La version Browning : rentrée studieuse au Poche

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La version Browning : rentrée studieuse au Poche
Les animaux fantastiques de Véronique Vella
Delphine et Marinette sont de retour. Après Le Loup et son succès, la sociétaire
Véronique Vella se plonge à nouveau dans Les Contes du chat perché de Marcel Aymé. Une
pièce qui mêle théâtre, musique et chanson.
Lieu : Studio-Théâtre Comédie Française
Dates : jusqu’au 8 janvier
Mise en scène : Véronique Vella
Avec : Véronique Vella, Michel Favory, Cécile Brune, Alain Lenglet, Jérôme Pouly, Elsa
Lepoivre, Stéphane Varupenne, Elliot Jenicot
Belle histoire d’amitié
Ambiance
chaleureuse
au
Studio-Théâtre.
Dans
un
décor
champêtre, Delphine (Véronique Vella) et Marinette (Elsa Lepoivre) vont cacher un Cerf
(Elliot Jenicot) poursuivi dans la forêt par une meute de chiens. Avec l’aide du chien
Pataud (Jérôme Pouly), le cerf réussit à éviter le pire. L’animal sauvage accepte de
vivre chez les deux petites filles, au détriment de sa liberté mais au profit d’une
vie paisible. Participant aux tâches quotidiennes de la ferme, le cerf se lie d’amitié
avec un boeuf d’humeur toujours joyeuse (Stéphane Varupenne) et devient petit à petit
un membre de la famille.
« Marcel Aymé est un auteur profond et touchant, qui présente de
nombreuses grilles de lecture. »
« Avec Raphaëlle Saudinos, nous avons eu envie d’aller voir ce que deviennent Delphine
et Marinette une fois qu’elles
ont vu le loup » précise Véronique Vella qui avait
déjà mis en scène Le Loup de Marcel Aymé en 2009. C’est un texte qui parle de liberté
et aborde avec subtilité et philosophie la question du choix. Choisir de vivre en
sécurité ou d’être libre et en danger ? Choisir, est-ce finalement renoncer ? (La
pièce se veut simple mais soulève des questionnements dignes du bac de philo). Le cerf
fait le choix d’être en sécurité chez Delphine et Marinette, mais cet animal sauvage a
soif de liberté, quitte à y laisser sa vie.
Le cerf et le chien raconte aussi une belle histoire d’amitié, entre un cerf et un
boeuf que tout oppose. Respect de la différence, acceptation de l’autre et tolérance
sont les mots qui nous viennent à l’esprit en voyant les deux compères rire et chanter
sous la lune. C’est aussi et enfin un texte qui évoque la mort avec justesse.
Une mise en scène pétillante
Véronique Vella nous offre un charmant spectacle à mi-chemin entre le conte et la
comédie musicale. C’est une mise en scène dynamique et pétillante, un décor aux
couleurs d’une ferme familiale et d’une forêt mystérieuse. Les animaux prennent vie
sur scène : Elliot Jenicot est exceptionnel en cerf élégant avec une pointe
d’arrogance et Jérôme Pouly excellent en chien justicier. Stéphane Varupenne fait rire
toute la salle dans son rôle de boeuf joyeux, bon-vivant et naïf. Véronique Vella et
Elsa Lepoivre nous transportent en enfance avec leurs salopettes bleus et leurs
coiffures enfantines. C’est une pièce qui se déguste comme un bonbon acidulé. Au fur
et à mesure de cette heure de fantaisie, on va de surprise en surprise, de rires en
chansons.
Le cerf et le chien plaira aux familles et aux enfants. D’ailleurs, à l’entrée du
Studio-Théâtre, un petit carnet jaune sur la pièce regorge de jeux et d’anecdotes pour
les plus jeunes. Ce public que Véronique Vella refuse d’appeler « les spectateurs de
demain » car ce sont aussi ceux d’aujourd’hui, pourront prendre part au spectacle et
même s’identifier aux personnages en répondant à un petit quizz « es-tu plutôt cerf,
chien ou boeuf ? ».
Un spectacle qui fait du bien, et on en sort heureux, sourire aux lèvres, de 7 à… plus
de 77 ans. A voir jusqu’au 8 janvier au Studio-Théâtre.
La Peur de Zweig : un tourbillon d’angoisse
au Théâtre Michel
La Peur est une nouvelle de Stefan Zweig publiée dans les années 20. Irène,
trentenaire bourgeoise mariée trompe son mari qui la délaisse. Très vite, Irène croise
une jeune femme, la soi-disant femme de son amant, qui la poursuit et la fait chanter.
