Protéger le marché du travail national ? Un grand
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Protéger le marché du travail national ? Un grand
Protéger le marché du travail national ? Un grand mensonge ! Notre époque de mutations économiques et d'entrée dans un libéralisme conquérant aiguise une très forte demande publique de protection sociale. Pour se dédouaner d'avoir à répondre à celle-ci, les politiques présentent la lutte contre l'immigration et contre l'emploi d'étrangers extra-communautaires comme une forme de protection du marché du travail national, contre lequel l'étranger exercerait une concurrence intolérable. Nous démontrerons ici que la réglementation actuelle concernant l'emploi des étrangers sans titre entaîne au contraire la création d'un marché secondaire du travail, espace de non-droit et d'exploitation, et que les politiques publiques qui prétendent le juguler, outre qu'elles sont mensongères vis-à-vis de l'opinion, n'ont pour seul effet que de maintenir ceux qui en sont les victimes sous la merci de leurs exploiteurs. Au sein même de la réglementation, l'organisation d'un double marché du travail. C'est ainsi qu'au sein du code du travail, censé garantir l'égalité de tous les salariés devant la loi se nichent toutes une série de dispositions qui organisent la discrimination de certaines catégories de travailleurs en fonction des besoins réels ou pressentis de certains secteurs de l'économie. La discrimination par la loi : état des lois et réglements introduisant des inégalités devant le travail. Pour preuve l'existence de certains emplois réservés aux nationaux (dispositions à peine assouplies en ce qui concerne les ressortissants européens) : la préférence nationale est d'ores et déjà appliquée pour plus d'une quarantaine de professions, notamment dans la fonction publique et pour certaines catégories réglementées. Noter également la catégorie particulière des médecins étrangers, limités à l'emploi d'interne dans de nombreux hôpitaux. La réglementation spécifique à l'emploi des étrangers extra-communautaires fait ici figure de chef-d'oeuvre d'hypocrisie. Si le code du travail réaffirme l'égalité de traitement des salariés, et s'abstient (mais pour combien de temps encore ?) de considérer l'étranger sans titre comme un coupable, la nécessité d'un permis de travail exclut un certain nombre de « avec papiers » (demandeurs d'asile, étudiants) et ne préserve que très théoriquement les droits du salarié « pris en faute ». Par ailleurs, la législation dispose de tout un arsenal qui permet l'importation massive de travailleurs, et que par ailleurs elle développe allègrement : détachement des travailleurs étrangers (actuellement) et application de la directive « Bolkestein » (pour l'avenir), contrats saisonniers dits « OMI » (actuellement) et lois sur l'immigration choisie (pour l'avenir). Peut-on réellement parler d'un marché du travail « protégé » dans ces conditions ? La réalité des besoins du système : un marché du travail à plusieurs vitesses. A contrario, la tendance est bien à la mise en concurrence sans pitié des marchés du travail et des travailleurs, à l'échelle internationale (délocalisation), européenne (« libre circulation » des travailleurs, en fait très réglementée) et nationale (externalisation et sous-traitance). En ce sens les travailleurs migrants, qui prennent une place non négligeable dans tous ces processus, sont bien les figures archétypales de la mondialisation économique. De facto, au niveau national, la compétition entre travailleurs sans titres, les immigrés réguliers et les français s'exerce essentiellement dans les secteurs dits « en tension », où il est difficile de recruter malgré le fort taux de chômage. Les raisons de ces tensions : − de mauvaises conditions de travail (confort, hygiène et sécurité) ; − des durée du travail et des horaires peu attractifs ; − l'absence de reconnaissance des métiers ; − et surtout, surtout, la réticence des employeurs à payer des salaires corrects. Résultat : le maintient sur le territoire d'une « armée de réserve » de travailleurs illégaux comme rouage indispensables à la fluidité du marché du travail pour certains secteurs de l'économie, et partant, de leur compétitivité. Figures de la mafia : les employeurs d'étrangers sans titres Ainsi donc il existe un, voire plusieurs « seconds marchés » du travail, dissimulés sous le premier. Comment s'articulent-t-ils avec le marché légal ? Quelles en sont les caractéristiques principales ? Les chantiers navals et ceux du BTP : le mécanisme de la sous-traitance en cascade. Un des exemple les plus aboutis de l'insertion des travailleurs sans titre dans l'économie légale par le biais de la sous-traitance s'est trouvé révélé au grand public en 2003-2004 par le scandale des chantiers navals de St Nazaire avec ses « montages exotiques » (terme employé par le donneur d'ordre lui-même) permettant l'emploi massif d'étrangers en situation irrégulière. De la même manière, les grands donneurs d'ordres dans le BTP sont des entreprises « officielles ». c'est par la sous-traitance en cascade des lots attribués aux entreprises, les derniers échelons servant uniquement de pourvoyeurs de main d'œuvre, que la pression s'exerce sur les coûts par la pression sur les sous-traitants. Sous les chantiers officiels et légaux, des pratiques illégales d'emploi, de sécurité, de paie. Et sous les sous-traitants, tout en bas : le travailleur sans titre. Le gardiennage, le nettoyage : l'externalisation des coûts d'entretien. Le même processus se retrouve dans les chaînes hôtelières, les grands magasins : les « petites mains » invisibles permettent l'entretien, la protection et au final l'existence à bas coût de nos « espaces de production et de consommation ». Ces secteurs de sous-traitance directe sont généralement constitués d'un tissus de PME très « mobiles », souvent liquidées, difficiles à tracer, dont le siège est souvent une simple boîte aux lettres, le gérant un homme de paille, et où règne le non-droit : exploitation, pratiques racistes et discriminatoires, menaces, harcèlement moral et sexuel. La restauration, la confection, les salariés agricoles : le marigot des « petits patrons » A un niveau moins organisé, ces trois secteurs sont de grands consommateurs de travailleurs sans titres ou précaires, souvent recrutés du fait même de leur origine ethnique : (Bangladais dans la restauration, Turcs et Chinois dans la confection, Marocains dans l'agriculture). Des réseaux « d'importation » souvent très structurés, et, dans le cas des saisonniers agricoles, organisés en partie par les Etats eux-mêmes. Dans les faits, des situations qui s'apparentent souvent à de l'esclavage moderne (enfermement des salariés, salaires de misère, conditions