Je peux maintenant dire que j ai visite un hopital Japonais

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Je peux maintenant dire que j ai visite un hopital Japonais
La chaîne musicale : son
développement et ses perspectives
futures
Par Martin BEAULIEU
Cahier de recherche no 04-01
Mars 2004
ISSN: 1485-5496
Copyright © 2004. HEC Montréal.
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
L’industrie de la musique est un secteur d’activité qui affichait, en 2002, un chiffre d’affaires de
32 milliards de dollars US. Cette somme, au premier abord colossale, représente en fait un recul
de 30 % par rapport aux ventes enregistrées en 1999 (Noël, 2004). L’échange de fichiers
musicaux par l’entremise d’Internet est souvent pointé du doigt comme étant la principale cause
de ce déclin, déclin qui a inévitablement un impact sur chacun des acteurs de la chaîne musicale :
fabricants de disques compacts, producteurs/distributeurs musicaux, détaillants, etc. (Mathieu et
Dougin 2003). Ce document est principalement axé sur le comportement des acteurs de la chaîne
musicale, notamment celui des grandes maisons de production à cause des positions névralgiques
qu’elles occupent dans le réseau de distribution1.
La rédaction d’une note sur l’industrie de la musique pourrait facilement devenir un exercice sans
fin puisque c’est à tous les jours que surgissent de nouvelles informations dans ce domaine. La
perspective historique privilégiée ici permet de saisir l’évolution de l’industrie et les mouvements
adoptés par les différents acteurs. Le document est composé de sept sections. La première
présente les principaux maillons de la chaîne musicale. La deuxième décrit les grandes phases de
développement de l’industrie, depuis le début du XXe siècle jusqu’au tournant des années 1990.
La troisième partie introduit la révolution des fichiers MP3 avec, en parallèle, les premières
réactions de l’industrie. La quatrième partie traite des stratégies plus récentes de l’industrie à la
suite de la première onde de choc du phénomène Napster et de ses dérivés. La cinquième partie
s’attarde à une analyse plus minutieuse de l’impact réel, sur les ventes d’albums, de l’échange
illicite de fichiers musicaux par l’entremise d’Internet. La sixième partie scrute plus
spécifiquement la situation québécoise. Enfin, la dernière partie présente surtout les points de vue
des artistes et des consommateurs, les deux maillons extrêmes de la chaîne musicale, mettant en
évidence non pas uniquement les enjeux commerciaux mais, pour certains, la nature presque
idéologique du phénomène. Des observations plus personnelles de l’auteur tiennent lieu de
conclusion.
La chaîne musicale2
Il existe différentes façons de découper les activités de la chaîne musicale, nous choisissons de la
délimiter en six étapes : la création, la production, la fabrication, la promotion, la distribution et la
vente au détail/diffusion. À chacune de ces étapes, nous pouvons constater une grande diversité
d’acteurs ou, à l’inverse, une certaine concentration. Nous reviendrons sur la répartition des rôles
entre les acteurs mais définissons d’abord les grandes activités créatrices de valeur.
1. La création de l’œuvre fait intervenir deux métiers : celui de l’auteur et celui de l’éditeur. En
musique, le terme auteur renvoie à deux fonctions : la musique (le compositeur) et les textes
(le parolier). Ces deux premières fonctions sont à l’origine de l’œuvre musicale3. Pour sa
part, l’éditeur est le premier intervenant à investir dans la création en assurant la promotion
de l’artiste auprès des maisons de production et en voyant à la perception des droits qui sont
dus à l’auteur.
1
2
3
Il existe différents styles musicaux (classique, jazz, rock, etc.). Pour cette note, nous ciblerons le grand
ensemble de la musique populaire : rock, pop, rap, etc. Les autres styles étant davantage considérés
comme des niches ayant des profils de consommation particuliers.
À moins d’avis contraire, les informations contenues dans cette section proviennent de : Berghozi et Paris
(2001).
Soulignons que lorsque les artistes ont pris connaissance des revenus que pouvaient générer les droits
d’auteur, ils ont eu tendance à s’accaparer ces deux fonctions plutôt que à les laisser à d’autres.
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
2. La production vise à transformer l’œuvre en contenu. Cette étape consiste en la réalisation
du master qui est la bande musicale maîtresse découlant des sessions d’enregistrement et de
mixage. À cette étape, différents acteurs peuvent intervenir : des musiciens qui sont
rémunérés pour leur contribution à l’interprétation de l’œuvre, un preneur de son, un
technicien de mixage et un (ou des) réalisateur(s) qui peuvent encadrer la session
d’enregistrement et guider l’artiste quant à l’ambiance générale que ce dernier souhaite voir
dégager de sa création.
3. La fabrication consiste à utiliser le master afin d’en arriver à une duplication matérielle sur
de grandes séries en pressant et en emballant le disque.
4. La promotion cherche à créer un attrait autour de l’œuvre artistique. Cette activité prendra la
forme de campagne publicitaire, de rencontre de presse, etc. (Millennium Group, 2001).
5. La distribution consiste à acheminer le disque du point de fabrication aux points de vente.
Le distributeur simplifie les relations permettant aux responsables des points de vente
d’acheter en un seul endroit au lieu de devoir s’adresser à un grand nombre de fournisseurs
(Tremblay et al., 1993/1994). On peut trouver dans cette activité un sous-distributeur ou un
distributeur grossiste. Précisons que ceux-ci œuvrent principalement avec les chaînes de
ventes au détail (Wal-Mart, FuturShop). Les distributeurs grossistes tiennent un choix plus
limité de titres que celui des distributeurs, mais ils voient à l’organisation des rayons chez le
détaillant et ils supervisent une force de vente (Leblanc, 2003).
6. La vente au détail/diffusion regroupe dans un premier temps les chaînes de disquaires (par.
ex. Archambault, HMV, MusicWorld), les disquaires indépendants (par ex. l’Oblique), les
magasins à grande surface (par ex. Wal-Mart, FuturShop, Jean Coutu) ou les clubs de disques
(par ex. Club Colombia) (Tremblay et al., 1993/1994). Soulignons que le nombre de chaînes
de disquaires étant limité, celles-ci jouissent d’un pouvoir de négociation appréciable. Ainsi,
aujourd’hui, les distributeurs et les producteurs doivent payer la publicité, les campagnes
promotionnelles et le positionnement des produits chez les grands détaillants alors qu’il y a
encore quelques années, ces frais étaient partagés avec le détaillant (Leblanc, 2003). En plus,
les distributeurs doivent aussi accepter de reprendre en totalité, ou selon un pourcentage, les
disques invendus (Leblanc, 2003).
Dans un deuxième temps, l’œuvre artistique peut être accessible à un public plus ou moins
large par d’autres moyens : radio, télévision, spectacles ou autres lieux de diffusion. Cette
diffusion peut être aussi considérée comme un élément de promotion en vue d’amener le
consommateur à se procurer le disque. Ce volet de diffusion fait en sorte que l’importance de
l’industrie dépasse sa seule considération financière car, individuellement, chaque
consommateur débourse une part minime de son revenu pour acquérir de la musique mais en
contrepartie, il consacre de nombreuses minutes par jour à en écouter (Liebowitz, 2003)1.
Le tableau 1 répartit la valeur accaparée par les différents acteurs de la chaîne musicale au
Québec. Des comparaisons internationales présentées à l’annexe 1 offrent d’autres découpages
mais qui, dans l’ensemble, arrivent à des proportions similaires.
1
En fait selon des évaluations américaines, un habitant de ce pays passerait en moyenne 45 minutes par
jour à écouter de la musique. Au Canada, la proportion serait de 173 minutes par jour, soit près de trois
heures.
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Tableau 1 – Répartition du prix d’un disque en 1997 au Québec
Intervenant
Maison de disque
Distributeur
Sous-distributeur
Détaillant
Fabrication
Interprète
Auteur-compositeur
Pourcentage
28,0 %
16,6 %
12,0 %
19,3 %
9,4 %
9,2 %
5,5 %
Source : Ménard, 1998
Les différentes activités de la chaîne musicale peuvent être concentrées dans un nombre restreint
d’acteurs. Par exemple, lorsque l’on évoque les majors (Sony Music, EMI, Warner Music, BMG
et Universal Music), il s’agit de grandes maisons de disques (internationales) qui assument la
responsabilité technique et financière de la production, de la fabrication, de la promotion et de la
distribution (Tremblay et al., 1993/1994). Précisons qu’au sein de ces maisons de disques, le
travail peut être fractionné. Vous pouvez trouver une diversité d’étiquettes (labels) qui se
spécialisent dans l’identification et la production (master) d’œuvres artistiques selon différents
créneaux (rock, rythm & blues, hip hop, etc.)1 alors qu’une autre branche de la maison de disques
voit à la fabrication, la promotion et la distribution. À côté de ces majors, vous trouvez les
producteurs indépendants (qui peuvent posséder ou non une étiquette). Ils assument la
responsabilité technique et financière de la production de la bande maîtresse puis ils négocient
des ententes de location ou de vente avec une maison de disques qui assumera les autres activités
(Tremblay et al., 1993/1994). Il existe un dernier cas de figure qui est celui de l’autoproduction,
(vanity label) où l’artiste assume intégralement toutes les fonctions d’une maison de disques
(Ménard, 1998). Cette dernière option permet un contrôle total de l’artiste sur son œuvre mais il
assume seul les risques financiers (Leblanc, 2003).
Par ailleurs, les données du tableau 2 sur les parts de marchés mondiaux des grands joueurs de
l’industrie de la musique démontrent clairement la présence d’un oligopole. Selon des analystes,
cette présence serait une conséquence naturelle découlant de trois goulots d’étranglement : la
signature, l’exposition médiatique et la mise en marché chez le disquaire. Ainsi, pour des
possibilités de signatures limitées, la demande est très importante : des estimations arrivent à la
conclusion qu’il y a un disque produit pour 1 000 demandes. Ensuite, les disques produits
doivent attirer l’attention des médias pour assurer une certaine notoriété. Enfin, le disque doit
avoir une visibilité dans les magasins de disques où là aussi, les places sont limitées, tout en ayant
les moyens financiers de soutenir les efforts de promotion et de mise en marché dans un contexte
où le rapport de force tend à favoriser le détaillant (voir tableau 3)(Leblanc, 2003). Dans ces
conditions, l’intégration verticale est une stratégie qui permet de contrôler une grande partie de la
filière et d’acquérir une position de force vis-à-vis des médias et des détaillants. Cet oligopole
était également présent dès la fin des années 1940, alors que six entreprises, différentes de celles
d’aujourd’hui, contrôlaient 90 % du marché (Millennium Group, 2001).
1
Par exemple, le groupe BMG a plus de 200 étiquettes, (Nguyen-Khac, 2003)
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Tableau 2 - Parts de marché mondiales et nord-américaines en 2002
Acteurs
Monde
Amérique du Nord
24,6 %
32,0 %
Universal Music
Sony Music
14,8 %
14,7 %
EMI
12,0 %
8,9 %
Warner Music
11,9%
14,9 %
BMG
9,8 %
13,6 %
Producteurs indépendants
26,9 %
16,0 %
Canada (2003)
29,1 %
12,9 %
14,2 %
14,3 %
10,4 %
19,1 %
Source : Nguyen-Khac, 2003; Brunet, 2003a
Par ailleurs, cette distinction entre majors et producteurs indépendants n’est pas gratuite. Le
tableau 3 montre que les distributeurs indépendants doivent réduire leur marge bénéficiaire face
au pouvoir de négociation du détaillant.
Tableau 3 – Répartition des coûts entre les grands maillons
Coûts par album payés Coûts par album payés
par le distributeur
par le détaillant
Distributeur
7,00 $ à 8,00 $
De 8,50 $ à 9,50 $
indépendant
Distributeur
Varis
De 13,99 $ à 15,29 $
multinational
Prix de liste pour le
consommateur
De 13,99 $ à 17,99 $
De 16,99 $ à 18,99 $
Source : Leblanc, 2003
Le développement historique des joueurs mondiaux : 1900 à 19951
En 1877, Thomas Edison inventait le phonographe, première technologie capable de reproduire
des sons. En 1904, quatre pourcent des foyers américains possédaient un phonogramme. Au
début du XXe siècle, on trouve deux grandes sociétés d’enregistrements musicaux : Columbia
Records (fondée en 1888) et Victor Talking Machine Company (créée en 1901)2.
L’industrie musicale traverse sa première crise au milieu des années 1910 avec la popularité de la
radio qui se traduit alors par une chute des ventes d’enregistrements. Cependant, en 1917, la
Cour suprême des États-Unis autorise l’industrie musicale à percevoir des droits sur les chansons
diffusées publiquement. Après une décennie de grande rentabilité, l’industrie connaît une période
de turbulence avec la crise économique des années 1930. L’industrie se restructure autour de
trois grandes sociétés : RCA (Radio Corporation of America) qui acquiert Victor; EMI, une
société britannique, qui est le résultat de la fusion de Columbia avec d’autres étiquettes
(Parlophone, Gramophone et EMI) et CBS qui achète la portion américaine des activités de EMI.
L’année 1948 marque la première révolution technologique. Columbia Records introduit le
vinyle de 12 pouces, qui permet l’enregistrement de 20 minutes de musique sur chacune de ses
faces. Le vinyle est joué à une vitesse de 33 révolutions par minute (d’où le terme 33 tours) alors
que jusqu’à maintenant la technologie était celle des 78 tours qui ne pouvait contenir que trois ou
1
2
À moins d’avis contraire, les informations contenues dans cette section proviennent de : Wagner (2003).
Edison Diamond Discs, filiale de la société Edison, n’occupe plus que le troisième rang à ce moment.
Cette entreprise disparaîtra avec la crise financière de la fin des années 1920 et du début des années 1930.
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quatre minutes de musique. Outre la révolution technologique, le 33 tours introduit le concept
d’albums, soit l’intégration sur un même support physique de plusieurs pièces musicales. En
1949, la société RCA contre-attaque en lançant un disque de 7 pouces tournant à 45 révolutions
par minute (le 45 tours). Le 45 tours introduit l’idée du simple (single) qui a l’avantage pour le
consommateur de ne pouvoir écouter que ses pièces préférées et pour les maisons de production
de tester son produit musicale. Pendant une période, il y a eu incompatibilité technologique entre
les deux formats. Cette situation a été résolue lorsque les tables tournantes pouvaient jouer à
l’une ou l’autre des deux vitesses.
Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l’industrie musicale commence à porter une
attention aux adolescents dont le pouvoir d’achat s’accroît (allocations de la part des parents,
petits boulots après les heures de classe). C’est à cette époque qu’est lancée l’idée des palmarès
par les stations radiophoniques (les fameux top 10, top 20, top 40, etc.). L’idée du palmarès est
d’assurer une plus grande diffusion radiophonique aux pièces musicales les plus demandées par
l’auditoire.
L’après-guerre marque aussi la montée de la télévision. Celle-ci est d’abord vue comme une
menace par les entreprises musicales. Éventuellement, l’industrie tourne ce nouveau médium à
son avantage en vue d’en faire un canal de promotion de ses artistes. Au milieu des années 1950,
les principaux joueurs de l’industrie sont alors : RCA Victor, Columbia, Decca, Capitol Records,
MGM et Mercury (Millennium Group, 2001).
À cette époque, la musique country et le rythm & blues sont les principaux courants musicaux
promus par l’industrie mais au milieu des années 1950 émerge alors le rock & roll. À ce
moment, de nouvelles étiquettes naissent afin de promouvoir les artistes de la mouvance rock.
Soulignons que l’année 1963 marque l’arrivée de la première cassette de polyester conçu par la
société Philips.
Les années 1960 et 1970 marquent une nouvelle période de consolidation de l’industrie : Warner
Brothers achète Atlantic Records en 1967 et Elektra Music en 1970; Decca est intégrée à
l’intérieur du groupe MCA; et en 1979, le groupe allemand Bertelsmann acquiert Arista Records
(Nguyen-Khac, 2003). Ces fusions découlent du fait que les nouvelles étiquettes lancées
quelques années auparavant ont de la difficulté à assumer les risques financiers du secteur. À
cette époque, les artistes signaient des contrats avec une société musicale couvrant la production
de six à huit albums. Les entreprises espéraient être gagnantes sur le long terme ou, à tout le
moins, qu’un noyau de grandes vedettes soit suffisamment rentable pour couvrir les coûts de
développement des autres productions artistiques qui étaient déficitaires. Cependant, à
l’expiration de leur contrat, les grandes vedettes avaient tendance à signer des ententes nettement
plus lucratives avec de grandes entreprises musicales. Ainsi au cours des années 1970, pas moins
de 80 % du marché mondial de la musique était contrôlé par six sociétés : Columbia/CBS,
Warner Communications, RCA Victor, Capital-EMI, MCA et United Artists-MGM. En plus, les
acquisitions des années 1960 et 1970 visent à entraîner une position dominante dans les canaux
de distribution (Ménard, 1998).
La fin des années 1970 est marquée par l’une des plus importantes crises auxquels l’industrie a
été confrontée, découlant d’une hausse rapide du prix des microsillons vinyle, d’une dégradation
de la qualité de pressage des disques et de la récession économique du début des années 1980
(Ménard, 1998). Cependant, la chute des ventes de disques est inversée à partir de l’année 1983
qui marque aussi l’émergence des stations de télévision dédiées à la musique : le modèle MTV
qui s’est rapidement étendu à l’extérieur des États-Unis. Ce médium est devenu un important
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canal de promotion de la musique. De plus, le retour des palmarès radiophoniques devient un
outil marquant de promotion.
Par ailleurs, l’avènement, au milieu des années 1980, de la numérisation de la musique est une
véritable bouffée d’oxygène pour l’industrie. Pour de nombreux décideurs de cette industrie, le
disque compact a simplement été vu comme la substitution d’un support par un autre, comme le
78 tours avait été remplacé par le 33 tours et ce dernier, par la cassette. Par contre les qualités du
support (qualité de son et durabilité1) a conduit les amateurs à reconstituer leurs stocks de disques
de vinyle (Berghozi et Paris, 2001). Ainsi, à titre indicatif, durant la période allant de 1990 à
1995, le marché américain du disque a connu une dynamique croissance de 60 % (Nguyen-Khac,
2003).
L’industrie a tout de même poursuivi ses manœuvres de consolidation : BMG achète RCA en
1986, EMI acquiert Chrysalis Records en 1989 et Virgin Records en 1992, Sony achète CBS
Records en 1988 et la société canadienne Seagram achète MCA en 1994 et Polygram en 1999
pour devenir Universal Music (Nguyen-Khac, 2003).
La révolution MP3
Au milieu des années 1990, des premiers signes apparaissent à l’effet que les données musicales
pourraient être échangées par l’entremise d’Internet tout en préservant leur qualité sonore, et cela
grâce à des systèmes comme le RealAudio 5.0 (Rao, 1999). En septembre 1997, Capitol Records
amorce une petite révolution dans l’industrie en offrant le nouveau single du groupe Duran Duran
sur Internet pour la somme de 0,99 $. Pour les décideurs de l’industrie, Internet présentait un
potentiel d’économie en frais de distribution et de promotion des artistes. Cependant pour assurer
la réussite du système, il était nécessaire de développer une norme de diffusion qui limiterait le
potentiel de copies (Brull, 1998). Le développement de cette norme impliquait autant les
producteurs de contenus que ceux de quincailleries technologiques. Ces derniers avaient un
intérêt à ce qu’il y ait une diffusion la plus libre possible de contenu musical. C’est pourquoi
cette norme est encore à définir (Anonymous, 2000).
L’année 1997 constitue une date charnière car Tomislav Uzelac introduisait à ce moment-là dans
le monde le premier lecteur MP3. C’est en septembre 1998 que le téléchargement de la musique
commence à s’accélérer (Millennium Group, 2001. Au cours de cette année, le terme MP3 entra
dans le langage populaire alors que des portails offraient des engins de recherche dédiés à ce type
de fichiers (Rao, 1999). En 1999, le terme MP3 était celui qui était le plus recherché sur Internet,
plus que le terme sexe (Anonymous, 1999)!
L’origine du MP3 remonte pourtant à 1987 où un institut allemand de recherche, qui œuvrait sur
un projet de diffusion audionumérique, développe le ISO-MPEG Audio Layer-3 alogorithm
(MP3). Ce dernier est une norme qui permet de comprimer la donnée audionumérique avec une
1
Les inconvénients du vinyle ne provenaient pas du support, le 33 tours lui-même, mais surtout de la piètre
qualité des tables tournantes et principalement de l’aiguille de lecture. Une aiguille de qualité moindre
tendait à créer davantage de friction avec le vinyle, ce qui se répercutait dans le son. La lecture du disque
compact se faisant par laser, les inconvénients de la friction sont abolis. En plus, dans des conditions
normales, un vinyle avait une durée de vie de 75 écoutes avant que le support physique ne se dégrade, une
cassette 200, alors que le disque compact aurait une durée de 10 000 écoutes, soit une écoute par jour
pendant plus de 27 ans, ce qui renvoie à cette idée d’une durée de vie illimitée.
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perte très subjective de qualité de la musique1. Ainsi, un disque compact a une norme
audionumérique établie à 1 400 Kb/s et son téléchargement sur Internet demanderait des heures.
Le format MP3 opère à un dixième (ou un douzième) de cette norme, ce qui permet un
téléchargement beaucoup plus rapide de fichiers musicaux sur le disque dur d’un ordinateur.
Cette norme permet aussi d’écouter en temps réel un extrait ou titre musical complet (streaming)
et enfin, il est possible de stocker une quantité beaucoup plus importante de musique sur un
même disque numérique ou un disque dur d’ordinateur2.
On trouve principalement deux systèmes d’échanges de fichiers musicaux par Internet. D’abord,
le système client/serveur qui fonctionne sur une base assez simple : le serveur central du
fournisseur contient tous les fichiers musicaux qui sont transmis directement à l’utilisateur sur
demande. Ensuite, le second système est celui peer-to-peer (P2P) qui est utilisé par la plupart des
fournisseurs de fichiers musicaux gratuits. Par ce système, les échanges se font entre deux
utilisateurs et n’ont plus à passer par un serveur central. À l’intérieur de ce système, on trouve le
P2P centralisé permettant l’échange direct de fichiers musicaux entre utilisateurs par le moteur de
recherche (par ex. Napster). En utilisant les fichiers musicaux qui se trouvent sur les ordinateurs
des utilisateurs, la banque de titres disponibles devient pratiquement illimitée, et le serveur central
ne sert qu’à faciliter le contact entre les utilisateurs. Le P2P décentralisé est encore plus ouvert.
Le logiciel (par ex. Gnutella) est téléchargé gratuitement sur le serveur et il permet aux
utilisateurs de devenir eux-mêmes des serveurs multiples, sans l’intermédiaire de serveur
principal. L’utilisateur peut donc télécharger les fichiers musicaux archivés par un autre
utilisateur, et ce, directement, sans aucun intermédiaire (Montambeault et Gil, 2002).
Les premières réactions et contre-réactions
En 2001, le nombre d’internautes dans le monde se situait à 427 millions alors que ce nombre
n’était que de 90,6 millions en 1997 (Montambeault et Gil, 2002). Devant le potentiel de
développement de la consommation en ligne, les grands groupes des communications sont entrés
dans une ère de fusion et acquisition dont l’objectif était de faire cohabiter dans une même mégaentité les images, le son, la production culturelle et le réseau de distribution (Brunet, 2003b). Les
exemples les plus représentatifs de cette stratégie ont été la fusion de AOL (American On Line)
avec Time Warner en janvier 2000, suivie quelques mois plus tard par celle du groupe Vivendi
(société française anciennement Général des eaux et propriétaire de Canal +) avec Universal. À
une échelle plus modeste, l’Acquisition du groupe TVA-Vidétron par Quebecor (et la Caisse de
dépôt et placement du Québec) poursuivait la même logique.
Cependant, ces nouvelles entités n’ont pas été en mesure (ou avec beaucoup de difficulté) de
dégager de la valeur pour leurs actionnaires. Aujourd’hui, l’empire AOL Time Warner est en
démantèlement. À la fin de l’année 2003, elle vendait sa division musique, Warner Music, à un
groupe d’investisseurs menés par Edgar Bronfman Jr (ancien propriétaire de Seagram qui avait
acquis en 1995 Universal et fusionné avec Vivendi). Vivendi a vendu la branche cinéma de
Universal au réseau NBC détenu par General Electric.
1
2
Cette notion de qualité de la musique est enfin très subjective car les grands mélomanes considèrent que
le vinyle offrait une plus grande qualité musicale puisque la table tournante diffuse une onde continue
alors que le disque compact ne diffuse qu’une série de données comprimées. Par ailleurs, la perte de
qualité des fichiers MP3 ne serait pas cruciale car l’être humain ne pourrait saisir que 8 % des sons qui
seraient enregistrés sur le disque compact (Nguyen-Khac, 2003).
Le disque compact de 650 mégaoctets de données a une mémoire suffisante pour emmagasiner 74
minutes de musique; le format MP3 étend cette capacité.
