Revue belge de numismatique et de sigillographie

Transcription

Revue belge de numismatique et de sigillographie
REVUE
NUMISMATIQUE
BELGE,
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE LA SOCIÉTÉ NUMISMATIQUE,
PAR MM.
R.
CHALON ET
3« SÉRIE.
—
Cil.
PIOT.
TOME
II,
BRUXELLES,
MBRAIRIE POLYTECHNIQUE BELGE D'AUG. DECQ,
9,
RUE DE LA MADELEINE,
185$
—
-^ 353
NOUVELLE CLASSIFICATION
DES MONNAIES DE JEANNE,
DUCHESSE DE BRADANT.
Les monnaies de
la
duchesse Jeanne de Brabant se
divisent en trois groupes principaux, qui présentent entre
eux une différence marquée
Les monnaies à son
1**
de Wenceslas son époux
frappées
,
:
nom
et
conjointement avec celui
qui ont nécessairement été
du vivant de ce dernier;
années 1355
et
c'est-à-dire entre
1383;
2° Celles qui, immédiatement après la mort de
Wen-
commun
comte
ceslas, furent faites
en
de Flandre, Philippe
du 16
juillet
que de 1384
Leur
le
par Jeanne
et
Hardi, en vertu de
par
la
le
convention
1384. Ces pièces, qui n'ont pu être frappées
à
1389, forment
la série dite
ne soulève aucune
classification
des Roosebekers,
difficulté;
5" Enfin, les pièces sur lesquelles figure le
la
les
nom
seul de
duchessse.
M. Ch.
cru
que
n'avaient
Piot et
toutes
pu
M. P. 0. Vander
les
nom
être frappées qu'après la
C'est cette opinion
par l'examen
monnaies au
Chijs, qui le copie, ont
que nous
même
seul
de Jeanne,
mort de son époux.
allons chercher à combaltre
des pièces et leur comparaison avec
des monnaies d'autres seigneurs qui
les
ont imitées.
—
554
—
Récapitulons d'abord les documents écrits,
M.
cités
par
Piot et qui ont rapport aux monnaies de celte catégorie.
Du
12 septembre 1584 jusqu'au iG mai 1586, Jeanne
fabriquer,
fait
peeters d'or
«c
Louvain
à
,
mêmes
des
nommés
de doubles écus d'or
poids et aloi
comme
ci-dessus
»
(l'on venait de parler des doubles écus d'or, roosebeker,
frappés à Malines par
saint Pierre
d'or
le
dans
n'a pas retrouvé,
comte de Flandre). Ce peeter, qu'on
la
persuasion qu'il devait avoir un
pour type, pourrait bien être
roosebeker
de Brabant
le
double écu
contre -partie de celui de
,
Flandre.
Elles fabriqua, vers la
même
époque,
d'es
anges d'or.
Cette pièce n'est pas retrouvée.
Du
ment
3 septembre 1384 au 16 mai 1386,
grands moutons
et
sont tout à
simplement
fait
nommés
un mouton pour
type, elles
inconnues. Mais ne seraient-elles pas tout
les roosebekers
quelque part?
qui existent et qu'on a bien dû
Comme
nous nous défions générale-
ment des suppositions, quelque ingénieuses
et qu'à tout
égale-
fît
des demi-deniers appelés petits moutons.
Si ces pièces ont réellement
faire
elle
fabriquer, à Louvain, des deniers d'argent
prendre
il
qu'elles soient,
est préférable de douter que de croire
sans preuves, n'insistons pas trop sur cette idée.
Enfin, du 24 mars
Louvain,
Jeanne
A
et
1385 au 13
les deniers noirs,
avril
1387, on
fit,
à
ou doubles mites, aux noms de
de Pbilippe.
l'exception
de Vange, on voit que toutes
ci-dessus pourraient bien
n'être
que
les
les pièces
monnaies de
la
convention de 1384, et non pas des monnaies au
nom
de
Jeanne seule. La frappe de ces anges souleva de
part
du
la
—
555
comte de vives réclamalions,
—
Jeanne
à la suile desquelles
eut la faiblesse de fermer Tatclier de Louvain et de donner
cours dans ses États à
monnaie de Flandre, moyennant
la
une indemnité (1389).
Trois ans plus lard,
cette tutelle et
13 juin 1592,
le
elle se délivra
de
commissionna Gisbert Van den Biessen, de
Tongres, pour forger monnaies d'or
et d'argent à Vilvorde,
pendant deux ans.
