les tumeurs parotidiennes : etude epidemio

Transcription

les tumeurs parotidiennes : etude epidemio
ORL
Revue Marocaine du Cancer 2010 ; 4 : 45-50
Article Original
LES TUMEURS PAROTIDIENNES : ETUDE EPIDEMIO-CLINIQUE ET APPORT
DE L’IMAGERIE DANS LE DIAGNOSTIC
M. FASSIH, I. LALYA, A. ABADA, S. ROUADI, F. KADIRI
Service d’ORL et de Chirurgie Cervico-Faciale, Hôpital 20 Août, Casablanca, Maroc
RESUME
ABSTRACT
Les tumeurs des glandes salivaires sont relativement rares, dominées
en fréquence par les tumeurs parotidiennes. Elles sont caractérisées
par une grande diversité morpho-histologique. Les formes bénignes
sont les plus fréquentes dominées par l’adénome pléomorphe. Le
traitement demeure chirurgical en premier lieu. Néanmoins, la
complication majeure de cette chirurgie reste la paralysie faciale
pouvant être transitoire ou permanente.
But : le but de ce travail est d’analyser, chez 86 patients suivis et
traités pour tumeur parotidienne, les différents aspects épidémiocliniques et histologiques, d’illustrer l’apport de l’imagerie dans la
différenciation entre tumeur maligne et tumeur bénigne, et enfin
de comparer nos résultats à ceux de la littérature.
Matériel et méthodes : il s’agit d’une étude rétrospective à propos
de 86 cas de tumeurs des glandes salivaires sur une période de 3
ans : d’avril 2007 à avril 2010, au sein du Service d’ORL et de
Chirurgie Cervico-Faciale à l’Hôpital 20 Août de Casablanca. Les
paramètres étudiés étaient l’âge, le sexe, le motif de consultation,
les données de l’examen clinique, les données de l’imagerie
(échographie, TDM et IRM), le type d’intervention chirurgicale
réalisée et les résultats de l’histologie.
Résultats : l’âge moyen de nos patients était de 51 ans, une
prédominance féminine était retrouvée avec un sex-ratio de 0,69.
La malignité était suspectée cliniquement devant une masse dure,
douloureuse, associée à une paralysie faciale. Une corrélation entre
le diagnostic radiologique et le diagnostic histologique a permis de
calculer la sensibilité, la spécificité et l’efficacité diagnostique de
chacune des 3 méthodes diagnostiques : l’échographie, la TDM et
l’IRM. La parotidectomie superficielle ou totale avec conservation
du nerf facial a été réalisée chez 93% des patients. Le curage
ganglionnaire fonctionnel a été associé chez 9 patients (10,5%).
L’histologie était dominée par les tumeurs bénignes : 89,5% des
cas, avec comme chef de fil l’adénome pléomorphe. Alors que les
tumeurs malignes ne représentaient que 10,5%.
Conclusion : en vue des résultats de notre série et de ceux de la
littérature, la connaissance préalable du type histologique influence
incontestablement la prise en charge des malades avec tumeur
parotidienne, ce qui souligne la place importante qu’occupe
l’imagerie dans l’évaluation préopératoire de ces tumeurs.
PAROTID TUMORS : EPIDEMIOCLINICAL STUDY AND
CONTRIBUTION OF THE IMAGING IN THE DIAGNOSIS
The salivary gland tumors are relatively rare, dominated by the
parotid tumors. They are characterized by great morpho-histological
diversity. Pleomorphic adenoma is the most frequent. The treatment
of these tumors is surgical at first. Major complication of this surgery
is facial palsy.
Objective : the purpose of this study was to analyze clinical
presentation, and histopathology of 86 patients treated for a parotid
tumor. The contribution of imaging in the differentiation between
malignant and benign tumors was illustrated.
Materials and methods: we retrospectively reviewed the charts of
86 patients who underwent parotidectomy from april 2007 to april
2010. Data including age, sex, clinical signs, histology and imaging
data (ultrasound, CT-scan and MRI) were collected from medical
records.
