le point de vue du medecin urgentiste - CClin Sud-Est

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le point de vue du medecin urgentiste - CClin Sud-Est
16/12/2010
AES
LE POINT DE VUE
DU MEDECIN URGENTISTE
Dr Yves MEISSIREL - Service Urgences-SMUR - Aubenas
Qu'est-ce qu'un AES ?
Tout évènement mettant en contact le sang (ou un de ses dérivés) d'un humain avec
celui d'un autre humain.
2 types d'évènements sont à envisager :
Exposition par des relations sexuelles
Exposition par plaie, piqûre avec mise en contact par présence de sang ou d'un dérivé
sanguin
i
Dans ce deuxième cas figurent aussi bien les risques professionnels que la transmission
entre deux toxicomanes
L'urgentiste est souvent le premier médecin prenant en charge ces deux types d'AES
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Victime
Source
Virus
Sang
AES
Sexe
Qu'est-ce qu'un Urgentiste ?
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Qu'est-ce qu'un Urgentiste ?
Place des services d'Urgences
Service médical ouvert 24h/24, 7J/7, 365J/an (voire 366, parfois), 10 ans /décennie....
Rôle de santé publique pivot dans la prise en charge des AES
Rôle très limité dans le temps :
assurer la première consultation, débuter le parcours de l'agent victime d'un AES dans la
chaine de son suivi médical
Rôle d'articulation avec la prise en charge d'aval :
Médecin du travail, Médecin référent, Médecin traitant, Médecin spécialiste (gynéco.,..)
Médecin légiste, psychiatre, etc...
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I - Rôle de l'Urgentiste (la théorie)
Assurer les premiers soins
Évaluer le statut du patient source
Évaluer le statut de la victime
Évaluer le risque lié à l'accident / événement
Débuter un traitement postexposition
p
Réaliser le certificat d'accident du travail
Initier le suivi
Rôle de conseil
Rôle de l'Urgentiste
Assurer les premiers soins :
Déjà réalisés en principe avant l'accueil aux Urgences (voir consignes)
Mais....
Mais
→ Nécessité d'une prise en charge rapide au moment de l'accueil (bonnes
pratiques médicales aux Urgences en cas d'AES)
Nettoyage – Rinçage abondant (muqueuses)
Trempage (Dakin) 5 min minimum
Évaluer le statut du patient source :
Risque sexuel :
Sérologies positives connues, toxicomanie, ATCD d'IST, provenance de pays à
forte prévalence du SIDA, notion de partenaires multiples
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Risque professionnel : « traquer le risque viral... »
Problématique du dossier du patient source (Aubenas) :
Disponibilité lors de la consultation ?
Les consultants victimes d'AES peuvent provenir d'unités de soins éloignées de
notre hôpital et sont sensés amener le dossier du patient source afin que nous
puissions avoir le maximum d'informations :
Existence d'antécédents connus de séropositivité mentionnés dans le dossier ?
Recherche d'antécédents de séropositivité non mentionnés dans le dossier
(résultats de biologie, courriers anciens, etc...)
Démarche demandant un esprit inquisiteur, démarche chronophage ++++
Problématique du transport du dossier par l'agent, du respect du secret médical
(signature d'une convention liant les établissements de « périphérie » au CHArMe
pour le transport d'un dossier patient), enveloppe sécurisée
Prise de sang du patient source :
les tubes suivent, en principe, l'agent victime d'un AES. Ils sont acheminés vers le
laboratoire en même temps que les tubes de l'agent.
Rôle de l'Urgentiste
Évaluer le statut de la victime :
Vaccination antitétanique
q ?
Vaccination contre l'hépatite B ? Non-réponse à la vaccination ?
Existence préalable d'une séropositivité connue ?
Autres antécédents ? Contre-indications à un éventuel traitement prophylactique
anti-viral ?
Évaluer le risque lié à l'accident:
Effraction cutanée (réelle, redoutée) ?
Notion de peau saine en cas de projection / contact ?
Respect
p
des p
précautions standard ?
