Etude empirique sur le comportement des
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Etude empirique sur le comportement des
Résumé La littérature existante sur l'open source est concentrée sur le caractère non commercial des organisations rattachées au marché du logiciel libre. Elle n'offre pour l'heure qu'une faible appréhension du processus de transformation inhérent à l'adoption par les entreprises du modèle d'affaire que représente désormais le logiciel libre. En utilisant le modèle de la capacité d'absorption (ACAP) comme prisme à notre objet de recherche, l'objectif de cet article est de proposer des extensions dudit modèle au cas de « l'open source 2.0 ». La partie empirique présente le cas d'Hortis, une SSII qui a fait le choix de rendre libre plusieurs logiciels développés en interne et de confier, ce faisant, leur maintenance et leur évolution à la communauté open source. Plus précisément, notre investigation porte sur deux de ces applications implantées chez Skyguide, société cliente auprès de laquelle nous avons pu dans un deuxième temps analyser les déterminants de la décision ainsi que la création de valeur perçue. L'article conduit à remettre en cause deux éléments du modèle classique de l'ACAP : la dualité entre connaissances existantes et nouvelles connaissance, de même que l'approche holistique avec laquelle le processus de changement de la structure cognitive de l'organisation est appréhendé dans beaucoup de travaux. En conclusion, l'article présente la piste de recherche qu'il nous semble aujourd'hui nécessaire d'appréhender afin que le modèle de l'ACAP puisse être affiné pour l'étude des modes organisationnels émergents. La capacité d'absorption des entreprises de l'open source 2.0 : une étude de cas chez le prestataire et le client The firm absorption capability of open source 2.0: a providercustomer case-study Régis MEISSONIER Docteur en Sciences de Gestion CEROM - Groupe Sup de Co Montpellier 2300, avenue des Moulins 34185 Montpellier Cedex 4 [email protected] Mots clés capacité d'absorption, transformation, SSII. open source, assimilation, Abstract Exiting literature on open source is so far focused on non commercial purposes. It delivers few insights about transformation process of firms which decided to adopt open source market as a new business model. Using Absorptive Capabilities model (ACAP) as a a theoretical prism, the objective of this paper is proposing some extensions of the model applied to “open source 2.0” market. The empirical part of the article presents the case study of Hortis corp., a swiss computer service firm, which chose to develop several softwares on restricted GPL licence and, doing so, outsourcing for free their maintenance to open source community. More precisely, our research is about two of those softwares implemented at Skyguide, a customer company we investigated in a second time, to analyze decision antecedents and value creation involved. Our observations incite to question two key components of the ACAP model: the duality between “existing knowledges” and “new knowledges”, and the holistic approach of the cognitive structure change process. In conclusion, the article presents corresponding implications for future investigations in order to refine and adapt ACAP model to emerging organizational mode analysis. Key words absorptive capability, open source, transformation, computer service firm. assimilation, Emmanuel HOUZE Maître de conférences CREGO IAE - Université Montpellier II Place Eugène Bataillon 34095 MONTPELLIER cedex 5 [email protected] Pierre CHOMETON Docteur en Sciences de Gestion Groupe Sup de Co Montpellier 2300, avenue des Moulins 34185 Montpellier Cedex 4 1 Introduction Le logiciel libre induit dans le marché des systèmes d'information de nouveaux modèles économiques. auprès duquel les entreprises peuvent désormais externaliser le développement et la maintenance de leurs applications informatiques (Ãgerfalk & Fitzgerald, 2008). Dans cet « open source 2.0 » (Fitzgerald, 2006), certaines sociétés de services cherchent à orienter leur activité vers la réalisation de projets informatiques basés sur des logiciels libres. Ces prestataires concentrent alors davantage leur modèle économique sur les services associés et le conseil que sur la facturation des développements réalisés par leurs soins. Outre des exemples des cas célèbres de SSLL (Sociétés de Services en Logiciels Libres) comme Red Hat, établie dès son origine sur le marché du logiciel libre, les SSII qui cherchent aujourd'hui à attaquer ce marché sont dans une logique de transformation de leur activité. Si la littérature sur le phénomène open source a d'abord produit un foisonnement de publications sur le fonctionnement de la communauté du libre ((Raymond, 1999 ; Ljungberg, 2000 ; Von Hippel & Von Krogh, 2003), puis sur les motivations de ses développeurs (Lakhani & Wolf, 2001 ; Roberts et coll., 2006 ; Stewart & Gosain, 2006), le déroulement et l'aboutissement des projets (Stamelos et coll., 2003 ; Von Krogh, 2003 ; Crowston et coll., 2006), les connaissances produites sur l'open source 2.0 sont émergentes et concentrées sur des problématiques telles que le choix des licences (Stewart et coll., 2006) ou encore les droits de propriété intellectuelle de l'entreprise (Fosfuri et coll., 2008). Cette littérature reste donc pour l'instant limitée à l'identification des facteurs