À l`abri du danger – Consommateurs de drogues injectables

Transcription

À l`abri du danger – Consommateurs de drogues injectables
Rapport
de plaidoyer
FICR
À l’abri du danger
Consommateurs de drogues injectables
et réduction des risques
Décembre 2010
www.ifrc.org
Sauver des vies, changer les mentalités.
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
Phnom Penh, 2000 – Les enfants des rues courent
souvent un grand risque de devenir des usagers
de drogues par injection.
ONUSIDA. S. Noorani.
Dans cette édition :
Ce dernier rapport de sensibilisation de la
Fédération internationale sur la santé de 2010
décrit la dure réalité des consommateurs de drogues injectables vivant avec le VIH. Il examine les
besoins en prévention, en traitement, en soins et
en soutien de cette population extrêmement vulnérable, et l’action de la Fédération internationale
visant à atténuer ses souffrances.
Il offre en outre aux Sociétés nationales et
aux lecteurs un outil de sensibilisation qui pourra
être utilisé pendant plusieurs années. Le but ?
Rappeler aux gouvernements et aux Sociétés
nationales leur obligation de respecter les
droits de l’homme, qui protègent également les
consommateurs de drogues injectables infectés,
ou risquant d’être infectés, par le VIH. Bien que
nous nous intéressions au monde entier, nous
plaçons un accent particulier sur l’Europe de
l’Est et l’Asie centrale, où la situation est de plus
en plus grave.
2
Résumé
•La réduction des risques désigne diverses politiques et pratiques de
santé publique pragmatiques et fondées sur des faits, ayant pour but
d’atténuer les effets négatifs de la toxicomanie et d’autres facteurs de
risque associés comme le VIH et le sida. Ces interventions constituent
une application pratique des droits de l’homme, visant, si besoin est, à
réduire les dangers auxquels font face les consommateurs de drogues
injectables, sans faire de distinction et sans porter de jugement. La
Fédération internationale encourage la réduction des risques pour une
raison très simple : elle fonctionne.
•Les Nations Unies estiment qu’environ 15,9 millions de personnes vivant
dans 148 pays s’injectent régulièrement des drogues. Ces « consommateurs de drogues injectables » sont particulièrement vulnérables au VIH
et à l’hépatite B et C en raison de comportements à risque, comme le
partage de seringues et d’aiguilles, les rapports sexuels non protégés et
un comportement généralement peu propice à la santé. Dans le monde,
il est estimé que trois millions de consommateurs de drogues injectables
vivent aujourd’hui avec le VIH.
•L’usage de drogues par injection constitue donc un grave problème de
santé publique qui ne peut être résolu que par la mise en oeuvre rationnelle d’activités de santé publique non moralisatrices qui mettent l’accent
sur les programmes de réduction des risques et non sur les sanctions et
la censure.
•Dans ce contexte, la Fédération internationale recommande que des
preuves scientifiques et un esprit humanitaire guident l’intervention relative au VIH. Les consommateurs de drogues injectables, qui font régulièrement face au harcèlement, à l’opprobre, à la violence et à l’exclusion
sociale, n’ont pas seulement besoin de soins mais aussi de compassion.
L’opprobre ne fait que marginaliser davantage des personnes déjà vulnérables et entrave directement les efforts visant à freiner la propagation
du VIH. La réduction de la marginalisation contribue aussi à enrayer la
transmission du VIH et d’autres maladies infectieuses.
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Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
Appel à l’action
La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge plaide
la cause des personnes souffrant le plus de l’exclusion dans un groupe déjà marginalisé :
les consommateurs de drogues injectables infectés, ou risquant d’être infectés, par le VIH.
Dans ce rapport, elle encourage les décideurs, les gouvernements et les donateurs à oublier
leurs préjugés pour collaborer avec les parties prenantes, les organisations multilatérales, la
société civile et les personnes vivant avec le VIH afin de fournir prévention, traitement, soins
et soutien aux consommateurs de drogues injectables et à leur famille.
Recommandations de la Fédération internationale :
Les gouvernements doivent s’engager, dans leur pays, à recueillir des données, mener des recherches et des analyses,
et diffuser des informations, afin de guider plus précisément
les politiques et la mise en œuvre de programmes. Il leur
serait ainsi plus facile d’adopter les mesures stratégiques
nécessaires pour répondre de façon adéquate aux épidémies liées à la toxicomanie.
En refusant aux consommateurs de drogues injectables
l’accès à des services généraux vitaux, on risque de générer une catastrophe de santé publique. L’accès universel
à des interventions de santé publique fondées sur des faits,
y compris pour les toxicomanes, constitue un droit fondamental à la santé et une urgence de santé publique1.
Les gouvernements doivent mettre en place des politiques
et des règlements propices, qui favorisent la mise en œuvre
de programmes de réduction des risques.
Les stratégies actuellement disponibles peuvent fortement
limiter et atténuer les effets nocifs de l’épidémie de VIH
parmi les consommateurs de drogues injectables. Pour produire un impact, les programmes de réduction des risques
doivent être adaptés au contexte local. Des interventions
efficaces peuvent :
a) réduire la marginalisation sociale des consommateurs de drogues injectables et la vulnérabilité qui en
découle ;
b) améliorer l’accès aux soins de santé et aux services
sociaux, notamment aux programmes de réduction
des risques et à un ensemble de services intégrant
la prévention du VIH, le traitement, les soins et le
soutien ;
c) promouvoir une approche non répressive fondée
sur les droits de l’homme et des principes de santé
publique.
Les dangers de l’inaction conduisent à la transmission
continue du VIH et d’autres maladies infectieuses à de
nouvelles populations et régions, des épidémies de VIH
plus complexes et un taux élevé de mortalité, et l’instabilité socio-économique. La Fédération internationale recommande vivement que les gouvernements élaborent des
politiques favorables, qui respectent les droits de l’homme
et facilitent la mise en œuvre de programmes de réduction
des risques.
Les volontaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et
les professionnels de la santé doivent sensibiliser les toxicomanes, et agir pour et avec eux, dans les secteurs des soins
de santé et de la justice pénale.
Toutes les parties prenantes doivent associer les toxicomanes à leur action et les écouter : leur voix doit se faire
entendre et leur participation – à tous les aspects de la prise
de décisions et de l’élaboration de politiques, de la planification et de la mise en œuvre – est absolument cruciale.
Les lois répressives, qui prévoient notamment l’emprisonnement et des brimades, poussent de nombreux toxicomanes
à entrer dans la clandestinité, loin des services de santé et
d’aide sociale. Il devient alors presque impossible de leur
fournir prévention, traitement, soins et soutien en matière de
VIH, ce qui accroît les risques encourus par l’ensemble de la
population.
Les changements de politiques et la réforme de la justice font partie intégrante de la réduction des risques. La
consommation de drogues injectables ne devrait pas être
considérée comme un acte criminel mais comme une question majeure de santé publique. La Fédération internationale
plaide en faveur de la décriminalisation des toxicomanes et
pour que les consommateurs de drogues, à l’intérieur et à
l’extérieur des centres de détention, aient accès à une procédure juridique équitable et aux services de santé.
Le plaidoyer, ainsi qu’une volonté et un engagement politiques
courageux, sont absolument indispensables si l’on veut que
les actions encouragées dans ce rapport soient mises en
œuvre. Les preuves indiquent sans équivoque que l’inaction
accroît la transmission du VIH. La restriction de l’accès aux
programmes de prévention et de traitement du VIH et l’emprisonnement des toxicomanes constituent une violation des
droits de l’homme et une menace pour la santé publique.
1.Wolfe, D., et al., « Treatment and care for injecting drug users with HIV
infection: a review of barriers and ways forward », The Lancet, publié en ligne
en juillet 2010, PubMed.
2. Beyrer, Ch., et. al., « Time to act: a call for comprehensive responses to HIV in
people who use drugs », The Lancet, Vol. 376, n° 9740, p. 551-563,
14 août 2010, http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS01406736%2810%2960928-2/fulltext.
3
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
Introduction
P
rès de trente ans ont passé depuis que des scientifiques
de l’Institut Pasteur ont découvert que le VIH était
l’agent responsable d’une mystérieuse pandémie qui
a, depuis, pris la vie de millions de personnes dans le monde.
Aujourd’hui, grâce en grande partie à l’apparition des antirétroviraux combinés à un traitement plus précoce, le VIH et le
sida ne sont plus une condamnation à mort, mais une maladie
chronique qui peut être traitée.
Néanmoins, alors même que la science montre comment le
VIH peut être contenu – voire éliminé3 –, les gouvernements
et les donateurs continuent de traîner les pieds. Chaque jour,
quelque 7 400 personnes sont infectées, les épidémiologistes estimant le taux actuel d’infection à 33,4 millions dans le monde,
avec un taux de mortalité annuel de 2 millions.4
L’opprobre continue aussi de faire des victimes – et elle n’est
nulle part plus manifeste que dans le cas des consommateurs de
drogues injectables. Aujourd’hui, le VIH reste concentré dans
les neuf pays ayant la prévalence la plus élevée en Afrique subsaharienne, où le mode de transmission reste principalement hétérosexuel. Ailleurs, cependant, les statistiques laissent entrevoir
un paysage plus sombre.
Le Groupe de référence des Nations Unies sur le VIH et la
consommation de drogues injectables estime que 15,9 millions
de personnes dans 148 pays utilisent régulièrement des drogues
injectables. Ces « consommateurs de drogues injectables » sont
particulièrement vulnérables au VIH et à l’hépatite B et C en
raison de comportements à risque, comme le partage de seringues et d’aiguilles, les rapports sexuels non protégés et un comportement généralement peu favorable à la santé. Il est estimé
que trois millions de consommateurs de drogues injectables
dans le monde vivent aujourd’hui avec le VIH5 (voir partie 1 :
ampleur de l’épidémie).
En plus des dégâts que provoque ce comportement chez le
toxicomane et ses proches, l’injection de drogues constitue une
sérieuse menace pour la santé publique, qui ne peut être éliminée
que par la mise en œuvre rationnelle d’activités de santé publique
non moralisatrices qui mettent l’accent sur des programmes de
réduction des risques plutôt que sur les sanctions et la censure.
Dans ce rapport, nous nous concentrons principalement sur
