Prière, service et partage pour les jeunes à Taizé

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Prière, service et partage pour les jeunes à Taizé
Prière, service et partage pour les jeunes à Taizé
« La Croix » a suivi la vie de la communauté de Taizé le temps d’une journée et d’une nuit. Fondée il y a soixante-quinze ans par
Frère Roger, assassiné le 16 août 2005, elle accueille des milliers de jeunes en quête d’une expérience spirituelle unique
JEOFFREY GUILLEMARD POUR LA CROIX
01 Juillet 2015: Tous les jeunes de la communauté réalisent différents ateliers comme la cuisine, la fabrication du thé, les tâches
ménagères ou la distribution de repas. Communauté de Taizé accueille chaque semaine des milliers de jeunes du monde entier.
10 heures à l’accueil La Casa
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À l’ombre des arbres qui bordent La Casa, le premier bâtiment croisé par les personnes qui descendent du bus reliant la
gare TGV de Mâcon (Saône-et-Loire) à Taizé, Myriam, 20 ans, accueille ceux qui viennent passer quelques jours auprès
des frères de la communauté œcuménique. La plupart des 1 800 jeunes âgés de 15 à 30 ans attendus cette semaine sont
arrivés le dimanche précédent.
Arrivée des jeunes à la communauté deJEOFFREY GUILLEMARD POUR LA CROIX
Taizé. Chaque semaine, ils sont des milliers à converger ici, venant du monde entier.
Mais en ce mercredi matin, quelques personnes continuent à arriver à Taizé, où elles resteront jusqu’au dimanche
suivant; Myriam les oriente vers leur logement, toile de tente ou bungalow après qu’elles ont réglé leur participation aux
frais, qui varie selon leur pays d’origine: entre 7,50 € et 10 € pour les jeunes Français, 4 € pour ceux originaires de
certains pays de l’Est. Étudiante en droit à Rennes, Myriam, catholique, cheftaine de Guides d’Europe, participe
régulièrement à des prières œcuméniques avec une amie allemande, protestante. Celle-ci l’a accompagnée à Taizé pour
la semaine, rythmée par des temps de prière, des moments de partage autour d’un texte biblique et des services
auxquels chacun participe.
La maîtrise de l’anglais et de l’allemand de Myriam l’a conduite à passer ces temps de service à l’accueil, où elle souhaite
la bienvenue à ceux qui arrivent d’Autriche, d’Amérique latine, de Corée, de Suède ou encore de Lituanie. « Tout le
monde communique en anglais, remarque-t-elle. Ceux qui ont le plus de mal sont finalement les Français, qui se trouvent
minoritaires et maîtrisent mal cette langue… »
11 heures Cours de langue
À proximité de l’accueil, la presse du jour est proposée dans le bâtiment La Morada, là où les jeunes peuvent aussi laisser
leurs objets de valeur. Dans une pièce du bâtiment, à l’heure où une moitié des 1 800 jeunes se retrouvent, en fonction de
leur tranche d’âge, pour un temps de partage biblique, et que l’autre moitié accomplit son service quotidien, Angel donne
un cours d’anglais à quatre Latinos américains, présents pour quelques semaines dans la communauté et qui éprouvent
encore des difficultés à communiquer.
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Car, comme Angel, certains, appelés « les permanents », passent de quelques semaines à un an au service de l’accueil
des jeunes. Angel, chaleureux Mexicain de 24 ans, a connu Taizé lors d’une rencontre organisée à Mexico, en 2014.
« Cela a attiré mon attention sur la spiritualité et la vie en communauté qui lui sont propres », explique-t-il. Entré dans la
vie professionnelle depuis trois ans, il ressentait le besoin d’une coupure, pour prendre un peu de recul. Ce qui l’a mené
jusqu’aux collines bourguignonnes. Une « expérience extraordinaire », affirme-t-il, évoquant les relations nouées avec des
personnes de tous les continents.
12 heures Quand sonnent les cloches
Les cinq cloches de Taizé sonnent à la volée, appelant à la prière de midi. Elles ont pour nom « joie », « simplicité »,
« miséricorde », « témoins de paix Paul VI – patriarche Athénagoras », et « paix sur la terre ». Sur la plus grande, Frère
Roger, fondateur de Taizé en 1940, a fait ajouter l’inscription: « N’ayez pas peur », en souvenir du passage éclair à la
communauté, en 1986, de Jean-Paul II, sur la route de Paray-le-Monial.
Non loin du clocher, l’église de la Réconciliation, à l’architecture sommaire et dépouillée, aux murs de bois et au sol
tapissé de moquette, se remplit; un premier refrain s’élève, repris par les 1 800 jeunes présents, assis par terre ou
agenouillés sur un banc de prière. La prière de midi est la plus courte des trois proposées chaque jour. Comme à chaque
rendez-vous de prière, un temps de silence de plusieurs minutes suit quelques chants, une lecture de la parole de Dieu et
une prière d’intercession en plusieurs langues.
