C`est la visibilité de l`islam qui gêne l`actu l`actu

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C`est la visibilité de l`islam qui gêne l`actu l`actu
Le Soir Lundi 11 avril 2011
12
Le Soir Lundi 11 avril 2011
l’actu
Bruxelles
clichés capitaux
l’actu
Dossier
Les
7
SÉRIE 2/7, L’IMMIGRATION
13
LE PROGRAMME
9 avril
Bruxelles, ville de
chômeurs ?
11 avril
Bruxelles, ville musulmane ?
12 avril
Bruxelles, ville sale ?
13 avril
Bruxelles, ville dangereuse ?
14 avril
Bruxelles, ville francophone ?
15 avril
Bruxelles, ville embouteillée ?
16 avril
Bruxelles, ville compliquée ?
18 avril
Les dix remèdes pour
Bruxelles.
Bruxelles, une ville musulmane ?
UN BRUXELLOIS
SUR CINQ EST
MUSULMAN.
Mais dans certains
quartiers, l’islam est
tellement visible
qu’il fait peur, et
pas seulement aux
Belges de souche.
Ainsi Hafida
Draoui, conseillère
communale à
Jette : la
radicalisation
islamique et le
comportement de la
seconde génération
l’inquiètent et la
désolent.
Pourquoi ?
Parce qu’il y a des jeunes et moins jeunes
qui ont une vision fermée de l’islam. Or, je
suis pour un islam moderniste, ouvert.
« Onbrouille lescartesavecles amalgames »
tout pas de guide. J’ai lu récemment le livre de
afida Draoui est musulmane prati- Tareq Obrou, l’imam de Bordeaux ; il explique
quante. Elle ne porte pas le voile et que des jeunes viennent lui poser des quess’inquiète de l’évolution de l’islam à tions. Une jeune fille qui fait un drame parce
Bruxelles. Conseillère communale PS à Jette, qu’elle n’est plus vierge, par exemple. Il lui réelle évoque la responsabilité des politiques, y pond que ce n’est pas une obligation. Même
compris au sein de son parti. Une confession moi, qui suis née à Bruxelles, de par l’éducation
que j’ai eue, j’étais persuadée que je devais être
sans tabous.
vierge à mon mariage… Je l’étais ! Je me suis
mariée à 25 ans, je n’ai pas honte de le dire.
Y a-t-il une évolution dans la pratique de
Avec le recul, je me rends compte que c’était
l’islam à Bruxelles ?
Oui, il y a une régression au niveau des com- une connerie. Nous-mêmes, on n’a pas de conportements. Moi, j’ai 44 ans. Quand je vois les naissance de la religion. La seule que l’on a,
copines de mon âge, dans mon entourage, cet- c’est via l’éducation. Mais mes parents ne sate régression est assez frappante. Alors que les vent pas plus que nous. Ce qu’on peut faire et
femmes ont tout en main pour sortir de cet en- ce que l’on ne peut pas faire, cela se limite à
fermement que certains essayent d’imposer en quoi ? Au ramadan, au jeûne. La prière, on ne
m’a jamais obligée à la faire. Quand j’étais enfant, il
y avait des saucisses Bi-Fi
Ce n’est quand même pas normal
dans mon cartable pour
que des Belges doivent déménager
parce qu’il y a trop de Marocains. » que je ne sois pas différente des petits Belges.
Je suis issue d’une fase basant sur le Coran. Le problème avec le Co- mille de huit enfants, trois filles puis cinq garran, c’est l’interprétation. Moi, je suis née musul- çons. On a grandi dans un quartier quand mêmane et je mourrai musulmane. Mais je ne me assez pourri, à Saint-Josse. Les copains de
veux pas que l’on me dise ce qu’il faut faire, Al- mes frères, c’étaient des dealers, des camés…
lah est dans mon cœur et c’est tout. Je pensais Ce n’était pas toujours facile. On a grandi dans
que c’était le cas de la majorité de femmes de un quartier de prostitution, rue de la Prairie, de
ma génération… Et je ne sais pas ce qui s’est l’Ascension. Chapeau à mes parents qui ont trapassé… Est-ce que c’est l’actualité internationa- vaillé pour nous permettre d’être scolarisés…
J’entends aujourd’hui des polémiques sur le
le ? Est-ce le matraquage de la presse par rapfait de ne pas aller à la piscine parce que c’est
port au foulard ?
