Tarauder ou fileter à la fraise?
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Tarauder ou fileter à la fraise?
la décision dépend de facteurs propres à chaque atelier Entre les deux techniques permettant de réaliser des filetages internes, c’est-à-dire le taraudage et le filetage à la fraise, on doit réaliser que la première reste encore la plus utilisée. Elle sert, selon les spécialistes, à assurer encore entre quatre-vingt cinq et quatre-vingt dix pour cent des filetages internes. Néanmoins, on doit reconnaître que le filetage à la fraise a sérieusement gagné du terrain depuis son apparition dans les années cinquante, surtout à partir du moment où la technologie des CNC en a simplifié la programmation sur des machines dont la précision et la robustesse a répondu aux exigences de qualité des fabrications. Le filetage à la fraise implique l’utilisation d’une fraise spécialement développée aussi bien pour du filetage extérieur qu’intérieur. Et, aujourd’hui, les CNC dans leur quasi totalité sont capables de mouvoir simultanément avec une grande précision un outil selon les axes X, Y et Z. Ce déplacement selon trois axes est défini sous le nom d’interpolation hélicoïdale ou spirale. Elle permet à une fraise à fileter de produire des filets de grande précision tout en laissant la liberté à l’opérateur de maîtriser des variables impossibles à contrôler en taraudage. Influence d’une diversité de facteurs La décision de tarauder ou de fraiser les filets d’un trou dépend très largement d’une diversité de facteurs. Parmi eux, on peut retenir la nature et la condition de la machine-outil qui va être utilisée, les caractéristiques du trou, la matière de la pièce, la flexibilité et le contrôle opérationnel désiré et, bien évidemment, le coût total de l’opération. Or, on est contraint d’analyser sérieusement tous ces facteurs et d’évaluer leur incidence sur la méthodologie de fa- brication avant de décider comment agir. C’est la raison pour laquelle, dans les paragraphes qui suivent, on a tenté de dresser quelques lignes de conduite devant faciliter la progression à suivre pour retenir la technique à utiliser. Incidence de la machine-outil Il importe de commencer par voir ce que peut faire la machine-outil sur laquelle on envisage de lancer le travail. On doit réaliser, à cet égard, qu’en majorité les centres d’usinage cône 40 ne possèdent pas de broche à entraînement par engrenages du fait de la demande du marché pour des machines plus rapides, plus précises et de coût modéré. Et, bien que ces dernières soient généralement rapides et garantissent une haute précision de positionnement, elles ont une capacité de développer un couple satisfaisant qui chute considérablement dès que l’on descend au-dessous de quelque 300 t/mn correspondant aux vitesses courantes utilisées pour tarauder. Changer la broche pour une autre mécanique conduirait à dépenser des milliers d’euros et à ralentir considérablement les autres opérations d’usinage. Le filetage à la fraise élimine les insuffisances de puissance aux faibles vitesses de coupe puisqu’il s’agit d’une opération de fraisage. Cependant, les CNC pouvant commander des interpolations hélicoïdales sont d’une génération relativement récente et les plus anciennes peuvent ne pas permettre du filetage à la fraise, ce qui limite alors le choix à la seule utilisation des tarauds. Lorsque l’on taraude ou que l’on fraise des filets, les praticiens expérimentés recommandent que la machine soit équipée d’un système d’arrosage à travers la broche. C’est une TRAMETAL Fig. 1 - Opération de taraudage à l’outil dans une pièce en acier traité. Les travaux de filetage de trous ont énormément évolué depuis voici seulement une dizaine d’années. Non seulement les matières usinées sont devenues plus résistantes mais la nature des outils disponibles a changé, de même que les qualités physiques des machines-outils utilisées dans les ateliers. Fileter des trous n’est plus seulement l’affaire de tarauds mais, aussi, celle de fraises particulières qui travaillent en interpolation sur des machines aux broches très rigides commandées par CNC. Le choix du procédé à utiliser dépend, ainsi, de très nombreux facteurs fonction de l’équipement et des hommes. - Novembre 2003 - 7 OUTILS COUPANTS Tarauder ou fileter à la fraise? Doc. Dormer OUTILS COUPANTS disposition très importante lorsque l’on doit travailler dans des trous profonds afin d’être parfaitement assuré que le liquide d’arrosage atteint correctement l’interface pièce-outil. Si la machine ne dispose pas d’un tel système d’arrosage, il est hautement recommandé d’en faire installer un spécialement. Autre point à ne pas négliger, l’effet à long terme du procédé adopté