arrêt de la Cour d`appel de Versailles

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arrêt de la Cour d`appel de Versailles
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88H
J.M.
5ème Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 JUIN 2012
R.G. N° 10/02764
AFFAIRE :
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE
SOCIALE ET
D'ALLOCATIONS FAMILIALES
C/
S.A. VEOLIA PROPRETE en la personne de son représentant légal
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 08 Avril 2010 par le Tribunal des Affaires
de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG : 08/00218
Copies exécutoires délivrées à :
Me Frank WISMER
Copies certifiées conformes délivrées à :
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET
D'ALLOCATIONS FAMILIALES
S.A. VEOLIA PROPRETE en la personne de son représentant légal
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
1
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE
SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES
Divison des Recours Amiables et Judiciaires
TSA 80028
93517 MONTREUIL CEDEX
représentée par M. BOULAY en vertu d'un pouvoir général.
APPELANTE
****************
S.A. VEOLIA PROPRETE en la personne de son représentant légal
163 à 169 Avenue Georges Clémenceau
92000 NANTERRE
représentée par Me Frank WISMER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0107.
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été
débattue le 10 Avril 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant
Madame Jeanne MININI, Président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Jeanne MININI, Président,
Madame Sabine FAIVRE, conseiller,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Sabrina NIETRZEBA-CARLESSO,
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société Veolia propreté a institué au profit d'une partie de son personnel (les cadres de niveau 7 et
plus) un régime supplémentaire de retraite à cotisations définies à effet du 1er juillet 2003 (s'agissant
de la convention d'assurance-vie collective n° 1570 signée entre la compagnie Cardif Assurance Vie
et la société Veolia Environnement agissant pour son compte et pour le compte des entreprises dont
une liste était annexée à la convention, la société Veolia propreté figurant sur cette liste parmi les
sociétés bénéficiaires).
Pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, l'Urssaf de Seine-et-Marne a procédé à
l'examen de la situation de la société Veolia propreté au regard de l'application de la législation de la
sécurité sociale et a notifié à cette société une lettre d'observations en date du 16 novembre 2006 aux
termes desquelles l'organisme social précisait :
- que le régime de retraite supplémentaire dont l'accès était réservé aux seuls cadres définis
par référence à un niveau de classification ne présentait pas un caractère collectif,
- qu'à l'issue de la période transitoire s'achevant au 30 juin 2008, l'exonération de cotisations
de sécurité sociale des contributions patronales de retraite serait subordonnée notamment au
respect du caractère collectif du régime institué par l'entreprise,
- que les critères retenus pour définir les catégories de personnel bénéficiaire devront être
objectifs et non restrictifs,
- qu'ainsi, dans l'hypothèse d'un maintien en l'état de la situation constatée, les contributions
patronales destinées au financement de ce régime devraient être soumises à cotisations de
sécurité sociale à compter du 1er juillet 2008.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 29 mars 2007, l'Urssaf
de Paris- région parisienne a informé la société Veolia propreté qu'elle validait les
observations ainsi formulées, cette décision prenant effet à compter de la réception du courrier
pour l'ensemble des établissements vérifiées par l'Urssaf de Melun sous le n° Siren précisé.
L'Urssaf ajoutait que si, lors d'un prochain contrôle, il était constaté que la société Veolia
propreté n'avait pas suivi les recommandations, un redressement lui serait notifié.
La société Veolia propreté a contesté la position prise pour l'avenir par l'Urssaf de Paris –
région parisienne et a saisi la commission de recours amiable qui, en sa séance du 13
novembre 2007, a rejeté la contestation.
***
La société Veolia propreté a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre qui,
par jugement en date du 8 avril 20010, a fait droit à son recours et a dit que la contribution de
la société au financement de la retraite supplémentaire ainsi constituée doit être exclue de
l'assiette des cotisations sociales dans la mesure où cette prestation revêt "un caractère
collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d'une des procédures mentionnées à l'article
L.911-1 du code de la sécurité sociale".
