À Saint-Martin-de-Belleville, l`art de vivre des Meilleur

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À Saint-Martin-de-Belleville, l`art de vivre des Meilleur
Date : 29 DEC 16
Page de l'article : p.21,25
Journaliste : Margot Guicheteau
Périodicité : Quotidien
OJD : 311326
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SÉRIE
ËTOILES DES NEIGES : RENÉ
ET MAXIME MEILLEUR, CHEFS
DE LA BOUITTE À SAINT-MARTINfc_ Bf DE-BELLEVILLE
rïT««?-s
VOYAGE
À Saint-Martin-de-Belleville,
l'art de vivre des Meilleur
SÉRIE Chaque jour, pour «Le Figaro», une grande
toque joue le guide de sa station. Aujourd'hui,
René et son fils Maxime, chefs de la Bouitte.
MARGOT GUICHETEAU
ENVOYEE SPECIALE
A SAINT-MARTIN-DE-BELLEVILLE
(SAVOIE)
11 y a Val Thorens, la très réputée, sur les hauteurs. Et en
contrebas, la station de SaintMartin-de-Belleville, un petit village resté dans son jus, l'eau courante
et l'électricité en plus, depuis les
années 1950. Si, au sommet, un ingénieur visionnaire, Pierre Schnebelen, donnait naissance à la station
la plus haute d'Europe, les Bellevillois s'étonnaient de voir leur
montagne en chantier, eux qui vivaient depuis si longtemps en
autarcie. Il faudra attendre les années 1980 pour que ces montagnards décident, eux aussi, de créer
la leur, tout en gardant le bâti local
et l'identité. Un village savoyard
aux ruelles étroites, où les fermes
habillées de pierres grises ont belle
allure. C'est ici que la Bouitte, un
hôtel-restaurant trois étoiles à la
tête duquel on retrouve un père et
son fils, René et Maxime Meilleur, a
fait son nid.
Natif de la commune, plus précisément de Saint-Marcel, un des
vingt-trois hameaux, le duo a su redonner au lieu ses lettres de noblesse. Quitter Saint-Marcel pour s'implanter ailleurs? Hors de question
pour les Meilleur, et surtout le père.
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«Presque toute la famille est ici, ceux
qui sont partis un temps sont revenus. Ce village représente ma vie. »
Tout simplement. «On s'est enracinés dans nos montagnes si rudes et si
belles à la fois. U suffit de grimper
aux sommets pour comprendre que le
monde est devant nous», s'enthousiasme ce grand rêveur, qui se souvient qu'après l'école il s'amusait à
apprivoiser les corbeaux. «Le hameau était notre cour de récréation. » La vie était simple et sereine.
En 1976 arrivent les premiers
skieurs mais aucune remontée mécanique n'est encore à disposition.
René décide alors, avec sa femme,
Marie-Louise, d'acheter un ancien
champ de pommes de terre pour y
construire un chalet afin de nourrir
les nouveaux arrivants : fondues et
cuisine du terroir au menu. Jacques
Chirac accompagné de Bernadette
mais aussi le président de l'époque,
Valéry Giscard d'Estaing, seront de
passage. Effet boule de neige, le restaurant s'agrandit. En 1996, le fils
rejoint son père aux fourneaux. Cet
ancien biathlete, perfectionniste au
possible, amènera la Bouitte à ses
sommets. L'ascension est rude mais
la consécration, totale : trois étoiles
au Guide Michelin en 2015. En parfaits autodidactes, les deux chefs
testent, tâtonnent et livrent une
cuisine qui leur est fidèle : sans artifice taquine et pleine d'histoire
Une gastronomie puisant ses racines dans cette Savoie des grands
ducs, progressivement tombée dans
l'oubli au moment de l'annexion
par la France en 1860 et l'exode rural, qu'ils ont su associer à des plats
plus traditionnels. Les crozets se
mêlent au beaufort «façon risotto », le foie gras de canard prend
la pose sur une galette de maïs, les
ris de veau se parfument au hêtre et
le lait se met dans tous ses états.
On est étonné de l'échange et du
partage qui régnent dans la maison,
que ce soit avec les clients ou avec
les villageois. «L'autre jour, une
dame appelle notre chef pâtissier
pour lui parler du f arçon qu'elle a
toujours eu l'habitude de faire. Anthony est arrivé chez elle avec son panier et a appris la recette à ses côtés.
C'est très formateur», explique le
père. Tout doit être cohérent. Alors,
hors de question de trouver du homard dans l'assiette. «Nous devons
chacun à notre manière refaire vivre
notre patrimoine en le modernisant.
Nous sommes des ambassadeurs»,
ajoute le fils. Depuis, ils mettent en
valeur les atouts de leur vallée, cette
vallée qu'ils affectionnent tant.