Je pense que dans le cas des femmes, et sur- mixte. Mais c’est de la folie, c’est n’importe
tout des jeunes en difficulté, on obtient l’effet quoi, tant par rapport à ce qui est dit dans les
inverse… Il n’y a pas de cadre légal, mais sur- textes que par rapport à ce que mes parents di-
ENTRETIEN
H
“
saient. Les jeunes de la deuxième génération
ont tout aujourd’hui, mais une bonne partie
préfère casser des bagnoles, c’est une caricature mais c’est la réalité. Les prisons de Saint-Gilles, de Forest sont bondées de jeunes d’origine
marocaine, c’est triste. J’ai été l’objet d’un sacjacking. J’ai été à la police de Molenbeek, on
m’a sorti des albums photos pour reconnaître
les trois ou quatre jeunes. J’étais triste, effarée,
de me rendre compte que c’étaient tous des Marocains. J’étais malade. Et le commissaire rigolait, il me disait « Madame, ce n’est pas tout, le
plus gros des albums est au siège central. » Des
volumes et des volumes… Je lui ai dit : « Ecoutez, je ne saurais pas les reconnaître. » Ce n’est
pas un cliché, c’est la réalité !
La nouvelle génération revendique un islam moderne, mais réclame qu’il soit très
visible…
C’est un choc pour moi de voir toutes ces jeunes filles voilées. Je suis persuadée que, pour un
certain nombre, c’est un choix personnel, spirituel, il y en a d’autres pour qui c’est imposé…
Ce sont des modes aussi. Ou une affirmation
identitaire. J’ai une cousine sourde-muette que
l’on a inscrite dans une école à Molenbeek et,
peu de temps après, elle portait le foulard. Je lui
ai dit : « Ah, tu mets le foulard, maintenant,
pourquoi ? » Elle m’a répondu : « On m’a dit à
l’école que je devais mettre le foulard et que,
comme ça, je me marierais plus facilement ! »
Je lui ai répondu qu’elle était folle, que c’est
n’importe quoi. Mais on lui avait dit et c’était
comme ça. J’en entends de plus en plus, des jeunes filles de 15 à 18 ans qui portent le foulard,
qui veulent se marier… C’est une façon de s’en-
Cela s’exprime comment ?
Le regard. Je me sens mal à l’aise, oui. Je
peux être en jupe, en talons, mais j’ai peur
de les provoquer. Je trouve cela dommage
parce que nous sommes d’une même famille, mais on ne se reconnaît pas. Si déjà
entre nous, on a ce sentiment, comment le
Belge de souche pourrait… ? C’est la peur,
la peur de l’autre… Ce n’est quand même
pas normal que des Belges doivent déménager ou fermer des commerces parce qu’il y
a trop de Marocains, que l’on appelle certains quartiers les « petits Marrakech ».
Cela devrait être une richesse.
HAFIDA DRAOUI : « C’est un choc, pour moi,
toutes ces jeunes filles voilées. » © SYLVAIN PIRAUX.
fermer. Alors que la bouée de secours pour
ces femmes, ce sont les études supérieures.
Sans diplôme, tu acceptes d’être dépendante de ton mari. Pour moi, c’est difficile à accepter… Cela me choque.
Cela vient d’où ?
Cela peut venir des mosquées, via les frères. Le vendredi, il y a plein de choses qui se
disent. On sait bien qu’il y a des discours
conservateurs qui s’expriment. C’est assez
effrayant de se rendre compte de cela, alors
que l’islam est une religion merveilleuse.
Mais il y a un raidissement, qui se cristallise dans des quartiers…
C’est vrai. Je ne suis pas à l’aise dans certains quartiers de Molenbeek.
Politiquement, y a-t-il des responsabilités ?
Il y a beaucoup d’hypocrisie !
On pourrait citer le cas de Philippe
Moureaux à Molenbeek ?
C’est un bel exemple. Il ne les aide pas.
C’est continuer à se voiler la face devant
ces réalités… Oui, il a fait beaucoup de choses, mais il les a beaucoup trop assistés.
Une forme de paternalisme ?
Oui, voilà. Ce n’est pas de cela dont les
jeunes ont besoin. Je suis assistante sociale
de formation et je ne conçois pas mon rôle
comme ça. Il faut être ferme, parfois. Il faut
cesser ce discours misérabiliste. Mais il faut
leur faire quoi, à ces jeunes ? Des parcs maroco-marocains ? Il ne manquerait plus
que ça. Il y a toute une série d’aides, de maisons de jeunes, mais cela ne sert à rien du
tout. Quoi ? Ils fument du shit dans la maison plutôt que dans la rue ?
