Faculty, staff, and resident assistants help students unload on move-in day. dre avantage. Cent chambres réservées aux hommes, cent aux femmes flanquent le hall central de cette résidence aux grandes baies vitrées. La plupart des étudiants aiment la liberté que leur donne la nouvelle addition. Les heures d’inter-visitation sont plus longues, et il y a plus d’indépendance pour les étudiants plus âgés. On doit faire son propre dîner et nettoyer, mais chacun comprend que c’est une responsabilité qui « vient avec le territoire ». En dépit de ses nombreux attraits, cette réalisation compte certains aspects négatifs. Les étudiants qui y habitent demeurent sur la partie basse du Campus. Ils tendent à se sentir invisibles. Jusqu'à présent, le Campus était petit et unifié, mais maintenant il est étendu, et la population estudiantine dispersée dans des sites différents. Bien que ceci soit le cas de beaucoup d’universités, Grove City College est diffèrent : c’est du moins ce que nous pensions. Avec les appartements, d’autres changements se sont produits. Tout familier de la vie résidentielle à Grove City se trouve confronté à une variété de règles. Cependant, cette année, quelques améliorations sont intervenues. Auparavant, nous ne pouvions rendre visite aux personnes du sexe opposé qu’à des heures définies. Cette règle demeure valide, mais avec une différence. Ces opinions-ci nous rappellent que malgré une situation qui semble satisfaire la plupart des étudiants, les « Grovers » désirent encore plus de liberté. Bien que tous ne soient pas d’accord, Grove City College ne risque pas de perdre sa réputation conservatrice. Quoi qu’il en soit, il est indiscutable que l’université s’adapte pour répondre aux demandes de la nouvelle génération. INTRA MUROS & INTERRO numéro 5 Page 7 $ 100 INTERRO The Sig Thets pose by their Homecoming float, which won first place. LE DÉFILÉ DE HOMECOMING Anna Mamo ’07 Tôt le matin, le vent soufflait, le thermomètre indiquait 39°, et le ciel promettait de la pluie. Qu’à cela ne tienne, les anciens étudiants sont rentrés en force au campus de Grove City, comme Ulysse à sa patrie d’Itaque. 1. Qui a remporté la première place au défilé de Homecoming? 2. Identifiez un roman de Flaubert né d’un combat long et difficile. 3. Dans quel texte Julia Kristeva répond-elle à Harlem Désir? 4. Quel nom donne-t-on à un adepte de Parkour? 5. Combien de seniors ont, cette année, dansé le cancan sous la tutelle du Dr. Trammell? 6. Quelle est la dernière nouveauté du Campus? 7. Combien de temps les profs de langues, qui sont à GCC depuis plus de 20 ans, ont-ils, à eux tous, enseigné dans cette vénérable institution? 8. Dans quelle partie de HAL la réception de Homecoming s’estelle déroulée pour les anciens spécialistes d’allemand, d’espagnol et de français? Les frères de ΒΣ et les sœurs de ΑΒΤ se sont placés en second avec « Gilligan’s Island ». Quant aux sœurs de Σ∆Φ, elles sont arrivées en troisième place avec « The Grover Family », conçu d’après le spectacle « Adam’s Family ». Malgré le mauvais temps, la matinée s’est ouverte sur un défilé destiné à remonter le moral des spectateurs. Le défilé terminé, les membres des fraternités et sororités se sont, comme à l’accoutumée, rendus au « Village Grec », afin d’y accueillir les anciens de leurs organisations. Le défilé, dont le thème était « Nick, la nuit », comprenait des voitures de pompiers, des véhicules appartenant à des entreprises locales et des chars décorés par différentes organisations « grecques » de Grove City College. Ces rencontres eurent lieu pendant que se déroulait le match de football. L’équipe de Grove City a joué contre Thiel, et a malheureusement perdu. En dépit de la défaite et du mauvais temps, le retour à l’Alma Mater fut une réussite. Des prix furent décernés aux trois meilleurs. Cette année, les frères de la fraternité Α∆ΕΛΦΙΚΟΣ et les sœurs de la sororité ΣΘΧ, qui avaient collaboré, ont remporté la première place avec « Happy Days ». S’il faut continuer les traditions pour les anciens étudiants, c’est qu’à l’avenir, nous serons nous aussi d’anciens étudiants, à même