Results: the mean age was 51 year-old, a female predominance
was found with a sex-ratio of 0.69. Of the total, 89.5% had benign
lesions, 10.5% had malignant tumors. The most common benign
tumor was pleomorphic adenoma. The correlation between
radiological and histological diagnosis was analysed. Sensitivity,
specificity, and accuracy of each of the 3 diagnostic methods
(ultrasound, CT-scan and MRI) have been calculated. The superficial
or total parotidectomy with facial nerve preservation was achieved
in 93% of patients. Lymph node dissection was associated in 9 cases
(10,5%).
Conclusion : given the results of our series and those in the literature,
prior knowledge of the histological type influences the management
of these patients. Therefore, imaging has un important place in the
preoperative evaluation of these tumors.
Key words : salivary gland tumors, parotid gland, malignant tumor,
benign tumor, pleomorphic adenoma, ultrasound, CT-scan, MRI,
parotidectomy, facial nerve
Mots clés : tumeurs des glandes salivaires, glande parotide, tumeur
maligne, tumeur bénigne, adénome pléomorphe, échographie, TDM,
IRM, parotidectomie, nerf facial
Correspondance : Dr. M. FASSIH. Service d’ORL et de Chirurgie
Cervico-Faciale, Hôpital 20 Août, Casablanca, Maroc. E-mail :
[email protected]
45
Les tumeurs parotidiennes : étude épidémio-clinique et apport de l’imagerie dans le diagnostic
INTRODUCTION
M. FASSIH et coll.
Tableau I. Répartition des tumeurs des glandes salivaires
en fonction de la localisation (n = 106)
La pathologie tumorale des glandes salivaires demeure
relativement rare représentant 3 à 4% de l’ensemble des
tumeurs de la tête et du cou. Leur localisation parotidienne
est prédominante. Elles se caractérisent par une grande diversité
morphologique et histologique, mais ce sont les formes
bénignes qui prédominent avec en chef de file l’adénome
pléomorphe. Le mode de révélation le plus fréquent est une
tuméfaction cervicale de la loge parotidienne.
Localisation
Nombre
%
Glande parotide
86
81
Glande submandibulaire
11
10
Glandes accessoires
9
9
Tableau II. Répartition des tumeurs parotidiennes en fonction de l’âge
Les examens complémentaires, en l’occurrence l’imagerie,
sont devenus de véritables outils diagnostiques, d’une part,
pour préciser le siège exact de la lésion, son extension aux
tissus avoisinants et, d’autre part, pour prédire la nature
maligne ou bénigne de la lésion.
L’échographie, couplée ou non à la cytoponction, la TDM et
l’IRM sont les méthodes les plus fréquemment utilisées ;
cependant, l’efficacité de chacune dans l’évaluation de la
nature de la tumeur n’est pas encore bien définie. L’examen
extemporané est d’un grand apport pour guider l’attitude
chirurgicale. Toutefois, seule la parotidectomie exploratrice
couplée à un examen anatomopathologique permet d’affirmer
la nature histologique exacte de la lésion.
Age moyen
Tranche d’âge
plus touchée
Extrêmes
Tumeurs bénignes
40 ans
30-40 ans
(56%)
9-87 ans
Tumeurs malignes
61,7 ans
50-60 ans
(55%)
12-87 ans
51 ans
30-40 ans
(50%)
9-87 ans
Tumeurs de la parotide
2. Clinique
Les signes fonctionnels ayant amené les patients à consulter
étaient par la constatation d’une tuméfaction cervicale dans
tous les cas. Le délai de consultation variait de 2 mois à 17
ans, il était plus important pour les tumeurs bénignes avec un
délai moyen de 3 ans 8 mois (tableau III). A l’examen clinique,
une tuméfaction parotidienne unilatérale a été palpée chez
tous les patients. Elle était de siège droit dans 60% des cas.
Sa consistance était ferme dans 47 cas, dure dans 32 cas et
molle dans 7 cas. Elle s’associait à une adénopathie cervicale
dans 29 cas, une paralysie faciale dans 3 cas, et des douleurs
cervicales dans 28 cas. L’examen endobuccal a montré un
bombement de la paroi latérale de l’oropharynx chez un
malade. L’examen de l’orifice du canal du sténon était sans
anomalies chez tous les malades. La taille moyenne clinique
de la tuméfaction était de 1,7 cm, avec des extrêmes allant de
1 à 8 cm.
