le cercle français - Grove City College

Transcription

le cercle français - Grove City College
décembre 2006
LE CERCLE FRANÇAIS
numéro 5
Grove City College
VIVE LA DIFFÈRENCE!
Adam Byrne ’07
Qui dit qu’il est impossible de
jamais retourner chez soi? Le cœur se trouve
à la maison. On trouve fréquemment la
maison dans la littérature et la vie quotidienne. Mais, loin de n’être qu’un simple
bâtiment, elle représente un idéal, même si
la perfection ne s’y rencontre pas toujours.
La maison incarne un motif commun, partagé entre les cultures même si chacune l’exprime à sa façon. Tout les Français ont la
rentrée, les Américains fêtent
“Homecoming,” le retour, particulièrement
celui des anciens étudiants.
Cette année, « Homecoming » à
Grove City College fut, une fois de plus, un
succès. Les chars ont captivé la foule et le
village grec était plein de personnalités pour
LETTER FROM THE
EDITOR
From eating “freedom fries” to eating
crow…
Up to very recently, a war meant
that there were two conflicting, clearly
identifiable camps. Since the Gulf War,
however, hostilities have not taken place
between two clearly demarcated sides.
Since September 11, 2001, things have
gotten even more muddled. Facing each
other now are, on the one hand, the Western community and, on the other, fundamentalist terrorism without a country or a
fatherland. Worse even, the safest territory for the terrorist is the country which
he wishes to threaten and whose weapons
and technology he adopts. An elusive
figure, the enemy lives in the shadows, in
caves; he migrates from region to region,
so that the notion of excising him from his
subterranean lair is as preposterous as
planning to catch the minx cat by the tail.
See Letter, pg. 2
HOMECOMING 2006
Suite du Département de langues
le moins intéressantes. Le match de football
américain avait de l’énergie potentielle, la
quelle, si l’équipe avait marqué des buts, se
serait facilement convertie en énergie cinétique. Partout des visages souriants, particulièrement au Centre de Langues.
Les tables, nappées de blanc, proposaient un petit déjeuner international,
avec une variété de fromages français, de
fruits frais et de petits fours. Les anciens
étudiants, qui remplissaient le Centre de
Langue, mangeaient tout en devisant en
espagnol, en allemand et en français.
Ils n’étaient pas revenus simplement pour parler leur langue de maîtrise,
mais surtout pour pour voir ce qui avait
changé. Calderwood avait fait place au
« SAC » (Student Activity Center) et au
« HAL » (Hall of Arts and Letters), situés
approximativement à l’emplacement de
l’ancienne structure. Le nouveau terrain du
football américain les a plaisamment surpris.
See Homecoming, pg. 2
GUSTAVE FLAUBERT
Bourreau de travail du 19e siècle
Jessica Gross ’06
Les Américains se plaignent toujours de trop travailler. Nous vivons, certes,
de nos jours une vie chargée. Un grand nombre d’entre nous travaillent plus de quarante heures par semaine, et encore n’est-ce qu’à grand renfort d’espressos. Cependant
un écrivain français du 19e siècle s’avère avoir été encore plus « prisonnier du boulot »
que l’Américain typique. Gustave Flaubert, véritable forçat, a produit quelquesuns des meilleurs romans jamais écrits en langue française. Les habitudes et les idées
de l’écrivain sont aussi intéressantes que les personnages qu’il a créés.
Flaubert naquit le 12 décembre
1821 à Rouen. Enfant précoce, il écrivit
ses premiers textes au collège. Dans Mémoires d’un fou, il raconte comment, à l’âge de
dix-sept ans, il eut le coup de foudre pour
une jeune femme. Il faudra 35 ans avant
qu’il se décide à lui écrive sa première
lettre d’amour! Dans Novembre, composé
quatre ans après Mémoires, perce un grand
talent. Quelques années plus tard, il souffrit d’une maladie nerveuse. Si cette crise,
qui se répétera au cours des années suivantes, a été bénéfique, c’est qu’elle fournit à
l’écrivain le loisir et la solitude nécessaires
à l’écriture.
La conception de
l’art chère à Flaubert a
exercé une influence
sur ses habitudes de
travail. La raison pour
laquelle il ne cessa de
fournir un labeur
acharné vient de ce
qu’à ses yeux le style
Gustave Flaubert
constitue l’aspect le
plus important d’une œuvre. François
Kerlouégan, dans son excellente étude de
Madame Bovary, dit à ce propos: « Loin
See Flaubert, pg. 8
Page 2
Letter from pg. 1
If, besides killing a few individuals, a terrorist act aims at sending a message
of destabilization, the media cannot inform
on that act without in effect collaborating
with its perpetrator/s. Traditional war is
therefore no longer possible. Something
new had to be invented. Although everybody understood this, what this country
entered into was, and continues to be, a
traditional war…
France, for a number of reasons,
some of them internal and undoubtedly
tied to developing unrest in its significant
Muslim minority, decided not to go along
for the ride. So did Germany, so did
countless countries in Europe, and elsewhere. Yet, German chocolate cake was
not renamed “freedom cake,” nor smorgasbord “freedom spread.” History will deter-
LE CERCLE FRANÇAIS
mine the reason why the French were singled out for derision.
Could they have been right?
