Chapitre XVII Les déterminants de la balance commerciale et des
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Chapitre XVII Les déterminants de la balance commerciale et des
ChapitreXVIILesdéterminantsdelabalancecommercialeet desopérationscourantes Le chapitre X consacré à l’optique dépenses de la comptabilité nationale nous a donné l’occasion de décrire la structure du commerce extérieur de l’Union européenne (tableaux 50 à 52 et 54 à 57, graphes 72 et 73 du chapitre XIII) et l’importance qu’occupent les échanges intra-communautaires, d’une part, et les échanges intra-industriels au sein de ce commerce intra-européen, de l’autre. Du point de vue de la structure du commerce mondial, les EtatsUnis, l’Union européenne et le Japon représentent à eux seuls près de la moitié des exportations et des importations mondiales hors commerce intra-UE-25. L’Europe et les Etats-Unis importent à peu de choses près les mêmes quantités mais au niveau des parts de marché à l’exportation, l’Europe domine largement les Etats-Unis. Cette différence est due à l’énorme déficit de la balance commerciale des Etats-Unis qui s’est creusé depuis la fin des années quatre-vingt-dix. La balance commerciale, comme la balance des paiements d’ailleurs, enregistre les transactions en valeurs entre une économie et le reste du monde. Lorsque cette balance se détériore, c’est-à-dire lorsque les importations croissent plus fortement que les exportations, cela peut provenir de plusieurs éléments et de leur combinaison. Le volume des importations peut s’être accru, celui des exportations peut avoir diminué ; le prix des importations peut s’être accru ou celui des exportations peut avoir diminué. Enfin, le taux de change peut s’être modifié dans le sens d’une dépréciation de la monnaie nationale ou d’une dévaluation de celle-ci, rendant les importations plus coûteuses lorsqu’elles sont exprimées en monnaie nationale. La balance commerciale, que l’on exprime pour des raisons de simplicité sous la forme X-M, devrait par conséquent plus rigoureusement s’écrire : px*X - tx de change *pm * M où px est le prix des exportations en devise nationale, pm est le prix des importations en devise étrangère. Dans ce chapitre, nous examinerons quelques facteurs ou mécanismes économiques qui contribuent à déterminer le solde de la balance des opérations courantes. Quatre éléments seront examinés : – le volume des importations et des exportations, – le prix des exportations (en €), – le prix des importations (en devises étrangères), – le taux de change. Un élément supplémentaire sera discuté, celui de la compétitivité. 1. VOLUME DES IMPORTATIONS ET DES EXPORTATIONS Le volume (ou la quantité) des exportations est fonction essentiellement de l’évolution de la demande mondiale et de sa structure. 1 Les fluctuations conjoncturelles (récession-expansion) vont affecter à court terme l’évolution des exportations. A plus long terme, l’orientation de la structure des échanges commerciaux mondiaux est déterminante. On peut ainsi distinguer les échanges qui se portent sur des produits pour lesquels la demande mondiale est en expansion de ceux pour qui la demande est diminution. Si un pays a une structure de ses exportations dans laquelle les produits en récession sont dominants, son commerce extérieur profitera moins de la croissance des échanges internationaux. Dans son rapport de 2005, la Banque nationale de Belgique indiquait que les performances moyennes de la Belgique du point de vue de ses exportations étaient partiellement dues à l’orientation de ses exportations, basées sur les produits semi-finis, moins porteurs en terme d’évolution de la demande mondiale et surtout plus soumis à la concurrence internationale. «Depuis la moitié des années nonante, l’expansion en volume des exportations de la Belgique demeure en retrait de celle du commerce international. Ce dernier est notamment soutenu par la montée en puissance, largement assise sur le développement des échanges de biens, de nouveaux pôles économiques en Asie, en Amérique latine et parmi les nouveaux Etats membres de l’Union européenne. (…) Or, la spécialisation développée par la Belgique en matière d’exportations, principalement à destination des pays proches et largement constituées de produits semi-finis de moyenne technologie, ne lui permet pas de profiter pleinement de cette évolution»1. Le contenu technologique des biens exportés détermine en grande partie le caractère progressif ou régressif d’un produit : la demande mondiale en expansion est en partie une demande de produits à fort contenu technologique. De ce point de vue, la faiblesse de l’Europe et de la Belgique en matière de recherche et développement constitue très certainement un handicap dans la consolidation et l’expansion de son commerce extérieur. L’élasticité prix de la demande mondiale est un autre facteur