Projet Pédagogique
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Projet Pédagogique
Benjamin Kahn Promotion M11 Formation Musicale Projet Pédagogique Formation musicale et musique appliquée à l’image Cefedem Bretagne –Pays de la Loire Introduction I Motivation, formation musicale et musiques appliquées à l’image 1 Pourquoi beaucoup d’élèves ne sont-ils pas naturellement motivés par la formation musicale ? 2 En quoi les musiques familières aux élèves peuvent en partie pallier à ce manque de motivation ? 3 Pourquoi les musiques appliquées à l’image semblent être la passerelle idéale ? II Comment étudier les musiques appliquées à l’image dans une optique traditionnelle du cours de formation musicale ? 1 Comment approcher les musiques de film ? 2 Différents exemples de procédés musicaux « classiques » au travers des musiques de films. 3 Une ouverture vers les musiques anciennes, actuelles et actuelles amplifiées. 4 Une préparation à la composition III Comment réorganiser en innovant un cours de FM au moyen des musiques appliquées à l’image ? 1 Moyens 2 Optique du cours 3 Finalités Introduction Dans le cursus d’études musicales des conservatoires, le cours de formation musicale est souvent vu comme la bête noire des élèves. En effet, un élève s’inscrit en règle générale pour apprendre un instrument en se voyant déjà sur le devant de la scène, sans forcément prendre immédiatement conscience qu’il faudra beaucoup de temps et de travail avant de pouvoir réellement s’épanouir avec. C’est à cette situation frustrante que s’ajoute l’obligation pour l’élève de suivre un cours de formation musicale, soit généralement entre 45 min et 1h15 de cours laissant beaucoup de place à la théorie. Le cours de formation musicale intervient donc dans le cursus de l’élève comme sur un terrain hostile, en tant que condition sine qua non pour avoir accès au travail instrumental pour lequel il s’est lancé dans la musique. Partons d’un constat : plusieurs fois en tant qu’enseignant, j’ai tenté de varier le plus possible les exemples sonores illustrant mes cours. Etant passionné par les musiques des films, de séries télévisées et de jeux vidéos, j’ai toujours essayé d’inclure des pièces issues de ces répertoires dans mes exemples. Je me suis vite aperçu que les élèves étaient plus réactifs lorsque le thème de la série Les Simpsons résonnait pour faire entendre un mode cher à Béla Bartok, ou que la sixte napolitaine se faisait entendre dans l’introduction du thème de Batman. De ces écoutes émanaient des réactions enthousiastes d’élèves ayant reconnu les extraits, et les rattachant immédiatement à des personnages qui leur sont familiers. Tout cela s’ajoutait à une double surprise : d’une part les élèves ne s’attendaient pas à écouter ce répertoire en cours de formation musicale, et d’autre part, ils ne soupçonnaient pas que ces musiques pouvaient abriter tant de ressources. Nous choisirons donc de tenter une approche de la formation musicale par les musique appliquées à l’image (films, séries télévisées, jeux vidéos…). En effet, les élèves sont de plus en plus confrontés par le biais des médias à des musiques représentant pour eux des univers qui leur sont familiers. Or, beaucoup de musiques « audio-visuelles » répondent à des caractéristiques qui se retrouvent dans des musiques dites « classiques ». Leur étude permettrait donc d’aboutir aux objectifs du cours traditionnel de formation musicale, tout en sensibilisant les élèves par des musiques qui les touchent de plus près. De plus aucun style de musique n’est exclu par le cinéma, ce qui ne réduit pas l’éventail de genres proposés. D’autre part, l’apprentissage musical serait appuyé par un support visuel, ce qui sollicitera un sens supplémentaire chez l’élève. Enfin, nous proposerons une manière différente d’enseigner la formation musicale grâce à une approche de création ayant pour base les musiques appliquées à l’image. I-Motivation, formation musicale et musiques appliquées à l’image 1-Pourquoi beaucoup d’élèves ne sont-ils pas naturellement motivés par la formation musicale ? Un élève s’inscrivant dans un conservatoire pense avant tout à une formation concrète lui permettant de jouer d’un instrument. Il est donc attiré par la pratique musicale, et non par sa théorie, qui, par essence, a un côté plus scolaire que l’enfant ne souhaite pas forcément retrouver en dehors des murs de son école. Le cours de formation musicale est donc en général considéré comme une contrainte, laissant peu de place à la pratique, donnant des clés qui serviront aux élèves uniquement en cours d’instrument, comme si le travail laborieux se faisait en cours de formation musicale, et le travail agréable en cours d’instrument. Le fait que ce cours soit imposé est déjà une des principales raisons du manque de motivation de l’élève, venu apprendre la musique pour pratiquer. Si la musique est un choix réfléchi pour certains de ces élèves dont la motivation instrumentale est déjà formée (enfants déjà intéressés ou élèves adultes), beaucoup d’élèves se lancent dans la musique par défaut : pression des parents, envie d’avoir une discipline extra scolaire parmi tant d’autres. Mais quelque soit leur profil, apprendre la musique signifie généralement pour eux avant tout jouer d’un instrument, donc prendre des cours d’instrument. Pourtant, le cours de formation musicale aborde des notions immédiatement praticables, sans la barrière de la non-maîtrise de l’instrument. Dans le livre « Comment la musique vient aux enfants » de Antoine Hennion , Sylvie Léchappée, professeur de formation musicale affirme « Les débuts à l’instrument sont une épreuve difficile et ingrate ; alors que le solfège se passe très bien, les débuts à l’instrument sont pénibles ». En effet, un élève peut par exemple avoir appris un rythme lors du cours de formation musicale ; il sait le reproduire à la voix ou de manière corporelle, et a compris comment il s’inscrit dans une mesure et comment il est justifié musicalement. Par contre l’exécuter à l’instrument pose une difficulté supplémentaire : la technique instrumentale. Pouvoir se servir de l’instrument est la condition pour aborder les notions apprises. Le rythme appris et compris peut s’avérer difficile à mettre en place car l’instrument implique des doigtés, parfois du souffle ou encore une recherche de la justesse. Tous ces éléments techniques pour la plupart, sont des facteurs de difficultés supplémentaires qui finalement élargissent l’obstacle qui règne entre l’élève et ce qu’il apprend. Mais ce qui démotive les élèves est cette impression de rupture nette entre la musique et le « solfège ». Le mot solfège signifie, selon le « dictionnaire de la musique » de Marc Vignal : « ensemble des conventions relatives à la manière de nommer les notes, et