L'Urssaf de Paris - région parisienne a régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 10 avril 2012 par
lesquelles l'Urssaf de Paris - région parisienne sollicite l'infirmation du jugement déféré, la
confirmation de la décision de la commission de recours amiable en date du 13 novembre
2007 et le rejet de toutes les demandes présentées par la société Veolia propreté. Elle fait
valoir pour l'essentiel :
- que les observations similaires remettant en cause les mêmes critères de classification n'ont
pas été contestées par les autres entités du groupe Veolia (principalement la société Veolia
Environnement, la société CGEA pour l'établissement de Rungis, la société CGEA de
Wissous et la société CGEA ONYX de Carrières-sous-Poissy) et que par voie de conséquence
la décision attaquée, ayant pris une position contraire, contrevient au principe de sécurité
juridique,
- que c'est dans le strict respect des textes applicables (articles L.242-1 et D.242-1 du code de
la sécurité sociale) mais également de ceux concernant la réforme des retraites (notamment
l'article 113 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003) que les observations litigieuses ont été
notifiées à la société
Veolia propreté,
- que les circulaires mentionnées dans la lettre d'observation n'ont ajouté aucune condition
supplémentaire aux textes législatifs ainsi rappelés mais se sont contentées de les expliciter,
- que les cadres de niveau 7 et plus, seuls bénéficiaires du contrat de retraite supplémentaire
mis en place par la société Veolia propreté, ne constituent pas une catégorie objective et que
dès lors, en réservant le bénéfice d'un régime de retraite complémentaire aux salariés ayant les
plus hauts revenus, le groupe Veolia a dénaturé l'esprit du texte et la volonté du législateur,
- qu'enfin, même dans le cadre des nouvelles dispositions prises par le décret du 9 janvier
2012, valant bien évidemment pour l'avenir, la société Veolia propreté ne pourrait faire
valider le système mis en vigueur dans ses établissements dès lors que les nouvelles
dispositions législatives ne peuvent s'appliquer aux catégories et classifications "maison" ou
"internes" retenues par le système actuellement en place.
La société Veolia propreté a conclu à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation
de l'Urssaf de Paris - région parisienne au paiement d'une indemnité de 8 750 euros sur le
fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Veolia propreté entend tout d'abord rappeler que les circulaires invoquées par
l'Urssaf de Paris-région parisienne, étant dépourvues de caractère normatif, lui sont
inopposables. Elle fait observer pour l'essentiel que la position adoptée et maintenue par
l'Urssaf :
- est contraire aux intentions du législateur : en refusant le recours au critère "classifications"
l'Urssaf crée une distorsion entre régimes fiscaux et sociaux contrairement aux souhaits
d'harmonisation du législateur - aucune interdiction d'une forme particulière de sélection dans
la collectivité des bénéficiaires n'a été insérée dans les textes par le législateur,
- résulte d'une doctrine instable, source d'insécurité juridique, dès lors que la position de
l'Urssaf n'a cessé d'évoluer depuis 2005, plaçant ainsi les entreprises dans une incertitude
permanente quant au respect des conditions leur permettant de bénéficier d'une exonération de
charges sociales sur le financement des régimes de protection sociale complémentaire,
- est, en toute état de cause, incohérente et contradictoire, dès lors que dans le même temps
l'Urssaf valide sans distinction aucune l'appartenance à la catégorie "cadres dirigeants"
comme critère de détermination d'une catégorie objective de personnel,
- est, aujourd'hui, sans objet, substituée par un décret en Conseil d'Etat, dès lors que la
nouvelle loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, à l'origine de la nouvelle
rédaction de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, rend définitivement illégitimes et
sans objet les circulaires sur lesquelles se fonde l'Urssaf tant pour le passé que pour l'avenir
(étant par ailleurs observé qu'elle-même dispose d'une période de transition pour adapter le
système mis en place dans ses établissements aux nouvelles dispositions législatives),
- est, en définitive, entachée d'illégalité en ce qu'elle ajoute à la loi et au décret une condition
d'exonération n'y figurant pas.
La société Veolia propreté entend voir valider par la cour le critère "classification" retenu
pour établir la liste des bénéficiaires du régime de retraite complémentaire dès lors que le
recours à un niveau de classification permet de déterminer une catégorie objective de
bénéficiaires au sens de l'article D.242-1 du code de la sécurité sociale et de justifier du
caractère collectif du régime au sens de l'article L.242-1 du même code pour les raisons
suivantes :
- c'est un critère inspiré des usages et accords collectifs,
- c'est un critère qui poursuit une finalité sociale permettant de lutter contre la réduction des
taux de remplacement afférents à certains niveaux de rémunération (en raison, notamment de
l'application de la règle du plafonnement du salaire moyen retenu pour calculer la pension de
vieillesse de sécurité sociale, le taux de remplacement qu'allouent l'assurance vieillesse de la
sécurité sociale et les régimes complémentaires ARRCO et AGIRC diminue avec
l'augmentation de la rémunération),
- c'est un critère qui a été retenu en raison de l'impossibilité de se référer à une classification
unique de branche professionnelle puisque les entreprises du groupe Veolia Environnement
dépendent de plus de vingt conventions collectives de branche et en raison de la nécessité
d'utiliser une classification interne de groupe permettant des comparaisons entre les postes