Right, or wrong, this is besides
the point. “I disapprove of what you say,
but I will defend to the death your right to
say it”: In a more congenial age, the
thought was tellingly attributed to Voltaire,
this Frenchman par excellence, by Evelyn
Beatrice Hall, an American whose nom de
plume was S. G. Tallentyre. Could there be
two types of democratic principles – a set
for oneself, another for other people/s? Is
there not a contradiction in exporting such
double standards – particularly to those
whose country one occupies for the professed reason of implanting therein the
seeds of democracy? U.S. opponents of
free speech stifle dissonance while conveniently forgetting that this nation was
founded on dissension – that its strength
teurs, des avocats. De tous les
participants nul qui n’ait de
Pour ne considérer que conseils à donner concernant
le français, les postes qu’occupent l’utilisation professionnelle de sa
les anciens sont d’une grande langue de prédilection.
variété. Parmi eux, l’on compte
Ainsi, Shannon Sanders
des professeurs, des entrepre(1997) enseigne le français au
neurs, des journalistes, des pasC.E.S de Titusville depuis 9 ans.
Munie d’un double diplôme de
français et de pédagogie élémen-
Homecoming from pg. 1
Sommaire
Magazine
Homecoming 2006
Homecoming Parade
Quiz
1&2
7
7
Littérature
Flaubert and Madame Bovary
1&8
Julia Kristeva and Harlem Désir
3 &9
Opinions
Letter from the Editor
Intra muros
Colonial Hall Apartments
National French Week
Culture
Parkour
LE CERCLE FRANÇAIS is edited by Dr. Céline Léon
& formatted by Courtney Umble
1&2
6
5
4
lies in its diversity and in its irrepressible
pursuit of tolerance. 2, 700 American
troops are dead, so are hundreds of thousands of Iraqis – all this because of simple
slogans and rigid, stubborn ideology. Despite the overarching propaganda of these
past years, those who hate the United
States of America do not hate this country
for its freedom: They hate it for what it
does, or for what they perceive that it does,
such as its defiling their holy land in Saudi
Arabia with military bases (prior to September 11, 2001).
Had Napoleon not sold Louisiana
to the Americans to finance the Russian
campaign, the U.S. would today be a francophone country. What would have happened to “homard à l’américaine” on the
other side of the Atlantic? Would it have
been renamed “homard de la liberté”? –
One can’t help but wonder.
taire à Grove City College, elle
obtint par la suite une maîtrise de
pédagogie à Westminster College.
Fière de la bourse Fulbright qui,
en 2001, la conduisit au Maroc,
Mlle Sanders conseille de multiplier les occasions de rencontrer
des locuteurs natifs. Elle confie
que sa maîtrise du français est due
à son expérience à l’étranger et à
son amour de la culture française.
gir ses connaissances de cette
langue. Il encourage les étudiants
à étudier, où du moins à voyager,
à l’étranger.
Adam Bush est un diplômé d’affaires internationales
de fraîche date, dont les langues
étaient le français et le japonais.
À l’heure actuelle, il participe au
programme de The Pittsburgh Fellows. Adam exhorte les jeunes à
obtenir de bonnes notes, mais
surtout à acquérir une compréhension plus extensive de la
culture des pays qu’ils comptent
un jour visiter. Il a fait du
« backpacking » en Europe, mais
pour s’ouvrir à la civilisation, il
conseille de suivre des cours de
poésie ou d’histoire.
Le Révérend David Demarest termina ses études en
1984. Il envisageait de devenir
professeur de français, mais c’est
vers le journalisme de radiotélévision qu’il s’est initialement tourné. Il consacra 17 ans à la radio
et 2 à la télévision. C’est toutefois
dans un tout autre domaine qu’il
a découvert sa véritable vocation.
Ces diplômés sont tous
Ayant suivi des cours de théologie
différents,
mais il y a une chose
à Pittsburgh, il est aujourd’hui
qui les joint: la passion. Selon
pasteur de l’Église presbytérienne.
Voltaire: « L’éducation développe
Ses compétences de les facultés, elle ne les crée pas». Si
français ils les exerce en écoutant les professeurs et les cours peuNRJ en ligne, en lisant des publi- vent aider à cultiver une passion,
cations françaises et en regardant ils ne peuvent s’y substituer.
des films francophones. La nécessité de communiquer en français
au cours de fréquents voyages en
France et au Québec a fait resur-
numéro 5
LITTÉRATURE
Page 3
JULIA KRISTEVA ET HARLEM DÉSIR
« Homo sum : humani nihil a me alienum puto » -- Térence , Heautontimoroumenos
(Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger)
Meghan Illsley ’08
Aigu pour tous les pays
développés, le problème de l’immigration se présente en France
avec une acuité toute particulière. Quoique cette nation
compte de nombreux immigrés,
comme les États-Unis, elle n’est
cependant pas définie par cette
situation. Moins portée sur le
communautarisme, elle souffre
simultanément et paradoxalement, nous semble-t-il, d’un plus
grand conformisme.
Deux écrivains ont
offert, et continuent d’offrir,
leur avis sur les problèmes liés à
l’immigration en France. L’un
est Harlem Désir, chef de l’organisation « S.O.S. Racisme » et
auteur d’un livre de même titre.
Issu d’une mère alsacienne et
d’un père antillais, Désir fonda
« S.O.S Racisme » en 1984, à la
suite de l’assassinat d’un immigré. Outre l’extension du droit
de vote, ce que cherchent avant
tout les membres de cette association, c’est « une France qui
croie encore assez en elle-même
pour accepter l’autre. »
L’autre personnalité,
c’est Julia Kristeva, psychanalyste
d’origine bulgare. Bien qu’arrivée en France au début des années 1970, Kristeva dit s’y sentir
toujours étrangère. Tout en
parlant avec respect de la culture
et de la langue de son pays d’adoption, elle rejette le nationalisme. Dans son livre, Lettre ouverte à Harlem Désir, elle répond
à celui-ci et à « S.O.S. Racisme ».