Irène vit dans l’angoisse que son mari découvre sa liaison.
Lieu : Théâtre Michel
Dates : jusqu’au 31 décembre
Mise en scène : Elodie Menant
Avec : Hélène DEGY, Aliocha ITOVICH, Ophélie MARSAUD
Jeu machiavélique
Avec la Peur, Zweig nous transporte au début du XXème siècle, au coeur de l’histoire
d’Irène (Hélène Degy) et de son mari Fritz (Aliocha Itovitch), jeunes bourgeois qui
semblent filer le parfait amour. Lui est avocat et passe ses journées sur de grosses
affaires.
Elle,
d’appar
ence
heureuse
et
comblée,
entretient malgré tout une liaison avec un éminent musicien, Edouard, dans le but de
combler la solitude dont elle est victime. C’est un mercredi, alors qu’elle sort de
chez son amant, qu’Irène croise le diable : une femme, Elsa (Ophélie Marsaud), qui la
menace de tout raconter à Fritz. Sa seule solution pour sauver son couple : coopérer
avec Elsa et accepter toutes ses demandes (essentiellement de l’argent). Terrassée par
la peur, Irène accepte de rentrer dans ce jeu machiavélique.
« La pièce décortique la chute lente et incontournable d’un couple dont
la communication échoue, aspiré par la spirale infernale et angoissante
du mensonge »
On est rapidement transporté par cette histoire d’une descente aux enfers. Mensonge,
manipulation, trahison : la nouvelle de Zweig est bien plus qu’un simple adultère. Il
nous plonge dans l’analyse psychologique de trois personnages : une Irène rongée par
la peur et le remord, un Fritz manipulateur et une Elsa mystérieuse et perverse.
Un univers hitchcockien
Dans
sa
mise
en
scène,
Elodie
Menant
raconte
s’être
inspirée
de
l’univers Hitchcockien. C’est une pièce dans laquelle la tension va crescendo,
entraînant le spectateur dans le tourbillon des tourmentes d’Irène. Le décor lui, est
mouvant et se transforme à mesure que les personnages dévoilent leurs multiples
facettes. Dans une ambiance totalement années 50, les comédiens sont bluffants.
Particulièrement Hélène Degy qui incarne le rôle d’Irène à la perfection, jusqu’à
l’interprétation de la psychose. Question fatidique : doit-elle avouer ou faire
perdurer son mensonge ? Peut-on vivre avec des remords ou mieux vaut-il mourir avec
eux ? Irène devra faire un choix : chuter en choisissant la vérité ou survivre avec
ses mensonges.
C’est une pièce psychologique dans laquelle le suspense reste palpable, les scènes
s’enchaînent et font monter une tension dans la salle jusqu’à la scène finale, coup de
théâtre pour ceux qui ne connaissaient pas le texte de Zweig. Un spectacle sombre et
machiavélique qui vaut le détour.
Au coeur de l’enquête avec le lieutenant
Columbo
Revivez une enquête du lieutenant Columbo sur la scène du théâtre Michel et
un
moment inédit: le premier épisode de la série à succès, appelé à l’origine «
Prescription Murder ».
Lieu : Théâtre Michel
De : Richard Levinson et William Link
Mise en scène : Didier Caron en collaboration avec Delphine Piard
Avec : Martin Lamotte, Pierre Azema, Karine Belly, Stéphane Boutet
Un brin de nostalgie
On le connaît plus communément sous les traits de Peter Falk, qui jouait le lieutenant
Columbo dans la série américaine du même nom. Pourtant, et peu de gens le savent, le
célèbre enquêteur au cigare et au trench coat était au départ inspiré d’une pièce de
théâtre. Au Théâtre Michel, la soirée est pleine de réminiscences : qui n’a pas en
tête ce personnage mythique et ses célèbres répliques ? « L’idée de retrouver Columbo
sur scène, c’est un peu comme retrouver un personnage familier (…). Un brin de
nostalgie berce ce projet » précise le metteur en scène Didier Caron.