14 heures Des refrains si caractéristiques
Après un déjeuner sommaire distribué sur des plateaux-repas en un temps record, beaucoup s’adonnent, en ce jour de
canicule, à une sieste postprandiale, les uns dans leur tente, d’autres dans la fraîcheur de l’église de la Réconciliation,
des cloisons amovibles réduisant au chœur l’espace de recueillement, en dehors de la prière commune. Dans celui-ci,
une centaine de personnes se réunissent pour une répétition des chants qui seront repris lors des prochaines prières.
Quatre pupitres sont constitués pour s’approprier au mieux en version polyphonique les courts refrains répétitifs si
caractéristiques de Taizé, dont beaucoup sont dus au compositeur Jacques Berthier. Les textes sont pour la plupart des
versets tirés de la Bible, ou des phrases de grands spirituels. La répétition d’une même phrase permet de « s’imprégner et
de prendre du temps, à contre-courant de notre société qui demande toujours quelque chose de nouveau », explique
Frère Alois, prieur de la communauté qui compte une centaine de frères, dont 75 vivent à Taizé.
Les voix s’élèvent, reprenant les chants en polonais, latin ou espagnol, pendant que la chef de chœur donne ses
consignes en anglais et profite de la présence d’une Suédoise pour aider les choristes à prononcer correctement un
refrain dans sa langue.
15 h 15 L’agitation reprend
Fini le calme de l’après-déjeuner, le mouvement reprend entre l’église et le clocher, près du lieu de distribution des repas.
Myriam et ceux qui étaient de service le matin rejoignent l’église pour un temps de partage biblique, pendant que ceux qui
en ont bénéficié le matin se rendent sur leur lieu de service.
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01 Juillet 2015: Tous les jeunes de laJEOFFREY GUILLEMARD POUR LA CROIX
communauté réalisent différents ateliers comme la cuisine, la fabrication du thé, les
tâches ménagères ou la distribution de repas. Communauté de Taizé accueille chaque
semaine des milliers de jeunes du monde entier.
Ils n’ont pas choisi d’être préposés au nettoyage des sanitaires, à la cuisine à remuer des pâtes dans des marmites de
200 litres alors que la température extérieure avoisine les 40 °C, ou au ramassage des poubelles à l’aide d’une
camionnette qui sillonne les lieux. Mais ils l’acceptent volontiers. Même si Amicie, 17 ans, Française expatriée à Londres,
venue avec un groupe de son aumônerie, pince le nez en nettoyant les toilettes… « Mais les services c’est quand même
hyper bien, ça permet de rencontrer d’autres personnes! », s’exclame-t-elle.
Dans la grande cuisine de Taizé, les volontaires, soumis à des règles d’hygiène strictes, préparent un repas dans des
quantités inédites pour eux: il y a 1 800 personnes à nourrir ce soir. Au plus fort de l’été, il peut y avoir jusqu’à 3 000
jeunes par jour à Taizé. Chaque année, près d’un million de repas sortent de cette cuisine. « Chez moi, je déteste cuisiner
, s’amuse Leïla, 23 ans, protestante, permanente à Taizé depuis août 2014 et qui s’occupe de la cuisine. Au début c’était
terrible! Mais finalement, ce travail très concret me plaît. Et j’aime m’asseoir dans l’église et me dire que toutes les
personnes autour de moi ont mangé grâce à moi. »
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Généralement, il faut nourrir près deJEOFFREY GUILLEMARD POUR LA CROIX
1 800 personnes chaque soir. Au plus fort de l’été, il peut y avoir jusqu’à 3 000 jeunes
par jour à Taizé. Chaque année, près d’un million de repas sortent de la cuisine.
17 heures Un étrange breuvage
Après le « thé », breuvage au goût acidulé qu’aucun Britannique n’appellerait ainsi, des ateliers sont proposés, animés
par des spécialistes des sujets abordés. Ce jour, les jeunes peuvent réfléchir à la question du dialogue œcuménique ou à
celle des soins palliatifs et de la fin de vie.
Un peu à l’écart de la communauté, à « Wanagi Tacanku », nom amérindien signifiant « la Voie lactée » donné à
l’ancienne maison occupée par la sœur de Frère Roger – transformée depuis le mois de juin en lieu de création et
d’exposition artistiques –, Frère Steven monte un banc, aidé de Lee, un jeune paysagiste originaire du Wisconsin. Ancien
enseignant en art en Grande-Bretagne, Frère Steven, anglican, est entré à Taizé en 1982, attiré par la radicalité de la vie
en communauté et par la beauté des paysages bourguignons. « C’est ici que la solidarité a commencé à Taizé, puisque
c’est dans cette maison que la sœur de Frère Roger hébergeait les orphelins de guerre adoptés par la communauté » ,
explique-t-il. À l’entrée du lieu, Raquel, 20 ans, Portugaise, tisse un tapis. « Ici, je trouve la confiance en Dieu, en
moi-même et dans les autres », confie la jeune permanente qui a travaillé à l’ouverture de Wanagi Tacanku.