Il y a une forme de clientélisme ?
Clairement ! Au PS, c’est comme n’importe quel autre parti, cela ramène des voix,
c’est clair. C’est scandaleux de voir certaines choses ! Il y a des Belges d’origine marocaine qui se retrouvent sur les listes à Molenbeek ou ailleurs et qui sont pratiquement analphabètes ! Ils représentent qui ?
On ne sait même pas ce qu’ils font là. Ils ont
un salaire de 4.000 euros, c’est la politique
pour le fric, alors ? Il faut un peu recadrer
cela, ce n’est plus possible !
Il faudrait que chacun balaie devant sa
porte, en somme. Que les partis cessent ces pratiques ? Que l’Exécutif des
musulmans soit un guide ?
Il faut un guide spirituel, oui. C’est difficile parce que, dans l’islam, il n’y a pas de clergé. Le Coran est une quête spirituelle personnelle. Mais il faut des balises.
Cela dit, il y a trop de matraquage, on devrait montrer d’autres choses. Je ne suis
pas la seule à avoir fait des études ! Il y en a
heureusement de plus en plus. Mais on n’en
parle pas, de celles-là ! C’est cela qui fait
que l’image reste figée. La majorité des
étrangers à Bruxelles, ce sont des Marocains, ils ne sont pas en burqa. On brouille
la carte avec les amalgames… Bruxelles
ville musulmane ? Cela m’énerve ! ■
Propos recueillis par
OLIVIER MOUTON
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pl ux
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Bruxelles,
ville musulmane ?
Oui : 77 %
Non : 23 %
13.120 votes exprimés. A lire
sur http ://blog.lesoir.be/lettrescapitales/
AU CENTRE CULTUREL ET ISLAMIQUE
« Il y a un avant et un après 11 septembre »
Le téléphone du Centre culturel et islamique de
Bruxelles, au Cinquantenaire, sonnait dans le vide depuis plusieurs jours, malgré ce répondeur
qui renvoie – depuis peu en français, aussi – aux
différents services proposés. « Pour obtenir un
rendez-vous, il vaut mieux se rendre sur place »,
conseille un connaisseur des lieux. Ce matin, le
responsable de la fatwa et le porte-parole de la
mosquée accueille la presse avec un sourire crispé. Un rendez-vous ? Pas possible. « Vous comprenez, nous attendons notre nouveau directeur
qui arrivera bientôt d’Arabie Saoudite. Nous ne
pouvons prendre aucune initiative sans qu’il soit là.
Et nous avons eu trop de mauvaises expériences
avec la presse. Il y a un avant et un après 11 septembre. » La situation, crispée, ils disent la vivre
au quotidien. Mais n’est-ce pas précisément important que ce haut-lieu symbolique de l’islam à
Bruxelles s’ouvre un peu, précisément ? La discussion dure plus d’une heure, mais c’est toujours la même fin de non-recevoir. Et même si le
directeur était là, une demande écrite très précise devrait être envoyée.
La mosquée du Cinquantenaire véhicule à Bruxelles la pensée d’un courant conservateur de
l’islam, le wahhabisme, qui vient d’Arabie Saoudite. L’un de ceux qui pose problème avec le salafisme, souligne Corinne Torrekens, chercheuse à l’ULB. « Le Cinquantenaire est connu pour ses
positions irréalistes au sein de la communauté musulmane, dit-elle. Mais sa position privilégiée, elle
la tient d’où ? Des pouvoirs publics belges ! » OL.M.
L’intégralité de l’entretien sur
http://blog.lesoir.be/lettrescapitales/
Bruxelles, ville
musulmane ?
Notre enquête se prolonge
sur www.lesoir.be/
Deux débats, inédits.
- « On ne voit que le mauvais côté de l’islam ». Isabelle Praile (photo à gauche),
vice-présidente de l’Exécutif des musulmans est interrogée par Larissa Van
Halst (photo à droite),
jeune militante laïque.
- « Au fond, il y a beaucoup
qui nous rassemble. » Conversation animée entre Larissa Van Halst, militante
laïque, et Hakima El Bouri
(photo au milieu), jeune
musulmane voilée.
Hakima. A découvrir sur
http ://blog.lesoir.be/lettrescapitales/
La parole à deux experts.