sur la machine. Le filetage à la fraise n’exerce pas d’efforts sur la machine plus importants que du fraisage normal. Le taraudage, par contre, peut être cause de défaillances de la broche. C’est ainsi, par exemple, qu’un fabricant de tarauds spécialisé a accepté, il y a quelque temps, de mettre au point une opération de taraudage importante impliquant l’immobilisation de vingt centres d’usinage en permanence durant le temps de trois équipes. Le renversement fréquent de broche inévitable lors du taraudage a entraîné une défaillance prématurée des broches qu’il a fallu réparer les unes après les autres sur une période de dix-huit mois. Ne pouvant éviter ce type d’opération la solution a consisté à installer des tête de taraudage à renversement de course automatique. 8 Caractéristiques des trous à tarauder Bien que cela soit évident, il est bon de souligner que le second facteur à prendre en considération est la nature et l’état de trou que l’on va tarauder. Certains spécialistes recommandent que, jusqu’à un diamètre de trou de 100 mm, on utilise un taraud. L’expérience indiquerait, en effet, que malgré la moindre fiabilité et la plus grande fréquence de difficultés avec un taraud que ce que l’on éprouve en filetage à la fraise, il fournit un travail plus régulier et plus économique que les fraises à fileter - Novembre 2003 - TRAMETAL Doc. Emuge Fig. 2 - En faisant appel au type de taraud approprié pour travailler dans les alliages d’aluminium coulés, présentant la géométrie optimisée et doté d’un revêtement efficace pour résister à l’usure par abrasion, ce type d’opération s’avère extrêmement rentable en assurant à la fois de forts rendements à des outils dont la tenue est tout à fait satisfaisante, ainsi qu’une excellente qualité des filetages obtenus. sur les grandes séries dès lors que le processus se trouve bien maîtrisé. Bien sûr, cette affirmation a ses détracteurs qui expliquent que le fraisage de filets est économique dans une majorité de cas, y compris bien souvent en fabrications de série. Une exception est lorsque le trou à fileter nécessite un outil d’un très petit diamètre, inférieur à 6 mm, si l’on souhaite utiliser une fraise à plaquette amovible et 4 mm pour une fraise monobloc, car une fraise à fileter a besoin d’un dégagement pour avancer dans le trou et, jusqu’à preuve du contraire, les exigences de fabrication des fraises à fileter monobloc les plus petites, pour qu’elles ne soient pas trop fragiles, empêchent d’en produire dans des diamètres inférieurs à 3,2 mm. Autre facteur agissant sur le choix entre tarauder et fileter à la fraise, la profondeur du filetage à obtenir et la nature de la surface à fond de trou s’il est non débouchant. En règle générale, il est, en effet, admis qu’une fraise à fileter ne convient bien que jusqu’à des profondeurs satisfaisant la règle des 3/1, c’est-àdire une profondeur filetée ne dépassant pas trois fois le diamètre maximal de l’outil. Il convient, évidemment, aussi de savoir si l’on va avoir affaire à un trou débouchant ou borgne. Dans ce dernier cas, en taraudage il faut disposer d’un dégagement en fond de trou pour tenir compte des arête de coupe d’extrémité qui présentent une partie chanfreinée. Cette partie empêche, en effet, de tarauder jusqu’au fond du trou, ce qui n’est pas le cas avec une fraise à fileter qui ne laisse subsister qu’une très faible partie incomplètement taillée. Nature et état de la matière de pièce Comme pour toute opération d’usinage, il n’est guère besoin d’insister sur le fait que la nature et l’état physique de la matière de la pièce que l’on s’apprête à tarauder ou à fileter à la fraise joue un rôle essentiel dans le choix de l’outil. Les tarauds standard ne commencent à soulever quelques difficultés que lorsqu’il leur est demandé de travailler dans une matière trempée dépassant une dureté de 30 Rc ou dans des conditions où la pièce présente un manque d’homogénéité comme lors de la présence de points durs. Ils peuvent, ainsi, casser, s’user rapidement ou produire des filets de forme irrégulière. Et, avoir recours, dans ces conditions, à des forets spécialement étudiés pour surmonter ces ennuis n’aboutit qu’à accroître très sensiblement les coûts d’outils. Les fraises à fileter ont toutes les chances d’être le seul recours pour tailler efficacement des filets dans des matières difficiles à usiner, par exemple comme l’Inconel, l’Invar ou le Monel. Les fraises à fileter, par ailleurs, se comportent généralement mieux que les tarauds Fig. 4 - Exemple de gamme d’outils pour filetages internes proposés par un fabricant spécialisé, Fette pour ne pas le nommer. 