Luc Tuymans, A flemish intellectual - Musée des Beaux
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Luc Tuymans, A flemish intellectual - Musée des Beaux
Fiche d’œuvre/ XXe Luc Tuymans (Mortsel - Belgique, 1958) A Flemish Intellectual, 1995 Mots clefs Art du portrait/ Nationalisme/ Retour à la peinture figurative A Flemish Intellectual, 1995 Huile sur toile, 89,5 x 65,5 cm Achat à la Zeno X Gallery en 1995 Inv. 995.7.1.P. © Ville de Nantes, Musée des Beaux-arts/A. Guillard L’œuvre Actif depuis les années 1970, Luc Tuymans peint principalement à partir de documents photographiques se rapportant à des sujets historiques ou à des événements politiques et sociaux. Il est une figure essentielle du retour à la peinture figurative à la fin du XXe siècle. Le musée des beaux-arts de Nantes a fait l’achat de cette œuvre après une exposition de l’artiste en 1995 sur le thème du nationalisme et de l’identité flamande. Une figure presque anonyme… Cette œuvre représente moins un individu dans sa singularité qu’une figure archétypale. « L’intellectuel flamand », titre de la toile, est l’écrivain flamand Ernst Claes, auteur de romans patriotiques et nationalistes, bien connu en Belgique. Pourtant, rien ne permet de le reconnaître avec certitude : ses traits sont à peine esquissés et ses yeux sont masqués par de larges lunettes embuées. Les couleurs froides, laiteuses de son visage et de son buste se confondent avec celle de la toile. Cet homme sans regard, à la silhouette fantomatique, apparaît comme éthéré, chimérique, renforçant le sentiment de l’absence d’une identité réelle. … pour évoquer les nationalismes. Pour Luc Tuymans le choix d’une représentation simplifiée de l’individu n’est pas anodin. Selon lui, « tout nationalisme suppose une certaine uniformité »1 puisque « toutes formes de nationalisme nient la vie réelle pour créer une uniformité 2 à partir des différences individuelles » . Et c’est bien le nationalisme flamand et, au-delà, tous les nationalismes, qui est le sujet de la série dont est issu A Flemish Intellectual. Cette série, Heimat, mot allemand difficilement traduisible en français et qui désigne à la fois le lieu d’origine, la patrie, le sol natal, évoque la question de l’identité flamande. À travers un ensemble de huit toiles, ce thème est abordé de manière indirecte par des images a priori d’une grande banalité. Toutes sont en fait la représentation de symboles dont l’extrême-droite flamande s’est emparée : la tour de l’Yser, un drapeau flamand, un village flamand… Tuymans, en donnant d’eux une image de clichés usés, délavés, les déconstruit impitoyablement. En niant les couleurs, il fait « ressortir la superficialité des symboles nationalistes »3. Les choix plastiques faits par Luc Tuymans dans Heimat font écho à des travaux antérieurs sur la Seconde Guerre mondiale ou encore sur le passé colonial belge. À chaque fois, Tuymans peint des images aux couleurs pâles, qui semblent brouillées et suggèrent la mémoire qui s’efface. Devant ces toiles, le spectateur est saisi d’un sentiment d’irréalité qui peut parfois communiquer un certain malaise. L’artiste affirme même qu’il y a dans sa peinture « quelque 4 chose de dégoûtant, voire de violent » . À travers ses images il questionne avec acuité le sentiment de malaise que crée la relation entre l’image, l’Histoire et la mémoire collective. 1 Luc Tuymans, Heimat, catalogue d’exposition, musée des Beaux-arts, Nantes, 1995, p. 5. Luc Tuymans dans un entretien avec Juan Vicente Aliaga, dans Ulrich Loock, Juan Vicente Aliaga, Nancy Spector (et al.), Luc Tuymans, Paris, Phaidon, 2007, p. 31. 