déterminant les volumes échangés. Les produits pour lesquels la concurrence internationale est forte, parce qu’il y a de nombreux producteurs présents sur le marché, ou pour lesquels les produits de substitution sont abondants auront une élasticité prix élevée et tout mouvement de prix se traduira par des modifications des volumes exportés. Le volume des importations est essentiellement fonction de l’évolution du revenu intérieur, via la propension marginale à importer. Dans les économies fortement ouvertes, comme c’est le cas pour la Belgique, toute variation du revenu national se traduira par des variations importantes des importations. En effet, un taux d’ouverture élevé signifie que le contenu en importations de la consommation finale, de la consommation intermédiaire et des biens de capital fixes est élevé. L’effet des variations du revenu sur les quantités importées dépend, d’une part, de la structure de la demande intérieure et, d’autre part, de l’origine de la variation du revenu. Lorsqu’en 1981 le nouveau gouvernement socialiste de Pierre Mauroy décida d’une augmentation du SMIC (salaire minimum intersectoriel de croissance), l’augmentation de consommation des ménages français se porta massivement sur des biens importés, notamment sur les magnétoscopes, produit pour lequel la demande mondiale était en expansion et pour lequel le Japon présentait des avantages notoires en termes de prix et de qualité. Il s’ensuivit rapidement une détérioration de la balance commerciale qui nécessita ensuite une correction de la politique économique de la part des gouvernements socialistes. Si une augmentation du revenu national résulte surtout de celle des investissements, l’accroissement d’importations se portera d’abord sur des biens d’investissement. 1 Banque nationale de Belgique, Rapport annuel 2005, p. 66. 2 Bien évidemment, la structure de production intérieure et sa capacité à répondre aux accroissements de la demande finale détermineront également quelle part de l’accroissement de la demande finale se portera sur des biens importés. 2. PRIX DES EXPORTATIONS Les prix des exportations sont tributaires des prix intérieurs, auxquels s’appliquent les différents taux de change. C’est en effet le prix payé par l’importateur qui détermine les quantités exportées. Les prix intérieurs sont fonction de : – la composition du panier d’exportations : le prix moyen des exportations dépend de l’évolution des prix des différents produits composant le panier d’exportations. Certains prix sont très sensibles aux fluctuations de l’offre et de la demande (produits énergétiques par exemple, matières premières) ou aux conditions climatiques (produits agricoles) ; – l’évolution des coûts de production : salaires, coût d’utilisation du capital, coût des consommations intermédiaires, notamment énergétiques ; – le taux d’inflation : une augmentation intérieure des prix se répercutera sur nos prix à l’exportation via la transmission de l’inflation par le canal des coûts de production (salaire, taux d’intérêt, matières premières et autres consommations intermédiaires). Le taux de change déterminera le prix payé par l’importateur. L’application de droits de douane par les pays importateurs, pour l’ensemble des importations ou pour certains produits pour lesquels on veut privilégier ou protéger la production intérieure va naturellement modifier le prix final payé par le consommateur final et influencer en conséquence ses décisions de consommation. 3. PRIX DES IMPORTATIONS Les prix des importations sont fonction : – de l’évolution des prix des partenaires commerciaux ; – du taux de change : c’est en effet le prix exprimé en monnaie nationale qui importe, du point de vue tant de la balance commerciale que de l’élasticité-prix de la demande intérieure ; – du panier des biens importés dont une partie est fort sensible aux évolutions du marché, comme c’est le cas pour les prix à l’exportation. La forte hausse des prix énergétiques a largement contribué à diminuer l’excédent commercial – ou à aggraver le déficit dans d’autres cas – d’un grand nombre de pays non producteurs. 4. LES TERMES DE L’ECHANGE Les termes de l’échange sont le ratio des prix à l’exportation sur les prix à l’importation. Les deux prix sont exprimés en indice. Ce ratio fournit donc une indication de l’évolution du prix moyen relatif des exportations par rapport à celui des importations. On parlera de détérioration des termes de l’échange lorsque la valeur de l’indice diminue et d’amélioration lorsque sa valeur augmente. Lorsque le prix des importations évolue plus fortement que celui des exportations, cela signifiera qu’une plus grande quantité de biens exportés ou une plus faible quantité de biens importés sera nécessaire pour conserver une balance commerciale inchangée. Autrement dit, une détérioration des termes de l’échange implique qu’il faille exporter plus pour se permettre une même quantité de biens importés, à solde commercial inchangé. 