MATERIEL ET METHODES
C’est une étude rétrospective portant sur 86 patients ayant été
suivis et traités pour une tumeur de la parotide. La série a été
colligée sur une période de 3 ans, allant d’avril 2007 à avril
2010, au Service d’ORL et de Chirurgie Cervico-Faciale à
l’Hôpital 20 Août de Casablanca.
Les paramètres étudiés étaient l’âge et le sexe du patient, le
motif et le délai de consultation. L’ensemble des caractéristiques
cliniques de la tuméfaction ont été étudiées et corrélées aux
données de l’histologie.
Quant aux données de l’imagerie, pour chaque méthode
diagnostique, nous avons corrélé le rapport des radiologues
concernant la nature de la tumeur, aux résultats de l’histologie
définitive, et nous avons calculé la sensibilité, la spécificité
et l’efficacité diagnostique de chaque méthode diagnostique.
Tous nos patients ont bénéficié d’un traitement chirurgical
sur la tumeur avec ou sans geste ganglionnaire associé.
Tableau III. Délai de consultation en fonction de la nature de la tumeur
RESULTATS
1. Epidémiologie
Délai moyen
Extrêmes
Tumeur bénigne
3 ans 8 mois
4 mois - 17 ans
Tumeur maligne
7 mois
2 mois - 2 ans
L’étude clinique des caractéristiques de la tuméfaction et la
comparaison avec les résultats de l’histologie en utilisant le
test du chi carré, a permis de constater que seulement la
présence de quelques symptômes prédisent le caractère malin
de la masse : la paralysie faciale, le caractère dur et fixe de
la masse, et la douleur sont des indicateurs statistiquement
significatifs de malignité (p < 0,05) (tableau IV). La présence
d’adénopathies (ADP) n’est pas en faveur de la malignité.
La localisation parotidienne représentait 81% de l’ensemble
des tumeurs des glandes salivaires (n = 106), 10% des tumeurs
étaient localisées dans la glande submandibulaire (tableau I).
L’âge moyen de nos patients était de 51 ans avec des extrêmes
allant de 9 à 87 ans. Il était plus élevé pour les tumeurs
malignes (61,7 ans). Le pic de fréquence était constaté au
niveau de la 4ème décade (50% des malades) (tableau II). Le
sex-ratio était de 0,69 avec une prédominance féminine (59%
des cas).
46
Revue Marocaine du Cancer 2010 ; 4 : 45-50
L’IRM a été demandée chez 15 patients, le diagnostic apporté
par l’IRM était concordant avec les résultats anatomopathologiques dans 100% des cas.
Tableau IV. Caractéristique cliniques des tumeurs bénignes et malignes
Caractéristiques
de la tuméfaction
Tumeur bénigne
N=77
Tumeur maligne
n=9
Valeur du p
(X2 test)
Consistance dure
ferme
molle
24
46
7
8
1
-
0,01
Limites nette
mal définie
50
27
3
6
0,20
Mobile
Fixe /2 plans
52
25
3
6
0,01
Douleur
22
9
0,001
Paralysie faciale
0
6
0,001
ADP
27
6
0,10
Tableau VII. Corrélation entre diagnostic
de l’IRM - résultat de l’histologie
Diagnostic
radiologique
L’échographie était l’examen radiologique le plus pratiqué.
Elle a été réalisée chez 62 malades (74,7%), 51 images
échographiques étaient interprétées comme bénignes par les
radiologues devant le caractère hypoéchogène, les limites
nettes et les contours réguliers ou lobulés de la tumeur, dont
1 était maligne à l’histologie définitive, c’était un carcinome
mucoépidermoïde. Par ailleurs, parmi les 11 diagnostics en
faveur de la malignité, suggérés par les radiologues devant
les limites floues et irrégulières de la masse, et la présence
d’ADP, 8 tumeurs (72,7%) étaient bénignes, l’adénome
pléomorphe a été retrouvé dans 6 cas (tableau V). La
discordance entre les résultats de l’histologie et ceux de
l’échographie était notée dans 14,5% des cas.
n=8
Tumeurs bénignes
n=1
n = 50
Tumeurs malignes
n= 6
n=6
Tumeurs bénignes
n=3
n = 34
n=0
n= 6
5. Histologie
Parmi les 86 tumeurs parotidiennes, seulement 9 (10,5%)
étaient malignes 77 (89,5%) étaient bénignes. Le type
histologique le plus fréquent dans le groupe des tumeurs
bénignes était l’adénome pléomorphe (71,4%), suivi du
cystadénolymphome (8%). Pour les tumeurs malignes, aucune
prédominance d’un type histologique n’a été notée.
