Le découpage de Dudeney
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Le découpage de Dudeney
Le découpage de Dudeney Le texte de ce problème est repris du livre mathématiques d'école nombres, mesures et géométrie par Daniel Perrin chez Cassini Editeur ISBN 2-84225-057-5. On le trouvera sous sa forme originale en pages 247 à 249. C'est une belle illustration de la notion d'aire et de sa conservation par chirurgie (découpage et recollement des pièces soumises à des isométries positives). C'est en fait une application du théorème de Bolyai selon lequel on peut toujours trouver un puzzle pour passer d'un polygone à un autre de même aire. Sur ce sujet voir les pages 222 à 227 du même livre. Sur la toile, consulter le site Kangourou et les pages dédiées à cette problématique, très bien réalisées : http://www.mathkang.org/swf/POLYGO/ Daniel Perrin rappelle (page 302 de l'opus cité) que le théorème de Bolyai ne se prolonge pas à l'espace 3D : alors que deux polygones de même aire sont équivalents par chirurgie, il n'en va pas de même des polyèdres. L'extension du théorème de Bolyai à la troisième dimension correspond au troisième des problèmes proposés par D. Hilbert en 1900 lors du second congrès international des mathématiciens tenu à Paris en 1900. Il fut très vite résolu, contrairement à d'autres qui continuent de résister. Sur la liste des problèmes de Hilbert, consulter Wikipedia1 ou ChronoMath2 (à condition d'accepter quelques incrustations publicitaires) ou encore Math933 . Le problème du découpage II s'agit d'un découpage du triangle équilatéral ABC permettant de le transformer en rectangle, voire en carré, selon le modèle indiqué par les figures (a) et (b). Dans un premier temps, il est interdit de regarder les figures (c) et (d). Première partie Fig. a 1 2 3 http://fr.wikipedia.org/wiki/Probl%C3%A8mes_de_Hilbert http://serge.mehl.free.fr/anx/pb23_hilbert.html http://www.math93.com/mathematiciens/hilbert_problemes.html Fig. b 1) On suppose le découpage effectué selon le modèle des figures (a) et (b). Montrer les faits suivants : i) B' et C' sont les milieux de [AB] et [AC], j) D E = 1 / 2 B C , k ) KE = HC', l) DH = KB'. 2) Montrer que DEB'C' est un parallélogramme. En déduire que les triangles BC'D et CB'E ont deux côtés et un angle égaux donc sont isométriques et qu'on a BD = EC. Les points D et E sont donc au quart et aux trois quarts de [BC] et les droites (C'D) et (B'E) sont perpendiculaires à (BC). Seconde partie Regardez maintenant attentivement les figures (c) et (d). Êtes-vous toujours aussi sûr de votre raisonnement à la question 2) ? Où est l'erreur ? Fig. c Fig. d On part maintenant du triangle équilatéral ABC et on place un point D sur [BC] , plus près de B que de C. On porte ensuite E sur le même segment avec DE = 1/2BC. On joint D au milieu B' de [AC] et on appelle H et K les projetés orthogonaux de C' et E sur [B'D]. 3) Montrer qu'on obtient bien un rectangle en découpant la figure comme indiqué sur les figures (c) et (d). 4) Calculer, en fonction du côté a du triangle, les longueurs des côtés du rectangle obtenu dans le cas où les points D et E sont dans la position symétrique. Ce rectangle est-il un carré ? 5) Déterminer la position de D pour laquelle on obtient effectivement un carré. (Il n'est pas interdit d'être astucieux et de penser à l'aire !) Construire à la règle et au compas le point D convenable. Éléments de solution Question 1 i) Dans le passage de la figure (a) à la figure (b) les segments [AB'] et [CB'] se confondent. Ils ont donc même longueurs : B' est milieu du segment [AC] dans la figure (a). Même raisonnement pour C' dans le segment [AB]. j) Dans la figure (b) [DE] apparaît comme l'aboutage des segments [DO] et [OE] où O désigne la position des points B, A, C, confondus. Donc : DE = DB + CE ⇒ BC = 2 DE. k) Dans la figure (b) E et C' apparaissent comme des milieux de deux côtés d'un carré (c'est l'hypothèse initiale) donc égaux : KE = HC'. l) Puisque B' et C' sont milieux respectifs des côtés [AB] et [AC] dans la figure (a), on peut appliquer la théorème de la droite des milieux :B'C' = ½ BC = DE et (B'C') //(BC). On en et sont égaux (alterne-interne) puis que les angles déduit que les angles et le sont (variante du théorème des angles alternes-internes avec les droites (B'C') et (DE) d'une part et les droites (C'H) et (KE), parallèles en tant que perpendiculaires à une même troisième droite). Les triangles B'C'H et DEK sont donc superposables, ce qui entraîne l'égalité des longueurs DK et HB'. Par soustraction du segment [HK] commun à [DK] et [HB'], on en déduit DH = KB'. Question 2 D'après ce qui précède, B'C' et DE sont égaux et les droites qui les supportent sont parallèles : DEB'C' est un parallélogramme. Par voie de conséquence, les longueurs DC' et EB' sont égales et les droites (DC') et (EB') sont parallèles. Laissons nous attirer par le piège tendu par Daniel Perrin : dans les triangles BDC' et CB'E, = = 60°). nous tenons deux