Ce qu’elle leur reproche dans ce
texte profond mais abstrait, c’est
une position indûment optimiste quant à l’immigration.
Nulle part les différences ne sont
Harlem Désir écrivit S.O.S.
Racisme en 1984; Julia Kristeva y répond dans sa Lettre
ouverte à Harlem Désir.
plus marquées entre les deux
penseurs, que sur les questions
d’application pratique.
Désir se penche sur la
situation des jeunes immigrés,
qui, se sentant exclus à l’école à
cause de préjugés racistes, ressortissent à la délinquance. Que
ces jeunes, partagés entre l’identité de leurs parents et celle des
Français, essaient d’affirmer leur
indépendance, voici qui n’a rien
de surprenant. Désir cite l’exemple des Beurettes, les jeunes
femmes maghrébines auxquelles
une tradition patriarcale impose
le confinement au sein de la
famille, mais qui se veulent dégagées et libres, à l’instar des Françaises de leur âge.
Autre cas cité par le
fondateur de « S.O. S. Racisme » : les Minguettes, ces
HLM situées dans la banlieue de
Vénissieux, près de Lyon. Bâtis
au cours des années 1960, ces
immeubles aux murs de béton et
aux ouvertures quasi inexistantes
ressemblent à des prisons. Lors
de la récession économique de
1974, beaucoup de jeunes maghrébins des Minguettes perdirent leur emploi. Aussi réagirent-ils avec violence aux conditions de vie dans la cité — par la
délinquance d’abord, par la
brutalité collective ensuite. Au
terme de deux ans de luttes entre les jeunes « beurs » et les
policiers, les autorités se sont
finalement prononcées en faveur
de la rénovation de ce quartier.
Quant au système administratif, Désir explique :
«Que ce soit pour l’obtention de
la carte de séjour, pour les re-
nouvellements de durée de séjour, pour les formalités d’accès
à la nationalité française, ou
pour les demandes de visa, pour
un mariage, ou pour la naissance
d’un enfant, il faut s’affronter à
la jungle ». Les immigrés qui
cherchent à se renseigner auprès
des fonctionnaires se heurtent
généralement à des résistances.
À chaque crime commis, les
policiers soupçonnent les immigrés, mais d’après Désir, la violence est le résultat de « la
concentration urbaine ». Certains employeurs choisissent
d’ignorer les demandes d’emploi
accompagnées d’un nom étrange
(lire : « étranger ») ; mais qu’un
immigré produise les mêmes
qualifications sous une fausse
identité française, voilà le poste
immédiatement disponible.
Pour apprécier la vanité des
reproches adressés aux immigrés,
tel celui de grever le budget de la
Sécurité Sociale, il n’est qu’à se
rendre compte que ceux-ci sont
« moins malades, en moyenne,
que les Français. »
Désir se plaît enfin à
énumérer les succès académiques. « Si les immigrés réussissent souvent moins bien, cela ne
tient pas essentiellement à leur
handicap culturel, mais à leur
handicap social ». Dans une
école de Belleville, où se trouvent réunis des étudiants venus
d’un peu partout, deux instituteurs, Philippe et Véronique,
ont choisi de faire confiance aux
élèves des classes élémentaires.
Ils ont à cet effet développé un
See Racisme, pg. 9
Page
Page44
LE CERCLE FRANÇAIS
PARKOUR: MENS SANA IN CORPORE SANO
Laura Peluso ’07
« La passion fait vivre, la sagesse fait durer »:
Telle est la devise de Parkour, le sport urbain
par excellence. Un traceur, un adepte de
Parkour, obéit à ces principes, quand il bondit et court d’une extrémité à l’autre de la
ville.
Parkour, créé par David Belle et
Sebastien Foucan en France, doit son inspiration au père de Belle, qui avait servi dans
l’armée. Impressionné par le dévouement de
celui-ci et par les histoires qu’il racontait,
Belle se tourna vers des sports dont la pratique exige au moins autant de force et de
dextérité que la gymnastique. Il découvrit
aussitôt qu’il aimait s’entraîner dehors.
Quand le père fut transféré à Lisses, près
d’Evry, le fils modifia ses exercices pour les
adapter aux rues de la ville. Pour le second,
« Courir, sauter, grimper, se suspendre, tenir
en équilibre, se dépasser, développer sa
confiance en soi, surmonter l’obstacle et
continuer à avancer, sont vite devenus une
obsession. » Peu après, Belle fit la connaissance de Foucan et, ensemble, ils découvrirent le moyen d’appliquer pratiquement les
idéaux qui leur tenaient à cœur : un certain
nombre d’exercices faciles à pratiquer en
ville.
Après Jump London, film réalisé en
2003, Parkour a été subdivisé en parkour
proprement dit et en « free-running ». « Freerunning », contrairement à Parkour, emploie
des tours ingénieux et attire l’attention des
médias que motive l’appât du gain. Les traceurs style-Parkour cherchent avant tout à
manifester leur créativité. Selon Belle, Parkour est « une manière d’utiliser les obstacles
qu’on rencontre et de transformer ces rencontres en tours et acrobaties.... Tout doit
fusionner : la vitesse, la fluidité, l’esthétique
et l’originalité. »
Un certain nombre de mouvements sont fondamentaux à Parkour. Tous,
aux dires des adeptes, rélèvent, de la spiritualité. Selon Foucan, Parkour entraîne le corps
à être « liquide comme l’eau » ; l’énergie
positive s’en trouve augmentée. Prenez Tic
Tac, Precision Leap, 360 Leap, Cat Leap, Wall
Jump, Reverse et Flowing Leap. Chaque mouvement a un but particulier, par exemple, Tic
Tac est pour l’escalade d’un mur quand un
autre se trouve à proximité. Chaque mouvement exige un corps fort et un esprit agile.