économiques et contingents contribuant à cette « professionnalisation » du marché de l'open source. Ces travaux conduits en général de manière transversale auprès d'un échantillon d'entreprises n'offrent qu'une faible appréhension du processus de transformation inhérent à l'adoption par les entreprises du modèle d'affaire que représente désormais le logiciel libre. Le modèle de la « capacité d'absorption » : ACAP (Cohen & Levinthal, 1990 ; Zahra & George, 2002 ; Todorova & Durisin, 2007) offre une approche intégratrice de la transformation d'entreprises et constitue, sur ce sujet, un courant théorique dominant en Sciences de Gestion (Lane et coll., 2006). En appliquant ce prisme à notre objet de recherche, l'objectif de cet article est de proposer des extensions du modèle de l'ACAP au cas de « l'open source 2.0 ». La partie empirique présente le cas d'Hortis, une SSII suisse qui a fait le choix de rendre libre plusieurs logiciels développés en interne et de confier, ce faisant, leur maintenance et leur évolution à la communauté open source. Plus précisément, notre investigation porte sur deux de ces applications implantées chez Skyguide, société cliente auprès de laquelle nous avons pu dans un deuxième temps analyser les déterminants de la décision ainsi que la création de valeur perçue. Les 18 entretiens semi directifs conduits ainsi que les deux situations d’observations non participantes effectuées permettent d'identifier les déterminants de l'absorption du modèle open source au sein de cette relation prestataire – client. La partie discussion conduit à remettre en cause deux éléments du modèle classique de l'ACAP : la dualité entre connaissances existantes et nouvelles connaissances, de même que l'approche holistique avec laquelle le processus de changement de la structure cognitive de l'organisation est appréhendé dans beaucoup de travaux. En conclusion, l'article présente la piste de recherche qu'il nous semble aujourd'hui nécessaire d'appréhender afin que le modèle de l'ACAP puisse être affiné pour l'étude des modes organisationnels émergents. 2 Analyse de la littérature La littérature en Sciences de Gestion relative à la transformation de l'activité des organisations couvre un spectre de thèmes s'étendant de la veille stratégique jusqu'à la commercialisation de nouveaux produits, en passant par les changements organisationnels et managériaux. Le modèle de la capacité d'absorption (ACAP : Absorption CAPabilities) de Cohen et Levinthal (1990) offre un cadre d'analyse quelque peu intégrateur des différentes étapes du processus de transformation des organisations. La capacité d'absorption est définie comme l'aptitude d'une entreprise à évaluer, assimiler et appliquer de nouvelles connaissances. Centré sur la façon dont les structures cognitives des organisations évoluent, le modèle agrège les dimensions organisationnelles et contingentes concourant à ce processus. Son caractère polyvalent a contribué à son utilisation dans une diversité de domaines comme l'apprentissage intra (Szulanski, 1996 ; Kim, 1998 ; Cohen & Levinthal, 1990 ; Bergh & Lim, 2008 ; Zaheer & Bell, 2005) et interorganisationnel (Lane & Lubatkin, 1998 ; Reagans & McEvily, 2003 ; Tsai, 2001 ; Frans A. J. Van Den Bosch et coll., 1999), la diversification stratégique (Desmond, 2007), la configuration de la chaîne logistique (Malhotra et coll., 2005), l'innovation dans les pays industrialisés (Keller, 1996 ; Mowery & Oxley, 1995 ; Phene et coll., 2006) ou émergents (Liu & White, 1997 ; Dushnitsky & Lenox, 2005 ; Luo, 1997), etc. Dans le domaine des systèmes d'information, on retrouve l'ACAP dans des travaux portant sur le développement (Tiwana & McLean, 2005), l'externalisation (Dibbern et coll., 2008), la gouvernance (C. V. Brown, 1997), de même que l'adoption des technologies de l'information (Boynton & Zmud, 1994 ; Harrington & Guimaraes, 2005 ; Ja-Shen Chen & Ching, 2004). En 2006, Lane et al. (2006, p.834) ont relevé que le modèle de Cohen & Levinthal avait été cité près de 300 fois en dix ans dans les 14 plus prestigieuses revues académiques. A notre connaissance ce modèle théorique ne se retrouve pas, à ce jour, dans des travaux saillants sur l'open source, ce qui légitime d'autant l'intérêt de notre travail. 2.1 Reconnaissance de la valeur En reprenant, entre autres, les observations de March et Simon (1958), selon lesquelles la plupart des innovations dans les entreprises sont plus le fruit d'idées empruntées que de réelles inventions, Cohen et Levinthal postulent que l'aptitude de l'entreprise à exploiter de nouvelles connaissances externes est un élément central de ses capacités d'innovation (1990, p.128). Au-delà de la notion de capacité d'attention de l'organisation (Simon, 1969) que l'on retrouve ici en filigrane, l'idée développée est que les connaissances actuelles de l'entreprise jouent un rôle déterminant dans sa capacité à comprendre et évaluer de nouvelles sources de connaissances externes. En s'appuyant sur la littérature en psychologie et l'aide à la décision Cohen et Levinthal considèrent que plus l'entreprise possède un répertoire de connaissances important et diversifié, plus elle sera capable d'y relier et d'en absorber de nouvelles (1990, p.131). Selon eux, que ces dernières soient d'ordre général ou portent sur la résolution de problèmes, l'assertion reste valable et aucune distinction ne gagne à être considérée (p. 