Impact des évolutions de la réglementation bancaire sur

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Impact des évolutions de la réglementation bancaire sur
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Le système bancaire chypriote
Ce descriptif du système bancaire chypriote est un peu plus long que ceux des autres pays car nous en profitons
pour faire le point sur la situation du pays, intimement liée au sort de ses banques.
Le secteur bancaire chypriote est hypertrophié (835% du PIB) et hyper concentré (trois banques représentent
60% du marché). La faillite grecque se profilant à l’horizon, les régulateurs ont commencé à s’inquiéter pour le
capital des banques qui détenaient 160% du PIB en expositions sur la Grèce.
Suite à une cascade de mauvaises nouvelles en juillet 2011, le gouvernement a dû emprunter 2,5Mds€ à la Russie.
Le défaut grec a cristallisé les pertes et a entrainé une spirale procyclique qui a contraint le pays à demander de
l’aide à la Troïka à l’été 2012. Une étude a été commandée à Pimco pour estimer les besoins des banques. Les
chiffres fuités dans la presse oscillent entre 10,2Mds€ et 8,8Mds€.
Les besoins sont donc minuscules à l’échelle de la zone euro, mais, à un an d’une échéance électorale, le débat
politique allemand s’est, de manière caricaturale, cristallisé sur l’idée que le contribuable allemand allait venir au
secours des mafieux russes qui avaient blanchi leur argent via les banques chypriotes.
Pourtant, les enjeux géopolitiques, énergétiques (Chypre est assise sur des réserves colossales de gaz) et
systémiques sont trop importants pour que la Troïka adopte sans sourciller une solution de restructuration de la
dette souveraine. Une solution à l’espagnole est de loin la plus probable avec, peut-être, le transfert des dépôts
des non-résidents de l’UE vers des entités de défaisance, à l’image de l’approche islandaise. Hors restructuration
de la dette souveraine, qui détruirait la crédibilité des promesses réitérées de l’Eurogroupe que la Grèce était un
cas unique, le bailout n’aura pas d’impact systémique.
Au carrefour des civilisations depuis l’Antiquité, la petite île montagneuse reste un cas à part en Europe. Bien que
membre de jure de l’Union européenne, une partie importante du pays se considère turque. L’adhésion à l’Euro a
pourtant été une véritable aubaine pour le développement économique du pays. En offrant un havre de douceur
fiscale, un régulateur souple capable d’autoriser des personnes physiques à créer une banque et l’accès aux
opérations de refinancement de la BCE, Chypre a développé une combinaison magique.
Les chiffres ne surprendront donc personne : Chypre a 152Mds€ d’actifs bancaires pour un PIB de 18Mds€, un
ratio de 835%, uniquement surpassé par le Luxembourg. Toutefois, à la différence du Luxembourg, le secteur est
extraordinairement concentré puisque 60% des actifs appartiennent à des banques locales avec trois acteurs qui
détiennent 98% de ce marché : Marfin, Bank of Cyprus et Hellenic Bank. En rapportant leur taille au PIB de
leurs pays, les trois plus grands établissements en Europe sont UBS, Bank of Cyprus et Marfin, deux médailles,
en bronze et en argent, dont Chypre se passerait bien aujourd’hui.
Le choix de développer l’industrie financière s’est initialement avéré payant. Le pays est compétitif et le taux de
chômage fait pâlir d’envie tous les dirigeants européens, même à son niveau actuel qui est le plus haut historique
(autour de 8% alors qu’il est resté à 4% pendant dix ans). Mais en 2010 le risque de son système bancaire est mis
à nu : près de 29Mds€ d’exposition sur la Grèce, dont une exposition sur le souverain qui représentait 25% du
PIB chypriote. Cette exposition est naturellement concentrée dans les trois grands établissements.
La faillite grecque se profilant à l’horizon, le rituel des stress-tests se met en place pour essayer gérer le risque.
Rétrospectivement, le premier chiffre de l’EBA (millésime 2010), fait sourire : 0 besoin en capital.
Document non contractuel, strictement limité à l’usage privé du destinataire, les informations fournies dans ce document proviennent de sources dignes de foi mais
ne peuvent être garanties. Les appréciations formulées reflètent notre opinion à la date de publication et sont donc susceptibles d’être révisées ultérieurement.
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Le système bancaire chypriote
Mais les choses se compliquent au mois de juillet 2011. C’est un véritable feu d’artifice de mauvaises nouvelles :
le nouveau stress test de l’EBA conclut à un besoin de capital de 3,6Mds€, soit près de 20% du PIB, les
premières propositions de restructuration de la dette grecque sont mises sur la table et le principe en est acté par