d’apprécier les efforts que feront nos successeurs pour assurer le succès de notre retour au foyer. Réponses déposées chez maîtres Mc Bride & McBride, 211 South Center St., Grove City, PA, 16127. FÉLICITATIONS AUX GAGNANTES! Congratulations to Jessica GROSS and Beth LEATHERMAN, winners of the Elinor M. Caruthers Prize award for seniors and to Emily COURY and Sarah GEHMAN, winners of the Jonathan B. Ladd Memorial Award Junior Scholarship. LIENS UTILES: ♦ Ready to leave for Paris ? Consult the A, B, C of French Cultural Literacy: http://www2.gcc.edu/dept/modl/french/ABC-FRENCH-JAN07.pdf ♦ Ready to go on to graduate school? Take a peek at http://www2.gcc.edu/advising/Recommendations%20-%20Leon.htm Page 8 Flaubert from pg. 1 d’être un luxe ou un ornement, le style est pour Flaubert une nécessité. […] En effet, jamais plus que lui un écrivain ne s’est tout entier plongé dans son œuvre, ne s’est consacré, au détriment de tout le reste – vie sociale, amoureuse, familiale – à l’écriture. Un travail qu’il conduit avec méthode, rigueur et un souci inouï du perfectionnisme.» La lenteur de Flaubert était notoire. Il travaillait et travaillait ses phrases, s’efforçant de trouver ce qu’il appelait « le mot juste. » Il lui fallut quatre ans et 3.600 pages de brouillons pour écrire Madame Bovary . Ce long processus est enraciné dans la conviction que la prose peut atteindre le rythme et la perfection de la poésie. Flaubert croyait en fait que l’art pouvait prétendre à la précision des sciences physiques. D’où le caractère méticuleux de son approche: Tout comme une expérience de laboratoire doit être conduite dans des conditions idéales pour réussir (Il n’a pas oublié les leçons de son père, médecin-chef à l’Hôtel-Dieu de Rouen), les mots doivent être parfaitement sélectionnés pour que l’œuvre d’art aboutisse. Une autre raison pour laquelle Flaubert privilégie cette méthode, c’est le caractère impersonnel dont elle investit la littérature. Dans la lettre où il parle de la précision des sciences, il signale que la littérature doit dépasser les inclinations personnelles, et l’art transcender celui qui s’y consacre. Le but de Flaubert n’était point tant de créer des personnages remarquables Sujets transatlantiques ou de traiter des belles mœurs que de construire des phrases pures et parfaites. Son obsession pour la forme était telle qu’il a indiqué à plusieurs reprises son désir d’écrire un roman sur rien, c’est-à-dire un roman dont le nerf serait l’art pur. « Le but de Flaubert n’était point tant de créer des personnages remarquables ou de traiter des belles mœurs que de construire des phrases pures et parfaites. Son obsession pour la forme était telle qu’il a indiqué à plusieurs reprises son désir d’écrire un roman sur rien, c’est-à-dire un roman dont le nerf serait l’art pur. » Dans la littérature il recherchait donc ce qui, depuis l’antiquité, était la visée de l’art : la beauté de la forme, sans sujet. Cette idée Flaubert l’a exprimée dans une lettre à George Sand datée du 3 avril 1876. Il y décrit les émotions fortes qu’il avait éprouvées face à un mur nu de l’Acropole. Un livre, s’était-il demandé à cette occasion, pourrait-il produire un effet analogue, indépendamment de son contenu? Pour Flaubert, rien n’importe plus que les mots euxmêmes. Rien de bien étonnant dans cette prédilection, si l’on se rappelle que, pour Flaubert, la Beauté est l’objet principal de l’art. Sa tâche de romancier consistait donc à la faire advenir. S’il a puisé là la force d’écrire, il a aussi découvert simultanément la peur de l’échec. Si intense était en effet la peur qui le tenaillait devant l’œuvre d’art que, explique-t-il dans la lettre des 20-21 mars 1852 à sa maîtresse, Louise Colet, il n’avait qu’un désir: S’enfuir, courir se cacher le plus loin possible. Il n’était pas rare que cette quête de la perfection, jointe aux angoisses que suscitait la recherche de la propriété des termes, rende Flaubert physiquement malade. LE CERCLE FRANÇAIS La frustration de l’écrivain n’est nulle part plus évidente que dans un passage de Madame Bovary, où le solitaire de Croisset