l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, car c’est là que l’épidémie de
VIH liée à l’usage de drogues par injection s’aggrave et que les
politiques continuent de criminaliser et de stigmatiser les utilisateurs, ce qui compromet les tentatives de lutter contre l’épidémie
par le biais d’activités de santé publique solides, fondées sur des
faits et efficaces.
Tout au long du document, nous illustrons les interventions
de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge par des études de
cas provenant des pays ayant la plus forte prévalence de VIH/
consommation de drogues injectables au monde. Elles figurent
au début de chaque chapitre.
4
 Dans la partie 1, nous montrons l’ampleur du
problème dans une analyse brève de la situation.
 Dans la partie 2, nous décrivons nos messages de
sensibilisation relatifs aux conditions inhumaines où
se trouvent trop souvent piégés les consommateurs
de drogues injectables et leur famille – maladies
graves, opprobre et solitude.
 Dans la partie 3, nous résumons l’intervention de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en matière de
réduction des risques, qui est fondée sur les lignes
directrices de 2003 : « Diffuser la lumière de la
science ».6
 Dans la partie 4, nous étudions comment toutes
les parties prenantes peuvent travailler ensemble
pour ajuster les politiques, mettre en place des
programmes et réduire les risques parmi certaines
des populations les plus dénuées de droits et
défavorisées du monde.
Qui sont exactement les consommateurs de drogues injectables ? Alors que
les consommateurs de drogues viennent
d’horizons, de nationalités et de couches
socio-économiques extrêmement variés,
la plupart des consommateurs de drogues
injectables sont de jeunes hommes sexuellement actifs. Nombre d’entre eux seront
infectés par le VIH et le transmettront, non
seulement en partageant leur matériel d’injection, mais aussi en ayant des rapports
sexuels avec des partenaires réguliers ou
occasionnels. La consommation de drogues
injectables est aussi liée au commerce du
sexe, car il est fréquent que les consommateurs achètent des services sexuels, ou en
vendent pour financer leur dépendance à la
drogue.
3.Granich, R. M., et al., « Universal Voluntary HIV testing with immediate
antiretroviral therapy as a strategy for the elimination of HIV transmission: a
mathematical model », The Lancet, 26 novembre 2008.
4.Le point sur l’ épidémie de sida 2009, ONUSIDA, http://www.unaids.org/fr/
KnowledgeCentre/HIVData/EpiUpdate/EpiUpdArchive/2009/default.asp.
5.Beyrer, C., et al., 2010.
6.http://www.ifrc.org/fr/cgi/pdf_pubs.pl?health/hivaids/harmreduction_fr.pdf
partie 1
Étude
de cas
La province du Yunnan est blottie
contre la frontière sud-ouest de la
Chine, lovée contre le Viet Nam,
le Laos et le Myanmar, et liée à
la Thaïlande et au Cambodge par
le Mékong (aussi appelé la rivière
Lancang en Chine).
En raison de sa proximité avec le « Triangle d’or », la population du Yunnan est « inondée » d’héroïne et d’autres
drogues illégales. Le premier cas d’infection par le VIH
a été signalé parmi les consommateurs de drogues injectables vivant le long de la frontière en 1989.
Fin 2005, les autorités avaient signalé 40 157 citoyens vivant avec le VIH, tandis que 1 541 étaient déjà décédés.
Les experts estiment que le nombre réel de personnes
vivant avec le VIH est déjà supérieur à 80 000. Les 16
régions de la province sont touchées, trois d’entre elles
ayant atteint le stade de « prévalence élevée ».
Au Yunnan, la Croix-Rouge chinoise s’appuie sur des
volontaires pour desservir les communautés et les familles. HomeAIDS, un centre de services de soutien
psychologique, joue un rôle clé dans la prévention de
la transmission du VIH. Le centre, effort conjoint de la
section de la Croix-Rouge au Yunnan et de l’Armée du
Salut de Hong Kong et de Macao, travaille avec des spécialistes du VIH et du sida, des collaborateurs d’autres
ONG, du personnel médical, des officiers de police, de
jeunes volontaires, des journalistes, des chauffeurs de
taxi et des employés d’hôtel.
UNAIDS
RCSC
RCSC
L’Ampleur
de l’épidémie
gression du VIH et d’autres infections transmissibles
sexuellement et par le sang.
En quatre ans, HomeAIDS a déjà créé deux centres et
11 sections bénévoles, et a mobilisé et déployé plus
de 800 volontaires. L’organisation mène des activités
de sensibilisation, soutient les communautés, offre
des formations, plaide pour des changements de politiques et élabore un modèle efficace et durable de
prévention, de traitement, de soins et de soutien en
matière de VIH.
Un élément clé est la fourniture d’un « lieu sûr » pour les
consommateurs de drogues injectables vivant avec le
VIH. Pour ce faire, HomeAIDS insiste particulièrement
sur l’éducation par les pairs, qui aide les consommateurs de drogues injectables, les travailleurs du sexe et
d’autres groupes exposés à se protéger.
En plus d’orienter les patients vers des traitements et
des soins, HomeAIDS offre aux participants une vaste
gamme de cours et de formations professionnelles qui
comprennent l’éducation par les pairs, les premiers
secours élémentaires, l’informatique, l’électronique, le
tricot et la cosmétologie.
— Zahng Ran, Croix-Rouge chinoise :
Projet de réduction des risques
Le but est de fournir des services de réduction des
risques qui sauvent des vies et ralentissent la pro-
5
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
01. L’ampleur de l’épidémie
Le VIH et les consommateurs de drogues injectables (CDI) dans le monde
Europe de l’Est
3,476,500 CDI
Europe occidentale
1,044,000 CDI
Canada et États-Unis
2,270,500 CDI
Caraïbes
186,000 CDI
Asie centrale
247,500 CDI
Moyen-Orient et Afrique du Nord
185,500 CDI
Amérique latine
2,018,000 CDI
Prévalence du VIH
chez les usagers de
drogues par injection
<5%
5% to <10%
Asie du Sud-Est et de l’Est
3,957,500 CDI
Asie
du Sud
569,500 CDI
Afrique
subsaharienne
1,778,500 CDI
Océanie
193,000 CDI
10% to <15%
15% to <20%
>20%
Source : The Lancet 2010; 376:551-563 (DOI:10.1016/S0140-6736(10)60928-2)
L
e Groupe de référence des Nations Unies sur le VIH et
la consommation de drogues injectables estime que trois
millions de consommateurs de drogues injectables vivaient avec le VIH en 2007. Bien que certains pays aient réussi
à juguler la propagation du VIH parmi les consommateurs de
drogues injectables en déployant l’ensemble des interventions
de réduction des risques recommandées conjointement par
l’OMS, l’ONUSIDA et l’Office des Nations Unies contre la
drogue et le crime (UNODC), nombreux sont ceux pour qui
ce n’est pas le cas.
Il s’agit là d’une préoccupation majeure, d’autant plus que
des preuves montrent que, quand les consommateurs de drogues injectables bénéficient d’un bon accès à ces services, l’incidence du VIH reste stable et faible pendant des années, voire des
décennies (Allemagne, Australie, Brésil, France, Hong Kong,
Royaume-Uni et plusieurs villes américaines).
À quelques rares exceptions près, les études montrent aussi
invariablement que les programmes d’échange d’aiguilles et
de seringues entraînent une diminution marquée de la transmission du VIH – pouvant atteindre 33 à 42 % dans certains
contextes7. En effet, ces expériences révèlent systématiquement
6
que les activités de santé publique sont efficaces et que la lutte
contre le VIH chez les toxicomanes est relativement facile à
mener et peu coûteuse.
Toutefois, il semblerait que les succès rencontrés par ces pays
ne suffisent pas à vaincre l’opprobre et les mauvaises politiques.
En 2010, des centaines de milliers de consommateurs de drogues injectables et leurs partenaires intimes – en particulier en
Europe de l’Est, en Asie de l’Est, du Sud-Est et centrale, et dans
le cône sud de l’Amérique du Sud – continuent d’être infectés.
Cinq pays en particulier (la Chine, la Malaisie, la Russie,
l’Ukraine et le Viet Nam) sont qualifiés de « méga-épidémies » en
raison du nombre de consommateurs de drogues injectables qu’ils
comptent. Ensemble, ces pays représentent environ 2 à 4 millions
de cas de VIH et la principale concentration de consommateurs
de drogues injectables vivant avec le VIH au monde.8
En Europe de l’Est et en Asie centrale, la situation est particulièrement préoccupante. Les consommateurs de drogues
injectables représentent plus de 60 % de tous les cas de VIH au
Bélarus, en Géorgie, en Iran, au Kazakhstan, au Kirghizistan,
en Moldavie, en Ouzbékistan, en Russie, au Tadjikistan et en
Ukraine.9
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Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
01. L’ampleur de l’épidémie
En Afrique subsaharienne, de nouvelles épidémies commencent à apparaître parmi les consommateurs de drogues injectables. Quelque 221 000 consommateurs de drogues injectables
sont aujourd’hui séropositifs. Selon certaines enquêtes, on estime que la prévalence du VIH parmi les consommateurs de
drogues injectables dans d’autres pays africains va de 12,4 %
en Afrique du Sud à 42,9 % au Kenya.10 Dans ce dernier pays,
la transmission liée à la consommation de drogues injectables
représenterait 3,8 % des nouveaux cas de VIH en 2006.11 Au
Ghana, des chercheurs estiment qu’en 2008, le taux annuel de
séropositivité chez les consommateurs de drogues injectables
s’élevait à 4 %.12 En 2007, 10 % des consommateurs de drogues
injectables interrogés dans la région de Kano, au Nigéria, étaient
séropositifs (ministère fédéral de la Santé, 2007).
De plus, les chercheurs prédisent que la consommation de
drogues injectables sera probablement la cause de plusieurs
épidémies émergentes dans des communautés musulmanes
auparavant peu touchées au Moyen-Orient et en Afrique du
Nord, comme cela s’est produit en Chine occidentale, en
Indonésie, en Iran et en Malaisie.13
7. Guide technique OMS, UNODC, ONUSIDA (2009).
8. Wolfe et al., 2010.
9. Beyrer, C., et al. 2010.
10.Mathers, et al., « Global epidemiology of injecting drug use and HIV among
people who inject drugs: a systematic review », The Lancet, 2008, 372:
1733-1745.
11. ONUSIDA, 2010.
12.Bosu, et al., 2009.
13.Strathdee, S.A., Hallett, T.B., Bobrova, N., et al., « HIV and risk
environment for injecting drug users: the past, present, and future »,
The Lancet, 201010.1016/S0140-6736(10)60743-X, publié en ligne
le 20 juillet sur PubMed.
Pakistan – les
consommateurs de
drogues injectables
courent un risque accru
d’être infectés par le VIH
et de mourir. ONUSIDA,
Pierre Virot, 2010.
7
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
01. L’ampleur de l’épidémie
Double risque et double négligence
(Extrait et adaptation de : El-Bassel, N., et al., 2010)
Le VIH et les consommatrices de drogues Santé reproductive
injectables
et consommatrices
de drogues
De nombreuses consommatrices de dro- les seringues, les femmes risquent
gues n’ont pas suffisamment de pouvoir de subir des violences physiques et injectables
pour négocier des rapports sexuels protégés. Pourtant, la plupart des stratégies
de prévention du VIH imposent aux
femmes la responsabilité d’insister pour
