les sangliers sont-ils intelligents?
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les sangliers sont-ils intelligents?
LES SANGLIERS SONT-ILS INTELLIGENTS? Pour satisfaire notre ego de chasseur, il est de bon ton de considérer que les gibiers que nous chassons, et tout particulièrement le sanglier, sont dotés d’une intelligence hors pair. C’est sans doute vrai à quelques nuances près. La réponse à cette question qui peut paraître un tant soit peu iconoclaste, n’est pas évidente. Parler d’intelligence chez les animaux et les mammifères en la circonstance, donne à penser qu’il faudrait tout d’abord donner une définition plausible et compréhensible de l’intelligence, qui pourrait être : « capacité à résoudre des problèmes ». C’est simple mais à défaut de mieux ! Chez l’homme, l’un des changements majeurs qui a marqué son évolution et forgé son intelligence a sans doute été de passer de l’utilisation de l’outil primaire, une branche ou une pierre par exemple, à un outil pensé et crée pour une utilisation déterminée. La branche appointée et durcie au feu ou la pierre taillée en sont l’illustration. Chez certains animaux, les primates en particulier, cette forme d’intelligence existe. Qu’un animal fasse des réserves de nourriture, se souvienne d’un itinéraire, ou se construise un abri procède sûrement plus de l’apprentissage par imitation de ses aînés que de l’intelligence. De tous les animaux vivants sur notre planète c’est sûrement l’homme le plus intelligent, bien que parfois, à voir ce qui se passe autour de nous, on pourrait être en droit d’en douter quelque peu. Si l’on se place sur le strict plan de l’anatomie, c’est le cerveau de l’homme qui est le plus complexe avec son réseau de neurones où les interconnexions sont innombrables. Les autres mammifères et a priori le sanglier ne sont pas forcément en reste. Ils ont tous des ancêtres communs et leur cerveau a la même structure de base. Les différences d’une espèce à une autre se situent simplement dans le développement de certaines parties. Les nombreuses expériences scientifiques ont d’ailleurs largement démontré que les animaux ont un cerveau tout à fait capable de raisonner et d’induire des comportements que nous pourrions facilement, avec un peu d’anthropomorphisme, comparer à ceux de nos contemporains. Il n’est pas question de prêter sans preuve aux animaux une intelligence semblable à la nôtre, ils n’utilisent pas de langage symbolique et apparemment ne font pas preuve de discernement. Par contre les animaux, et particulièrement les mammifères, sont tout à fait capables de mémoriser des événements et des lieux, d’utiliser un langage pratique, que ce soit par transmission de sons, d’attitudes et de mimiques. Ils peuvent même pour les plus évolués, utiliser des outils ou avoir des comportements d’entraide ou de protection tout à fait remarquables. Et pourquoi ne seraient-ils pas sensibles au stress et à l’angoisse ? Sont-ils conscients de la mort ? Entre eux et nous la partie n’est pas égale Si les sangliers ont certains handicaps par rapport à nous qui les chassons si ardemment, il faut bien admettre, même si cela doit toucher à notre modestie naturelle, que nous en avons aussi par rapport à eux. Nous avons par exemple au cours du temps, profondément modifié les écosystèmes, donc les milieux où vivent les sangliers pour les rendre plus accessibles et plus exploitables pour nous au dépend, bien sûr, de leur valeur de survie pour les animaux. Si l’Europe était en grande partie couverte par des forêts primaires quasiment vierges, nous aurions bien du mal à organiser des battues au sanglier comme nous le faisons actuellement. En effet nos résultats seraient bien piètres, car les sangliers pourraient mieux mettre leurs avantages physiques et d’exploitation du milieu face à toute notre stratégie et notre logistique. Les pêcheurs sont d’ailleurs confrontés au même problème quand ils pensent que la truite qu’ils convoitent est dotée d’une « intelligence » au-dessus de la moyenne. La belle mouchetée s’est simplement adaptée à son milieu et profite de l’oxygénation et de la turbulence des eaux vives pour déjouer la vigilance et l’adresse du pêcheur. La même truite lâchée dans un canal ou un plan d’eau calme, n’arrive pas à la nageoire (étant donné l’absence de cheville… !) d’une carpe, côté force et endurance. Certainement que les animaux sont intelligents et tout particulièrement le sanglier… S’il n’est pas toujours facile de faire la part des choses entre l’inné et l’acquis, pour nous qui ne nous posons pas toutes ces questions, certainement que les animaux sont intelligents et tout particulièrement le sanglier. Déjà dans la douce quiétude et la chaleur du chaudron, le petit marcassin va se forger une personnalité et développer son sens de l’adaptation au contact de sa mère et des autres membres de sa fratrie. Mais le simple fait que la laie ait construit un chaudron est déjà en soit presque une preuve d’intelligence. Par la suite, en suivant sa mère, le marcassin va mémoriser, au cours de ses itinéraires, tous les arcanes, les pièges et les ressources de son domaine. Si plus tard il donne tant de fil à retordre à nos chiens, c’est bien parce qu’il a su assimiler tous ces paramètres et qu’il est capable d’en tirer parti. Le sanglier qui va soigneusement éviter votre poste parce que vous empestez l’after-shave ou la pipe froide, fait bien preuve d’une certaine aptitude. Certainement qu’à un moment de son existence il a été confronté à ce stimuli et a su en tirer les conséquences. La notion de peur par exemple n’a de sens pour un animal qu’à partir du moment où la confrontation lui a été néfaste. Le premier coup d’un canon « Tonnefort » dans un champ de maïs fera fuir tout le monde, au deuxième on lèvera la tête et au troisième, comme il ne s’est rien passé de fâcheux on continuera de piller le champ. On peut aussi considérer que ce même sanglier qui va soigneusement s’enduire de boue dans une souille, fait preuve d’intelligence. Bien sûr ce comportement, si ce n’est que pour une simple régulation de sa température ou un espoir de communication est sûrement le fait d’un comportement inné, mais ce même bain de boue pris à la sauvette, au prix d’un détour pendant une poursuite effrénée, dénote bien d’une réflexion qui ne doit rien au hasard. Mis au ferme par la meute, le vieux solitaire va s’acculer contre une cépée pour protéger ses arrières. C’est un réflexe de défense mais c’est aussi le fruit d’une réflexion qui lui impose de voir l’ennemi de face. Et si, blessé, il va à la souille enduire de boue ses plaies, il y a bien une relation de cause à effet qui n’est plus tout à fait due au hasard. Alors intelligence ou simple opportunisme, qui le dira ? Rien ne nous empêche de rêver et de penser que les sangliers sont vraiment intelligents. Philibert de Montembert pour Sanglier Passion