de vie et d'emploi indignes...) L'intérim, pourvoyeur de travail clandestin. L'intégration de l'emploi d'étrangers sans titres dans l'économie de tous les jours, qu'on retrouve jusque dans l'industrie, se fait beaucoup par les entreprises d'intérim qui ont pignon sur rue. Difficiles à contrôler, peu regardantes sur les papiers, c'est essentiellement par leur biais que se fait la première entrée des travailleurs sans titres dans le marché du travail. De ce fait, cette catégorie d'étrangers n'a en réalité pas de difficulté à trouver un emploi. Le boom des services aux entreprises, voire à la personne, laisse présager un accroissement, et non une diminution, des pratiques d'embauche de travailleurs sans titre par ces entreprises. Double retour sur investissement : les « produits dérivés » de l'exploitation. Si encore le salarié sans titre était laissé en paix à son retour dans son domicile, mais non ! Les foyers de travailleurs immigrés et les marchands de sommeil, avec leurs pratiques usuraires et abusives leur monteront qu'eux aussi savent « se payer sur la bête. » Rappelons également le rôle des banques dans le détournement des salaires, lorsque l'étranger est renvoyé chez lui sans pouvoir liquider son compte. Si nous faisons ce détour hors de la relation de travail proprement dite, c'est qu'il faut rappeler que les conditions de vie des salariés font partie de la condition ouvrière, et doivent être compris dans les enjeux de la question du travail. La pire arnaque est probablement celle du fisc et des cotisations sociales, où l'Etat, l'Unedic et la Sécurité Sociale sont les bénéficiaires du crime. Un certain nombre de salariés sans titres, probablement près de la moitié, bénéficient de fiches de paie en bonne et dûe forme. La conséquence est qu'ils cotisent à toutes les caisses de retraites, de maladie et de chômage, et qu'ils sont parfois même imposables. En retour ils n'ont accès à aucune des prestations afférentes, ce qui dégage un bénéfice net pour les institutions précitées. L'obsession du travail des clandestins comme instrument de sa préservation. L'existence d'une contradiction entre le besoin de protéger les employeurs de ce « second marché » et l'apparence d'un maintient de l'ordre public social soumet le système politique à de très fortes contraintes. Il s'en défaussera en entretenant la confusion entre les pratiques illicites du travail dissimulé et la crainte de l'invasion des salariés étrangers. Ceci l'entraînera à manipuler les corps de contrôle et plus généralement la fonction publique dans son ensemble, privant les salariés étrangers des derniers moyens d'assurer la défense de leurs droits. Travail illégal et emploi d'étrangers sans titres: la confusion volontaire Forts de ces constats, et au motif de la lutte contre l'exploitation des « pauvres travailleurs étrangers », le monde politique instrumentalise la lutte contre le travail illégal, par son obsession à confondre volontairement « travail illégal » et « emploi d'étrangers sans titre » La définition réelle du travail illégal est pourtant sans rapport avec l'emploi d'étrangers sans titres: − non déclaration de travailleur salarié : le travail « au noir » proprement dit ; − dissimulation d'heures supplémentaires (souvent payées sous forme de primes) ; la forme la plus fréquente de travail illégal (deux tiers des infractions); − le prêt de main d'oeuvre illicite et le marchandage : fourniture de main d'oeuvre par un prestataire de service, au détriment du salarié ; très difficile à démontrer. On a vu que dans les exemples précités, les salariés étrangers sans titres ne sont pas tous « au noir ». En réalité, les catégories du travail illégal et de l'emploi d'étrangers sans titre ne se recoupent pas, et en fait ce dernier délit, adjoint à ces catégories, ne trouve pas sa place dans cet ensemble. Il est un rajout artificiel qui vient détourner l'attention de la réalité de la fraude, massive et quotidienne qui affecte directement les revenus de l'Etat et des caisses et qui est, dans son écrasante majorité, le fait de fraudeurs tout ce qu'il y a de plus nationaux. L'instrumentalisation des corps de contrôle et du service public L'Etat dispose déjà, aux fins de réprimer le travail illégal, d'un arsenal de corps de contrôle affectés à cette tâche : inspection du travail et URSSAF, mais aussi police, gendarmerie et douanes. Il y a bien renforcement du contrôle, mais dans un seul sens. − La lutte contre le « travail illégal » objectif majeur fixé à l'inspection du travail se résume en réalité à la lutte contre les travailleurs sans titre, seule efficace avec les moyens actuels (facilité du contrôle, politique de poursuites ciblée des parquets) ; − La mise en place de sections d'inspection spécialisées et non territoriales, placées sous l'autorité des Préfets et destinées à collaborer avec la police et la gendarmerie ; l'organisation de cette coopération se fait essentiellement au travers des « Colti », dont la préoccupation prinicpale est la traque aux étrangers; − L'action ciblée et unilatérale de la Police et de la Gendarmerie, destinée à « faire du crâne » sur les chantiers. Pour les fonctionnaires : le détournement des missions de service public dans le sens du contrôle des populations (inspection du travail, travailleurs sociaux, de la santé, de l'aide à l'enfance, de l'Education Nationale, les maires...). Pour ce qui est de l'inspection du travail, et suite à la condamnation de la France par le B.I.T., les agents de contrôle ont tenu à réaffirmer au cours de leurs Etats Généraux de 2006 qu'ils restaient indépendants dans les suites qu'ils donnaient à leurs contrôles et qu'ils se refusaient à devenir les auxiliaires de la Police dans la chasse aux clandestins. Reste que pour le travailleur sans titre, le résultat d'un contrôle est bien souvent la reconduite à la frontière. L'impossibilité pour le travailleur sans titres de faire valoir ses droits. Alors qu'on a vu plus haut que les dispositions du Code du Travail assimilaient le travailleur sans titre à un salarié ordinaire pour ce qui est du respect de ses droits de salariés, et lui permettaient en théorie de saisir les prud'hommes, on comprend aisément au vu de ce qui précède qu'il n'en est rien en pratique. Sur le plan des droits individuels, il ne bénéficie d'aucune égalité de traitement en matière salariale, d'aucune liberté d'expression, et la saisine des instances prud'hommales et pour lui un véritable parcours du combattant. Pire, la saisine de l'inspection du travail, censée défendre l'ensemble des salariés lui est déniée au vu du risque qu'elle fait peser sur lui. Sur le plan des droits collectifs, il ne bénéficie d'aucun des droits dévolus aux collectifs de travail, tels que le droit de grève, ou celui d'être