utiliser des moyens de protection, ce qui
augmente les risques de violences physiques et sexuelles.
Les femmes toxicomanes dépendent
souvent de leur partenaire pour leur procurer de la drogue. Comme ce sont souvent leurs partenaires qui leur injectent
la drogue, elles utilisent l’aiguille après
lui, ce qui augmente le risque d’infection
par le VIH et d’autres maladies. Si elles
refusent de partager les aiguilles et
sexuelles de la part de leur partenaire
intime, ce qui accroît également le
risque d’infection par le VIH.
Les femmes toxicomanes, en particulier les consommatrices de crack/cocaïne,
ont trois fois plus de risques que les autres
femmes de subir des violences physiques
et sexuelles de la part de leur partenaire intime au cours de leur vie. Ces
violences constituent un risque majeur
d’infection par le VIH.14 15 Cependant,
très peu de stratégies de prévention du
VIH fondées sur des faits abordent ces
interactions complexes par une approche
holistique.
Odessa, Ukraine – Les
femmes toxicomanes ont
deux fois plus de risques
d’ infection par le VIH
par le biais de rapports
sexuels non protégés et
d’ injections à risques.
ONUSIDA.
John Spaull.
14. Wechsberg, W.M., et al., « Substance use and sexual risk within the context of
gender equality in South Africa », Subst use misuse 2008, 4: 1186-1201.
CrossRef PubMed
8
Très peu de stratégies s’occupent du sort
des femmes qui subissent des violences et
des traumatismes sexuels de la part de leur
partenaire intime, et moins encore insistent sur la nécessité de la santé reproductive, en particulier au sujet des travailleuses
du sexe et des femmes incarcérées.
Dans de nombreux pays, les toxicomanes enceintes n’ont pas accès aux services de prévention et de traitement du
VIH. La plupart des programmes n’informent pas leurs clientes des effets de la
consommation de drogues sur la grossesse, tandis que de nombreuses femmes
risquent d’encourir des sanctions pénales
si elles continuent de consommer des
drogues durant leur grossesse.
L’opprobre et la criminalisation de la
consommation de drogues durant la grossesse poussent les femmes à cacher leur
dépendance aux prestataires de soins de
santé, ce qui met aussi leur bébé à naître
en danger, car elles ne peuvent donc pas
accéder aux services de prévention de la
transmission mère-enfant.
En raison de l’absence d’infrastructures ou de programmes de soins pour les
enfants, les mères toxicomanes ont encore
plus de difficultés à accéder aux services
dont elles ont si désespérément besoin. Si
les besoins des femmes toxicomanes enceintes ne sont pas satisfaits, le cycle de la
dépendance et de l’infection par le VIH
sera transmis à la génération suivante.
15.El Bassel, N., et al., « HIV and intimate partner violence among methadonemaintained women in New York City », Soc Sci Med, 2005, 61: 171-183.
Cross Ref PubMed
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
01. L’ampleur de l’épidémie
Consommateurs de drogues « à problèmes » :
questions d’opprobre 16
En septembre 2010, la United Kingdom
Drug Policy Commission a publié un
rapport qui portait spécifiquement sur
les consommateurs de drogues « à problèmes », ceux qui consomment des drogues par injection et/ou consomment
régulièrement et à long terme des opiacés,
de la cocaïne et/ou des amphétamines.
Le rapport, intitulé Sinning and
sinned against: the stigmatisation of problem drug users, arrivait à la conclusion
que les toxicomanes subissent une
opprobre si forte que leur capacité
de se défaire de leur dépendance
en est compromise. Ils peuvent
subir une discrimination relative au
traitement, au logement ou à l’emploi. La commission a exclu les drogues
euphorisantes, comme l’alcool, le cannabis et l’ecstasy, mais a reconnu que les
consommateurs de ces drogues portent
d’autres étiquettes stigmatisantes. La
commission a relevé que l’opprobre joue
un rôle et qu’elle la ressent fortement car
« nous sommes des êtres fondamentalement sociaux ».
La commission a aussi relevé que
le discours électoraliste sur la « guerre
contre la drogue » ou la « tolérance zéro »
signifie que les personnalités politiques et
les décideurs ne manifestent qu’un intérêt
de pure forme à l’approche compatissante du « chemin vers la guérison ». Elle
leur conseillait de mieux réfléchir avant
d’utiliser ce langage, qui entrave les efforts de sensibilisation en nommant et en
couvrant de honte les personnes les plus
vulnérables et les plus marginalisées.
La commission appelle aussi le public, les professionnels de la santé, et en
particulier les médias, à prendre davantage conscience des conséquences destructrices de l’opprobre que subissent
les toxicomanes. Elle a aussi salué l’ancien gouverneur de Californie, Arnold
Schwarzenegger, pour son soutien au
Recovery Month (le mois de la guérison),
un événement qui a lieu chaque année au
mois de septembre. Son but est de faire
connaître et de soutenir les efforts de
ceux qui contribuent au traitement, à la
guérison et aux soins des toxicomanes.
16.Extrait de The Lancet, Volume 376, n° 9743,
p. 744, 4 septembre 2010.
Prisonniers toxicodépendants
Dans de nombreux pays, une proportion outre plus susceptibles de partager leur
considérable de prisonniers sont toxi- matériel qu’à l’extérieur 17. Les rapports
codépendants : le taux d’incarcération sexuels sans protection – notamment les
atteindrait 56 à 90 %. Étant donné les violences sexuelles – peuvent entraîner la
mesures répressives qui les menacent, il transmission du VIH et d’autres IST.18 19
Bien que les programmes d’échange
n’est pas étonnant que les consommateurs
de drogues injectables dépendants évitent d’aiguilles et de seringues et les traiteles autorités de santé publique, ce qui a, ments de substitution puissent provoquer
inutile de le préciser, des conséquences une baisse des comportements susceptibles d’entraîner
graves pour euxLes centres de détention ont des
le V IH, seuls
mêmes et pour le
résultats médiocres en matière de
public dans son enquelques prisonprévention de la toxicomanie et de
semble.
niers y ont accès.
réduction des risques.
O n le u r r e f u s e
Les personnes
qui consommaient des drogues avant aussi souvent les cures de désintoxicad’être emprisonnées continueront de le tion et les informations sur la prévention
faire en prison. Elles ne peuvent tout sim- du VIH, et ce, bien que des recherches
plement pas arrêter du jour au lendemain. entreprises en Russie et en Chine monD’autres y consommeront des drogues trent très clairement que la rareté des
pour la première fois – généralement pour services de prévention dans les prisons
supporter le surpeuplement, l’ennui et la augmente le risque que les prisonniers séviolence. Les prisonniers qui consom- ropositifs transmettent le virus après leur
ment des drogues injectables seront en libération.20 21
Dans certains pays, 40 % des consommateurs de drogues
injectables vivent avec le VIH. Timo Luege, Fédération
internationale.
17. OMS, UNODC, ONUSIDA, Interventions to
address HIV in prisons: drug dependence
treatments, Evidence for Action Technical Papers,
Genève, OMS, UNODC, ONUSIDA, 2007.
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prison », BMJ, 1995, 310: 289-292, PubMed.
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perspectives of drug injectors », Deviant Behav,
2000, 21: 451-479, PubMed.
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syringes in three Russian cities: implications for
syringe distribution and coverage », Int J Drug
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21. Cohen, J.E., Amon, J.J., « Health and human
rights concerns of drug users in detention in
Guangxi Province, China », PLoS Med, 2008,
5: e234, CrossRef | PubMed.
9
partie
2
Nikolay et Irina dépensent tout
leur argent en semechki, une
pâte artisanale de graines de paÉtude
vot, la drogue préférée dans la
de cas
morne ville de Slutsk (70 000 habitants, rasée durant la Seconde
Guerre mondiale), à deux heures
de voiture de la capitale du Bélarus, Minsk. Leur famille les a jetés dehors depuis
longtemps. Ils travaillent, ils vivent, ils consomment.
Ils passent leurs heures de lucidité à souhaiter n’avoir
jamais commencé, jusqu’à ce que les rats commencent à gratter dans leur cerveau et qu’ils ne puissent
penser qu’à une seule chose : leur prochaine « dose »,
leur prochain « shoot ». La libération est immédiate :
la béatitude, l’amour… jusqu’à ce que cette sensation
disparaisse progressivement et que le cycle « hainebesoin-amour » recommence.
Pour l’observateur distrait, Nikolay et Irina ne sont
qu’un autre couple de toxicomanes, des déchets humains flottant sur la mer post-soviétique du désespoir.
Mais ils ont un but. Nikolay et Irina sauvent des vies,
une aiguille après l’autre. Chaque jour, ils se rendent
dans un appartement miteux tapi à l’ombre de deux
cheminées massives dans la banlieue et commencent
leur travail.
Chacun a environ 40 clients, qui se font plusieurs injections par jour. Nikolay et Irina leur apportent des
aiguilles propres et reprennent les aiguilles usagées
(qui portent des restes de stupéfiants, ce qui, sans un
accord spécial entre la Croix-Rouge et la police, pourrait les amener en prison), les emballent en vue de leur
10
J L martinage / I F R C
J L martinage / I F R C
J L martinage / I F R C
L’Appel à l’action
destruction, puis ressortent, retournent dans les allées
et les tours d’habitation où leurs compagnons d’infortune les attendent.
« Aucune des personnes avec lesquelles je travaille
n’utilise de seringues sales maintenant, alors que nous
le faisions tous auparavant, dit Nikolay. Nous savons
ce que peut faire le sida et nous ne voulons pas l’attraper. » En plus de gérer l’échange d’aiguilles, le couple
distribue des aiguilles, des compresses, des préservatifs, des vitamines, et des barres chocolatées fortifiées
spéciales qui aident à nourrir ceux qui sont trop malades, trop pauvres ou trop dépendants pour s’alimenter eux-mêmes correctement.
Nikolay et Irina connaissent les rues, les consommateurs et les risques. Ils suscitent une confiance qu’aucun agent de police, partenaire, parent ou chef religieux ne pourra jamais inspirer. C’est pourquoi ils se
rendent dans les écoles et expliquent aux enfants ce
que c’est que d’être toxicomane : combien cette vie
peut être dure, horrible et dangereuse. « Nous ne disons pas : ‘Dites non’, mais : ‘C’est comme ça. À vous
de choisir’. »
— Joe Lowry, Fédération internationale, Budapest.
Bélarus : Projet de réduction des risques
de la Fédération internationale
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
02. L’appel à l’action
L
a tentative consistant à gérer le problème des toxicomanes en niant leur existence, ou par la répression, la
négligence, le refus de financement, la détention ou le
traitement forcé n’a pas réussi.
Malgré tout, de nombreux gouvernements continuent
d’adopter des politiques qui favorisent la discrimination, le jugement et la répression, et l’incarcération. Aujourd’hui, la Fédération
internationale signale que les patients qui luttent avec la toxicodépendance souffrent toujours de discrimination, que leurs droits