couples de côtés égaux et un angle égal ( Précipitons-nous en invoquant les cas d'égalités des triangles : les voilà égaux d'où l'égalité des longueurs BD et EC, impliquant : BD = EC = BC/4. D est au quart du segment [BC], c'est donc le projeté orthogonal de C' sur (BC) (et E est celui de B'). Le parallélogramme DEC'B' devient un rectangle. Dévoilons de suite l'erreur : Acceptons le rectangle et posons DE = 2, d'où B'E = √3 (hauteur dans un triangle équilatéral) et DB' = √7. On en déduit KE = 23/7 (calculer de deux façons différentes l'aire du triangle B'ED, déclaré rectangle). Attention maintenant : d'après la figure (b) KE + HC' devrait valoir DB'. Cette égalité peut passer au carré : (KE + HC')2 = (DB')2. Or (KE + HC')2 = (43/7)2 = 48/7 ; (DB')2 = 7 ! Donc le parallélogramme ne peut être rectangle, donc D n'est pas au quart de [BC], donc les triangles BDC' et ECB' ne sont pas isométriques. Il existait une preuve plus directe de la fausseté de l'hypothèse "DEB'C' rectangle". Si tel était le cas la diagonale C'E aurait même mesure que la diagonale DB' et donc que la somme des longueurs C'H et KE (toujours du fait que la figure (b) affiche un carré). Mais cette situation n'est possible qu'à condition que H et K soient confondus : on tiendrait deux diagonales d'un rectangle perpendiculaires, ce rectangle serait carré, ce qui ne respecte pas le ratio du type √3/2 hérité du triangle équilatéral ABC. On ne peut donc pas inférer la position du point D ni celle du point E aussi facilement. Si vous êtes pressé de découvrir la position du point D assurant la recomposition du triangle en un carré, filez visiter cette adresse : http://www-cabri.imag.fr/abracadabri/Coniques/Panoplie/Dissect/dudeney.htm Mais peut-être devriez-vous attendre d'avoir répondu aux questions de la seconde partie, avec le corrigé en mains ou non ! Question 3 Dans la rotation de centre C' et d'angle -180°, B va en A, H va en H1, symétrique de H par rapport à C' ; les points H1, C', H sont donc alignés. Dans la rotation de centre B' et d'angle 180°, C va en A, K va en K1, symétrique de K par rapport à B' ; les points K1, B', K, H sont alignés. Suite à ces deux rotations, les points A, B, C deviennent confondus (on les identifie à leurs images) et surtout les points D, A=B=C, E sont alignés (3 angles tous égaux à 60°). Ne reste plus qu'à translater le triangle DKE. Cette translation ne modifie pas les orientations. En particulier les points H, D, K dans la figure (b) sont alignés -évident. Il en va de même des points K, E, K1 : on profite de l'angle droit en K. Ainsi le polygone KEK1HC'H1D se confond-il avec le rectangle KK1HH1 (ce dernier polygone est rectangle car il a 3 angles droits de façon évidente). Question 4 Léger implicite de la question : Qu'entend-on par " les points D et E sont dans la position symétrique" ? Nous supposons que dans la figure initiale, les points D et E sont à égale distance des points B et E. Ainsi BD et EC mesurent un quart du segment BC. Cette question reprend donc la conclusion -erronée- de la question 3 et en fait une hypothèse. Ce faisant, la nature carrée d u transformé du triangle est a priori abandonnée. Nous posons BC = 4 ⇒ BD = EC = 1 ⇒ EB' = √3 ⇒ DB' = √7. {Ces calculs ont déjà été produits lors de la réponse étendue à la question 2}. Le côté [HK] du rectangle -fig (d)- a même longueur que le segment [DB']. Les côtés perpendiculaires mesurent le double de la hauteur "KE" soit {Cf. supra.}. Le rectangle de la figure (d) mesure donc 43/7 x √7. Il est évident que nous n'avons pas affaire à un carré car le ratio des deux longueurs vaut 4/3√7 et ce nombre ne peut valoir 1, puisqu'il est irrationnel. Question 5 Dans cette question, on se rapproche du traitement classique de la notion. Nous choisissons de travailler avec BC = 2 (sous-entendu à un coefficient multiplicatif χ près). L'aire du triangle équilatéral vaut donc √3. Le carré obtenu ayant même aire a ses côtés égaux à √3 = √3 . Le point D peut être obtenu comme intersection du cercle de centre B' et de rayon √3 avec le segment [BC]. Reste à construire cette valeur. Nous lisons sur la figure √3 en BB'. Nous devons donc construire à la règle et au compas la racine carrée de cette valeur. Il suffit d'employer la construction classique d'une longueur √ pour tout x supérieur à 1. Elle est esquissée ci-contre. √ 1 Dans le cas qui nous préoccupe, [BB'] mesurant √3, on trace le cercle de diamètre ce segment puis l'on porte sur son diamètre un point I tel que B'L mesure 1. La perpendiculaire à (BB') en L coupe le cercle de diamètre [BB'] en un premier point M. Alors B'M mesure √3 comme attendu. Il suffit de rabattre ce point sur BC. C'est ce qui a été fait dans la figure ci-dessous grâce au cercle de centre B' passant par M. Fig. e On trouvera sur la toile et dans de nombreux ouvrages d'autres constructions. La construction proposée ici me semble la plus économique. Note : les 5 figures référencées proviennent toutes du livre de Daniel Perrin.