- « Je n’ose plus dire que je
travaille sur l’islam », avoue
Corinne Torrekens,
chercheuse à l’ULB.
- « C’est la visibilité croissante de l’islam qui pose problème », estime Farid El Asri,
anthropologue de l’UCL.
A lire sur
http ://blog.lesoir.be /lettrescapitales/
Chattez avec Hafida
Draoui Ce lundi, à 12 heures, sur www.lesoir.be
Bruxelles,
ville sale ?
Dès ce lundi, participez à
notre troisième sondage.
Sur http ://blog.lesoir.be/
lettrescapitales/
LE CHIFFRE
C’est la visibilité de l’islam qui gêne
ruxelles, ville musulmane ? La
question, polémique, fait rage depuis quelque temps,
avec son lot de reportages et de
couvertures de magazines. Une
question sensible, qui cristallise un
imaginaire marqué par la présence
de plus en plus visible de l’islam
dans la ville.
En toile de fond, il y a ce chiffre :
un Bruxellois sur cinq est musulman, aujourd’hui. Et un Bruxellois
sur trois pourrait l’être dans vingt
ans en tenant compte des perspectives démographiques. Deux experts
évoquent ces clichés tenaces qui
tendent les relations communautaires.
B
La visibilité de l’islam en ville. « Il
y a certainement un problème, mais
un problème de perception, souligne
Farid El Asri, docteur en anthropologie de l’UCL. On assiste aujourd’hui
à un processus affirmé de visibilisation de l’islam sous différentes occurrences. D’une part assumé, dans l’affirmation identitaire de soi par le
biais de phénomènes comme les phénomènes de foulards textiles, de foulard capillaires que sont les barbes et
ceux de pierre que sont les minarets.
Cela questionne deux choses. D’une
part la visibilité forte de l’islam dans
le paysage européen remet en question l’identité collective. Si ces musulmans qui se disent aujourd’hui bel-
siste à une individualisation du croire, insiste Corinne Torrekens, chercheuse à l’ULB, spécialiste de l’islam
à Bruxelles. De plus en plus, les profils s’individualisent : elle va porter le
voile, l’autre pas, elle va considérer
que c’est obligatoire, l’autre non…
De plus en plus de croyants considèrent qu’ils sont responsables de leur
croyance devant Allah, devant Dieu.
C’est intéressant. On parle toujours
de l’islam comme une religion communautaire, comme une religion de
groupe, alors qu’il y a de plus en plus
ce profilage individuel. L’individualisation, c’est une dimension de la sécularisation, c’est hyper important. »
Les mosquées. Elles sont aujour-
d’hui une petite cinquantaine dans
la ville. Visibles, parfois, comme à
Molenbeek ou au Cinquantenaire,
mais souvent discrètement installées dans des immeubles. « Cela rejoint ce besoin de reconnaissance
fort, dit Corinne Torrekens. J’ai étudié les dossiers d’installation des mosquées à Bruxelles, à Molenbeek et à
Schaerbeek ? Que se passe-t-il ? Jusque dans les années 2000, pour toutes les mosquées qui demandent un
permis de bâtir c’est “refus”, “vous
êtes là mais faites surtout en sorte
que l’on ne vous voit pas”, c’est “vous
ne touchez pas à la façade”, c’est une
insonorisation forcée du bâtiment
“que l’on ne vous entende pas”, c’est
une interdiction des rassemblements
sur les trottoirs… Ce sont de terribles
injonctions de discrétion. A Molenbeek, on les reconnaît en tant que…
commerces. »
« Ce n’est pas un processus d’islamisation, c’est un processus d’ancrage
dans la société, estime Farid El Asri.
Plus ils s’affirment, plus ils se sentent
bien ici, plus ils sont enracinés…
C’est ça tout le paradoxe. Les premières générations disaient “soyez discrets, travaillez bien à l’école parce
que bientôt on rentre chez nous”. Là,
le fait que les mosquées s’embellissent, les gens se sentent ici, ils ont déposé leurs bagages. Cela s’enracine
jusque dans la mort, on a de plus en
plus de cimetières, de parcelles concédées… »
Les mouvements radicaux. Les
« barbus » sont présents dans la ville, ils mettent certains quartiers
sous pression et induisent des visions très fermées de l’islam. Ils exploitent aussi le désarroi d’une jeunesse en décrochage. « Aucun angélisme de ma part : il y a des courants
qui sont hyper problématiques comme le salafisme, le wahhabisme…, reconnaît Torrekens Forcément, ils
trouvent une certaine empreinte ici.
