Les métiers du contrôle industriel offrent de nombreux
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Les métiers du contrôle industriel offrent de nombreux
F orum Car r i è r e e t e m p l o i « Les métiers du contrôle industriel offrent de nombreux débouchés » H L’industrie souffre d’une mauvaise image. Elle attire peu les jeunes diplômés. Pourtant, si les emplois peu qualifiés y ont fortement diminué, l’automatisation toujours plus poussée des processus de production a donné naissance à des métiers exigeant des connaissances beaucoup plus pointues. Ceux concernant le contrôle industriel y sont stratégiques, mais il existe un décalage entre les enseignements et les requis des postes à pouvoir. Deux des membres de l’Exera nous exposent leurs points de vue et nous transmettent le résultat d’un groupe de travail mené sur ce sujet. Mesures. Une affiche amusante conçue par l’Exera (Association des Exploitants d’Équipements de Mesure, de Régulation et d’Automatisme) et diffusée par Gimélec, rappelle que le contrôle industriel est une technologie indispensable au fonctionnement de tous les équipements. Mais surtout, elle indique qu’il s’agit d’un domaine d’activités où carrières et emplois sont assurés. Dans un tel contexte, comment expliquez-vous qu’il existe un manque d’attractivité de ces métiers ? Jean-Pierre Le Foyer. Ces métiers sont mal connus du grand public et des organismes de formation générale. Par conséquent, puisque les postes à pourvoir sont mal connus, ils ne peuvent être pourvus. C’est pour cela que l’Exera cherche à mieux faire connaître les métiers du contrôle industriel au grand public. Si on questionnait les gens à ce sujet, je suis bien certain que l’on récolterait seulement 1 à 2 % de réponses valables. Alain Chaix. Il existait une pénurie de candidats sur ce type de postes avant la crise de 2008/2009 qui a quelque peu changé la donne. Les chefs d’entreprise qui recherchaient des techniciens spécialisés dans le contrôle commande que cela soit dans le domaine de l’eau, de l’énergie ou encore du pétrole avaient du mal à recruter. De même que les sociétés de services qui doivent gérer la charge variable de leurs donneurs d’ordre en fonction des projets. Mesures. Quels profils de techniciens recherche-t-on ? Alain Chaix. La demande est plutôt dans le domaine de la maintenance, de la mise en route, des projets de mise en place des équipements et des bureaux d’études. Actuellement, on parle plus de compétences que de métiers. Beaucoup de métiers sont programmation, régulation, instrumentation, électricité… Peu de gens peuvent posséder toutes ces compétences ? Alain Chaix. Attention, je ne parlais pas de polycompétences mais de polyvalence. Par exemple, un instrumentiste, si ce métier-là existe encore, peut être amené à effectuer de la programmation, installer des capteurs, réaliser du diagnostic sur des transmetteurs… Jean-Pierre Le Foyer. Certaines personnes seront, par exemple, spécialisées de façon très pointue dans un domaine particulier comme la maintenance d’automates. Mais dans le cadre du projet, elles devront aussi posséder quelques connaissances sur certains autres aspects du contrôle commande. Par rapport à un savoir, il faut faire la distinction entre une connaissance superficielle et une connaissance approfondie. C’est cette modulation qui fait que des gens se spécialisent ou deviennent des généralistes. à force de toucher à tout, ils deviennent des généralistes au niveau d’une usine. Cela permet d’élargir leurs compétences et de passer, par exemple, du statut d’ingénieur projet de contrôle à celui d’ingénieur tous corps d’état avec un savoir-faire élargi à l’électricité, au génie civil, etc. “ C’est un métier mal connu ” 20 aujourd’hui des emplois polyvalents. On trouve de moins en moins de techniciens ou même d’ingénieurs qui sont concentrés sur une mission. Souvent, ils sont amenés à effectuer du développement, un peu d’études, du diagnostic… voire des opérations de maintenance. On recherche la polyvalence, tout en restant dans les métiers du contrôle commande. Mesures. Le groupe de travail de l’Exera a identifié les connaissances nécessaires aux métiers du contrôle commande : MESURES 835 - mai 2011 - www.mesures.com Jean-Pierre Le Foyer, membre de l’Exera, et Alain Chaix, directeur de l’IRA (Institut de Régulation et d’Automation), ont participé au sein de l’Exera au groupe de travail Formation Contrôle Industriel. Ce groupe de travail a mis en lumière les décalages entre les compétences requises par les industriels et celles acquises par les techniciens et ingénieurs au cours de leur formation. Il a élaboré un référentiel pour évaluer le niveau de connaissances dans différentes thématiques techniques liées au contrôle industriel. Mesures. Ces métiers sont peu connus des élèves et de leurs enseignants. Comment l’expliquez-vous ? Jean-Pierre Le Foyer. Dans un projet industriel, la partie contrôle ne représente qu’environ 10 à 15 % du prix global. Lorsque l’on ne connaît pas l’univers industriel, il n’est pas évident de se représenter ce qu’est un projet. Il est encore moins évident de savoir MESURES 835 - mai 2011 - www.mesures.com ce que représente le contrôle industriel qui en est qu’une faible part. Cela explique cette méconnaissance. Pourtant, le contrôle industriel est indispensable. Il est à une usine ce que le volant est pour une voiture. Sans volant on ne peut pas la diriger. Alain Chaix. Ce sont des métiers stratégiques sur lesquels il faudra miser pour l’avenir de notre industrie. Mais les métiers du contrôle industriel souffrent autant, sinon plus, du manque d’attractivité que de leur méconnaissance. Il y a quand même une tendance forte : les parents ne poussent pas leurs enfants à s’orienter vers les métiers de l’industrie. Car l’industrie n’est pas perçue par le grand public comme porteur de carrière et d’avenir. Du coup, nos métiers souffrent de ce manque d’attractivité. Et aussi, la méconnaissance de ce que les métiers de l’industrie peuvent offrir comme carrière. Et pourtant, on peut faire carrière dans l’industrie encore aujourd’hui. Jean-Pierre Le Foyer. Il est vrai que la tendance actuelle est de pousser les jeunes vers les formations concernant la finance, le commerce, le marketing ou encore l’informatique. Il y a une désaffection de l’industrie, car c’est considéré comme sale, dangereux… En toile de fond, il y a l’aspect des salaires qui seraient moins importants que dans d’autres secteurs. Je pense que c’est une fausse idée car on gagne très bien sa vie dans l’industrie. Face aux miroirs aux alouettes d’autres domaines d’activités, on considère que l’industrie n’apporte rien. Ce qui est faux. Alain Chaix. On est aussi victime d’une évolution de la vie quotidienne. Les jeunes naissent pratiquement avec un ordinateur dans la main et vivent avec dans un univers ludique. Ils ont donc envie de poursuivre leur vie professionnelle dans ce genre d’environnement : multimédia, jeu, Internet, logiciels… Tout ce qui se trouve derrière l’ordinateur les intéresse moins. Nous l’avons vécu à l’IRA au niveau des formations des techniciens supérieurs. Il y avait un tronc commun et des options bus informatique industrielle et partie opérative (instrumentation, ➜ 21 Forum Forum Par contre, il est toujours possible de reparamétrer ou reprogrammer un système informatique. Il existe un droit au pardon. Alain Chaix. Mais il ne faut pas se leurrer, on ne peut pas tout corriger par logiciel. C’est un peu comme construire une belle maison sur de mauvaises fondations. Si la partie opérative n’est pas proprement réalisée, on peut rattraper certaines choses, mais on ne fera jamais rien de bon pour rattraper complètement la situation. Pour Alain Chaix, même si l’industrie propose moins d’emplois, ceux concernant le contrôle commande industriel restent importants et stratégiques. Sans mesures ni contrôle, un site industriel ne peut pas fonctionner et être performant. ➜ capteurs). On n’arrivait pas à remplir cette dernière qui était considérée par les étudiants comme de la plomberie. Le côté, considéré comme plus noble, de la supervision, la communication ou encore la gestion de données, était préférée aux capteurs, vannes, et autres actionneurs. Jean-Pierre Le Foyer. Ces fonctions peuvent aussi faire peur. Car il faut bien calculer une vanne de régulation pour qu’elle gère parfaitement le process. Il peut y avoir jusqu’à plusieurs mois de délais de conception et de livraison donc il n’y a pas le droit à l’erreur. Mesures. Les départs à la retraite de personnes expérimentées entraînent des pertes de compétences. Existe-t-il une réelle inquiétude face à ce problème ? Alain Chaix. On se retrouve déjà dans cette situation dans différents secteurs industriels. Jean-Pierre Le Foyer. Il y a effectivement toute une génération qui a exercé le métier et dont l’heure de la retraite a sonné. Cela va créer un manque indéniable car il n’y a pas de transmission automatique de leur savoir. De plus, il existe une distorsion entre les exigences des connaissances requises par les industriels et celles enseignées par les organismes de formation.Tout cela ne va pas dans le bon sens. Le groupe de travail de l’Exera a dressé la liste des compétences dont ont besoin les industriels. Cette liste est longue, mais il ne faut pas paniquer car le nombre de savoir est important, mais tous n’exige pas le même degré de profondeur. Mesures. On raconte souvent que grâce à leur expérience des process industriels, Forces et faiblesses des BTS MI et CIRA Le groupe de travail Formation contrôle industriel de l’Exera a étudié dans le détail les programmes de formation des BTS CIRA (Contrôle Industriel et Régulation Automatique) et MI (Maintenance Industrielle). Ceux sont deux filières les plus représentatives ou qui devraient se rapprocher le plus selon lui du métier de contrôle industriel. Cette étude détaillée confirme l’intérêt de BTS CIRA qui « produit » des jeunes diplômés « qui pigent vite », et acquièrent une bonne vision d’ensemble des sujets qui leur sont enseignés. Malheureusement, certains sujets enseignés sont déphasés par rapport à la réalité industrielle : Ptrop grande part accordée à l’enseignement théorique au détriment de l’enseignement de matières comme la physique et chimie industrielles, P trop faible part accordée aux enseignements nécessaires à l’industrie comme ceux du risque industriel, des « méthodes », des textes législatifs applicables, des codes normes et standards, des technologies du « terrain », P vision de l’avenir du « numérique » discutable. La filière du BTS MI présente quant à elle « sur le papier » une forme d’enseignement qui devrait procurer une meilleure approche du monde industriel (vision « systémique », apprentissage de l’expression écrite et orale). Malheureusement, cette filière présente encore plus de lacunes que le BTS CIRA relativement aux enseignements en sciences physiques et chimiques, et en méthodologie. Cette approche du monde industriel ainsi professée ne motive pas toujours les jeunes diplômés. 22 « les anciens » peuvent diagnostiquer un problème ou régler une machine à l’oreille. En est-on encore là aujourd’hui ? Jean-Pierre Le Foyer. Il est vrai que dans les années 70, j’ai connu des gens, qui dans l’industrie sidérurgique, arrivaient par un jet de salive sur le four à évaluer sa température. Le temps de disparition de la salive était fonction de la température. Mais on n’en est plus là. Loin de là. Le contrôle industriel est devenu très sophistiqué du point de vue technologique et pointu en termes d’automatismes. Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que des ingénieurs qui gèrent une unité de production depuis leurs écrans de supervision ne sont pas toujours capables d’installer et configurer des capteurs, etc. Il y a un désintérêt de l’instrumentation, son installation, son réglage… Du point de vue système et régulation, cela se passe bien mais le pragmatisme dont faisait preuve les anciennes générations disparaît. Les jeunes ingénieurs et techniciens sont conscients de ce qui se passe sur la console de suivi de production, mais ne comprennent pas toujours ce qui se passe derrière, sur le terrain. Mesures. En France, l’industrie ne produit plus que 14 % de la richesse nationale (contre 30 % en Allemagne et 22 % en moyenne en Europe) et depuis 1980, les emplois industriels ont diminué de 36 %. Pourtant, vous soutenez que les métiers du contrôle industriel ont de l’avenir… Alain Chaix. L’industrie a évolué. Nous parlons des métiers de l’automatisation industrielle. Pendant des décennies, on a cherché à optimiser et à automatiser ce qui était réalisé manuellement. Effectivement, des emplois industriels de forte pénibilité présentant des risques pour la santé et pour les personnes ont disparu. Du coup, des métiers exigeant des connaissances beaucoup plus pointues sont nées. Même si l’industrie propose moins d’emploi, ceux concernant le contrôle commande industriel restent importants et stratégiques. Sans mesures ni contrôle, un site industriel ne peut pas fonctionner et être performant. Jean-Pierre Le Foyer. Aujourd’hui, on ne pourrait pas piloter la moindre des unités de production sans des processus de contrôle qui sont essentiels à l’optimisation de son fonctionnement du point de vue de la qualité, la productivité, la protection de l’environnement. Ce qui réclame des qualifications extrêmement sophistiquées. Alain Chaix. La mesure sert à des fins de contrôle… mesurer pour bien réguler pour contrôler la production et rester dans des MESURES 835 - mai 2011 - www.mesures.com critères de qualité optimales. Mais la mesure sert aussi à contrôler les rejets dans l’environnement et à respecter les réglementations en vigueur. Les outils de contrôle commande sont là pour assurer l’industriel qu’il produit de façon optimale en respectant les règles environnementales. Jean-Pierre Le Foyer. Le contrôle a aussi pour but de coller à la réalité et de faire en sorte que le produit final soit toujours dans les spécifications attendues quelques soient les variations des matières premières employées. Alain Chaix. Le contrôle commande procure aussi une plus grande flexibilité de la production. Dans l’agroalimentaire, la cosmétique, etc. Il offre la possibilité de réaliser plusieurs recettes ou procédures de fabrication depuis les mêmes installations. Mesures. Comment avez-vous travaillé ? Jean-Pierre Le Foyer. On a d’abord déterminé les savoirs que l’on attend d’un technicien ou d’un ingénieur de contrôle industriel quel que soit son niveau de qualification. Nous avons donc établi une liste de savoirs théoriques idéaux attendus qui figurent en partie gauche du tableau « référentiel de compétences Exera ». Mais il existe aussi des connaissances annexes acquises par la formation continue ou sur le terrain comme celles liées au génie civil, à l’électricité, etc. Car si, comme je l’ai souligné précédemment, le contrôle commande peut être comparé au volant d’un véhicule, il faut bien aussi avoir des connaissances sur ses roues. Ce sont des savoirs tiers pour comprendre le contrôle et les procédés industriels. Après avoir décrit des savoirs, il faut ensuite les décliner en termes de qualifications. Cela correspond à la partie droite du tableau. Le détenteur d’un CAP disposera d’un niveau de savoir sur un point qui ne sera pas du même degré de profondeur que celui d’un ingénieur. Un ingénieur en contrôle avancé peut être expert dans un domaine et en ignorer parfaitement un autre. Alain Chaix. Pour chaque thématique cinq niveaux de compétences ont été établis : néophyte, débutant, confirmé, autonome, expert. Ces niveaux ne sont pas directement liés à des diplômes de l’éducation nationale parce que le plus important est de cerner les compétences requises pour un métier particulier du contrôle commande qu’elles aient été acquises par la formation initiale ou continue et par l’expérience sur le terrain. “ On peut faire carrière dans l’industrie encore aujourd’hui ” Mesures. L’Exera s’est donc penché sur la question en créant notamment un groupe de travail qui a cherché des solutions pour éviter les pertes de compétences dans le domaine du contrôle industriel. Quelle a été sa démarche ? Jean-Pierre Le Foyer. Comme on l’a souligné précédemment, on a constaté qu’il y avait un decrescendo des qualifications et une désaffection pour ces métiers du contrôle commande. Ce ne sont pas les seuls concernés, mais comme ils sont encore moins connus que les autres il y a une désaffection encore plus grande. Notre démarche a été pragmatique. Nous sommes partis du constat que nous avions un besoin de personnels compétents et nous avons cherché un moyen de palier à cette lacune à court terme. Cette démarche ne va pas demander des années, contrairement à une campagne de sensibilisation auprès de l’éducation nationale et du grand public qui n’aurait pas eu d’effets immédiats. Les deux actions doivent se mener en parallèle, mais on a commencé par la plus pragmatique. On a constaté une désaffection, mais également une distorsion des formations. Au sein de l’Exera, on a créé un groupe de travail d’une demi-douzaine de personnes occupant des fonctions dans les ressources humaines, les services techniques, la formation… Chacun apportant ainsi sa perception des choses. Mesures. Comment doit être utilisé ce référentiel de compétences ? Jean-Pierre Le Foyer. Un poste dans un établissement donné requiert des compétences précises. La case correspondant au niveau attendu pour chaque thématique technique sera grisée. Lors d’un entretien d’embauche ou d’un bilan de compétences, il suffit de mettre une croix dans la case correspondant au niveau de la personne évaluée. Ainsi le décalage ou la concordance entre le niveau atteint et le niveau requis apparaissent clairement. On peut se rendre compte si le candidat répond ➜ “ Il y a un désintérêt de l’instrumentation ” MESURES 835 - mai 2011 - www.mesures.com 23 Forum Forum emplois et des compétences. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ne s’intéresse qu’à des métiers très génériques (maintenance, management, etc.). Mais dès que l’on rentre dans le concret, il n’y a plus vraiment d’outils. Et pourtant, les seniors quittent leur entreprise avec des compétences très précises et non pas une fonction générique. Jean-Pierre Le Foyer : « Au sein de l’Exera nous avons constaté qu’il y avait un decrescendo des qualifications et une désaffection pour ces métiers du contrôle commande. Notre démarche a été pragmatique. Nous sommes partis du constat que nous avions un besoin de personnels compétents et nous avons cherché un moyen de pallier cette lacune à court terme. » ➜ parfaitement au profil ou si une formation spécifique est nécessaire sur certains points techniques. En tous états de cause, la personne qui réalise l’évaluation doit bien connaître le métier du contrôle commande. Mesures. Ce type de référentiel recensant les compétences techniques des métiers du contrôle commande n’existait-il pas déjà chez certains industriels ? Alain Chaix. Cela existe sans doute pour des fonctions de management, mais pas pour ces métiers techniques et certainement pas de manière si détaillée. Le poste pouvait être éventuellement décrit en quelques lignes. Ici, on dispose d’un support réel d’évaluation des savoirs des métiers du contrôle commande qui pourra être exploité par la DRH pour le recrutement ou les entretiens annuels d’évaluation. Jean-Pierre Le Foyer. Cet outil permet aussi de visualiser les décalages de connaissances lorsque l’on souhaite faire évoluer quelqu’un d’un poste à un autre. On peut alors identifier s’il est possible d’y remédier de façon simple et pragmatique par un stage, une cooptation interne ou encore une formation externe. Cette grille est exploitable par toute entreprise. Il faut toutefois encore quelques experts dans l’entreprise pour pouvoir décrypter la grille et évaluer les compétences. Alain Chaix. Cette grille se révélera très importante pour préparer le remplacement d’une personne qui prend sa retraite. On peut ainsi évaluer avant son départ quels savoirs elle dispose pour exercer son métier dans l’entreprise. On peut positionner son savoir sur cette grille et se servir de cette base pour déterminer si son remplacement peut être réalisé par promotion interne ou par recrutement. C’est un outil de gestion des 24 Mesures. Quelles sont les entreprises qui pourront employer ce référentiel de compétences ? Jean-Pierre Le Foyer.Toute société membre de l’Exera pourra l’utiliser. Pour l’instant, il s’agit d’une démarche propre à l’Exera, pour répondre à un besoin urgent. Si l’éducation nationale accepte de prendre en considération le travail que l’on a réalisé (on a d’ailleurs demandé un entretien à l’inspection générale pour évoquer ce sujet) et en déduit la remise à plat de certaines formations pour mieux coller à nos besoins, nous y sommes bien entendu favorables. Mais cela sera fait à plus long terme. Nous gérons ici le court terme. Alain Chaix. L’Exera a eu une démarche très responsable. Des consortiums devraient effectuer ce genre de travail pour différents métiers. Cela assurerait leur sauvegarde. Il y a des métiers qui vont disparaître si à aucun moment, on inscrit noir sur blanc en quoi ils consistent et quelles connaissances ils exigent. contexte industriel sur lequel agit la régulation. Il faudrait organiser plus systématiquement des visites techniques du corps professoral dans des usines pour que les enseignants touchent du doigt certaines réalités du contrôle industriel. Alain Chaix. De tels échanges existent mais ils ne sont pas généralisés, et dépendent des académies. C’est aussi souvent une histoire d’hommes qui ont la volonté de faire côtoyer ces deux univers. André Toussaint, un professeur référent de BTS CIRA, aujourd’hui à la retraite, a œuvré pendant des années pour tisser des liens entre le monde industriel et celui de l’enseignement. Le développement de cette filière est essentiellement dû à son engagement et à sa volonté. Mais il n’existe pas, comme en Allemagne, des processus qui institutionnalisent la démarche au-delà des hommes. Les plus motivés, qui heureusement existent, peuvent être considérés par leurs collègues comme des Don Quichotte qui se battent contre de moulins à vent. Il y en a encore beaucoup qui ont la foi. C’est le système global qui enlise un peu les énergies. Un autre point peut expliquer le décalage entre les attentes de l’industrie et l’enseignement proposé aux élèves. L’apprentissage par la pratique exige des investissements en matériels qui doivent être renouvelés régulièrement. Le coût ne concerne pas uniquement celui du matériel mais aussi le temps passé par le formateur pour préparer les travaux pratiques et mettre le matériel dans un contexte pédagogique puis d’évaluation. L’éducation nationale doit donc faire face à des investissements matériels et humains de plus en plus importants, alors que le nombre de candidats de ces filières techniques est de plus en plus faible. Si on s’arrête aux seuls critères financiers, on peut comprendre que les reformes visent à concentrer les moyens où à supprimer certaines filières. Les outils de simulation pourraient aider à réduire les coûts. Ils seraient employés en complément du matériel. Les étudiants pourraient alors alterner les ateliers réels et virtuels. qui se rapproche de celui de l’industrie. Pour le second, les besoins peuvent changer entre quelques mois à un an, alors qu’il faudra cinq ans pour que le premier les prennent en compte dans ses programmes. Il faut s’assurer que le contenu de tel ou tel diplôme s’adapte à l’évolution du métier. Il faudrait que les référentiels soient modifiés l’année suivante au lieu de devoir attendre le cycle de cinq années. Par ailleurs, il faut noter qu’il est difficile de faire exprimer aux industriels leurs besoins dans les années à venir car c’est quelque chose qui passe un peu au second plan par rapport à beaucoup d’autres problèmes qu’ils ont à gérer. Jean-Pierre Le Foyer. La formation par alternance est un moyen de faire intégrer aux étudiants des savoirs complémentaires à leur formation de base. Mais on n’y a pas suffisamment recours dans l’industrie. Ce serait un moyen de concilier les différences de cycle entre l’éducation nationale et l’industrie. Alain Chaix. Il existe des BTS qui se font par apprentissage. Mais en France, la formation par alternance n’est pas très bien vue. Les enseignants la réservent à des élèves qui ne “ La formation par alternance n’est pas très bien vue ” “ L’Exera a eu une démarche très responsable. D’autres consortiums pourraient l’imiter ” Mesures. Le groupe de travail de l’Exera souligne dans son rapport un décalage entre les enseignements et le « requis » des postes à pourvoir. Il note en particulier une hypertrophie de l’informatique et à moindre échelle, des enseignements théoriques trop pointus. Comment expliquer ces décalages ? Jean-Pierre Le Foyer. La vision de l’industrie par le corps professoral est parfois décalée par rapport à la réalité. Dans le document de support de formation du BTS CIRA (Contrôle Industriel et Régulation Automatique) sur près de 200 pages, 32 sont consacrées à la régulation et seulement deux pages sur l’installation générale. D’un point de vue professoral, la régulation c’est clair et net, c’est mathématique. Or, en ignorant l’installation des capteurs, on ignore le Mesures. Comment est-il possible de remédier à ce déphasage entre les deux univers ? Alain Chaix. Il conviendrait que l’univers de la formation initiale ait un temps de réactivité MESURES 835 - mai 2011 - www.mesures.com Une affiche amusante conçue par l’Exera (Association des Exploitants d’Équipements de Mesure, de Régulation et d’Automatisme) et diffusée par Gimélec, rappelle que le contrôle industriel est une technologie indispensable au fonctionnement de tous les équipements. Mais surtout, elle indique qu’il s’agit d’un domaine d’activités où carrières et emplois sont assurés. MESURES 835 - mai 2011 - www.mesures.com peuvent pas suivre le cursus traditionnel, toujours considéré comme étant la voie royale. D’un autre côté, les industriels n’ont pas toujours les moyens humains pour encadrer les jeunes en apprentissage. Donc ceux qui souhaitent suivre cette voie ne trouvent pas systématiquement une entreprise prête à les accueillir. Mesures. Il existe des BTS qui s’intéressent aux métiers du contrôle industriel tels que les BTS CIRA et MI (voir encadré) mais pourquoi n’existe-t-il pas d’écoles d’ingénieurs spécifiques ? Alain Chaix. Les ingénieurs ne veulent plus exercer des métiers techniques. Les options de type contrôle commande avancée se sont éteintes, faute de candidat. Et le contrôle industriel est un métier transversal pour lequel il n’existe pas de qualifications et de certifications portées par une branche professionnelle spécifique comme dans le domaine de l’électricité, par exemple. La branche contrôle commande industriels n’existe pas. Elle se retrouve partout : dans l’industrie du papier, du pétrole, de la chimie… Mesures. Le groupe de travail Formation contrôle industriel de l’Exera constate aussi une rotation trop rapide des jeunes dans les postes techniques. Pourquoi ? Jean-Pierre Le Foyer. Ces rotations font partie de la stratégie de certaines entreprises qui veulent éviter la démotivation de leur personnel dont la tâche deviendrait routinière. Mais dans les métiers techniques en trois ans, (cycle de rotation typique), on a à peine le temps d’être formé sur tous les aspects du contrôle industriel. Alain Chaix. Ce sont des méthodes qui conviennent aux métiers où l’on peut facilement tomber dans la routine et qui exigent donc des changements de poste assez fréquents. Les métiers du contrôle commande se renouvellent grâce aux perpétuelles évolutions technologiques.Tout est remis en question tous les jours. La routine ne peut absolument pas s’installer. Il ne faut surtout pas appliquer de règles générales à tous les métiers, mais au contraire, il convient de considérer les spécificités de chaque profession et décider d’une stratégie à adopter au cas par cas. Propos recueillis par Youssef Belgnaoui 25