« C’est bizarre, mais il y a encore un petit détail qui me tracasse… »
Dans cet épisode, le premier d’une longue série, le lieutenant Columbo (Martin
Lamotte) doit résoudre, comme toujours, une sale affaire. Le psychiatre Rey Flemming
(Pierre Azéma), très reconnu dans sa profession, assassine sa femme dans le but de
vivre avec sa maîtresse, une célèbre actrice (Karine Belly). Cette dernière se fait
passer pour la défunte femme du médecin afin de ne pas éveiller les soupçons, et ainsi
offrir un alibi à son amant. Mais le lieutenant Columbo, comme à son habitude, n’est
pas aussi dupe qu’il en a l’air…
Ambiance seventies
Dans l’exercice périlleux de « succéder » au charismatique et regretté Peter Falk,
Martin Lamotte est épatant. Sans être dans l’imitation, il interprète avec brio le
rôle du lieutenant tant apprécié des (télé)spectateurs. On retrouve bien sûr tous les
traits de caractères bien marqués du personnage : ses phrases hors contexte pour
dérouter son suspect, ses allusions à sa femme ou à son basset dit « Le Chien », ses
hésitations insistantes ou même son timbre de voix et ses mimiques. Mais Martin
Lamotte en fait un personnage bien à lui au gré d’une délicieuse interprétation. On
peut en dire autant de tous les comédiens : Pierre Azéma en assassin machiavélique, de
Karine Belly en maîtresse ingénue et de Stéphane Boutet, le catho bien-pensant. Dans
ce thriller comique, il n’y a pas une seule erreur de casting. La mise en scène de
Didier Caron est millimétrée : sur une musique originale (celle du générique de la
série) et dans un décor ambiance seventies, le spectateur est en immersion dans
l’univers Columbo.
Avec Columbo : Meutres sous prescription, on retourne en enfance et on redécouvre
l’authenticité de ce personnage qui a bercé une génération toute entière. Une pièce
populaire qui n’a pas pris une ride.
Gutenberg : le musical barré et endiablé !
Sam et Max, deux jeunes rêveurs idéalistes, cherchent un producteur pour le spectacle
épique qu’ils viennent d’écrire : GUTENBERG ! Le musical. Maladroits et géniaux, ils
vous offrent, presque malgré eux, une véritable performance jouant une vingtaine de
personnages, accompagnés d’un pianiste et de plein de casquettes, chacune symbolisant
un personnage. Il suffisait d’y penser.
Lieu : Sentier des Halles
Dates : jusqu’au 27 novembre 2016
Avec : Philippe d’Avilla, Sébastien Valter, Sébastien Ménard
Mise en scène : Nicolas Guilleminot
La comédie musicale pour les Nuls
C’est une comédie musicale pas comme les autres. Dans la salle confinée du sentier des
halles, on ne sait d’abord pas à quoi s’attendre. Devant nous, des comédiens et
surtout… des casquettes. Et à côté, un pianiste à l’air blasé. « Bonjour, je suis Sam,
j’ai écrit cette comédie musicale, et voici Max mon meilleur ami, qui a composé les
musiques ». Les deux personnages sont hésitants, gaffeurs, semblent inspirés par un
tome de « la comédie musicale pour les Nuls ». Les deux compères ont suivi à la lettre
la recette de la comédie musicale : trouver un héros historique, le mettre en musique
et en faire une belle histoire. Et pour cette histoire, ils ont choisi Gutenberg. Leur
rêve ? Impressionner un jour un producteur et jouer sur la scène du célèbre Mogador.
Hilarants et déjantés.
Très vite, Sam et Max nous embarquent dans leur univers complètement barré. De
casquette en casquette, ils incarnent tous les personnages d’une comédie musicale
digne de Broadway. Déjantés, les deux comédiens sont impressionnants. C’est une mise
en abyme intelligente et surtout délirante : cette comédie musicale burlesque reprend
tous les codes (bons ou mauvais) du musical à succès. Des personnages larmoyants, des
chansons entraînantes aux paroles insignifiantes (une chanson sur les biscuits, par
exemple !) ou encore une histoire d’amour impossible. Gad Elmaleh n’aurait pas mieux
imité les méchants et les gentils dans cette loufoquerie.
« Un mélange insolite des Monty Python, de South Park et de Mel Brooks »
Nicolas Guilleminot
Au-delà d’une caricature de la comédie musicale mainstream, Gutenberg est aussi le
récit d’une passion et du rêve de deux jeunes auteurs-compositeurs. Sans décor ni
costumes, Sam, Max et leur pianiste sèment le bonheur auprès de leur public. Ils
réalisent une performance incroyable, mêlant l’humour à des tours de passe-passe (de
casquette en casquette) vertigineux.
Bref, c’est une comédie musicale qui fait du bien, et qui même si elle ne joue pas
(encore) à Mogador, est à ne pas louper !