130). Les connaissances dites actuelles de l'entreprise ne sont pas réduite chez Cohen et Levinthal aux compétences de base de l'entreprise. Elles comprennent également celles visant à leur actualisation et leur évolution comme celles liés aux activités de R&D (op. p. 128-129). Toutefois, beaucoup d'entreprises éprouvent des difficultés à absorber des connaissances perçues comme incohérentes avec leur structure cognitive existante (Henderson & Clark, 1990 ; Leonard-Barton, 1992). Les acteurs ont alors tendance à ré-interpréter et déformer ces signaux de manière à réduire leur dissonance perçue. Ces processus d'appropriation provoquent donc une sorte d'inertie des connaissances actuelles de l'entreprise (path dependance) qui peut biaiser la manière par laquelle de nouvelles connaissances sont évaluées (Todorova & Durisin, 2007, p.777). L'étude empirique de Christensen et Bower (1996) est sur ce point révélatrice puisque ayant montré comment les managers biaisaient l'interprétation de données relatives à de nouveaux marchés, en ne les évaluant que par rapport à la demande et aux besoins des clients actuels. 2.2 Assimilation et transformation En considérant que le changement des structures cognitives s'inscrit dans le temps et demande des efforts intellectuels de la part des individus, Cohen et Levinthal (1990, p.131) ont introduit l'assimilation comme un processus incrémental d'apprentissage des nouvelles connaissances. Dans leur revue de la théorie de la capacité d'absorption, Zahra et Georges (2002) ont rajouté la notion de « transformation » (p. 188) comme étape supplémentaire et conséquente à la notion « d'assimilation » de nouvelles connaissances. Selon eux, les organisations transforment leur structure cognitive lorsqu'elles n'ont pas réussi à assimiler les nouvelles connaissances. L'entreprise va alors modifier ses routines afin de faciliter la combinaison des nouvelles connaissances acquises avec les connaissances existantes. La transformation change le caractère des connaissances par un processus de « bisociation » qui correspond à la capacité des acteurs de constituer un nouveau schéma cognitif à partir de deux sets de connaissances perçus à la base comme incompatibles (p. 190). 2.3 Création de valeur La capacité d'absorption d'une entreprise n'est toutefois pas réduite aux changements de son architecture cognitive, et implique son aptitude à exploiter les nouvelles connaissances et créer de la valeur (Cohen & Levinthal, 1990). Les travaux inscrits dans la lignée traditionnelle du modèle de l'ACAP ont essentiellement traduit la création de valeur en terme d'innovation - tout d'abord au sein de départements R&D (Cohen & Levinthal, 1990 ; Lane & Lubatkin, 1998), puis au sein des d'alliances stratégiques (Lavie & Rosenkopf, 2006), ou encore des réseaux intra-organisationnels (Tsai, 2001) - de transferts de connaissances (Gupta & Govindarajan, 2000) ou de best practicies (Szulanski, 1996). Bien que l'article fondateur de l'ACAP insiste sur l'importance des mécanismes organisationnels permettant de satisfaire ce genre d'objectifs, ces antécédents n'ont été que plus modestement étudiés dans la littérature (Jansen et coll., 2005, p.999). Or, les entreprises varient dans leur aptitude à créer de la valeur à partir de nouvelles connaissances du fait de variation dans leur capacité d'assimilation de transformation ou d'exploitation (Grant, 1996). L'article Lane et al. (2006, pp.843-845) est à ce titre révélateur des incohérences rémanentes quant à l'hypothétique caractère prédictif de la capacité d'absorption sur la performance. Par exemple, alors que Tsai (2001) observe son influence significative sur l'innovation de l'entreprise au sein de départements R&D, celle-ci n'est même pas considérée comme significative par Meeus et al. (2001) sur l'apprentissage organisationnel des entreprises high-tech, ou par Mowerey et al. (1996) sur le transfert de connaissances au sein des alliances stratégiques. La complexité organisationnelle dans laquelle il convient de ressituer le concept conduit, en 2002, Zahra & George (2002, p.190) à faire la distinction entre « capacité d'absorption potentielle » (PACAP) et « capacité d'absorption réalisée » (RACAP) pour rendre compte du facteur d'efficacité organisationnel défini comme le rapport entre ces deux variables (op. p. 191). Par rapport au modèle initial de Cohen et Levinthal, la première regroupe la capacité d'acquisition et de valorisation des connaissances extérieures, alors que la seconde est une fonction des capacités de transformation et d'exploitation (op. p. 190). 2.4 Mécanismes d'intégration sociaux Selon la façon dont les acteurs d'une organisation interagissent, une entreprise peut donc échouer à absorber et exploiter de nouvelles connaissances. Les relations de pouvoir exercées par les acteurs, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise, pour orienter les choix dans le sens de leurs propres préférences (Crozier & Friedberg, 1977 ; Pfeiffer, 1981) suffit à illustrer le fait que les dimensions cognitives, mais également organisationnelles et sociales conditionnent la création du capital intellectuel de l'entreprise (Nahapiet & Ghoshal, 1998). Les mécanismes d'intégration sociaux correspondent à l'ensemble des processus et routines facilitant l'interaction et le partage de connaissances de manière intra (Boland & Tenkasi, 1995 ; Nonaka, 1994 ; J. S. Brown & Duguid, 1991) comme inter-organisationnelle (Kogut, 2000). Ils influencent la capacité d'absorption de l'entreprise de manière formelle, par exemple par l'utilisation de coordinateurs , ou informelle, par exemple par l'utilisation d'un réseau social (Zaheer & Bell, 2005 ; Reagans & McEvily, 2003). En réduisant les barrières au partage de connaissances, ils peuvent tout d'abord améliorer les capacités d'assimilation et de transformation de l'entreprise (Zahra & George, 2002, p.194) En structurant, en même temps, le dispositif de veille de l'entreprise ils sont également attendus, en amont, comme influant sur la capacité de l'entreprise à identifier des sources d'informations et de connaissances stratégiques (Todorova & Durisin, 2007, p.781). 