En France, Parkour continue à
gagner en popularité et maintenant d’autres
pays le pratiquent. Aujourd’hui, des traceurs
d’Angleterre, de Russie et des États-Unis
prennent plaisir à un sport auquel ils peuvent s’adonner à la campagne d’ailleurs,
aussi bien qu’à la ville. Parkour est l’un des
ingrédients principaux de « Hung Up », le
nouveau vidéo de Madonna. L’Angleterre
doit deux films à Parkour – Rush Hour et
Jump London. Aux États-Unis, des traceurs
s’exercent à New York, Los Angeles, aussi
bien qu’à Boston. Un site Internet
(Urbanfreeflow.com) affiche les commentaires
que font les traceurs des villes américaines.
C’est le meilleur moyen de trouver les cercles
de la ville la plus proche de chez vous.
Parkour demande de l’entraînement, de l’équilibre et une diététique saine,
dépourvue d’aliments gras comme le préconise le site, le-parkour.com. Une bonne diététique quotidienne composée de fruits, de légumes, de poisson, de blé complet, de produits
laitiers faibles en matière grasse, permet de
maintenir un corps sain. Tout comme les
autres sports, Parkour est une dextérité qui
s’acquiert.
Les traceurs doivent initialement se
consacrer à la maîtrise du lexique et d’un
certain nombre d’exercices mentaux. En
premier lieu, quiconque considère les exercices de Parkour doit se pourvoir de vêtements
adaptés. Des tennis et un survêtement, ou
un bon jeans, sont très importants pour la
sécurité de l’athlète. En second lieu, un
traceur doit s’abstenir d’exécuter des mouvements qui soient trop difficiles et faire précéder toute pratique d’au moins 15 minutes de
course. Cela détend les muscles et protège
contre les blessures. En début de formation,
il est indispensable de se concentrer sur son
équilibre. Le site Internet urbanfreeflow.com
recommande un certain nombre de mouvements faciles à l’intention des débutants. Ils
couvrent les techniques de simple équilibre
— la marche sur la poutre par exemple, ou les
petits bonds de grille en grille.
C’est donc un peu partout aujourd’hui que les traceurs découvrent des
lieux où s’entraîner et qu’ils créent leurs
propres clubs. Le sport du corps et de l’esprit devient de plus en plus prisé ; il est toutefois très important de ne pas oublier les
idéaux dont il se prévaut, car il ne demande
rien moins qu’une discipline stricte et un
engagement total.
INTRA MUROS
numéro 5
Page 5
ON FAIT LA FÊTE!
Campus celebrates National French Week
Alanna Teague ’07
L’observance de la
Semaine Nationale du Français
est devenue une tradition divertissante à Grove City College.
Cette année, du 2 au 8
novembre, la langue, la culture
et la cuisine de France furent
présentées aux étudiants et aux
professeurs grâce à une variété
d’événements et d’activités.
Les étudiants de Grove
City College et les Français
ayant en commun l’amour de la
cuisine, il était approprié que la
plupart des événements
comprissent de la nourriture. La
Semaine du Français commença
par un ice-cream social dans le
Centre d’Activités Estudiantines
(SAC). Dans les années 1700,
des immi gr ant s frança is
introduisirent la glace aux ÉtatsUnis. Ce sont les découvertes
du français Louis Pasteur qui en
rendirent possible la production
en masse. Que les étudiants
remercient les Français pour ce
dessert ou non, ils prirent plaisir
aux diffèrents parfums. La
nourriture gratuite ne manque
jamais d’attirer les Grovers!
Vendredi soir, une
vingtaine d’étudiants se
joignirent à Madame Trammell
pour regarder Les Aventures de
Rabbi Jacob, une comédie de
1973. Louis de Funès incarne
Victor Pivert, un homme
d’affaires distrait porté sur les
grimaces. Après une série
d’événements malencontreux et
absurdes, Pivert, qu’accompagne
un chef rebelle répondant au
nom de Slimane, finit par avoir
la police à ses trousses. Afin
d’échapper à leurs poursuivants,
Pivert et Slimane se font passer
pour le rabin Jacob et son jeune
camarade, le rabin Zeiligman, ils
quittent les États-Unis pour
gagner la ville natale du premier.
Quand le vrai rabin Jacob arrive,
la confusion et les malentendus
s’ensuivent,jusqu’au
dénouement palpitant qui
comprend une poursuite en
voiture, une rencontre avec la
police montée et l’amour vrai.
La pantalonnade et les grimaces
de Pivert amusèrent les
spectateurs, dont quelques-uns
sortirent en fredonnant le thème
musical accrocheur du film.
La Semaine du
Français culmina aux
Francofollies présentées par les
étudiants et les amis du
Département. Les exécutants
combinèrent leurs connaissances
de la langue et leurs talents en
musique, drame, comédie et
danse pour créer un spectacle en
Anna Mamo ’07, Erin Fischerkeller ’08, Katie Sobiesiak ’07, Kristin Colley ’08, Meghan
Illsley ’08 and Laura Peluso ’07 are shown performing a “danse scandaleuse” — the CanCan — an annual tradition of the Francofollies.
l’honneur de la culture
française. Entre deux numéros,
les présentateurs, Jessica White
et Andrew Hart, jouaient le rôle
de deux Américains à Paris.