l’Eurogroupe et une gigantesque explosion frappe la principale centrale du pays, détruisant 50% de la
production énergétique, ce qui conduit Moody’s à dégrader la note de la dette publique le 26 juillet !
Initialement, le chiffre de 3,6Mds€ n’apparait pas insurmontable. De janvier à juin 2011 les banques n’ont-elles
pas levé 1,5mds€ de capital, principalement (955M€) par le biais de Coco ? Hélas, l’EBA a changé d’avis et exige
maintenant du Core Tier 1, ce que les Cocos ne sont pas… L’Eurogroupe met en place son habituelle stratégie
de procrastination, mais les investisseurs n’attendent pas. Ils ont anticipé les difficultés à venir et le poids des
banques sur la dette publique. Chypre n’a plus accès aux marchés de capitaux. A l’automne 2011, les dirigeants
chypriotes se tournent vers un vieil ami de l’Est pour rembourser les échéances : la Russie prête 2,5Mds€.
Quand l’Eurozone acte définitivement la restructuration de la dette grecque, avec des décotes colossales qui
détruisent les fonds propres des banques, les politiciens sont obligés de feindre la découverte de ce que tout le
monde savait : le roi chypriote est nu. Les discussions sur un bailout complet débutent à l’été 2012. Le prêt russe a
donné du temps et les négociations avancent lentement, la perspective des élections en février 2013 n’accélérant
évidemment pas les choses.
Deux décisions importantes sont néanmoins prises à l’automne. Le chiffre de l’EBA ne correspondait qu’aux
besoins liés aux valorisations des dettes souveraines. Or, la perte enregistrée lors de la restructuration de la dette
grecque a mis en branle l’engrenage habituel des effets pro-cycliques liés aux pertes bancaires et au deleveraging. Le
marché immobilier chypriote souffre. Fin septembre, il est décidé, sur le modèle irlandais, de commander une
étude complète à un expert indépendant pour estimer les « vrais » besoins de capital. C’est Pimco qui est choisi.
Par ailleurs, un Memorandum Of Understanding est signé avec la Troika en novembre, mais son contenu est assez
inodore.
Comme dans un mauvais feuilleton, l’attention se focalise alors sur le rapport de Pimco. Quel chiffre en sortira ?
8Mds€ ? 10Mds€ ? 12Mds€ ? La spéculation va bon train et les premiers résultats ne semblent pas au goût du
gouvernement, puisqu’il décide de commander une contre-étude à Blackrock… L’expertise réelle de ces assetmanagers globaux sur le minuscule marché immobilier chypriote laisse un peu rêveur, mais peu importe, tant que
le rapport est signé d’un nom connu !
Les premiers chiffres de Pimco font état de 10,1Mds€ dans le scénario adverse (il y a aussi un scénario « de
base », à 7Mds€, mais cela fait longtemps que plus personne ne regarde les scénarios de base). Selon la presse,
l’hypothèse sous-jacente serait une chute de 40% du marché immobilier, chiffre qui fait hurler l’association
chypriote des experts de l’immobilier.
Tout cela est fort intéressant, mais que représentent 10Mds€ dans le gigantesque bourbier de la zone Euro ? Et
surtout, que représentent-ils face à l’engagement solennel pris par les dirigeants de l’Eurogroupe que la Grèce
serait un cas unique, exceptionnel, qui ne se reproduirait jamais. Le minuscule pays sera sûrement sauvé et les
investisseurs pourront passer à autre chose.
Mais rien n’est jamais simple au pays de l’Euro. Le chiffre de Pimco fait bondir le Bundestag et est rapidement
instrumentalisé par les adversaires politiques d’Angela Merkel, à moins d’un an d’une échéance électorale
majeure. Pourquoi donc ?
En novembre 2012, un soi-disant rapport secret des services secrets allemands révèle ce que tout le monde sait
depuis dix ans : le système bancaire chypriote est massivement financé par des dépôts (69Mds€) et une bonne
partie vient de l’étranger et notamment de la Russie. Il n’y a pas de chiffre officiel, mais certaines sources parlent
de 35% de dépôts russes, éventuellement déguisés en dépôts domestiques. D’ailleurs, un chiffre ne trompe pas :
malgré le risque évident qui entoure les dépôts chypriotes, le taux de fuite est très faible comparé à la Grèce. Fin
septembre 2011 les dépôts n’ont baissé que de 0,7% par rapport à fin 2010. L’argent des banques chypriotes n’est
donc pas complètement mobile… La caricature est facile : le contribuable allemand va payer pour rembourser les
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Le système bancaire chypriote
dépôts des mafieux russes venus blanchir leur argent à Chypre. Et voilà comment le petit pays, dont les besoins
financiers ressemblent à une erreur d’arrondi dans le budget de l’ESM, devient la plus grosse épine dans le pied
de Mme Merkel.
Une intense négociation démarre alors dans les coulisses et tourne autour de trois pistes :