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Parallèlement à ces grands manœuvres, des initiatives plus modestes voyaient le jour. En 1997,
Micheal Roberston fonde MP3.com. L’idée de l’entreprise est simple : rassembler les fichiers
MP3 produits par des artistes, souvent sans contrat, qui tentent de trouver une célébrité sur
Internet. Les disques seraient vendus 7 $US et la moitié de la vente irait à l’artiste (Mardesich,
1999). En février 2000, le site comptait 56 000 artistes et attirait chaque jour 586 000 visiteurs.
En 1999, Roberston reconnaissait que son modèle n’était pas rentable et que l’entreprise survivait
principalement grâce à la publicité (Mardesich, 1999). En janvier 2000, Roberston lance Beam-it,
un service permettant de transformer instantanément un disque compact (légalement acheté) en
fichier MP3 et de le stocker sur le serveur de MP3.com. L’argument était que «où que vous
soyez, vous pouvez écouter votre musique préférée sans voyager avec vos disques, et ce, à partir
de n’importe quel ordinateur ou d’un téléphone mobile connecté sur le Net». En quelques mois,
la société avait constitué un stock de 50 000 disques compacts. La riposte de l’industrie est
immédiate : MP3.com se voit intenter un procès par Recording Industry Association of America’s
(ci-après RIAA). Larry Kenswill, patron de la division Internet de Universal, admet : «Ce service
offre un vrai plus aux consommateurs. Mais Roberston ne nous a pas consultés. Et il a enfreint
les lois sur les droits d’auteur» (Bui, 2000). MP3.com perd officiellement son procès historique
au début du mois de mai 2000 (Brunet, 2003b).
D’autres initiatives cherchent à revoir le réseau de distribution, mais aussi les relations entre les
maisons de production et les créateurs. Par exemple, Al Teller, ancien directeur d’une major, a
fondé en février 1999 la société Atomic Pop, la première étiquette de disques indépendante sur
Internet. Cette société ne peut faire un travail de promotion intense auprès de MTV et des radios
comme celui des majors. Cependant, en participant à des forums de discussion, elle peut
alimenter l’intérêt des consommateurs. Ainsi en suivant cette stratégie, un album de Public
Enemy s’est vendu à 100 000 exemplaires. «Chez MCA, j’aurais dépensé dix fois plus en
marketing», affirme Al Teller. De plus, la société propose de nouveaux rapports contractuels
avec les artistes : ces derniers peuvent toucher 50 % des droits d’auteur au lieu des 10 % à 15 %
actuellement offerts et ils peuvent également conserver la propriété de leurs enregistrements
originaux (le master) (Bui, 2000). Cependant, après un lancement plutôt fracassant, la société
fermait ses portes en septembre 2000, à la suite d’une dispersion des ressources dans différents
projets qui minèrent sa rentabilité (Lee, 2000)1.
C’est la création de Napster qui a ébranlé de façon plus spectaculaire les bases de l’industrie.
Shawn Fanning, étudiant en informatique à l’Université du Michigan, passait des nuits blanches à
chercher sur le Net des chansons en format MP3. Lassé de se débattre avec des moteurs de
recherche, il bricole un petit logiciel. Napster est lancé le 1er juin 1999. L’objectif était d’aider
les internautes à échanger et à trouver, en toute simplicité, des fichiers MP3 (Bui, 2000). Napster
a compté jusqu’à 70 millions d’utilisateurs (Brunet, 2003b). L’industrie prend cette initiative très
au sérieux : «Napster peut nous faire perdre notre job à tous. C’est un kit de piratage diffusé à
grande échelle», s’exclame Stuart Shapiro, producteur (Bui, 2000).
Une fois encore, la RIAA intente une poursuite contre ce site. Au printemps 2001, la Cour de
San Francisco en ordonne sa fermeture2. Cependant, comme le souligne Alain Brunet, Internet
1
2
Cette fermeture amena un représentant d’un Lebal à déclarer : «les gens mésestiment comment il est
difficile de vendre et de promouvoir la musique.»
Pendant les prochains mois, différents acteurs de l’industrie, BMG entre autres, essaient de relancer le site
de façon à ce qu’il se conforme aux exigences du Tribunal. En bout de ligne, Roxio rachète les actifs de
Napster pour la somme de cinq millions dollars US (Brunet, 2003b). Aujourd’hui, le site existe toujours
mais sous la forme de vente de fichiers musicaux. Au cours de l’année 2003, il aurait vendu 3,5 millions
de fichiers musicaux (ADISQ, 2004).
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
est une hydre, couper une tête et il en repousse dix autres. Selon les estimations, le nombre de
pages Internet proposant des échanges P2P a augmenté de 300 % en 2002; on en recenserait
89 000 (Brunet, 2003b). Des estimations évaluent que 60 millions d’Américains partagent des
fichiers musicaux sur Internet et la moitié de ceux-ci seraient des adolescents intéressés
principalement par les succès des grandes vedettes (par ex. Eminem ou Britney Spears) (Porter,
2003). En plus, deux propriétaires d’ordinateurs personnels sur cinq possédaient un graveur à
disque compact en 2001 alors qu’ils n’étaient que 14 % en l’an 2000 (Brunet, 2003b). En 2003,
on estime que 150 milliards de fichiers musicaux seraient échangés dans le monde (Mathieu et
Dougin, 2003). Il est clair que les premières ripostes de l’industrie ne sont pas suffisantes pour
faire face à la menace que pose la révolution Internet.
Une série de nouvelles initiatives
Effrayées par la perspective d’être absorbés par de plus puissantes entreprises, les multinationales
du disque essaient de survivre jusqu’à ce que leur valeur cesse de chuter, c’est-à-dire au moment
où un vrai cadre juridique leur permettra de récupérer les revenus perdus quotidiennement sur
Internet (Brunet, 2003c). Parmi les manœuvres de survie, on trouve : la consolidation de
l’industrie, une rationalisation du catalogue, les poursuites juridiques contre les internautes, une
réduction du prix de vente et le développement de sites de vente en ligne.
La consolidation de l’industrie
«L’industrie connaît d’énormes difficultés et les fusions sont la seule façon de réduire les coûts»,
estiment Julien Raffelsbauer, analyste de la Bank of America, à Londres (Anonyme, 2003a).
Dans cette optique, différentes manœuvres ont été tentées avec plus ou moins de succès. EMI n’a
pas réussi à fusionner avec Warner Music. En 2001, BMG a vu sa tentative de fusion avec EMI
rejetée par les autorités européennes de contrôle de la concurrence. En 2002, BMG acquérait
Zomba Music ajoutant les artistes Justin Timberlak et Britney Spears à son catalogue (Anonyme,
2003a). Enfin, Sony Music et BMG ont conclu un accord définitif quant à la fusion de leurs
activités en décembre 2003 (Anonyme, 2003b). Selon des analystes, une fusion d’une telle
ampleur ne pourrait pas être suivie par d’autres car les autorités tant américaines qu’européennes
n’accepteraient probablement pas que trois multinationales contrôlent plus de 75 % du marché
mondial de la musique (Brunet, 2003d)1.
La rationalisation du catalogue et des stocks
Au cours des 20 dernières années, il y a eu une multiplication des genres et des sous-genres
musicaux. Par exemple, aux États-Unis, en 1988, le rock et la pop représentaient 62 % des ventes
alors qu’en 1998, ces deux genres n’atteignaient plus que le seuil de 45 % (Anonymous, 2000).
Une situation qui n’aide pas les producteurs à dégager de gros volumes permettant des économies
d’échelle (Noël, 2004). Cette situation rend plus difficile la couverture des frais fixes engagés par
les producteurs, ce qui expliquerait pourquoi seulement 10 % à 20 % des nouvelles sorties
seraient rentables. À ce premier phénomène, il faut ajouter que la durée de vie d’un artiste est
plus courte qu’auparavant (Montambeault et Gil, 2002). Enfin, le déclin progressif des ventes de
disques a poussé les multinationales au conservatisme artistique afin de promouvoir des «valeurs
sûres».
1
Ce sont principalement les producteurs indépendants qui voient d’un très mauvais œil la concentration de
l’industrie restreignant la capacité de renouvellement artistique et le rapport de force que ces producteurs
peuvent établir avec ces sociétés dans la distribution, par exemple (Brunet, 2004a).
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
Pour accroître la rentabilité, les majors réduisent leurs catalogues. Aux États-Unis, en 1999, il
s’était produit 38 900 nouveaux titres. Le nombre n’était plus que de 27 000 en 2001, soit une
baisse de 25 % (d’autres statistiques parlent de 31 700 titres, soit une baisse de 20 %, et de 33 450
pour l’année 2002, soit une baisse de 14 % comparativement à 1999) (Black, 2003). «Des artistes
qui tournent encore se font virer par leurs labels, qui eux, continuent de s’enrichir grâce aux
anciens albums», souligne Stuart Shapiro (Bui, 2000). L’industrie du disque n’est plus dans une
logique de développement du talent mais dans celle du rendement immédiat généré par des
productions rejoignant les plus vastes auditoires.
L’effort de rationalisation s’étend chez les détaillants où les stocks sont réduits afin de ne
conserver principalement que les vendeurs les plus populaires (Brunet, 2003b). Les statistiques
recueillies par l’enquête annuelle de la National Association Recording Marchandisers (NARM)
aux États-Unis tendent à le confirmer. Le tableau 4 présente les taux de rotation des produits
musicaux chez les détaillants. Pour l’année 2002, le taux de rotation des stocks est remonté à son
sommet de 1997. Cependant, ce meilleur résultat a été obtenu dans un contexte de vente
décroissante. Pour y parvenir, les détaillants comprimeraient le nombre de jours de stock
conservé en magasin. Alors que les détaillants avaient l’habitude de stocker la marchandise de 30
à 60 jours, ils se limitent maintenant à des approvisionnements de trois à cinq jours, demandant
des livraisons plus fréquentes aux distributeurs (Leblanc, 2003). Par ailleurs, la réduction du
nombre de copies peut être accompagnée d’une réduction de la diversité des titres tenus en
magasin.
Tableau 4 - Taux annuel de rotation des stocks
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
Année
3,5 3,9 3,0 4,4 2,6 3,2 3,2 N.A. 4,4
Taux de rotation des stocks
Source : Annual Survey Results, NARM, 1998, 2002. Précisons que les données de 2001 ne sont pas
disponibles car la taille de l’échantillon collectée était trop petite.
Les poursuites juridiques contre les internautes
Dès janvier 1998, la RIAA avait lancé des poursuites contre des opérateurs offrant des fichiers
MP3 (Brull, 1998). Les manœuvres contre MP3.com et Napster ont peut-être été les plus
spectaculaires. En 2003, l’Association changeait de cible et poursuivait directement les
internautes. Ainsi, au cours de l’année, 382 internautes téléchargeant de la musique auraient été
poursuivis aux États-Unis. Les accusés ont été sélectionnés sur un bassin de 1 600 cas de
téléchargement illégal relevés au cours des mois précédents. La RIAA les accuse d’avoir copié
en moyenne 1000 chansons protégées par des droits d’auteur et les réclamations s’élèvent jusqu’à
150 000 $US la chanson. La RIAA a trouvé leur adresse électronique et les a retracés en passant
par les fournisseurs d’accès à Internet. Ces derniers seraient légalement obligés de transmettre ce
type de renseignement en vertu de la Digital Millenium Copyright Act de 1998 (Porter, 2003).
Cependant, un récent jugement de la Cour d’appel du district de Columbia a statué que la RIAA
ne pouvait pas forcer les fournisseurs d’accès Internet à divulguer le nom de leurs abonnés, même
si ceux-ci se livrent au «piratage» de la musique (Myles, 2003). Des analystes considéraient que
ce jugement devrait ralentir le nombre de poursuites. Cependant, la RIAA démarrait l’année
2004 en lion en portant plainte simultanément contre 532 internautes. Pour les représentants de
l’Association le message se veut clair : «Nous avons les moyens et nous continuerons à déposer
des plaintes à échéance régulière» (Anonyme, 2004a).
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
Des manœuvres similaires ont été appliquées en Australie (Brunet, 2003e). La France va plus
loin en développant un cadre juridique permettant de poursuivre les internautes pratiquant le
téléchargement non autorisé mais aussi les fournisseurs d’accès Internet donnant accès à des
logiciels d’échange P2P (Brunet, 2004b). Par ailleurs, au Canada, un rapport de la Commission
du droit d’auteur stipule que le téléchargement d’une musique sur son disque dur à partir du
réseau Internet n’est pas illégal s’il se limite à un usage privé. Cet avis serait valable quelle que
soit la source du téléchargement, source légale ou non (Plantevin, 2003). Cependant, au cours du
mois de février 2004, l’Association de l’industrie canadienne de l’enregistrement (Canadian
Recording Industry Association – CRIA) demande à la Cour fédérale d’obliger les fournisseurs
d’accès Internet que sont Bell Canada, Videotron, Rogers Cable, Videotron, Telus et Shaw
Communication à divulguer l’identité de 29 clients accusés de télécharger illicitement de la
musique à grande échelle, et cela, afin de pouvoir les poursuivre (Anonyme, 2004b).