Beaucoup de participants
exécutèrent des numéros de
musique, mais la variété tint le
public en éveil. Les étudiants
partagèrent leurs talents pour le
piano, la guitare, la flûte et la
voix, comme ils interprétèrent
« Claire de Lune » de Debussy,
des extraits de Lakmé de Léo
Delibes et d’autres morceaux du
répertoire français. Dans l’acte
le plus conséquent – une
rendition des « Mariés de la
Tour Eiffel » − , Natalie Zesiger
et Rebecca York donnèrent voix
aux échanges comiques d’une
photographe et d’un gardien de
la Tour Eiffel pendant qu’une
foule de volontaires mimait les
mouvements des personnages.
Les Francofollies conclurent,
comme toujours, sur la
prestation du cancan, après quoi
les exécutants et le public
procédèrent vers la table de
rafraîchissements pour se
délecter de fromage et de punch.
La Semaine Nationale
du Français se termina le 8
novembre avec un dîner dans la
caféteria MAP, où les chefs
avaient préparé un repas
français. Les étudiants
savourèrent de nombreux mets,
dont un excellent poulet cordon
bleu. À Grove City College, il
est parfois difficile aux majors
qui ne suivent pas de cours de
langue de se renseigner sur les
autres cultures, mais les activités
de la Semaine Nationale du
Français offrent une excellente
opportunité de se familiariser
avec la culture du pays le plus
visité du monde.
LE CERCLE FRANÇAIS
Page 6
ON HABITE LES NOUVEAUX APPARTEMENTS
Johanna McCullough ’09
Jamie Stickl ’08
Kate Bonaquist ’09
Dans tous les appartements, les individus des
deux sexes peuvent se rendre visite à l’heure
qui leur sied. Outre les changements mentionnés, il y a aussi plus d’heures « d’intervis»
que dans les chambres des résidences.
Depuis 1876, Grove City College
est renommé pour ses inébranlables principes conservateurs. Cette année cependant,
plusieurs changements ont fait craindre que
l’université ne s’éloigne de ses traditions
conservatrices. Trois sujets ont particulièrement soulevé la controverse: le câble bon
marché, les nouveaux appartements, et l’augmentation des heures « d’intervis.»
« S'il y a une chose dont nous
avons besoin sur ce campus, c'est une chance
d'échapper à la bulle. Le câble nous permettrait de savoir ce qui se passe dans le
monde», ainsi s’exprime Esther Harclerode,
étudiante de deuxième année. La controverse du câble a commencé voici bientôt
deux mois. Début Septembre, Grove City
College fut approché par Armstrong qui
proposait d’équiper chaque dortoir du câble
pour la somme modique de 40 dollars par
personne et par an. Ceci représente une
diminution marquée du coût actuel de 40
dollars par mois, soit 360 dollars par année
académique. Jean-Noël Thompson, viceprésident de student affairs, a sans tarder informé la population estudiantine de cette
aubaine. La proposition fut inexplicablement saluée de sentiments contradictoires. Il semblait raisonnable de s’attendre à
ce que tous les étudiants se réjouissent, or ce
ne fut aucunement le cas. Au lieu de cela,
un grand nombre d’entre eux ont jugé que
cela grèverait leurs finances et estimé que le
câble aurait des répercussions sociales négatives. « Nous n’allons pas tous employer le
câble et il serait donc injuste de forcer chaque étudiant à payer: « Ni moi ni mes camarades ne regardons la télévision» », précisa
Abby Barr.
Colonial Hall, dont la conception
fut initiée en 2004, est la nouveauté du
Campus. Ce grand complexe de 10-12 millions de dollars est réservé aux étudiants de
dernière année. Chaque appartement est
muni de deux, trois, ou quatre chambres
avec salle de séjour, cuisine et salle de bains.
D’intérêt tout particulier pour nombre d’étudiants est la machine à laver individuelle,
même si cela peut sembler a priori un moin-
Selon Elise Born et Ryan McKinney, cette dernière transformation a été bien
accueillie au premier semestre. De l’avis de la
première, « Nous avons plus de liberté et
nous pouvons être plus spontanés. Le seul
inconvénient est que nous ne savons pas
quand il y aura des garçons ici. En général,
les filles n’invitent que leurs petits amis.» De
l’avis du second, « Je suis très content que
nous puissions nous rendre dans les appartements quand nous voulons, mais j’aimerais
que nous puissions disposer de plus d’heures
pendant la semaine.»
Faculty, staff, and resident assistants help students
unload on move-in day.
dre avantage. Cent chambres réservées aux
hommes, cent aux femmes flanquent le hall
central de cette résidence aux grandes baies
vitrées.
La plupart des étudiants aiment la
liberté que leur donne la nouvelle addition.
Les heures d’inter-visitation sont plus longues, et il y a plus d’indépendance pour les
étudiants plus âgés. On doit faire son propre
dîner et nettoyer, mais chacun comprend
que c’est une responsabilité qui « vient avec
le territoire ».
En dépit de ses nombreux attraits,
cette réalisation compte certains aspects négatifs. Les étudiants qui y habitent demeurent sur la partie basse du Campus. Ils tendent à se sentir invisibles. Jusqu'à présent, le
Campus était petit et unifié, mais maintenant il est étendu, et la population estudiantine dispersée dans des sites différents. Bien
que ceci soit le cas de beaucoup d’universités, Grove City College est diffèrent : c’est
du moins ce que nous pensions.