représenté, alors que ceux-ci ne sont théoriquement pas dépendants de la nationalité mais découlent du statut de salarié. Point de vue Perso : abolir les dispositions sur l'emploi d'étrangers sans titre. En réalité, l'ensemble des dispositions légales et réglementaires censées protéger les marché du travail ont pour effet de faire strictement l'inverse, c'est-à-dire d'enfermer toute une catégorie de salariés dans un marché parallèle où ces droits ne sont pas respectés, au plus grand bénéfice d'employeurs parmis les plus véreux. Pire encore, en exigeant des employeurs qu'ils vérifient la régularité du séjour de leurs salariés, ces dispositions génèrent deux ordres d'effets pervers. Le premier est qu'ils donnent à l'employeur un pouvoir disciplinaire indu qui vient se surajouter au lien de subordination habituel du contrat de travail. Le travailleur sans titre est de ce fait placé sous la sujétion complète de son employeur, permettant à ce dernier d'exercer un chantage à la baisse sur les conditions de travail et de rémunération. Il est tenu par la loi du silence et ne peux à aucun moment exercer ses droits. Le deuxième effet pervers est que ces dispositions introduisent concrètement la possibilité pour l'employeur d'exercer, à l'encontre du candidat à l'embauche, une discrimination basée sur l'appartenance ethnique présumée. Qu'un salarié noir ou basané se présente, a fortiori qu'il parle avec un accent, et l'employeur a le droit, pire est tenu, de vérifier son origine et sa nationalité. C'est ainsi que l'application dans les faits des dispositions du Code du Travail sur l'emploi d'étrangers sans titre, sous couvert d'une protection du marché national du travail qui n'est même pas assurée, revèle bien leur caractère raciste ! Ces dispositions constituent un véritable détournement du droit du travail. En l'état elles entravent l'action des organisations syndicales dans leur lutte pour l'égalité des salariés, et constituent un détournement des missions de l'inspection du travail. C'est pourquoi, outre la régularisation immédiate de tous les sans papiers, seul moyen d'assêcher le marché parallèle du travail dont sont victimes tous les salariés, il convient d'exiger l'application du principe « un travailleur = un travailleur » et d'exiger l'abrogation de l'ensemble des dispositions du Code du Travail régissant l'emploi des étrangers sans titres ! Etat de l’intervention des syndicats dans le mouvement sans papiers Voici tous les éléments d’info dont je dispose sur ce mouvement. Je transmets pour donner le maximum de billes aux camarades pour qu’ils puissent se déterminer, en gardant en tête que je ne suis pas omniscient. Juin 2007 – Mars 2008 : démarrage d’une campagne unitaire La problématique « travailleurs et sans papiers » À la base du mouvement actuel, on trouve une convergence de stratégies. Du côté de la CGT Massy, un travail d’organisation des travailleurs sans papiers aboutit à une première grève chez Modeluxe, en 2006. D’autres syndicats, confrontés au même problème (CNT Nettoyage, SOLIDAIRES Montreuil), mettent en place des permanences en vue de défense prud’homale et de réintégration des salariés spoliés dans leurs droits. Ce questionnement traverse aussi le mouvement des collectifs sans papiers. A Droits Devants !! le choix est fait de mettre l’accent sur la nature de travailleur des sans papiers, dans les manifestations et les prises de parole, et ils se rapprochent du premier groupe au moment de Buffalo Grill (2007). Parallèlement, le collectif UCIJ, une fois passée la loi CESEDA, s’interroge sur les nouvelles stratégies à mettre en place. La formation du groupe de travail UCIJ-Syndicats En juillet 2007 ces éléments se rassemblent dans un groupe de travail issu d’UCIJ, pour mettre en commun leurs expériences. Intersyndical (CGT, SOLIDAIRES, FSU, CNT, avec les syndicats de l’inspection du travail, rejoint par l’UNEF), interassociatif (GISTI, RESF, DD!!), intégrant les collectifs sans-papiers, il décide de lancer une campagne de sensibilisation en direction des sans papiers (le 4-pages) pour les inciter à se rapprocher des syndicats, et parallèlement de mener une campagne d’agitation au sein des organisations syndicales, afin qu’elles s’emparent de cette problématique et accueillent les nouveaux venus. Une brochure est prévue pour aider à la formation des militants, mais elle prend du retard alors que les initiatives de grèves se multiplient et mettent tout le monde au pied du mur. La campagne CGT/Droits Devants !! Le positionnement du binôme « UL CGT MASSY – Droits Devants !! » est un peu particulier et génère des problèmes de cohésion dans le groupe. Depuis octobre 2007, ils se sont lancés dans leur propre campagne de manifestations en direction des ministères sociaux (Travail, Economie, puis Matignon) du MEDEF et de la CGPME, en évitant de faire du Ministère Hortefeux un interlocuteur. Le problème est qu’ils ne consultent personne sur leur stratégie, n’informent personne de leurs intentions, et que le reste du groupe est systématiquement mis devant le fait accompli, sans pouvoir influer sur la marche des événements. C’est le cas lorsqu’ils lancent la grève à la Grande Armée, et de nouveau lorsqu’ils viennent présenter à la réunion du 15 avril le mouvement de grève polycentrique qu’ils ont initié le matin même ! Avril 2008 : grève polycentrique des travailleurs sans papiers Irruption de la problématique travailleurs et sans papiers On ne peut nier pourtant que leur stratégie est bonne. D’abord parce qu’elle paye : en ces temps de vaches maigres pour les collectifs sans-papiers, ils sont les seuls à obtenir des régularisations sur une démarche publique et surtout collective. Ensuite parce que leur positionnement est juste : le problème de l’immigration est essentiellement un problème économique, et il est bon de le rappeler et de mettre l’accent sur la réalité de la situation des sans papiers au travail. Enfin parce qu’elle réalise concrètement l’objectif majeur du groupe de travail : porter la question en plein milieu du débat public et dans le même temps, tourner massivement les travailleurs sans papiers vers les syndicats. La leçon a en tirer est donc bien qu’une campagne de régularisation des travailleurs sans papiers doit s’appuyer centralement sur leur occupation des lieux de production, avec le soutien des organisations syndicales. Début d’élargissement du mouvement Le fait que le mouvement fasse suite à une série de victoires ponctuelles (Buffalo Grill, Grande Armée) et démarre simultanément sur plusieurs lieux d’occupation, fait qu’il prend immédiatement un caractère massif que même ses initiateurs n’avaient pas prévu. Les travailleurs sans papiers se rendent nombreux sur les lieux, assaillent les syndicats. La couverture