Les omelettes d`Hélène en festifs lundis de Pâques…

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Les omelettes d`Hélène en festifs lundis de Pâques…
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Les omelettes d’Hélène des lundis de Pâques en autrefois…
En ce clair printemps 1979, Caroline Luguin
était la reine du corso de Beaumont en Valentinois, accompagnée de ses deux demoiselles
d’honneur, Marie-Christine Buisson et Marie-José Navarro. C’était il y a déjà presque deux
générations d’hommes. Elles ont depuis lors glissé dans le sens de l’inéluctable destinée humaine.
La petite bourgade vivait des jours tout aussi exubérants, jovials et heureux. La fête prenait tout
son sens en s’installant en coeur de village, depuis la place des Fossés, la place du Rasset jusqu’à
la place de la Gare où avait cours, pendant toutes les festivités pascales, la truculente fête foraine,
avec ses senteurs, ses bruits, ses musiques et sa moussante effervescence…Avec les Pierrot et
leurs auto tampons pour les plus bagarreurs, la piste de Kart pour les plus hardis, le manège des
Mini Bolides pour les plus jeunets, la galerie des Glaces pour les plus aventureux, la loterie
Bambino pour les plus chanceux, la Chenille des Neiges pour les amateurs de sensations fortes. Ce
Beaumont d’alors allait voir bientôt succéder Jean-Marc à Jean-Claude, à la présidence du Comité
des Fêtes.
Cette poignée de dynamiques bénévoles acquis à
l’éthique même de la fête à la façon de chez nous, inconditionnels de la construction des chars
fleuris formant le cœur des réjouissances…Voyait s’impliquer totalement dans l’émulation
collective, Bruno, le trésorier de l’association. C’était un homme courtois, discret, compréhensif,
contributif et animant de belles qualités relationnelles, un membre actif toujours disponible et
serein, prêt à apporter à l’œuvre collective toute sa patience, sa compétence, son dévouement et sa
disponibilité. Mais aussi Narcisse, un membre assidu du Comité, un homme peut-être discret mais
sûrement utile à l’organisation générale de la manifestation, un compagnon de contribution et
d’abnégation principalement utiles à tous. Tant il importait de mettre à profit toute la bonne
volonté de chacun, comme lui, alors ne ménageant ni sa peine, ni sa générosité dans son
enthousiasme exemplaire, sa bonne humeur et sa splendide joie de vivre.
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De la part du cortège des chars fleuris, en ce
temps du lundi de Pâques au matin encore imprégné des réjouissances de la veille, s’accomplissait
la traditionnelle visite des quatre communes voisines en Sud Valentinois : Montmeyran,
Montéléger, Beauvallon et Etoile. C’était l’accomplissement d’une grande et festoyeuse
exubérance, une liesse effrénée pleine de bonne humeur et de communicative joie d’exister avec
ses nuages de confettis, ses vagues de serpentins et ses surprenantes émulsions à la bombe
multicolore mais certainement aveuglante. Il y avait quelque chose de délicieusement spontané
dans ce lien intercommunal fait de chaleur humaine et d’amicale cordialité, une sorte de solidarité
affectueuse voyant les hôtes du moment, offrir à leurs traditionnels visiteurs la succulente tranche
de pogne et le si apprécié vin blanc, au matin émoustillé : Une solide tradition s’étant pérennisée,
perpétuée au fil des décennies se passant. En l’honneur de ceux qui leur apportaient spontanément
toute leur reconnaissante gratitude embellie par leur sollicitude attentionnée. Tous connivents et
complices : C’était la fête ambulante et transplantée pour le plaisir de communiquer et de se
montrer délicieusement relationnel avec des indéfectibles amis de terroirs, si proches par le cœur et
la généreuse intention : La toute simple manifestation du rassemblement, du partage et de
l’échange dans ce qu’ils recèlent de plus enthousiasmant et de fraternel.
Alors, en milieu de l’après-midi, lorsque le
cortège, parvenu à la fin de sa visite protocolaire aux communes de l’entour, rentrait sur
Beaumont, pour beaucoup de fêtards…Un tantinet éméchés et pas très lucides, il importait de
dissiper tous ces effluves vaporeux imputables à une alcoolémie générale déjà bien avancée dans
l’ébriété hasardeuse. Faute de salle des fêtes, tous se retrouvaient au bâtiment de l’Ancienne Gare
située dans l’enceinte même de la fête foraine. Là où précisément l’inénarrable Dame Hélène les
attendait très résolue et de pieds fermes, en tablier blanc bien repassé, opérationnelle comme pas
une, à l’œil vif et incisif. De ce temps de sa jeunesse et de toutes ses belles et fulminantes qualités
humaines faites de dynamisme, d’entreprise, de caractère et de réactivité…Hélène avait l’habitude,
déjà bien ancrée dans l’usage, d’apporter sa belle contribution à ces moments choisis de grande
convivialité, d’extravagance et même de tapage très bon enfant. En préparant ses omelettes si
succulentes, goûteuses et joliment appétissantes, telles une richesse absolue et incomparable de
maîtresse de maison avertie et de grand talent cuisinier. Une succulence à nulle autre pareille.