témoigne des obstacles auxquels il est quotidiennement confronté : «[…] personne, jamais, ne peut donner l’exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et […] la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles » Telle était en effet la quête de Flaubert : trouver les mots susceptibles d’attendrir les étoiles. Outre l’insuffisance de la parole humaine, ce qu’il déplore c’est le sentiment de sa propre impuissance — la crainte de ne parvenir qu’à faire danser les ours. C’est à de tels moments que Flaubert éprouvait une angoisse d’une intensité extrême. Dans une autre lettre à Louise Colet, datée celle-ci du 24 avril 1852, il avoue avoir pour seul soutien « une rage permanente.» Et, ajoute-t-il: «Quelquefois quand je me trouve vide, quand l’expression se refuse, quand après avoir griffonné de longues pages, je découvre n’avoir pas fait une phrase, je tombe sur mon divan et j’y reste hébété dans un marais intérieur d’ennui». Toutefois, cette dépression, suscitée par la quête de la perfection, est souvent compensée par l’allégresse tout aussi profonde qu’il éprouve au moment où il sent approcher l’idéal qu’il poursuit. Entrevoyant alors le sublime, il envisage la possibilité de réalisation de ce qui lui tient tant à coeur. Il lui arrive même de se montrer optimiste et de soutenir que, malgré les douleurs qui sont le lot de l’écrivain, l’art pur dont il a toujours rêvé ne peut manquer d’advenir. Il termine la lettre en affirmant que, peu importe le temps que cela prendra, la prose sera un jour aussi rythmique et rythmée que la poésie. Flaubert est la preuve qu’un écrivain peut réussir malgré (à cause de ?) ses souffrances. Madame Bovary et ses autres romans sont nés d’un combat long et difficile. Aux Américains qui se disent accablés de travail, l’ermite de Croisset montre qu’en fin de compte, celui-ci est susceptible de produire des résultats inouïs. LITTÉRATURE numéro 5 sy st èm e à trois volets : « savoir qui on est, accepter que les autres soient autres, mettre ces différences en commun pour enrichir tout le monde ». Dans un autre établissement de la rue Houdon, des étudiants français avaient abandonné leurs études à la suite de problèmes causés par des immigrés. Avec la participation des parents, un nouveau directeur institua des activités en sus du programme officiel. Ici, comme à Belleville, la confiance accordée aux élèves conduisit directement à la réussite. Racisme from pg. 3 À la différence de Harlem Désir, Julia Kristeva préfère traiter des dimensions psychanalytique et historique du problème. D’une part, affirme-t-elle, on se sent plus étranger en France qu’ailleurs, phénomène attribuable au fait que l’on s’y attend à ce que tout le monde épouse le modèle culturel prévalent. D’autre part, on s’y sent mieux intégré qu’ailleurs, et cela tient au respect des droits civiques universels. La racine du problème est, selon Kristeva, une crise identitaire – la haine de soi se muant en haine active contre les autres. Il est donc indispensable que les Français reconnaissent l’étrangeté non seulement de l’autre, mais aussi de/à soi-même. Kristeva se penche avec intérêt sur le rôle historiquement joué par l’étranger dans toute construction identitaire nationale. Les premières étrangères de la mythologie grecque étaient les Danaïdes, ces Egyptiennes qui avaient épousé des Hellènes. Bien que l’étranger pût contribuer à l’économie grecque, il ne jouissait pas de droits civiques. Le mot « barbare » désigne la langue des étrangers. La tradition juive n’ignorait pas davantage le phénomène. Kristeva cite à ce propos l’exemple de Ruth, la Moabite, descendante de David. Si un groupe religieux accepte l’étranger, c’est à condition toutefois que ce dernier épouse ses croyances. Chez les Chrétiens, par contre, Paul s’identifiait aux étrangers dans la mission qu’il jugeait sienne envers tous les membres de la société. Il est intéressant de noter que, tout en rejetant l’idée d’une Vérité absolue, Kristeva reconnaît le talent de l’apôtre à établir un commun dénominateur. Ce qu’elle favorise, c’est l’humanisme des Lumières. À Diderot elle