N°6 novembre 2015, le diabète cortico-induit [PDF
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EDITO > Cher(s) collègues, L’équipe de médecine interne du CHRU de Tours est heureuse de vous adresser ce nouveau numéro de CONTACT, consacré au diabète cortico-induit. Vous voudrez bien pardonner notre retard 6 t c a t n co tter du la newsle 2015 Novembre d’édition mais l’année 2015 a été particulièrement chargée pour nous. Notre service s’est agrandi avec l’ouverture à l’automne 2014 de 20 lits de médecine interne de post-urgences (unité de médecine communautaire). e ine intern médec service de Nous avons également consacré beaucoup de temps à l’organisation du congrès national de médecine interne aura lieu à Tours du 10 au 12 décembre 2015 (www. snfmiTours2015.com) Nous vous souhaitons une bonne lecture ! LE DIABÈTE CORTICO-INDUIT Les corticoïdes restent des molécules largement prescrites dans le traitement de nombreuses maladies inflammatoires, auto-immunes ou allergiques mais également chez les patients transplantés ou atteints de maladies hématologiques malignes (leucémies, lymphomes, myélome..). Le médecin prescripteur, conscient des risques d’effets indésirables de la corticothérapie au long cours, s’attachera toujours à prescrire la dose minimale efficace (épargne cortisonique). Parmi les effets indésirables des corticoïdes, le diabète sucré mérite d’être mieux dépisté et traité, pour améliorer la prise en charge de nos patients. A l’arrêt de la corticothérapie les glycémies peuvent se normaliser mais l’équilibre glycémique devra être surveillé au long cours. diminuent la sensibilité à l’insuline des tissus cibles (foie, muscle, tissu adipeux), chez des sujets prédisposés. Il est important de dépister et traiter le diabète cortico-induit car il peut être à l’origine de décompensations métaboliques aiguës : syndrôme polyuro-polydipsique entrainant un état de déshydratation, décompensation hyperosmolaire chez le sujet âgé… Des complications chroniques sont également à redouter. Le diabète cortico-induit augmente le risque cardiovasculaire des patients traités, ainsi que le risque de complications microvasculaires, notamment la rétinopathie diabétique. Le risque infectieux est également vraisemblablement augmenté. Enfin, le risque d’ostéoporose fracturaire est augmenté. Le diabète cortico-induit représente 2% des diabètes. Chez les patients traités par corticoïdes au long cours, l’incidence du diabète n’est pas réellement connue, sauf dans certaines populations bien étudiées. En transplantation rénale par exemple, le diabète concerne 16% des patients avant 40 ans, et jusqu’à 52% après 50 ans ! Les corticoïdes sont diabétogènes car ils perturbent la sécrétion pancréatique d’insuline et Si le risque individuel de diabète n’est pas chiffrable, certains facteurs de risque sont bien connus. Ils sont résumés dans le tableau 1. On y retrouve les «terrains» à risque de diabète : l’âge avancé, la surcharge pondérale et a fortiori l’obésité, les antécédents familiaux de diabète et l’altération de la glycémie à jeun. Une étude ancienne a montré que sous corticoïdes, 4% des patients avaient une HGPO anormale en l’absence d’antécédents familiaux de diabète vs 26% chez ceux qui avaient des antécédents familiaux de diabète. La posologie initiale de la corticothérapie est également importante à considérer : pour la prednisone, le risque de diabète augmente de 5% par pallier posologique de 0,1 mg/kg/jour. Le problème diagnostique posé par le diabète cortico-induit est lié à son caractère le plus souvent asymptomatique. Compte tenu de la morbidité associée à cette pathologie, il paraît raisonnable de proposer un dépistage chez les sujets à risque. Ce dépistage ne doit pas reposer sur la mesure de la glycémie à jeun. En effet, dans le cas typique de la prise de prednisone le matin, l’élévation de la glycémie survient à partir de midi et surtout dans l’après-midi (figure 1). Ainsi, la meilleure méthode de dépistage du diabète cortico-induit est la réalisation d’un cycle de glycémies capillaires (8h – 12h – 14h ou 16h – 20h). Ce cycle doit être réalisé dans les jours qui suivent la prescription de la corticothérapie. L’HGPO n’est pas indiquée. L’HbA1C n’est pas pertinente pour le dépistage. Potentiellement responsable de complications aiguës ou 1/2 chroniques, le diabète cortico-induit doit être traité. En cas de diagnostic positif, la première étape est d’évaluer s’il est possible de faire une épargne cortisonique. En effet, la réduction posologique des corticoïdes va entraîner une diminution des glycémies. Les règles dites «hygiéno-diététiques» ont leur place : alimentation équilibrée contrôlée en glucides, pratique d’une activité physique adaptée. En cas de surcharge pondérale, la metformine peut être prescrite, avec les précautions d’usage. Les inhibiteurs de la DPP-IV (gliptines) ou les analogues du GLP-1 peuvent également être prescrits, mais le traitement de référence est l’insulinothérapie. En effet, l’insuline est un traitement maniable (= adaptable aux altérations du cycle glycémique) et titrable (adaptation posologique, notamment lors de la phase de décroissance de la corticothérapie), ce qu’il faut savoir expliquer au patient. Pour une personne traitée par prednisone en prise unique le matin, nous proposons le schéma thérapeutique suivant (figure 2) : prescription d’une insuline semi-lente (NPH) le matin 0,2 U/kg/ jour + analogue rapide de l’insuline à midi 6 ou 8 unités. Eventuellement, un analogue rapide de l’insuline pourra être prescrite le matin (si les glycémies de la matinée sont élevées). Les posologies d’insuline seront adaptées aux glycémies capillaires, avec des objectifs glycémiques classiques : glycémie à jeun comprise entre 0,8 et 1,2 g/L et glycémies postprandiales < 1,60 – 1,80 g/L. Chez le sujet âgé « fragile » ou polypathologique, les objectifs glycémiques doivent être moins stricts. Le diabète cortico-induit : ce qu’il faut retenir • Il existe des facteurs de risque, • Un dépistage doit être proposé aux sujets à risque, • La glycémie à jeun n’est pas adaptée à ce dépistage, il faut réaliser un cycle glycémique, • Penser à cortisonique, l’épargne • L’insulinothérapie est le traitement de référence de ce type de diabète. Facteurs de risque de diabète cortico-induit Âge > 45 ans Sexe (H>F) Surcharge pondérale (index de masse corporelle > 25 kg/m2) Glycémie à jeun > 1,10 g/L avant traitement Antécédent familial de diabète Débit de filtration glomérulaire bas Posologie initiale élevée de corticoïdes Figure 1. Cycle glycémique capillaire de l’un de nos patients traité par prednisone, typique du diabète cortico-induit. Figure 2. Proposition de schéma d’insulinothérapie pour le diabète cortico-induit (corticothérapie en prise unique le matin). NB : ce schéma n’est pas adapté au diabète préexistant aggravé par la corticothérapie. rédaction : service de médecine interne / maquette : direction de la communication - novembre 2015