Diagnostic histologique
Tumeurs bénignes
N = 40
Tumeurs bénignes
Les complications immédiates étaient à type de paralysie
faciale chez 3% des patients ayant eu une parotidectomie avec
conservation du nerf facial.
Tableau VI. Corrélation entre diagnostic
de la TDM - résultat de l’histologie
Tumeurs malignes
N=9
n=0
Tous les patients de notre étude avaient bénéficié d’une
cervicotomie. Il s’agissait, en effet, d’une parotidectomie exofaciale dans 55 cas, soit 64%, une parotidectomie totale
conservatrice dans 22 cas, soit 25,5%, une parotidectomie
totale non conservatrice dans 6 cas, soit 7%, et une kystectomie
dans 3 cas, soit 3,5%. Un curage fonctionnel a été associé en
cas de tumeurs malignes dans 9 cas (10,5%). Un examen
anatomopathologique extemporané a été fait chez 28 patients
(32,5%) : cet examen avait répondu “bénin” dans 20 cas, soit
71,5% des cas, “malin” dans 8 cas, soit 28,5% des cas.
Toutefois, une discordance entre les résultats de l’examen
extemporanée et l’examen anatomopathologique définitif a
été noté dans 2 cas (7%) : il s’agit d’un lymphome type MALT
dans le 1er cas dont l’extemporané était en faveur de la
bénignité, et d’un adénome pléomorphe dont l’extemporanée
avait répondu tumeur maligne.
La TDM a été réalisée chez 49 malades (57%). Le diagnostic
radiologique était correct dans la détection de malignité dans
67%, une discordance entre les résultats du scanner et ceux
de l’étude anatomopathologique a été notée dans 18,3% des
cas : 3 des tumeurs malignes histologiques ont été faussement
interprétées comme tumeurs bénignes par le scanner, il
s’agissait d’un carcinome mucoépidermoïde, d’un lymphome
et d’une métastase ganglionnaire. Par ailleurs, le scanner était
en faveur de la malignité dans 6 tumeurs qui se sont révélées
bénignes à l’histologie (tableau VI). L’adénome pléomorphe
était le plus représenté (4 cas).
Diagnostic
radiologique
n= 9
4. Traitement
Diagnostic histologique
Tumeurs malignes
Tumeurs bénignes
N=4
N = 58
n= 3
Tumeurs malignes
L’efficacité diagnostique était de 85,5% pour l’échographie,
81,6% pour la TDM et 100% pour l’IRM.
Tableau V. Corrélation entre diagnostic
échographique - résultat de l’histologie
Tumeurs malignes
Tumeurs bénignes
N=6
Se basant sur ces résultats, cette étude a essayé de déterminer
l’efficacité de chaque méthode d’imagerie dans la
différenciation entre tumeur maligne et tumeur bénigne : le
diagnostic proposé par l’échographie était correcte pour la
détection de malignité dans 75% (sensibilité). La spécificité
était de 86,2%. Concernant la TDM, la sensibilité était de
67%, la spécificité était de 85%.
3. Imagerie
Diagnostic
radiologique
Diagnostic histologique
Tumeurs malignes
N=9
47
Les tumeurs parotidiennes : étude épidémio-clinique et apport de l’imagerie dans le diagnostic
lymphomes, les carcinomes épidermoïdes et les tumeurs
indifférenciées. Dans notre série, une tumeur maligne était
suspectée devant une masse dure et fixe, s’associant à une
parésie faciale et des douleurs, seulement ces critères sont
des indicateurs statistiquement significatifs de malignité.
10,50%
Tumeurs bénignes
Tumeurs malignes
L’adénome pléomorphe, représentant le contingent prédominant
des tumeurs bénignes, a été suspecté devant une tuméfaction
grossièrement arrondie, bien limitée, de consistance ferme
qui a augmenté progressivement de taille. Toutefois, leur
valeur diagnostique n’est pas absolue. Spiro rapporte 9% de
tumeurs malignes évoluant depuis plus de 10 ans [6, 7]. Dans
notre série, le délai de consultation maximal pour les tumeurs
malignes était deux ans.