C'est aux Encombres, là où la nature
est restée intacte, que les deux passionnés aiment à se balader. «Ici, on
puise en partie notre inspiration, on y
trouve le genépi, les herbes, les chénopodes bon-Henri (épinard sauvaMENUIRES 4328900500502
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ge) Le jour ou nous avons compris ce
que nous avions autour de nous, nous
avons voulu le retrouver dans nos as
siettes Quand on se promené, on
pense toujours cuisine »
Non loin dè la, un autre site remarquable le lac du Lou, le plus
grand de la Vanoise, au cœur d'un
vallon vierge Aux alentours, de
plus petits lacs l'accompagnent
Rene, toujours une anecdote en poche, se souvient « Une annee, il y
eut tellement de neige qu'une avalanche a vide le lac Noir Cela a ratisse tout le fond et les poissons sont
sortis de leur lit, notamment une
quantite incroyable d'ombles cneva
liers Tous les gens de la vallee se sont
précipites pour les ramasser Au restaurant, nous les avons servis pendant deux jours » Avec une telle richesse de terroir, ll est naturel pour
eux de collaborer avec les producteurs de la vallee Chez Serge Jay, le
fromager du Chatelard, les cuisiniers se fournissent en belles tommes et en sérac Le sourire jusqu'aux oreilles, l'homme est d'une
rare generosite en particulier avec
ses brebis, ses «fifilles» Preuve a
l'etable, ou elles s'empressent de
venir voir le premier humain qui
franchit le seuil de la porte Dans sa
cave, les tommes sont parfaitement
alignées L'une fait cependant exception « C'est un sacre numero ' R
a fabrique une tomme de la mort pour
quand il nous quittera», raconte
Rene, amuse On imagine que le
gout sera on ne peut plus prononce
Une fois par semaine, Serge et sa
femme accueillent les visiteurs pour
déguster la «trantsa», ce petit-lait
chauffe jusqu'à ebulhtion qui remonte a la surface Un plat traditionnel des Alpagistes qui avaient
l'habitude de le manger avec du
pain tres dur, même un peu vert, les
villageois ne le fabriquant qu'une
seule fois par mois
C'est aussi ça, Saint-Martin-deBelleville des traditions qui perdurent, ou l'on imagine encore les
viandes sechees suspendues aux
poutres comme a la ferme Chantacoucou Les proprietaires Josette et
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Bernard Souchal, invitent les clients
a se retrouver autour de la cheminée, avec vue sur le saloir Une
adresse ou les Meilleur aiment a se
rendre pour déguster leurs produits Trois etoiles, certes, maîs
toujours enthousiasmes a I idée de
dîner a la bonne franquette On
l'aura compris, ici, la famille au sens
large du terme est un principe «R
n'y a pas de jalousie chez nous On se
rencontre, on boit un coup L'échange est tres important On est tous pareils, on a vécu les mêmes choses »
Un des points de rencontre cles
our o nous
avons compris ce que
nous avions autour
de nous, nous avons
voulu le retrouver
dans nos assiettes 99
RENE ET MAXIME MEILLEUR
du village est sans conteste le sanctuaire Notre Dame de la-Vie, un
chef-d'œuvre de l'art baroque, ou
une collection d'ex-voto recouvre
un des murs interieurs «Certains
ontleMont-Samt-Michel, nous, nous
avons Notre-Dame-de-la-vie, un
vrai lieu de pelerinage avec une f ete le
15aout C'étaitacette date qu'autrefois les jeunes des différentes vallées
se retrouvaient et se mélangeaient »
Maîs rien n'est plus beau que le
panorama du restaurant d'altitude
le Bouche a Oreille Sans surprise,
la proprietaire, Noëlle Botta, qui
tient l'affaire avec son man, n'est
autre que la sœur de Rene Un heu
qui émerveille, Maxime le premier,
cet enfant sorti du ventre de sa
mere les skis aux pieds C'est
d'ailleurs de la-haut que cet ancien
compétiteur aime a descendre,
avec sa famille, sur la piste des Allamands en direction des Menuires
«On skie dans ce vallon puis, soudainement, il s'ouvre C'est grandiose On voit toute la vallee des Belle ville et encore au delà le massif du
Mont-Blanc, la Vanoise et jusqu'aux
Ecnns » Tout simplement •
La Bouitte, hameau de Saint-Marcel,
Saint Vlartin de-Belleville (Savoie)
Menus entre 140 et 295 €
Tel 04 79 08 96 77
www la houille com
ADRESSES
DES CHEFS
TOMME
DE SAVOIE
Ferme la Trantsa
Le Chatelard
Saint-Martmde-Belleville
Tel 0 6 6 4 2 5 3 8 5 8
SE RESTAURER
Le Bouche a Oreille,
sommet des
Allemands (2 700 m)
Tel 0 4 7 9 0 0 4 6 4 8
Ferme-auberge
Chantacoucou
Le Chatelard
Tel 0613989156
NATURE VIERGE
Randonnée
dans la vallee
des Encombres
ART BAROQUE
Sanctuaire NotreDame-de-la-vie
Saint-Martmde-Belleville
Tel 0 4 7 9 0 0 2 0 0 0
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Bio EXPRESS
1976 Rene et Marie-Louise Meilleur bâtissent
le restaurant la Bouitte.
1981 « Le choc gustatif » ressenti lors d'un dîner
chez Paul Bocuse.
1996 Arrivée aux fourneaux du fils Maxime,
2000 Création de l'hôtel.
2003 1rp etoile au Guide Michelin.
2015 La consécration, 3e étoile au Guide Michelin.
Maxime et René Meilleur dans leur
restaurant trois étoiles, la Bouitte,
à Saint-Martin-de-Belleville.
FRANCOIS BOUCHON/LE FIGARO
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