Rôle infirmier dans l`annonce du diagnostic du cancer
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Rôle infirmier dans l`annonce du diagnostic du cancer
1 INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS 44 chemin du Sanatorium 25 030 BESANCON Cedex RÔLE INFIRMIER DANS L’ANNONCE DU DIAGNOSTIC DE CANCER UE 3.4 Initiation à la démarche de recherche UE 5.6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques UE 6.2 Anglais CRIQUI Elise - GUENET Cyril - TAHRI Raibed - TERRIER Julie Sous la direction de Karine LAUER 2 Remerciements Nous remercions chaleureusement : Nos familles et amis pour leur soutien moral et logistique. Mme Karine LAUER, notre formatrice de guidance, pour sa disponibilité, son soutien et ses encouragements. Notre personne ressource, pour son aide et sa franchise. Les infirmières interrogées, pour nous avoir consacré une partie de leur précieux temps, et pour le partage de leur expérience. Et tous les formateurs de l’Institut de Formation des Professionnels de Santé pour leur soutien tout au long de nos études. 3 SOMMAIRE I. INTRODUCTION 1. Choix de la situation : ………………………….…………….….…..…….. Page 1 2. Situation d’appel : …………………………………………….…….….. Pages 1-3 3. Progression du questionnement : ………………………….….......…. Pages 3-5 4. Question de départ : ………………………………………….……...….… Page 5 II. LE DISPOSITIF D'ANNONCE 1. Origines du plan cancer : …………..…………………………...…….. Pages 5-6 2. La mesure 40 du plan cancer : Le dispositif d’annonce : ….….….... Pages 6-8 3. Attentes et besoins du patient avant l’annonce : ……………….…........ Page 8 III. L'ANNONCE DU DIAGNOSTIC DE CANCER 1. Temps médical : ………………………………………………..………. Pages 9-11 2. Temps d’accompagnement soignant : ………………….…….......... Pages 11-13 3. Retentissement de l’annonce du diagnostic de cancer sur le patient : Pages 14-16 IV. PRISE EN CHARGE APRÈS L'ANNONCE DU DIAGNOSTIC DE CANCER 1. Rôle infirmier dans le suivi après l’annonce du diagnostic : ……. Pages 16-17 2. La prise en charge médicale : …………………………………………... Page 17 3. Le vécu du patient avec sa pathologie : ………………….……….. Pages 17-18 V. PROBLÉMATIQUE : ……………………..……………………………….. Pages 18-19 VI. CONCLUSION : …………………………………………………….………. Pages 19-20 4 I. INTRODUCTION 1. Choix de la situation Dans le cadre de notre travail d'initiation à la recherche de fin d'études et de la validation des unités d'enseignement 3.4 et 5.6, nous avons choisi, parmi les différents thèmes proposés, de traiter un sujet concernant le rôle infirmier dans l’accompagnement d’une personne atteinte de cancer, et plus particulièrement l'éventuel impact de l'annonce du diagnostic médical d'un cancer sur la prise en charge infirmière. En effet, durant notre formation, nous avons tous été confrontés à des patients atteints de cancers, que ce soit dans des services d'oncologie ou dans des services conventionnels. Nous avons également tous constaté en échangeant avec ces derniers, que les conditions de leur annonce de diagnostic n'étaient pas toujours jugées optimales. De plus, il nous est parfois arrivé d'éprouver des difficultés au niveau de la prise en soins de ces patients. Nous nous sommes alors posés la question de l'existence éventuelle d'un lien entre l'annonce du diagnostic médical et nos difficultés de prise en charge. Le domaine de l'oncologie est un domaine en mouvement permanent, qui a connu ces dernières années de véritables évolutions, notamment par la mise en place au niveau national du Plan Cancer; c'est aussi une des raisons qui nous a donné l'envie de diriger notre travail de recherche vers ce sujet. Nous avons tout d'abord rédigé chacun une situation vécue en stage concernant des patients atteints de cancer et leur annonce de diagnostic, puis nous avons mis en commun ces situations pour en choisir une unique, celle qui nous a paru la plus riche. 2. Situation d'appel Cette situation se passe dans un service de neurochirurgie. Il s'agit du cas de Mr. C, homme de 50 ans; il est marié et a 2 enfants (une fille de 24 ans et un fils de 27 ans). Son fils a 2 garçons de 3 et 4 ans. Mr. C travaille dans le BTP, sa femme est institutrice. Il est hospitalisé pour douleurs intenses (céphalées, douleurs lombaires et du rachis, toux), qui ne sont pas soulagées par les traitements antalgiques (notamment par les morphiniques). Mr. C est en arrêt maladie depuis son hospitalisation. Les examens ont montré que Mr. C est atteint d'une tumeur cérébrale métastasée, avec des atteintes pulmonaires, hépatiques et du rachis. Le diagnostic d'incurabilité a été posé. 5 Dans un 1er temps, une IRM et un scanner ont été réalisés et ont révélé la présence de plusieurs masses aux niveaux cérébral, pulmonaire, hépatique et osseux. Suite à ces examens, le médecin a demandé une analyse anatomopathologique pour confirmer le diagnostic. A la suite de ces examens, le patient manifestait une importante inquiétude et posait beaucoup de questions quant à sa situation. Le médecin en revanche, avait une attitude d'évitement; il évitait de rentrer dans la chambre du patient tant qu'il n'avait pas les résultats biologiques. Mr. C était au courant qu'il allait subir une biopsie, mais le médecin ne pouvait pas lui donner plus d'informations tant que cette dernière n'avait pas confirmé le diagnostic (forte suspicion de cancer métastasé). Le diagnostic n'étant pas encore posé, malgré la forte suspicion, l'équipe soignante ne pouvait pas répondre aux nombreuses questions de Mr. C (c'est le rôle du médecin d'annoncer le diagnostic et non à l'équipe soignante; le médecin ne peut pas poser de diagnostic tant qu'il n'a pas tous les résultats de l'examen). Face à ces difficultés, un malaise s'est fait ressentir par rapport aux nombreuses questions et interprétations de Mr. C et de sa femme. Les infirmiers redirigeaient Mr. C et sa femme auprès du médecin qui lui, a juridiquement le droit de répondre aux questions concernant la pathologie, le diagnostic… Or, le médecin conservait cette attitude d'évitement et ne se rendait pas disponible pour leur répondre. Dans le même temps, la famille de Mr. C le sentait faible et douloureux, le voyait souffrir et s'impatientait. Ils se sentaient inutiles face à sa situation et ne voyaient pas d'action de la part de l'équipe quant à l'amélioration de l'état de santé de Mr. C. Cinq jours se sont écoulés entre les premiers examens et les résultats de la biopsie. Avec l'arrivée de ces résultats, le diagnostic de cancer a pu enfin être posé. Pour l'annoncer à Mr. C, le médecin a demandé à une infirmière de l'accompagner. L'annonce du diagnostic s'est déroulée dans la chambre du patient, en présence de Mr. C, de son épouse (personne de confiance), du médecin et d'une infirmière. Le médecin a utilisé des mots simples, mais sans jamais utiliser le mot "cancer" explicitement. De plus, il a dit à Mr. C qu'un traitement adapté à sa situation lui serait proposé après la RCP. Suite à cela, le médecin a quitté la chambre et a laissé l'infirmière avec le patient et sa femme. Celle-ci a