Sur la pièce…
GUTENBERG! The musical voit le jour en 2006. Il est présenté à Londres puis au
prestigieux New-York Musical Theatre Festival, où il reçoit trois prix dont celui du
meilleur livret de comédie musicale. Après plusieurs saisons dans le Off-Broadway, une
quarantaine de villes des États-Unis accueillent les casquettes de Sam et Max. Après
le Canada, la Finlande, l’Australie et la Corée du Sud, c’est au tour de l’hexagone de
découvrir pour la première fois l’histoire véritablement fausse de l’inventeur de
l’imprimerie. Adaptée par Baptiste Delval, produite par Laurent Giordanengo et mise en
scène par Nicolas Guilleminot, la version française a été créée en mai 2015 à l’Aktéon
Théâtre avant d’afficher complet au Théâtre des Brunes durant le Off d’Avignon la même
année. Après quelques dates de tournée, nos héros chercheront le producteur fictif de
leurs rêves de septembre à décembre 2016 au Sentier des Halles. En fin d’année, le
musical comptabilisera plus de soixante dix représentations en France.
Naturellement belle : une mise en beauté
fraîche et musicale
Dans un monde superficiel et standardisé, deux employés travaillent pour une agence
dont l’objectif est d’embellir à tout prix
» La Star », la rendre naturellement
belle. Alors que tout les oppose, ils se voient confier une mission spéciale dont
dépend leur avenir…
Lieu : Studio Hébertot
Dates : à partir du 10 septembre
De et avec : Rachel Pignot et Raphaël Callandreau
Big Brother est sur la scène
La comédie était déjà un succès au festival Off d’Avignon depuis 2014. Au Studio
Hébertot à Paris, l’ambiance et les rires sont également au rendez-vous. Naturellement
Belle est une comédie semi-musicale (qui alterne saynètes parlées et chantées) sur la
dictature de l’entreprise et de la beauté. Deux personnages vont devoir faire équipe
dans un challenge lancé par leur entreprise : faire augmenter considérablement la
courbe de beauté de la Star dont leur agence s’occupe. Au centre de l’histoire, un
homme, une femme et une voix. On ne connaîtra pas les noms des deux employés, histoire
d’accentuer la rigueur de cette entreprise désincarnée. La voix personnifie la
dictature du management : une voix qui rappelle les bonnes et mauvaises pratiques de
ses salariés, enlève des points sur leur carte de « légitimité professionnelle ». Big
Brother est sur scène : la jeune femme elle, est menacée d’être licenciée si sa
prochaine mission n’est pas une réussite. Quant à l’homme sans nom, caricature de
l’élève modèle coincé mais non sans humour, il va devoir se confronter au travail en
équipe pour ne pas risquer de perdre ses points. Le moindre retard, le moindre mot de
travers peut coûter cher.
« Cette pièce s’inscrit dans une dynamique de théâtre musical où l’on
retrouve les influences de la chanson et du jazz, le tout saupoudré de
duos drôles et tendres, aux couleurs des films de Jacques Demy »
Naturellement
Belle
dénonce
aussi
les
diktats
de
la
beauté.
Dans
cette
agence caricaturale, il convient d’embellir la Star par tous les moyens. Mais qu’estce que la beauté ? Est-elle liée au bonheur personnel ? N’est-elle qu’une question de
physique ? Être beau, est-ce forcément être heureux ? (des questions dignes du bac de
philo…) Madame et Monsieur vont s’embarquer dans une quête de la beauté ultime,
confronter leurs idées et brainstormer avec beaucoup, beaucoup d’humour. Lui avouera
même avoir été victime de sa beauté, jusqu’à faire une « chirurgie inesthétique » pour
qu’on l’aime pour autre chose que pour ses courbes parfaites. Tic-Tac, l’horloge
tourne, et la voix les presse pour trouver la recette du charme éternel.
Une pièce tout en légèreté
Rachel Pignot et Raphaël Callandreau sont survoltés. Dans ce décor aux couleurs
pastels et à l’ambiance sixties, leurs chansons entraînantes et acidulées nous
transportent. C’est une pièce qui fait du bien, et qui parvient tout en légèreté à
aborder
avec autant d’humour que d’intelligence des sujets complètement d’actualité.
C’est une pièce émouvante, aussi, on s’attache rapidement à ces personnages un peu
marginaux : à la naïveté et la candeur de Madame maladresses, et au caractère bougon
de Monsieur ex-canon de beauté au coeur tendre.
En bref, un spectacle séduisant et pétillant, à voir en famille !