par extension de les lire et de les écrire », il parle dans une seconde définition « d’exercices destinés à assurer la connaissance de ces conventions ». Ces définitions mettent le doigt sur l’aspect scolaire du solfège, la maîtrise des notes au niveau de la lecture et de leur écriture, et ce à travers des exercices, sans parler de leur utilisation musicale. Rappelons que le cours de « formation musicale » se nommait cours de « solfège » jusqu’à la réforme de 1978. Malgré tout, de nombreuses personnes utilisent encore ce terme, dont la seule évocation véhicule l’aspect scolaire (souvent considéré comme antiartistique) de la discipline. Monsieur Bonenfant, professeur de formation musicale, a fait partie de la commission entérinant cette réforme. Dans le livre d’Antoine Hennion « comment la musique vient aux enfants » il raconte : « On s’est aperçu que le solfège était une science abstraite qui s’adressait à des amateurs. Le but de la réforme a été de revenir aux sources, à la musique ».Ici, au-delà de cette séparation entre musique et solfège, le problème des musiciens amateurs est soulevé : sur cent élèves inscrits au conservatoire, un seul en moyenne achèvera le cursus. La musique, contrairement à l’enseignement général, n’est pas une obligation, un élève peut donc à tout moment quitter sa formation s’il ne la juge pas en phase avec ses attentes. Cette mauvaise image est également véhiculée par certains parents d’élèves, à en croire un taux d’absentéisme plus important du cours de formation musicale qu’au cours d’instrument. En effet nous pouvons supposer que des parents (ou les élèves eux-mêmes ?) trouvent moins dérangeant de s’absenter d’un cours de groupe que d’un cours individuel. Ce constat montre l’importance du groupe : le cours de formation musicale doit laisser une place à part entière à chaque élève pour qu’il se sente concerné. Au-delà du contenu et des objectifs du cours de formation musicale, une autre interrogation émane de ces constats : ne serait-ce pas également les moyens d’appropriation mis en place à destination des élèves qui devrait être mis en cause ? Si nous observons ce qui se passe dans un cours d’instrument, nous remarquons qu’un élève écoutant chez lui uniquement des musiques de variétés passant à la radio, peut éprouver beaucoup de plaisir à interpréter un morceau des plus classiques. Le passage direct à la pratique semble être la clé de cette réussite. Ou plutôt, le passage implique souvent une absence des méthodes pédagogiques générales auxquelles l’élève est sans cesse exposé. La fascination de l’inconnu ? S’approprier un instrument dont il ne connait rien au départ et dont peu de personnes de son entourage jouent semble être un facteur de motivation. S’approprier un instrument, c’est avoir un lien plus personnel avec la musique, une relation que l’on peut montrer aux autres sans la dénaturer. Cet inconnu qui finit par être familier est aussi une reconnaissance directe et concrète de son travail. Ici, la question se pose de savoir si l’apprentissage de la musique doit être scolaire ou non. Encore une fois, retrouver trop d’éléments semblables à ceux présents dans ses études générales semblerait faire passer la formation musicale pour une science « abstraite ». Mais un conservatoire n’est il pas néanmoins une école de musique ? Un élève, surtout jeune, habitué à des codes pédagogiques ne risque-t-il pas d’être déboussolé si on lui retire ? Ne faut-il pas au contraire se servir des codes qu’il connait afin de lui apprendre des notions musicales ? Il semble qu’il existe une pédagogie propre à la musique. Cependant, il ne faut pas oublier que la pédagogie générale est présente chez les jeunes élèves (non adultes) dès lors qu’ils sont à l’école, et que cette pédagogie a un impact certain sur eux. Si le cours de formation musicale (appelé parfois « formation musicale générale) est un cours généraliste, ses objectifs sont surtout en phase avec la musique dite « classique ». En effet, la majorité des élèves de conservatoire pratiquent un instrument dont le répertoire est classique, de la musique ancienne à la musique contemporaine, et le cours de formation musicale étant en lien étroit avec les pratiques instrumentales des élèves, son répertoire en est dépendant. De plus le conservatoire a également un objectif d’ouverture des élèves vers des musiques qui ne leurs sont pas forcément accessibles. L’écoute de la musique classique requiert une certaine démarche de la part des élèves, alors qu’ils sont sans cesse exposés à des musiques plus actuelles (variétés et autres musiques à but plus commercial) par le biais des médias. Comme déclare monsieur Bonenfant à propos du répertoire de la formation musicale : « il ne faut se fermer à rien ». Il affirme que si tout n’est pas bon à prendre, on peut trouver de l’intérêt pédagogique dans tout répertoire. 2-En quoi des musiques familières aux élèves peuvent en partie pallier à ce manque de motivation ? L’élève arrive en tant que débutant dans un conservatoire comme s’il entrait dans un monde inconnu pour apprendre un langage et une pratique qui lui sont étrangers. Cette terre inconnue est riche en éléments dans lesquels peuvent rapidement se perdre ceux qui s’y aventurent. Si la fascination peut l’emporter, souvent par le biais de la pratique, le cours de formation musicale peut transformer cet intérêt en désintéressement. En effet la musique classique est très codifiée, et ces codes, qui paraissent aux premiers abords très éloignés de ceux de musiques plus commerciales peuvent rapidement devenir des obstacles pour les oreilles des élèves les moins initiés. Or, reconnaitre des éléments familiers dans une musique qui l’est moins en réduit le nombre d’obstacles. Les musiques auxquelles sont confrontés les enfants dans la vie de tous les jours sont souvent calquées sur la pop la plus simpliste, soit une forme rondo, (ou couplet/refrain), une rythmique binaire à quatre temps avec des temps forts graves et des temps faibles percutants, des modes majeurs ou mineurs simples, et l’utilisation de la voix, d’instruments amplifiés, à percussion ou de sections de corde. C’est cette simplicité qui créera une efficacité sonore interpellant les oreilles des élèves qui écoutent ses musiques naturellement, en allumant la radio ou en se promenant dans un supermarché. Ces caractéristiques musicales qui leur sont familières peuvent aider les élèves à assimiler des éléments plus étrangers qui leurs sont accolés ; de la même manière qu’une mère peut mélanger des légumes aux pâtes afin d’aider ses enfants à les apprécier. Ces musiques de variété ont souvent un aspect commercial : en plus de leur écoute, elles deviennent un sujet de discussion entre les élèves. Ils finissent par s’identifier selon les musiques qui se trouvent dans leurs lecteurs mp3, à collectionner les albums, les produits dérivés et tout ce qui concerne leurs idoles. Mais qu’en est-il de la culture musicale de l’élève si on lui livre des éléments qui lui sont déjà connus ? Simplement, connaître ne veut pas dire en maîtriser le fonctionnement. Apprendre à écouter d’une autre manière ce que l’on connait déjà est une démarche très bénéfique qui aidera à écouter ce que l’on ne connaît pas. A la manière d’un taxi qui doit passer chercher son client à un point « A » afin de l’emmener à un point « B », la pédagogie doit partir de ce que l’élève connait pour arriver à un objectif nouveau. Le but du pédagogue est de rendre ce parcours efficace, agréable, et non sans détours. Le champ de connaissance de l’élève est large, on peut y trouver beaucoup d’outil à utiliser. 3-Pourquoi les musiques appliquées à l’image semblent être la passerelle idéale ? Le cours de formation musicale a pour objectif d’apprendre aux élèves des éléments leur permettant d’évoluer dans leur parcours musical, que ce soit au niveau de l’interprétation (individuelle et collective), de l’oreille de l’analyse, de la théorie, de l’invention ou de la culture musicale. Malgré le large éventail de ce que propose cette discipline généraliste, les objectifs à atteindre sont souvent très précis dans chaque conservatoire. Si la culture musicale touche toutes les périodes et esthétiques, et que l’oreille et l’interprétation peuvent être exercées sur tous type de pièces, les éléments théoriques et analytiques sont en général basés sur la musique dite « classique ». Les compositeurs de musiques de films travaillent sous le joug de nombreuses contraintes liées à la production et à l’industrie du cinéma : une moyenne de cinq semaine pour écrire quatre-vingt dix minute de musique pour un film hollywoodien, ce qui signifie qu’ils peuvent difficilement écrire des partitions complexes et novatrices ; ils ont donc en général recours à des éléments musicaux issus de la musique tonale la plus simpliste. De plus chaque musique doit, pour un souci d’efficacité, être accessible au grand public, même le moins initié à la musique. Le spectateur ne doit pas être gêné par la musique ; celle-ci doit donc exclure les éléments issus de musiques requérant des oreilles averties. Si le réalisateur Roger Allers avait décidé de mettre en musique son film d’animation Le roi lion (1994) avec des musiques typiquement africaines, les oreilles des jeunes spectateurs occidentaux auraient été gênés. De même que 90 minutes de chant grégorien sur un thriller se déroulant au Moyenâge, ou encore du dodécaphonisme sériel sur un film se déroulant dans les années 1920, pourraient déranger plus d’un spectateur lambda. Ainsi la musique de film a décidé de faire passer l’efficacité sonore avant toute chose et surtout avant les anachronismes notoires (utilisation du synthétiseur à l’époque de Louis XIV dans L’homme au masque de fer [Randall Wallace, 1998]), ou des régressions musicales (beaucoup de musiques orchestrales de John Williams utilisent des procédés datant d’Igor Stravinski, soit près d’un siècle d’existence). C’est ainsi que les compositeurs de musiques de films utilisent des procédés issus des musiques classiques, qui répondent donc directement aux objectifs pédagogiques de la plupart des conservatoires. Un exemple de procédé musical utilisé par Mozart peut ainsi avoir son écho dans une musique de Gabriel Yared1 et faire l’objet d’une étude parallèle, confrontant la musique à découvrir avec la musique déjà familière à l’élève. Il est donc possible sans changer les objectifs du cours de formation musicale de se servir de musiques proches des élèves dans un but pédagogique précis. De plus, affirmons à l’encontre des idées reçues que la musique appliquée à l’image n’est en aucun cas un style : toute musique peut être accolée à une image mouvante, du moment que l’impact soit celui voulu. C’est en cela que l’étude de ces musiques ne réduit pas le champ de la culture musicale. Enfin, par l’étude de ces musiques, le coté visuel est davantage sollicité. Un élève même musicien peut avoir une mémoire plus visuelle qu’auditive. Le fait d’accoler un élément musical à des images peut aider à en intégrer les principes et le fonctionnement. Contextualiser par l’image n’est en aucun cas une nouveauté. Beaucoup de musiques étudiées en cours de formation musicale sont liés à un environnement visuel, des opéras de Mozart aux ballets de Stravinski. Les musiques traditionnelles, par exemple en Afrique ou en 1 Compositeur français d’origine libanaise, élève d’Henri Dutilleux, inspiré de nombreuses musiques classiques, oscarisé pour la musique du film Le patient anglais et travaille depuis pour le cinéma américain. Inde, sont souvent jouées pour des danses lors de cérémonies ou accompagnant des moments précis de la journée. Toutes ces musiques liées à un contexte précis, trouvent leur intérêt faussé dès lors qu’elles sont présentées en dehors de leur cadre. C’est pourquoi, de plus en plus, ces pièces sont remises à leur place d’origine grâce à des documents filmés rappelant le contexte dans lequel elles évoluent. Les musiques appliquées à l’image sont liées à leur contexte d’une manière différente : le produit de ce spectacle repose forcément sur un support enregistré. Cela implique une diversité visuelle impossible à créer lors d’un spectacle vivant. L’action peut évoluer dans des lieux et avec des personnages plus nombreux et variés. La technologie permet de traiter chaque image pour la rendre différente de son modèle filmé. La musique n’a pas non plus les contraintes du spectacle vivant. En effet elle n’est enregistrée qu’en studio, ce qui laisse un champ de liberté plus important aux compositeurs pour ce qui est de la formation instrumentale. Un ensemble d’une taille démesurée peut être utilisé, et comprendre des instruments traditionnels, insolites ou peu utilisés. De plus tous les enregistrements peuvent être remaniés : chaque partie instrumentale peut donc être agrémentée d’effets gérés électroniquement, ce qui est pratiquement impossible lorsque la musique est interprétée en direct. De cette liberté artistique naissent des possibilités pédagogiques multiples : en marge de leur contenu mélodique harmonique et rythmique, les musiques appliquées à l’image offrent des ouvertures sur des formations hétéroclites, ce qui permet par exemple de traiter d’un instrument insolite au milieu d’une formation classique. D’autre part, étudier les traitements électroniques subis par les enregistrements permet de faire le point sur ce que la technologie permet et apporte à la musique. Beaucoup de compositeurs d’après 1945 ayant eu recours à l’électronique, les passerelles semblent évidentes entre Vangelis2 et Pierre Shaeffer. Les possibilités des musiques faites pour vivre uniquement sur support enregistré prouvent que la musique est constituée de codes qui ont sans cesse été bouleversés au cours de leur histoire, et peuvent encore l’être, ce qui est très important à signaler pour motiver la créativité des élèves du cours de formation musicale. 2 Musicien Grec né en 1943. Il a œuvré dans les domaines de la musique New Age et électronique dans des films tels que Blade Runner, 1492 : Christophe Colomb II-Comment étudier les musiques appliquées à l’image dans une optique traditionnelle du cours de formation musicale ? 1-Comment approcher les musiques de films ? Toujours dans une optique d’ouverture, il ne faut en aucun cas faire étudier uniquement des musiques écrites pour l’audiovisuel, mais bien s’en servir comme passerelle. Par exemple, travailler une figure harmonique contenue dans le thème d’un film aura d’avantage d’intérêt en étudiant également ses utilisations dans divers contextes et dans diverses esthétiques. Pour faire le lien entre des musiques de films et celles issus du « grand répertoire », il faut les mettre en étroite relation. Un procédé musical doit par exemple être expliqué à partir de ses origines, avant que ne soient montrées et expliquées ses déclinaisons à travers les époques et les courants. Cette mise en relation peut s’effectuer simplement par une comparaison de deux pièces utilisant différemment un même élément, dans le but de mettre en exergue le procédé commun puis la différence d’utilisation. Cette comparaison peut s’effectuer à l’aide des outils adaptés à la formation musicale tels l’écoute, l’analyse, le commentaire, l’interprétation vocale ou instrumentale… La musique appliquée à l’image, comme toute musique écrite pour un contexte précis, voit son intérêt réduit si elle est étudiée toujours extraite de son contexte. C’est pourquoi visionner les images correspondantes permettra de mesurer l’impact auditif des éléments traités à partir d’images. Les procédés étudiés seront illustrés visuellement, et donc intégrés d’une façon additionnelle sollicitant plus de sens, et aidant donc l’élève à la compréhension et à la mémorisation. Cependant, se détacher des images peut permettre une approche de la créativité musicale par l’écriture d’un contexte. Alors qu’il est souvent demandé aux élèves de définir le caractère d’une pièce écoutée, une activité peut aller plus loin pour faire travailler leur imagination et leur sensibilité. En effet, les musiques appliquées à l’image sont souvent structurées de façon très précise, soumises au montage des scènes présentées. Leur écoute isolée peut être la base d’une activité qui consisterait à repérer les différentes sections d’une musique et à les caractériser le plus précisément possible. Les élèves peuvent essayer de trouver une correspondance entre les ambiances, instruments ou thèmes et une action, un sentiment ou un personnage. En quelque sorte, il s’agirait de créer un conte musical dont la musique serait préexistante. Ce travail ne serait qu’une étape d’un processus de création au cours duquel les élèves pourraient également trouver eux-mêmes d’autres musiques issues du répertoire pouvant illustrer leur histoire, avant bien sur de composer en groupe, avec leurs moyens, leur propre musique. 2-Différents exemples de procédés musicaux « classiques » à travers les musiques de films Parmi les procédés issus des musiques classiques occidentales, beaucoup trouvent une place dans les musiques appliquées à l’image pour des raisons précises. Nous allons donc citer et expliquer quelques exemples de ces éléments trouvant leur place dans ces deux univers, et en quoi ils ont un intérêt pédagogique. -Marches harmoniques Une marche harmonique consiste en l’utilisation d’un motif ou d’une courte phrase musicale répétée plusieurs fois à des hauteurs différentes permettant à la structure harmonique de se transposer en conséquence, sur les degrés de la gamme (marche harmonique tonale) ou en modulant (marche harmonique modulante). Cette technique d’écriture a toujours rencontré un franc succès par son efficacité sonore : en effet, elle permet à l’auditeur de prévoir la suite de la marche à partir de l’écoute du « modèle », donnant ainsi à la structure un coté rassurant. Dès le XIXème siècle, la marche d’harmonie est moins utilisée car discréditée par son utilisation trop récurrente par facilité dans certaines musiques. Au XXème siècle la musique de film s’est vite emparée de ce procédé. Le coté rassurant de la marche permet au grand public des salles de cinéma de s’accaparer plus facilement les images visionnées. De plus, le délai de composition des musiciens de l’image étant encore une fois très court, toute solution de facilité et d’efficacité sonore est la bienvenue. C’est ainsi que de nombreux thèmes de films sont fondés sur une marche harmonique, ce qui les rend notamment plus faciles à mémoriser. Enseigner le fonctionnement d’une marche harmonique peut initier les élèves dès leurs premières années d’étude à la composition mélodique et harmonique. En effet, leur faire inventer une courte cellule qu’il sera aisé de transposer sur les degrés correspondant leur donnera une phrase complète qu’ils pourront jouer et accompagner instantanément en groupe. Différentes activités d’écoute, d’écriture et d’interprétation autour de cela permettront de travailler la transposition, la mémorisation, ainsi que le concept de variation sur une structure harmonique donnée. Le compositeur japonais Joe Hisaishi3 fait partie de ceux qui ont le plus fait appel à cette technique pour les bases de ses musiques, tout en essayant d’enrichir les harmonies utilisées et de soigner son orchestration en donnant des couleurs asiatiques à un procédé plutôt occidental. Pourront par exemple être étudiés les thèmes principaux des films Le château dans le ciel (Hayao Miyazaki, 1986) et Le voyage de Chihiro (Hayao Miyazaki, 2001) [CD, plages 1 (0’26) et 2 (1’29) ; partitions en annexe]. Dans un style proche, représentatif de l’univers du compositeur, ces deux thèmes ont l’avantage d’être exposés dans la même tonalité, do mineur, mais en suivant un parcours différent. Pourra être mis en relation le thème de la série animée Les maîtres de l’univers (Lou Sheimer, 1984-TV) [CD, plage 3 (0’21)], qui suit exactement le même parcours que Le château dans le ciel, et dans la même tonalité. Dans une autre esthétique pourront aussi être étudiés le thème de Blood +(Jun’ichi Fujisaku, 2005) (partition en annexe), composé par Marc Mancina4, une marche ascendante au parcours irrégulier, ou encore le morceau d’ouverture de L’aile ou la cuisse (Claude Zidi, 1976) composé par Vladimir Cosma5 [CD, plage 5], une marche ascendante en mode majeur. -Sixtes napolitaines La sixte napolitaine a fait son apparition à la fin du XVIIème siècle chez le compositeur romain Giacomon Carissimi, et a été popularisée par les compositeurs napolitains de la même époque en particulier dans les pièces de Domenico Scarlatti. Elle consiste à la base en l’utilisation du second degré de la gamme mineure dont la note fondamentale serait abaissée d’un demi-ton afin d’obtenir un accord majeur et non un accord diminué. Cet accord est ainsi usité surtout lors de cadences parfaites enchainant les degrés IIV-I. Dans ce cas, le second degré abaissé se trouve à l’état de premier renversement afin de garder une basse conjointe et d’éviter qu’une ligne mélodique ne comporte un triton. La note fondamentale de l’accord se trouve généralement à la voix du dessus et est enchainée à la tierce de la dominante (la sensible) par un jeu de chromatisme descendant. Par la suite, l’utilisation de cet accord se fera de façon plus courante et moins codifiée : réutilisé dans toute la musique tonale, de Mozart (concerto pour piano n°23, 2eme mouvement) à Mahler (symphonie n°1, 3ème mouvement), cet enchainement napolitain se 3 Compositeur Japonais né en 1950, reconnu pour son travail sur les films de Takeshi Kitano et Hayaho Miyazaki 4 Compositeur américain né en 1957, collaborateur de Hans Zimmer et des studios Disney 5 Compositeur français d’origine roumaine né en 1940, très actif dans le cinéma français des années 70 et 80, notamment chez les réalisateurs Claude Zidi, Yves Robert, Francis Veber… libérera peu à peu de son état de 1er renversement et de ses cadences parfaites. Il pourra être utilisé comme degré à part entière de la gamme, même à l’état fondamental, et être enrichi d’autres procédés d’écriture (retard…). De nombreux compositeurs de musiques de films, à l’image des compositeurs d’opéras, ont utilisé le ton napolitain : en effet, il permet par son chromatisme de sortir légèrement de la gamme afin de donner une couleur expressive souvent utilisée pour souligner un fait dramatique. La sixte napolitaine peut donc avoir par son expressivité un rôle important dans les caractéristiques sonores d’un personnage ou d’une situation. Elle peut se trouver dans son état de base (2ème degré chiffré 6 lors d’une cadence parfaite), par exemple dans la Chanson d’Andy, composée par Michel Legrand6 pour le film Les demoiselles de Rochefort (Jacques Demy, 1967) [CD, plage 6, (0’13) ; partition en annexe]. Le ton napolitain y finit toutes les cadences symbolisant la déception du personnage. Dans une approche plus libre, sans se soucier des conduites de voix ou d’une quelconque préparation, le compositeur Hans Zimmer7 utilise beaucoup cet enchainement afin de colorer ses thèmes romantiques, comme celui écrit pour le film Mission Impossible II (John Woo, 2000) [CD, plage 7 (2’06) ; partition en annexe], dans lequel le ton napolitain apparaît à l’état fondamental dans une section non cadentielle. Les exemples sont donc nombreux et nous finirons en évoquant l’apparition la plus populaire de la couleur napolitaine au cinéma : le thème composé par Danny Elfman8 pour le Batman de Tim Burton (1989) [CD, plage 8 (0’40) ; partition en annexe]. Les deux accords à eux seuls caractérisent l’ambiguïté du personnage, et est présent tout au long des quatre films de la saga. Ce même compositeur a d’ailleurs fini par utiliser le second degré abaissé comme degré à part entière en permanence dans certaines de ses pièces, notamment dans la Chanson de Sally, extraite du film d’Henry Selick, L’étrange noël de Mister Jack (1993) [CD, plage 9] -Enchainements harmoniques type Sans passer par des procédés harmoniques spécifiques, certains enchainements d’accords soit glissés dans un thème, soit dans une ambiance sonore plus environnementale peuvent donner une couleur très perceptible pour le spectateur/auditeur. Ces enchainements 6 Musicien français né en 1932, compositeur de plus de 200 musiques de films et 100 albums écrits pour des vedettes internationales. Il est surtout reconnu pour son travail sur les films de Jacques Demy Les demoiselles de Rochefort et Les parapluies de Cherbourg 7 Compositeur américain d’origine allemande, né en 1956, il a collaboré à plus de 150 musiques de films avec les plus grands réalisateurs d’Hollywood. Il est considéré comme un des compositeurs actuels les plus commerciaux. 8 Musicien né en 1953, issu des musiques de variétés, il est le compositeur attitré des films de Tim Burton. consistent en général à faire se côtoyer deux accords qui ne peuvent cohabiter sans moduler dans la musique tonale. Nous commencerons avec un enchainement très usité dans les films d’horreur ou les films fantastiques : deux accords mineurs dont le deuxième se trouve à l’intervalle de tierce majeure inférieure au premier, le tout généralement à l’état fondamental. Déjà utilisé avec précaution à partir du XIXème siècle (le lied Wegeweiser de Franz Schubert, [partition en annexe]), il est devenu indispensable aux compositeurs de musiques de films pour sonoriser une atmosphère sombre et inquiétante. Le premier exemple que nous donnerons est certainement le plus assumé. Dans une pièce tiré du film Harry Potter et la chambre des secrets (Chris Colombus, 2002), cet enchaînement est exposé six fois pour introduire le thème du maléfique Lord Voldemort [CD, plage 10 (0’42) ; partition en annexe]. La rondeur du timbre des instruments pourrait rendre l’ensemble très doux, mais la couleur des deux accords, leur chromatisme et leur cohabitation assez improbable dans de la musique tonale donne malgré tout un aspect inquiétant et sombre à la pièce. De manière plus thématique, dans la même tonalité, ces accords sont la base du thème écrit par Eliott Goldhental pour le film Batman Forever (Joel Schumacher, 1995). [CD, plage 11 ; partition en annexe]. En effet la première partie de ce thème consiste en un égrainage des notes de ces accords. L’orchestration y est très basique : le thème joué aux cuivres et aux cordes graves est juste accompagné d’àcoup de cordes et de percussions appuyant l’harmonie à chaque temps. L’atmosphère générale de la pièce est réellement donnée par cette première suite d’accords rappelant la noirceur de Gotham city, cadre dans lequel se déroule le film. Enfin cet enchainement servira également à rendre maléfiques les enfants chantant la pièce « kidnap the sandy claws » tiré du film L’étrange noël de Mister Jack (Henry Selick, 1993). [CD, plage 12 (0’42)]. Si l’enchainement est utilisé de la même manière que dans l’exemple précédent lors du refrain, il va également accompagner des phrases parlées. Un autre exemple de procédé harmonique consiste dans un morceau dans une tonalité majeur, à enchainer la tonique au second degré majorisé tout en gardant une pédale de tonique. Une couleur optimiste se dégage de cet enchainement. En effet dans un cadre tonal, en majeur, le second degré est mineur. La tierce qui devient majeure et la pédale de tonique créent un accord +4 qui ne se résout pas. Cette technique est souvent employée dans les musiques de film fantastiques, la majorisation du second degré tirant la mélodie vers le haut représentant souvent l’avancée futuriste du contexte. Deux exemples représentatifs débutant par ces enchainements les rendant d’emblée plus éclatants sont le thème de Retour vers le futur (Robert Zemekis, 1985) composé par Alan Silvestri9 [CD plage 13 (2’03) ; partition en annexe] et celui de Jurassik Park (Steven Spielberg, 1993) par John Williams10 [CD, plage14 (1’24) ; partition en annexe]. Dans ces deux pièces l’orchestration et le rythme suivent la même optique grâce à un accompagnement très appuyé, comme pour mener le thème toujours plus haut. 3- Une ouverture vers les musiques anciennes, actuelles, et actuelles amplifiées. Un compositeur de musiques de films doit sans cesse s’adapter aux images. Il sera régulièrement amené à décliner ses thèmes en suivant le contexte dans lequel se situe l’action. Un même thème, exposé souvent de manière orchestrale « classique » peut avoir son écho sous forme de pièces comprenant les caractéristiques principales des musiques émanant de ce contexte, qu’il s’agisse de l’époque ou du lieu. En effet un thème hollywoodien écrit pour une fresque historique se déroulant au Moyen Age pourra être utilisé également lors d’un passage évoquant par exemple des cérémonies ou bals de l’époque, soit des moments de la vie quotidienne réellement accompagnés de musique. C’est le cas dans de nombreux films comme Braveheart (Mel Gibson, 1995), dans lequel les fêtes écossaises sont accompagnées de musiques écrites dans la pure tradition des danses écossaises du XIIIème siècle. Dans ce type de cas, un thème devra alors comporter les principales caractéristiques des musiques de l’époque, par souci d’authenticité. La même méthode peut être utilisée pour accompagner des images se déroulant dans un autre pays : afin de rendre efficace l’immersion du spectateur dans cette culture, la musique devra inclure notamment des modes, des rythmes et une orchestration rappelant les musiques authentiques de ces cultures. D’autre part, des pièces peuvent être écrites selon des principes de certaines musiques actuelles amplifiées. Si une scène se déroule dans une discothèque, le compositeur doit pouvoir écrire une musique s’apparentant à la techno ou à d’autres musiques à danser. Ainsi les compositeurs sont souvent amenés à imiter les musiques d’un contexte. Pour un maximum d’efficacité et une reconnaissance immédiate du contexte musical par le public, il usera des caractéristiques les plus marquantes, tombant parfois dans des pastiches, mais affichant clairement les principaux éléments et les enjeux de ces musiques. Les étudier avec des élèves permettrait donc facilement de dégager les principes fondant ces musiques. Il est bien sur indispensable de 9 Compositeur américain né en 1950, surtout reconnu pour son travail sur les films de Robert Zemeckis (Retour vers le futur, Forest Gump…) 10 Musicien américain né en 1932, compositeur attitré de Steven Spielberg et de Georges Lucas mettre ces acquis en relations avec des musiques authentiques de ces contextes afin de se démarquer de l’aspect trop académique et figé des imitations étudiées. Remarquons également que des compositeurs savants ont eu la même démarche : par exemple, Luciano Berio a luimême composé des extraits de ses Folk Songs à la manière de musiques traditionnelles, glissées parmi des relevés de musiques réellement folkloriques. 4- Une préparation à la composition Une fois que les caractéristiques de toutes ces musiques sont décelées et étudiées, (figures harmoniques, grilles, instrumentation, rythme…) les réutiliser est une manière de finaliser ce travail d’écoute et de recherche. Il s’agirait de faire composer aux élèves « à la manière » d’un style, les caractéristiques trouvées constituant la palette de l’élève. Ecrire grâce à des éléments émanant d’un travail collectif d’écoute permettrait de décomplexer les élèves par rapport à la composition, exercice pouvant paraître effrayant par son coté personnel et l’angoisse de la feuille blanche. Là, les éléments de base seraient donnés, ne restant plus qu’à les adapter et à les structurer, et petit à petit broder autour. Dans un article intitulé « La formation musicale », paru dans La Feuille d’octobre 2000, Stéphane Forlacroix insiste sur la motivation impliquée par des activités centrées autour de la composition : « Cette étape permet aux élèves de mettre en jeux tout leur « savoir », de composer avec leur connaissance propre de la musique […]. Très vite l’élève est demandeur d’éléments nouveaux, il veut étoffer sa palette. Sa motivation est décuplée par le fait qu’il jouera sa composition, ou qu’il la fera jouer. Bref, il comprend pourquoi il apprend ». Cet exercice agissant donc directement sur la motivation des élèves est tout à fait en phase avec le travail d’un compositeur de musiques appliquées à l’image. Dans l’article « La composition comme apprentissage », paru dans Marsyas n°26 de juin 1993 (en annexe), le compositeur Reinhardt Wagner11 met néanmoins en garde contre l’aspect commercial des musiques de film et ce qu’il appelle la « logique du hamburger ». Il attire l’attention sur le simplisme de beaucoup de musiques composées pour l’image, simplisme souvent imposé par des contraintes de temps de travail lié à la production. 11 Compositeur de musiques de films né à Paris en 1956, il a notamment composé la musique du film Faubourg 36 de Christophe Barratier III-Comment réorganiser en innovant un cours de FM au moyen des musiques de films ? 1-Moyens Si l’étude d’éléments issus des musiques appliquées à l’image peut contribuer à atteindre les objectifs visés lors d’un cours de Formation Musicale dans sa forme la plus traditionnelle, l’audiovisuel peut également être un support sur lequel se baserait tout un cours d’une forme nouvelle Parmi les différentes manières d’aborder la musique appliquée à l’image, nous traiterons essentiellement de la méthode qui consiste à mettre en musique par les élèves des images filmées. L’étude des images seules peut être le point de départ d’un débat concernant l’orientation à prendre. On peut mettre en musique une scène de multiples manières, en choisissant d’aller dans le sens de ce que la scène évoque, ou au contraire , en en détournant l’orientation par la musique. Il peut être choisi de mettre en relief tel personnage, tel sentiment, le lieu, ou n’importe quel(s) élément(s) du contexte. De plus, l’image peut s’accompagner d’un morceau descriptif d’une atmosphère sans se soucier du déroulement exact de la scène, ou bien d’une musique collant parfaitement au découpage de l’action. 