2.5 Les déclencheurs La littérature sur la théorie de la capacité d'absorption prend également des éléments plus factuels. Les déclencheurs sont définis comme des événements de nature à encourager ou dissuader l'entreprise de répondre à un stimulus interne ou externe (Winter, 2000). Ils peuvent correspondre à une nouvelle donne externe (apparition de nouveaux concurrents directs ou indirects, de nouvelles réglementations, d'évènements accidentels, etc.) ou interne (défaut de performance, crise sociale, fusion, rachat, etc.) appelant l'entreprise à réagir. Au-delà de la vision économique shumpeterienne du processus de destruction créatrice qu'elle représente, la crise peut conduire l'entreprise à développer ses efforts et à acquérir de nouvelles connaissances et compétences (Huber, 1991). Kim (1998) a illustré cela en montrant comment le constructeur automobile Hyundaï avait, de manière proactive, utilisé le processus de crise interne comme moyen stratégique pour intensifier l'apprentissage organisationnel par imitation en vue d'innovations en termes de nouveaux produits (cf. p. 513). 3 Étude de cas Compte tenu de la nature des phénomènes organisationnels que nous souhaitions étudier dans le temps, l’analyse a été conduite en utilisant les techniques standards de collecte et de codage de données relatives aux études de cas (Eisenhardt, 1989 ; Miles & Huberman, 1984 ; Yin, 1994). Les données ont été collectées par trois des six sources distinguées par l’auteur : interviews (18 entretiens semi-directifs), observations directes (2) et analyse de documents (tout au long du projet pour compléter la compréhension du contexte et de la problématique de l’entreprise). Notre investigation s'est, dans un premier temps, faite auprès d'une SSII (Hortis) qui a orienté son modèle économique sur des prestations commerciales assises sur le marché du logiciel libre. Dans un second temps, une analyse obéissant au même protocole méthodologique de l'offre open source proposée a été conduite auprès d'un des clients (Skyguide). La société Hortis est une SSII suisse, basée à Genève. Elle emploie aujourd'hui 37 collaborateurs. Son chiffre d'affaire 2007, de près de 4 millions d'euros, est constitué à hauteur de 50% par le développement, de 30% par la maintenance et 20% par le consulting. Jusqu'en 2004 Hortis avait une activité classique de développement d'applications logicielles reposant sur le modèle traditionnel de solutions propriétaires. Afin de suivre ce que ses dirigeants ont perçu comme une évolution structurelle du marché, Hortis privilégie désormais le développement des offres de services commerciales basées sur la distribution de logiciels sous licence open source. Cette nouvelle activité commerciale concerne dès a présent 5 applications relatives à l'ingénierie logicielle. ● SLAM (sous licence GNU-GPL), une application de gestion des besoins et tests fonctionnels associés au service des contrôleurs aériens du ciel Suisse, ● Scrinch, est une application de gestion de projet suivant les guidelines des méthodes dites agiles (SCRUM), ● Sonar (sous licence GPL non restrictives), un outil de qualimétrie d'application Java implémenté développé avec la contribution de l'État de Genève, ● jDiffChaser permet d'enregistrer des scénarios utilisateurs (clics, touches, mouvements) pour répondre à un besoin de tests de nonrégression visuelle des versions de développement applicatives, ● Koalalayout, un gestionnaire de placement de classes pour le langage de développement Swing. Le point commun de ces logiciels, est qu'ils s'agit initialement d'applications informatiques que les organisations clientes avaient elles-mêmes développées en interne pour leurs propres besoins. Au fil du temps et des multiples versions visant à répondre à des besoins exprimés toujours plus nombreux, ces applications ont été victimes du syndrome « usine à gaz » rendant d'autant plus difficile et couteux leur maintenance. Un des arguments commerciaux d'Hortis quant à l'idée de les faire migrer sous licence open source, a été de tabler, du fait du recours à la communauté du libre, sur une réduction de ces coûts. La plus-value de la SSII est donc de servir d'intermédiaire dans la gestion de cette externalisation d'un nouveau genre. Cette notion d'intermédiation prend tout son sens dès que l'on sait que de nombreuses entreprises renoncent à adopter des solutions open source par crainte de devoir créer un poste d'informaticien en charge de la gestion devant en être faite (Stewart et coll., 2006, p.130). Notre recherche s'est ensuite poursuivie auprès de Skyguide, une des sociétés clientes de cette nouvelle offre de service