3 Termes de l’échange = Indices des prix à l’exportation/ Indice des prix à l’importation Le tableau 71 illustre l’effet des termes de l’échange sur la balance commerciale hypothétique d’un pays exportant du charbon et important du blé. Tableau 71 Prix, quantités et valeurs de l’exportation et de l’importation Exportations de charbon Importations de blé T0 10MT 20 200 millions € 2MT 100 200 millions € 0€ Quantités Prix Valeur Quantité Prix Valeur Solde de la balance commerciale Termes de l’échange T1 11MT 21 231 millions € 2.3MT 120 276 millions € -45 millions € Indices 110 105 115.5 115 120 138 0.875 En Belgique, de 2001 à 2005, les termes de l’échange se sont dégradés comme l’indique le tableau 72. Tableau 72 Prix des échanges extérieurs (pourcentage de variation par rapport à l’année précédente) X biens et services M de biens et services Termes de l‘échange 2005 2,1 2,1 0,0 2006 -0,5 -1,2 0,7 2007 -2,1 -2,0 -0,1 2008 2,2 2,8 -0,5 2009 5,9 6,7 -0,8 Source : BNB, Rapport annuel 2009 5. TAUX DE CHANGE Les taux de change sont généralement exprimés en monnaie nationale : la quantité de monnaie nationale nécessaire pour acquérir une unité de devise étrangère. Un dollar valait, le 1er mars 2006, 0,84 €. C’est ce que l’on appelle le taux à l’incertain. Le taux de change peut également être exprimé comme le rapport entre la monnaie nationale et la devise étrangère. C’est le taux au certain. Les monnaies de l’Europe continentale étaient cotées à l’incertain jusqu’à l’introduction de l’euro. Elles sont depuis cotées au certain. Exprimé de la sorte, le taux de change €/$ valait 1,19 le 1er mars 2006. Les taux de change influencent la balance commerciale parce qu’ils déterminent le prix en devise payé pour les importations. Une monnaie s’apprécie (se déprécie) si son prix exprimé en monnaies étrangères augmente (diminue). Lorsque la monnaie s’apprécie, le prix payé en monnaie nationale diminuera : nos importations seront moins coûteuses, à quantités égales. L’appréciation de l’euro vis-à-vis du dollar en 2004 avait permis d’atténuer partiellement l’effet de la hausse du prix du pétrole sur la balance commerciale. Par ailleurs, un prix plus faible aura également comme conséquence un accroissement des quantités importées. En revanche, le prix exprimé en monnaie étrangère de nos exportations sera plus élevé et par conséquent, du point de vue des quantités échangées, cela va entraîner une diminution des exportations. Une dépréciation ou une dévaluation auront l’effet opposé. Lorsqu’on se place au niveau des échanges avec l’ensemble de nos partenaires commerciaux, il y a une multitude de taux de change : autant que de partenaires commerciaux utilisant une unité monétaire différente de l’unité nationale. Il est donc utile de connaître l’évolution globale de la c’est ce que l’on appelle le taux de change 4 effectif. Celui-ci est un indice obtenu en calculant l’appréciation ou la dépréciation de la monnaie nationale par rapport aux différentes devises en pondérant par leur poids dans nos échanges commerciaux. Ce taux de change effectif est un taux de change nominal. En effet, il ne tient pas compte de l’évolution différenciée des prix. Si les prix ont augmenté plus fortement dans l’économie nationale que dans le reste du monde, cela aura le même effet sur les échanges qu’une appréciation de la monnaie : cela diminuera les quantités de biens nationaux que le reste du monde pourra acquérir pour une même quantité de devises. En exprimant le taux de change (en indice) comme la valeur de l’unité nationale en fonction d’une autre devise (cotation au certain), le taux de change effectif réel deviendra : Taux de change effectif réel = Taux de change effectif nominal x (pi/px) où pi est l’indice des prix intérieurs et px l’indice des prix mondiaux. La notion de taux de change réel est très utile du point de vue de l’appréciation de la compétitivité internationale d’une économie. Si le taux de change effectif réel augmente, la position concurrentielle se détériore parce que les prix des exportations deviennent plus élevés et l’économie perdra des parts de marché. Si la monnaie s’est appréciée (cas de l’euro vis-àvis du dollar en 2003-2004) et que les prix intérieurs ont moins augmenté que les prix extérieurs, l’effet perte de compétitivité sera diminué à concurrence du différentiel d’inflation. Graphe 89 Cours de change effectif de l’UEBL (indice 1999 = 100) Source : CE. (1) Moyenne pondérée du cours de change vis-à-vis des monnaies du reste de l’UE et des pays suivants : Australie, Canada, États-Unis, Japon, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Suisse et Turquie. (2) Cours de change effectif nominal, déflaté par les coûts salariaux par unité produite de l’ensemble de l’économie. 