médiatique est dès le début excellente, malheureusement au seul bénéfice de la CGT et de DD!! (probablement l’objectif recherché, sans faire de mauvais esprit). La difficulté à convaincre les salariés sans papiers d’entrer en lutte est considérablement réduite, et malgré un certain retard à l’allumage, SOLIDAIRES et la CNT entrent en jeu dimanche 20 avril en occupant avec 5 salariés un restaurant de la chaîne Charlie Birdy (groupe Bertrand). Un mouvement se prépare également en province (Rhône, Bouches-du-Rhône). Au début de la deuxième semaine de grève, il semble que tout est prêt pour un conflit social majeur et explosif. La preuve est la confusion qui règne dans le patronat, qui se met à tirer contre son camps par une série de déclaration favorable à la régularisation. Fin de partie ? C’est alors qu’à mon sens le binôme Chauveau/Amara commet une faute stratégique majeure, en droite ligne de leurs options anti-unitaires. Voulant encaisser le plus vite possible les dividendes de leur action, ils passent dès lundi 21 à la phase de négociation avec Hortefeux sur la régularisation des grévistes. Ayant apparemment obtenu des gages du ministère, ils imposent à la CGT un gel du mouvement, et présentent cette option le mercredi 23, lors d’un meeting au panel soigneusement sélectionné. Cette option est catastrophique, car elle bloque l’extension du mouvement et l’amélioration du rapport de force, et permet au gouvernement, un moment en difficulté, de se ressaisir. Les soutiens du mouvement sont très déçus d’être ainsi séchés, y compris jusque dans la CGT. État des lieux au 25 mai 2008 Chez nous et dans le milieu militant Cette explosion a pris tout le monde par surprise, et personne n’était prêt. Mais personne n’ignore le potentiel de ce truc. Le PC a mobilisé pour relayer les équipes CGT à Fabio Lucci et Chez Papa, le milieu militant du 13ème est venu soutenir les grévistes du chantier rue Xantrailles. Les associations et les collectifs envoient leurs contacts se syndiquer. L’Huma a fait plusieurs gros titres sur le mouvement, dont les 3 premières pages du numéro de samedi 19 avril, avec les manifestations de soutien de nombreuses personnalités du monde politique syndical. Si on fournit un débouché à cette volonté d’entrer dans le combat, avec une perspective unitaire, il est clair que les gens répondront présent en masse, et les pitoyables tentatives du tandem C/A pour verrouiller le mouvement ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Du côté des associations (RESF, GISTI, UCIJ...), la volonté existe de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier CGT, d’autant qu’elles ont une longue pratique unitaire et qu’elles désapprouvent le profil choisi par Chauveau. Même Droits Devants!! commence à étouffer dans l’étreinte de la CGT. Ces assoces se mettront en relation avec nous immédiatement, pour peu qu’on leur envoie un signe positif. Ça représente des forces importantes et des connaissances juridiques qui nous manquent, en échange de quoi ils nous laisseront le champ syndical, dont ils ne peuvent pas se prévaloir et qui est indispensable à la réussite des actions. Pour ce qui est de SOLIDAIRES, on peut envisager d’agir par nous même, en lien partout où c’est possible avec la CGT, sinon seuls. J’attire l’attention de tout le monde sur la disponibilité croissante de certains secteurs de la CNT à mettre le paquet et engager des réserves sur cette affaire, si possible de manière unitaire avec nous. Nous avons donc de la réserve, du réseau, des contacts avec des travailleurs mobilisés, et un début de mouvement social massif. Elle est pas belle la vie ? Chez les travailleurs sans papiers Chez les grévistes, la nature du conflit fait qu’ils apprennent ou réapprennent un certain nombre de réflexes de temps de grève, comme par exemple la solidarité avec les autres grévistes, la défense de revendications larges, le refus de plier les gaules sous la menace ou contre de simples promesses. Les grévistes sont tellement déterminés que par endroits, ils refusent même les injonctions de reprise de la CGT, comme à Passion Traiteur (Colombes, 92) où ils ont voté par deux fois la poursuite du mouvement. Pour ceux qui ne sont pas encore en grève, ou qui hésitaient, le mouvement a suscité un énorme espoir sur la possibilité de lutter. Les sans-papiers, matraqués depuis plusieurs années et privés de tout débouché de régularisation, y voient leur dernière occasion de reprendre le combat, après quoi ça sera fini pour eux. Il est probable que le mot d’ordre de temporisation n’a absolument pas été enregistré, et un grand nombre sont prêt à tenter le tout pour le tout, tout de suite. Ils sont même prêts à faire n’importe quoi et le rôle des syndicats est donc bien de les encadrer, voire de les retenir le temps de mettre au point l’organisation des actions. Interventions des SUD/SOLIDAIRES dans les luttes actuelles Contacter les travailleurs sans-papiers et diffuser le 4-pages... − ... dans une entreprise ou sur un chantier :regarder les annonces d’ouverture de chantier, diffuser le 4-pages aux heures d’entrée-sortie du personnel, passer par les DP de l’entreprise ou de son donneur d’ordre, faire circuler le 4-pages à travers un premier contact sans-papiers dans l’entreprise. − ... en direction des travailleurs dispersés (intérim, nettoyage et gardiennage) : localiser le siège de l’entreprise et cibler les jours de paie (le vendredi après-midi pour l’intérim), les permanences du patron au bureau (c’est là qu’il recevra ses salariés). − cibler les « marchés aux esclaves » : tout bassin d’emploi possède son lieu de recrutement de journaliers pour le bâtiment, les marchés, les menus travaux, généralement près des foyers de travailleurs immigrés, et très tôt le matin. Attention ! Les employeurs sont peu recommandables, voire mafieux, alors ne pas procéder de manière ouverte mais prendre ses précautions. Organiser les travailleurs sans-papiers Mettre en place une permanence pour les travailleurs sans-papiers Importance d’une permanence syndicale spécifique : les travailleurs sans-papiers se vivent souvent comme des parias, ils hésitent d’habitude à contacter les syndicats. Ils viendront confier leur problème s’ils savent qu’un lieu et un moment particulier leur est dédié. Par ailleurs, le traitement de ces questions est assez spécifique et tous dans le syndicat ne sauront pas forcément par quel bout prendre ces dossiers. D’où l’importance de concentrer cette intervention sur un moment particulier de la semaine, relativement régulier. Ne pas se laisser déborder : par contre, un écueil à éviter absolument, c’est que la permanence devienne une permanence « pour les papiers ». Les sans-papiers ont en effet comme objectif prioritaire d’obtenir leur régularisation, ce