89,5%
Fig. 1. Répartition des tumeurs parotidiennes selon la nature histologique
Sur le plan paraclinique, la sensibilité de l’échographie dans
la détection des tumeurs du lobe superficiel est voisine de
100% [8], concernant la distinction entre lésion glandulaire
et extra-glandulaire, l’efficacité diagnostique de l’échographie
était de 95% voire 100% des cas selon Fontanel [3].
L’échographie permet d’orienter vers la malignité dans 80%
des cas [8]. Dans notre étude, les critères de malignité sur
lesquels se sont basés les radiologues, étaient les limites floues,
irrégulières et la présence d’ADP. Pour Burke [9], c’est le
caractère mal défini, hypoéchogène et hétérogène de la masse,
avec un renforcement postérieur, qui suggèrent la malignité.
Notre étude a démontré que l’échographie n’est nullement
inférieure à la TDM dans l’évaluation de la nature de la
tumeur ; à l’inverse, la capacité de l’échographie à détecter
les tumeurs malignes était légèrement supérieure à celle de
la TDM : sensibilité à 75% pour l’échographie versus 67%
pour la TDM. La discordance entre les résultats de l’histologie
et ceux de l’imagerie a concerné 14,5% des cas pour
l’échographie, et 18% pour la TDM. Pour Rudack [10],
l’échographie était comparable aussi bien à la TDM qu’à
l’IRM en matière de distinction entre tumeur maligne et
bénigne, il n’y avait pas de différence statistiquement
significative entre la sensibilité et la spécificité de chacune
des modalités diagnostiques (tableau IX). Ces résultats sont
expliqués en partie par le fait que la plupart des tumeurs sont
aux dépens du lobe superficiel de la parotide, qui sont très
bien explorées par l’échographie. Gritzmann [12] a démontré
dans son étude rétrospective de 287 cas, que l’échographie
peut analyser les tumeurs superficielles de la parotide avec
la même précision que la TDM et l’IRM. Les limites de
l’échographie sont représentées par les tumeurs de dimensions
importantes, les tumeurs aux dépens du lobe profond et du
prolongement parapharyngé [13, 14].
Tableau VIII. Distribution du diagnostic histopathologique
dans 86 cas de tumeurs de la parotide
Tumeurs
M. FASSIH et coll.
Diagnostic histologique
Nombre
%
Tumeurs bénignes
(N = 77)
Adénome pléomorphe
Cystadénolymphome
Lipome
Lymphangiome
Hémangiome
Kyste hydatique
55
6
5
6
2
1
71,4
8
6,5
8
2,5
1,3
Tumeurs malignes
(N = 9)
Carcinome adénoïde kystique
Carcinome mucoépidermoïde
Carcinome épidermoïde
Liposarcome
Métastase ganglionnaire
(carcinome épidermoïde pavillon)
Lymphome
Adénocarcinome polymorphe
de bas grade
Adénocarcinome canalaire
1
1
1
1
1
11
11
11
11
11
2
1
22
11
1
11
DISCUSSION
Les tumeurs des glandes salivaires constituent moins de 1%
de l’ensemble des tumeurs, la parotide est la glande la plus
fréquemment atteinte, soit 90% des tumeurs des glandes
salivaires principales [1]. Ces tumeurs touchent
préférentiellement l’adulte et le sujet âgé [2] ; selon certains
auteurs, l’âge moyen d’apparition de ces tumeurs était de 45
ans et le pic de fréquence était constaté entre la 5ème et la 6ème
décade [3]. Les tumeurs parotidiennes touchent indifféremment
les deux sexes [3, 4]. Dans notre série, l’âge moyen était de
42 ans et on a révélé une prédominance féminine avec un sexratio de 0,69. Ces tumeurs restent rares chez l’enfant chez qui
selon Triglia, une tumeur sur trois est maligne et sont dominées
par les tumeurs mésenchymateuses surtout le
rhabdomyosarcome [4]. Dans notre série, le lymphangiome
kystique était prédominant chez les enfants.