Edmond : Alexis Michalik fait encore des
merveilles
Décembre 1897, Paris. Edmond Rostand n’a pas encore trente ans mais déjà deux enfants
et beaucoup d’angoisses. Il n’a rien écrit depuis deux ans. En désespoir de cause, il
propose au grand Constant Coquelin une pièce nouvelle, une comédie héroïque, en vers,
pour les fêtes.
Lieu : Théâtre du Palais Royal
Dates : à partir du 15 septembre
Auteur et metteur en scène : Alexis Michalik
Avec : Guillaume Sentou, Anna Mihalcea, Christian Mulot, Christine Bonnard, JeanMichel Martial, Kévin Garnichat, Nicolas Lumbreras, Pierre Benezit, Pierre Forest
Régis Vallee, Stéphanie Caillol, Valérie Vogt
Dans les coulisses d’un chef d’oeuvre
Il était tant attendu, le retour d’Alexis Michalik sur les scènes parisiennes. Après
avoir été primé de deux Molières pour
Le Porteur d’Histoire et pour le Cercle des
Illusionnistes, on se demandait comment le prodigieux Michalik allait bien pouvoir
faire mieux. Le conteur d’histoire préféré des théâtrophiles a brillamment réussi son
coup avec Edmond, une pièce originale qui raconte la genèse de Cyrano de Bergerac.
Une sublime mise en abîme et un plongeon dans les coulisses de l’écriture d’un chef
d’oeuvre de la littérature.
« Pardonnez-moi, mon ami, de vous avoir entraîné dans cette désastreuse
aventure »
Edmond Rostand à Constant Coquelin, le 27 décembre 1897.
Edmond Rostand (merveilleusement interprété par Guillaume Sentou) a seulement 29 ans,
en 1897, lorsqu’il entreprend l’écriture de Cyrano de Bergerac. Rostand ne connaît pas
la gloire, sa dernière pièce, La Princesse Lointaine, est loin d’avoir conquis le
public malgré le soutien sans faille de Sarah-Bernhardt (Valérie Vogt). Pendant ce
temps, les boulevards de Feydeau et Courteline font fureur : Le Dindon fait salle
comble. Presque par miracle, Constant Coquelin (Pierre Forest), alors directeur du
Théâtre de la Porte Saint-Martin, commande à Edmond Rostand une pièce qui devra
absolument être un succès. L’auteur n’a pas le choix, il doit conquérir son public au
risque de finir dans le registre des auteurs inconnus. En un temps record, quelques
semaines, il doit écrire une pièce en trois actes (Cyrano en fera en fait cinq).
Personne n’y croit, mais Edmond a de l’inspiration : ce sera une histoire d’amour
héroïque, bien sûr en vers, et dont l’Histoire se souviendra.
Susciter l’imagination, provoquer l’illusion
Dans le théâtre d’Alexis Michalik, il n’y a pas de têtes d’affiche, et le casting n’en
est que meilleur. Comme à son habitude, l’auteur et metteur en scène donne à ses
comédiens de multiples rôles (excepté Guillaume Sentou qui n’a « que » le rôle
d’Edmond Rostand et Pierre Forest celui de Coquelin). Ce jeu de jonglage entre les
rôles est bluffant : d’une scène à l’autre, Courteline (Régis Vallée) devient le fils
Coquelin, Feydeau (Nicolas Lumbreras) devient Tchekhov ou Maurice Ravel. Et on n’y
voit que du feu. C’est là toute la magie des textes et mises en scène d’Alexis
Michalik : susciter l’imagination, provoquer l’illusion. Les douze comédiens sont
excellents, la pièce avance avec un rythme soutenu, sans jamais perdre ses
spectateurs, et toujours avec humour.
Le 27 décembre 1897, la première de Cyrano de Bergerac au Théâtre de la Porte SaintMartin est un triomphe : pas moins de 40 rappels. Au théâtre du Palais Royal en
septembre 2016, c’est une standing ovation pour Edmond, et une envie certainement
partagée par tout le public : celle de relire Cyrano de Bergerac. Pari réussi,
Mister Michalik.
Teaser de la pièce
Politiquement correct : la romance au goût
amer de Salomé Lelouch
23 avril 2017. Coup de tonnerre pour les uns : l’extrême droite est au second tour de
l’élection présidentielle. Coup de foudre pour les autres : Mado et Alexandre se sont
rencontrés une heure avant les résultats. Ils ont parlé de tout sauf de politique.