Avec les appartements, d’autres
changements se sont produits. Tout familier
de la vie résidentielle à Grove City se trouve
confronté à une variété de règles. Cependant, cette année, quelques améliorations
sont intervenues. Auparavant, nous ne pouvions rendre visite aux personnes du sexe
opposé qu’à des heures définies. Cette règle
demeure valide, mais avec une différence.
Ces opinions-ci nous rappellent
que malgré une situation qui semble satisfaire la plupart des étudiants, les « Grovers »
désirent encore plus de liberté. Bien que
tous ne soient pas d’accord, Grove City College ne risque pas de perdre sa réputation
conservatrice. Quoi qu’il en soit, il est indiscutable que l’université s’adapte pour répondre aux demandes de la nouvelle génération.
INTRA MUROS & INTERRO
numéro 5
Page 7
$ 100 INTERRO
The Sig Thets pose by their Homecoming float, which won first place.
LE DÉFILÉ DE HOMECOMING
Anna Mamo ’07
Tôt le matin, le vent
soufflait, le thermomètre indiquait 39°, et le ciel promettait de
la pluie. Qu’à cela ne tienne, les
anciens étudiants sont rentrés en
force au campus de Grove City,
comme Ulysse à sa patrie d’Itaque.
1.
Qui a remporté la première place au défilé de Homecoming?
2.
Identifiez un roman de Flaubert né d’un combat long et difficile.
3.
Dans quel texte Julia Kristeva répond-elle à Harlem Désir?
4.
Quel nom donne-t-on à un adepte de Parkour?
5.
Combien de seniors ont, cette année, dansé le cancan sous la
tutelle du Dr. Trammell?
6.
Quelle est la dernière nouveauté du Campus?
7.
Combien de temps les profs de langues, qui sont à GCC
depuis plus de 20 ans, ont-ils, à eux tous, enseigné dans cette
vénérable institution?
8.
Dans quelle partie de HAL la réception de Homecoming s’estelle déroulée pour les anciens spécialistes d’allemand, d’espagnol et de français?
Les frères de ΒΣ et les
sœurs de ΑΒΤ se sont placés en
second avec « Gilligan’s Island ».
Quant aux sœurs de Σ∆Φ, elles
sont arrivées en troisième place
avec « The Grover Family »,
conçu d’après le spectacle
« Adam’s Family ».
Malgré le mauvais
temps, la matinée s’est ouverte
sur un défilé destiné à remonter
le moral des spectateurs.
Le défilé terminé, les
membres des fraternités et sororités se sont, comme à l’accoutumée, rendus au « Village Grec »,
afin d’y accueillir les anciens de
leurs organisations.
Le défilé, dont le
thème était « Nick, la nuit »,
comprenait des voitures de pompiers, des véhicules appartenant à
des entreprises locales et des
chars décorés par différentes
organisations « grecques » de
Grove City College.
Ces rencontres eurent
lieu pendant que se déroulait le
match de football. L’équipe de
Grove City a joué contre Thiel,
et a malheureusement perdu. En
dépit de la défaite et du mauvais
temps, le retour à l’Alma Mater
fut une réussite.
Des prix furent décernés aux trois meilleurs. Cette
année, les frères de la fraternité
Α∆ΕΛΦΙΚΟΣ et les sœurs de la
sororité ΣΘΧ, qui avaient collaboré, ont remporté la première
place avec « Happy Days ».
S’il faut continuer les
traditions pour les anciens étudiants, c’est qu’à l’avenir, nous
serons nous aussi d’anciens étudiants, à même d’apprécier les
efforts que feront nos successeurs
pour assurer le succès de notre
retour au foyer.
Réponses déposées chez maîtres Mc Bride & McBride,
211 South Center St., Grove City, PA, 16127.
FÉLICITATIONS AUX GAGNANTES!
Congratulations to Jessica GROSS and Beth LEATHERMAN, winners of the Elinor M. Caruthers Prize award for seniors
and to Emily COURY and Sarah GEHMAN, winners of the Jonathan B. Ladd Memorial Award Junior Scholarship.
LIENS UTILES:
♦
Ready to leave for Paris ? Consult the A, B, C of French Cultural Literacy:
http://www2.gcc.edu/dept/modl/french/ABC-FRENCH-JAN07.pdf
♦
Ready to go on to graduate school? Take a peek at
http://www2.gcc.edu/advising/Recommendations%20-%20Leon.htm
Page 8
Flaubert from pg. 1
d’être un luxe ou un ornement, le style est
pour Flaubert une nécessité. […] En effet,
jamais plus que lui un écrivain ne s’est tout
entier plongé dans son œuvre, ne s’est consacré, au détriment de tout le reste – vie sociale, amoureuse, familiale – à l’écriture. Un
travail qu’il conduit avec méthode, rigueur et
un souci inouï du perfectionnisme.» La lenteur de Flaubert était notoire. Il travaillait et
travaillait ses phrases, s’efforçant de trouver
ce qu’il appelait « le mot juste. » Il lui fallut
quatre ans et 3.600 pages de brouillons pour
écrire Madame Bovary . Ce long processus est
enraciné dans la conviction que la prose
peut atteindre le rythme et la perfection de
la poésie.
Flaubert croyait en fait que l’art
pouvait prétendre à la précision des sciences
physiques. D’où le caractère méticuleux de
son approche: Tout comme une expérience
de laboratoire doit être conduite dans des
conditions idéales pour réussir (Il n’a pas
oublié les leçons de son père, médecin-chef à
l’Hôtel-Dieu de Rouen), les mots doivent
être parfaitement sélectionnés pour que
l’œuvre d’art aboutisse. Une autre raison
pour laquelle Flaubert privilégie cette méthode, c’est le caractère impersonnel dont
elle investit la littérature. Dans la lettre où il
parle de la précision des sciences, il signale
que la littérature doit dépasser les inclinations personnelles, et l’art transcender celui
qui s’y consacre.