Le modèle espagnol : financement complet des banques et du souverain avec une conditionnalité macroéconomique importante et une restructuration massive du secteur bancaire, sans toucher à la dette
senior. Les actionnaires et porteurs de dettes subordonnées pourront se consoler en se disant qu’ils
n’ont pas été traités plus mal que ceux de Bankia. Ce scénario n’aurait aucun impact systémique.

Le modèle irlandais / islandais : la récente décision du gouvernement irlandais de liquider Anglo Irish,
sous le regard désapprobateur de la BCE, n’a qu’une valeur très limitée en termes de précédent,
puisqu’Anglo est vraiment un cas unique en Europe qui concentre tous les excès de la crise. Mais la
possibilité que les négociations se terminent par une décote (forcée ou volontaire) sur les dettes seniors
des banques ne doit pas être exclue. Jeter un œil du côté de l’Islande pourrait également être une
possibilité : cette autre petite île a choisi de protéger les dépôts domestiques et de laisser les dépôts
étrangers en faillite. La création d’une bridge bank bien capitalisée qui reprendrait tous les dépôts
estampillés « Union Européenne » et délaisserait les dépôts « russes » (pour poursuivre la caricature) dans
une bad bank pourrait soulager la migraine politique de Mme Merkel.

Le modèle grec : restructuration de la dette souveraine à la mode grecque. Ce scénario nous paraît très
improbable car il renierait les engagements de l’Eurogroupe sans que cela soit nécessaire. En effet, les
finances publiques chypriotes, comme les irlandaises, sont intrinsèquement saines. Le pays est entré dans
la crise avec 45% de dette publique et n’a un déficit primaire que de 1%. Les problèmes ne viennent que
des banques : quitte à imposer des pertes aux créanciers, autant le faire au niveau des banques. Il serait
absurde de protéger les créanciers des banques et pas de l’Etat.
Le premier tour des élections a confirmé les sondages : Anastasiades a emporté 45,5% des voix et devrait
triompher. Les discussions définitives pourront alors commencer. Nous sommes relativement optimistes sur
l’issue des discussions, pour plusieurs raisons :

Tout d’abord, les derniers chiffres de Pimco qui ont fuité dans la presse sont meilleurs que prévus :
8,9Mds€ de capital. Cette baisse, inattendue, pourrait suffire à conforter la Troïka. Il est essentiel que le
chiffre ne dépasse pas 10Mds€, plafond qui figure dans le MOU.

Il y a ensuite l’éternelle question de l’indépendance énergétique de l’Europe. Chypre est assise sur des
réserves colossales de gaz initialement estimées à 300% du PIB mais dont la valeur pourrait monter à
3000% du PIB. L’enjeu géopolitique du gaz chypriote, et la mâne financière qui en découle et réduit les
problèmes financiers de l’île, augmentera considérablement lorsque l’extraction débutera.

Par ailleurs, l’Union sera vigilante sur la situation politique d’une île qui reste divisée entre deux
communautés antagonistes et qui n’a un attachement que modéré à l’Europe. Là aussi, la question du
gaz est cruciale : pour des raisons politiques, les chypriotes ont choisi d’exporter le gaz via un terminal
LNG coûteux et peu efficient qui ne génèrera du cash que dans de nombreuses années, alors qu’un
pipeline vers la Turquie aurait été plus rentable. Mais évidemment, tout ce qui touche à la Turquie est
extrêmement sensible.
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Le système bancaire chypriote

Enfin, le PSI « à la grecque » est à la fois moins rentable et plus difficile à mettre en œuvre : 55% de la
dette publique est détenue par des mains domestiques et les dettes qui ne sont pas détenues localement
sont principalement en droit anglais. Impossible de changer la loi, comme l’ont fait les grecs.
Pour toutes ces raisons, le scénario le plus probable est qu’un bailout « à l’espagnole » soit mis en œuvre avec la
possibilité que les déposants non membres de l’UE subissent aussi des pertes. Quelle que soit l’option finalement
choisie, si elle n’implique pas de restructuration de la dette souveraine, il est peu probable qu’elle ait une
implication systémique majeure. Elle laissera les grands établissements bancaires entièrement aux mains de l’Etat.
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