Tableau IX. Comparaison de nos résultats
avec les données de la littérature
La malignité des tumeurs parotidiennes peut être suspectée
en se basant sur un faisceau d’arguments cliniques et
d’imagerie. Sur le plan clinique, la douleur, la paralysie faciale
et l’atteinte ganglionnaire doivent attirer l’attention du clinicien
[1]. Selon Jouzdani [5], Certains signes cliniques ont été
associés à la malignité : masse dure (48%), paralysie faciale
(21%), adénomégalie (11,5%), invasion cutanée (5,5%).
L’augmentation rapide de taille oriente plutôt vers les
48
Kim [11]
Rudack [10]
Nos résultats
Sensibilité
Echographie
TDM
IRM
93%
83%
88%
91%
98%
75%
67%
100%
Spécificité
Echographie
TDM
IRM
61%
63%
54%
57%
52%
86,2%
85%
100%
Revue Marocaine du Cancer 2010 ; 4 : 45-50
La TDM complète l’exploration du lobe profond de la parotide,
et précise la topographie des lésions et leur extension
locorégionale. Elle atteste de l’agressivité de certaines tumeurs
malignes et l’envahissement des tissus de voisinage notamment
les structures osseuses (base du crâne, branche montante de
la mandibule). Toutefois, il n’existe pas de critère
tomodensitométrique spécifique de la nature de la tumeur
parotidienne [3, 15]. Selon Akkari [1], l’aspect hétérogène de
la masse, ses limites irrégulières, le rehaussement massif à
l’injection du produit de contraste et la présence d’adénopathies
satellites étaient en faveur de la nature maligne. Cependant,
la valeur diagnostique de bénignité ou de malignité de l’IRM
reste meilleure [16, 17]. Selon Devos [18], les performances
diagnostiques de l’IRM par rapport à l’étude histologique,
étaient les suivantes : sensibilité = 79% ; spécificité = 100%.
Une discordance entre les résultats de l’imagerie et ceux de
l’étude anatomo-pathologique n’a concerné que 4,3% des cas
; dans notre série, le rapport de l’IRM était concordant avec
les résultats anatomopathologique dans 100% des cas en terme
de différenciation entre tumeur bénigne et maligne. Notre
constat s’accorde avec plusieurs études [19, 20] qui ont prouvé
que l’IRM représente la méthode de choix pour l’exploration
des tumeurs des glandes salivaires. Outre sa capacité de
déterminer le siège exact intra ou extra-glandulaire de la
tumeur, d’étudier le lobe profond de la parotide et l’extension
tumorale précise en profondeur vers les tissus adjacents, elle
offre une meilleure approche des lésions grâce aux coupes
coronales et sagittales qu’elle procure, qui représente un
avantage par rapport à la TDM [11]. L’IRM apporte un critère
supplémentaire pour différencier une tumeur bénigne d’une
tumeur maligne qui est l’intensité de la lésion en T1 et en T2.
Joe et Westesson [21] ont indiqué que les carcinomes paraissent
en hyposignal et en signal intermédiaire. D’autres séries ont
démontré que seuls les carcinomes de haut grade obéissent
à cette règle, les carcinomes de bas grade paraissent en
hypersignal en T2 simulant une tumeur bénigne [22, 23]. Dans
notre étude, 8 parmi les 9 tumeurs malignes diagnostiquées
en IRM, étaient en hyposignal ou en signal intermédiaire en
T1 et en T2. Au terme de ce travail, on peut déduire que
l’échographie devrait être l’examen initial à réaliser devant
la palpation d’une masse aux dépens des glandes salivaires.
L’IRM trouvera son indication lorsque les renseignements
apportés par l’échographie sont insuffisants pour le chirurgien.
sont de deux ordres : non spécifiques à type d’hématomes et
d’infections et spécifiques de la chirurgie parotidienne à type
de paralysie faciale, de syndrome de Frey et de fistules
salivaires [24].
Le traitement des tumeurs parotidiennes est avant tout
chirurgical. Plusieurs variétés de parotidectomies peuvent être
adoptées : superficielle ou exo-faciale, totale ou élargie. Les
indications thérapeutiques doivent tenir compte de la nature
histologique, du siège et du volume tumoral, de l’âge du
patient et des résultats de l’examen histologique extemporané.
La dissection complète du nerf facial et de ses branches doit
toujours être tentée mais en cas de grosses tumeurs infiltrant
le nerf facial, celui-ci est sacrifié. Le traitement des aires
ganglionnaires dépend de la nature histopathologique de la
tumeur, de son degré de malignité et de la présence d’ADP.