3 Idem. 4 Idem. 2 Musée des beaux-arts de Nantes / Service des Publics / Zoé PRIEUR / Février 2014 L’artiste 1958 : Naissance à Mortsel (Belgique). Fin des années 1970 – début des années 1980 : Etudie la peinture à Saint-Luc et à la Cambre (institut supérieur des arts décoratifs) à Bruxelles, ainsi qu’à l’Académie des Beaux-arts d’Anvers. Entre 1982 et 1986, il étudie également l’histoire de l’art à la Vrije Universiteit de Bruxelles. 1980 – 1985 : Se consacre presque exclusivement à l’écriture, l’illustration et la réalisation de scénarios. 1992 : Participe à la quinquennale Documenta 9, à Kassel. Présente la série Der diagnostische Blick dans la Zeno X Gallery. 1995 : Expose la série Heimat dans la Zeno X Gallery. 2000 : Expose la série Mwana Kitoko dans la Zeno X Gallery. 2001 : Représente la Belgique à la Biennale de Venise. 2004 : Exposition personnelle à la Tate Modern, Londres. Premier artiste belge à y exposer vivant. 2006 : « Luc Tuymans – Portraits (1975 – 2003) » au Mamco, Genève. 2011 : Commissaire du pavillon belge à la Biennale de Venise. Bonus Anecdote Lorsque le tableau A Flemish Intellectual a été montré pour la première fois, c’était dans une exposition collective à la Hamburger Bahnhof à Berlin. Et, selon Luc Tuymans, tout le monde pensait que ce portrait représentait Freud. Seuls les visiteurs flamands pouvaient reconnaître Ernest Claes.5 Citation « Heimat utilise les symboles de la conscience flamande pour ce qu’ils valent. La tour de l’Yser, le drapeau avec le lion flamand et d’autres images représentent surtout ce que l’on veut y voir, ils renvoient au royaume des ombres. Je les montre comme des vestiges pour signifier combien ils sont creux et vides, renvoyant à la tromperie et au faux pathétique. Il ne s’agit peut-être pas d’idées nouvelles ; ce qui est nouveau, c’est le fait que ces idées ne sont pas exprimées par des slogans mais par des peintures. » (Luc Tuymans, Heimat, catalogue d’exposition, musée des Beaux-arts, Nantes, 1995, p. 5) 5 Luc Tuymans : doué pour la peinture, conversations avec Jean-Paul Jungo, Genève, 2006, p. 67. Musée des beaux-arts de Nantes / Service des Publics / Zoé PRIEUR / Février 2014 Pour aller plus loin • Œuvres Luc Tuymans, Fingers, 1995, huile sur toile, 37,5 x 33 x 2 cm, Nantes, Musée des beaux-arts. Luc Tuymans, Home sweet home, 1995, huile sur toile, 64 x 72 cm, Nantes Musée des beaux-arts. Luc Tuymans, Fingers, 1995, huile sur toile, 37,5 x 33 x 2 cm, Nantes, Musée des beaux-arts. © Ville de Nantes, Musée des Beaux-arts Luc Tuymans, Home sweet home, 1995, huile sur toile, 64 x 72 cm, Nantes, Musée des beaux-arts. © Ville de Nantes, Musée des Beaux-arts • Bibliographie - Ludo Bekkers et Elly Stegeman, Peintres néerlandais et flamands d'aujourd'hui, Rekkem : Stichting Ons Erfdeel, 1995. - Ulrich Loock, Juan Vicente Aliaga, Nancy Spector (et al.), Luc Tuymans, Paris, Phaidon, 2007. - Luc Tuymans, Heimat, catalogue d’exposition, musée des Beaux-arts, Nantes, 1995. - Luc Tuymans, conversations avec Jean-Paul Jungo, Doué pour la peinture, Genève : Mamco, Musée d'art moderne et contemporain, 2006. • Sitographie http://start.zeno-x.com/zeno_x_gallery/artists/LT/luc_tuymans.html http://www.davidzwirner.com/artists/luc-tuymans/ http://www.mamco.ch/artistes_fichiers/T/tuymans.html Musée des beaux-arts de Nantes / Service des Publics / Zoé PRIEUR / Février 2014