Aux États-Unis, la manœuvre a été jugée ridicule par plusieurs car elle traîne devant des
tribunaux des parents et des grands-parents afin qu’ils déboursent des milliers de dollars pour les
«fautes» commises par leurs enfants et petits-enfants (Brunet, 2003c). Cependant, selon des
analystes, la RIAA ne s’attaque pas aux véritables pirates. «La RIAA attrape ceux qui ne savent
pas se cacher sur le Web et qui laissent des traces partout. Ce ne sont pas les vrais hackers»,
souligne Annalee Newitz, chroniqueuse technologies pour Alternet. Justement, selon les relevés
de la NPD Group, 8 % des amateurs de P2P stockent à eux seuls 56 % des fichiers téléchargés
aux États-Unis (Porter, 2003). Une récente étude produite auprès de 4 000 Allemands confirme
cet effet de concentration où un petit nombre de personnes téléchargent une grande quantité de
fichiers musicaux (Walsh et al., 2003).
Cette opération de répression semblait avoir créé l’effet dissuasif désiré : en août 2003, selon les
relevés du NPD Group, le nombre de foyers américains qui téléchargent des fichiers musicaux
serait passé de 14,5 millions en avril à 12,7 millions en mai puis à 10,4 millions en juin. Toujours
selon le même organisme, la somme mensuelle de fichiers musicaux échangés aurait chuté de 852
millions en avril à 655 millions en juin (Brunet, 2003e). Enfin, selon l’agence américaine,
Nielsen/Net Ratings, le nombre de visiteurs sur KaZaA serait passé de 6,5 millions à 3,9 millions
entre juin et septembre 2003 (Brunet, 2003c).
De plus récentes enquêtes indiqueraient des réductions significatives de téléchargement (de
l’ordre de 50 % pour l’étude de Pew Internet Project) (Brunet, 2004c). Cependant, d’autres
résultats contredisent ces chiffres. D’abord, BaySTP, qui retrace le nombre de pièces musicales
pour téléchargement dans le monde, constate une baisse de 10 % depuis juin 2003. Pour sa part,
BigChampagne, qui monitorise le nombre de fichiers musicaux disponibles, voit une hausse du
trafic illégal de l’ordre de 35 % entre 2002 et 2003. Ces résultats contradictoires expliqueraient
un transfert d’internautes des sites KaZaA pour ceux de eDonkey ou Bit Torrent qui ne sont pas
suivis par les différentes firmes d’enquête (Hindo, 2004).
Réduction du prix de vente
Un des arguments des internautes est le suivant : «Au lieu de se déplacer pour acheter un disque à
20 $, de risquer qu’il soit moins bon que les extraits (ce qui est, de nos jours, de plus en plus
possible), les gens restent chez eux, téléchargent ce qui leur plaît, et ce, gratuitement» (Caron,
2003). Yves-François Blanchet, président de l’Association québécoise de l’industrie du disque,
du spectacle et de la vidéo (ADISQ) considère que cette affirmation est en partie exacte mais
surtout en ce qui a trait «aux produits à distribution internationale» (Noël, 2004) Aux États-Unis,
une enquête révèle que 90 % des consommateurs de musique considèrent le prix du disque
compact comme étant trop élevé (ADISQ, 2004). Allant dans ce sens, un sondage mené au
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
Québec en 2002 soulignait que la première raison invoquée pour justifier la consommation de
disques était le manque d’argent (Drouin, 2002). Une autre enquête américaine révèle que le
consommateur estime que la fourchette de prix acceptable pour un disque compact est entre 10 $
et 15 $ (ADISQ, 2004). C’est en réponse à ce type d’arguments que la société Universal a
annoncé en septembre 2003 une réduction substantielle du prix de ses disques compacts de
l’ordre de 25 % pour le 1er octobre (Wagner, 2003). Au Québec, des initiatives similaires ont été
prises où les disques de nouveaux artistes francophones sont vendus à des prix «développement»
à 12,99 $ et 13,99 $. Sans avoir de relevés précis, les détaillants jugent que l’effet est positif et
que le marché est en hausse (Brunet, 2003f). Une impression qui a été confirmée par les résultats
du dernier trimestre de l’année 2003 qui a vu une augmentation des ventes d’albums sur le
marché américain de l’ordre de 5,6 % (Anonymous, 2004). Les experts jugent que les internautes
plus âgés ont pu être ébranlés par les menaces de poursuites judiciaires et que la réduction des
prix pourraient les avoir aidés à retrouver leurs habitudes d’achat de disques compacts en
magasin. Cependant pour les plus jeunes, les effets de la mesure sont peut-être moins apparents
(Brunet, 2003c).
La distribution et la vente en ligne de fichiers musicaux
Les premières initiatives d’une offre en ligne légale de pièces musicales remonte à 1995 alors que
RealNetworks, qui venait de développer son logiciel multimédia, avait amorcé des discussions
avec la direction de MCA (qui serait achetée quelques mois plus tard par Universal). Ces
premiers échanges étaient trop tôt pour les décideurs de l’industrie. Par ailleurs, une fois les
effets des sites d’échanges illégaux largement sentis, l’organisation de solutions légales a pris
plusieurs mois à se mettre en place à cause de différentes contraintes : divergences stratégiques
entre les acteurs, évaluation d’une formule de facturation, accumulation d’un répertoire.
MusicNet est l’une des premières initiatives à émerger à la fin de l’année 2001. Elle est le fruit
de l’association entre AOL Times Warner inc., EMI et BMG et RealNetworks. En fait, le projet
voit le jour en mars 2000 à la suite de discussions entre Warner et RealNetworks et c’est au début
de l’année 2001 que se joignent les firmes EMI et BMG. La phase de définition du projet est
compliquée car les échanges entre les parties se font en présence d’avocats qui veillent à ce que le
futur service ne contrevienne pas aux lois anti-monopole (Mathews et al., 2002) puisque la justice
américaine suivait le dossier de près (Montambeault et Gil, 2002). Durant les mois précédant le
lancement, la direction de MusicNet étudie le marché afin de proposer une grille tarifaire adaptée
(Angwin et Wingfield, 2002).
Le service de MusicNet est basé sur une formule d’abonnement (à 9,95 $ par mois) permettant à
l’internaute d’écouter les pièces musicales contenues dans le répertoire du site (streaming). Au
lancement, le service ne permet pas de télécharger les chansons sur le disque dur de l’internaute.
Ce dernier peut se constituer sa propre sélection qui demeure sur le serveur du site. Ainsi, s’il
résille son abonnement, il perd les fichiers musicaux accumulés. L’impossibilité de télécharger
les pièces musicales indisposait des internautes qui soulignaient qu’ils ne sont pas toujours devant
leur ordinateur pour écouter leur musique. En plus, le site souffrait d’un problème de répertoire;
quelques mois après son lancement, la direction envisageait détenir 100 000 titres mais des
artistes populaires, comme les Beatles, Garth Brooks ou les Eagles refusaient que leurs œuvres se
retrouvent digitalisées sur Internet. Très rapidement, la haute direction de MusicNet fait ce
constat : «The current version of the service is not viable.» Ce pronostic s’avère fondé puisque
cinq mois après son ouverture, seulement 40 000 personnes avaient adopté le service pour le
marché américain.
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
Parallèlement, d’autres initiatives voient le jour. En février 2001, Sony et Vivendi Universal
fondent une société conjointe, Duet, qui doit proposer un service de musique en ligne. Avec six
mois de retard, celui-ci devient disponible à la fin de l’année 2001, sous le nom de Pressplay. Il
offre aussi une formule d’abonnement mais avec une possibilité de télécharger un nombre limité
de pièces (Adner, 2003). D’autres sociétés se lancent dans ce même créneau : Listen.com qui a
développé un logiciel d’écoute de musique en ligne offre le site Rhapsody alors que FullAudio,
une société fondée en 1999 dans le but d’offrir une solution d’échange de fichiers musicaux qui
protégerait les droits d’auteur, lance elle aussi son service d’abonnement en avril 2002
(Wingfield, 2002). Dans les premiers mois, ces services se concurrençaient sur la flexibilité de la
grille tarifaire, leurs répertoires et les facilités de repérage des pièces désirés. Cependant, cette
concurrence n’était pas uniquement entre ces services payants mais aussi avec les sites de
téléchargement gratuit qui présentaient l’avantage d’avoir des répertoires quasi illimités bien que
la qualité sonore des pièces fût souvent moindre que les services d’abonnement (Wingfield,
2002)1.
Conscient de cette lacune, FullAudio avait réussi à conclure des ententes avec les quatre
principaux majors afin d’offrir le plus vaste choix possible de titres (Adner, 2003). Après une
année de négociations pour élargir leurs répertoires au plus grand nombre de production,
Pressplay et MusicNet ont conclu un accord à la fin de l’année 2002. MusicNow et FullAudio
ont emboîté le pas en mars 2003 (Leblanc, 2003). Dans ce contexte, la concurrence entre les
services payants évolua autour de la grille tarifaire et des possibilités de téléchargement qui
demeuraient souvent très limitées, par exemple dix chansons par mois (Angwin et Wingfield,
2002). Le début de l’année 2003 marque une consolidation dans le domaine alors que
RealNetworks achète Listen.com et par conséquent Rhapsody et que Roxio acquiert Pressplay
(Wingfield et Smith, 2003a).
Parallèlement, Universal Music, Warner Music EMI et BMG ont donné de l’expansion à leurs
propres initiatives de téléchargement commercial en 2002 en multipliant le nombre de pistes
disponibles pour achat (Leblanc, 2003). Au Canada, on trouve le service PureTracks alors qu’aux
États-Unis, AT&T envisageait d’entrer dans la danse (Holloway 2003; Wingflied et Smith,
2003b). Toujours dans ce dernier pays, Wal-Mart démarrait, à la fin de 2003, des tests afin
d’offrir un service similaire. Ce dernier aurait un choix de 200 000 pièces et le prix cible serait de
0,88 $ (Anonymous, 2003a). Malgré ces initiatives, les sociétés de service d’abonnement en
ligne croient en leur pertinence. Ils jugent que le goût des consommateurs évoluera vers une
dématérialisation de la musique, rendant les formules de téléchargement commercial obsolète
(Wingflied et Smith, 2003a).
Parmi les modèles de vente en ligne de fichiers musicaux qui offrent beaucoup d’intérêt, il y a le
système iTunes Music Store lancé le 28 avril 2003 par Apple et qui vend des chansons à 0,99 $
chacune. D’abord lancé sur le réseau d’ordinateurs possédant son système d’exploitation, iTunes
s’étend en octobre 2003 aux ordinateurs possédant le système d’exploitation Windows (Wingflied
et Smith, 2003b). Au début de l’année 2004, le cap des 30 millions de chansons écoulées est
atteint et il s’approche maintenant du seuil de deux millions de titres vendus par semaine
(ADISQ, 2004). Eddie Cue, responsable des applications Internet chez Apple, commente :
Les gens de l’industrie de la musique nous ont laissé entendre que, si nous arrivons à vendre un
million de chansons par mois, ce serait un tour de force. Pour les six premiers mois, selon les
1
Au sujet du répertoire illimité, Nicolas Tittley (2000) avait réussi à retracer sur Napster le premier 45
tours des Flux of Pink, un chef d’œuvre de punk politique.
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
experts, c’aurait été très intéressant de vendre un million de chansons. Or, nous avons atteint cet
objectif au bout de cinq jours et demi (Brunet, 2004d).
Les clients de iTunes consomment plus d’une chanson. Après ses quatre premiers mois
d’exploitation, une étude révélait que ces clients achetaient en moyenne 49 pièces musicales, soit
une moyenne d’un album par mois, alors que les adolescents achètent un nouvel album à tous les
deux mois (Anonymous, 2003b). C’est pourquoi l’équipe de iTunes veille sur ses clients en leur
acheminant chaque mardi un courriel les prévenant des principales nouveautés. Ces mêmes
clients ne seraient pas de grands consommateurs du Top 10; ils ne semblent pas apprécier la
musique surdiffusée par les médias de masse (stations radiophoniques FM et télévision
généraliste). En plus, la petite équipe de 35 personnes qui fait tourner le site voit à accroître son
répertoire qui est passé de 200 000 titres à son lancement à 500 000 au début de l’année 2004. De
plus, elle améliore constamment les facilités d’accès (Brunet, 2004d).