qui est compréhensible, et la pression sera forte pour faire examiner leurs dossiers de régularisation, dans l’optique d’une présentation en Préfecture. Il faut expliquer au sans-papiers que l’objet du syndicat est la défense des droits des salariés, avec ou sans papiers, et que ce qui est proposé est une démarche d’organisation collective en vue de défendre ces droits. Même si c’est difficile, il faut être absolument intransigeant et refuser systématiquement l’examen des dossiers individuels s’ils n’ont pas un lien avec la relation salariale, et les renvoyer aux permanences des associations et des collectifs sans-papiers. Garder le contact: même si les travailleurs viendront le plus souvent avec un problème ponctuel, un dossier particulier à régler (leur licenciement généralement, mais aussi des problèmes de salaires ou de primes, de minima conventionnels, etc.) il faut s’efforcer de leur exposer l’intérêt à rester en contact avec le syndicat pour se tenir informés dans la durée, de leurs droits. Un point essentiel est qu’on peut continuer à soutenir le travailleurs sans-papiers pendant la suite de ses relations contractuelles, notamment en l’informant sur les clauses de son contrat, sur les primes auxquelles il a droit, et en lui évitant les arnaques futures. Impliquer les travailleurs sans-papiers Les réunions d’information: il faut régulièrement organiser des réunions de discussion et d’information afin de permettre aux travailleurs sans-papiers qui ont pris contact avec le syndicat de sortir du tête-à-tête de la permanence et s’impliquer dans les actions futures, qu’il s’agisse de sensibilisation de nouveaux contacts ou de luttes syndicales. Ces réunions permettent un point de chute pour les contacts que les travailleurs auront pris dans leur entreprise, de manière à faire « prendre » l’aspect collectif. Elles sont aussi l’occasion de relancer l’intérêt des travailleurs dont le contact a été pris mais dont le problème particulier est en attente (ou a été réglé). Point de vue Perso: toujours expliquer ce qu'est un syndicat en revenant aux bases : « c'est une association de travailleurs qui se soutiennent entre eux, et agissent en commun pour la défense, individuelle ou collective des salariés ». Ce qu'on leur propose, c'est de rejoindre cette association, de manière durable, pour participer à cette défense collective. On ne va pas "prendre en main son dossier", on lui propose de devenir un camarade. Croyez-moi, ils captent tout de suite ce qu'on leur propose, et résultat, la fois d'après ils militent pour ramener du monde, en expliquant eux-mêmes pourquoi "t'aura rien si tu t'engages pas". Ca c'etait "comment on donne à un damné de la terre l’envie d’être militant syndical". Syndiquer les travailleurs : au fur et à mesure que les salariés sans-papiers auront été contactés et tenus au courant des initiatives du syndicat, viendra le moment où se posera la question de le rejoindre et d’encourager d’autres à le rejoindre via la campagne de syndicalisation. Le choix du moment auquel on propose au salarié de s’encarter est une question d’habitude : certains syndicats demandent que le salarié s’encarte avant de prendre en charge son dossier, d’autres laissent venir, c’est selon. Point de vue Perso : il faut les syndiquer dès qu'il est établi qu'ils ont la volonté de pousser un dossier prud'homal ou d'obtenir leur régularisation (que ce soit par accord avec le patron ou par l'action). Pourquoi ? C'est que les sans papiers sont tellement à la recherche de solutions qu'ils vont papillonner partout où ils peuvent. le type qui passe par ta permanence syndicale, demain il sera à la CIMADE, après demain à la CGT, et la semaine prochaine dans un collectif sans papiers ou chez un avocat, à la recherche de celui ou celle qui lui donnera le feu vert pour déposer son dossier. Résultat, on a des bouts de dossiers qui se baladent un peu partout, des initiatives contradictoires prises dans l'ignorance les unes des autres, ce qui aboutit souvent à un bordel sans nom. Il faut que le type comprenne qu'ici c'est pas "les papiers du coeur" et que t'attends un engagement de lui, à la hauteur de ton investissement. Faut pas lui cacher que t'es toi aussi un travailleur, et que c'est pas par plaisir que tu passes tu temps le cul sur ta chaise à te taper ses histoires de papiers. Ca, c'était "comment s'assurer que le type a bien compris que tu lui demandais de revenir suivre son dossier". Constituer et défendre un dossier aux prud’hommes Généralement il s’agit de dossiers de licenciement, où la qualification de faute lourde ou grave a été retenue contre le salarié. Il peut aussi avoir été forcé à signer une lettre de démission. Dans tous les cas, il s’agit de faire reconnaître le licenciement non fautif, à l’initiative de l’employeur, et obtenir l’attribution du préavis, des congés, et des indemnités pour non respect de la procédure. Plusieurs cas sont à retenir: Le salarié n’était pas déclaré : il faut prouver la relation de travail. Recueillir les témoignages d’autres salariés, d’ex-salariés, de fournisseurs, clients et personnes intervenant dans l’entreprise. Faire décrire en détail par le travailleur les tâches effectuées pour démontrer sa bonne connaissance du travail dans l’entreprise ou sur le chantier. Lui faire consigner par écrit ses horaires hebdomadaires, de manière à mettre en valeur d’éventuelles heures supplémentaires non payées. Attacher de l’importance au mode de paiement, notamment si certains salaires ont été versés par chèque ou par virement (ce qui arrive, même dans les cas de travail au noir). Dans ce cas demander au salarié de fournir des relevés de compte, preuves d’un transfert d’argent. Recueillir des preuves de la participation du travailleurs aux différents chantiers, de l’existence de ces chantiers, recenser les adresses précises des lieux d’exécution, se rendre sur place et relever les mention obligatoires figurant sur l’affichage de chantier (Maître d’Ouvrage, Maître d'œuvre, entreprise titulaire du lot Gros Oeuvre), prendre des photos, relever les plaques d’immatriculation du patron ou du contremaître. S’il s’agit d’une entreprise en activité, contacter l’inspection du travail pour voir s’il est possible d’effectuer des constats (autres travailleurs également non déclarés). Rappel : le salarié non déclaré a droit à 6 mois de salaire, forfaitairement, lesquels doivent être calculés sur les rémunérations brutes moyennes des 6 derniers mois et non sur le brut de base (ne pas oublier de recalculer les heures supplémentaires, et d’intégrer certaines primes). Le salarié était déclaré sous un autre nom : il travaillait généralement avec les papiers d’un autre. En fait c’est pas très compliqué, il faut s’appuyer sur la réalité de la relation