Comment peut-on réguler cela ? C’est
difficile car cela relève de la liberté de
religion qui est une liberté fondamentale. Et on ne peut intervenir que s’il y
a trouble à l’ordre public, c’est tout. Je
n’ai aucune sympathie pour ces courants, soyons clairs. Mais il faut aussi
faire la différence entre ce qui relève
de l’intégrisme dans le sens du conservatisme, en ce qui concerne les
mœurs, que l’on ne peut pas partager
mais qui relève de la liberté d’expres-
sion… Et l’intégrisme politique qui
est lié au terrorisme, qui est absolument inacceptable ! »
« Ce sont eux qui bénéficient du privilège de la couverture médiatique,
ce sont eux qui vendent du papier,
souligne quant à lui Farid El Asri.
Une jeune cadre de 28 ans qui travaille dans une banque viendrait parler
de son islam, c’est beaucoup moins
rentable qu’un barbu à la barbe rousse qui vient annoncer la création d’un
parti musulman pour imposer progressivement la charia en Belgique.
On sait que c’est du foin, mais cela
vend, médiatiquement, c’est du spectaculaire. »
Le vide du pouvoir. « L’un des pro-
22 %
blèmes fondamentaux de l’islam,
c’est qu’il n’y a pas de clergé, souligne Corinne Torrekens. Il n’y a pas
d’autorité religieuse. Il n’y a pas un pape qui donne la vérité même si le pape est aujourd’hui controversé dans
la religion catholique. Il n’empêche, il
n’y a pas l’équivalent dans l’islam. Il y
a des tas de petites autorités. Certaines sont plus réputées que d’autres
parce qu’elles ont un charisme, pour
le côté fondé de leur décision, mais cela reste aléatoire. En Belgique, cela va
mener à une lutte pour asseoir un leadership, une respectabilité, des tensions très fortes, avec l’intervention
des Etats étrangers, en plus. » ■
Le nombre de musulmans à Bruxelles se situe entre
17 % et 22 %, suivant les études, souligne Corinne Torrekens,
chercheuse à l’ULB. Le sociologue Jan Hertogen parle, lui, de
22 %. En 2008, un baromètre du religieux évoquait même …
30 %. « La population issue d’un pays dont l’islam est la religion dominante, la seule donnée sûre dont on dispose, est concentrée dans
cinq communes, complète Corinne Torrekens : Bruxelles-Ville, Anderlecht, Saint-Josse, Molenbeek et Schaerbeek. L’associatif musulman est concentré dans ces mêmes lieux. Il y a une forme de tension
parce que la population musulmane n’est pas étendue dans la Région bruxelloise, elle est concentrée dans certains quartiers, et que
ceux-ci se situent en plein centre-ville ! Il suffit d’aller chaussée de
Gand, à Molenbeek, pour se rendre compte de la symbolique urbaine
forte que revêt cette affirmation de l’identité. » Une étude récente
de Jan Hertongen affirmait, en tenant compte de la poussée démographique bruxelloise, que cette proportion pourrait grimper
à 30 ou 33 % d’ici 2030 avant de se stabiliser. OL.M.
Ol.M.
www.lesoir.be
1NL
10/04/11 20:24 - LE_SOIR
ges et européens sont ce qu’ils sont,
mais au fond, qui sommes-nous ?
C’est presque une forme de repli identitaire de la majorité. D’autre part, si
on les voit de plus en plus, c’est qu’ils
sont de plus en plus nombreux. Le jeu
des chiffres, qui est parfois utilisé de
façon incendiaire par certains, inquiète et est au cœur de l’identité collective des Belges de façon générale. »
Le port du voile. C’est « le » débat
symbolique sur lequel on épingle la
visibilité de l’islam dans la ville. Les
foulards se multiplient, ils prennent
différentes formes et ils heurtent les
principes de laïcité, de neutralité de
l’espace public. Le débat sur la nécessité de légiférer fait rage. « On as-
FARID EL ASRI : « Les mosquées, c’est un processus d’ancrage dans la société. »
CORINNE TORREKENS : « L’un des problèmes fondamentaux de l’islam, c’est
qu’il n’y a pas de clergé. » © SYLVAIN PIRAUX.
du 11/04/11 - p. 12