Mado a toujours voté à gauche. Elle ignore qu’elle vient de tomber amoureuse d’un
militant d’extrême droite…
Lieu : Théâtre de la Pépinière
Ecriture et mise en scène: Salomé Lelouch
Avec : Rachel Arditi, Ludivine de Chastenet, Thibaut de Montalembert, Bertrand Combe,
Arnaud Pfieiffer
Brève de comptoir
Mado aime Alexandre, Alexandre aime Mado. Mais Mado est une bobo de la gauche bienpensante et Alexandre un militant du Front national, lui-même membre de l’équipe de
campagne de sa candidate. Sur le papier, le scénario ressemble à un plus ou moins bon
feuilleton télévisé. La programmation habituelle du théâtre de la Pépinière aurait pu
laisser croire que cette pièce sortirait des sentiers battus. Et quel dommage de la
part de Salomé Lelouch d’avoir succombé au cliché « Roméo et Juliette », dans une
pièce qui aurait pu être une réussite, quelques mois avant les prochaines
présidentielles. Résultat, c’est une histoire sans fond et sans fin, une histoire
d’amour assez creuse et dans laquelle le débat politique est presque dérangeant, tant
il frôle la brève de comptoir (mais d’ailleurs, n’était-ce pas l’effet escompté
puisque toute la pièce se passe dans un bar… ?). Alexandre cache à Mado ses
sensibilités politiques, jusqu’à ce qu’elle le découvre par elle-même et se pose la
question : puis-je aimer quelqu’un à l’encontre de mes convictions ? Bref, du Roméo et
Juliette.
Le moment n’est pas désagréable car les comédiens sont bons, voire très bons. Ludivine
de Chastenet (NDLR : que j’avais déjà adoré dans la comédie Sous les jupes) est
excellente en gaucho-révolutionnaire et fait tout de même bien rire le public dans son
débat contre un extrémiste borné et totalement cliché. Car heureusement, si le
personnage d’Alexandre est tellement lissé qu’il en paraît agréable, celui de son
meilleur ami, magistralement interprété par Bertrand Combe, arbore bien tous les
traits du fasciste au discours abject.
En définitive, Politiquement correct a tout d’une comédie romantique mais rien d’une
pièce à caractère politique. A part la fin, trop dramatique pour être vraie.
Une fin
inadaptée à l’intégralité de la pièce, qui reste très légère. Cette pièce plaira donc
à ceux qui veulent se détendre devant une histoire d’amour plus ou moins à l’eau de
rose, mais moins aux amoureux de débats politiques.
La version Browning : rentrée studieuse au
Poche-Montparnasse
À la fin des années 1940, un soir de juillet veille des résultats scolaires, le jeune
Taplow est convoqué par le professeur Crocker-Harris, figure même de l’institution
rigoriste des public schools britanniques. Il doit à contrecœur rattraper un cours de
version grecque, décisif pour son passage en classe supérieure
Lieu : Théâtre de Poche
Dates : à partir du 1er septembre
D’après Terence Rattigan mis en scène par Patrice Kerbrat
Avec : Jean-Pierre BOUVIER, Marie BUNEL, Benjamin BOYER, Pauline DEVINAT, Philippe
ETESSE, Nikola KRMINAC, Thomas SAGOLS,
Le reflet d’un siècle
Dans le décor sévère d’une public school britannique, le jeune Taplow rend visite à
son professeur de lettres classiques, monsieur Crocker-Harris. Nous sommes peu de
temps avant la fin de l’année scolaire et l’élève voudrait savoir si oui ou non, il
passe en classe supérieure. Chose difficile face à ce professeur d’une froideur
extrême, réputé pour être le « Himmler de l’école » et ironiquement appelé
« Croquignolle » par ses élèves. En attendant son professeur, Taplow l’imite non
sans mépris, devant un autre professeur qui se trouve être, en plus, l’un des
multiples amants de sa femme Millie. Trop rigide, trop coincé, Crocker-Harris semble
laisser à ses élèves un goût amer.
Derrière ce ballet de collègues, d’épouse, de collégiens et de
mesquinerie, s’ouvre un gouffre; c’est l’énigme de ce gouffre que je me
propose d’explorer – Patrice Kerbrat, metteur en scène.
Si l’histoire écrite par Terence Rattigan peut paraître anecdotique, elle est le
reflet d’un siècle durant lequel l’Angleterre a vu s’opposer les mutations sociales
d’après-guerre aux traditions britanniques bien ancrées. Les public schools, écoles
privées réservées à une petite élite et dans une desquelles se déroule l’intrigue de
la pièce, font partie intégrante de l’Angleterre traditionnelle. On pardonne donc les
quelques longueurs du début de la pièce, peut-être difficile à décrypter si l’on n’est
pas connaisseur du texte de Rattigan ou de son contexte d’écriture.