salariale, source de droits pour le salarié. Faire attester des collègues, des clients, pour démontrer que le salarié était connu sous son nom d’emprunt. Mettre en valeur la différence des photos sur la pièce utilisée pour arguer que l’employeur n’a pas vérifié l’identité du salarié, ou qu’il était au courant de la substitution. On rentre alors dans le cas général du licenciement. Il est préférable dans ce cas de demander au tribunal des prud’hommes d’obliger l’entreprise à reconnaître le salarié sous son vrai nom, et à refaire le certificat de travail en ce sens. Le salarié utilisait une fausse carte : c’est un peu plus compliqué, dans la mesure où il y a eu fraude, et que l’usage de faux est pénalement sanctionné, ce qui ouvre la voie à la qualification de faute. Néanmoins, l’obligation de vérifier la validité du séjour de tout salarié pèse sur l’employeur, et ni les Préfectures ni l’URSSAF, saisies d’une demande d’information quant au numéro de sécurité sociale affiché sur la carte, n’ont jamais fait de difficulté pour répondre. Par ailleurs, il faut savoir que depuis le 1er juillet 2007, l’employeur doit transmettre à la Préfecture pour vérification, au moment de l’embauche, l’autorisation de séjour de tout salarié étranger. Il est donc possible d’enfoncer l’argumentation de l’employeur en démontrant qu’il n’a aucunement fait diligence pour s’assurer de ses obligations. Il ne peut alors plus plaider la fraude et doit se contenter de licencier le salarié pour cause réelle et sérieuse, dans le respect des procédures. Cette dernière situation est typiquement de celles où il ne faut pas avoir peur d’y aller au bluff, menacer l’employeur de dénonciation au pénal sur d’autres cas similaires (où ça sera lui et non pas le salarié qui sera mis en cause). Ça peut servir d’avoir un dossier sur l’employeur et ses pratiques, de menacer de saisir la presse locale (ils n’aiment pas la mauvaise publicité). Il faut faire pression pour obtenir une conciliation avantageuse avec abandon de la qualification de faute. En effet, les juges prud’homaux valideront toujours un accord des parties, même après un passage en conciliation, et ce jusqu’à la veille d’une audience de jugement, voire en cours d’audience. En cas d’accident du travail. A priori un salarié sans-papiers ne peut bénéficier d’Indemnités Journalière de Sécurité Sociale en cas d’arrêt maladie. Mais lorsqu’il a été victime d’un accident du travail, et que celui-ci est reconnu, le Code de la Sécurité Sociale lui permet de se voir attribuer un numéro de sécurité sociale afin de toucher ces IJSS, et le traitement est pris en charge par la sécu. Il faut savoir que les CPAM ignorent généralement ce fait ou comptent sur la faiblesses des intéressés pour leur refuser leurs droits. Un refus est généralement opposé aux demandes initiales de reconnaissance AT présentées par les Sans-papiers. Dans ce cas le recours s’effectue devant la commission de recours amiable, dont la saisine est indispensable pour pouvoir ensuite saisir le TASS (tribunal des affaires de sécurité sociale). En cas d’accident du travail grave, il convient de demander la qualification de « faute inexcusable de l’employeur » (la encore commission spéciale, puis TASS) ce qui augmente considérablement les droits. Enfin, une fois l’AT consolidé, un certain taux d’invalidité déclenche l’attribution d’une rente AT, laquelle entraîne la régularisation automatique du travailleur, et continuera à être versée même en cas de rretour au pays. Maintenir, élargir le mouvement des grèves. Comment faire ? Relance des grèves avec occupations A moins d’avoir quelque chose sous le coude pour demain, on pourra pas se lancer avant le W-E, mais c’est pas grave. Nous devons démarrer aux côtés de la CNT, qui a de l’avance sur les contacts sans papiers et la connaissance des lieux disponibles, mais qui aura besoin de renfort. Après, on peut agir seuls, ou s’apparier avec d’autres. Le mieux est quand même d’essayer au maximum de pooler nos infos avec les syndicats disponibles de manière à composer des blocs, par restaus, chantiers ou branches, qui nous permettront de faire nombre sur les sites. Point de vue perso : sur la question de savoir quelle option est la meilleure entre patiemment construire des dossiers prud’homaux et organiser des départs en grèves, il convient de ne pas être dogmatique. Les deux correspondent à une activité syndicale normale et se justifient en fonction des situations concrètes. A Solidaires Montreuil on fonctionne comme ça : seul les cas individuels font l'objet d'un suivi individuel. C'est-à-dire s'ils sont tous seuls, si leur employeur veut présenter un dossier de régularisation, s'ils bossent au black et qu'un travail de construction préalable du dossier est nécessaire. Dans ce cas, il faut fonctionner sur la base de rendez-vous, sinon vous allez brasser du vent. Pour les autres, on procède à un tri initial de la manière suivante: identifier les sans-papiers par branches d'activité : pour le moment on a déterminé le batiment (intérim compris), la restauration, le nettoyage, le gardiennage ou l'imprimerie de labeur (yen a plus qu'on pourrait le croire). Pour ceux-là, on recueille leurs coordonnées c'est-à-dire leur numéro de portable et on promet de les convoquer à une réunion spécifique de leur branche. On délègue ensuite, par branche, un réfèrent qui sera chargé de faire le travail de regroupement et d'organiser les luttes. c'est à lui qu'on transmet les N° de portables. Il pourra les intégrer dans un "groupe SMS" sur son portable, ce qui permet ensuite d'envoyer des convocations de manière groupées. Mes ptits loups, voilà comment on créé un "bloc de travailleurs" et qu'on sort du cas par cas. Cibler le siège, l’établissement, ou de le donneur d’ordre Un certain nombre de point sont à prendre en compte lorsqu’on cible un lieu à occuper, et permettre de se faire une idée sur l’opportunité d’agir: − Une chaîne de restaurants, les supermarchés de proximité fonctionnent souvent le régime de la franchise, lesquelles sont parfois gérées par la même personne physique ou un même sous-établissement de plusieurs franchises. Il peut être utile de regrouper les dossiers pour frapper une des franchises, bien située ou symbolique, en visant l’ensemble du groupe ou du sous établissement (Pasta Papa, Charlie Birdy, Bistro Romain, mais aussi Buffalo Grill). − D’autres entreprises, fonctionnent en réseau, ou avec des succursales, notamment entre lieux de vente et entrepôts (Paris Store dans le 94) ou bien dans le nettoyage (avec un seul « centre administratif » pour plusieurs « entreprise »). On peut viser la tête et l’établissement qui sert de siège, ou une des succursales si elle est plus facile à occuper. Bien faire attention de faire remonter