Un évidement ganglionnaire est nécessaire dans les
adénocarcinomes, les carcinomes muco-épidermoïdes de haut
grade et les carcinomes épidermoïdes. Il peut être radical,
fonctionnel ou triangulaire. Les complications postopératoires
La distinction entre tumeur maligne et tumeur bénigne est
parfois difficile surtout pour les tumeurs malignes de bas
grade qui sont difficiles à différencier des tumeurs bénignes ;
mais aussi pour les adénomes pléomorphes de grandes taille
et anciens qui sont difficilement distingués des tumeurs
malignes. D’où la nécessité de développer et généraliser les
nouvelles techniques dynamiques de l’IRM telles que la
mesure du coefficient de diffusion et la MR spectroscopie qui
ont démontré des résultats prometteurs en matière de
différenciation entre tumeur maligne et tumeur bénigne, et
même dans le diagnostic étiologique : différencier entre
adénome pléomorphe et tumeur de Warthin, et entre ces deux
entités et les tumeurs malignes.
Notre série a recensé 86 cas de tumeurs parotidiennes dont
77 étaient bénignes et 9 malignes. Dans la littérature, les
tumeurs bénignes représentent les trois-quarts de l’ensemble
des tumeurs alors que celles malignes n’en représentent que
le quart [25]. L’adénome pléomorphe est la tumeur parotidienne
bénigne la plus fréquente. Cette entité représente 65 à 75%
de l’ensemble de toutes les tumeurs parotidiennes. Cependant,
la possibilité de transformation maligne des adénomes
pléomorphes a été notée dans 2 à 9% des cas [26]. Dans notre
série, l’adénome pléomorphe représentait 71,4% des tumeurs
bénignes. Aucun cas de dégénérescence maligne n’a été noté.
Le cystadénolymphome représente 14% des tumeurs
parotidiennes bénignes et 5 à 10% des tumeurs de la parotide
[26]. C’est la 2ème tumeur par ordre de fréquence après
l’adénome pléomorphe. Notre étude en a recensé 6 cas soit
8% des tumeurs bénignes. Les tumeurs parotidiennes malignes
sont relativement rares représentant 8 à 25% de toutes les
tumeurs parotidiennes et 0,3% de l’ensemble des cancers de
l’organisme [3]. Par ordre de fréquence, les adénomes
pléomorphes dégénérés arrivent en tête avec les tumeurs
mucoépidermoïde (46% des tumeurs malignes), suivies par
les cylindromes (15%) [3]. Dans notre série, nous n’avons
observé aucune prédominance d’un type histologique : 1 cas
de carcinome mucoépidermoïde et un cas de carcinome
adénoïde kystique. Les lymphomes représentent 16% des
tumeurs malignes des glandes salivaires pouvant se développer
aux dépens du système MALT intra-glandulaire ou aux dépens
du système lymphoïde des ganglions péri et intra-glandulaires
[27]. Notre étude comportait deux cas de lymphome malin
type MALT.
CONCLUSION
L’évaluation précise préopératoire des tumeurs des glandes
salivaires est devenue un véritable challenge pour les ORL
et les radiologues, pour préciser le siège exact de la masse,
l’extension précise aux tissus avoisinants, pour prédire la
nature de la lésion, et guider ainsi la décision thérapeutique.
49
Les tumeurs parotidiennes : étude épidémio-clinique et apport de l’imagerie dans le diagnostic
M. FASSIH et coll.
REFERENCES
15. Urwald O. Les tumeurs de la parotide, notre attitude thérapeutique
à propos de 185 cas. Thèse de Médecine, France : Reims 2001.
1.
Akkari K, Chnitir S, Mardassi A, Sethom A, Miled I, Benzarti
S, Chebbi MK. Les tumeurs parotidiennes : à propos de 43 cas.
J Tun ORL 2007 ; 18 : 29-33.
2.
Christian G. Parotid carcinoma : impact of clinical factors on
prognosis in a histologically revised series. Laryngoscope 2003;
113 : 1411-7.
