Emirats Arabes Unis Perspectives moins favorables pour le secteur

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Emirats Arabes Unis Perspectives moins favorables pour le secteur
Emirats Arabes Unis
Perspectives moins favorables pour le secteur bancaire
Le secteur bancaire des émirats doit faire face à des perspectives économiques moins favorables marquées par la
baisse des prix du pétrole et la hausse des taux d’intérêt. Le secteur de l’immobilier est en phase de correction, tandis
que la dette des conglomérats reste élevée. Cependant, les banques ainsi que les principales entreprises ont
notablement renforcé leur situation financière depuis 2011. Globalement, les indicateurs macroéconomiques sont
solides et les perspectives de développement sont positivement orientées.
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Conjoncture pétrolière défavorable
1- Synthèse des prévisions
Malgré des efforts de diversification, la conjoncture pétrolière
continue de jouer un rôle central dans la situation économique des
pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Concernant les
Emirats Arabes Unis (EAU), cette conjoncture pétrolière agit de deux
manières : directement en influant sur les revenus pétroliers et donc
sur les finances publiques, et indirectement étant donné la sensibilité
du secteur des services (principalement à Dubaï) à la conjoncture
des autres pays du CCG. Les perspectives sur le marché du pétrole
sont orientées défavorablement, et les prix ne devraient augmenter
que très modérément dans les deux prochaines années. Par
conséquent, la croissance de l’activité du secteur non-pétrolier aux
EAU devrait ralentir à 3% en moyenne environ durant la période
2015-17, contre 5,2% en moyenne entre 2011 et 2014.
Dans ce contexte moins favorable, les conséquences sur le secteur
bancaire devraient être négatives. Etant donné le développement
encore limité des marchés des capitaux, les dépôts bancaires
constituent environ 60% du passif des banques. Selon les
statistiques de la banque centrale, l’évolution des dépôts du
gouvernement dans le système bancaire (15% des dépôts résidents
à fin 2014, 25% si l’on considère le secteur public dans son
ensemble) est clairement négative à -12% en g.a. en juin 2015
contre +17% sur l’ensemble de l’année 2014 (1,7% et 9%
respectivement pour l’ensemble des dépôts des résidents).
Parallèlement, la distribution de crédit reste assez soutenue. Ainsi, à
fin juin 2015, la croissance annuelle du crédit était de 14% pour le
gouvernement, 1,7% pour le secteur public, et 6,2% pour le secteur
privé. Dans son ensemble, le crédit domestique a crû de 6,5% durant
cette période. Les données préliminaires du mois d’août 2015
confirment cette tendance. La liquidité bancaire devrait rester
adéquate malgré le ralentissement de la croissance des dépôts.
Depuis les plus hauts de 2009 (120%), le ratio crédit sur dépôts est
revenu à 89% fin juillet 2015. Cependant, sur le marché
interbancaire, les taux ont amorcé une hausse en 2015. L’EIBOR 3
mois a augmenté de 15 bps à 0,82% depuis son plus bas de fin 2014.
Ce léger resserrement de la liquidité bancaire devrait rester assez
limité. En effet, même si la situation des finances publiques se
dégrade (des déficits sont attendus pour 2015 à 4,3% du PIB et 2016
à 2,5% du PIB avant un retour à l’équilibre en 2017), la situation
budgétaire des émirats restera confortable. La pression sur les
dépôts devrait donc rester limitée.
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2013
2014 2015f 2016f
PIB réel, v ariation annuelle (%)
4,3
4,6
5,0
Inflation moy enne (IPC, %)
1,1
2,3
4,1
2,8
4,9
Solde budgétaire / PIB (%)
10,3
7,5
-4,3
-2,5
Dette publique / PIB (%)
12,6
12,7
18,1
19,2
Solde courant / PIB (%)
18,4
13,7
3,2
1,0
Dette ex térieure / PIB (%)
44,6
49,2
59,0
56,0
Réserv es de change, mds USD
68
79
77
84
Réserv es de change, en mois d'imports
4,8
5,4
4,9
5,0
Taux de change /USD(fin d'année)
3,7
3,7
3,7
3,7
f : prévisions : BNP Paribas
2- Indicateurs de liquidité bancaire
▬ Crédits en % des dépôts ▬ EIBOR 3M (é.d.)
105
0,9
0,8
100
0,7
0,6
95
0,5
0,4
90
0,3
0,2
85
0,1
80
0,0
01/14 04/14 07/14
Sources : DataInsight, FMI
10/14
01/15
04/15
07/15
10/15
Le ralentissement de la croissance du secteur non-pétrolier devrait
se traduire par une détérioration de la qualité des actifs bancaires.
Héritage de la crise immobilière et financière de 2009, le niveau des
créances douteuses aux EAU est le plus élevé parmi les pays du
CCG : 7% des prêts totaux à fin 2014 selon le FMI.
