Imax - Interview de Maitre Cornette de Saint Cyr

Transcription

Imax - Interview de Maitre Cornette de Saint Cyr
30/11/2010
Interview de Pierre Cornette de Saint Cyr
Pierre Cornette de Saint Cyr, le plus célèbre des commissaires priseurs Français, m'a donné sa
vision du marché immobilier.
Pierre Cornette de St Cyr
Vous êtes probablement le plus connu des commissaires priseurs
français, mais aussi réputé grand amateur d’art puisque Président du
Palais de Tokyo. En dehors des débats et des idées reçues qui opposent
art et argent, serait-il insensé de présenter des similitudes en terme
d’investissement entre le marché de l’immobilier et le marché de l’art ?
Si non, lesquelles d’après vous ?
La différence entre l’art et l’immobilier c’est que l’art est un outil de civilisation alors que ce qu’on
appelle «immobilier», c’est pour se loger... C’est vrai qu’il est important de créer des connexions, mais
dans l’immobilier il y a des spéculations telles qu’on finit par ne plus pouvoir se loger. Quelque soit le
prix de l’art, ça ne change rien, par contre si vous ne pouvez pas vous loger, c’est un vrai problème.
Je m’adresse maintenant au Président du Palais de Tokyo, reconnu à son combat pour la
promotion de l’art contemporain français : pensez-vous que l’immobilier en général,
contemporain ou non dans son architecture, peut-être considéré comme de l’art en tant que tel
ou n’a pour vocation que d’être ponctuellement l’accessoire d’une oeuvre ?
Je pense que l’architecture est un art à temps plein. D’ailleurs, j’ai fait récemment une vente de charité
au Trocadéro pour les architectes de l’urgence ; il s’agissait de vendre leurs dessins car ce sont aussi
de grands sculpteurs. On retrouve les mêmes différences entre les architectes et les artistes: il y a des
grands et il y a des nuls. Les grands architectes sont de grands artistes et les architectes nuls sont des
architectes nuls. C’est aussi clair que dans l’art.
Dans votre livre «Le musée le plus cher du monde» où vous présentez plus d’une centaine
d’oeuvres ayant marqué l’histoire et surtout le marché de l’art, vous faites référence notamment
à Jeff Koons. Quand ce dernier expose son célèbre «Balloon Dog» devant le château de
Versailles en 2008, de quelle manière abordez-vous les réfractaires, qu’ils soient non initiés ou
qu’ils n’y voient là qu’une énième provocation artistique ?
Réfractaire... Je répète toujours deux phrases de deux personnes que l’on peut quand même croire :
Léonard de Vinci disait : «on aime que ce que l’on connaît», et Picasso ajoutait : «l’art c’est comme le
chinois, ça s’apprend». Donc aux gens qui donnent des avis sur ce qu’ils ne connaissent pas : l’art, ça
s’apprend ! Quand à Jeff KOONS, c’est un grand artiste et je trouve formidable de l’avoir eu à
Versailles. D’abord parce qu’on voit Versailles différemment lorsqu’on y arrive et qu’on aperçoit ses
oeuvres, et ensuite ça prouve que Louis XIV était un type absolument formidable, extraordinairement
contemporain et que s’il était vivant, il aurait surement invité Jeff KOONS. Donc cette idée
systématique
sur
ce
que
l’on
ne
connait
pas
est
absolument
insupportable.
On vous sait visionnaire pour avoir été un précurseur, voire plus, dans différents domaines
artistiques tels que la photographie ou les originaux publicitaires pour ne citer que ceux-là ? Il
est quasi certain que l’art numérique ne vous échappe pas... internet n’est pas une nécessité à
l’art numérique mais il permet à la fois de communiquer et d’ouvrir les portes du savoir et de
l’art à tout le monde. Culturellement aujourd’hui, acheter ou vendre une maison ou une oeuvre
d’art sur internet, c’est utopique d’après vous ?
Internet est un outil absolument et totalement irréversible. C’est un outil de communication planétaire.
Ca sort de nos cerveaux, et c’est peut-être tout à fait extraordinaire d’ailleurs. L’art numérique fait
partie, se développe et communique à travers Internet. Donc Internet est irréversible, et vendre une
oeuvre d’art ou une maison via Internet, ça me paraît tellement naturel que l’on ne se pose plus la
question. C’est évident.