eu un entretien avec eux, pour avoir un retour de ce qu'ils avaient compris. A ce moment, l'infirmière s'est rendue compte qu'ils avaient une mauvaise perception de la situation, et que Mr. C était dans le déni (en effet, Mr. C n'a pas parlé de cancer et avait un espoir de guérison car il a entendu qu'un traitement adapté lui serait proposé. Il a donc assimilé traitement et guérison). Sa femme, elle, avait l'air de comprendre la réalité des choses mais semblait ne pas vouloir s'opposer à son mari. Elle allait donc dans son sens, 6 avec un espoir de rémission. Cette information a été donnée au médecin par l'infirmière, et elle lui a demandé de réexpliquer à Mr. C et à sa femme le caractère incurable de la pathologie. Mme. C a annoncé à ses enfants la véritable situation, et ces derniers se sont rendus compte du déni dans lequel se trouvait leur père. Une tension s'est alors installée entre les enfants et les soignants. En effet, ils attendaient des membres de l'équipe qu'ils insistent auprès de Mr. C pour qu'il réalise l'état dans lequel il se trouvait; les soignants ont tenté d'expliquer l'attitude de déni du père à la famille. Par la suite, une dispute a eu lieu dans les couloirs du service entre Mme. C et ses enfants, qui se sont aperçus que celle-ci encourageait leur père dans son déni au lieu de lui faire voir les choses en face, comme ils le souhaitaient. Toute la famille semblait désemparée face à cette situation. Un soutien psychologique (en famille) a été mis en place. 3. Progression du questionnement Après l'analyse de notre situation, nous avons mis en exergue des points qui nous ont interpellés: Avant l'annonce du diganostic, le patient et sa famille sont dans l'attente des résultats des différents examens. − Comment le patient et sa famille réagissent à cette attente? − Faut-il trouver un compromis entre les questions du patient et l'impossibilité d'annoncer le diagnostic? Dans la situation, l'infirmière se retrouve dans l'incapacité, d'un point de vue législatif, de donner les informations dont elle dispose au patient. De plus, afin de pouvoir poser le diagnostic du cancer, le médecin se doit d'attendre les résultats de l'anapathologie. − En quoi le cadre législatif affecte la relation soignant/soigné? − En quoi le cadre législatif est-il une limite dans la prise en charge du patient? − Comment répondre aux besoins du patient et de sa famille en restant dans le cadre législatif? (dans les paroles et dans les actes). − Quel est le rôle infirmier dans l'accompagnement d'une personne atteinte du cancer, des examens jusqu'à l'annonce du diagnostic? La manière dont se sont déroulés les évenements de notre situation nous a amené à nous questionner sur l'éventuelle existence d'un « protocole » de prise en charge d'un patient atteint du cancer. Nos différentes recherches, sur internet, les cours que nous avons suivi durant notre formation, et nos lectures ont attiré notre attention sur le plan cancer, 7 notamment sur la mesure 40 qui concerne l'annonce du diagnostic de cancer et ces différentes étapes. Dans son ouvrage De Larme et de Sang; David KHAYAT, oncologue et chef de clinique du service d'oncologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, relate, explique et analyse le temps médical de l'annonce du diagnostic du cancer. − Comment se déroule l'annonce du diagnostic en théorie? Existe-t-il des différences entre la théorie et la pratique médicale? − Quelle est l'implication et le rôle de l'infirmier dans l'annonce du diagnostic? − Quelle est l'importance du travail en pluridisciplinarité dans l'annonce d'un diagnostic en oncologie? − Quel est le rôle infirmier dans la médiation entre le medecin, le patient, et la famille? Dans notre situation, le médecin choisit de ne pas utiliser le mot "cancer" au moment de l'annonce du diagnostic; Dans son livre, D. KAHYAT insiste sur l'importance du choix des mots utilisés lors de ces consultations, ainsi que sur le déroulement de celles-ci. − Quel est l'impact des mots utilisés sur le patient? Ont-ils une influence sur sa compréhension? Dans notre situation d'appel, après l'annonce du diagnostic, commence la prise en charge infirmière, notamment, sous la forme d'entretiens infirmiers qui proposent au patient un temps d'écoute et d'échange. Durant ce dernier, l'infirmière se rend compte de la réaction de déni du patient face à l'annonce de sa pathologie. − Comment l'infirmier doit réagir ou faire face en cas de déni du patient? − Comment prendre en charge le patient dans sa globalité en tenant compte des différentes dimensions perturbées suite à l'annonce d'un diagnostic de cancer? − Quelles sont les différentes techniques utilisées par l'infirmier afin de faire accepter le diagnostic au patient tout en respectant son rythme? − Quels sont les outils à disposition de l'infirmier pour accompagner au mieux le patient? Le fascicule Techniques et Pratiques de l'Entretien Infirmier, du Centre de Coordination de Cancérologie (3C), donne des conseils aux infirmiers vivants de telles situations. De plus D. KHAYAT consacre une partie de son livre aux liens entre l'acceptation du diagnostic par le patient et l'importance de l'écoute et les outils de communications utilisés par les soignants. − Existe-t-il des formations permettant aux soignants de maitriser ces outils de communication? 8 Nous avons également remarqué dans notre situation d'appel que l'impact de l'annonce du diagnostic de cancer sur le patient et sa famille semble en lien avec les conditions de l'annonce. Suite à ce questionnement, nous avons effectué d'autres recherches bibliographiques concernant ces pistes de réflexion. L'ensemble de nos questions et de nos recherches nous a alors conduit à notre question de départ. 4. Question de départ En quoi les conditions de l'annonce du diagnostic médical d'un cancer influent sur la qualité de la prise en charge infirmière? Nous centrons donc notre question de départ sur les difficultés ou facilités de prise en charge des patients atteints de cancer, rencontrés par les infirmiers, mis en lien avec les conditions de l'annonce du diagnostic médical de cancer. La population ciblée de notre travail de recherche sont les infirmiers côtoyant des patients âgés de 40 à 50 ans atteints de cancer (en âge d'avoir des familles). Nous avons donc choisi d’interroger deux infirmières travaillant dans un service d’hôpital de jour d’oncologie et réalisant régulièrement des temps d’accompagnement soignant (Annexe 1). II. LE DISPOSITIF D'ANNONCE 1. Origines du plan cancer Chaque français sait ce que signifie "être atteint d’un cancer", ou peut ressentir la menace de cette maladie. Les patients confrontés à cette expérience personnelle la vivent de façon douloureuse et bouleversante, avec une connaissance intime de leurs forces mais aussi de leurs faiblesses physique et psychologique. Les patients dans cette situation attendent les meilleurs soins possibles; ils souhaitent pouvoir être de véritables acteurs dans le combat contre la maladie. Ce combat n'est pas seulement un combat technique, mais aussi un combat qui implique les émotions de chacun. Pour traverser cette épreuve les patients ont besoin d’attention et d’écoute. La recherche, la prévention et les traitements permettent une espérance de guérison accrue depuis ces dernières années. Une attente légitime des patients s'exprime ainsi : C'est la raison d’être des plans de mobilisation nationale contre le cancer. En effet, à l’initiative du 9 président Jacques CHIRAC, le premier plan cancer de 2003-2007 a été créé. Il a été suivi par celui de 2009-2013 du président Nicolas SARKOZY. 