sont restreints et que les interventions fondées sur des faits avérés
sont soit limitées, soit purement et simplement refusées.
Un certain nombre de Sociétés nationales de la Croix-Rouge
et du Croissant-Rouge – bien qu’elles soient bien placées pour
la réduction des risques en général – sont encore réticentes ne
serait-ce qu’à imaginer que les attitudes doivent changer, et plus
encore à plaider activement la cause des consommateurs de drogues et des droits de l’homme qui les protègent.
Mais il y a des progrès. Durant la XVIIIe Conférence internationale sur le sida à Vienne (18-23 juillet 2010), des dirigeants
politiques, de la société civile et du développement du monde
entier, avec la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, ont renouvelé
leurs engagements et ont plaidé en faveur d’un accès universel à
la prévention, aux soins, au traitement et au soutien en matière
de VIH – et notamment pour la réduction des risques.
Les représentants de 36 Sociétés nationales de la CroixRouge et du Croissant-Rouge et du Secrétariat de la Fédération
internationale ont reconnu que le VIH et le sida constituent toujours l’une des plus grandes crises de santé publique affectant la
vie de millions de personnes appauvries et marginalisées vivant
dans des pays à faible et à moyen revenu. Ils se sont aussi engagés
Disponibilité des traitements
de substitution aux opiacés
dans le monde
Disponibles
Non disponibles
à gérer la situation catastrophique des consommateurs de drogues injectables en invoquant les sept Principes fondamentaux
du Mouvement international de la Croix-Rouge et du CroissantRouge. Trois d’entre eux – humanité, impartialité et neutralité
– sont particulièrement pertinents et doivent être appliqués à la
prévention, au traitement, aux soins et au soutien des consommateurs de drogues injectables vivant avec le VIH.
Néanmoins, bien que les recherches et les programmes en
matière de VIH se soient étendus, la crise financière provoque
une diminution des ressources, alors que le nombre de personnes ayant besoin d’un traitement augmente. Les participants
à la Conférence ont aussi relevé la nécessité d’accorder plus d’attention aux droits de l’homme et à l’expansion des programmes
fondés sur des faits (voir page 14 : Nos dépenses actuelles, les
coûts futurs).
À cette fin, la Fédération internationale soutient activement les
programmes d’échange de seringues et d’aiguilles, les traitements
de substitution, la distribution de préservatifs et le soutien psychosocial. Ces efforts doivent être adaptés au contexte de chaque pays
afin de produire le plus grand impact possible à long terme.
La Fédération internationale souligne aussi que des preuves
scientifiques et un esprit humanitaire devraient guider la réponse
à la propagation du VIH. Les consommateurs de drogues injectables, qui font tous les jours face aux brimades, à l’opprobre, à
la violence et à l’exclusion sociale, n’ont pas seulement besoin de
soins, mais aussi de compassion. L’opprobre ne fait qu’accentuer
la marginalisation de personnes déjà vulnérables et entrave directement les efforts visant à freiner la propagation du VIH. La
réduction de la marginalisation entraîne aussi une diminution
de la transmission du VIH et d’autres maladies infectieuses.
Disponibilité des programmes
d’échange d’aiguilles et de
seringues dans le monde
Disponibles
Non disponibles
Source : Cook, C. (2010), « Global State of Harm Reduction
2010 at a glance » International Harm Reduction
Association, Londres, Grande-Bretagne. Pour plus
d’informations sur la situation de la réduction des risques
dans le monde, veuillez consulter www.ihra.net (en anglais)
11
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
02. L’appel à l’action
Consommateurs de
drogues injectables
et transmission
du VIH
Le moyen le plus simple et le plus efficace de transmettre le VIH et d’autres
maladies transmises par le sang, en particulier l’hépatite C, est de partager et de
réutiliser du matériel d’injection contaminé. Une fois dans le sang, le VIH se
répand rapidement et inexorablement.
Quand un consommateur de drogues injectables séropositif partage
son aiguille, la transmission est pour
ainsi dire « garantie ». Un toxicomane
séropositif peut transmettre le virus à
des milliers de personnes par le biais de
matériel contaminé et, dans l’ensemble
de la population, par le biais de rapports
sexuels avec son conjoint et d’autres partenaires intimes.
Dans de nombreux pays, les toxicomanes ne dépendent que du commerce
du sexe pour financer leur dépendance et
s’assurer une survie sommaire, ce qui amplifie les risques. De nombreux pays, en
particulier en Europe de l’Est et en Asie
centrale, signalent une épidémie qui était
auparavant fortement concentrée parmi
les toxicomanes, mais qui est de plus en
plus caractérisée par une forte transmission sexuelle 22 . De plus, en cas de diagnostic ou de traitement inadéquats, les
consommatrices de drogues injectables
enceintes risquent de transmettre le virus
à leur enfant.
22. ONUSIDA, Outlook 2010, http://data.
unaids.org/pub/Outlook/2010/jc1868_
outlook_vienna_fr.pdf.
12
Ne pas faire de mal :
Une question de santé publique
Bien que la consommation de drogues injectables ait entraîné la propagation généralisée du VIH dans le monde, les services de prévention, de traitement et de soins
en matière de VIH destinés aux consommateurs de drogues injectables restent terriblement inadéquats. En 2009, seuls 8 % des consommateurs de drogues injectables
dans le monde bénéficiaient d’un accès à des services de prévention du VIH d’une
forme ou d’une autre, tandis que les traitements de substitution – c’est-à-dire, offrant
aux toxicomanes de la méthadone au lieu de l’héroïne – ne sont autorisés que dans 70
pays. Les programmes d’échange d’aiguilles et de seringues ne sont disponibles que
dans 82 pays.23
Jusqu’en 2009, le gouvernement américain – principal donateur mondial en
matière de VIH – refusait fermement de financer des programmes globaux de réduction des risques. Ailleurs – notamment dans certains des pays comptant la plus
forte proportion de consommateurs de drogues injectables au monde –, les décideurs
continuent de restreindre la disponibilité des seringues et des aiguilles propres et interdisent la méthadone comme traitement de substitution pour les personnes dépendantes aux opiacés. En Europe de l’Est et en Asie centrale – qui rassemblent, selon
les estimations, 3,7 millions des consommateurs de drogues injectables – seuls 3 746
patients avaient accès à un traitement de substitution en 2008.24
La volonté de criminaliser les personnes toxicodépendantes et de leur
refuser des services peut avoir des conséquences graves – sur les plans social
et économique, et dans une perspective de sécurité publique. Là où les traitements de
substitution aux opiacés et les programmes d’échange de seringues et d’aiguilles sont
illégaux ou inexistants, l’infection par le VIH peut rapidement devenir immaîtrisable.
En Russie, où les traitements de substitution sont interdits, la transmission du VIH
des hommes toxicomanes à leurs partenaires sexuelles semble être un des principaux
facteurs d’une brusque hausse du nombre de femmes récemment infectées.25
Bien que certains pays étendent les traitements de substitution – notamment la
Chine, l’Iran, le Kirghizistan et le Viet Nam –, la mauvaise qualité des traitements
et l’opprobre continue à laquelle sont soumis les patients compromettent les efforts
de sensibilisation. Au Bélarus, en Géorgie, en Indonésie, en Iran, au Kazakhstan, au
Kirghizistan, en Moldavie, en Ouzbékistan, en Russie, au Tadjikistan et en Ukraine,
les consommateurs de drogues injectables n’ont pas droit à l’ensemble des services
essentiels et ne reçoivent, en moyenne, pas plus de deux aiguilles par consommateur
et par mois.26
En 2008, seuls 8 % des consommateurs d’opiacés avaient accès à un traitement de
substitution et seuls 4 % des consommateurs de drogues injectables vivant avec le VIH
recevaient un traitement antirétroviral.27
23. Mathers, et al., 2010.
24. Déclaration d’engagement des Nations Unies 2007, Rapport du CCP de l’ONUSIDA 09.
25. Niccolai, L.M., et al., « The potential for bridging of HIV transmission in the Russian Federation: sex
risk behaviors and HIV prevalence among drug users (DUs) and their non-DU sex partners », J Urban
Health, 2009, 86 (suppl. 1): 131-143, CrossRef | PubMed.
26. ONUSIDA, Le point sur l’ épidémie de sida.
27. Mathers, et al., 2010.
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
02. L’appel à l’action
Ne pas faire de mal :
une question liée aux droits de l’homme
Régions
les plus touchées
Les violations généralisées des droits de l’homme continuent d’alimenter l’épidémie de VIH parmi les consommateurs de drogues injectables. Les problèmes sont :
le refus d’accorder des services de réduction des risques, les pratiques médicales discriminatoires – en particulier pour ce qui est de l’accès au traitement antirétroviral
–, l’application abusive de la loi, les peines pénales disproportionnées et les cures de
désintoxication forcées et abusives. Les gouvernements ne ciblent toujours pas de façon
adéquate les groupes vulnérables, notamment les femmes et les jeunes.
De plus, l’opprobre associée à la fois à la consommation de drogues et à l’infection
par le VIH est probablement la principale raison poussant les décideurs à continuer de
nier l’évidence et de s’opposer aux programmes de réduction des risques. Partout, sauf
dans une poignée de nations, l’injection de drogues est illégale. L’attitude du public
à l’égard des toxicomanes est rarement autre chose qu’hostile – non seulement parce
qu’ils s’adonnent à une activité illégale, mais aussi parce que ce comportement est jugé
suspect sur le plan moral.
Les hypothèses voulant que les toxicomanes soient plus susceptibles de commettre
des actes criminels et de délinquance alimentent aussi les craintes du public, et les
consommateurs de drogues injectables sont donc isolés et rejetés. L’opprobre et la peur
de l’arrestation découragent des millions de personnes de demander des services de
santé ou d’aide sociale, quels que soient leurs besoins.
L’intervention relative au VIH chez les consommateurs de drogues injectables est
particulièrement faible dans nombre des pays où les mesures de réduction des risques
sont les plus nécessaires. L’accès aux traitements antirétroviraux pour les consommateurs de drogues injectables séropositifs est aussi d’une faiblesse inacceptable. Dans le monde, seuls 4 % des consommateurs de drogues injectables
suivent un traitement antirétroviral.28
Jusqu’au milieu des années 1990, les droits de l’homme étaient rarement mentionnés ou étudiés dans le contexte du VIH et de la consommation de drogues injectables. Dans la plupart des pays, les politiques se concentraient en majorité sur la
criminalisation et l’imposition de lourdes peines plutôt que sur l’action de santé publique. Pas une seule disposition du droit international des droits de l’homme n’évoque