16. Beltaief N, Tababi S, Atallah S, Ben Mansour MH, Ouertatani L,
Charfi A, Zainine R, Kharrat S, Trabelsi S, Sahtout S, Besbes
G. Les tumeurs malignes de la Parotide. J Tun ORL 2007 ; 18 :
25-8.
3.
17. Raine C, Saliba K, Chippindale A J, McLean N R. Radiological
imaging in primary parotid malignancy. Br J Plastic Surg 2003;
56 : 637-43.
Fontanel J, Poitout F, Klossek J. Tumeurs des glandes salivaires.
EMC-otorhino-laryng (Paris, France), 20628-B10-1995, 10.
4.
Aloui D. Les tumeurs parotidiennes de l’enfant, à propos de 12
cas. Thèse de Médecine ,Tunis 2002.
18. Devos M, Guilleré F, Messaoudi L, Guldmann R, Aloui F, Debry
C . La place de l’IRM dans les tumeurs parotidiennes. Le Guide
de la Santé en Algérie. 29-06-2009.
5.
Jouzdani E. Les cancers primitifs de la parotide : étude de survie
et facteurs pronostiques : à propos de 102 cas. Le Guide de la
Santé en Algérie. 29-06-2009.
19. Casselman JW, Mancusso AA. Major salivary gland masses:
comparison of MR imaging and CT. Radiology 1987 ; 165 :
183-9.
6.
Carrerall M, Erringoton RD. The implication of improved
treatment of malignant salivary gland tumors by fast neutron
radiotherapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1981 ; 7 : 1737- 8.
20. Barsotti JB, Westesson PL, Coniglio JU. Superiority of magnetic
resonance over computed tomography for imaging parotid
tumor. Ann Otol Rhinol Laryngol 1994 ; 103 : 737-40.
7.
Ben Gamra O, Mbarek Ch, Zribi S, Ben Ali S, Hriga I, Hammami
B, Toumi S, Chedli A, Ayed MB, Aelkhedim. Les tumeurs
malignes de la parotide J Tun Orl 2004 ; 13 : 9-11.
21. Joe VQ, Westesson P. Tumor of the parotid gland : MRI
characteristics of various histologic types. Am JRoentgenol
1994 ; 163 : 433-8.
8.
Trappe M, Marsot K. Exploration des glandes salivaires. Ann
Radiol 1991 ; 34 : 98-109.
22. Lee YYP, Wong KT, King AD, Ahuja AT. Imaging of salivary
gland . Eur J Radiol 2008 ; 66 : 419-36.
9.
Burke CJ, Thomas RH, Howlett D. Imaging the major salivary
glands. Br J Oral Maxillofacial Surg 2010.
23. Steiner E, Turetschek K, Wunderbaldinger P, Staniszewski K,
Franz P, Steurer M, Millesi W. Imaging in parotid tumors : US
versus MRI. Rofo 1994 ; 160 : 397-405.
10. Rudack C, Jörg S, Kloska S, Stoll W, Thiede O. Neither MRI,
CT nor US is superior to diagnose tumors in the salivary glandsan extended case study. Head & Face Medicine 2007 ; 3 : 19.
24. Gehanno P, Guerrier B, Pessey J, Zanaret M. Rapport sur les
tumeurs parotidiennes, Paris 2003.
25. Ben Romdhane K, Marrakchi R, Sioud H, Ben Ayed M. Les
tumeurs des glandes salivaires, à propos de 93 cas. Tun Med
1987 ; 65 : 681-6.
11. Kim KH, Sung MW, Yun JB, Han MH, Baek CH, Chu KC,
Kim JH, Lee KS. Auris Nasus Larynx 1998 ; 25 : 397-402.
12. Gritzmann N. Sonography of the salivary glands. AJR Am J
Roentgenol 1989 ; 153 : 161-6.
26. Boumaiza S. Les tumeurs parotidiennes, à propos de 65 cas.
Thèse de médecine ; Tunis 2004.
13. J u n g e h ü l s i n g M . B i l d g e b e n d e d i a n g o s t i k d e r
parotiserkrankungen : indication und bewertung. HNOInformationen 1997 : 15-22.
27. Barnes L, Myers E, Prokopakis E. Primary malignant lymphoma
of the parotid gland. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1998;
124 : 573-7.
14. Steiner E. Ultrasound imaging of the salivary glands. Radiologie
1994 ; 34 : 254-63.
50