2. La mesure 40 du plan cancer: le dispositif d'annonce Notre situation d'appel nous a amené à nous questionner sur la mesure 40 du plan cancer de 2003-2007. Le dispositif d’annonce est une mesure du Plan Cancer mise en place pour répondre à la demande des patients formulée lors des premiers États Généraux des malades organisés par la Ligue Nationale Contre le Cancer. Le dispositif d'annonce doit permettre au malade d'avoir de meilleures conditions d’annonce de sa pathologie, en lui faisant bénéficier à la fois d’un temps médical d’annonce et de proposition de traitement, d'un temps soignant de soutien et de repérage des besoins du patient, et de l'accès à des compétences en soins de support. Il permet également d’avoir une meilleure coordination entre la médecine de ville et les établissements hospitaliers. Il s'inscrit dans une dynamique d'équipe où l'interactivité entre les différents acteurs de santé est nécessaire et constante. Il concerne autant le diagnostic initial d’un cancer confirmé que la rechute de la maladie. Selon les dispositions du Plan Cancer, le cancer doit être annoncé au patient après avoir vérifié sa volonté de savoir, et se faire en respectant son rythme d'appropriation. Les mesures du dispositif d'annonce mettent en avant le rôle du patient qui devient un véritable acteur dans les choix thérapeutiques. Tout au long de sa prise en soins, le patient ainsi que sa famille doivent être en mesure de connaître les ressources dont ils disposent. Le rôle du médecin traitant, choisi par le patient, est également mis en valeur, le médecin spécialiste devant l'informer régulièrement de la situation du patient, et ce dès ce premier temps hospitalier. Ce dispositif d'annonce se construit autour de quatre temps: Un temps médical: il s'agit d'une ou plusieurs consultations pendant lesquelles l'annonce du cancer se fera. Ensuite, les consultations seront consacrées à l'annonce et l'explication de la stratégie thérapeutique décidée en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire. Ces deux temps font parti du rôle du médecin. Une fois la décision thérapeutique comprise et acceptée par le patient, celle-ci sera rédigée par écrit, et remise au malade comme étant son Programme Personnalisé de Soins (PPS). La formation du médecin est comprise dans son cursus universitaire. C'est parce qu'il a choisi la spécialité que la tâche de l'annonce lui incombe. Il est cependant aiguillé par les recommandations nationales, où des médecin ont expérimenté plusieurs approches de 10 l'annonce et donnent des conseils sur la façon dont le diagnostic peut être abordé avec le patient pour que l'échange soit optimal. Un temps d'accompagnement soignant: celui ci permet au patient et/ou à sa famille d'obtenir des temps d'information et d'orientation vers d'autres professionnels, selon leurs besoins. Ceci sera effectué par des soignants prévus à cet effet, les écoutant, et reformulant ce qui a été dit. Ce temps, indispensable, permet au patient de parler de lui, de son vécu, de son ressenti. C'est désormais un temps à part entière de l'annonce du diagnostic; il comprend notamment un temps de consultation infirmière, immédiatement ou à distance des consultations médicales. C'est un des points forts acquis grâce aux mesures du Plan Cancer, dont l'importance a été démontrée tant par les soignants que par les patients. Les infirmiers réalisant des temps d’accompagnement soignant n'ont pas de formation obligatoire; c'est parce qu'ils s'intéressent à ce sujet qu'ils réalisent des temps d’accompagnement soignant. Cependant, leur formation initiale peut être complétée par un diplôme universitaire (DU), comme c’est le cas des infirmières que nous avons interrogé, qui ont fait un DU de psycho-oncologie. Certaines qualités et une expérience sont cependant requises, notamment dans la relation à l'autre. L'infirmier doit développer une qualité de présence rassurante et doit être contenant pour pouvoir mettre en confiance ses patients, de façon à améliorer la qualité des échanges et à les rendre constructifs pour le patient. L'accès aux soins de support: via une équipe pluridisciplinaire travaillant en collaboration permet au patient d'être soutenu et guidé dans ses démarches, en particulier sociales. Ceci est fait en accord avec les besoins et les choix du patient, par des médecins ou d'autres soignants. Un temps d'articulation avec la médecine de ville: les mesures du dispositif d'annonce vont renforcer les échanges entre les équipes hospitalières, le patient et sa famille, ainsi qu'entre les équipes hospitalières et le médecin traitant. La communication entre l'hôpital et la médecine de ville est essentielle, le médecin dit "de famille" est choisi par le patient qui lui accorde de ce fait sa confiance. Ainsi, la communication est gage de sécurité pour le patient, et marque une continuité dans les soins qui lui sont prodigués. Afin de faciliter la mise en place du dispositif, l'institut national du cancer a publié des recommandations. Il s'appuie sur deux grands principes: - "Tout patient atteint de cancer doit pouvoir bénéficier, au début de sa maladie et/ou en cas de récidive, d’un dispositif d’annonce organisé, qui doit être mis en place dans tous les établissements traitant des patients atteints de cancer. - La coordination interprofessionnelle, la communication relationnelle avec les 11 patients et leurs proches ainsi que la souplesse dans la mise en oeuvre seront pour beaucoup dans la réussite de ce dispositif et dans l’amélioration du vécu des malades." Pour une collaboration de qualité, il est nécessaire que les informations soient partagées par tous de la même manière et de façon efficace. Outre les transmissions écrites ou orales, la Mesure 31 du Plan Cancer prévoit de faire bénéficier aux patients atteints de cancer d’une concertation pluridisciplinaire autour de leur dossier, et de synthétiser le parcours thérapeutique prévisionnel issu de cette concertation, sous la forme d’un Programme Personnalisé de Soins remis au patient. Les Réunions de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) sont aujourd’hui considérées non seulement comme le lieu de la discussion diagnostic et thérapeutique, mais aussi comme un vecteur d’échange de grande valeur pédagogique entre les professionnels, permettant également d’effectuer une analyse du bénéfice risque et de la qualité de vie pour la personne soignée. 3. Attentes et besoins du patient avant l'annonce Afin de pouvoir poser le diagnostic de cancer, la législation oblige le médecin à attendre les résultats des examens biologiques. Ce délai d'attente entre la batterie d'examens et les résultats peut avoir un impact sur le patient. En effet, les patients ont accès à internet et peuvent faire leur propre analyse des examens prodigués. Le questionnement suscité se répercute directement sur le médecin et l'infirmier. Cette angoisse peut avoir un impact dans la relation soignant-soigné, comme nous pouvons le voir dans notre situation. Une des infirmières d’oncologie nous a expliqué que ce problème ne se posait plus car le délai d'attente a été réduit pour éviter que le patient soit confronté à cette situation délicate. En effet, pour instaurer le climat de confiance nécessaire au bon déroulement du dispositif d’annonce, le patient doit se sentir écouté, entendu et compris. Il est primordial de ne pas majorer l'anxiété et l'appréhension ressenties par le patient avant la formalisation du diagnostic de cancer en attendant l’entretien d’annonce. III. L'ANNONCE DU DIAGNOSTIC DE CANCER 12 1. Temps médical Déroulement du temps médical D'après les recommandations du Plan Cancer, le temps médical lors de l'annonce du diagnostic est divisé en deux consultations. Une première consultation, où le médecin apprend au patient qu'il est atteint d'un cancer; puis une seconde plus tard, pour permettre au patient d'intégrer l'information. Un temps est nécessaire entre ces deux consultations pour permettre au patient de faire progresser et cheminer l'information. En effet, lors de la première consultation, le patient vit l'annonce comme un choc émotionnel; il peut rester focalisé sur le mot "cancer", et ne plus entendre les autres informations transmises par le médecin. C'est lors de cette deuxième consultation que la stratégie thérapeutique et son déroulement sont présentés au patient. La Réunion de Concertation Pluridisciplinaire se déroule entre ces deux consultations médicales d'annonce. Elle permet d'établir le traitement pour pouvoir le présenter au malade lors de la deuxième consultation. Toujours d'après les recommandations du Plan Cancer, une consultation médicale d'annonce de diagnostic ne doit pas avoir une durée inférieure à 45 minutes. Ce temps permet au patient d'intégrer les informations données par le médecin, et de poser les premières questions qui lui viennent en tête. Dans son ouvrage De Larme et De Sang, David KHAYAT explique que le temps de la première consultation permet au médecin de montrer qu'il a de la considération pour son patient, qu'il prend du temps pour lui. D'après son expérience, le sentiment d'abandon est un sentiment retrouvé régulièrement chez les patients atteints de cancer. Pour lui, les 45 minutes de consultation sont une preuve que le médecin s'intéresse au cas précis du patient qu'il a en face de lui. Cela permet une confiance mutuelle indispensable pour la prise en charge. David KHAYAT a également écrit dans cet ouvrage, qu'il est indispensable que le patient sorte du bureau du médecin en n'ayant aucune question restée sans réponse. En réalisant nos entretiens, nous avons appris que la théorie du Plan Cancer concernant l'annonce du diagnostic médical de cancer concordait avec la réalité du terrain. En effet, depuis le Plan Cancer, les infirmières ont constaté que les médecins prennaient plus de temps pour annoncer le diagnostic aux malades. Les deux temps de consultation sont respectés. D'après elles, une réelle différence est constatée du point de vue médical depuis la création du plan cancer: les médecins ont une autre approche de la prise en charge des patients atteints de cancer, du fait de l'instauration d'un cadre obligatoire à l'annonce du 13 diagnostic. Limites du temps médical La consultation médicale d'annonce de diagnostic se fait grace à deux protagonistes: le médecin et le patient. Un infirmier peut être présent lors de cette consultation; dans le service où nous avons interrogé les infirmières, ces dernières ne sont pas présentes lors du temps médical. Ce choix est fait pour éviter la présence d'une tierce personne et garder le caractère d'intimité entre le médecin et le patient. De plus, l'infirmier pourrait influencer le déroulement de la consultation ; Or si l'infirmier est présent lors de cette consultation, il a un rôle d'écoute (du médecin et du patient) et d'observation. Le temps médical est donc personnalisé et dépend des caractères et vécus de chacun. Cette consultation met en relation deux personnes, elle a donc des limites: l'histoire de vie, les représentations et les affects du médecin entrent en compte dans cette consultation; de même pour le patient. En effet, il est possible pour le médecin de se projeter par rapport à l'histoire de son patient, de retrouver des similitudes avec son histoire personnelle. Il doit avoir conscience de ses émotions et de ses affects pour pouvoir les gérer et prendre en charge au mieux le patient. Suite à nos entretiens avec les personnes expertes, il en ressort que le médecin se retrouve à être le premier à annoncer "LA" mauvaise nouvelle, à plusieurs patients, de façon répétée, ce qui peut susciter chez lui un sentiment de mal être difficile à gérer au quotidien. Importance du vocabulaire utilisé De plus, le patient n'entend pas toujours ce que dit le médecin, il peut être abasourdi par l'annonce de sa pathologie. Il est important que le médecin adapte son vocabulaire à la personne qui est en face de lui pour se faire comprendre. Il ne doit pas utiliser des mots trop techniques que le patient pourrait ne pas comprendre. Les mots utilisés jouent un rôle important. Lors des entretiens que nous avons réalisés, les infirmières nous ont appris que le mot "cancer" n'est pas toujours annoncé et qu'il peut être détourné par d'autres mots, ce qui peut impacter sur la compréhension du patient vis à vis de sa pathologie. Dans le livre De Larme et de Sang, David KHAYAT insiste sur le poids des mots. D'après lui, "Lorsqu'on les utilise à bon escient, ils arrivent à bon port. Les mots tuent, sauvent, construisent, détruisent, mènent vers le combat ou la paix". Le langage est l'outil principal de la consultation médicale d'annonce. Continuité des soins Pour permettre une continuité des soins optimale, le médecin réalise des transmissions concernant ce qui a été dit lors de la consultation d'annonce. La qualité de ces transmissions influent sur la qualité de la prise en charge infirmière. Elles sont primordiales 14 pour que l'infirmière ait une vision de ce que le médecin a appris à la personne soignée (pathologie, stade, évolution, pronostic...), et de ce que le patient a entendu et compris. L'infirmier est au centre de la mise en place de la continuité des soins portés au patient. En effet, celui-ci est référent pour le patient mais également pour les autres professionnels gravitant autour de celui-ci puisque ils rapportent à l'infirmier le contenu de leurs échanges avec les malades. Ainsi, l'infirmier transmet au médecin les éléments concernant le patient qui auront été transmis par l'assistante sociale, la socio-esthéticienne, la diététicienne, l'ambulancier, le taxi, le psychologue, le kinésithérapeute... Le temps médical de l'annonce du diagnostic de cancer impacte sur le patient et conditionne le temps d'accompagnement soignant. En effet les mots utilisés par le médecin influencent la compréhension du patient, et donc la prise en charge infirmière qui suit le temps médical. 