les consommateurs de drogues injectables, ni ne mentionne qu’ils méritent une protection. Néanmoins, les lois dérivant des droits de l’homme actuel s’applique à tous,
toxicomanes ou non.
Le droit de chacun de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible
d’être atteint inclut le droit d’obtenir des services de santé sans craindre d’être puni.
Les politiques qui entraîneront probablement une morbidité inutile et une mortalité
évitable enfreignent l’obligation du gouvernement de respecter le droit à la santé. Ce
droit – comme tout autre – est garanti par le droit international et sans discrimination.
Les toxicomanes ont aussi droit à la vie, à la liberté, à l’intégrité physique, à l’intimité, à l’éducation, à l’égalité devant la loi, à la liberté de mouvement, de réunion et
d’association, et à l’information. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques protège tout le monde contre les arrestations ou la détention arbitraires.
En 2009, le Programme commun
des Nations Unies sur le V IH/sida
(ONUSIDA) a estimé que près de
40 % de tous les consommateurs
de drogues injectables vivaient en
Chine, en Fédération de Russie et
aux États-Unis. Cependant, c’est en
Europe de l’Est et en Asie centrale que la
prévalence du VIH continue de croître,
l’injection de drogues constituant la principale voie de transmission.
En Ukraine par exemple, les chercheurs estiment qu’entre 38,5 et 50,3 %
des consommateurs de drogues injectables vivent avec le VIH.29 En août 2010,
les chercheurs ont relevé que 1,3 % de la
population adulte étaient séropositifs, ce
qui fait de l’Ukraine le pays comptant le
plus grand nombre de personnes vivant
avec le VIH de toute l’Europe et ce qui
la rapproche dangereusement du stade
d’épidémie « généralisée ».
28. Beyrer C, et al, 2010,
http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2810%2960928-2/fulltext
Les consommateurs de drogues injectables peuvent
déposer leurs seringues usagées et obtenir de la nourriture
et des conseils. ONUSIDA, Pierre Virot, 2010.
29. Kruglov, et al., « The most severe HIV
epidemic in Europe: Ukraine’s national HIV
prevalence estimates for 2007 », in Sex Transm
Infect, 2008, 84:i37-i41 doi:10.1136/
sti.2008.031195.
13
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
02. L’appel à l’action
Kohima, Nagaland, Inde
– Des salles d’injection
offrent aux toxicomanes
un environnement sûr et
contrôlé. Sanjit Das.
 Réduction des risques :
nos dépenses actuelles, les coûts futurs
L’ONUSIDA estime qu’à 160 millions de dollars,
les dépenses consacrées à la réduction des
risques en 2007 ne représentaient que 7 % des
2,13 milliards de dollars nécessaires pour la prévention du VIH chez les toxicomanes en 2009,
et seulement 5 % des 3,2 milliards de dollars
requis en 2010. C’est-à-dire que les dépenses
en matière de réduction des risques sont 14 à
20 fois supérieures aux fonds qui y sont alloués
actuellement.
Selon les calculs de l’ONUSIDA,30 cela ne représente que trois cents américains par jour et par
toxicomane. Les dépenses consacrées à la réduction des risques liés au VIH devraient plutôt
atteindre en moyenne 170-256 dollars américains
par toxicomane et par année. Par conséquent,
les dépenses actuelles ne représentent qu’une
infime partie des fonds requis. En fait, il existe
14
une énorme différence entre les ressources dépensées et les ressources nécessaires.
Les dépenses actuelles en matière de réduction
des risques sont en outre d’une faiblesse disproportionnée par rapport aux dépenses destinées
aux programmes généraux de lutte contre le VIH
et le sida, n’atteignant que 1,4 % du total (11,3
milliards de dollars).31
30. ONUSIDA (2007), « Financial ressources », op. cit.
31. Stimson, G. V., et al., « Three cents a day is not enough, resourcing
HIV-related harm reduction on a global basis », IHRA, 2010.
partie
3
V illa M araini
V illa M araini
F ernando N u ñ o / I F R C
LA RÉPONSE de la Croix-Rouge
et du Croissant-Rouge
« J’ai commencé à me droguer relativement jeune, à 14 ou 15 ans.
Au début, je consommais des droÉtude
gues légères comme le cannabis
de cas
et l’alcool, mais après quelques
années je suis passé à des drogues dures comme l’héroïne. Ensuite, pour avoir le même effet, j’ai
dû prendre des doses plus importantes… ce qui m’a
posé des problèmes d’argent, alors j’ai commencé à
faire du trafic.
Par chance, quand j’ai débuté ce programme à la Villa
Maraini (centre de désintoxication et de réduction des
risques de la Croix-Rouge italienne), ils envisageaient
d’ouvrir un bureau pour lever des fonds auprès de
l’Union européenne, non seulement en Italie, mais aussi ailleurs. J’ai un diplôme universitaire et je parle anglais, alors ils m’ont proposé le poste. J’ai tout de suite
accepté car il m’était plus facile de rester à l’intérieur
que de sortir. Je fais un travail qui me plaît vraiment. Je
suis fier de ce que j’ai fait… J’ai une nouvelle relation
avec mes parents, ce que je n’avais jamais eu.
Mais le petit monde que j’avais créé était complètement artificiel, et il s’est juste effondré… J’ai fini en prison, en manque d’héroïne. J’avais oublié ce que c’était
car cela faisait des années que je n’avais plus été en
état de manque. Quand vous êtes toxicomane, vous
réussissez presque toujours à l’éviter. C’est alors que
j’ai entendu parler de la fondation Villa Maraini – un projet conjoint de la Croix-Rouge italienne.
Je parle avec eux depuis plusieurs années maintenant.
Je veux dire, je leur parle vraiment. C’est paradoxal,
mais sur le plan émotionnel, ma vie aujourd’hui… Je
me sens mieux, beaucoup plus positif qu’avant. Avant,
j’avais besoin de prendre de l’héroïne pour être positif.
C’est impressionnant… et chaque jour – chaque jour je
me le dis. C’est tout. »
J’avais entendu parler de la méthadone, mais je n’en
avais jamais pris. Je leur ai parlé et ils m’ont invité. À
ma sortie du tribunal, je suis allé directement à la Villa
Maraini. Il y a aussi des médecins et des psychologues
à qui on peut parler.
— Philippe Garcia, ancien toxicomane
travaillant pour la Croix-Rouge italienne
à la Villa Maraini à Rome, Italie
J’étais certain de ce que je voulais faire, et j’étais
convaincu que j’avais besoin d’aide, mais j’ai été vraiment surpris par l’attitude accueillante des personnes
qui travaillaient là-bas, souriantes et faisant preuve
d’une grande humanité. Vous arrivez et, avant toute
chose, on vous demande si vous voulez du café ou à
manger. À partir de là, il m’a fallu une année et demie
pour réintégrer la société.
15
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
03. La réponse de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
L
a réduction des risques adopte une position morale Pour de nombreux toxicomanes, la réduction des risques repréneutre vis-à-vis de la consommation de drogues, sans sente la seule occasion d’accéder à ces services vitaux et, souvent,
l’approuver, ni s’y opposer. Elle se concentre sur les effets leur seul contact avec le système de santé publique.
En 2002, le Conseil de direction de la Fédération internocifs de l’injection de drogues, c’est-à-dire le VIH et l’hépatite B et C, et part du principe que certaines
nationale a fait de la réduction des risques une
partie intégrante d’une politique et stratégie
personnes continueront de consommer
Comme l’indiquent les Lignes
des drogues injectables, malgré la réglobale en matière de sida, centrée sur
directrices de la Fédération
les toxicomanes. Un élément essenpression du gouvernement.
internationale
« Diffuser
la
lumière
tiel est la mise en œuvre d’un
La réduction des risques
de la science » (2003),
ensemble d ’inter ventions
tient aussi compte du fait
l’intervention comprend :
fondées sur des faits et pragque de nombreux consomles centres d’accueil
les programmes d’échanges
mateurs sont toxicomatiques, qui contribuent
thérapeutiques
d’aiguilles et de seringues
à la prévention, offrent
dépendants et que la
les salles d’injection
des traitements, encoudépendance n’est rien
les traitements de
substitution
ragent l’intégration sod ’autre qu’une mala prévention, l’orientation vers le
dépistage et le traitement de la
ciale et fournissent une
ladie qui devrait être
tuberculose
l’orientation
vers
le
dépistage
de
assistance.
prise en charge avec
l’hépatite, le traitement (hépatite
la fourniture de préservatifs
Même si nombre
huma nité et comA, B et C) et la vaccination
gratuits et de bonne qualité
(hépatite A et B)
de gouvernement s,
passion, comme une
la sensibilisation par le
organisations et indiquestion de santé pubiais d’une information,
l’orientation
vers
les
vidus voudraient une
blique et non une acd’une éducation et d’une
traitements antirétroviraux
communication ciblées
société absolument sans
tivité criminelle. Ainsi,
drogues, le but des prosi les consommateurs de
grammes de réduction des
drogues injectables doivent
risques est ailleurs. Les strapoursuivre leurs activités, on
la prévention des
les services de
infections sexuellement
conseils
et
dépistage
tégies de réduction des risques
devrait leur offrir la possibilité
transmissibles
volontaires du VIH
font exactement cela : réduire les
de le faire d’une façon qui réduise
risques et ainsi atténuer les effets nocifs.
les risques et soit la moins nocive posLa réduction de la demande est
sible, pour eux-mêmes et les autres.
une stratégie distincte qui cherche à réduire la
Lorsqu’elle est correctement mise en œuvre,
la réduction des risques offre une gamme de services qui com- consommation de drogues. La réduction des risques reconnaît
prend aussi la désintoxication, la réhabilitation, le soutien psy- l’existence de la consommation de drogues sans l’approuver ni
chologique et l’accès à des services comme les soins de santé, le s’y opposer et cherche à réduire ses effets nocifs sur l’individu et,
logement, la formation professionnelle et d’autres aides sociales. par extension, la société dans son ensemble.
 La hiérarchie des objectifs de la réduction
des risques est la suivante :
 commencer une cure de désintoxication. Celles qui
offrent des traitements médicamenteux à long terme,
comme le traitement de substitution à la méthadone,
sont plus efficaces ;
 si la désintoxication n’est pas une option, passer de la
consommation de drogues injectables à des drogues
non injectables ;
 si l’injection continue, toujours utiliser du matériel d’injection stérile et ne pas partager le matériel ou les solutions de drogue ;
16
 s’il n’est pas possible d’utiliser du matériel d’injection
stérile, nettoyer et réutiliser votre propre matériel ; ne
pas le partager ;
 en cas de partage, nettoyer le matériel d’injection entre
chaque utilisation (à l’aide d’eau de javel par exemple).
Ne pas partager les « réchauds », les conteneurs de
drogue ou les filtres utilisés pour l’injection, et ne pas
utiliser, ni partager l’eau employée pour rincer le matériel ou procéder à la préparation ;
 éviter les rapports sexuels sans protection. Toujours
utiliser des préservatifs.
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010