Cependant, selon des analystes, l’avenir de l’industrie musicale résiderait peu dans des services
en ligne. Selon une enquête britannique, les ventes de produits traditionnels et numériques
augmenteront jusqu’en 2007. Cependant, à ce moment, elles ne représenteront encore que 6,5 %
des ventes globales de musique. En fait, selon cette étude, les ventes en ligne ont été exagérées et
les ventes de musiques numériques seront marginales, ne représentant que 1,2 % des ventes
totales mondiales (Leblanc, 2003). En plus, les analystes jugent que les services de vente en ligne
peuvent être difficilement rentables. Ils évaluent que les coûts d’entreposage des pièces
musicales se situent entre 0,65 $ et 0,79 $ et que les frais de gestion des cartes de crédit et du
service à la clientèle devraient éliminer les marges bénéficiaires1. Steve Jobs, président de Apple,
ne contredit pas cette analyse lorsqu’il affirme que le service iTunes rapporte très peu d’argent
(Wingfield, et Smith, 2003a)2. Dans ces circonstances, alors pourquoi cette insistance à lancer de
nouveaux services de téléchargement? La réponse proviendrait des ventes de la quincaillerie
d’écoute qui offrent, elles, un potentiel de rentabilité certain. Par exemple, Apple offre déjà le
iPod, un baladeur lecteur de fichiers musicaux dont la marge bénéficiaire serait de 20 % et qui
détient 25 % du marché des baladeurs numériques. Sony offrent différentes solutions de lectures
de fichiers musicaux, Dell offre déjà son baladeur avec le logo de Napster et Microsoft envisage
également de vendre le sien et ils s’intéressent tous à la mise sur pied de sites de téléchargement
(Brunet, 2004f; Mathieu et Dougin, 2003; Wingfield et Smith, 2003a).
La présence de ces différents acteurs amènera une bataille quant à la domination d’un format
technologique. La vente de fichiers musicaux fait intervenir deux volets technologiques : le
logiciel de protection de la copie qui prévient son piratage et le technologie de compression qui
permet un téléchargement rapide. La combinaison de ces deux aspects est appelée un format. Par
exemple, iTunes combine FairPlay afin de protéger le fichier et AAC pour la norme de
compression. À ce premier format, vient s’ajouter celui de Microsoft (WMA) qui est utilisé par
Wal-Mart Stores, Napster et MusicMatch et ceux de RealNetworks et de Sony. Ceci fait en sorte
que le iPod de Apple ne peut faire jouer les pièces musicales achetées auprès de Wal-Mart ou que
le baladeur digital de Dell ne pourra fonctionner avec les chansons acquises de iTunes. Les
analystes considèrent que la bataille se fera principalement entre Apple qui détient 70 % du
1
Les coûts d’acquisition des pièces musicales seraient de 0,10 $ à 0,30 $ pour les chansons les plus
connues et de 0,05 $ à 0,20 $ pour celles qui le sont moins. (Labrèche, 1999).
Soulignons que, pendant que les analystes questionnent la formule des sites de téléchargement commercial,
des sociétés vendent sur Internet des segments de pièces musicales (environ sept secondes) afin de
devenir l’indicatif de votre téléphone cellulaire pour la somme de quatre ou cinq dollars!(Brunet, 2004e).
2
Dans cette même logique, Musicmatch qui offrait un logiciel de lecture des fichiers musicaux a lancé en
septembre 2003 son site de vente de pièces musicales (Wingfield, 2003).
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marché de la vente de musique téléchargée et Microsoft dont le format est utilisé dans une
soixantaine d’applications (Green, 2004).
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Le téléchargement illicite : la cause de tous les maux?
Différentes enquêtes révèlent que 20 % des Américains téléchargent gratuitement de la musique
et la moitié d’entre eux admettent acheter moins de disques compacts. Toujours aux États-Unis,
les internautes qui ont téléchargé plus de 100 fichiers musicaux en 2003 ont réduit leur
consommation de disques compacts de 61 % comparativement à l’année précédente (ADISQ,
2004).
C’est pourquoi de nombreux intervenants de la chaîne musicale accusent le
téléchargement illicite de fichiers musicaux d’être responsable de la baisse des ventes.
Liebowitz a analysé l’impact de différents facteurs sur les ventes de l’industrie musicale
américaine et il arrive à la conclusion que l’échange de fichiers MP3 par Internet a un impact sur
l’industrie. Cependant, cet impact doit être tempéré. Ainsi, certains segments, comme celui des
simples (single) a pratiquement disparu alors que d’autres marchés, comme celui du disque
compact, ont connu un déclin de moindre ampleur. Ainsi, pour les six premiers mois de l’année
2003, le nombre d’albums copiés illicitement sur Internet a égalé ou dépassé le nombre d’albums
vendus en magasin sur les marchés canadiens et américains (ADISQ, 2004). Par conséquent, l’on
ne peut évoquer un phénomène de substitution directe sinon l’impact du téléchargement gratuit
aurait été définitivement plus important que le déclin observé et il aurait été nettement fatal pour
l’industrie (Liebowitz, 2003)1. Ces observations vont dans le sens d’autres études2.
D’abord, une enquête produite auprès de 1 000 étudiants américains en première année
universitaire, soit un échantillon représentatif de la population téléchargeant de la musique,
conclut que les internautes continuent à acheter de la musique et dans certains cas, on admet
même qu'Internet a accru leur consommation. Ce dernier commentaire est repris par un
internaute qui affirme : «Le téléchargement peut bel et bien mener à la découverte de nouveaux
artistes lorsque la recherche est bien menée» (Piette, 2003). Si l’on revient aux résultats de cette
enquête, il précise d’abord les habitudes de téléchargement de fichiers MP3 :
•
•
•
65 % des répondants détenaient des fichiers musicaux MP3;
47 % détenaient plus de 50 fichiers;
7 % détenaient plus 100 fichiers.
Sur les habitudes d’achats, les résultats induisent les constats suivants :
•
•
•
1
2
Le téléchargement de fichiers musicaux aurait amené les répondants à acheter 2,4 disques
de moins par an;
57,2 % affirment que leurs habitudes de téléchargement n’ont pas modifié leur
comportement d’achats de disques compacts;
7 % affirment acheter plus de disques compacts;
Il faut parler d’un ratio de substitution de dix fichiers musicaux pour un album, puisqu’un album contient
en moyenne une dizaine de pièce.
Précisons que Peitz et Waelbroeck (2003) concluent que pour l’année 2001, la réduction des ventes de
10 % enregistrées sur le marché mondial serait attribuable au téléchargement de la musique et que pour
l’année 2002, l’échange gratuit de fichier MP3 expliquerait 25 % de la réduction des ventes sur le marché
américain. Ces conclusions contredisent celles de Liebowitz, cependant les bases méthodologiques des
deux études sont très différentes. Liebowitz se limite au marché américain alors que Peitz et Waelbroeck
ont recours à des données internationales provenant de 16 pays. En plus, Liebowitz étudie le phénomène
des ventes de disques sur une série historique de 30 ans alors que Peitz et Waelbroeck se limitent à deux
années, 2001 et 2002.
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
•
40 % des fichiers téléchargés étaient ceux d’artistes que les répondants n’auraient pas
achetés en temps normal (Gallaway et Kinear, 2001).
Une autre enquête arrivait à la conclusion que 45% des personnes utilisant les services de Napster
avaient accru leur consommation de disques comparativement à ceux qui n’y recouraient pas .
Enfin, une autre étude révélait que les ventes de disques avaient décru de 4 % près des campus
universitaires mais que la chute avait été de 7 % auprès de 67 campus qui avaient banni
l’utilisation de Napster (Alexander, 2002).
Au Québec, un sondage mené en 2002 révèle que 9,1 % des répondants ont diminué leurs achats
de disques compacts à la suite de leurs pratiques de téléchargement de fichiers musicaux.
Parallèlement, 60 % des personnes interrogées affirment acheter un album après en avoir
téléchargé une pièce (Drouin, 2002).
Enfin, une enquête menée par le NPD Group auprès de 40 000 internautes américains révèle que
94 % des amateurs de musique téléchargent un ou deux titres par album, qu’ils ne seraient que
deux pourcent à télécharger cinq titres ou plus alors que un pourcent téléchargerait un album
complet. En plus, 82 % des titres téléchargés proviennent d’albums sortis il y a plus de 18 mois
(ADISQ, 2004).
L’ensemble de ces résultats peut être expliqué par le fait que les internautes n’ont pas tous les
mêmes motivations face au téléchargement de la musique. Selon une récente étude européenne,
14 % des répondants ont véritablement substitué l’achat de disques par un téléchargement illicite.
Le reste des répondants adopte différents comportements : 30 % naviguent occasionnellement sur
Internet afin de télécharger de la musique, d’autres voient l’outil comme un moyen de découvrir
de nouveaux artistes (24 %), d’autres ne font qu’écouter de la musique sans la télécharger (21 %)
et enfin 11 % téléchargent de la musique uniquement comme passe-temps (Molteni et Ordanini,
2003).
Si le téléchargement de fichiers musicaux n'était pas la première cause des ennuis de l’industrie
alors comment expliquer le déclin accéléré des ventes de disques dès l’an 2000 (voir le tableau 5,
les ventes pour le marché américain)? Si l’attention médiatique est ameutée depuis plusieurs
mois, la crise dans l’industrie musicale couve depuis plusieurs années. En effet, dès janvier 1997,
Le Devoir titrait «Le disque en crise» car l’année 1996 avait signifié le renvoi de nombreuses
hautes directions des filiales musicales des multinationales du disque. En fait, le ralentissement
des ventes est visible depuis 1994 (Liebowitz, 2003). Ce phénomène américain était similaire à
celui du reste de la planète (Montambeault et Gil, 2002). Cette situation serait expliquée par deux
phénomènes : 1. l’avènement du disque compact qui a été une occasion de réactiver les
catalogues qui dormaient dans les archives, par exemple, les Beattles n’avaient jamais vendu
autant de disques qu’en 1996 créant ainsi l’illusion d’un marché en croissance. 2. Les hautes
directions des majors ont accordé des contrats faramineux à Madonna, Michael Jackson et Elton
John alors que leurs plus belles années étaient derrière eux, accentuant la crise financière de leur
groupe (Truffaut, 1997)1. Pour des spécialistes du secteur, en misant sur des valeurs établies, les
maisons de disques n’ont pas développé les prochains gros noms. En plus, Jean-Claude
Dumesnil, responsable marketing des magasins HMV pour le Québec, considérait que le portrait
musical du début des années 2000 était fade : «Les albums étaient ordinaires et il n’y avait pas de
grandes modes. C’est comme si nous étions entre deux mouvements musicaux et c’est très
mauvais pour l’industrie» (Noël, 2004).
1
Par exemple, la Warner a accordé 80 millions de $US au groupe REM pour la réalisation de cinq albums.
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18
La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
Tableau 5 - Statistiques de ventes pour le marché américain1
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
801
896
956
1123 1113 1137 1063 1124 1158 1076
961
849
Unité2
+12 % +7 % +17 % -1 % +2 % -6 % +6 % +3 % -7 % -10 % -11 %
Variation
Valeur totale3 7,88 $ 9,0 $ 10,0 $ 12,1 $ 12,3 $ 12,5 $ 12,2 $ 13,7 $ 14,5 $ 14,2 $ 13,6 $ 12,4 $
9,78 10,08 10,51 10,75 11,07 11,02 11,51 12,18 12,52 13,19 14,15 14,60
Valeur par
unité (en $)4
1
Les données proviennent de : ORTIZ, J. The Record Industry and File Sharing: Friends of Foes, April 16
2003 et 2002 Yearend Statistics, RIAA. Précisons que pour les années 1998 à 2002, nous avons soustrait
des unités vendues et de la valeur totale, les ventes de DVD vidéo afin de conserver uniquement les unités
de musique.
2
Il s’agit des unités vendues (disques compacts, single, cassettes, vinyle, vidéo musicaux) en millions.
3
La valeur en milliards de dollars américains.
4
La valeur totale divisée par le nombre d’unités.
En plus, les produits musicaux seraient en concurrence avec d’autres produits de loisirs (vidéo,
DVD, console de jeux vidéo) (Noël, 2004). Cependant, les analyses statistiques de Liebowitz
(2003) concluent qu’il y a une relation positive entre les ventes de disques compacts et celle de
vidéos, un accroissement des ventes de vidéos amène une augmentation des ventes de disques
compacts. Cependant, de récentes statistiques pourraient invalider ce modèle. Par exemple, aux
États-Unis, de 1999 à 2000, les ventes de DVD/vidéos ont connu une progression supérieure à
200 %1. Les ventes américaines de logiciel de jeux vidéo sont passées de 3,2 milliards de dollars
américains en 1995 à 6,9 milliards $ en 2002, soit une augmentation de 115 % en huit ans.