Il
M.
résulte
du compte de
Piot, qu'il
ne
etj
et
«
publié par
,
de peteers d'or, mais de
fut pas frappé
doubles gros d'argent
fabrication
celte
portant, d'un côté, deux écussons,
un ccuswn,
de l'autre, une croix avec
»
de simples gros
des demi-gros.
Ces pièces sont évidemment
les roosebekers
Jeanne seule avec moneta nova
nom de
au
filfordiensis, etc.,
car ce
sont bien les seules monnaies de Jeanne qui aient d'un côté
deux écussons
Comme
il
et
de
l'autre
existe des roosebekers
au bâton péri en bande,
que
disent
le
famille de Flandre,
type
avant
la
et
celte brisure fut
du comte de Namur,
la
une croix avec un
du roosebeker
à la
que
écusson.
de Namur, avec
les historiens
supprimée dans
les
le lion
namurois
armoiries
mort de Louis de Maie, chef de
on en
avait
avait tiré la
dû
mort de Louis de Maie
être
,
avant sa convention avec Philippe
conséquence que
employé par Jeanne
donc par Jeanne
le
Hardi;
et
que
seule,
c'étaient
que Guillaume de INamur
ces premiers roosebekers
avait
copiés.
Malgré
cette objection
,
nous persistons à croire que
le
type du roosebeker a été créé exprès pour la monnaie de
convention; sa composition
même
le
prouve.
Pourquoi
—
deux ccussons,
si
—
556
ce n'est pour y placer les armoiries des
deux pays? Après l'expiration de
avait pris faveur, et
seul, en remplissant
comme
Jeanne a pu
le
convention,
le
type
continuer, à son
nom
écussons d'une manière q*ielconque,
les
l'ont fait les
la
autres seigneurs qui ont copié celle
monnaie.
à la brisure dans les
Quant
qu'on a voulu en
la règle,
l'âge des
pièces,
que celle-ci de plus ou de
d'exceptions,
tant
souffre
armes de Namur,
pour déterminer
tirer
moins, ne doit pas nous arrêter. Cette brisure ne se trouve
pas sur
un grand nombre de
de Louis de Maie,
pièces antérieures à la
mort
par contre, quelques monnayeurs
et,
rétrogrades ou ultra-conservateurs, l'ont maintenue sur des
pièces plus modernes,
comme, par exemple, sur
gros aux deux écus placés sous le
de ceux de Philippe
Hardi
le
furent également copiés à
Gueldre, par
{")
le
les
imités
de ceux de Jeanne, qui
et
Oyen par Marie de Brabant et, en
duc de Juliers, Guillaume
(«).
1
Si l'époque et la cause de la suppression de cette brisure sont
mieux au courant de son
restées incertaines, on n'est guère
Philippe le Noble porte, sur
Wrée,
douin
V
,
donc, ce
le
comte de Hainaut
même
lion
11
et le frère de
,
le lion
était le
second
Baudouin VI
,
la famille
Les marquis de
dfe
de Bau-
de Flandre pour armoiries. Ce
de Flandre, avec
la brisure,
serait,
que Philippe aurait
Namur, mais
du comte.
la
maison de Courtenay et de
celle
deVianden CMi-
servèrent également leurs armoiries propres, Baudouin
de l'empire
fils
comte de Hai-
placé sur son écusson. Ce n'étaient pas les armoiries de
de
origine.
sceau que nous a conservé Olivier de
au bâton péri en bande.
le lion
uaut et de Flandre, qui prit
celles
doubles
mot ]N2TIMVRGS,
II
porta celles
Constantinople.
Gui de Dampierre, avant
d'être
comte de Flandre et marquis de
—
Le 15 août 1393,
le
3^7 --
même Van
à fabriquer à Louvain.
den Biessen
y frappa
Il
Namur, eut d'abord un sceau aux armes
gueules à deux léopards
Guillaume,
,
bande, pour brisure.
On
le lion
particulières de sa famille, de
il
Von ne
mais
;
voit
jamais
le
même
lion
sans
ici
,
distinguer les armoiries
comté de Flandre
,
écusson plein pour
la
puisque
Jean
I,
le
de comte de
Namur, où
une brisure de puîné, mais un
,
celles
même
le
même
la
bande,
personnage portait
Flandre et brisé pour Namur, Ce lion à
devenu
était
successeur de Gui, continue à porter
y ajoute une différence nouvelle
ronne à
le titre
sur ses monnaies de
du marquisat de Namur de
primitivement armoiries de famille,
il
met sur
il
;
le lion
la tête
à
du
la
bande, mais
lion,
une cou-
trois fleurons.