inter-divisions, d'assurer la gestion et le suivi des carrières et de favoriser la mobilité
professionnelle entre les différentes entités du groupe,
Enfin la société Veolia propreté fait observer que les catégories de bénéficiaires
correspondent aux cadres dont les fonctions les placent sur des coefficients 7, 8 et 9 selon la
classification "groupe", cette classification aboutissant à la constitution d'une population
disposant des niveaux de compétences et de technicités, de responsabilité et d'autonomie les
plus étendus qui est donc bien constitutive d'une véritable collectivité de bénéficiaires et non
de quelques salariés pris isolément et selon des critères arbitraires.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour
renvoie, pour l'exposé plus complet des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont
déposées et soutenues oralement à l'audience du 10 avril 2012.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que le régime social des contributions patronales de retraite et de prévoyance
complémentaire a été modifié par l'article 113 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des
retraites; qu'il est ainsi prévu notamment :
- une exclusion totale de l'assiette des cotisations de sécurité sociale et, par alignement de
celles de la CSG et de la CRDS, des contributions patronales destinées au financement des
régimes de retraite complémentaires légalement obligatoires (AGIRC, ARRCO, AGFF.......),
- une exclusion, sous de nouvelles conditions et limites, des contributions patronales destinées
au financement des régimes supplémentaires de retraite et de prévoyance présentant un
caractère collectif et obligatoire,
Considérant ainsi que l'article L.242-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale, dans sa version
applicable au présent litige, a prévu que " sont exclues de l'assiette des cotisations
mentionnées au premier alinéa les contributions des employeurs destinées au financement des
prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées par les organismes régis
par... ( suivent plusieurs textes visant en fait les assureurs), lorsqu'elles revêtent un caractère
collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d'une des procédures mentionnées à l'article
L.911-1 du présent code" ; que l'article D.242 II du code de la sécurité sociale impose une
attribution des avantages au profit d'une ou plusieurs catégories objectives de salariés ;
Considérant, qu'à partir de ces dispositions législatives et réglementaires comportant des
indications précises, et sans faire appel aux circulaires visées par l'Urssaf qui ne peuvent
s'imposer à la société Veolia propreté, il convient de déterminer, pour l'appréciation de
l'exclusion de l'assiette des cotisations sociales, si les critères de classification présentés par la
société Veolia propreté pour permettre à certains de ses salariés d'entrer dans la catégorie des
bénéficiaires du régime de retraite complémentaire sont suffisamment précis et ne relèvent
pas d'une appréciation arbitraire de l'employeur ; qu'ainsi la société Veolia propreté doit
justifier que l'ensemble des salariés a vocation à bénéficier des avantages ou, à défaut, les
salariés définis selon des critères objectifs;
Considérant que la société Veolia propreté a limité les avantages aux cadres bénéficiant des
coefficients de rémunération 7, 8 et 9 ;
Considérant que si ce niveau de classification renvoie bien évidemment à des cadres situés
au plus haut niveau de la hiérarchie occupant donc des emplois imposant les plus hauts
niveaux en termes de compétences, d'expériences et de maîtrise des techniques outre
l'exercice de leurs fonctions de manière la plus autonome, pour autant cette classification reste
très imprécise dès lors :
- qu'elle ne permet pas de connaître quels emplois sont expressément visés par cette catégorie
qui ne peut intéresser, en toute hypothèse, que les seuls cadres dirigeants au sens des
dispositions L.3111-2 du code du travail,
- qu'elle ne renvoie pas expressément à une catégorie définie par une ou plusieurs conventions
de branche (l'appartenance des entités du groupe Veolia à plusieurs conventions collectives ne
rendant pas impossible le renvoi à des niveaux plus précis de classification),
Considérant que cette classification ne permet donc pas d'apprécier dans quelles conditions
et selon quelles modalités définies avec suffisamment de précision, l'ensemble des salariés
cadres, ou certains salariés cadres des établissements concernés, pourront accéder aux niveaux
7 et plus leur conférant le droit de bénéficier des avantages attribués par le régime
complémentaire s'ajoutant aux régimes complémentaires obligatoires ;
Considérant en conséquence, qu'indépendamment de la position adoptée par d'autres entités
du groupe Veolia au regard des observations adressées par l'Urssaf de Paris - région
parisienne, la cour infirme le jugement déféré et valide, pour ce qui concerne la société Veolia
propreté, la position adoptée par cet organisme social le 29 mars 2007 faisant suite aux
observations adressées le 15
novembre 2006 ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe et par décision contradictoire,
INFIRME le jugement rendu le 8 avril 2010 par le tribunal des affaires de sécurité
sociale de
Nanterre,
DÉBOUTE la société Veolia propreté de son recours,
MAINTIENT la décision administrative de l'Urssaf de Paris - région parisienne en date du 29
mars
2007 faisant suite aux observations adressées le 15 novembre 2006,
MAINTIENT la décision de la commission de recours amiable,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du code de
procédure civile et signé par Madame Jeanne MININI, président et Madame Sabrina
NIETRZEBA-CARLESSO, greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT