L`immersion linguistique : ça marche
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L`immersion linguistique : ça marche
E D Près de 100 écoles francophones proposent d’étudier en néerlandais Le néerlandais, « parce qu’on vit ensemble » L’immersion linguistique : ca marche I PHOTOS :ALAIN DEWEZ. mand. Parmi eux, Alain Braun, docteur en sciences de l’Éducation de l’université de MonsHainaut depuis 1995, est responsable du service didactique des langues étrangères. On peut le considérer comme le grand expert belge de l’im mersion. C'est une des -meilleures solutions pour une bonne maîtrise précoce d'une seconde langue, soutient-il. Ce n'est pas la seule. Il en existe d'autres comme le stage à l'étranger, les cours privés, ou le séjour dans une famille. Mais c'est le système le moins coûteux, le plus efficace, et le plus égalitaire, voire le plus démocratique. L’immersion fut néanmoins longtemps interdite. Elle n’avait pas la faveur de Jean-Marc Nollet, la prétendant élitiste, tandis que Marie Arena, l’actuelle ministre de l’Enseignement, se montre prudente. On était rivé au dogme du français d'abord, pré cise Alain Braun. C'était de fait une priorité, mais pourquoi une exclusivité ? Or il ne faut pas de talent particulier pour appréhender une seconde langue. On peut estimer qu'après ce cycle de 7 ans, on atteint une bonne communi cation dans la langue cible, avec un bon niveau de maîtrise. 10 OOO bons bilingues par an Cette façon d’apprendre le flamand sans trop s’en rendre compte laisse pourtant quelques Suivre une majorité de cours en flamand dès 5 ans ? L’idée fait son chemin. Cette rentrée le prouve ! secondaire, 11 écoles s’y mettent, elles aussi. Dès la 3e maternelle, à 5 ans (l’âge adéquat), les enfants suivent les cours dans l’autre langue. Pour simplifier, 75 % de ceux-ci se donnent en flamand, les 25 % restants étant dispensés en français. Et cela jusqu’en 2e primaire. La 3e et la 4e équilibrent le rapport : 50 % flamand, 50 % français, les deux dernières l’inversent : 25 % flamand, 75 % français pour étayer la langue maternelle. Tous les réseaux s’y mettent, avec une réelle e n’est plus une expérience isolée, adhésion de l’enseignement communal. Et la mais un vaste mouvement qui engage Wallonie n ’est pas en retard par rapport à Tavenir. L’immersion linguistique Bruxelles (avec seulement 8 écoles), et moins gagne du temain en Communauté fran encore face à la Flandre où cette possibilité çaise. En cette rentrée 2005, 81 écoles n’existe tout simplement pas. fondamentales proposent ce système d’enseigne ment, 60 % de plus que l’an dernier ! La plupart choisissent le flamand (60 sur 81), certaines pré férant l’anglais (19) et deux l’allemand. La pro gression est spectaculaire : 9 écoles en 1999, 25 Frasnes-lez-Anvaing fut la première commune à en 2001,'51 en 2004 et 81 aujourd’hui. Dans le se jeter dans le bain en 1998. Elle peut se targuer C 14 Frasnes-lez-Ânvaing pionnière d’avoir formé une classe d’âge complète et d’en avoir tiré des enseignements. A la rentrée de 1998, on comptait 26 élèves. En 2004, ce chiffre est passé à 176. La 6eprimaire, qui va maintenant passer en humanités, compte 18 élèves, dont 14 vont continuer en immersion linguistique à VAthénée royal, avance-t-on, ravi, à l’échevinat de l ’Instruction publique. Cette « première cohorte », comme on la désigne sur place, donne de bons résultats partout. Au niveau anglais, le lycée Léonie de Waha (où Laurette Onkelinx inscrivit ses enfants) a pour sa part poussé l’immersion en anglais, avec de bonnes performances dans l’enseignement uni versitaire. En Brabant wallon, la demande est très forte (lire notre encadré p. 16). À Bruxelles, où l’on subit la concurrence directe des écoles flamandes, la formule séduit aussi parce qu’elle ne déracine pas l’enfant de son milieu. Les pédagogues et spécialistes de l’acquisition du langage ne manquent pas d’arguments pour vanter les mérites de cette plongée dans le fia- élèves sur le bord de la réussite. Elle ne convient pas à tous. C'est vrai. On enregistre un taux d'échec de 4 à 5 %, souvent pour des raisons affectives. Certains élèves refusent d'entrer dans le systè me. Dans ce cas-là, je dis toujours qu'il ne faut pas s'entêter. Je préfère un monolingue heureux qu'un bilingue malheureux ! Ce faisant, la Communauté française n’a rien inventé. Le Canada, l’Irlande, le Val d’Aoste font de même. Alain Braun pense qu’on ne reviendra pas en arrière. Il propose même un brevet d’immersion pour les futurs instituteurs chargés de cette tâche pour faire converger les compétences et les méthodes. Ce grand-père parlant six langues croit à ce qu’il dit : la preu ve, il a poussé ses deux petites-filles en immer sion anglaise ! Mais surtout, il voit là l’occasion d’enfin combler le déséquilibre avec les néerlandophones, traditionnellement plus à l’aise dans l’autre langue nationale. Si on poursuit dans cette voie, avec les effectifs actuels, on sortira bientôt 10 000 bons bilingues par an... e Bernard Meeus. Ceux qui veulent en savoir plus peuvent consulter le site www.agers.cfwb.beJ, rubrique www.immersion.dyndns.org/ UNE GRANDE MAJORITÉ des échanges à l'école s'effectue en flamand. Les classes sont très soudées. e choix de l’immersion linguistique . n’est pas innocent. Les parents qui s’engagent dans cette démarche y ont généralement bien pensé avant. C’est le cas de Véronique deW outers, maman de Géraldine (12 ans), qui s’apprête à accom plir ses humanités à l’Institut de la Vierge fidèle, à Bruxelles, en intégrant le program me d’immersion en néerlandais. Dans sa famille, l’utilité de connaître plusieurs langues est une évidence. Le voisin de gauche est anglais, celui de droite hollan dais, la petite cousine qui vient en vacances parle l’espagnol et les grands-parents écoutent la radio en néerlandais... Bref, il y a, pour les enfants, toutes les raisons du monde de s’ouvrir à d’autres langues. Ne serait-ce que pour ne pas se replier sur soi. Les parents de Géraldine avaient hési té à inscrire leur fille dans une école néerlandophone. Finalement, ils ont opté pour l’immersion. L Nous avons laissé tom ber l'option « école néerlandophone » parce qu'habitant Bruxelles, il nous a été impossible de trouver une école flamande qui accueillerait moins de 90 % d e ... francophones. L'enfant doit pouvoir s'im prégner de l'autre langue, mais aussi de fa culture. Dans une école flamande peuplée presque exclusivement de francophones, aucu ne langue n'est finalement maîtrisée comme il le faudrait. Nous avons donc décidé de privilé gier le français, tout en nous disant que l'on trouverait une solution pour que la deuxième langue soit acquise. Véronique se tourne alors vers l’immer sion en néerlandais, parce qu’elle tient à son idée. Il est aberrant, dît-elle, de ne pas être au moins bilingue en Belgique. On vit ensemble après to u t Et puis, pourquoi hési ter l Géraldine est partante. Elle est douée pour les langues et a une bouée de secours r « au cas où », l’école lui offre la possibilité, à la Toussaint, de bifurquer vers une section traditionnelle. • M. Bru. -■ M ercredi 31 a o û t 2 0 0 5 ' OOO 15