M
Sur quelques monnaies de Jean
couronné, sans
la
la
bande commence à disparaître.
I,
de Louis de Maie, ont également
Enfin et
antérieures par leurs types à
le lion
comme en compensation,
la
sans
la
nières années de Guillaume
Sous Jean
la
III
but de
bande reparaît sur quelques pièces
ou à son
fils
Guillaume
aux der-
II.
dont on ne possède, au reste, qu'un petit nombre de
qu'il est
la brisure fut
les distinguer
permis, nous semble-t-il, de tirer de tout cela,
mise par Gui sur les armoiries de Namur, dans
de celles de Flandre
;
qu'elle devint
inutile depuis qu'il existait entre ces armoiries
couronne du lion
;
et que, enfin, à cause
une autre
de cela même,
'à
savant et excellent ami, M. Jules Borgnet,
quand on parle de Namur,
qu'il est
le
peu près
différence, la
elle fut
négligée, puis tout à fait abandonnée, sous le règne de Guillaume
citer
mort
brisure a tout à fait disparu.
La conclusion
que
I,
la
bande.
postérieures à la mort de Louis de Maie, et qu'on peut attribuer
monnaies,
III, offre
bande.
Plusieurs pièces de Guillaume
c'est
du
celles d'un pays.
La seule monnaie avec écusson, que nous ayons de Philippe
le lion
mort
la brisure.
Cette bande n'était donc plus
moyen de
la
bâton péri en
le
connaît de lui deux sceaux de cette époque. La
n'en est pas de
il
avant
prit, alors, et
de Flandre avec
bande disparaît du sceau aussitôt que Gui prend
Flandre
pièce
d'un lambel à cinq pendants. Sa
d'or, brisées
mère étant devenue comtesse de Flandre,
de son frère aîné
fut autorisé
tour d'or,
la
souvent
II.
Notre
impossible de ne pas
avait constaté, dans
un curieux
article
—
connue
et
('),
de doubles gros, simples, demis
même type que
de gros, au
Ce
—
358
ceux
et quarts
qu'il avait faits à Vilvorde.
sont les roosehekers, avec inoneta nova lovaniensisj etc.
Celle fabrication cessa à Pâques 1394.
En 1596,
monnaie
d'après Bulkens, la duchesse Jeanne
à Maestricbt, à
Oyen
fit
forger
Vilvorde.
et à
Le roosebeker avec moneta nova
trajectensis in
Vronhof
doit être le produit de cette émission.
Enfin, dit
les profits
M.
1" octobre 1596,
de ses monnaies aux
villes
elle
abandonna
de Louvain, Bruxelles
Tirlemont, pour un terme de dix ans. Cette assertion,
et
un manuscrit de
puisée dans
qui
et
M.
paru
avait
Piot a
bibliothèque de Bourgogne,
la
contestable
pu depuis fournir
par les comptes
Il
Piot, le
mêmes de
la
quelques numismates,
à
preuve de son exactitude
la
recette générale de Brabant.
de plus trouvé dans ces comptes que
a
le
maître
mon-
nayeur, Jacques van Nuyssen, fabriqua à Maestricht des
tours d'or, de
1595
à
1597.
Quant aux monnaies frappées
Tirlemont,
il
et les diverses
Louvain, Bruxelles et
à
suppose qu'elles peuvent être
monnaies d'argent
et
le cavalier d'or
de billon qui ne portent
pas l'indication du lieu où elles sont fabriquées.
Nous ne pouvons admettre
les types les plus récents et
cette classification
époque par d'autres souverains. Ainsi viendraient
dans cette catégorie
inséré
le
double gros
au Messager des sciences
communal que
(')
:
que pour
qui étaient employés à
,
que
la
vers 1411.
Trouvée à Bierbeek par M. Goddons.
à l'aigle
la
même
se ranger
posé sur deux
brisure ne disparaît du sceau
—
—
559
écus (Vander Chijs, pi. XI, n° 8),
aux deux écus sous
et
11); peut-être encore
pièce
double
mot BR7ÎBTIE
le
avec moneta briixellensis
Quant au
le
simple gros
(Id. pi. XII, n«
moneta
10
DVC,
doubles mites au mot
les
et
et le
lovanîensis.
cavalier d'or ou franc (pi.