■
Correction du marché de l’immobilier
Le développement du secteur immobilier est un des piliers de la
croissance économique des EAU, particulièrement à Dubaï. La
diversification économique dans le secteur des services (tourisme,
finance et commerce), ainsi que le statut de zone sûre dans un
environnement régional perturbé politiquement, ont contribué à la
croissance de ce secteur. Par conséquent, l’exposition des banques
Emirats Arabes Unis
Octobre 2015
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à l’immobilier est importante. Les secteurs de la construction et de
l’immobilier représentent environ 30% des crédits totaux. Après un
fort rebond de fin 2012 à la mi-2014 (+34% sur la période), les prix
de l’immobilier résidentiel ont amorcé une baisse depuis Q1 2015.
Fin juin 2015, les prix ont baissé de 12% en g.a. selon Knight Frank,
après -0.8% en g.a. à fin mars 2015. Dans le même temps, la
progression des volumes de transactions a ralenti.
Même si le processus actuel de correction est indiscutable, un
certain nombre d’éléments permettent d’en relativiser les
conséquences sur le secteur bancaire. Le marché immobilier de
Dubaï est sujet à la spéculation, mais il semble que la correction
actuelle ne soit pas porteuse d’un risque systémique de crédit. Le
dynamisme récent du marché est en partie porté par un cycle de
projets qui semblent plus solides que ceux engagés durant la
période qui a abouti à la crise de 2009. Depuis lors, le
développement des émirats s’est recentré sur quelques points forts
de l’économie : logistique, tourisme, services financiers. Par ailleurs,
le rythme de progression du crédit au secteur privé a été bien
moindre durant 2013 (+23% en g.a. à fin septembre) qu’au plus haut
de la fièvre spéculative (+59% en g.a. à fin septembre 2008). La
réglementation prudentielle sur l’exposition des banques au secteur
immobilier s’est durcie, notamment en limitant l’achat et la revente à
caractère spéculatif (hausse des frais de transaction, abaissement
du plafond de financement possible par emprunt). Cela a pu limiter
les pratiques spéculatives, même si sur la période récente, une
partie non négligeable des transactions immobilières s’est effectuée
en liquide.
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Dette des conglomérats
Les difficultés financières des conglomérats quasi-publics de Dubaï
(très engagés dans le secteur immobilier) après la crise de 2009 ont
été à l’origine de la forte dégradation de la qualité des actifs
bancaires. Selon Moody’s, l’exposition à Dubaï World représentait
22% de l’ensemble des créances douteuses du secteur bancaire des
EAU en 2014. Grâce à des restructurations de dette (abandon de
créances et allongement des maturités) dans un contexte de bas
niveau des taux d’intérêt, à des cessions d’actifs non stratégiques,
ainsi qu’au rétablissement du marché immobilier, et donc à une
meilleure valorisation des actifs, la situation financière des
conglomérats s’est sensiblement améliorée depuis environ deux ans.
Cependant, leur stock de dette reste important (35% du PIB des
EAU, mais 136% du PIB de Dubaï). A court terme, la conjonction
d’une baisse des prix de l’immobilier et d’une possible hausse des
taux d’intérêt (resserrement de la liquidité bancaire domestique et
hausse des taux d’intérêt américains) pourrait renchérir le service de
la dette de ces conglomérats.
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3- Amortissement des obligations et des prêts syndiqués
Mds d’USD
█ Dubaï Inc █ Gov’t de Dubaï █ Abu Dhabi Inc █ Gov’t d’Abu Dhabi
40
35
30
25
20
15
10
5
0
2015
2016
2017
2018
2019
2020
après
2020
Sources : FMI
2014). Concernant la liquidité du système, en conséquence de
retraits importants de dépôts et de défauts sur certaines créances, le
besoin en liquidité s’élèverait à AED 3,2 mds (équivalent à 0,2% du
total des actifs bancaires). L’ensemble du système bancaire des
EAU bénéficie donc de fondamentaux solides, et en cas de besoin,
le gouvernement est largement en mesure de prendre en charge
d’éventuelles mesures de soutien au secteur bancaire.
Au total, un certain nombre de risques sont susceptibles de
détériorer les perspectives du secteur bancaire des émirats : une
baisse prolongée et importante des prix du pétrole qui affecterait la
croissance et les finances publiques, une hausse des taux d’intérêt
plus forte qu’attendue et l’évolution des risques politiques régionaux
étant donné l’enlisement actuel d’un certain nombre de conflits.
Néanmoins, les bons fondamentaux macroéconomiques des EAU,
un programme de développement économique qui reste ambitieux
(tourisme, infrastructures, transports), ainsi que le rétablissement
progressif du secteur bancaire depuis la crise de 2009 sont des
éléments qui devraient permettre aux banques des émirats de faire
face aux conséquences d’un environnement économique moins
favorable.
Pascal Devaux
[email protected]
Solidité des bilans bancaires
Selon les stress-tests menés récemment par la banque centrale des
EAU sur les risques de crédit et de liquidité, l’ensemble du système
bancaire a la capacité de faire face à un scénario économique
défavorable. A la suite d’une chute du PIB non-pétrolier et du marché
de l’immobilier durant la période 2015-17 (impliquant une
multiplication des probabilités de défaut par six), seule une poignée
de banques de taille moyenne ou petite aurait un besoin total de
recapitalisation estimé à AED 5,3 mds (équivalent à 0,4% du PIB
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