d'Hortis. Skyguide est l'organisme en charge de tout le contrôle de la navigation aérienne suisse. Cette entreprise publique emploie 1400 salariés en charge du développement et de la maintenance des dispositifs permettant aux contrôleurs aériens d'assurer leur fonction d'aiguillage des 1,24 millions d'avions empruntant, chaque année, les couloirs aériens des quatre cantons suisses. Une importante part du personnel est constituée par les équipes informatiques responsables du développement des applications de contrôle radar et de celui des applications de données de navigation (données météorologies en particulier). Nous avons pu conduire 8 entretiens semi-directifs au sein des deux services correspondants qui ont fait le choix de rendre libres deux des applications logicielles développées en interne : SCRINCH et SLAM (dont les fonctionnalités sont citées ci-dessus). 4 Résultats et discussion Les données ainsi collectées chez le fournisseur puis le client ont permis de comprendre comment la décision de transformation d'activité d'Hortis a été prise ainsi que les déterminants associés à l'absorption faite du modèle de l'open source 2.0. 4.1 Déclencheurs En termes de déclencheurs, contrairement à ce que nous pouvions nous attendre dans un contexte de crise économique internationale, les décisions de départements informatiques de Skyguide en faveur de l'open source, n'ont pas été impulsées par des logiques de réduction de coûts (achat de licences ou frais de maintenance). En effet, les déclarations faites par nos interlocuteurs convergeaient sur le fait que sans la catastrophe aérienne de de 2002, l'entreprise aurait été certainement moins incitée à rendre libre deux de ses « applications maisons » les plus utilisées en interne. Sans que l'on puisse ici établir des liens de cause à effet directs, nous avons pu remarquer que les enchaînements occasionnés par ce fait divers ont incité les acteurs à être inventifs afin de s'accommoder des nouvelles contraintes règlementaires induites. En juillet 2002, au dessus d'Überlingen, deux avions de ligne entrent en collision en plein vol et occasionnent 71 victimes. Deux semaines après, un des aiguilleurs du ciel de Skyguide reconnaît, dans une déclaration faite à la presse, sa part de responsabilité dans cette erreur de contrôle du trafic aérien suisse. Quelques jours après, l'aiguilleur du ciel en question sera assassiné par un homme ayant perdu dans la catastrophe sa femme et son enfant. Le malaise social ressenti par la population à cette époque se traduisit par de fortes suspicions quant à la fiabilité et la sécurité des dispositifs et processus qu'utilise Skyguide pour accomplir sa mission. Dès lors la société entra dans une procédure de certification qualité, extrêmement lourde, visant à démultiplier les contrôles et la formalisation des procédures sur l'ensemble de l'activité. Au niveau des services informatiques, le développement interne de tout logiciel devait dès lors respecter des plans de qualité très rigoureux pour pouvoir être utilisé au sein des services. Une importante documentation devait surtout être produite pour dresser un état descriptif du bon fonctionnement étape par étape de l'application en question. Ce travail pouvait demander un degrés de précision très fort comme notamment le fait de devoir décrire les résultats du code binaire produit par le compilateur utilisé pour rendre exécutable le langage de programmation utilisé (C, Ada, etc.). Outre la quantité de documents qualités devant être produits, la procédure de certification qualité demandait donc de mobiliser des compétences techniques poussées. Si ce genre de formalisation peut être perçue comme légitime pour des applications logicielles dites sensibles (comme les systèmes de contrôle radar des avions par exemple), elle a été vécue comme excessive et bloquante pour le développement d'applications supports périphériques (exemples : logiciels de gestion du suivi des projets, de qualimétrie, etc.). Pour ces dernières, les développeurs ont eu tendance à utiliser une brèche dans le règlement en vigueur afin de contourner les contraintes de la formalisation. En particulier, les applications développées par des tiers et non en interne ne sont pas soumises aux stipulations énumérées ci-avant. En effet, dans le cas courant de l'achat d'un progiciel sous licence propriétaire, il est souvent impossible d'obtenir les codes sources permettant de faire les contrôles mentionnés. L'exception valant pour tous les logiciels développés en externe, les applications open source entrent donc dans la catégorie. Ce faisant, un des déclencheurs à la mise en open source des applications Scrinch et Slam est lié au fait de pouvoir les utiliser sans avoir pour autant à justifier de leur intégrité et de leur sécurité au sens du plan d'assurance qualité. 