Le but de Flaubert n’était point
tant de créer des personnages remarquables
Sujets transatlantiques
ou de traiter des belles mœurs que de construire des phrases pures et parfaites. Son
obsession pour la forme était telle qu’il a
indiqué à plusieurs reprises son désir d’écrire
un roman sur rien, c’est-à-dire un roman
dont le nerf serait l’art pur.
« Le but de Flaubert n’était point
tant de créer des personnages
remarquables ou de traiter des
belles mœurs que de construire des
phrases pures et parfaites. Son
obsession pour la forme était telle
qu’il a indiqué à plusieurs reprises
son désir d’écrire un roman sur
rien, c’est-à-dire un roman dont le
nerf serait l’art pur. »
Dans la littérature il recherchait
donc ce qui, depuis l’antiquité, était la visée
de l’art : la beauté de la forme, sans sujet.
Cette idée Flaubert l’a exprimée dans une
lettre à George Sand datée du 3 avril 1876. Il
y décrit les émotions fortes qu’il avait éprouvées face à un mur nu de l’Acropole. Un
livre, s’était-il demandé à cette occasion,
pourrait-il produire un effet analogue, indépendamment de son contenu? Pour Flaubert, rien n’importe plus que les mots euxmêmes.
Rien de bien étonnant dans cette
prédilection, si l’on se rappelle que, pour
Flaubert, la Beauté est l’objet principal de
l’art. Sa tâche de romancier consistait donc
à la faire advenir. S’il a puisé là la force d’écrire, il a aussi découvert simultanément la
peur de l’échec. Si intense était en effet la
peur qui le tenaillait devant l’œuvre d’art
que, explique-t-il dans la lettre des 20-21
mars 1852 à sa maîtresse, Louise Colet, il
n’avait qu’un désir: S’enfuir, courir se cacher
le plus loin possible. Il n’était pas rare que
cette quête de la perfection, jointe aux angoisses que suscitait la recherche de la propriété des termes, rende Flaubert physiquement malade.
LE CERCLE FRANÇAIS
La frustration de l’écrivain n’est
nulle part plus évidente que dans un passage
de Madame Bovary, où le solitaire de Croisset
témoigne des obstacles auxquels il est quotidiennement confronté : «[…] personne, jamais, ne peut donner l’exacte mesure de ses
besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et […] la parole humaine est comme un
chaudron fêlé où nous battons des mélodies
à faire danser les ours, quand on voudrait
attendrir les étoiles » Telle était en effet la
quête de Flaubert : trouver les mots susceptibles d’attendrir les étoiles. Outre l’insuffisance
de la parole humaine, ce qu’il déplore c’est
le sentiment de sa propre impuissance — la
crainte de ne parvenir qu’à faire danser les
ours.
C’est à de tels moments que Flaubert
éprouvait une angoisse d’une intensité extrême. Dans une autre lettre à Louise Colet,
datée celle-ci du 24 avril 1852, il avoue avoir
pour seul soutien « une rage permanente.»
Et, ajoute-t-il: «Quelquefois quand je me
trouve vide, quand l’expression se refuse,
quand après avoir griffonné de longues pages, je découvre n’avoir pas fait une phrase,
je tombe sur mon divan et j’y reste hébété
dans un marais intérieur d’ennui».
Toutefois, cette dépression, suscitée par la
quête de la perfection, est souvent compensée par l’allégresse tout aussi profonde qu’il
éprouve au moment où il sent approcher
l’idéal qu’il poursuit. Entrevoyant alors le
sublime, il envisage la possibilité de réalisation de ce qui lui tient tant à coeur. Il lui
arrive même de se montrer optimiste et de
soutenir que, malgré les douleurs qui sont le
lot de l’écrivain, l’art pur dont il a toujours
rêvé ne peut manquer d’advenir. Il termine
la lettre en affirmant que, peu importe le
temps que cela prendra, la prose sera un jour
aussi rythmique et rythmée que la poésie.
Flaubert est la preuve qu’un écrivain peut
réussir malgré (à cause de ?) ses souffrances.
Madame Bovary et ses autres romans sont nés
d’un combat long et difficile. Aux Américains qui se disent accablés de travail, l’ermite de Croisset montre qu’en fin de
compte, celui-ci est susceptible de produire
des résultats inouïs.
LITTÉRATURE
numéro 5
sy st èm e
à trois
volets : « savoir qui on est, accepter que les
autres soient autres, mettre ces différences
en commun pour enrichir tout le monde ».
Dans un autre établissement de la rue Houdon, des étudiants français avaient abandonné leurs études à la suite de problèmes causés par des immigrés. Avec la participation
des parents, un nouveau directeur institua
des activités en sus du programme officiel.
Ici, comme à Belleville, la confiance accordée
aux élèves conduisit directement à la réussite.
Racisme from pg. 3
À la différence de Harlem Désir,
Julia Kristeva préfère traiter des dimensions
psychanalytique et historique du problème.
D’une part, affirme-t-elle, on se sent plus
étranger en France qu’ailleurs, phénomène
attribuable au fait que l’on s’y attend à ce
que tout le monde épouse le modèle culturel
prévalent. D’autre part, on s’y sent mieux
intégré qu’ailleurs, et cela tient au respect
des droits civiques universels. La racine du
problème est, selon Kristeva, une crise identitaire – la haine de soi se muant en haine
active contre les autres.