10 aux rebuts est un facteur hautement critique lors du choix à exercer entre une fraise à fileter et un taraud pour effectuer le même travail. Pour être concret, on retiendra ici le cas d’une entreprise usinant en sous-traitance des pièces pour l’industrie aéronautique qui, en règle générale, utilise des tarauds pour fileter ses trous mais, occasionnellement, fait appel à des fraises à fileter pour tirer parti de leur flexibilité et de la maîtrise supplémentaire qu’elles permettent lors des opérations par la possibilité de les ajuster avec grande précision pour des pièces ayant subi des distorsions lors de leur traitement thermique ou pour prévoir une tolérance dimensionnelle sur un filetage devant être plaqué ensuite. De la sorte, ce sous-traitant réalise une économie très substantielle en évitant de devoir acquérir des tarauds spéciaux. Doc. Dormer OUTILS COUPANTS Fig. 3 L’universalité des fraises à fileter va loin du fait qu’elles permettent de tailler dans des trous d’un diamètre à partir de 4 mm, les fraises les plus petites ne présentant, en effet, qu’un diamètre de 3,2 mm chez la plupart des fabricants de ces outils. Et leur universalité est d’autant plus grande qu’elles sont proposées en des nuances de carbure revêtu convenant pour la plupart des matières de pièces, y compris les plus exigeantes, par exemple comme les cermets. Elles existent, aussi, en versions sans et avec trou d’huile pour faciliter l’évacuation des copeaux lors de filetages profonds. dans les matières collantes du fait qu’elles ne se trouvent jamais entièrement engagées dans la masse de la pièce en cours de travail. Maîtrise du taillage et simplicité de passage d’un filetage à un autre Lorsque l’on recherche un maximum de flexibilité dans le travail, il s’avère évident que les fraises à fileter présentent un avantage par rapport aux tarauds. Avec elles, les modifications de programme pour tailler une variété de filets dans une large plage de diamètres sont mineures. Et, de plus, la même fraise est capable de servir à produire des filets de nature différente. Ces facilités offrent l’avantage de réduire les coûts et les temps de changement d’outil tout en libérant des emplacements dans les magasins d’outils des centres d’usinage. Qui plus est, la maîtrise qu’offrent les fraises à fileter contribue à réduire les rebuts. Ainsi, lorsque l’on casse un taraud lors d’une fabrication de série, il est possible de récupérer la pièce et de la remettre en état à un coût acceptable. Seulement, si l’on se trouve au stade final de filetage de trous dans une pièce d’avion sur laquelle on a déjà passé plus de mille heures de travail, le risque de devoir la mettre - Novembre 2003 - TRAMETAL Pour justifier sa préférence à l’égard des tarauds, il a procédé à des essais comparatifs. Par exemple, en filetant par fraisage un trou de 38 mm de diamètre et de 50 mm de profondeur, il a obtenu un résultat de haute qualité mais il a fallu prendre quatre passes avec la fraise à fileter pour compléter la forme des filets. Le cycle de filetage a été entre vingt-cinq et trente pour cent plus long qu’en utilisant un taraud. Question précision, taraud ou fraise à fileter sortent des filetages conformes au cahier des charges. Par contre, dans des cas de haute précision, les essais ont prouvé sans discussion qu’un taraud est dans la quasi impossibilité de rivaliser avec une fraise à fileter. A titre indicatif, en utilisant un porte-taraud courant à changement rapide, on parvient à respecter une tolérance de ±0,1 mm. Un porte-taraud monobloc pousse le niveau de tolérance à ±0,05 mm. Une fraise type à fileter, par contre, permet de respecter sans difficulté une tolérance de ±0,01 mm, soit dix fois mieux qu’un porte-taraud à changement rapide et une tolérance comparable à ce que l’on obtient aisément avec une barre d’alésage. Et, c’est alors le moment de se pencher sur le prix de revient Mis à part les avantages opérationnels relatifs d’une technique par rapport à une autre, la décision de choix retombe bien souvent sur la question du prix de revient. Afin de fournir une idée plus précise de ce que l’on peut atteindre et attendre entre l’utilisation de deux types de tarauds et d’une fraise à fileter, le tableau 1 réunit les résultats d’essais de base effectués avec deux tarauds en acier superrapide revêtus et d’une fraise à fileter. Les tarauds choisis sont dits économiques, de types d’usage général en acier rapide, l’un revêtu de nitrure de chrome pour le taraudage dans l’aluminium et l’autre revêtu de nitrure de titane pour tarauder dans l’acier et le titane. Matière Aluminium d’usage général Coût Nombre de trous à haute performance Fraise à fileter Coût Nombre de trous Coût 10 € 2000 - 3000 40 € 30000 - 35000 Nombre de trous 200 € 30000 - 35000 Acier 42CD4 10 € 500 40 € 3000 - 5 000 200 € 3000 - 5000 Titane 20 € 60 - 80 40 € 400 200 € 400 Tableau 1 Comparaison des coûts d’outils par rapport au nombre de trous taraudés ou filetés à la fraise. On se rend compte, dans les exemples ayant fait l’objet d’essais par un sous-traitant de l’aéronautique, que les résultats sont identiques avant usure des outils entre un taraud à haute performance et une fraise à fileter. Entre en ligne compte, pour ne pas faire d’erreur de comparaison, le coût de réaffûtage des tarauds plus celui des tarauds immobilisés pour assurer un travail continu pendant les réaffûtages. En se reportant au tableau on fera remarquer que le décompte des trous ne change pas beaucoup entre le recours à un taraud à haute performance et à une fraise à fileter. Une décision à prendre dans un cas semblable entre taraud et fraise à fileter doit alors se baser sur d’autres variables, telles que le temps de préparation, les contraintes du rapport entre outil et profondeur, le temps de cycle et les caractéristiques du trou. Pour donner un ordre de grandeur de comparaison de prix d’outil, on peut estimer une valeur moyenne d’une quinzaine d’euros pour un taraud courant en acier rapide et entre mille et mille cinq-cents euros pour un gros taraud en acier rapide revêtu de nitrure de titane, tandis qu’une fraise à fileter se situerait entre deux-cents euros pour un outil de faible diamètre à plusieurs centaines d’euros pour un outil de grand diamètre. Avantage évident pour les fraises à fileter des diamètres les plus grands comme, par exemple, celles pour des trous de 20 mm et au-dessus: elles ont des plaquettes amovibles. Avec elles, on peut fraiser différents diamètres d’un même pas en procédant uniquement à une modification du programme… et rien n’empêche de changer les caractéristiques des filets taillés en se servant de la même fraise sur laquelle on monte un type différent de plaquettes. Un facteur à ne pas mésestimer est le coût de réaffûtage d’un taraud qui doit entrer en compte dans celui total de ce taraud. Cette dépense demande à être mise en balance avec le prix des plaquettes destinées aux fraises à fileter d’un diamètre de plus de 20 mm, ceci compte tenu de la quantité de tarauds à tenir en magasin pour assurer sans rupture le maintien de la fabrication pendant que les autres outils sont au réaffûtage. Fig. 5 Programme type de fraises à fileter en carbure monobloc ou à plaquettes amovibles proposées par Stellram, destinées aux travaux extérieurs comme intérieurs. 12 - Novembre 2003 - TRAMETAL Pour conclure? La décision de tarauder ou de fileter à la fraise est fonction des variables qui viennent d’être exposées mais, aussi, de nombreuses autres qui dépendent de l’organisation de l’atelier, de ses fabrications et de son équipement. En définitive, il importe de réaliser qu’un travail interne sérieux demande à être entrepris avant de prendre toute décision supposée être la meilleure pour l’application spécifique de filetage de trous envisagée. Avec les progrès permanents enregistrés quant à la nature et aux revêtements des outils, parallèlement à la technologie régulièrement plus avancée des CNC, on dispose d’un nombre d’options et d’une flexibilité plus élevés que jamais auparavant. Cette flexibilité permet de sélectionner la machine et les outils les mieux appropriés pour fileter une large variété de trous dans une foule de matières allant des différents aciers, y compris inoxydables, aux matières synthétiques et très dures comme les cermets, en passant par les fontes, le titane, le nickel, le cuivre, le laiton, le bronze, ainsi que les différents alliages d’aluminium et de magnésium. Tout un programme… ❑ Doc. Emuge OUTILS COUPANTS Type de taraud Et à savoir aussi aujourd’hui La technologie des fraises à fileter évolue très vite et, outre les outils devenus classiques, il faut savoir qu’il existe aussi des fraises à fileter très universelles en carbure monobloc à plusieurs fonctions comme fileter et contre-fraiser à 90 ou 120°, fileter et chanfreiner, fileter et contre-aléser les entrées - dont l’illustration ci-dessus adaptée d’une documentation Emuge fournit une idée. Ces fraises très performantes pouvant fileter à une profondeur de 1,5, 2 et 2,5 fois leur diamètre, selon le modèle, existent avec une variété de revêtements pour être utilisées dans le maximum d’opérations et de matières, depuis l’aluminium et ses alliages jusqu’aux aciers faiblement et fortement alliés d’une dureté jusqu’à 1400 N/ mm2, aciers inoxydables et alliages de titane. Elles existent à goujures droites et hélicoïdales et avec arrosage au centre pour rendre plus efficace l’évacuation des copeaux. Ce sont des outils productifs et économiques. ❑