2. Temps d'accompagnement soignant Le temps d'accompagnement soignant suit et complète les deux temps d'annonce médical. Il est réalisé dans la grande majorité des cas par un infirmier mais peut être, en théorie, réalisé par n'importe quel soignant. Pour notre travail, nous nous intéresserons uniquement à l'entretien réalisé par un infirmier. Ce temps d'accompagnement soignant peut être réalisé soit à la demande du patient, soit d'après l'évaluation des besoins du patient par le médecin, soit proposé directement par l'infirmier. Importance des transmissions L'infirmier doit être cohérent avec le médecin dans les informations qu'il donne, d'où l'importance des transmissions et du travail en collaboration entre les différents acteurs de soins qui gravitent atour de la personne soignée. D'après les infirmières interrogées, la qualité des transmissions dépend du médecin qui les réalise. Dans certains cas les transmissions écrites sont très complètes, les infirmières peuvent retrouver dans le dossier de soin du patient tout ce qui a été dit par le médecin, les mots utilisés et le ressenti du médecin quant à la compréhension du patient. Les infirmières peuvent alors prendre le relais de la prise en charge en ayant toutes les informations dont elles doivent disposer. Dans d'autres cas, les transmissions écrites sont moins complètes et l'infirmière doit se renseigner sur ce que le patient a entendu, sur ce qu'il sait, et sur ce qu'il a compris. Des transmissions orales sont également faites de manière informelle par le médecin aux membres de l'équipe soignante pour permettre à tous les membres de l'équipe d'être au 15 clair sur la situation actuelle du patient et pour savoir ce qu'il sait et comprend exactement. Le climat de confiance Cet entretien met également en relation plusieurs personnes: L'infirmier, le patient, et éventuellement ses proches (si le patient en fait la demande). Les affects, l'histoire personnelle et les émotions de l'infirmier peuvent également impacter la relation. Tout comme le médecin, il doit avoir conscience de ces émotions pour pouvoir les gérer et savoir passer le relais à un autre infirmier s'il ne peut pas prendre en charge le patient de manière optimale. Un climat de confiance doit être instauré entre les différents membres pour que l'entretien soit efficace. Il peut être favorisé par un accueil personnalisé et chaleureux. Le temps d'accompagnement soignant doit se dérouler dans un lieu où toutes les sources de perturbations sont évitées (téléphone, bip, passage de personnes...). Préparation du temps d'accompagnement soignant La seule préparation de l'entretien que l'infirmier peut faire est de lire les transmissions faites par le médecin et de connaitre le cas du patient, en se référant au dossier de soins. Il est important que l'infirmier respecte le rythme et les capacités d'acceptation du patient qui sont propres à chaque situation. Les infirmières que nous avons interrogées nous ont appris que c'est le patient lui même qui mène l'entretien: C'est le soignant qui s'adapte au patient et non l'inverse, l'évolution du travail de l'infirmier doit suivre le rythme du processus d'intégration du patient. Apport de données Le temps d'accompagnement soignant se situe après le temps médical; Le patient est donc au courant de sa pathologie et de la stratégie thérapeutique décidée en RCP pour lutter contre le cancer. Lors du temps soignant, l'infirmier peut donc apporter des informations concernant le déroulement du traitement et les éventuels effets secondaires. Le rôle infirmier Le rôle infirmier lors de ce temps d'accompagnement soignant est tout d'abord l'écoute. Après l'annonce médicale, le patient peut être sidéré, il a alors besoin de parler de lui, de ses angoisses, de ses préocupations et de ses inquiétudes. L'écoute de l'infirmier permet également d'évaluer la compréhension du patient. L'infirmier utilise différentes techniques de communication pour cerner les attentes et besoins du patient et pour s'adapter à son rythme; la plus utilisée est la reformulation (Annexe 2). Pour cela, le soignant reprend de façon plus explicite et avec d'autres termes ce que le patient exprime. Elle permet de confirmer notre perception de l'idée exprimée par la personne. D'après les 16 personnes expertes interrogées, la base d'une bonne compréhension lors du temps d'accompagnement soignant est d'utiliser des mots simples et entendables par le patient et ses proches. L'infirmier doit repérer comment le patient se positionne face à sa maladie et quelles proportions prend le cancer dans sa vie. Il doit également évaluer les ressources du patient et de son entourage pour faire face à la pathologie. Pour cela, il doit être attentif aux réactions verbales et non verbales du patient. Le rôle de l'infirmier est finalement d'aider la personne soignée à trouver sa propre stratégie d'adaptation à la maladie. Mise en lien avec les soins de support Si les besoins et attentes du patient atteint de cancer dépassent le domaine de compétence de l'infirmier, son rôle est de le diriger vers les soins de support. Les soins de support se composent de l'ensemble des soins et soutiens conjointement aux traitements spécifiques du cancer. Ils répondent aux besoins de la vie quotidienne perturbés par la maladie et les conséquences des traitements. L'infirmier met donc en lien la personne malade avec d'autres professionnels spécialisés comme par exemple les assistantes sociales, psychologues, kinésithérapeutes, socio-esthéticiennes ou diététiciens. Avantages du dispositif d'annonce D'après les infirmières interrogées lors de nos entretiens, les relations entre les soignants et les personnes soignées, mais aussi entre les soignants et les médecins sont plus fluides depuis la mise en place du dispositif d'annonce. En effet, depuis la créaction d'une annonce cadrée, il y a moins de non-dits et une relation de confiance est instaurée entre les membres de l'équipe pluridisciplinaire et les personnes soignées. L'infirmier réalisant le temps soignant récolte des informations concernant le patient, son vécu, sa personnalité et son histoire de vie. Il peut donc donner des conseils à l'équipe soignante pour prendre en charge la personne. Ces renseignements permettent aux soignants de s'adapter pour une prise en charge de qualité. Le déroulement de l'annonce du diagnostic de cancer influence directement la relation du malade à son médecin, à l'équipe soignante, à la maladie et à son traitement. Il impacte donc sur le vécu du cancer par la personne soignée. 