2-Optique du cours L’objectif de ce cours est d’utiliser des images filmées afin de développer autrement les capacités des élèves à plusieurs niveaux : -Créativité : Une image filmée non accompagnée de musique, alors que la scène semble en nécessiter, peut trouver son impact réduit. Faire trouver à des élèves des musiques qu’ils connaissent pouvant accompagner les images leur permettrait de les écouter autrement. Essayer des musiques préexistantes étudiées ou non en cours, de tout style afin de tester en quoi une musique peut décupler l’impact d’une scène, ou au contraire en détourner le sens. L’étape suivante consisterait à écrire de toutes pièces de nouvelles musiques pour ces mêmes scènes. Nous ne reviendrons pas ici sur le bien fondé de la composition en cours de formation musicale. Différentes techniques musicales permettent d’accompagner des images. L’une d’entre elles se nomme le « mickeymousing », terme créé pour caractérisé la technique utilisée dans les courts métrages animés comme ceux de Walt Disney et Tex Avery. Cette technique consiste à accompagner au plus près chaque élément présent dans la scène, du moindre mouvement de tête des personnages à un moindre évènement présent à l’image. Accompagner une scène de cette manière permet une exploration minutieuse des possibilités de chaque instrument : en effet, des motifs très courts doivent être trouvés par les élèves. Ces motifs doivent interpeller le spectateur et être très facilement reconnaissables. Il serait aisé d’aborder dans ce cadre les techniques de jeu contemporaines. Notons qu’à la manière des pianistes avant l’invention du cinéma sonore en 1927, il est tout à fait possible de faire improviser des élèves sur les scènes qui s’y prêtent. Comme eux, il peut s’agir d’improvisation complètement libre sans même connaitre la scène au préalable, ou en la connaissant d’avance et en choisissant une optique précise après discussion. Ces improvisations peuvent s’effectuer très librement en solo ou à plusieurs, ou sur des grilles prédéfinies dont la durée aura été choisie en fonction du déroulement des scènes. -Interprétation : Dans une interview datant de février 2009, le compositeur de musiques de films Alexandre Desplat12 raconte une anecdote concernant l’enregistrement de la musique de L’étrange histoire de Benjamin Button (David Fincher 2008). Lors d’un solo de flute accompagnant une scène dramatique, l’impact de la musique sur les images n’était pas celui désiré par l’équipe du film. C’est alors qu’Alexandre Desplat a décidé de faire visionner la scène au soliste. Le résultat s’en est trouvé beaucoup plus convainquant. Nous pouvons en déduire que demander à un élève d’adapter son jeu à ce qu’il voit peut lui permettre d’ajuster son interprétation, et de créer un lien entre son jeu et un visuel qui se démarque des indications d’expression qu’il aurait pu trouver sur une partition. Le choix des scènes visuellement neutres peut permettre d’explorer des manières d’interpréter une même pièce de façons différentes en en observant l’impact sur les images. Ainsi, les différences entre chaque version pourront être exagérées, isolées et étudiées afin d’élargir la palette sonore des élèves. -Transcription : Composer une musique de toute pièce à partir des images, c’est se frotter à des contraintes de temps qui influenceront notamment le domaine du rythme. En effet, afin de coller parfaitement au découpage visuel, les musiques ne pourront pas souvent conserver un tempo 12 Compositeur Français né en 1961, reconnu pour son travail sur les films de Jacques Audiard, et œuvrant principalement à Hollywood depuis quelques années. et un découpage rythmique constant. Les changements de dynamique et de rythme devront être travaillés, ainsi que les équivalences correspondantes. De plus, noter les éléments musicaux qui ont été trouvés implique un travail d’oreille mélodique, et de reconnaissance d’indication d’expression, de nuances… Ces transcriptions pourront servir de base à un travail d’orchestration qui serait immédiatement mis en pratique. Enfin, les partitions émanant de ce travail pourraient faire l’objet d’activités centrées autour de la lecture ou encore de l’analyse. -Culture : Selon les styles abordés, et les contraintes imposés par le contexte de chaque scène, les élèves devrons mettre en pratique les caractéristiques qu’ils auront tirés des musiques correspondant à ces contextes (anciennes, actuelles etc…) -Etude des arts audiovisuels : S’attaquer au rapport entre musiques et images filmées, c’est aussi s’intéresser aux images seules. Savoir comment sonoriser un film, c’est aussi savoir l’analyser d’un point de vue cinématographique. En effet, un réalisateur pense généralement à la musique que va comporter son film dès le début du processus de création. Pour recréer l’univers musical de la scène, il faut donc commencer à se mettre à la place du réalisateur. Veut-il de la musique tout le temps ? Quel va être le rôle de la bande son ? Quels éléments scéniques méritent d’être mis en relief par la musique ? La scène montre-t-elle un élément musical qu’il est indispensable de traiter, tel un instrumentiste ou encore une radio ? Tant de questions impliquent une compréhension précise des images. Et surtout une question phare qui serait l’objet d’activités qui semblent être la continuité des précédentes : comment se servir de la musique pour détourner les images ? Une expérience très simple consisterait à regarder une scène sans dialogue après en avoir coupé le son ; puis à la regarder plusieurs fois en écoutant en même temps des musiques très différentes. De cette manière, on s’aperçoit qu’une scène dramatique peut passer pour comique et vice-versa. Ainsi, écrire des musiques comprenant des éléments allant à l’encontre de ce que la scène suggère peut permettre d’en détourner le sens. Toutes ces optiques de composition, en passant par une démarche de cinéaste autant que par une démarche de compositeur permet de se démarquer du seul coté illustratif de la musique, et de la rendre plus intéressante, voire plus importante : comprendre les enjeux cinématographiques d’une scène peut permettre au compositeur de lui donner par exemple un rôle narratif qui ne peut émaner d’une musique simplement illustrative. C’est également une façon de jouer avec les codes du cinéma dans son ensemble. 