Type de relations sexuelles
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Rôle de l'Urgentiste
Débuter un traitement post-exposition :
« Kits » de traitement disponibles aux Urgences à Aubenas : Combivir + Kaletra
Posologie pour 48 h de traitement
Assurer un « suivi » :
Être en mesure de communiquer les résultats biologiques à l'agent dès leur
réception (problématique du patient ayant quitté les Urgences, mais dont il faut se
souvenir de consulter les résultats, rappel de l'agent, rappel par l'agent, …)
Réaliser les papiers nécessaires à l'agent (certificat d'AT, déclaration d'AES au
secrétariat de Médecine et Santé au travail – voir exemple plus loin), certificat
descriptif, pour dépôt de plainte
Donner les bonnes informations (sur la suite de la procédure) et les bons conseils
qui vont l'aider dans son parcours
Transmission au spécialiste (gynécologue, médecin légiste, psychiatre) dans le
cas des AES sexuels :
examen gynéco., sérologie syphilis, contraception du lendemain, suivi
psychologique
Conseils de prévention, tant pour les AES professionnels que pour les conduites à
risque sexuelles
F. 2.
Conduite à tenir en cas d’A.E.S ?
Dossier patient
Service
T 0 : soins immédiats
Certificat AT final
Urgences
Labo
Évaluation du risque
Certificat AT initial
Prélèvements
Traitement prophylactique
T 4h max
Enquête CCLIN Sud Est
Suivi médical et
sérologique
T 1-3-4 -6 mois
Médecine et Santé au Travail
DPRS
Déclaration
administrative AT
T 48 h max
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Conclusion
Mise en place d'une organisation concernant l'hôpital d'Aubenas ET les hôpitaux
périphériques
Organisation
O
i ti sécurisante
é i
t pour le
l personnel,l avec d
des règles
è l communes, une
harmonisation de la prise en charge, un suivi transversal
Résultats pas toujours parfaits...
Consultations parfois hors délais
Difficultés au transfert des dossiers
Résultats biologiques du patient source (transmission, récupération, ..)
Dossiers souvent incomplets
Mais organisation efficace, toujours en quête d'amélioration, progressivement
passée dans les bonnes moeurs de l'(des) établissement(s)
Rôle de l'Urgentiste : le « ressenti »
Problème de la « double injonction » :
difficulté de l'évaluation (évaluer à postériori les risques d'un événement potentiellement
l dd
lourd
de conséquences)
é
)d
dans un contexte
t t diffi
difficile
il où
ù nii l'l'agentt nii lle médecin
éd i ne sontt
bien à l'aise
Agent ne percevant pas toujours les risques auxquels il est exposé, parfois pressé
de quitter les Urgences (attendu dans son service, ou ayant fini sa journée de
travail), ne comprenant pas la complexité de la consultation pour le médecin (
« faites moi vite mon papier d'AT que je puisse repartir vite et qu'ainsi je ne ne vous
embête pas » ), ne comprenant pas son intégration aux consultations des Urgences
et les délais qui en découlent
Médecin urgentiste parfois insuffisamment « impliqué » dans cette consultation
quelque peu insolite dans sa journée de travail, dont il aimerait bien se
« débarrasser » au plus vite, , mais dont il sait bien qu'elle peut être assez
chronophage et qu'il a l'impression de mal maîtriser (va-t-il penser à tous les
éléments : médical, administratif, médico-légal, humain, ...?)
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II - Rôle de l'Urgentiste (la pratique)
Scène 1 :
« Docteur, je m'suis
m suis piqué avec une aiguille. J'ai
J ai quitté mon service en pleine bourre.
Faites moi vite mon papier d'AT que je remonte bosser. De toutes façons, il a pas le
SIDA, mon patient »
La voix off de la conscience du Docteur : « encore un dégourdi qu'a deux mains
gauches , qui va vouloir s'intercaler dans le flot de mes patients. Y manquait plus
qu'ça ! Et la famille de mon infarctus qui me demande des nouvelles depuis une
heure et à qui j'ai dit que j'arrivais tout de suite. Et mon sous-dural que je n'ai pas pu
retourner voir depuis au moins deux heures» .