3. Retentissement de l'annonce du diagnostic de cancer sur le patient 17 Lors de la découverte d'un cancer, le patient atteint de cette maladie a des attentes particulières. Cette pathologie va bouleverser son mode de vie et ses habitudes. Il va impacter tous les domaines de son existence, d'un point de vue biologique, psychologique ou social. En effet, nous nous sommes interessés aux patients âgés de 40 à 50 ans, ayant par conséquent l'âge d'avoir un emploi et une famille. Le dispositif d'annonce est destiné à répondre aux attentes des personnes soignées. Il permet d'accompagner le patient dans un processus de progression face à l'annonce d'une telle pathologie, et de répondre aux nouvelles questions que se posent le patient après réflexion. La question "Pourquoi?" Tout d'abord, nous avons appris grace à nos lectures et nos rencontres avec les professionnels de santé que le patient venant d'apprendre qu'il est atteint d'un cancer se pose la question "Pourquoi?". David KHAYAT explore cette réalité dans le livre De Larme Et de Sang: pour lui, le malade atteint de cancer a besoin de comprendre pourquoi lui, est atteint de cette maladie, pourquoi à ce moment de sa vie. Il explique dans son livre que "la science à laquelle l'on demande d'abord de répondre au "pourquoi" ne sait que répondre au comment". Effectivement, comprendre le mécanisme de transformation d'une cellule saine à cellule cancéreuse ne permet pas de répondre a la question existentielle du "pourquoi"". Sentiment de culpabilité ou d'injustice Les infirmières que nous avons interrogées nous ont expliqué que l'on retrouve souvent un sentiment de culpabilité chez les patients atteints de cancer. Ils cherchent une cause à leur maladie en analysant quels ont été les comportements qui auraient pu provoquer un cancer (pour des patients fumeurs par exemple). D. KHAYAT insiste sur l'importance de ne pas culpabiliser le patient lors de l'annonce du diagnostic même si, effectivement, leurs comportements ont peut-être contribué au développement du cancer. Il fait le lien avec la question du "pourquoi moi?" évoquée précédemment. Les patients cherchent une cause à leur maladie pour la comprendre. Dans d'autres cas, les patients cherchent un responsable à leur cancer: leurs employeurs s'ils travaillent en contact avec des produits toxiques par exemple, la pollution, l'environnement... Ou au contraire, on peut retrouver un sentiment d'injustice chez certaines personnes atteintes de cancer qui jugent avoir mené une "vie saine", en n'ayant jamais fumé, jamais bu d'alcool et mangé équilibré tout au long de leur vie. Le rôle de l'infirmier face à ces patients est de les accompagner tout en ayant une 18 posture empathique. Il accueil et accuse réception du ressenti du patient et met à disposition ses compétences relationnelles pour accompagner, soutenir et orienter au mieux le patient dans cette épreuve. Mécanismes de défense Dans certaines situations, comme c'est le cas pour notre situation d'appel, le choc de l'annonce de la pathologie déclenche la mise en place de mécanismes de défenses, de manière inconsciente, par le patient. Ces derniers permettent au sujet qui se sent en danger de trouver un équilibre. Les plus fréquents retrouvés chez des personnes malades sont le déni (refus de la maladie par le malade, non acceptation), la régression (comportement infantile du sujet), et la sublimation (investissement détourné, du lien avec la famille au lien avec le soignant). Le mécanisme de défense utilisé par le patient de notre situation est le déni. Nous nous sommes questionnés sur un lien éventuel entre le délai d'attente de l'annonce du diagnostic et l'induction du déni chez le malade. D'après les professionnels de santé que nous avons interrogés, le déni serait plutôt généré par la personnalité du patient que par le délai d'attente entre la suspicion de la maladie et la certitude du diagnostic. Il est important de considérer les mécanismes de défense mis en place par les patients en respectant leur vitesse d'acceptation de la maladie. Ainsi, par exemple dans le cas d'un patient dans le déni, il ne faudra pas chercher à aller absolument contrecarrer celui-ci, mais progressivement aboutir à l'acceptation, avec l'idée de toujours suivre le rythme propre du patient. Implication de l'entourage L'annonce d'un tel diagnostic est déstabilisante, la personne soignée perd ses repères; Elle a donc besoin d'avoir une emprise et de gérer la situation. Grace au dispositif d'annonce, le patient détient les informations concernant sa santé, il connait les protocoles de ses traitements. D'après une des infirmières interrogées, avant l'instauration du dispositif d'annonce "le patient subissait, maintenant il est acteur de sa pathologie". Il a un certain pouvoir sur sa prise en charge, cela crée un climat d'égalité entre la personne soignée et le personnel soignant. C'est d'ailleurs lui qui dirige les différents entretiens d'annonce, c'est au professionnel de s'adapter. Il impose son rythme en fonction de son évolution face à l'annonce. C'est lui qui décide de l'implication ou non de ses proches dans sa pathologie. Lors du temps d'accompagnement soignant, les proches du malade peuvent être présents uniquement si le patient est d'accord. S'il est important pour le patient que ses proches soient intégrés à sa prise en charge, il est primordial de respecter son choix, car l'entourage du malade est une ressource, il fait partie de sa vie. De plus, l'annonce du cancer est aussi un choc pour la famille et les proches du patient, le rôle de l'infirmier sera aussi de répondre 19 à leurs questions, de les accompagner, et de les diriger vers des personnes ressources comme des psychologues par exemple, s'ils en ressentent le besoin. D'autre part, l'angoisse ressentie par les patients lors de cette annonce de diagnostic de cancer peut être majorée par le vécu des proches. Une prise en charge de la famille et de l’entourage est donc d'autant plus nécessaire. L'annonce du diagnostic d'un cancer et les conditions accompagnant cette annonce ont un impact déterminant sur la parcours de soins du patient et sur ses réactions et émotions. De plus, l'annonce du diagnostic peut atténuer ou accentuer le choc inévitable lors de la découverte d'une telle maladie. L'annonce du diagnostic de cancer est le point de départ de la maladie, mais doit conduire à un processus continu de prise en charge et d'accompagnement. IV. PRISE EN CHARGE APRÈS L'ANNONCE DU DIAGNOSTIC DE CANCER 1. Rôle infirmier dans le suivi après l'annonce du diagnostic L'infirmier peut rencontrer le patient une ou plusieurs fois suivant les besoins de la personne soignée. Ce suivi est une prise d'initiative de l'infirmier; il est personnalisé et prend en charge le patient d'un point de vue biologique, psychologique et social. Chaque rencontre entre le