C’étaient tout simplement les fastueuses et gouleyantes omelettes d’Hélène s’inscrivant dans une
véritable et incomparable tranche de l’existence Beaumontoise d’alors. Les spécialistes auraient
été tentés de comparer ses omelettes à celles de la mère Poulard en Mont Saint-Michel…Une
tellement élogieuse référence.
Dans son organisation parfaite et prévoyante,
Hélène n’était jamais prise au dépourvu puisqu’elle apportait ses propres ustensiles de cuisine. Un
détail qu’elle ne cachait à personne, peut-être pour qu’on l’en remercie d’autant plus. Les éléments
nécessaires dont elle savait à ce point se servir pour qu’ils apportent cette pleine réussite faite de
hauts ravissements de bouches connaisseuses. Il faut dire que son atelier de cuisine en plein air,
opérant loin de ses bases personnelles de la Rue Centrale, se trouvait installé dans la cour de la
petite gare désaffectée, dans la courette et sous le platane datant du petit train. Tant Hélène, pleine
de gouaille, d’humeurs et d’exigences, aspirant à être fichtrement reconnue dans son excellence
cuisinière, donnait de la voix et parfois de la mauvaise humeur, lorsque quelqu’un la contrariait et
même contredisait sa pleine maîtrise de l’entreprise intendante. Elle la voulait à sa main, à sa guise
et forcément aussi à sa poigne. Parce qu’elle exigeait et faisait en sorte absolument que son petit
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monde soit parfaitement satisfait et heureux mais aussi respectueux de son savoir-faire très
généreux et tellement dévoué. C’est toujours une respectable dame dont la richesse humaine se
montrait superbement en totale harmonie avec le déroulement événementiel de la fête pascale
d’alors. Un personnage haut en couleurs dont Beaumont s’honorait de le compter dans
l’organisation de son prestigieux corso de Pâques : La fête aboutie de la tradition
carnavalesque…Avec le cérémonial vin d’honneur offert sur la place du Rasset, le matin du jour
de Pâques et au cours duquel étaient offertes aux participants, les fameuses bugnes concoctées,
entre autres bonnes cuisinières, par Hélène aussi excellente pâtissière. Elle qui choquait le verre de
l’amitié, de la convivialité mais surtout de bonne humeur avec Monsieur Mourier, le maître de
cérémonie du corso de ce temps révolu mais présent dans toutes les reconnaissantes mémoires des
anciens.
Alors, le moment venu, tout l’aréopage du
Comité des Fêtes au grand complet, en présence de ses proches et de ses membres associés,
prenaient le temps de savourer les inimitables omelettes d’Hélène fondantes à souhait dans la
bouche charmée de chacun des convives admiratifs ; Une douce et voluptueuse exquisité, un tour
de main, une spécialité à nulle autre pareille. Tous l’en félicitaient chaleureusement et lui
témoignaient leur vive reconnaissance en se resservant jusqu’à la satiété, tellement l’envie était
grande et immaîtrisable de savourer cette pure et savoureuse spécialité maison. Dans cette
simplicité très dépouillée mais parfaitement vécue par tous, en ces après-midi déjà s’avançant vers
le tard…Tant les convives de ces moments de haute excellence humaine, loin de tout protocole,
non attablés mais mangeant sur le pouce, une assiette à la main, appréciaient à leur juste valeur ces
moments hautement exquis et parfaits. C’était tout ce que Hélène pouvait apporter de mieux, une
dévouée et fervente part d’elle-même, de son savoir de maîtresse de maison, de sa personnalité, de
son plaisir intime et profond…L’invitant même à offrir un peu de son âme, emplie d’un indicible
mais grand bonheur. Cette dame de valeur plurielle, au caractère si bien trempé dans l’authenticité
et la respectabilité humaines, au langage si coloré, à la belle et vive tonicité féminine…Avec tout
son talent d’éminente habitante de la bourgade, par toutes ses connaissances se montrant alors
tellement élogieuses à son égard…Savait à ce point de supérieure humanité faire joliment
apprécier cette comme sacrale sublimité de bouche que furent…
Les omelettes d’Hélène des lundis de Pâques en autrefois…
Jean d’Orfeuille