L’absence de données historiques empêche de tirer des conclusions définitives mais au cours des
dernières années, ces deux produits de loisirs ont connu sur le marché américain une croissance
importante des ventes, ce qui n’était nullement le cas du secteur de la musique. Ainsi,
l’hypothèse de concurrence sur les produits pourrait redevenir valide. Par ailleurs, si l’effet de
concurrence n’est pas aussi visible à l’étape de la consommation finale, il redevient pertinent aux
points de vente, les détaillants accordant un espace plancher plus important aux produits de DVD
et de jeux vidéo au détriment des rayons de disques compacts (Leblanc, 2003).
Finalement, il demeure un phénomène mal évalué, la multiplication des boutiques de disques
compacts usagés. Le support du disque compact fait en sorte que le caractère usagé du produit
aura peu d’impact sur la qualité sonore2. À Montréal, par exemple, entre les stations de métro
Sherbrooke et Mont-Royal, on peut dénombrer près d’une dizaine de ces boutiques. Il est
possible de trouver dans ces lieux des disques qui ne sont plus édités ou des produits récents ou
d’autres plus difficilement accessibles chez les détaillants traditionnels, et cela, a des prix
moindres. Les propriétaires de ces boutiques affirment avoir vu une baisse minime de leur vente,
de l’ordre de 5 %. Cependant, ils considèrent que leur clientèle est encore prête à détenir un
support physique pour écouter leur musique. De plus, ces marchands deviennent plus rigoureux
dans la sélection des produits qu’ils souhaitent revendre (Vigneault, 2004a). Ainsi, ce marché
parallèle peut détourner des ventes des réseaux conventionnels. Selon les données américaines,
2,9 % des ventes en magasin étaient des disques usagés en 2002 alors que ce chiffre était à 2,4 %
en 19983.
1
2
3
2002 Yearend Statistics, RIAA.
Symbole de ces nouveaux réseaux, quelques mois avant sa fermeture, s’ouvrait devant le Sam the
Recordman du centre-ville de Montréal, une boutique de disques compacts usagés. Aujourd’hui, Sam a
disparu mais cette boutique est toujours là.
Annual Survey Results, NARM, 1998, 1999, 2000, 2002.
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
La situation québécoise1
«Étant donné la taille de notre marché et l’extrême compétition internationale à laquelle nous
devons faire face, les artistes québécois réalisent des performances exceptionnelles. Ainsi, on
obtient le meilleur des deux mondes : les consommateurs d’ici sont plus éclectiques qu’avant, se
montrent plus au fait des tendances mondiales – américaines ou autres – mais achètent quand
même le produit québécois», affirme Mario Lefebvre, un intervenant de longue date de l’industrie
musicale québécoise. Cependant, ce meilleur des deux mondes repose sur des assises fragiles.
La présente section entend présenter les principaux maillons de la chaîne : production,
distribution, consommation et diffusion pour le contexte québécois.
La production québécoise
Depuis 1992, plus de 90 % de disques produits au Québec le sont par des étiquettes
indépendantes, un phénomène presque unique dans l’univers musical. Cette réalité découle de
l’abandon du marché québécois par les multinationales du disque à la suite de la récession du
début des années 1980. Ce vide a été comblé progressivement par des maisons de disques
indépendantes. Aujourd’hui, le Québec compterait une cinquantaine de producteurs indépendants
de disques de langue française dont une vingtaine d’entreprise d’envergure sur le territoire
(Leblanc, 2003). Le tableau 6 présente celles des artistes les plus connus du public bien qu’il
existe une diversité des maisons de production se spécialisant dans des créneaux précis (jazz,
électronique, etc.).
Tableau 6 – Principales maisons de disques au Québec
Maison de disques
Principaux artistes
Audiogram
Daniel Bélanger, Arianne Moffat, Marc Déry, Michel Rivard,
Lhasa De Sela, Bran Van 3000
GSI Musique
Gilles Vigneault, Jean-Pierre Ferland, Diane Dufresne, Daniel
Lavoie, Claude Gauthier
Tox
Dubmatique, Marie-Chantale Toupin
La Tribu
Cowboys Fringants, Jérôme Minière, Michel Faubert, Stephen
Faulkner
YFB
Éric Lapointe, Vénus 3, Caroline Néron, Papillon
Tecca Musique
Jorane, France D’Amours, Dumas, Nicola Ciccone
Disque Atlantis
Yelo Molo, les frères Painchaud, Stefie Shock
Cependant, la production musicale québécoise est une industrie très fragile qui est soutenue par
divers programmes gouvernementaux. À partir des dernières statistiques officiellement produites,
nous savons que chaque album produit au Québec vend en moyenne 12 000 copies (année de
référence 1996-1997). À la même époque, le point mort (soit le nombre de copies vendues pour
couvrir les frais) était en moyenne de 7 300 copies pour couvrir les coûts de production d’un
album et de 13 000 copies si l’on ajoute les coûts d’un vidéoclip (Ménard, 1998).
La distribution au Québec
La singularité et la petitesse du marché québécois seraient deux des facteurs qui expliqueraient la
présence de distributeurs indépendants. Ainsi, au début des années 1980, les distributeurs
1
À moins d’avis contraire, les informations contenues dans cette section proviennent de Brunet (2003b).
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
indépendants occupaient 10 % du marché alors qu’aujourd’hui cette proportion serait de 25 %.
En 1995, le regroupement de sociétés comme Select, Groupe Archambault Musique, Musicor et
Trans-Canada a permis la création du Groupe Select, propriété de Quebecor. Cette entreprise
contrôle environ 60 % des ventes de disques francophones au Québec.
Soulignons la présence de deux autres distributeurs actifs : Fusion III qui se spécialise dans la
musique jazz et électronique, et Pindoff (DEP), qui distribue toutes les étiquettes imaginables qui
n’ont pu être vendues par leurs distributeurs attitrés. En l’an 2000, DEP s’est lancé dans la
distribution exclusive. Elle détient aujourd’hui 12 % du marché.
Le 16 janvier 2003, Archambault, propriété de Quebecor, inaugurait son site de téléchargement
en ligne à 0,99 $ le titre (archambaultzik.ca) et qui promet un moteur de recherche permettant
d’accéder efficacement au titre désiré dans toutes les catégories et sous-catégories proposées dans
le répertoire. La qualité sonore des enregistrements serait comparable à celle d’un disque
compact. Nathalie Larivière, présidente et directrice générale du Groupe Archambault, précise
qu’il s’agit du «premier site francophone au Canada à offrir un catalogue complet regroupant les
productions des multinationales des maisons indépendantes de disques au Québec.» Nathalie
Larivière assure ne pas faire de discrimination envers une étiquette qui ne serait pas distribuée par
Select. Le site démarre lentement avec 15 000 titres avec pour objectif d’atteindre un répertoire
de 300 000 titres avant la fin de février 2003 (Brunet, 2004g). À son premier week-end
d’activités, le site a enregistré 16 000 ventes (Brunet, 2004d). La répartition des profits est la
même que pour le disque compact, soit 70 % aux producteurs/créateurs et 30 % aux distributeurs
(voir les tableaux 1 et 2) (Noël, 2004).
Cependant, les producteurs québécois de disques par l’entremise de l’ADISQ ne croient pas à
cette solution. «Nous sommes loin d’être convaincus que le modèle fonctionnera», déclare YvesFrançois Blanchet. «Il est naïf de croire que les jeunes arrêteront de télécharger gratuitement
maintenant qu’ils y ont goûté», ajoute Claude Larrivée, président de la maison de disques La
Tribu. Pour eux, la solution passe par des redevances de 3 % puisées à même les revenus de
fournisseurs d’accès Internet (Vidéotron, Sympatico). Une initiative qui ne recueille évidemment
pas l’appui de ces entreprises (Noël, 2004).
La consommation et la diffusion
Le tableau 7 présente les données de ventes pour le Canada pour les années 1995 à 2000. Les
données américaines (voir le tableau 5) tendent à démontrer que le déclin des ventes s’est
manifesté avec le plus d’amplitude au cours des années 2000 et 2001. À cet effet, il apparaît
nécessaire d’avoir des données complémentaires plus récentes pour voir le comportement du
marché canadien. Le tableau 8 présente celles de l’Association de l’industrie canadienne de
l’enregistrement (CRIA) offrant des tendances plus récentes. Soulignons que ces données ne sont
compilées qu’à partir des relevés communiqués par les membres, ce qui explique l’écart de 30
millions d’albums pour l’année 2000. Le tableau 8 confirme les résultats du tableau 7 en mettant
en évidence que le déclin des ventes se poursuit pour les années subséquentes à 2000. Par contre,
il serait un peu hasardeux d’attribuer au Québec le quart des ventes canadiennes car le
comportement des deux marchés est différent, ce que confirment les données du tableau 9 qui
présente les variations des ventes canadiennes et québécoises provenant des données compilées
par Soundscan1.
1
Soundscan est un système de compilation électronique des données de ventes développé par la firme
Nielson-Soundscan. Le système utilise le lecteur code à barres pour compiler les ventes totales et il
permet de tracer des statistiques très précises de chiffres de ventes par artiste, par région, etc. Le système
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Tableau 7 – Statistiques de ventes pour le Canada
1995
Unités
108 272
Variation
Valeur totale
875 135 $
Valeur par unité
8,08 $
1998
96 184
-11,2 %
891 646 $
9,27 $
2000
91 753
-4,6 %
861 402 $
9,38 $
Source : «Enregistrement sonore», Le Quotidien, 7 juillet 2003.
Tableau 8 – Statistiques de ventes des membres de la CRIA1
1
Unité
Variation
Valeur totale2
Valeur par
unité3
1998
67 018
1999
64 927
2000
60 560
2001
55 865
2002
52 476
2003
50 147
-3,1 %
-6,7 %
-7,7 %
-6,1 %
-4,4 %
744 622 $
740 406 $
710 632 $
655 417 $
615 938 $
563 932 $
11,11 $
11,40 $
11,71 $
11,73 $
11,74 $
11,25 $
Source : Les données proviennent du site Internet de la CRIA.
1
Il s’agit des unités vendues (disques compacts, singles, cassettes, vinyle) en milliers.
2
La valeur en milliers de dollars canadiens.
3
La valeur totale divisée par le nombre d’unités.
Tableau 9 - Variation des ventes sur les marchés canadiens et québécois
2001
2002
- 4,1 %
- 11,9 %
Canada
4,2 %
- 10,9 %
Québec
2003
-6,7 %
-1,9 %
Source : «Market Watch», Canadian Music Network, n° 31, 78, 126, 2002, 2003, 2004.
La singularité du marché québécois apparaît des résultats du tableau 9 alors que les baisses au
Québec sont beaucoup moins prononcées que dans le Canada dans son ensemble. Cependant,
pour des analystes, cette performance serait attribuable aux ventes de produits dérivés de la téléréalité : les 565 000 exemplaires de Star Académie et les 200 000 exemplaires de MixMania
auraient freiné le déclin (Brunet, 2003f). Nathalie Larivière, présidente du Groupe Archambault,
confirme cette impression de stabilité. Le détaillant a misé sur des produits de créneaux (jazz,
classique) et la promotion de succès populaire (l’album des grands succès des producteurs de lait,
les albums de Noël de Ginette Reno et cie, MixMania, Star Académie ou Don Juan) (Noël, 2004).
Bien que les données datent de quelques années, on peut imaginer que les proportions sont encore
valides. Le tableau 10 présente le nombre moyen de copies vendues par album pour différents
marchés. Afin de relativiser ces chiffres, nous avons ajouté la population totale (en milliers) de
chacun des marchés en 1996. Ainsi, ce tableau laisse entrevoir une certaine vitalité du marché
québécois si l’on compare à sa taille. Cependant, ces statistiques masquent une autre réalité. En
retranchant les ventes des 30 disques lancés par les maisons de disques québécoises ayant atteint
est actuellement implanté dans la très grande majorité des points de vente de disques au Canada
(disquaire mais aussi grandes surfaces comme Zellers ou Wal-Mart). Plus de 80 % des ventes réelles sont
prises en compte par le système, les épiceries, les pharmacies et quelques disquaires indépendants qui ne
sont pas encore reliés au système (Vigneault, 2003)
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plus de 25 000 copies, la moyenne des autres albums québécois n’est plus que de 6 600 copies
(Ménard, 1998).