Une pièce psychologique
Plongeon dans les entrailles d’un professeur malade et légèrement névrosé. D’une
rigueur presque sans faille, Crocker-Harris laisse pourtant entrevoir les traits d’un
personnage sensible, à l’écoute de ses élèves et surtout soucieux de ce qu’ils pensent
de lui. Un amoureux d’Eschyle qui enseigne sa passion. Un perfectionniste sarcastique
et un mari qui tolère que sa femme aille voir à droite et à gauche. On apprend à
apprécier ce personnage à la rigueur anglaise, strict au premier abord mais qui peu à
peu dévoile ses faiblesses et parvient à émouvoir tout son public. Jean-Pierre
Bouvier réalise une performance impressionnante dans son rôle du Professeur CrockerHarris, Marie Bunel est tout aussi louable en femme machiavélique et perverse. On peut
en dire autant de l’intégralité du casting, les comédiens excellent.
C’est une pièce psychologique et profondément intense, dotée d’une interprétation
délicieuse. Un beau moment de théâtre à l’anglaise.
Fumiers – un OVNI au théâtre du Rond-Point
Deux voisines se déclarent la guerre autour d’une tonne de fumier déversée dans la
cour commune. Insultes, provocations : pathétique et hilarante nature humaine..
Lieu : Théâtre du Rond-Point
Dates : jusqu’au 3 juillet
De : Florence d’Arthuys, Manolo d’Arthuys
Mise en scène et interprétation : Thomas Blanchard
Avec : Flavien Gaudon,Olivier Martin-Salvan, Johanna Nizard, Christine Pignet, Julie
Pilod en alternance avec Pauline Lorillard, Anne-Élodie Sorlin
Personnages d’un troisième type.
Au milieu, un tas de fumier. Imposant, il capte l’attention, et une ombre se balade
autour, une vieille dame. De cet épisode de strip-tease, la célèbre émission de téléréalité franco-belge
« qui vous déshabille », Thomas Blanchard a fait une improbable
interprétation. Ici comme dans l’émission, les personnages sont sans fard. Ils vivent
face à nous, sont d’un naturel déconcertant (si déconcertant que certains quitteront
la salle, pas sûrs d’avoir compris la démarche artistique). Dans ce village de BriouxSaint-Juire, il y a Nicole, vieille agricultrice qui fait désormais partie du
décor. Chaque jour, elle déverse sa brouette de fumier devant la porte des époux
Dejousse, ses voisins parisiens fraîchement débarqués sur le territoire. Nicole les
déteste et leur déclare la guerre avec son comité de soutien, une bande de « ploucs »
complètement farfelus.
Thomas Blanchard et son équipe partent en quête de la source
belliqueuse, l’addiction au conflit, ce mystère de la folie guerrière,
pathétique et hilarante nature humaine (Pierre Notte)
Ces personnages d’un troisième type, auxquels s’ajoutent un journaliste de pacotille
et un Maire de village à côté de la plaque, semblent tout droit sortis d’un monde
parallèle, ils sont en fait juste sortis d’une émission de télé-réalité. Et au milieu,
gît un tas de fumier, une « montagne magique » pour Thomas Blanchard autour de
laquelle le temps s’est arrêté.
OVNI théâtral.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les comédiens incarnent leurs personnages à la
perfection. Mieux même, ils sont parfois en quasi-transe. Comparaison entre l’émission
et la pièce : on n’y voit (presque) que du feu. Mais ici le spectateur n’est pas un
téléspectateur, ce qu’il contemple ce n’est pas la réalité mais une imitation de
celle-ci. Cette ambiguïté entre le réel et la fiction fait de ce spectacle un
véritable OVNI théâtral. D’un pathétique incomparable, cette curieuse situation de
guerre au centre de laquelle se trouve un tas de fumier, interpelle tout le public.
C’est une pièce atypique, qui questionne sur la nature humaine en plus de faire rire
par sa situation grotesque. « Je crois que le théâtre déshabille la réalité » précise
le metteur en scène, comme l’émission strip-tease qui décrit in situ des situations
d »un brut inégalable.
C’est une pièce qui ne laissera personne indifférent, et qu’il faut aller voir pour sa
singularité.