3-Finalités Ce cours, au-delà du fait de stimuler les capacités nécessaires aux élèves, peut enrichir leur formation à plus d’un titre. Chaque élément acquis par les élèves sera accompagné d’images ajoutant un coté visuel pouvant stimuler la mémoire de chacun à leur niveau. Ils pourront aisément faire le lien avec d’autres images filmées auxquelles ils seront confrontés en dehors du cours, via le cinéma, la télévision, Internet, les jeux vidéos… Chaque activité autour de l’image sera créée de toute pièce avec les idées des élèves à partir d’un réservoir donné par l’enseignant. Le fait que la création se fasse devant les yeux de l’élève implique qu’il apprend également une méthode d’un travail qui s’exécute à partir de ses connaissances actuelles. Il fait donc un grand pas vers l’autonomie qui lui permettra de réutiliser ses acquis en dehors du cours de Formation Musicale. Cela signifie qu’il pourra réitérer cette expérience hors des cours avec le support de son choix, ce qu’il a l’habitude de regarder dans la vie de tous les jours, à la télévision par exemple. On peut imaginer qu’à un certain niveau, il puisse même participer, avec les outils qu’il a acquis, à la mise en musique d’un court métrage réalisé par lui-même ou par quelqu’un de son entourage. En effet, les caméras personnelles sont de plus en plus accessibles, disponibles notamment sur les appareils photographiques actuels, et les « mini films » se diffusent très vite via des plates formes d’échange vidéo sur Internet. D’autre part le travail sur un support figé n’exclut pas une prestation publique. A la manière d’un compositeur du cinéma qui enregistre ses musiques tout en regardant le film, une sélection de scènes peut être projetée en public avec la musique interprétée en direct, qu’elle soit écrite ou improvisée. Cela revient à créer un ciné-concert. Les techniques apprises pour mettre en musique une scène filmée peuvent également s’adapter à des scènes non filmées, afin de sonoriser des scènes du spectacle vivant. Des élèves d’un département d’art dramatique peuvent avoir recours à des musiques composées grâce aux techniques apprises sur les supports filmés. De plus, ces musiques, aux structures généralement très claires et contrastées seraient propices à la création chorégraphique en collaboration avec un département de danse. Ces solutions requièrent une coordination minutieuse entre le groupe de musiciens et le groupe de comédiens/danseurs, ce qui implique des moments de travail communs. Les musiques peuvent être composées à partir des scènes filmées ou dansées, mais le processus de création peut aussi bien être inversé, voire se dérouler parallèlement entre les musiciens et les comédiens/danseurs. Afin de faire participer un plus grand nombre d’élèves, le groupe investigateur du projet peut aussi écrire des musiques pour une formation comprenant des instruments non joués par un membre du groupe. Ainsi, une collaboration avec tout autre département est possible, des départements instrumentaux à ceux propres aux pratiques collectives. Des moments communs entre les élèves compositeurs et les instrumentistes qui interprèteraient les pièces écrites permettraient à chacun d’expliquer son travail autour des scènes concernées. Les élèves compositeurs expliciteraient leur démarche de composition, tandis que les instrumentistes concernés pourraient justifier leur interprétation, et donner des idées propres à leur instrument, afin d’ajuster les compositions. Enfin, de certaines pièces issues de ces collaborations peuvent émaner des thèmes exploitables en dehors d’un support filmé, faire l’objet d’arrangements, sous forme de pièces de concert, et ainsi agrandir le répertoire proposé par les professeurs d’instruments à leurs élèves. Conclusion Le cours de formation musicale est bien en lien étroit avec les attentes des élèves, il peut même dans certains cas y répondre plus immédiatement que lors du cours d’instrument. Cours imposé et paraissant abstrait lorsqu’il ne fait pas place à la pratique, il véhicule encore une image très scolaire, comme le solfège il y a plus de trente ans. Beaucoup de notions inconnues à la base sont liées à l’instrument d’une manière qui paraît artificielle. Si l’étude d’un répertoire familier peut stimuler les élèves autrement, tout est une question de dosage, les objectifs du cours étant précis et plus ciblés sur les musiques dites classiques. Les musiques appliquées à l’image font partie du répertoire et peuvent parfois répondre aux problématiques posées par la formation musicale. D’autre part, leur déclinaison dans divers style permet une large ouverture esthétique. De plus, nous pouvons travailler via un support visuel que la technologie actuelle rend très maniable, et qui peut s’avérer être un outil propice à la création, en stimulant le sens visuel, et à la création de spectacle vivants. Enfin, le lien avec ce à quoi est confronté l’élève tous les jours, notamment par la télévision et Internet, peut lui permettre de réitérer les activités du cours de façon autonome. Si l’utilisation de musiques préexistantes écrites pour l’image n’est pas du goût de beaucoup de professionnels de la musique considérant qu’a cause de l’aspect commercial du cinéma, l’intérêt de les étudier est moindre, les progrès technologiques constants nous poussent à utiliser ce type de support à d’autres fins. Les solutions sont nombreuses et évolutives. Cependant, ces nouvelles technologies sont là pour avancer, elles ne sont en aucun cas un artifice pour faire « avaler » plus facilement le cours de formation musicale à un élève. Bibliographie Sur la pédagogie musicale : -Comment la musique vient aux enfants de Antoine Hennion, éditions Anthropos 1999 -La composition comme apprentissage de Reinhardt Wagner, dans Marsyas n°26 – juin 1993 (en annexe) -Article « La formation musicale », paru dans La Feuille, octobre, novembre et décembre 2000 (en annexe) Sur la musique appliquée à l’image : -La musique au cinéma de Michel Chion, éditions Fayard, 1995 Sur la musique en général : Dictionnaire de la musique de Marc Vignal, édition Larousse, 2005 Liste des pièces contenues dans le CD 01- Le château dans le ciel – Thème (Joe Hisaishi) 02- Le voyage de Chihiro – Ano natsu he (Joe Hisaishi) 03- Les Maîtres de l’univers – Thème 05- L’aile ou la cuisse – Thème (Vladimir Cosma) 06- Les demoiselles de Rochefort – La Chanson d’Andy (Michel Legrand) 07- Mission Impossible II – Nyah and Ethan (Hans Zimmer) 08- Batman- Thème (Danny Elfman) 09- L’étrange Noël de Mister Jack – Sally’s song (Danny Elfman) 10- Harry Potter II- Meeting Tom Riddle (John Williams) 11-Batman Forever – Thème (Eliott Goldenthal) 12 – L’étrange Noël de Mister Jack – Kidnap the Sandy claws (Danny Elfman) 13- Retour vers le future- Thème (Alan Silvestri) 14- Jurassic park Thème (John Williams) Enchainements harmoniques types: Batman Forever Harry Potter 2 Jurassik Park L’étrange noel de Mister Jack Retour vers le futur Marches harmoniques : Le chateau dans le ciel Le voyage de Chihiro Blood+ Sixtes napolitaines : Batman Mission impossible II Les demoiselles de Rochefort