4.2 Reconnaissance de la valeur Par rapport au modèle classique de la capacité d'absorption, nos observations invitent à relativiser la dichotomie entre « connaissances existantes » versus « nouvelles connaissances », les premières étant censées être dissonantes voire incompatibles avec les secondes. Les « nouvelles connaissances » qui ont conduit à l'exploitation commerciale de l'activité open source chez Hortis sont justement le fruit des compétences existantes et étendues dans l'entreprise. En effet, chez Hortis comme chez Skyguide, le développement logiciel passe par un temps conséquent des programmeurs en relation avec les communautés des développeurs du libre. C'est là un moyen privilégié d'apprendre de nouvelles techniques de programmation, de nouveaux langages, de nouvelles façon de coder. Au fil du temps se sont donc distillées des connaissances externes et une culture dans les pratiques de l'entreprise invitant à tenir compte de l'induction qui en a ensuite été faite à un niveau stratégique. Au niveau de la reconnaissance de la valeur de l'open source 2.0 comme solution potentielle « d'externalisation » de la maintenance des deux applications sus-nommées, notre enquête bi-partite chez le prestataire puis chez le client a fait ressortir que l'estimation faite est plus le fruit d'une cointerprétation des deux parties que celui des responsables de de la société cliente pris de manière isolée. Bien que les personnes interrogées chez Skyguide affichaient une bonne « culture open source », ils ignoraient les modèles d'affaires en train de se développer relatif à cette nouvelle forme d'externalisation du développement et de la maintenance d'applications. En même temps, Hortis n'a pas démarché Skyguide avec une offre préconçue de services associés à l'OS 2.0. C'est au fil des problématiques perçues chez son client (dans le cadre de prestations de services préalables) qu'Hortis a pu identifier des besoins clients pour lesquels il paraissait pertinent de pouvoir jouer le rôle d'intermédiaire avec la communauté des développeurs du libre. Nous retrouvons donc ici la notion de « capacité d'absorption relative » (Lane & Lubatkin, 1998) liée à l'effet joué par la proximité que l'entreprise entretien avec d'autre firmes dans le cadre d'apprentissage « par greffe » (Huber, 1991). 4.3 Mécanismes d'intégration sociaux Afin de passer des connaissances individuelles à des connaissances organisationnelles, un point original du fonctionnement d'Hortis, est que la société a mis en place en son sein des mécanismes d'intégration sociaux inspirés du fonctionnement communautaire. Ainsi des moments réservés aux partages de connaissances sur des sujets d'intérêt durable ou ponctuel sont apparus avec le soutien de la direction, sous la forme de « communautés de pratique » internes à Hortis1. En moyenne, une communauté de pratique se réunie chaque semaine durant une demi-journée sur un thème sollicité par un ou plusieurs collaborateurs. Celle à laquelle nous avons pu assister en temps qu'observateur non participant portait sur la présentation d'un nouveau module API Java et a été l'occasion de percevoir que ces communautés ne portaient pas sur la résolution de problèmes immédiats liés à l'activité courante mais concernait la capitalisation de connaissances à plus longue échéance. Environ la moitié des salariés d'Hortis participent à ces communautés de pratique. Il existe pour chacune d'entre elles un blog ouvert au public permettant de suivre l'avancée du travail réalisé. Comme le souligne un des membres du comité de pilotage plus particulièrement en charge de ses aspects culturels : «Le problème c'est de ne pas exclure les autres, de ne pas créer un sentiment élitiste. Il y a une volonté de transparence. Si une communauté décide d’outils par exemple où il faut se loguer, c'est fini, il n'y a plus de transparence.» Pour la direction, en plus de favoriser l'initiative, ces communautés de pratique constituent le moyen privilégié de formation et de monté en compétence des collaborateurs. Il s'agit aussi d'un outil de différentiation à même de consolider l'attachement des salariés dans un environnement caractérisé par une lutte acharnée des SSII sur les meilleurs profils. Comme le souligne le responsable ressources humaines : « Cela répondait à un besoin des consultants. Cela nous a permis de stabiliser les équipes. D’habitude c'est un joli discours, le partage des connaissances, mais très difficile à mettre en place et fédérer. Ici il y a un budget réel, pour libérer les collaborateurs pour ces communautés ». Au niveau du mode de pilotage et de décision de la société, nous avons pu observer que la capacité d'absorption de l'entreprise s'était également traduite par la mise en place d'un fonctionnement collaboratif particulier. L'ancien système de direction était perçu (en particulier par les consultants et chefs de projets) comme centralisé autour d'une ou deux personnes et pas assez participatif. La contreproductivité résultante en termes de projet et d'idées 1 D'autres moments de partage, tels les « mardi gras », permettent à un acteur de partager ses compétences, mais cette fois sur le temps libre des collaborateurs. novatrices s'est traduite par une situation de blocage, qui a représenté le déclencheur d'un nouveau système d'évaluation. En 2005, a été mis en place un comité de pilotage (COPIL) regroupant les principaux cadres de l'entreprisse en charge de faire des propositions directement adoptables en comité de direction (CODIR). Ce dernier qui n'a alors plus qu'un rôle de validation est composé des même personnes que le comité de pilotage auxquelles s'ajoute simplement l'actionnaire majoritaire. Pour favoriser le principe d'une « personne égale un vote », depuis 2008, le mode de décision du COPIL s'appuie sur la méthode SCRUM (méthode de gestion agile des processus). Notre participation en tant qu'observateurs à l'une de ces réunions nous a permis de découvrir un mode de décision assez original quant à la