patient et l'infirmier se déroule sans limite de temps; la durée des séances est définie selon les besoins du patient. Le suivi peut aussi être réalisé à la demande du patient. L’infirmier apparait comme un référent pour le patient dans les différentes étapes de son parcours hospitalier. Lors des soins, c'est l'infirmier qui administre les traitements, c'est donc lui le plus apte à les expliquer et à répondre aux questions que se pose la personne soignée. De ce fait, le patient est plus à même de s'approprier la pathologie, ses traitements et ses effets secondaires. Ainsi, d'après les entretiens menés avec les infirmières sur le terrain, ceci induit une meilleure prise en soins des patients et un meilleur vécu des suites de leur point de vue. En effet, le cadre législatif a permis de mettre en place des actions où chaque intervenant trouve une place bien définie. La collaboration en est plus effective, et le vécu du patient ainsi que des équipes de soins dans ces situations s’est amélioré. La collaboration médecin/infirmier prend tout son sens dans ce cadre, car selon les témoignages que nous avons recueillis, la transmission d’informations relatives au patient est au centre de la prise en soins de celui-ci. C’est la connaissance la plus complète du patient 20 qui permet la prise en soins la plus personnalisée et donc la plus adaptée possible. 2. La prise en charge médicale Après l'annonce médicale du diagnostic de cancer, le médecin suit le patient tout au long du parcours de soins. En effet, c'est lui qui le voit lors des consultations pour l'instauration et le suivi du traitement, et pour l'adaptation face à l'évolution du cancer. Le médecin rencontre le patient avant chaque séance de chimiothérapie, qu'elles soient administrées dans un service de soins conventionnels ou dans un service d'hôpital de jour de chimiothérapie. Le médecin hospitalier reste donc très présent et disponible pour le patient après l'annonce du diagnostic. Le dispositif d'annonce insiste également sur l'importance du lien avec le médecin traitant. Il est présent dès la découverte des premiers symptômes, en effet c’est souvent lui qui soupçonne en premier la maladie cancéreuse, et dirige son patient vers le spécialiste. Ensuite il continue à le suivre par le biais d’une correspondance régulière avec le médecin spécialiste. Cette disponibilité et proximité entretiennent le climat de confiance déjà présent; le patient ayant choisi son médecin traitant. Le dispositif d’annonce a en effet permis d'ouvrir la relation avec le médecin de ville. Selon l'infirmière experte que nous avons interrogée, le plan cancer a donné au médecin traitant le statut d'acteur de la santé de son patient dans le cadre de la maladie cancéreuse: "il devient participatif". Le médecin de ville a acquis un rôle de relais par rapport aux soins prodigués à l'hôpital. Le suivi du patient est donc également assuré hors du cadre hospitalier. 3. Le vécu du patient avec sa pathologie Lors des suites de l'annonce initiale du cancer, les patients sont principalement à la recherche d'une cause, d'un responsable à leur maladie. Celle-ci apparaît alors injuste, et ils peuvent ressentir de la colère contre eux ou contre ce qu'ils ont identifié comme étant la cause de leur état de santé. Cependant, d'après les témoignages que nous avons recueillis auprès des infirmières de terrain, elles constatent que la mise en place du dispositif d’annonce a permis d’améliorer la prise en soins et le vécu des patients dans ce contexte: les patients se sentent soutenus, accompagnés, écoutés et entendus. Les infirmières que nous avons rencontrées ont constaté une réelle différence depuis la mise en place du dispositif d'annonce. En effet, les patients sont renseignés sur leur pathologie, ils connaissent leurs traitements, les molécules utilisées pour limiter les effets 21 indésirables des chimiothérapies. Depuis, elles constatent une diminution des effets secondaires. D'après elles, les prémédications utilisées ne sont pas les seules responsables de cette diminution d'effets secondaires; tout le travail d'annonce de diagnostic et d'information fait en amont permet au patient de s'approprier la pathologie et le traitement; il devient acteur à part entière de son parcours de soin et est impliqué dans chaque prise de décision. En effet, son implication et son pouvoir décisionnel permettent de maintenir son identité personnelle et d’être en alliance avec son propre corps : Le patient n’est pas seulement une personne atteinte de cancer mais un être doué d’émotions qui œuvre intimement pour sa guérison. Le domaine psychologique entre en compte, une annonce "bien faite" permet une diminution de la somatisation (manifestations physiques de troubles psychiques) par les patients. Chaque patient confronté à la maladie cancéreuse a sa propre manière d’appréhender la situation et accepte les traitements dans le but d’atteindre les objectifs fixés avec le médecin dans le Projet Personnalisé de Soins. Dans le cas d’une rémission, le patient peut percevoir cet état comme définitif. Néanmoins, il est nécessaire que le corps médical reste attentif à l’état de santé du patient grâce aux consultations de suivi afin de déceler une éventuelle récidive. V. PROBLÉMATIQUE Durant notre enquête, nous avons constaté que le fait d’avoir imposé un cadre législatif et obligatoire à l’annonce du diagnostic de cancer d’un point de vue national a permis aux médecins d’améliorer les conditions de l’annonce en cancérologie. Ce cadre semblant mieux adapté, il est nécessaire de s’interroger sur la manière de communiquer l’information aux patients. En effet il existe déjà une formation universitaire visant à sensibiliser les futurs médecins quant aux différents outils de communication permettant d’échanger avec les personnes soignées. La sensibilisation apportée aux médecins lors de leur cursus de formation est-elle suffisante? Le dispositif d’annonce a permis de définir et d’identifier un nouveau rôle à l’infirmier. En effet, il donne une place à part entière au rôle de l’infirmier, le plaçant comme un maillon indispensable dans la prise en soins du patient. L’infirmier a une amplitude d’actions et une autonomie dans sa prise en charge. Ainsi, il peut personnaliser le soin en fonction des besoins des patients. Ce dispositif étant récent, selon les infirmières de terrain, les formations proposées ne semblent pas répondre à toutes les attentes du corps soignant. 