Principes directeurs de
la contribution de la
Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge aux
activités de réduction des risques
(Diffuser la lumière de la science, Fédération internationale, 2003)
Le Mouvement international de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
est la plus grande organisation humanitaire au monde. En 1919, la Fédération internationale a été créée
dans le but de prévenir et d’atténuer
les souffrances humaines sans porter de jugement – sans discrimination liée au lieu géographique, au
statut socio-économique, à l’origine
ethnique ou au sexe.
Conformément à son mandat et sur
la base de sa Stratégie 2020, Sauver des vies et changer les mentalités, la Fédération soutient la cause
des consommateurs de drogues
injectables en améliorant l’accès
au traitement, en appelant les gouvernements à mettre en œuvre des
mesures efficaces visant à réduire
l’exposition au VIH et au sida, et en
encourageant l’intégration sociale.
À cette fin, la Fédération s’attache à
respecter « [les] principes de la santé publique et [les] principes humanitaires, promouvoir et, s’il y a lieu, faciliter les stratégies de réduction des
risques face aux comportements et
aux pratiques traditionnelles particulièrement dangereuses, et même, s’il
le faut, plaider pour un changement
de législation ». Cet engagement est
cohérent avec l’objectif du Millénaire
pour le développement 6, à savoir
« d’ici à 2015, avoir enrayé la propagation du VIH/sida et avoir commencé à inverser la tendance actuelle ».
Deux éléments clés sont l’éducation
et la sensibilisation – en particulier
pour ce qui est des 50 millions de
volontaires de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge. En 2009, la jeunesse de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a rédigé une déclaration
à Solferino, en Italie, dans laquelle
elle s’est engagée à « promouvoir le
‘droit de savoir’ sur les dommages
liés à l’abus de substances, en renforçant l’éducation par les pairs et la
participation de la communauté » et à
« agir pour éliminer la stigmatisation
et la discrimination liées à la tuberculose, au VIH et à la toxicomanie ».
La Déclaration d’engagement sur le
VIH/sida adoptée par la session extraordinaire de l’Assemblée générale
des Nations Unies (UNGASS, 2001)
a reconnu le travail de la Fédération
internationale dans son ensemble,
notamment celui des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Elle a aussi spécifiquement fait référence à la réduction
des risques, à la consommation de
drogues et à l’opprobre et à la discrimination.
En avril 2002, la Conférence européenne de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge à Berlin a soutenu à
l’unanimité la mise en œuvre de stratégies de réduction des risques, en
tant que progrès majeur dans la lutte
contre la propagation rapide du VIH
dans la région. Par ailleurs, le Plan
d’action de Manille, adopté lors de la
Conférence de Manille en décembre
2002, demande que toutes les Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en Asie, dans le Paci-
fique et au Moyen-Orient, mettent en
place des programmes de réduction
des risques adaptés à leur culture.
Les Lignes directrices de la Fédération internationale, Diffuser la lumière de la science, publiées en
2003, présentent en détail la raison
d’être des programmes de réduction des risques. Elles définissent
des approches générales que les
Sociétés de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge peuvent adapter à
la réalité de leur pays pour élaborer
et mettre en œuvre des programmes
de réduction des risques. Elles les
aident aussi à conduire des activités
de sensibilisation relatives à la réduction des risques.
Plusieurs Sociétés nationales de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
ont déjà lancé des stratégies de réduction des risques en collaboration
avec les gouvernements et d’autres
organisations multilatérales et non
gouvernementales. Dans plusieurs
pays (Australie, Bélarus, Croatie,
Espagne, Italie, Kenya, Ouganda,
Portugal et Russie), les Sociétés nationales mènent des programmes
relatifs à la consommation de drogues injectables, et la Croix-Rouge
chinoise ainsi que la Croix-Rouge du
Viet Nam progressent bien. Beaucoup d’autres Sociétés nationales
ont recours aux réseaux actuels, qui
peuvent être utilisés pour soutenir les
consommateurs de drogues injectables et promouvoir l’acceptation,
l’introduction et l’entretien de programmes de réduction des risques.
17
partie
4
Arrêt sur l’autoroute de l’héroïne
(extraits) 32
Étude
de cas
Au cœur de la zone industrielle de
la ville d’Urumqi, dans le nord-ouest
de la Chine, à côté de la mine de
charbon, de l’usine à papier et de
l’usine chimique, vivent Arkin* et sa
fille de six ans. Dans cette ville animée de deux millions d’habitants, les apparences peuvent
être trompeuses : pour Arkin et ses semblables, il n’y a pas
de travail, pas même dans la mine de charbon, à quelques
rues de chez lui. Pour atténuer l’ennui et la pauvreté, Arkin
a commencé à consommer de l’héroïne en 1993.
L’héroïne se déverse dans la région autonome ouïgoure
du Xinjiang en suivant l’autoroute de l’héroïne depuis
l’Afghanistan voisin et remonte depuis la province du
Yunnan, près du célèbre Triangle d’or de l’Asie du SudEst. Elle se vend bien parmi les Ouïgours – une minorité
musulmane représentant 8 des 20 millions de personnes
vivant dans la région. Il est estimé que huit consommateurs de drogues injectables sur dix proviennent de ce
groupe ethnique.
Il est facile de se procurer de l’héroïne, mais à environ
RMB 50 le « bolaq » (USD 7 la dose), ce n’est pas bon
marché, en particulier lorsqu’on a pour seule source de
revenus une allocation du gouvernement de RMB 150.
Depuis le premier diagnostic en 1995, plus de 18 206 personnes dans la région autonome ont été diagnostiquées
positives au VIH. Selon l’organe sanitaire du gouvernement, le Centre de prévention et de contrôle des maladies (CDC), quelque 77 % d’entre elles sont des consommateurs de drogues injectables.
La dépendance d’Arkin augmentant, il a commencé à
commettre des actes criminels et, en 14 ans, la drogue
l’a pratiquement dévoré. Ses relations, sa confiance en
soi et sa santé se sont détériorées. Il a découvert qu’il
était séropositif en 2001, après un test sanguin gratuit au
CDC. Sous le choc, mais incapable d’abandonner l’hé-
18
IFRC
UNAIDS
UNAIDS
Obstacles et perspectives
roïne, il ne pouvait rien faire d’autre que de commencer à
utiliser des seringues propres.
Arkin a pour la première fois entendu parler de la CroixRouge et de son programme de sensibilisation au VIH,
de nutrition et d’hygiène personnelle à la télévision. La
Croix-Rouge a récemment conduit six ateliers sur l’hygiène personnelle dans le voisinage et, dans le reste
d’Urumqi, plus de 380 personnes ont participé à 25 ateliers, conduits en majorité en langue ouïgoure.
Le programme de la Croix-Rouge de lutte contre le VIH
et le sida au Xinjiang a débuté ses visites à domicile en
2001, avec des fonds et un soutien de la Croix-Rouge
australienne. Les projets de sensibilisation trouvent petit
à petit un public dans les communautés autour d’Urumqi,
mais Arkin et ses semblables craignent toujours de révéler leur consommation de drogue et leur statut sérologique par peur de la discrimination.
« Au début, tout le monde me fuyait. Même les enfants
ne voulaient plus jouer avec ma fille. Maintenant, tout le
monde découvre ce qu’est le VIH, la prise de conscience
se répand et chacun commence à comprendre », dit Arkin.
Un des 38 lieux d’échange de seringues à Urumqi a ouvert au coin de la rue il y a une année, et le dispensaire
de méthadone a ouvert il y a six mois. Aujourd’hui, il y
en a quatre. Arkin dit que la méthadone est un bon médicament. Il ne touche plus à la drogue, il mène une vie
normale, et sa vision du monde a changé.
Maintenant qu’il ne consomme plus d’héroïne, Arkin a
moins de mal à trouver de l’argent pour acheter des aliments nutritifs et prendre soin de sa famille. « La découverte de la Croix-Rouge était une bonne chose ; cela m’a
permis de rester en bonne santé, dit-il. La Croix-Rouge
m’a secouru, elle m’a sauvé, elle m’a appris à manger de
la nourriture saine et à me protéger. »
— Région autonome ouïgoure du Xinjiang : Projet de
réduction des risques de la Croix-Rouge chinoise
avec le soutien de la Croix-Rouge australienne.
Par Kelly Chandler, Croix-Rouge australienne.
32. http://www.redcross.org.au/ourservices_aroundtheworld_developmentprograms_ntheastasia_china_HIV_feature1.htm
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
04. Obstacles et perspectives
L
a lutte contre le VIH et le sida
est une responsabilité conjointe
que personne – aucun donateur,
aucun gouvernement, aucune institution
multilatérale ni aucune ONG – ne peut assumer seul. Les partenariats sont cruciaux,
tout comme l’innovation et l’imagination.
Cependant, en raison de la crise financière
mondiale, le climat des donateurs change
rapidement et menace de faire avorter plus
de deux décennies de progrès.
Selon un nouveau rapport de l’ONUSIDA, l’UNICEF et l’OMS (septembre
2010), une pénurie mondiale de fonds
compromet fortement la concrétisation de l’accès universel à la prévention,
au traitement et aux soins. Bien que le
délai des objectifs du Millénaire pour le
développement soit fixé à 2015, il est de
plus en plus évident que l’objectif 6 – enrayer la propagation du VIH/sida et avoir
commencé à inverser la tendance actuelle
– ne sera pas non plus atteint.
En 2009, 70 Sociétés nationales ont
réussi à mobiliser 36 millions de francs
suisses pour la mise en œuvre de programmes de lutte contre le VIH et le sida
– soit 22 % de moins qu’en 2008. Cette
diminution est probablement due à la
crise financière mondiale. L’ONUSIDA
estime qu’il manque 10 milliards de
dollars américains dans le monde pour
financer l’intervention globale en matière de VIH et de sida, ce qui nuit à la
mise en œuvre de nombreux programmes
nationaux.
Les Sociétés nationales de la CroixR o u g e e t d u C r o i s s a n t- R o u g e
devraient :
de réduction des risques ciblant
les consommateurs de drogues
injectables ;