emprunte la notion d’étrangeté à soi-même sans laquelle il ne peut y avoir d’acceptation de l’autre. Elle rejette, par contre, le « Volksgeist » de Hegel, dont elle redoute qu’il ne mène trop facilement à un nationalisme répressif. Consciente du fait qu’« il n’y a pas de dépassement d’une identité sans son affirmation satisfaisante », elle préconise un sens d’identité nationale réaliste – orgueilleux, fier de ses traditions, mais sans exclusion ou racisme. À son avis, la gauche en France a toujours été favorable aux immigrés ; la droite, par contre, a tendu à les sous-estimer, ou à les surestimer, ce qui revient au même : « Le respect des immigrés ne devrait pas effacer la reconnaissance due à l’accueillant ». L’idéal national français décrit par Kristeva est donc contractuel, transitionnel et culturel. Il est contractuel, parce que les immigrés, quelle que soit leur origine, peuvent devenir membres de la société qui les accueille – notion que la psychanalyste lie au cosmopolitisme. Il est transitionnel, parce que les droits privés sont contenus dans les droits publics. Enfin, la nation française, définie par sa culture littéraire, est simultanément stable et flexible, car la tradition des lettres perdure sous les innovations de style. Pour cet ensemble de raisons, Kristeva contemple la possibilité de voir la France servir de modèle. Ce qu’elle n’explique malheureusement pas, c’est comment achever cet idéal, comment implémenter ces abstractions. Au lieu de cela, elle se contente de souligner l’appétit d’humanisme et de paix par lequel chacun est animé. Sans doute Désir est-il indûment optimiste, mais sa vision offre au moins l’avantage des solutions pratiques. Page 9 Les vues de Désir et de Kristeva sont-elles en fin de comptes antagonistes ? Kristeva exhorte l’immigré à se montrer respectueux des us et coutumes du pays d’accueil. Or Désir, loin de dissuader celui-ci de révérer ses hôtes, montre au contraire le besoin d’assimilation qui l’habite. Tous les exemples qu’il cite sont en effet ceux d’individus qui ont adopté les valeurs laïques de la France contemporaine. Comme Kristeva le signale, il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce que les immigrants manifestent du respect pour la France – montrent qu’ils ne se sont pas expatriés par seule nécessité d’assouvissement des besoin matériel. Désir s’accorde avec elle pour signaler que la question ne se limite pas à l’économie. Toutefois, dans les écoles « à succès » qu’il décrit, on a, contra la tradition universaliste, misé sur les étrangers. Aux avantages abstraits de l’universalisme français s’opposent, relève Kristeva, les demandes concrètes, tel le droit de porter le costume traditionnel. Si elle nous semble avoir raison, c’est qu’insister sur le droit de se conformer extérieurement aux coutumes du pays d’origine risque encore d’accentuer la séparation des cultures et des êtres, partant d’augmenter la discrimination. Pour les Chrétiens, Dieu est universel, la Vérité absolue, et le message de la Bible gomme les différences : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ». Pour saisir l’aspect complexe d’une tolérance qui se veut universelle, il n’est qu’à voir la rapidité avec laquelle toute situation peut se déstabiliser. Ainsi, en France, la mort de deux immigrés que poursuivait la police a entraîné deux semaines de grèves, des incendies de voitures et le sac d’immeubles publics. « Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi ». L’ancienne loi était relativement facile à respecter. Mais « Aimez vos ennemis […] et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent », c’est une autre paire de manches. POUR EN SAVOIR PLUS Consultez les textes dont s’est inspiré cet article: Désir, Harlem. S.O.S. Racisme. Godoy, Julia. France : What Immigrants Brought With Them. Kristeva, Julia. Nations Without Nationalism (trad. Roudiez) ___________. Lettre ouverte à Harlem Désir Fernando, Mayanthi. « The avowal and disavowal of difference in France » . Schor, Naomi. « The Crisis of French Nationalism » . Citations bibliques: Paul, Galates 3:28 et Mathieu 5:43-44.