5 Le graphe 89 montre que le taux de change effectif de la Belgique et du Luxembourg s’est apprécié fortement à partir de 2001. L’euro étant constant par rapport à lui-même, le taux de change effectif réel de l’UEBL face à la zone euro n’est rien d’autre que le rapport des taux d’inflation. On voit également que l’inflation dans l’UEBL a été moins forte que chez les 34 principaux partenaires commerciaux de la zone euro : c’est la distance entre la ligne supérieur du graphe (taux de change effectif nominal) et celle qui lui est inférieure (taux de change effectif réel). 6. LA COMPETITIVITE EXTERNE La compétitivité externe d’une économie se mesure notamment par les capacités d’une économie à maintenir et accroître ses parts de marché. Dans le cas d’une économie très ouverte, la compétitivité externe est cruciale. Elle est fonction de plusieurs éléments. 6.1. La compétitivité-prix L’évolution des coûts, particulièrement les coûts salariaux, est au centre de la compétitivitéprix. C’est le coût salarial par unité produite qui est important, car c’est lui qui détermine en partie le prix unitaire des exportations. Le coût unitaire par unité produite inclut le coût salarial et la productivité du travail : organisation du travail, niveau de qualification et compétence du facteur travail. En Belgique, depuis la dévaluation de 12,5 % du franc belge en 1983 qui avait précisément pour objectif de rétablir la balance commerciale qui était déficitaire, le contrôle de l’évolution des salaires est au centre des préoccupations des pouvoirs publics et enjeu des négociations entre les syndicats et les employeurs du secteur privé. La loi sur la compétitivité (1989), qui permettait au gouvernement d’intervenir dans la fixation des salaires si l’évolution des coûts salariaux belges dépassait celle de nos principaux partenaires commerciaux (Pays-Bas, France et Allemagne), fut suivie par l’établissement de la norme salariale qui cadenasse la négociation salariale sectorielle depuis 1996. Cette norme salariale est déterminée sur la base d’un rapport annuel sur la compétitivité établi par le Conseil central de l’économie. Il s’agit d’une limite maximale qui est fixée à l’augmentation des salaires durant les deux ans de validité des accords interprofessionnels conclus entre employeurs et représentants syndicaux au niveau fédéral. Cette limite maximale inclut le mécanisme de liaison des salaires à l’indice des prix. C’est-à-dire que si elle est fixée à 5,4% et que le taux d’inflation sur les deux ans atteint les 5%, cela laisse une marge de 0,4% pour les augmentations de salaire réel. En revanche, en supposant une inflation annuelle de 1%, 3,4% peuvent être négociés ensuite dans les secteurs d’activité. L’inclusion de l’inflation dans la norme salariale a permis de maintenir le mécanisme d’indexation automatique des salaires. Comme nous l’avons indiqué dans le chapitre X, la limite de la recherche de la compétitivité par le contrôle des coûts salariaux est que si chaque pays partenaire prend des mesures identiques, on aboutit à une diminution progressive de la rémunération des salariés, du revenu national par conséquent et donc de la demande finale intérieure, ce qui se traduit par une diminution du revenu d’équilibre et de l’emploi. La norme salariale s’inscrit bien évidemment dans le cadre de l’instauration de la monnaie unique. Depuis la fixation irrévocable des parités en janvier 1999 entre l’ancienne monnaie nationale et le futur euro, toute autonomie de la politique de change a été de facto supprimée, ne permettant plus des ajustements de compétitivité intra-européenne par les mécanismes de dévaluation. L’arrimage du franc belge au mark allemand limitait de toute manière cette autonomie. L’ajustement de la compétitivité-prix passe donc nécessairement par celui de la croissance des coûts de production. 6 L’autre élément de la compétitivité prix est le taux de change, dont il vient d’être indiqué qu’il n’est plus pertinent dans la zone euro, étendue aux nouveaux entrants. Or, plus de 80% de nos échanges commerciaux ont lieu avec les pays de la zone euro. 6.2. Les autres facteurs de compétitivité Les dépenses de recherche et développement conditionnent les capacités futures à développer de nouveaux produits compétitifs sur le marché européen et mondial du point de vue de leur contenu innovant en technologie et de la qualité du produit. La Belgique est en retard de ce point de vue. La spécialisation des exportations belges vers les produits semi-finis renforce le poids prépondérant de la compétitivité prix. Le niveau de qualification et de compétence de la main-d’œuvre est un facteur de productivité du travail. De ce point de vue, il n’y a pas de handicap belge, mais pas d’avantage décisif non plus. Le renforcement du capital humain reste donc un objectif primordial dans la recherche d’une meilleure compétitivité. 7