Les Damnés : l’effroyablement belle mise en
scène d’Ivo van Hove
Les Damnés – d’après Visconti – mise en scène par Ivo van Hove
Au Festival d’Avignon du 6 au 16 juillet 2016 puis à la Comédie Française, salle
Richelieu du 24 septembre au 13 janvier 2017
Avec la Troupe de la Comédie Française : Sylvia Bergé, Éric Génovèse, Denis Podalydès,
Alexandre Pavloff, Guillaume Gallienne, Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, Adeline d’Hermy,
Clément Hervieu-Léger, Jennifer Decker, Didier Sandre, Christophe Montenez.
Après 23 ans d’absence, la Comédie Française fait son retour au Festival d’Avignon
avec Les Damnés, pièce mise en scène par le belge plusieurs fois primé cette
année, Ivo van Hove.
Un complot à la Macbeth
Inspiré du film de Luchino Visconti sorti sur les écrans en 1969, Les Damnés raconte
la descente aux enfers d’une famille d’industriels allemands. Le 27 février 1933,
alors qu’Hitler est chancelier depuis à peine un mois, le Reichstag prend feu. Les
nazis instrumentalisent l’incendie à des fins politiques. Dans le même temps, le Baron
Joachim (Didier Sandre), chef de la famille von Essenbeck, propriétaire de grandes
aciéries dans la Ruhr, est assassiné. Le jeune directeur des usines Herbert Thallmann
(Loïc Corbery), fervent opposant au régime nazi, est accusé à tort du meurtre de
Joachim et doit fuir en laissant sa femme Elisabeth (Adeline d’Hermy) et ses deux
filles. Friedrich Bruckmann (Guillaume Gallienne) et sa maîtresse Sophie von Essenbeck
(Elsa Lepoivre) à l’aide de son fils dégénéré Martin (Christophe Montenez), proches
des S.S, vont organiser un complot à la Macbeth pour s’emparer des usines. L’industrie
von Essenbeck devient rapidement une usine d’armement au service du régime nazi. S’en
suit une série de massacres et de crimes au sein d’une famille entièrement détruite
par le nazisme.
Bain de sang
Représenter l’horreur, personnifier la haine, montrer la mort. Ivo
van Hove a fait
fort dans cette mise en scène dérangeante des Damnés de Visconti. Dans l’enceinte de
la Cour d’honneur du Palais des Papes, les gradins tremblent à l’arrivée des premiers
personnages. Toute la pièce sera ainsi : dans une ambiance lugubre, terrorisante,
imposante. Un sol de revêtement orange figure « l’appareil bureaucratique de l’Etat »
précise Tal Yarden, responsable vidéo du spectacle.
Sur fond d’images documentaires,
les comédiens font revivre des épisodes clés de l’Allemagne de 1933-1934 : l’incendie
du Reichstag, les autodafés allemands ou la Nuit des longs couteaux symbolisée par un
épisode sanglant dans lequel Konstantin von Essenbeck (Denis Podalydès), membre de la
S.A, après une beuverie démente et obscène, termine dans un bain de sang. C’est un
spectacle effroyable mais criant de vérité.
La mort en direct
Dans cette mise en scène magistrale, Ivo van Hove fait vivre à son public la mort en
direct et sur écran géant. A chaque personnage qui meurt, la cérémonie, comme un
véritable rituel, se répète : les comédiens se rassemblent, raides, le regard vide.
L’un s’avance vers la mort, des cercueils disposés côté cour, le visage blafard. Sur
l’écran géant, le spectateur le suit jusqu’à l’agonie, pendant que la pièce reprend
sur scène. C’est un schéma répétitif, évoquant la mort à la chaîne, une mort anonyme
et violente. Du début à la fin tragique et puissante des Damnés, la tension est
palpable. L’ambiance musicale y joue aussi pour beaucoup : du quatuor de saxophones
installé auprès des cercueils, à l’utilisation du groupe de métal allemand Rammstein,
la musique fait partie intégrante du spectacle. Selon ses maîtres d’oeuvre, on
retrouve dans cette musique « la volonté de créer de nouveaux moyens de destruction
massive ».
Jusqu’à la scène finale d’une violence monstrueuse, c’est un silence complet dans la
cour du Palais des Papes. Puis c’est une standing ovation pour la troupe de la Comédie
Française (tous excellentissimes) et pour Ivo van Hove et son équipe. Plus que
dérangeante, les Damnés laisse à son public un goût amer, mais c’est l’effet escompté.
Attendons de voir comment cette mise en scène sera adaptée en salle Richelieu, à la
rentrée.