XI, n"
celte
2),
nous paraît être du commencement du règne de
Jeanne;
et voici
sur quoi nous fondons cette opinion.
Le type du franc à cheval
a été
inauguré en France par
l'ordonnance du roi Jean, en date du 5 décembre 1560.
11
a été imité, en Belgique, par les
évêques de Cambrai, Pierre
André, Robert de Genève
Gérard de Dinville (1560
à
et
1578).
Il l'a
été
également par
et
cointe Guillaume III de Hai-
le
Rummen,
naut, et par Arnold, sire de
dépossédé en 1563
mort en 1570, par conséquent avant 1565.
Comment
supposer que
duchesse Jeanne aurait été
la
reprendre, en 1599, un type plus ancien de trente-neuf
ans, sans le modifier, alors
que ce type
nulle part chez ses voisins?
d'Arnold de
Rummen
n'était
plus employé
Le franc de Jeanne
et celui
sont tellement pareils de style et de
fabrication qu'on serait
de
tenté
les
attribuer au
même
graveur.
Les doubles gros,
les
gros et demi-gros à l'écusson aux
quatre lions et à la croix anglée des lettres
moneta nova
filfordiensis
(')
DVXC,
portant
qu'on attribuait à l'émission
de 1592, doivent être également du commencement du
règne de Jeanne,
comme
le fait
supposer leur ressemblance
avecune monnaie de Jean ni (Vnnder Chijs,
(')
Vander
Chijs, pi. XII, n^'
\%
\Z et
'14.
pi.
VIII, n°15),
—
/
et
comme
même
le
prouve
—
en
Il
billon aux types semblables
celte
Rummen, donc
doute de même du
est sans
XIF, n° 15).
(pi.
De
plus
il
est
remarquer que, tandis que Jeanne employait ce type à
son
nom
seul,
dans son
Le blanc au
lion (pi.
XII,
ancien pour être postérieur à
continuation ou
ployé Jean
de Vilvorde, Wenceslas
atelier
également pour sa monnaie de Luxembourg.
s'en servait
la
une contrefaçon de
à l'évidence
pièce de Jeanne, faite par Arnold de
antérieure à 1365.
à
—
560
n**
mort de Wenceslas.
la
reproduction exacte de celui qu'a
la
IX, if 24),
III (pi.
mari, pour remplacer
et
nom
frapper, en ajoutant à son
que Jeanne
nom
le
MM.
cloïde à quatre lobes, dont
connaître
pièce fausse
lions
(pi.
III
n" 4).
dans une épicy-
cuivre et ébrécbé,
XII, n° 16). Ce gros est
d'un type de Jean
de son
mais qui prouve assez l'existence
l'on veut,
de son modèle
em-
Vander Chijs ont
Piot et
un exemplaire unique de
si
C'est
également
IX,
(pi.
trop
premières années de
les
Jeanne un double gros aux quatres
fit
et les titres
légende pieuse
la
Nous revendiquons encore pour
fait
un type
9) est aussi
(pi.
VIIÏ,
employé également par Guillaume
la
n" 14
continuation
et
15), type
comte de Hainaut
II,
et
premier mari de Jeanne.
Notre honorable ami, M. Piot, à qui nous avions com-
muniqué
ces
idées,
nous
leurs actes, Jeanne et
ment,
et jamais
en un
objectait
nom
seul.
»
pièce au
nom
u
partout dans
Tout en rendant justice
l'importance de cette observation,
qu'elle puisse détruire
que
Wenceslas interviennent conjointe-
un
fait positif
seul de Jeanne, par
à
nous ne croyons pas
:
la
contrefaçon d'une
Arnold de
Rummen,
avant 1565. Puis, n'avons-nous pas aussi des monnaies sur
—
lesquelles
364
Wenceslas figure
1367
frappé à Vilvorde de
à
—
srijs la
duchesse,
le
mouton
1371(»)? Pourquoi Jeanne,
du Brabant,
la
n'aurait-elle pas fait ce
que
se permettait Wenceslas, qui n'était rien en Brabant
que
véritable souveraine
du chef de
sa
femme?
R. Chalon.
(')
La composition d'un
trésor
,
exhumé récemment,
à Bruxelles, a
donné à M. de Coster la conviction que les grands moutons avec Joh Dux,
qu'on attribuait à Jean
DVX,
III
,
n'est certainement pas
5e SÉRIE.
— Tome
ii.
avaient été frappés par sa
un
La forme,
fille.
obstacle à cette attribution.
2i