20 h 30 Bougies et chants méditatifs pour la prière du soir
Dans l’église éclairée par de nombreuses bougies, la prière du soir, la plus longue de la journée, débute. « Outre la
découverte concrète de l’œcuménisme, j’ai appris à Taizé le côté physique de la prière, avec l’agenouillement » , confie
Leïla. « Les chants méditatifs et les temps de silence, que je n’ai pas rencontrés dans l’Église réformée, me manqueront
sans doute quand je retournerai dans ma paroisse des Yvelines », poursuit-elle, tout en estimant qu’une telle expérience
ne remplace pas son Église, mais est complémentaire.
Frère Alois, agenouillé au fond du groupe des frères, propose une méditation après la lecture d’un texte de l’Évangile,
alors que se succèdent refrains et temps de silence. Cinquante minutes après le début de la prière, il se lève, quitte
l’église en tenant par la main quelques enfants présents, une tradition héritée de Frère Roger, comme un rappel de
l’attention particulière de Jésus pour les plus petits. La prière du soir est officiellement terminée. Mais les chants se
poursuivent dans l’église, jusqu’à une heure avancée de la nuit.
21 h 15 Le temps des pizzas
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Si certains prolongent la prière du soir dans l’église, d’autres se dirigent vers Oyak, une buvette où glaces, pizzas et
boissons sont vendues à prix coûtant, seul lieu de Taizé où la consommation d’alcool est autorisée. L’ambiance est
festive, légèrement à l’écart des autres endroits. Certains n’hésitent pas à entamer quelques pas de danse traditionnelle
de leur pays, encouragés par ceux qui les entourent. Des groupes se forment autour de joueurs de guitare, de cartes ou
de frisbee. À 23 h 30, l’extinction des feux est annoncée.
7 h 30 La messe pendant la douche
Alors que des files commencent à se former devant les douches qui jouxtent les tentes, une petite centaine de personnes
assistent à la messe célébrée dans la petite crypte de l’église. Comme à chaque rendez-vous de prière à Taizé,
l’atmosphère est propice au recueillement.
Présidée par un prêtre polonais qui accompagne un groupe, elle est concélébrée par cinq autres prêtres, tous eux aussi
de passage, à l’exception d’un frère de Taizé, prêtre catholique. C’est lors de cette messe matinale, où chacun récite le
Notre Père dans sa propre langue, que sont consacrées les hosties qui seront distribuées une heure plus tard à la fin de
la prière du matin, dans l’église.
8 h 15 Du pain bénit pour tous
Encore ensommeillés, les jeunes remplissent l’église alors que les frères de la communauté, en habit blanc de chœur,
s’installent devant l’autel pour la prière du matin. Chants, temps de silence, lecture de la parole de Dieu, méditation et
prière d’intercession se succèdent, avant que la communion soit distribuée « aux baptisés qui font confiance que c’est le
Christ lui-même qui se donne et que nous recevons, et qui ont le désir d’une unité visible de tous ceux qui aiment le
Christ », précise un texte affiché au fond de l’église.
Une démarche propre à Taizé, qui « n’a pas été comprise par tous, mais elle a été accueillie par beaucoup, par le pape
Jean-Paul II, par des évêques et des théologiens catholiques qui sont venus célébrer l’eucharistie à Taizé, et aussi par
des responsables d’Église protestants et orthodoxes avec lesquels Frère Roger a patiemment construit une confiance au
long des années », expliquait Frère Alois dans une interview accordée à La Croix le 7 septembre 2006.
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Les prières ont lieu trois fois par jour.Jeoffrey Guillemard pour La Croix
Chants, temps de silence, lecture de la parole de Dieu, méditation et prière
d’intercession se succèdent, dans de nombreuses langues.
À la fin de la prière, du pain bénit est donné à tous, ceux qui ont communié comme ceux qui ne communient pas. « Il
s’agit d’une tradition d’hospitalité pour tous, pratiquée par les orthodoxes chez qui l’accès à la communion est assez
restrictif, explique Frère Benoît, jeune religieux de la communauté. C’est important pour les non-baptisés et ceux qui ne se
sentent pas prêts à recevoir la communion d’avoir ce geste de partage du pain. »
10 heures Partage autour de la Bible
Après le petit déjeuner, il est l’heure pour les uns de rejoindre leur lieu de service, pour les autres de participer au partage
biblique. Alors que les 18-30 ans se retrouvent pour cela dans l’église, les 15-17 ans investissent un chapiteau, accueillis
par Frère Alcides, un Bolivien qui plaisante en espagnol avec les hispanophones avant de poursuivre en anglais. Puis
l’évangile de la femme adultère est lu, avant que Frère Alcides propose aux jeunes des pistes de réflexion sur ce récit.
Les adolescents, comme plus loin les jeunes adultes, se retrouvent ensuite en petits groupes pour échanger sur le texte.
Une réflexion qui les mènera jusqu’à la prière de midi.
Clémence Houdaille
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http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Priere-service-et-partage-pour-les-jeunes-a-Taize-2015-08-07-1342400
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