22 Une formation spécifique en institut de formation ou en cursus universitaire ne serait-elle pas bénéfique? Dans ces situations les soignants sont les principaux interlocuteurs du patient ; leurs échanges peuvent impacter leur propre ressenti. Dans ce schéma, les ressources existantes ne semblent pas suffisantes. En effet certains infirmiers ont exprimé le fait de se sentir démunis face à cette souffrance. N’existe-t-il pas un problème de reconnaissance des difficultés psychologiques pouvant être endurées par le soignant ? Et de ce fait un manque de moyens mis en place afin de les soutenir ? Le plan cancer a donné une place centrale au patient, qui devient acteur de sa prise en soins; cela est possible grâce au temps qui lui est désormais consacré. En effet si le médecin prend le temps d’échanger avec le patient, il peut optimiser sa compréhension. Il est disponible et attentif au vécu de ce dernier. L’infirmier est le relais et permet une continuité du suivi, et apparait dès lors comme le référent du patient. Ce dernier peut se situer et ainsi vivre la situation en se sachant soutenu, accompagné et encadré. Dans ces conditions, d’après les différentes rencontres effectuées durant notre travail de recherche, les soignants ont constaté une nette amélioration dans le vécu du patient, et de ce fait dans la prise en soins infirmière. Et réciproquement. Le patient ayant déjà vécu une situation cancer, comment réagira t-il si cela devait se produire à nouveau? En quoi la récidive du cancer peut impacter sur la relation soignant-soigné? VI. CONCLUSION Ce travail marque la fin de nos trois années d'études; ces dernières nous ont apporté beaucoup de connaissances théoriques et pratiques qui nous ont permis d’enrichir notre réflexion par l'alternance de stages et de cours, ainsi qu'à travers les rencontres que nous avons faites tout au long de notre formation. Il nous a permis de nous positionner en tant que futurs soignants, dans une posture réflexive. Nous avons donc vu, grâce à ce travail d’initiation à la recherche, que les conditions de l’annonce du diagnostic en cancérologie ont évolué de façon bénéfique depuis la mise en place du plan cancer, tant pour les patients que pour les soignants. 23 La réalisation de ce travail de fin d’études nous a parfois interpellé, et a permis de faire progresser notre réflexion. Nous en concluons qu’il est primordial d’adapter notre prise en charge en respectant les attentes et le rythme du patient atteint de cancer. La pluridisciplinarité et la communication entre les différents intervenants gravitant autour du patient est essentielle pour une annonce de diagnostic de qualité et la prise en soins qui s’en suit, puisque les actions de chaque intervenant influent sur la prise en charge des autres. Cependant, notre questionnement et notre réflexion tendent à évoluer pour nous rapprocher d'un idéal de prise en soins et d'accompagnement des patients. Pour cela, une perpétuelle remise en question du soignant est nécessaire. 24 BIBLIOGRAPHIE Livres, revues, articles, et cours: • David KHAYAT. De Larmes et de Sang. Odile Jacob. Paris : janvier 2013, 259p. • INSTITUT NATIONAL DU CANCER. Le dispositif d'annonce du cancer (mesure 40 du plan cancer), Paris : mars 2006, 12p. • LA LIGUE CONTRE LE CANCER. Le dispositif d'annonce, Information destinée aux patients atteints de cancer: Edition actualisée en octobre 2009, 25p. • INSTITUT NATIONAL DU CANCER. Soins et vie des malades: Etude sur l'annonce du diagnostic de cancer et le ressenti des malades en 2011: Dépôt légal mai 2012, 34p. • POTIER A. CENTRE DE COORDINATION EN CANCEROLOGIE. Techniques et pratiques de l’entretien infirmier, dans le cadre du dispositif d’annonce. Cellule communication du CHU de Besançon : 2009, 30p. • DROUHARD BELIGAT Chantal. cours Psychologie et Santé; Unité d’enseignement 1.1, semestre 1. IFPS Besançon: février 2011, 10p. 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Disponible sur : <http://www.e-cancer.fr/soins/parcours-de-soins/dispositifdannonce/outils-et-supports-dinformation-pour-les-professionnels#outils1> (consulté le 4.05.2013). 26 ANNEXE 1: Trame pour les entretiens réalisés auprès des personnes expertes • Existe-t-il des formations pour la consultation infirmière d'annonce? Quelles compétences/qualités recherchées? Avez-vous été sensibilisée au Plan cancer? • Constatez-vous une différence de l'annonce médicale du diagnostic d'un cancer depuis le plan cancer? Notamment depuis la création du dispositif d'annonce? • Le cadre législatif de l'annonce du diagnostic médical d'un cancer a-t-il déjà impacté la qualité de votre prise en charge? (point de vue IDE soin, IDE annonce) • Comment gérer l'attente entre la suspicion du cancer et la certitude du diagnostic? Ce délai n'est-il pas une induction du déni chez le patient? (répercussion sur la compréhension du patient?) • Qui participe à l'entretien d'annonce médical du cancer? Une infirmière est-elle présente? Si non, existe-t-il des réunions pluridisciplinaires de transmissions d'informations concernant le patient (RCP)? Les infirmières on-t-elles des recommandations spécifiques du médecin avant l'entretien infirmier d'annonce? • Lors d'une consultation médicale d'annonce de diagnostic, quels éléments sont annoncés? Les éléments annoncés sont-ils suffisants pour la prise en charge infirmière? Si non, pourquoi? Quels éléments manque-t-il? Comment gérer ces manques? • Quels impacts a la consultation médicale d'annonce du diagnostic sur l'entretien d'annonce infirmer? Sur la prise en charge infirmière? Pensez-vous que les mots employés par le médecin lors de la consultation d'annonce de diagnostic, ont un impact sur la prise en charge IDE du patient? • Comment préparez vous en amont l'entretien d'annonce infirmier avec le patient? Définissez-vous des objectifs avant l'entretien infirmier d'annonce? Si les objectifs ne sont pas atteints, comment palliez-vous à cette situation? Réévaluez-vous à la fin des entretiens? Comment? • D'après vous, quelles sont les principales attentes des patients lors des consultations infirmières d'annonce? Quels retours des patients avez-vous sur les conditions de leur annonce de diagnostic? • Comment gérez-vous la cohérence, entre médecins et infirmiers, notamment dans les informations transmises au patient? • Qu'est ce qu'on s'autorise à dire aux familles? 27 • Quelles sont vos méthodes pour, que lorsque vous passez un message, il soit entendu et compris de la même manière par tous? • Quelles techniques de communication utilisez-vous? • Quelles sont les différentes étapes qui font suite au temps d’accompagnement soignant ? Un unique entretien suffit-il? Mettez-vous en place un suivi pour le patient et sa famille? Si oui, comment s'organise ce suivi? • Quels impacts biologiques, psychologiques et sociaux au moment de l'annonce du diagnostic du cancer sur le patient? • Quels sont les principaux mécanismes de défense mis en place par les patients? • Quels sont les acteurs qui participent à l'acceptation de l'annonce du diagnostic de cancer par le patient? • Comment les soignants gèrent-ils un retour du patient dans l'unité de soins pour une récidive de cancer? La qualité et le vécu de la première prise en charge ont-ils un impact sur la prise en charge de la récidive? 28 ANNEXE 2 : Notions de base des théories de la communication Pages 11 et 12 du livret : Techniques et Pratiques de l’Entretien Infirmier, dans le cadre du dispositif d’annonce. Amandine POTIER, psychologue clinicienne des 3C Besançon. 29