Tableau 10 – Nombre moyen de copies vendues par album (1995-1996)
Régions
Nombre moyen
de copies
Canada
13 200
Canada (album produit par des entreprises étrangères)
16 100
Canada (album produit par des entreprises canadiennes)
2 700
Québec (album produit par des entreprises québécoises)
12 000
Québec (album produit par des entreprises non québécoises)
2 200
États-Unis
58 000
États-Unis (album produit par l’un des majors)
137 000
États-Unis (album produit par une maison de disques
18 000
indépendante)
Allemagne
13 900
Royaume-Uni
14 500
France
13 300
Finlande
5 100
Pays-Bas
3 500
Population
(en milliers)
29 964
29 964
29 964
7 247
7 247
265 284
265 284
265 284
81 900
58 782
58 375
5 132
15 494
Adapté de Ménard (1998)
Le tableau 11 permet de nuancer de nouveau l’impact du téléchargement sur les ventes de disques
au Québec. Ce tableau présente les résultats du nombre de fichiers disponibles par l’entremise du
logiciel WinMX, et cela, pour différents artistes tant québécois qu’étrangers. L’exercice a été
répété à deux moments différents afin d’avoir un portrait plus réaliste. Le tableau démontre
d’abord que la proportion de potentiel de téléchargement de nombreux artistes québécois n’est
pas comparable à celles d’artistes internationaux. Ensuite, les artistes francophones qui
présentent un potentiel de téléchargement ne sont pas nécessairement ceux dont les ventes sont
modestes. À cet effet, nous pourrions reprendre la blague de Sylvie Moreau au Gala de l’ADISQ
de l’automne 2003 : «Moi non plus, je ne pirate pas de musique québécoise. C’est peut-être pour
ça que je n’en écoute pas!» (Anonyme, 2003c). Dans cette optique, il serait intéressant
d’effectuer une étude de corrélation entre le potentiel de téléchargement d’un artiste et ses ventes
de disques.
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Tableau 11 – Identification de fichiers musicaux disponibles par l’entremise de WinMX1
Artistes
Étude effectuée le 25/02/04 en Étude effectuée le 26/02/04 en
avant-midi
après-midi
Internationaux
Eminem
5942
7322
Elton John
2171
3003
Britney Spears
343
3173
Madonna
358
268
Metallica
329
268
Français
Noir Désir
60
93
Étienne Daho
38
12
Jean-Louis Murat
1
16
Québécois
Éric Lapointe
44
22
Cowboys Fringants
24
28
Wilfred
16
24
La Chicane
11
36
Dan Bigras
6
3
Daniel Bélanger
4
0
Stefie Shock
1
0
Yann Perreau
0
0
Caroline Néron
0
0
Ainsi, la crise que traverse l’industrie ne serait pas complètement attribuable au téléchargement
illicite de fichiers musicaux. Une étude québécoise de la fin des années 1990 semble confirmer
cette impression puisqu’elle annonçait déjà le ralentissement, en ces termes : «Au milieu des
années 90, après plus d’une dizaine d’années de croissance, le cycle semble encore une fois sur le
point de s’inverser. Les ventes plafonnent et nombreux sont ceux qui parlent d’une nouvelle crise
du disque» (Ménard, 1998). Les indices de cette crise étaient visible au milieu des années 1990
dans le fait que «le seul élément de croissance perceptible au cours des dernières années était la
production de compilations» (à faible budget) (Ménard, 1998).
Dans ce contexte, «la recherche quasi exclusive du sacro-saint crossover au Québec a pour effet
de ralentir l’émergence de nouvelles expressions.» De nouvelles expressions qui ont également
de la difficulté à trouver un lieu de diffusion à l’intérieur des radios commerciales. À la radio
FM, principal véhicule de diffusion musicale, on trouve deux grands formats : le adult
comtemporary ciblant un public adulte (par ex. le réseau Rock-Détente) et le comtemporary hit
radio ciblant les adolescents et les jeunes adultes (par. ex. CKOI). Cependant la distinction entre
ces formats, de même que l’identité musicale de chacune des stations sont floues. «Tout le
monde fait tourner la même chose. Tu es classic rock ou adulte ou comtemporary hit radio. Les
différences entre ces formats disparaissent progressivement. Les jeunes artistes originaux, eux,
existent mais ne sont pas diffusés […] les Cowboys Fringants représentent donc l’exception parce
que certaines stations ont dû céder à la pression de leurs auditoires», soulignait Pierre SaintGermain pour la division québécoise de Sony Musique.
1
L’exercice comprenait aussi les artistes québécois Dumas et Ima mais la sélection offrant tous les
résultats où la chaîne de lettre «dumas» ou «ima» était présente, nous avons exclu ces artistes de notre
tableau pour s’assurer d’avoir des résultats comparables.
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24
La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
Des gestionnaires du secteur accusent l’imposition, au début des années 1970, par le Conseil de la
radio et des télécommunication du Canada (CRTC), de quotas de 65 % de contenu francophone
pour la musique d’expression vocale jouée dans les radios québécoises. L’effet de similitude
proviendrait aussi de la forte rotation des pièces musicales : «Alors qu’un grand succès de langue
anglaise obtient une forte rotation pendant trois mois environ, pour un grand succès de langue
française, c’est souvent six ou même neuf mois», affirmait André L’Allier de CKMF (Houle,
1998). Une situation qui pourrait jouer en défaveur de l’artiste. Il y a quelques années, Francine
Raymond affirmait : «Je joue beaucoup à la radio, tellement même que j’ai peur que ça freine la
vente de disques» (Houle, 1998).
Outre l’uniformisation du son, le phénomène de concentration des diffuseurs radiophoniques
contribue à réduire l’espace de diversité. L’étude de Sauvageau démontre que trois grands
groupes, Corus Entertainment, Astral Média et Télémédia Communication, contrôlent près de
30 % des stations de radio au Québec (Sauvageau, 2001). L’effet de réseau empêche (ou
restreint) les antennes locales de faire jouer ou de faire la promotion de certains artistes. Ainsi,
un artiste n’a plus que quelques portes où frapper afin d’assurer une diffusion de son œuvre. S’il
est accepté, les auditeurs auront l’impression qu’il joue partout. Dans le cas contraire, il devra se
rabattre sur des radios plus marginales (radios étudiantes, communautaires ou régionales).
À terme, cette uniformisation du contenu radiophonique sur les stations FM pourrait entraîner un
problème de relève de l’auditoire. À l’échelle canadienne, les données sur le nombre moyen
d’heures d’écoute hebdomadaire de la radio pour les adolescents (12 à 17 ans) étaient de 10,5
heures en 2000 alors que la moyenne canadienne se situe à 20,3 heures. À ce moment, on
évoquait que cette situation était persistante depuis 15 ans et que cette clientèle avait moins accès
à la radio (par ex. présence en classe) (Chahdi, 2001). Cependant, les plus récentes statistiques,
celles de 2002, révèlent que cette proportion a encore diminué pour cette clientèle, pour s’établir
à 9,4 heures par semaine alors que la moyenne canadienne est demeurée stable à 20,2. Par
ailleurs, alors que la moyenne d’heures d’écoute radiophonique pour tout le Québec se situe au
deuxième rang des provinces canadiennes (21,2 heures par semaine), la donnée traitant des
adolescents québécois les classe en dernière position avec 8,2 heures par semaine (une moyenne
encore plus faible pour les adolescents francophones)1. Le phénomène étant cyclique, et revenant
fréquemment, il est difficile de savoir s’il va se corriger ou se transformer en tendance lourde.
Cependant, des analystes considèrent que les stations radiophoniques commerciales ne cherchent
pas à rejoindre les jeunes, une clientèle dont les poids démographique et économique sont moins
importants, deux facteurs qui limitent leur attrait pour des annonceurs nationaux (Houle, 1998).
Enfin, un autre espace de diffusion des œuvres musicales est la scène. Cependant, encore une
fois, les statistiques les plus récentes tendent à démontrer une baisse d’assistance pour les
différents créneaux musicaux, à l’exception de la musique classique. Le tableau 12 présente le
pourcentage de la population ayant assisté à au moins un spectacle au cours de l’année.
1
«Écoute de la radio», Le Quotidien, 31 juillet 2003.
Soulignons que ce phénomène ne serait pas uniquement canadien ou québécois. Une étude américaine
indique que le temps d’écoute de la radio a diminué de 8 % et c’est l’auditoire des 12 à 34 ans qui a
déserté en plus grand nombre (Liebowitz, 2003).
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25
La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
Tableau 12 – Assistance aux spectacles 1994 –1999
Catégorie musicale
Western
Jazz
Chansonnier
Musique classique
Rock
1994
4,9
12,6
15,4
10,8
15,5
1999
2,0
6,6
8,2
13,0
13,1
Source : Chiffres à l’appui, Québec, Culture et Communications, 2001.
Une bataille idéologique?
Par ailleurs, il faut reconnaître que le téléchargement non autorisé a eu un impact sur l’industrie
musicale, «mais Internet est loin d’être la seule cause du malaise de l’industrie», croit un analyste
du domaine (Noël, 2004). Le phénomène des fichiers MP3 aurait agrandi des fissures qui
commençaient à apparaître depuis quelques années.
Une de ces premières fissures est le conflit entre les impératifs commerciaux et ceux artistiques.
Un conflit présent principalement chez des artistes à la marge des courants consensuels, qu’ils
soient québécois ou étrangers. Au début de l’année 2000, Courtney Love, leader du groupe Hole,
avait vertement dénoncé les pratiques de l’industrie musicale qu’elle accusait d’être les véritables
pirates et de voler les artistes. Elle critiquait les fondements de l’industrie qui reposent sur : 1. le
système des avances sur la production d’un album qui donne l’illusion que l’artiste est riche mais
qui lui laisse assumer une grande partie des coûts de production et de diffusion de ce même
album1, 2. la mainmise des majors sur les bandes maîtresses (master) qui dépouille l’artiste de
son œuvre, et 3. finalement, les contrats qui lient l’artiste à sa société de disques pour une
moyenne de sept albums soit plus de 15 ans. En contrepartie, ce même système des majors ferait
entrer trop de considérations entre la production d’un album et sa promotion de sorte que les
qualités artistiques comptent pour très peu dans le potentiel de vente.
À l’été 2003, Mononc’ Serge rejoignait ces mêmes propos :
[L’échange de fichier MP3] enlève bien sûr des droits d'auteur et des redevances aux artistes, […
mais] les artistes, du moins au Québec, perçoivent des revenus dérisoires (quand ils en perçoivent)
des ventes de disques, même quand ils en vendent beaucoup. Je suis assez bien placé pour le
savoir, les CD des Colocs sur lesquels j'ai joué se sont écoulés à plus de 200 000 exemplaires au
Québec. Je n'ai aucune diffusion (ou à peu près) dans les médias traditionnels, les MP3 permettent
à des gens qui n'auraient jamais l'occasion de découvrir ma musique de le faire (Ethop, 2003).
Plus récemment, Manspino, membre du groupe Hip-Hop Sans Pression, soulignait aussi que
l’échange gratuit de fichiers MP3 réduisait les ventes, «mais ça nous aide en termes de
popularité.» Son collègue, SP, ajoute : «Quand quelqu’un télécharge un disque complet, c’est
grave. Mais ce n’est pas grave de télécharger une chanson par curiosité. Il y a plein de groupes
que je n’aurais pas connu sans le téléchargement» (Ritous, 2004).
1
Courtney Love présentait l’exemple d’une avance de un million de dollars. Avec cette somme, l’artiste
peut subsister pendant la production de l’album jusqu’au moment de la vente. Cependant, de cette
somme, il faut soustraire l'ensemble de frais (production, promotion, gérance, impôt, etc.) qui laisse à
l’artiste une somme de 45 000 $ pour l’année.
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
Pour Mononc’ Serge ou Courtney Love, Internet ouvre un espace de liberté permettant à l’artiste
de se faire connaître auprès des amateurs et il pourra aussi bien vivre tout en se passant des
majors. Au Québec, C4 Productions veut être un modèle alternatif qui serait au service de
l’artiste. La structure, de type coopératif, est un support administratif à des artistes indépendants.
Ces derniers paient pour leur production mais les font distribuer par l’entreprise de C4 qui voit à
maximiser les redevances sur chaque disque vendu. Ainsi, si le distributeur paie 10 $ pour
l’album, 75 % de la somme ira à l’artiste et 25 % à C4 Productions afin de couvrir les coûts
d’administration et de promotion. En contrepartie, l’artiste abandonne la relative sécurité
financière (souvent sous la forme des avances). Il s’agirait d’un modèle rentable dans les cas de
production à modeste budget (5 000 $) (Vigneault, 2002a).