priorisation des actions commerciales ou organisationnelles à réaliser. L'ensemble des taches qu'il serait possible de faire dans les quinze prochains jours est affiché sur un tableau par des post-it, en précisant pour chacune d'elle une estimation de sa valeur business et de la charge de travail nécessaire. Chacun des membres dispose d'un certain nombre de cartes à jouer sur laquelle figure un chiffre. Après les discussions sur la tâche, chacun abat la carte correspondant à la « valeur business » estimé. L'animateur de la réunion comptabilise alors le score obtenu et l'inscrit sur le tableau. Le résultat général des scores permet à la fin de la séance d'obtenir la une liste ordonnée des actions à réaliser. Ce mode de fonctionnement participatif apparaît comme le catalyseur ayant permis à la direction de l'entreprise d'être d'avantage sensible et à l'écoute de la culture et des valeurs de la culture open source d'une large partie de son personnel. 4.4 Assimilation – transformation Dans les différents modèles de l'ACAP la structure cognitive de l'organisation est appréhendée comme un tout qui changerait dans son ensemble au travers de processus d'assimilation et/ou de transformation. Le cas d'Hortis invite à raisonner davantage en terme de cohabitation ou de combinaison possible de différentes structures cognitives et donc de processus d'assimilation et de transformation associés à l'absorption de connaissances nouvelles. Chez Hortis, les processus d'assimilations ou de transformations observés diffèrent en particulier en fonction du type de personnel considéré. Actuellement, pour les membres des communautés de pratique, les nouvelles connaissances qui ont impulsé cette évolution de l'activité commerciale d'Hortis vers « l'open source 2.0 », n'ont pas remis fondamentalement en cause la structure cognitive de cette catégorie du personnel. Leur façon de travailler est resté comparable : gratuits ou payant la société développe avec les mêmes langages open source orientés objet visant la reindustrialisation des modules ainsi produit. Il s'agissait donc pour eux essentiellement d'assimiler les modèles économiques devant désormais être adjoint à leur travail de développement. Pour l'équipe de managers, une étape de transformation de la structure cognitive semble avoir davantage été atteinte. C'est en effet une autre philosophie quant à la façon de créer de la valeur autour des produits réalisés qui a dû être absorbée. Le fondateur-directeur nous déclarait sa vision stratégique selon laquelle : « dans quelques années tous les logiciels seront gratuits, ce n'est donc plus sur le développement d'applications que réside la création de valeur », alors que son associé nous confiait, plus tard, que seulement quelques années en arrière la politique stratégique de l'entreprise tablait uniquement les développements sur mesure faits en COBOL pour les banques suisses... Selon leur sensibilité, leur culture, leur propre capacité d'absorption, les sous-catégories d'acteurs d'une entreprise peuvent donc être à un niveau de transformation alors que d'autres peuvent être à un niveau d'assimilation. Ces considérations invitent à se méfier de l'approche holistique à laquelle la théorie de l'absorption semble avoir réduit la notion de structure cognitive : « Le point de vue de la totalité privilégiant le tout en ignorant les parties est une perspective réductrice. » (Morin & Le Moigne, 1999, p.290). Nous pensons que des pistes de recherche doivent être explorées quant à des méthodes d'analyses « multi-niveaux » (Klein & Kozlowski, 2000) pour étudier les co-évolutions des différentes structures cognitives existantes dans les organisations. 4.5 Exploitation et création de valeur Concernant les notions d'exploitation et de performance (tels que caractérisées dans le modèle de l'ACAP), cette nouvelle activité est encore à un stade de démarrage et l'entreprise manque pour l'instant de recul quant à la rentabilité ou l'acquisition d'un avantage concurrentiel. Le caractère expérimental de l'exploitation faite pour l'instant permet à la société de services de tester l'efficience et la rentabilité d'une activité commerciale rattachée à l'open source sans avoir à transformer de manière conséquente et irréversible son fonctionnement. Pour l'instant la société ne veut d'ailleurs pas migrer intégralement dans la production de logiciels libres, « cela reviendrait à être éditeur, et ce n'est plus notre métier » confiait le responsable commercial. Par rapport au modèles classiques de la capacité d'absorption nous voyons ici que l'exploitation n'est pas une simple résultante mais également un levier de (re)valorisation des connaissances nouvelles par lesquelles le processus a été déclenché. Pour l'heure, la direction considère que la légitimité de cette absorption par la société de « l'open source 2.0 » réside dans le fait que cela permet à la société d'afficher une stratégie de différenciation. Ensuite, le fait de diffuser sous licence open source les applications dénommées, permet à l'entreprise de déplacer tout ou partie de leur maintenance et leur évolution vers la communauté du libre au lieu d'avoir à affecter en interne les ressources correspondantes comme doit le faire un éditeur de logiciel. Il ressort enfin de nos interviews qu'un atout tout aussi important est moins d'ordre économique qu'organisationnel. L'attractivité que représente le marché