Justement grâce à internet, j’ai pu vous entendre dire sur une vidéo :
«Avant de comprendre l’art, il faut d’abord comprendre dans quelle
civilisation nous sommes». Je ne pense pas trop m’avancer en affirmant
que l’immobilier est un des critères de représentation de nos
civilisations. Vous qui non seulement comprenez l’art mais êtes un
spécialiste en la matière, comment définiriez-vous la tendance
immobilière de notre civilisation ?
Notre civilisation doit développer un immobilier qui corresponde à notre civilisation. Nous sommes
entrés, comme disait Pierre-Yves STANI, dans une nouvelle civilisation urbaine et médiatique. Il est
clair que l’immobilier doit se développer avec intelligence et la compréhension de toutes les nouvelles
technologies. Il ne faut pas continuer à faire des immeubles débiles comme on en a fait depuis des
années. Il faut absolument demander aux Architectes de créer et d’imaginer une nouvelle manière de
construire. On a de nouveaux matériaux, on peut faire des choses absolument extraordinaires. Encore
faut-il laisser libre court à l’imagination et ne pas être persécuté par des fonctionnaires qui nous
empêchent en permanence de créer des choses intelligentes.
S’il y a de l’art dans l’immobilier, c’est aussi un art qui s’achète ou qui se loue, et la législation
française ne facilite pas la tâche administrative des propriétaires qui louent leurs biens. Grâce à
internet les choses évoluent également de ce côté. Si vous aviez des biens immobiliers à faire
gérer, préféreriez-vous vous décharger complètement de leur gestion en la confiant à un
gestionnaire de biens comme Imax Gestion qui vous enverra un compte-rendu de gérance
mensuel et le règlement de votre loyer, ou choisisseriez-vous de vous en occuper vous-même ?
Si j’avais de l’immobilier, je ne sais pas si j’y accorderais autant de temps qu’à l’art. Et franchement, je
préférerais déléguer.
Donc ne pas vous en occuper, vous préféreriez vous décharger et être tranquille ? C’est un
choix tout à fait légitime.
Oui. Je préfère être tranquille, parce que je consacre toute ma vie à l’art et que je n’ai pas le temps de
m’occuper du reste.
Vous dites à Thierry Ardisson en 2004, lors de la promo de votre livre «L’art, c’est la vie», que la
seule chose qui vous intéresse c’est le futur; je terminerai donc sur une question d’anticipation
: l’immobilier de demain, vous l’imaginez comment ?
Je l’imagine tel qu’il faut l’imaginer, tel que l’on va le construire sur Mars ou sur la Lune puisque nous
allons être obligés de quitter la Terre quand le Soleil explosera. Il va falloir conquérir l’espace et je
pense vraiment qu’il faudra créer des maisons qui devront correspondre à ce que sera la conquête
spatiale. Ces rapports avec l’univers : comment est-ce que l’on va utiliser le Soleil ? Comment allonsnous utiliser de nouveaux matériaux ? Comment est-ce que les murs vont parler ?
Il se passe des choses tellement extraordinaires. On le lit dans tous les livres de science-fiction. La
maison vous reconnaît, elle vous parle, il y a un ordinateur qui vous regarde et qui vous dit : «vous
avez l’air fatigué ce soir, est-ce que vous voulez un petit peu de chocolat ?». Les maisons vont devenir
vivantes et se mettre à parler. Déjà lorsque vous allez dans la maison Bill Gates s’il vous connaît, on
vous remet une carte. On vous installe dans votre chambre et cette chambre sait parfaitement à quelle
température vous voulez votre bain, si vous aimez le whisky ou pas. Je pense donc que nous allons
vers un immobilier, vers des maisons, des immeubles qui seront vivants, qui seront parlants... les
robots vont faire partie de notre vie. Il y aura des robots partout et je pense vraiment que l’avenir c’est
la robotique, avec des maisons qui communiqueront avec nous. C’est évidemment la prochaine étape
de la création. Encore faut-il laisser libre champ aux inventeurs, à l’imaginaire, aux technologies et aux
artistes.
Ce sera ça, le prochain monde !
©Patrick Chappey pour Imax - Novembre 2010