renforcer les capacités techniques
et de gestion de leur personnel et
de leurs volontaires afin de leur
permettre de mettre en œuvre des
programmes efficaces ;

utiliser les forums publics et – en
particulier – les médias pour expliquer ce que sont les programmes
de réduction des risques, leurs
avantages, leur raison d’être et
leur rapport coût-efficacité ;

élaborer, mettre en œuvre et
étendre des programmes globaux
de lutte contre le VIH, notamment
des stratégies de réduction des
risques visant les populations
vulnérables, y compris les prisonniers ;

promouvoir le dialogue dans le but
de persuader les gouvernements
d’élaborer et d’appliquer des politiques et des cadres législatifs
appropriés à travers des discussions avec des membres clés des
communautés et d’autres parties
prenantes. Le but est de les encourager à respecter les droits
de l’homme et de promouvoir et
mettre en œuvre des programmes

communiquer des informations
sur les programmes de réduction
des risques au grand public par
le biais des médias, lors d’événements nationaux, régionaux
ou mondiaux comme des conférences ou des journées spéciales,
notamment la Journée mondiale
de lutte contre le sida, la Journée
mondiale de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge, etc.
Pour aider les Sociétés nationales à
mettre en œuvre des activités de réduction des risques, la Fédération
internationale poursuivra ses activités de diplomatie humanitaire, afin de
ONUSIDA
Nous pouvons faire plus
et faire mieux
sensibiliser les esprits et d’essayer
de changer la mentalité des parties
prenantes compétentes au sujet de la
réduction des risques.
19
UNAIDS
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
Le chemin à suivre
P
our la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, l’accès universel au traitement et le respect des droits de l’homme
requièrent de faire tout ce qui est en son pouvoir pour
faire entendre la voix de ceux qui n’en ont pas – c’est-à-dire
donner aux consommateurs de drogues injectables vivant avec le
VIH, ou risquant d’être infectés, la possibilité de communiquer
leurs préoccupations avec les gouvernements et les donateurs, et
de participer à la prise de décisions et au débat politique.
La Fédération internationale, en étroite collaboration avec
des organisations de la société civile, des organisations internationales et des donateurs, s’engage à encourager les gouvernements à élaborer des politiques favorables et fondées sur des
faits, et à mettre en place des pratiques de réduction des risques
conformes aux principes et aux lignes directrices humanitaires
de santé publique et des droits de l’homme.
La réduction des risques est pragmatique, d’un bon rapport coût-efficacité et fondée sur des faits.
Dans une perspective de santé publique, elle garantit le bienêtre des toxicomanes en leur permettant de réduire le mal qu’ils
causent à eux-mêmes et aux autres en offrant une gamme de services – par exemple, échange de seringues et d’aiguilles, substitution aux opiacés, distribution de préservatifs, programmes de
nutrition et de formation professionnelle – visant à enrayer la
propagation du VIH. Elle fournit en outre aux consommateurs
le traitement nécessaire pour entretenir leur santé et réduire leur
charge virale jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus transmettre le virus.
20
Comme nous l’avons relevé plus haut, d’un point de vue humanitaire, les lois répressives qui prévoient l’emprisonnement
et les brimades ne font qu’éloigner les toxicomanes des services
de santé et d’aide sociale. Ces lois constituent une violation des
principes humanitaires et de la législation des droits de l’homme
et, de plus, rendent pratiquement impossible la prévention du
VIH, le traitement, les soins et le soutien, et exposent la population à un danger accru.
Les changements de politiques et la réforme de la justice
sont essentiels à la réduction des risques. La consommation de
drogues injectables ne devrait pas être considérée comme un
acte criminel mais comme une question majeure de santé publique. La Fédération internationale plaide en faveur de la décriminalisation des consommateurs de drogues et pour que ces
derniers aient accès, à l’intérieur et à l’extérieur des centres de
détention, à des procédures juridiques équitables et aux services
de santé.
Enfin, la question de la réduction des risques n’a rien à voir
avec la violation de la loi ou la moralité. Il s’agit de respecter les
droits de l’homme fondamentaux afin que nous puissions protéger, traiter, soigner et soutenir nos frères et sœurs, nos mères,
nos pères, nos fils et nos filles, nos amis et nos connaissances
vivant avec une dépendance à la drogue et avec le VIH. En étendant notre aide et notre compassion à nos semblables les plus
vulnérables et les plus marginalisés, nous aidons nos communautés et nous nous aidons nous-mêmes.
annexes
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
L’Alliance mondiale contre le VIH
56 SOCIÉTÉS NATIONALES DE LA CROIX-ROUGE ET DU CROISSANT-ROUGE ONT ÉLABORÉ
DES PROGRAMMES DE LUTTE CONTRE LE VIH DANS LE CADRE DE L’ALLIANCE MONDIALE
➑
➒
➋
➌
➎ ➏
➎
➐
➐
➊
Lors
de la Journée
mondiale de la lutte contre
le sida en 2006 (le 1er décembre),
le Secrétariat de la Fédération a lancé
l’Alliance mondiale contre le VIH, dans
le but de relever de façon plus efficace les
défis posés par le VIH et le sida. Fondée
sur une approche classique de la santé
publique, l’Alliance offre un mécanisme
d’élaboration et de mise en œuvre de
programmes normalisés et globaux
de lutte contre le VIH à l’échelle
de la Fédération.
➍
➊
Argentine
Belize
Colombie
El Salvador
Équateur
Guatemala
Guyane
Haïti
Honduras
Jamaïque
➋
Burkina Faso
République centrafricaine
République Dém. du Congo
Guinée
Nigéria
➌
Éthiopie
Djibouti
Kenya
Madagascar
Ouganda
Rwanda
Somalie
Soudan
Tanzanie
➍
Angola
Botswana
Lesotho
Malawi
Mozambique
Namibie
Afique du Sud
Swaziland
Zambie
Zimbabwe
Bangladesh
Inde
Népal
Sri Lanka
Îles Cook
Kiribati
Micronésie
Samoa
➏
Cambodge
Indonésie
Laos
Myanmar
Philippines
➑
Arménie
Bélarus
Kazakhstan
Kirgizstan
Ouzbékistan
Russie
Ukraine
➒
Chine
Mongolie
Tableau montrant les SN qui ont
mené des programmes de lutte
contre le VIH en 2009
En 2009, 18 644 009 personnes au
total, notamment des consommateurs
de drogues injectables, ont été touchées par des messages de prévention
et ont reçu un soutien psychosocial.
Pas moins de 119 370 volontaires ont
acquis des compétences et mené des
interventions de lutte contre le VIH,
consacrant 17,5 millions d’heures bénévoles à la fourniture de services.
Performance des programmes de lutte contre le VIH des Sociétés nationales en 2008
Service fourni
Afrique Moyen-Orient 31 SN 3 SN Asie Amériques 14SN 10 SN Europe Pacifique Total mondial
8 SN 4 SN 70 SN
Nombre de personnes
touchées par des messages
de prévention
9 079 764
59 985
7 284 135
1 439 991
433 458
63 800
18 361 133
Nombre de personnes
vivant avec le VIH soutenues
125 616
16
15 148
4090
2 822
8
147 700
Nombre d’orphelins
aidés
131 054
-
2 775
843
504
-
135 176
Population totale
touchée et desservie
9 336 434
60 001
7 302 058
1 444 924
436 784
63 808
18 644 009
Nombre de volontaires formés
et affectés à ces activités
17 479
213
95 882
3052
2 643
101
119 370
Heures bénévoles mobilisées
pour mener des activités
en une année
10 440 768
116 668
5 784 844
612 908
585 024
32 712
17 572 924
23.5%
7%
9.2%
-
12%
(pourcentage) (pourcentage) (pourcentage) (pourcentage)
-
% du personnel des SN
participant à des programmes sur le lieu de travail
Ressources mobilisées pour
des programmes de lutte
contre le VIH (CHF)
26 308 581
665 366
4 597 144
2 057 944
2 086 575
402 366
36 117 976
21
FICR / À l’abri du danger – Consommateurs de drogues injectables et réduction des risques
Rapport de plaidoyer / Décembre 2010
XVIIIe Conférence internationale sur le sida
réunion satellite de la Fédération à Vienne
Déclaration d’engagement
À la veille de la XVIIIe Conférence internationale sur le sida, nous, les représentants de 36 Sociétés nationales et
du Secrétariat de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, reconnaissons que l’épidémie de VIH reste l’un des plus grands problèmes de santé publique dans les pays à faible ou à
moyen revenu, touchant la vie de millions de personnes pauvres et marginalisées.
Durant deux jours de réunions à Vienne, les 17 et 18 juillet 2010, nous avons renforcé nos connaissances sur
l’ampleur de la consommation de drogues injectables dans le monde et son rôle dans la transmission du VIH,
ainsi que sur l’impact dévastateur de la tuberculose, principale cause de la mortalité accrue des personnes vivant
avec le VIH et le sida. Par ailleurs, nous avons trouvé utiles le partage d’expériences et les enseignements tirés de la
mise en œuvre de programmes globaux de lutte contre le VIH dans le cadre de l’Alliance mondiale contre le VIH
dans 56 pays du monde. Les conclusions de l’évaluation à mi-parcours des programmes globaux mis en œuvre ces
trois dernières années en Afrique australe nous aident à améliorer nos programmes et à accélérer les procédures
administratives, et nous permettent de faire mieux et d’accroître notre portée.
Nous renouvelons notre engagement à :
1) communiquer à plus de personnes des informations sur la prévention, en utilisant des stratégies appropriées ;
2) faire mieux et intensifier encore nos efforts visant à atteindre plus de personnes ayant besoin de soins et de
soutien ;
3) continuer d’utiliser l’approche de l’Alliance mondiale pour concevoir des programmes globaux de lutte contre
le VIH et la tuberculose, tout en les perfectionnant grâce aux enseignements tirés durant les évaluations ;
4) faire tous les efforts possibles pour intensifier la mise en œuvre des programmes et soutenir les efforts déployés
par les gouvernements pour introduire le traitement antirétroviral, en améliorant l’observance du traitement et
en fournissant un soutien psychosocial aux personnes infectées et touchées par le VIH et la tuberculose ;
5) intensifier les programmes de réduction des risques liés à la consommation de drogues injectables dans les pays
où le problème est répandu ;
6) déployer tous les efforts possibles pour intégrer systématiquement les programmes de lutte contre la tuberculose et le VIH au niveau de la fourniture de services et soutenir la planification, le suivi, l’évaluation et les
comptes rendus de ces services ;
7) soutenir activement les Sociétés nationales, afin qu’elles puissent avoir accès à des ressources dans leur pays, et
faire tous les efforts possibles pour mobiliser des ressources aux échelons régional et mondial ;
8) s’assurer que des programmes sont mis sur pied sur le lieu de travail ;
9) enfin, soutenir les efforts des membres du réseau RCRC+ de toutes les manières possibles, car nous admirons
le rôle important qu’ils jouent pour accroître la sensibilisation et lutter contre l’opprobre et la discrimination
au sein des Sociétés nationales.
Nous sommes heureux que le VIH figure comme programme prioritaire dans la Stratégie 2020 de la
Fédération, et nous encourageons le Secrétariat de la Fédération à continuer de renforcer les efforts de lutte contre
le VIH et la tuberculose. De plus, le Secrétariat de la Fédération doit aider et encourager toutes les Sociétés nationales à communiquer les résultats de leurs programmes aux bureaux de zone du Secrétariat conformément au
calendrier défini.
22
Réduction des risques dans le monde 2010
En bref
Comment lire le tableau
Référence positive explicite à la réduction des risques dans des
politiques nationales : Pays et territoires faisant explicitement référence
à la réduction des risques dans des politiques nationales relatives à la
santé ou à la drogue.
Ce tableau présente la liste des pays et des territoires du
monde qui contribuent, par leurs politiques ou par leurs
pratiques, à la réduction des risques. Veuillez noter que la
simple présence d’un pays dans cette liste ne fournit
aucune indication sur la portée, la qualité ou la couverture
de ses services.
Il faut en outre être conscient qu’une référence positive
explicite à la réduction des risques dans des politiques
nationales ne signifie pas nécessairement qu’il existe des
services d’une qualité et d’une couverture adéquates.
De plus, dans de nombreux pays, les services de
réduction des risques, en particulier les programmes
d’échange d’aiguilles et de seringues, sont assurés par
des ONG et fonctionnent parfois sans le soutien du
gouvernement.
Pays ou
territoire (93)
Référence
positive
explicite à la
réduction des
risques dans
des politiques
nationales (79)
Programmes
opérationnels
d’échange
d’aiguilles et
de seringues
(82)
Salles
Programmes
d’injection
opérationnels
de traitement de (8)
substitution
aux opiacés
(73)
ASIE
Afghanistan