la responsabilité de l’emploi de sans-papiers au niveau décisionnaire. − Dans le même ordre d’idée, il est utile d’analyser le fonctionnement d’un site de production, afin de mettre à jour les relations de sous-traitance. Ca peut être utile si une des fonctions est sous-traitée, notamment le nettoyage ou le gardiennage (cas du Quick des Champs occupé par les salariés de l’entreprise sous-traitante en nettoyage, ou bien des Monoprix du 93 et leur sous-traitant de gardiennage OSP) ; un point important est que le donneur d’ordre, considéré comme bénéficiaire final est co-responsable des infractions au travail illégal commises par son sous-traitant. − Cette dernière structure de sous-traitance en cascade se retrouve bien évidemment sur les chantiers. c’est pourquoi une bonne liaison avec les salariés du bâtiment permet de retrouver sur un même chantier des travailleurs sans-papiers des plusieurs entreprises du bâtiment, au service d’artisans ou en intérim. Dans ce cas, le chantier en lui-même est présumé employeur, et la responsabilité pour les faits délictueux remonte carrément au commanditaire, dit le Maître d’Ouvrage. Marrant quand c’est l’Etat ou une collectivité territoriale, non ? Secteur par secteur, quelles interventions pour les « SUD » ? Restauration Très fort potentiel sur Paris dans ce secteur, et probablement aussi à Lyon (la CGT y semble prête à agir, mais de manière unitaire, ça à l’air moins sûr...). C’est clairement par là qu’on peut démarrer. Le relais syndical est à mon sens plus territorial que par branche. C’est un terrain d’investissement idéal pour certaines fédés type « fonction publique » avec des militants disponibles mais peu de sans papiers dans leur secteur (poste, rail, énergie, éducation) ainsi que pour SUD Etudiant. Le plus dur c’est les premiers lieux à ouvrir. L’expérience Charlie Birdy nous montre qu’après, par proximité, le réseau s’étend naturellement et de nouveaux travailleurs sans papiers se signalent. Bâtiment On va avoir beaucoup de demande, même si on y est assez faible. J’ai pas de solution sous la main, mais le Syndicat Unifié du Bâtiment de la CNT est composé de gens à mon avis assez fiables et sur une ligne proche de la nôtre, alors faut pas se priver de bosser avec eux. Un objectif jouable est de regrouper les travailleurs de cette branche en visant de gros chantier en pleine activité de gros oeuvre (grosses équipes) ou un chantier en phase de second oeuvre, avec plein de sous traitants. Ca devrait être un des enjeux de la réunion « travailleurs sans-papiers et syndicats » que Solidaires Montreuil animera le jeudi 5 juin à 19 heures, à la Bourse du Travail de Montreuil. Nettoyage Je laisse à SUD Nettoyage le soin de déterminer le détail de leur intervention, mais je pense qu’il est clair qu’occuper les petits chantiers de nettoyage n’a aucun sens. Plutôt viser les sièges, les chantiers sous-traités des hôpitaux et des cliniques privées (du boulot pour SUD Santé ?), de la Ville de Paris, des supermarchés. Il est possible dans ce cas de cibler les donneurs d’ordre en n’oubliant pas les administrations (une Préfecture ou une Direction du Travail, ça serait assez cocasse !). Les SOLIDAIRES locaux peuvent également jouer à plein, en liaison avec la CNT Nettoyage, les SUD de la fonction publique ou affiliés travaillant sur des gros « bâtiments fonction publique » (gares, hôpitaux, administrations). Sécurité, gardiennage C’est paradoxal, dans la mesure ou les salariés de ce secteur doivent obtenir une autorisation préfectorale individuelle, mais on y trouve aussi des Sans Papiers. Honnêtement je ne sais pas trop quoi y faire à ce stade. Perso sur Montreuil on n’a encore pas eu de cas. Il paraîtrait qu’il existe un SUD pour cette profession, dans notre branche Services , mais j’ai pas d’infos. Aide à la personne, ménage et gardes d’enfants Un secteur difficile, mais qu’on ne peut pas laisser tomber. Je sais que c’est un des prochains objectifs de Droits Devants !! alors faudra voir comment ils entendent mener ça à bien. Je sais aussi que RESF 93 est en train de sensibiliser les parents d’élèves du département sur le sort de leurs propres employé(e)s. Ça peut être une bonne porte d’entrée. À creuser, y compris en province. Dossiers « divers » Vous allez voir débarquer en permanences toutes sortes de gus sortis du bois, seuls dans leur boîte, bossant au black et/ou pour des artisans, qu’il est impossible de traiter dans un premier temps. Il est quand même crucial de regrouper tous ces dossiers de manière à faire bloc et procéder à un dépôt massif dès qu’on aura réussi à établir un rapport de force favorable. Le plus dur sera de faire patienter les sans papiers le temps de ce faire. Une bonne liaison avec les assoces (CIMADE, ASTI, GISTI) les collectifs sans papiers et Droits Devants !! est cruciale pour réussir cette opération. Coopérer avec les structures « non syndicales » du mouvement Il est possible à notre Union Syndicale et aux syndicats qui la constituent de travailler en commun, voir d’étudier la possibilité de participer à plusieurs types d’actions en liaison avec les CSP et le reste du mouvement solidaire. Étendre en province c’est une grosse carte à jouer pour nous. Si en Ile-de-France on a clairement un train de retard, en province on est sur la même ligne de départ que la Cégète. Nos liens étroits avec RESF, notre profil plus proche du mouvement sans-papiers peuvent jouer en notre faveur. Le point de départ pour les camarades de province pourrait être de rapidement prendre contact avec les associations parties prenantes de la campagne au niveau local (RESF, MRAP, ASTI, CIMADE, Collectifs sans papiers...) et voir si une demande prioritaire se dégage. Après, les conditions locales permettent ou non d’envisager aussi un lien avec la CGT, la CNT ou la FSU du coin. Chacun peut se déterminer en fonction de la maturité de la situation. Point de vue Perso : Pour ce qui est du « mouvement social non syndical », je vais me permettre une intervention un peu politique, mais que je considère comme très importante du point de vue notre positionnement en tant qu’union syndicale : il n’appartient pas à SOLIDAIRES de tourner le dos au mouvement sans-papiers, sous prétexte comme la CGT, qu’on a trouvé une martingale plus efficace sous la forme idéalisée du « travailleur sans-papiers ». Personnellement je le répète, le ou la personne sans-papiers, dans n’importe quelle situation, est généralement un travailleur. Mais toute lutte ne peut pas passer par l’occupation d’une usine. SOLIDAIRES doit continuer à soutenir tous les mouvements d’occupation issus du mouvement sans-papiers, quels qu’ils soient, et contribuer à s’assurer qu’ils aient toujours la meilleure issue possible. Les collectifs, les assoces de