En Europe, Peter Gabriel et Brian Eno ont lancé un site de téléchargement légal des œuvres
musicales, OD2, mais en ayant d’abord des considérations artistiques. OD2 permet aux artistes
émergents de faire valoir par l’entremise d’Internet leurs créations, et cela, sans contrainte de
durée, sans l’obligation d’un mixage définitif et sans l’obligation de livrer une œuvre finie.
L’artiste aurait ainsi la liberté de raffiner à perpétuité son œuvre. Les concepteurs de OD2 ont
aboli les contraintes de prix qu’ils considèrent comme une tyrannie. L’artiste qui le souhaite peut
rendre gratuite ce qu’il considère comme une ébauche et à l’inverse demander un prix faramineux
pour une œuvre qu’il jugera de très haute qualité. Précisons que le prix des titres varie de 0,99
euros à 2 euros, une somme qui devrait baisser à la longue. Selon les deux artistes, OD2 devient
un canal de dialogue entre le créateur et son public tout en assurant une forme de rémunération
pour l’artiste. Peter Gabriel ajoute : «Nous ne prétendons pas déjouer les compagnies de disques
et les éditeurs de musique; nous essayons tout simplement de procurer une plus grande autonomie
aux créateurs» (Brunet, 2004h).
Toujours en Europe, le groupe de métal progressif, Marillion, a mis sur pied sa propre étiquette,
Racket Records, qui cherche à exploiter le potentiel d’Internet. Lorsqu’un nouvel album est
planifié, le groupe procède à une prévente auprès des fans permettant d’amasser les fonds
nécessaires à sa réalisation. Une telle opération a déjà généré 100 000 livres (soit environ
250 000 dollars canadiens). En plus, les musiciens n’ont pas à être tous présents dans le même
studio lors de l’enregistrement. Certains des membres peuvent être dans une région et faire
parvenir par l’entremise d’Internet leurs partitions qui sera mixées avec les autres instruments.
Toujours lors des sessions d’enregistrement, les différentes bandes peuvent être acheminées
encore une fois par Internet à différents professionnels qui verront au mixage final. En ce qui
concerne le contact avec les fans, le site Internet du groupe offre différents forums de discussion,
une webcam qui permet de suivre le groupe lors des sessions d’enregistrement ou la possibilité de
télécharger des extraits avant leur version définitive. Enfin, pour ce qui est de la vente, le site
offre différentes possibilités : un disque compact physique ou l’achat des pièces à la suite d’un
téléchargement (Millennium Group, 2001).
Dans cette recherche de nouveaux modèles, Randall (2004) suggère aux maisons de disques de
devenir des promoteurs de talents. Ils devraient se servir des moyens d’Internet pour permettre au
plus grand nombre d’artistes de se faire connaître. La chanson tendrait l’outil pour promouvoir
les concerts et les articles promotionnels lesquels deviendraient par ricochet les premières sources
de revenus des artistes.
Par ailleurs, Mononc’ Serge met en lumière une deuxième fissure lorsqu’il affirme que :
J'en ai marre d'entendre l'industrie du disque verser des larmes sur leurs soi-disant déboires. Les
ventes de CD diminuent? […] On n'entend jamais parler de la diminution des coûts de production
des enregistrements qui est encore plus phénoménale. Enregistrer un disque est devenu très
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
accessible, très peu coûteux. Le coût des albums aurait dû décroître, ou à tout le moins ne pas
s'accroître (Ethop, 2003).
Les consommateurs sont de moins en moins tentés d’investir 20 $ dans un album et risquer «qu’il
soit moins bon que les extraits (ce qui, de nos jours, est de plus en plus possible)», commente un
internaute (Caron, 2003). Un autre ajoute : «Au moins maintenant, il y a une alternative à
l’arnaque. Une alternative dont on peut jouir avec d’autant moins de scrupules que le show
business est plus devenu le royaume du piston que celui du talent» (Fontanille, 2003). De telles
réactions peuvent expliquer pourquoi les campagnes de sensibilisation ou de culpabilisation ont
peu d’impact.
Conclusion
Le phénomène du téléchargement illicite de la musique a entraîné l’industrie dans une crise
conduisant les acteurs de chacun des maillons de la chaîne musicale à revoir son rôle et même sa
raison d’être. Des décideurs de l’industrie reconnaissent : «Je sais que les majors ont été lentes à
réagir. Nous avons peut-être perdu une ou deux années» (Brunet, 2004d). Pour notre part, nous
sommes d’avis que le «piratage» de fichiers musicaux MP3 a principalement cristallisé des
perceptions et des réalités qui couvaient depuis quelques années.
D’abord, comme le souligne Brunet (2003b), les technologies numériques ont ouvert la porte à
une multiplication des genres musicaux mais parallèlement, il y a une uniformisation des modèles
esthétiques dominants : «les artistes actuellement les plus populaires des pop chinoise, italienne
ou québécoise reprennent les codes américains.» Ce conservatisme artistique pourrait être
expliqué par le fait qu’une bonne part des producteurs d’aujourd’hui, contrairement à ceux des
années 1960, sont motivés par des impératifs financiers qui les amènent à miser sur des valeurs
sûres plutôt que de rechercher les 20 ou les 100 artistes qui seront en mesure de remplacer les
Micheal Jackson et les Madonna (Truffaut, 1997). Parallèlement, les lieux de diffusion de masse
(radio et télévision) jouent également la carte du plus petit dénominateur commun en privilégiant
justement les artistes les plus populaires au détriment de la diversité. Dans ce contexte, Brunet
(2003b) met en évidence que Internet ne devient pas uniquement le lieu d’un «vol à grande
échelle» mais un espace d’exploration où des communautés virtuelles se créent partout dans le
monde, des liens se tissent entre les amateurs d’un même style.
Par ailleurs, une partie des consommateurs et artistes ne semblent pas dupes d’une certaine
duplicité dans le discours des majors. En effet, sur le marché américain, ces dernières ont
entrepris (par l’entremise de la RIAA) des poursuites contre les premiers sites de téléchargement
(par ex. Napster) et, plus récemment, de façon directe contre des internautes, sous prétexte que
ceux-ci violaient les droits d’auteur. Cependant, depuis quelques années, un groupe d’artistes
(Courtney Love, Bruce Springsteen, Madonna, REM) mène un combat juridique contre ces
mêmes géants de la musique afin de… faire respecter leurs droits! Des vérifications
rapporteraient fréquemment le non-paiement des redevances dues aux artistes. «Les maisons de
disques ont baisé les artistes depuis plus de 60 ans», affirmait Don Henley (Vigneault, 2002b)1.
Dans ce contexte, on peut comprendre que certains internautes ne se sentent pas interpellés par les
campagnes de sensibilisation au «piratage» de la musique.
1
Plus récemment Don Henley appelait les artistes et les majors à travailler conjointement, sur un pied
d’égalité, afin de relancer l’industrie. (Vigneault, 2004b)
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
À ce sujet, on semble confondre téléchargement non autorisé et piratage. Pour des internautes :
«Le piratage, c’est faire un profit avec les produits des autres. Comme faire des copies multiples
dans le but de les revendre à d’autres, affirme un internaute» (Lemieux, 2003). Encore une fois,
Brunet (2003e) va dans le même sens lorsqu’il affirme : «Ces téléchargeurs copient impunément,
certes, mais de là à les considérer comme des voleurs […] [ces gens] n’ont pourtant rien à voir
avec ces organisations criminelles, qu’on trouve notamment en Chine, qui procède au copiage des
enregistrements pour s’enrichir […], par exemple, 42 millions de CD piratés ont été détruits par
les autorités chinoises». Les données révèlent justement que le tiers des ventes mondiales de
musique sont le fruit de produits illégaux1.
Ces quelques éléments peuvent expliquer l’acharnement de jeunes informaticiens à briser les
mesures de protection développées par les acteurs traditionnels de la musique : il peuvent y voir
un défi technologique mais aussi un moyen de se libérer d’une industrie qui semble les avoir
méprisés comme consommateurs. Cependant, dans ce contexte, que peuvent faire les acteurs
traditionnels de la chaîne musicale?
Il y a un repositionnement inévitable. Cette manœuvre est évidente chez certains détaillants qui
diversifient les offres de produits en accordant plus d’espace au DVD, aux jeux vidéo, aux livres
au détriment du disque compact. Quant aux grandes multinationales du disque, elles devront
revoir, elles aussi, leur positionnement. D’abord, la stratégie d’intégration verticale semble avoir
atteint ses limites. Par exemple, AOL Time Warner se départit de ses usines de duplication de
disques audio et vidéo (Beauchamp, 2003). Ensuite, plus globalement, les maisons de disques ne
devront peut-être plus penser en fonction d’un album mais peut-être plus en fonction d’une pièce
musicale (Leblanc, 2003). Signe des temps, des responsables de l’industrie envisagent des
rapprochements avec les gestionnaires des sites P2P. «Ces sites ne sont pas forcément mauvais, il
nous faut faire en sorte que les contenus y soient payés d’une façon ou d’une autre», affirme Ted
Cohen de EMI (Brunet, 2004d). Par ailleurs, la présence des majors semble presque inévitable
lorsque l’on observe les expériences de Atomic Pop ou de MP3.com ou plus récemment celles de
iTunes qui ont démontré que le poids des considérations financières dans cette industrie limite
l’émergence de nouveaux modèles de distribution.
Enfin, en ce qui concerne les artistes et les créateurs, leur sort a été peu abordé ici mais quel sera
leur avenir? Mononc’ Serge offre ce premier conseil : «Je crois que les artistes devraient autant
que faire se peut se passer des compagnies de disques» (Ethop, 2003). Sans tomber dans la
formule de l’autoproduction, les artistes semblent avoir intériorisé le discours de l’industrie au
détriment de la création. Lorsqu’on écoute la campagne de sensibilisation lancée par le Groupe
Archambault, on entend plusieurs artistes nous expliquer qu’il y a beaucoup de gens qui
travaillent autour d’eux. Il semble y avoir un glissement dans ce discours. Robert Charlebois
rappelait qu’à ses début, le disque était considéré comme une carte de visite pour amener les gens
à venir voir son spectacle alors qu’aujourd’hui, il y a tellement de monde derrière un artiste que
l’on peut difficilement penser de la sorte2. Est-ce que tous ces gens sont utiles? Permettent-ils à
l’artiste d’avoir plus d’argent pour lui-même? Peut-être que la survie des artistes réside dans un
retour en arrière : adopter une optique de troubadour, monter au front, aller conquérir un à un ses
fans en se produisant dans divers lieux. La formule a procuré aux Cowboys Fringants
énormément de succès, qui a culminé en décembre 2003 par une assistance de 20 000 personnes
lors de leur concert au Centre Bell. Une approche qui a aussi l’avantage, pour les amateurs de
musique, de leur permettre de départager les véritables créateurs des fumistes.
1
2
IFPI Music Piracy Report, IFPI, June 2003, 18 p.
Propos diffusés lors de l’émission Infomax à Musimax, décembre 2003.
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La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
Annexe 1
Répartition des frais et des coûts de production d’un disque
Coût de production d’un disque compact par une maison de disque américaine en l’an 2000
Activité
Pourcentage
Marketing et promotion
20,0 %
Auteur-compositeur
18,5 %
Frais généraux
18,5 %
Vente et distribution
13,0 %
Interprétation et enregistrement
10,0 %
Fabrication
7,0 %
Publicité
8,0 %
Profit d’opération
5,0 %
Source : Wagner, 2003.
Les estimations sont produites à partir d’un prix de vente au détail de 10,75 US$.
Répartition du prix d’un disque compact au Royaume-Uni
Activité
Producteur
Manufacturier
Distributeur/détaillant
Auteur-compositeur
Interprète
Pourcentage
41 %
15 %
30 %
7%
7%
Source : Adner, 2003
Prix de revient d’un disque produit en France en 1998
Activité
Frais d’enregistrement
Publicité et promotion
Frais de distribution
Fabrication
Redevance d’artiste
Frais généraux
Droit d’auteurs
Source : Berghozi et Paris, 2001
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30
Pourcentage
18 %
18 %
15 %
15 %
10 %
10 %
9%
La chaîne musicale : son développement et ses perspectives futures
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the
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«Wal-Mart
Experiments
with
MusicBusinessCanada.com, December 19, 2003a.
Anonymous. «Critics Argue that 99 Cents
MusicBusinessCanada.com, December 9, 2003b.
U.S.
88-Cent
is
too
While
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Music
Expensive
Keep
Download
for
Digital
Quiet»,
Service»,
Downloads»,
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