Bangladesh



Cambodge


Chine



Hong Kong


Inde



Indonésie



Lao (Rep. Dem. Pop)

Malaisie



Maldives

Mongolie

Myanmar



Népal



Pakistan


Philippines


Taïwan



Thaïlande



Viet Nam



CARAÏBES
Porto Rico


Trinité-et-Tobago

EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE ET ASIE CENTRALE
Albanie



Arménie



Azerbaidjan


Bélarus



Bosnie-Herzégovine
Bulgarie
Croatie
Estonie
Géorgie
Hongrie
Kazakhstan
Kirghizistan
Kosovo
Lettonie
Lituanie
Macédoine
Moldavie (Rép. de)
Monténégro
Ouzbékistan
Pologne
République tchèque
Roumanie
Russie (Fédération de)
Serbie
Slovaquie
Slovénie
Tadjikistan
Turkménistan
Ukraine
Échange
d’aiguilles
en prison (10)
Programmes opérationnels d’échange d’aiguilles et de seringues :
Pays et territoires ayant au moins un site d’échange d’aiguilles et de
seringues opérationnel.
Programmes opérationnels de traitement de substitution aux
opiacés : Pays et territoires ayant au moins un site de traitement de
substitution aux opiacés à long terme (non seulement à des fins de
désintoxication).
Salles d’injection : Pays et territoires ayant au moins une salle
d’injection opérationnelle (ou des locaux d’injection plus sûrs).
Échange d’aiguilles en prison : Pays et territoires ayant au moins une
prison proposant un programme opérationnel d’échange d’aiguilles et de
seringues.
Traitement de substitution aux opiacés en prison : Pays et territoires
ayant au moins une prison proposant un traitement de substitution aux
opiacés à long terme (non seulement à des fins de désintoxication).
Traitement
de substitution
aux opiacés
en prison (39)



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
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

Pays ou
territoire (93)
Référence
positive
explicite à la
réduction des
risques dans
des politiques
nationales (79)
Programmes
opérationnels
d’échange
d’aiguilles et
de seringues
(82)
AMÉRIQUE LATINE
Argentine

Brésil

Colombie

Mexique

Paraguay

Uruguay

MOYEN-ORIENT et AFRIQUE DU NORD
Egypte
Iran

Israël

Liban

Maroc

Oman
Palestine
Tunisie
AMÉRIQUE DU NORD
Canada

États-Unis

OCÉANIE
Australie

Nouvelle-Zélande

AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Afrique du Sud
Kenya

Maurice

Sénégal
Seychelles
Tanzanie

Zanzibar

EUROPE OCCIDENTALE
Allemagne

Autriche

Belgique

Chypre

Danemark

Espagne

Finlande

France

Grèce

Irlande

Islande
Italie

Luxembourg

Malte

Norvège

Pays-Bas

Portugal

Royaume-Uni

Suède

Suisse

Salles
Programmes
d’injection
opérationnels
de traitement de (8)
substitution
aux opiacés
(73)
Échange
d’aiguilles
en prison (10)
Traitement
de substitution
aux opiacés
en prison (39)



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
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
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




Source : Cook, C (2010) Global State of Harm Reduction 2010 at a glance. International Harm
Reduction Association, London, UK. For more information see www.ihra.net
Les Principes fondamentaux
du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
Humanité
Indépendance
Né du souci de porter secours sans discrimination aux
blessés des champs de bataille, le Mouvement international
de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, sous son aspect
international et national, s’efforce de prévenir et d’alléger en
toutes circonstances les souffrances des hommes. Il tend à
protéger la vie et la santé ainsi qu’à faire respecter la personne
humaine. Il favorise la compréhension mutuelle, l’amitié, la
coopération et une paix durable entre tous les peuples.
Le Mouvement est indépendant. Auxiliaires des pouvoirs
publics dans leurs activités humanitaires et soumises aux
lois qui régissent leur pays respectif, les Sociétés nationales
doivent pourtant conserver une autonomie qui leur permette
d’agir toujours selon les principes du Mouvement.
Volontariat
Il est un mouvement de secours volontaire et désintéressé.
Impartialité
Il ne fait aucune distinction de nationalité, de race, de religion, de condition sociale et d’appartenance politique.
Il s’applique seulement à secourir les individus à la mesure
de leur souffrance et à subvenir par priorité aux détresses
les plus urgentes.
Neutralité
Afin de garder la confiance de tous, le Mouvement
s’abstient de prendre part aux hostilités et, en tout temps,
aux controverses d’ordre politique, racial, religieux et idéologique.
Unité
Il ne peut y avoir qu’une seule Société de la Croix-Rouge
ou du Croissant-Rouge dans un même pays. Elle doit être
ouverte à tous et étendre son action humanitaire au territoire
entier.
Universalité
Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge, au sein duquel toutes les Sociétés ont des
droits égaux et le devoir de s’entraider, est universel.
À l’abri du danger
Consommateurs de drogues injectables
et réduction des risques
Presse, relations publiques et pour plus d’informations sur la Fédération internationale :
Ce rapport a été élaboré par :
Getachew Gizaw, Paul Conneally, Patrick Couteau, Shannon Frame,
Sadia Kaenzig, Patricia Leidl, Marie-Françoise Borel et
Corinne Leuenberger.
www.ifrc.org
Sauver des vies, changer les mentalités.
Photo de couverture : Lituanie – Au Centre Vilnius, des travailleurs sociaux, plutôt que des
médecins, s’occupent de la gestion des dossiers des patients. Les médecins peuvent ainsi
se concentrer sur les soins aux patients, et les travailleurs sociaux utilisent leurs connaissances pour orienter les patients vers le service de santé approprié. En outre, les patients
peuvent bénéficier de formations professionnelles ainsi que d’autres services municipaux.
©OMS/Piotr Malecki 2009.
204902 12/2010 F 800
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