soutien au mouvement et le RESF doivent rester des alliés très proches. En ce qui concerne plus spécifiquement les collectifs sans-papiers, il est clair que nous ne pouvons adopter l’attitude de Droits devant !! à leur égard, qui consiste à vouloir absolument les ignorer, si ce n’est s’y substituer : ils sont et restent des acteurs importants de la lutte des sans-papiers pour leur régularisation, ne serait-ce que parce qu’ils sont un cadre d’auto-organisation. L’entraide syndicale aux assoces et au RESF Il s’agit d’une affirmation, notamment dans les professions à qui on demande de coopérer à la chasse aux sans-papiers, d’affirmer haut et fort la volonté de résister à l’instrumentalisation. Pour nous je pense que cela peut suivre trois axes. − Entrer en contact avec le mouvement social polarisé sur cette question (à l’échelle locale, régionale ou nationale) pour faire savoir la disponibilité à partager infos, expertises ou mobilisations. Etre disponibles pour des manifestations communes, en direction du Medef et , des fédérations patronales (mêmes locales, ça fait mal...). − Utiliser les instances représentatives (CE, CTP, voire CHS) pour le faire savoir, à travers des motions adressées aux hiérarchies, entre autres prises de position syndicales. − Saboter la machine à informer, dénoncer et expulser. Refuser d’obéir, et faire fuiter l’info sans aucune repsect pour les soidisant lois et règlements qu’on est chargé d’appliquer. Cela peut se faire via SUD Educ, mais aussi via des syndicats de territoriaux, ou Santé-Sociaux (à tous ces syndicats de voir si ça vaut le coup de bosser avec la FSU ou la CGT sur ce coup), ainsi qu’à travers SUD Travail et SUD Aérien. Ces interventions peuvent aussi passer par les REFI (réseaux professionnels contre la répression, entre autres des migrants) ou les réseaux de solidarité anti-expulsions ou anti-répression. La grève par zone Nous voyons très clairement ce qu’il est possible de faire, basé sur l’expérience des Champs Elysées. Je ne connais pas la configuration pour Lyon ou Cannes, mais en ce qui concerne la restauration, il est démontré qu’il est possible d’opérer par mitage, ce qui pousse les grèves à partir « en tâches d’huile ». On peut envisager sur Paris la place de la République, la Défense, la place Montparnasse ou les quartiers d’Alésia ou St Germain. La même chose s’applique au nettoyage, s’il se situe dans des restaurants à proximité, ou si des zones de gros établissements publics sont ciblées (concomitance d’une gare, d’un hôpital ou d’une administration). L’avantage de la grève « par zone » est qu’elle peut facilement se faire en liaison avec les collectifs sans papiers, les assoces ou le RESF local, éléments déjà prêts d’un comité de soutien local, lequel peut facilement s’étendre à des actions moins « syndicalo-centrées » dans la même zone géographique. Point de vue Perso: sur l’auto-alimentation du mouvement : je me permet de rappeler ce qui s’est passé hier (samedi 24 mai) sur les Champs Elysées : 18 Sans papiers travaillant dans les cuisines d’un restau avenue Georges V se sont mis en grève. Dans le message expédié on comprend la chose suivante : "les sans papiers "en congé" ont décidé EUX-MÊMES de cette occupation [...] et ont demandé le soutien de la CGT." Il s'agirait donc d'un saut qualitatif dans le mouvement, puisqu'on serait en présence d'un DÉPART DE GRÈVE SPONTANÉ ! Face à cette situation, (qu'on peut résumer de la manière suivante : les sans-papiers d’une zone donnée se passent le mot et s'auto-organisent pour faire grève, sans attendre le feu vert d'aucun syndicat) il faut pouvoir rapidement se réorganiser. Si dans une zone donnée on assiste à un effet d’emballement, il sera alors crucial d'avoir un QG, un lieu de mise en commun des initiatives et des infos, qui pourra aussi servir de lieu de médiatisation. On peut envisager qu’à partir d’un des lieux occupés les plus importants et les plus dispos (comme sur les Champs le PastaPaPa qui est désormais à nous, ou bien un autre lieux occupé proche d’une place où l’on trouve beaucoup de Restaus...) nous pouvons stocker un grand nombre d'autocollants et de drapeaux Solidaires (et CNT, voire même CGT s'ils le souhaitent) et appeler par voie de tracts distribués alentours à ce que tous les grévistes volontaires ou déjà partis en grève viennent chercher de quoi au moins se badger et orner leurs locaux occupés. Comme ça, même si nous n'avons pas les forces pour organiser tout ce monde-là au préalable nous pouvons au moins assurer une couverture syndicale minimum aux travailleurs SP qui décideraient de partir spontanément en grève. Si la tendance "boule de neige" se confirme, le fait de proposer un point de chute nous permettrait de prendre contact avec les grévistes et ainsi au moins être informé des départs en grève. Dans la foulée, identifier un "porte-parole" par groupe de grévistes, et prendre ses coordonnées nous permettrait d'être informés de l'évolution de la situation, et éventuellement de conseiller/informer les "grévistes sauvages" sur la meilleure marche à suivre Les occupations « mixtes » de travailleurs isolés, de familles et de sans emplois Là on entre dans un domaine plus expérimental, parce qu’il s’agit d’une hypothèse. Si un collectif démarre une occupation de style plus « classique » (lieux protégé, publique ou symbolique), il peut être TRES intéressant d’y orienter au plus vite un maximum de travailleurs sans papiers intérimaires, isolés, ou dépourvus d’emploi, ainsi que des parents contactés via le RESF, et les inciter à rejoindre l’action et le collectif. De toutes manières, pour un grand nombre de travailleurs sans papiers également, la solution ne viendra que par une régularisation massive, qu’on aimerait le plus « globale » possible. Les mouvements des collectifs ne peuvent que renforcer la demande générale en ce sens. En revanche si on est dans cette démarche, je pense qu’il est justifié pour une structure syndicale de garder tout de même le contact avec les travailleurs sans-papiers, notamment syndiqués, et de les inciter à se déclarer en grève plutôt que de simplement quitter leur emploi. On peut même envisager que les sans-papiers puissent continuer à s’organiser syndicalement sur le lieu d’occupation, continuer à participer à des parrainages du RESF ou autres, et voire que l’occupation devienne le point de départ vers des actions de type syndical (occupations ou manifestations en direction des employeurs). Au final, faut revenir aux fondamentaux. Les étrangers sans-papiers, avec ou sans travail, doivent rester les acteurs de leur lutte. Rien n’empêche, tout en tournant le dos à toute division ou négociation sur la base du « cas par cas », de leur laisser la possibilité de choisir leurs armes ou de les cumuler.