Il est donc indispensable que les
Français reconnaissent l’étrangeté non seulement de l’autre, mais aussi de/à soi-même.
Kristeva se penche avec intérêt sur
le rôle historiquement joué par l’étranger
dans toute construction identitaire nationale. Les premières étrangères de la mythologie grecque étaient les Danaïdes, ces Egyptiennes qui avaient épousé des Hellènes.
Bien que l’étranger pût contribuer à l’économie grecque, il ne jouissait pas de droits
civiques. Le mot « barbare » désigne la langue des étrangers. La tradition juive n’ignorait pas davantage le phénomène. Kristeva
cite à ce propos l’exemple de Ruth, la Moabite, descendante de David. Si un groupe
religieux accepte l’étranger, c’est à condition
toutefois que ce dernier épouse ses croyances.
Chez les Chrétiens, par contre,
Paul s’identifiait aux étrangers dans la mission qu’il jugeait sienne envers tous les membres de la société. Il est intéressant de noter
que, tout en rejetant l’idée d’une Vérité absolue, Kristeva reconnaît le talent de l’apôtre
à établir un commun dénominateur. Ce
qu’elle favorise, c’est l’humanisme des Lumières. À Diderot elle emprunte la notion
d’étrangeté à soi-même sans laquelle il ne
peut y avoir d’acceptation de l’autre. Elle
rejette, par contre, le « Volksgeist » de Hegel, dont elle redoute qu’il ne mène trop
facilement à un nationalisme répressif.
Consciente du fait qu’« il n’y a pas de dépassement d’une identité sans son affirmation
satisfaisante », elle préconise un sens d’identité nationale réaliste – orgueilleux, fier de
ses traditions, mais sans exclusion ou racisme. À son avis, la gauche en France a
toujours été favorable aux immigrés ; la
droite, par contre, a tendu à les sous-estimer,
ou à les surestimer, ce qui revient au même :
« Le respect des immigrés ne devrait pas effacer la reconnaissance due à l’accueillant ».
L’idéal national français décrit par
Kristeva est donc contractuel, transitionnel
et culturel. Il est contractuel, parce que les
immigrés, quelle que soit leur origine, peuvent devenir membres de la société qui les
accueille – notion que la psychanalyste lie au
cosmopolitisme. Il est transitionnel, parce
que les droits privés sont contenus dans les
droits publics. Enfin, la nation française,
définie par sa culture littéraire, est simultanément stable et flexible, car la tradition des
lettres perdure sous les innovations de style.
Pour cet ensemble de raisons, Kristeva
contemple la possibilité de voir la France
servir de modèle. Ce qu’elle n’explique malheureusement pas, c’est comment achever
cet idéal, comment implémenter ces abstractions. Au lieu de cela, elle se contente de
souligner l’appétit d’humanisme et de paix
par lequel chacun est animé. Sans doute
Désir est-il indûment optimiste, mais sa vision offre au moins l’avantage des solutions
pratiques.
Page 9
Les vues de Désir et de Kristeva
sont-elles en fin de comptes antagonistes ?
Kristeva exhorte l’immigré à se montrer respectueux des us et coutumes du pays d’accueil. Or Désir, loin de dissuader celui-ci de
révérer ses hôtes, montre au contraire le
besoin d’assimilation qui l’habite. Tous les
exemples qu’il cite sont en effet ceux d’individus qui ont adopté les valeurs laïques de la
France contemporaine.
Comme Kristeva le signale, il n’est
pas déraisonnable de s’attendre à ce que les
immigrants manifestent du respect pour la
France – montrent qu’ils ne se sont pas expatriés par seule nécessité d’assouvissement des
besoin matériel. Désir s’accorde avec elle
pour signaler que la question ne se limite pas
à l’économie. Toutefois, dans les écoles « à
succès » qu’il décrit, on a, contra la tradition
universaliste, misé sur les étrangers. Aux
avantages abstraits de l’universalisme français
s’opposent, relève Kristeva, les demandes
concrètes, tel le droit de porter le costume
traditionnel. Si elle nous semble avoir raison, c’est qu’insister sur le droit de se conformer extérieurement aux coutumes du pays
d’origine risque encore d’accentuer la séparation des cultures et des êtres, partant d’augmenter la discrimination.
Pour les Chrétiens, Dieu est universel, la Vérité absolue, et le message de la
Bible gomme les différences : « Il n’y a plus
ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni
libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car
tous vous êtes un en Jésus-Christ». Pour saisir l’aspect complexe d’une tolérance qui se
veut universelle, il n’est qu’à voir la rapidité
avec laquelle toute situation peut se déstabiliser. Ainsi, en France, la mort de deux immigrés que poursuivait la police a entraîné
deux semaines de grèves, des incendies de
voitures et le sac d’immeubles publics. « Tu
aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi ». L’ancienne loi était relativement facile
à respecter. Mais « Aimez vos ennemis […]
et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui
vous persécutent », c’est une autre paire de
manches.
POUR EN SAVOIR PLUS Consultez les textes dont s’est inspiré cet article:
Désir, Harlem. S.O.S. Racisme.
Godoy, Julia. France : What Immigrants Brought With Them.
Kristeva, Julia. Nations Without Nationalism (trad. Roudiez)
___________. Lettre ouverte à Harlem Désir
Fernando, Mayanthi. « The avowal and disavowal of difference in
France » .
Schor, Naomi. « The Crisis of French Nationalism » .
Citations bibliques: Paul, Galates 3:28 et Mathieu 5:43-44.