« Il a p
pas le SIDA,, mais les hépatites
p
? Les BMR ? La p
peste ? La rougeole
g
?
M'avez-vous amené le dossier du patient source ? »
« Ah ben non hein, il est beaucoup trop lourd ! Ça fait au moins vingt fois qu'on l'a
en hospitalisation pour des transfusions répétées, depuis qu'il a fait sa cirrhose.
Alors vous pensez, il doit bien faire dans les dix-douze kilos, le dossier...»
Rôle de l'Urgentiste (la pratique, suite)
Scène 2 :
L'agent, en sueurs et légèrement courroucé car il vient de faire un aller-retour à son
service pour ramener le (lourd) dossier du patient :
« voilà le dossier, Docteur, alors maintenant faites vite, hein.. »
Le médecin, qui vient de se faire houspiller par la famille de l'infarctus qui l'a
attrapé au passage alors qu'il venait de revoir l'hématome sous-dural (qui s'enfonce
et qu'il va devoir essayer de transférer au plus vite en neurochirurgie), à la vue du
dossier qui, en réalité, doit bien faire dans les quinze kilos dont douze de résultats
biologiques qu'il va devoir compulser page par page à la recherche d'une
éventuelle sérologie positive :
« Et qu'est-ce qui s'est passé, exactement ? Comment votre doigt et l'aiguille
fatidique se sont-ils rencontrés ? A quelle heure ? Et qu'avez-vous fait
initialement comme soins ? »
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Rôle de l'Urgentiste (la pratique, suite)
Scène 3 :
L'Urgentiste passe en revue chacune des 228 pages de résultats biologiques, les 76
pages de
d courriers
i
médicaux
édi
à la
l recherche
h h de
d la
l trace
t
écrite
é it du
d moindre
i d virus.
i
Il
vient de chercher pendant quelques minutes la seule infirmière disponible du service,
qui veut bien prélever quelques tubes de sang à la victime.
La famille de l'hématome sous-dural vient de créer un incident en salle d'attente car
elle pense que le pressing que la famille de l'infarctus maintient sur l'Urgentiste
l'incite à trop en prioriser la prise en charge
Le temps que le médecin tente de calmer les esprits en discutant un peu avec les
deux familles,
familles la prise de sang est finie et l'agent
l agent s'impatiente
s impatiente. Il réclame : un
certificat d'AT, une décision d'éventuelle mise sous traitement anti-viral, un verre
d'eau car la prise de sang lui a conféré une bonne réaction vagale, et un peu de
compassion car il va peut-être mourir de cet AES (après de nombreuses années
d'indemnités record, compte-tenu du fait que vous aurez raté la seule page de
biologie qui n'était pas archivée avec les autres mais froissée au fond de
l'enveloppe du dossier... ).
Rôle de l'Urgentiste (la pratique)
Scène 4 :
L'Urgentiste,
g
, soulevant d'une main les pieds
p
de l'agent
g
q
qui a fini p
par être victime de
son Sympathique et a chu à ses pieds, rédige de sa main libre l'observation et,
téléphone coincé entre son épaule et son oreille, tente de convaincre le neurochirurgien
de lui prendre son infarctus, tandis que le cardiologue, venu le voir, lit le dossier de
l'hématome sous-dural...
Scène 5 :
Le calme revenu, l'agent remonté dans son service, l'infarctus thrombolysé et
l'hématome sous-dural dans l'hélicoptère, le médecin Urgentiste se dit qu'il ne va
pas falloir oublier de regarder , dans une heure ou deux
deux, les résultats du bilan du
patient source (il oublie que dans 2 heures, il sera rentré chez lui et aura - peutêtre - fait la transmission à son collègue...).
Cependant que la secrétaire qui vient de classer les dossiers vient le voir :
« je me demande bien comment ce patient qui vient de partir en hélicoptère et qui
avait du sang dans sa tête a réussi à se piquer avec l'aiguille d'un autre patient. Et
n'était-il pas dangereux de le thrombolyser ? »
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Je vous remercie...
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