des services informatiques produit sur la gestion du personnel d'Hortis un double effet : ● du fait de l'évolution technologique : des connaissances et compétences à actualiser sans cesse (en termes de programmation, de nouveaux langages, de design d'applications, etc.), ● un turn over assez élevé de la part d'informaticiens avides d'expériences professionnelles auprès de plusieurs entreprises. Un des enjeux d'Hortis est de capter et retenir le capital de compétences que représentent ses collaborateurs. Pour cela, afficher l'activité de l'entreprise en phase avec le monde de l'open source représente un levier attractif pour un personnel qui en est lui-même souvent membre. Les nouvelles connaissances, que ce soit au niveau des techniques de programmation de modules de codes, ou des méthodes de développement « agiles » sont capitalisées principalement depuis les projets open source auxquels les collaborateurs sont encouragés à participer durant leur temps de travail. Côté client, contrairement à ce qui pouvait être supposé, les deux services enquêtés ne déclarent pas avoir réalisé, à ce stade, des économies de coûts de maintenance des applications mises en open source. Les avantages retirés des deux logiciels portent davantage sur la qualité des processus. Dans le cas de Scrinch, les utilisateurs déclaraient que le temps relatif à la prise de décision quant à l'affectation des tâches de travail avait été divisé par 5. Toutefois, les interviewés reconnaissaient que ce résultat était plus le fait de la méthode de gestion de projet à partir de laquelle l'application avait été développée que de la libre distribution de cette dernière. Notre enquête a permis d'inférer également la faible diffusion de cette expérience locale en faveur de l'open source vers d'autres services ou départements. En particulier, le responsable du service des contrôle radar déclarait : « Bien que favorable aux logiciels libres et, moimême utilisateur, je ne souhaite pas poursuivre davantage dans cette voie. En effet, recourir à la solution open source correspond à une forme d'externalisation de la conception du système d'information et je suis opposé à toutes formes d'externalisation. La mission de notre service est justement de faire des développement spécifiques pour répondre aux besoins des employés de l'entreprise, et je préfère œuvrer pour obtenir des budgets de la part de la hiérarchique afin que l'on puisse poursuivre cette mission. » Le phénomène open source 2.0 est donc ici confronté aux problématiques de jeux de pouvoir visant à assoir la légitimité de l'internalisation du développement applicatif. 5 Conclusion Notre recherche présente les limites inhérentes à la méthodologie utilisée ainsi qu’à la démarche plus exploratoire qu'explicative suivie et qui constituent autant de pistes pour l’utilisation d’autres dispositifs d’enquêtes pour appréhender différemment la complexité du phénomène étudié. Le cas analysé n'offre qu'une illustration des possibles processus de transformations organisationnelles des entreprises souhaitant s'attaquer au marché du logiciel libre. De même, l’étude fourni des résultats à un moment donné de l’histoire de l'entreprise enquêtée et ne permet pas de balayer de manière longitudinale l’évolution des comportements dans le temps. Les résultats fournis n'ont également aucune prétention à être transposable pour d'autres secteurs où l'intensité capitalistique peut rendre beaucoup plus lourde et impactante (secteur industriel par exemple) l'absorption et l'exploitation de nouvelles connaissances. Toutefois, nos résultats offrent un éclairage sur un phénomène managérial émergent face à un marché qui repose sur le principe de la gratuité et de la non propriété industrielle du produit réalisé. Jusqu'à très récemment, la littérature s'est concentrée sur le caractère non commercial des organisations rattachées au marché du logiciel libre (Fosfuri et coll., 2008). Elle a été principalement alimentée par des études empiriques dans lesquelles les théories dominantes en management n'ont été pour l'heure que modestement mobilisées. Cet article représente donc un apport sur ce point en cherchant à mobiliser le modèle de l'ACAP au cas particulier du marché de « l'open source 2.0 ». Par rapport au modèle classique de la capacité d'absorption, notre article conduit à faire deux distinctions et propositions d'extensions. Tout d'abord, l'étude invite à relativiser la dichotomie entre « connaissances existantes » versus « nouvelles connaissances » telle qu'elle a été maintenue dans les différents modèles de l'ACAP. Ensuite, nos observations invitent à se méfier de l'approche holistique à laquelle la théorie de l'absorption semble réduire trop souvent la notion de structure cognitive : Est-il besoin de rappeler que « le point de vue de la totalité privilégiant le tout en ignorant les parties est une perspective réductrice. » (Morin & Le Moigne, 1999, p.290). Nous pensons que des pistes de recherche doivent être explorées quant à des méthodes d'analyses « multi-niveaux » (Lane et coll., 2006 ; Klein & Kozlowski, 2000) pour étudier les co-évolutions des différentes structures cognitives existantes dans les organisations. 1 Bibliographie Ãgerfalk P.J. & Fitzgerald B.T. (2008), "Outsourcing to an unknown workforce: exploring opensourcing as a global sourcing strategy", MIS Quarterly, vol. 32, n°2, p. 385-409. Bergh D.D. & Lim E.N. (2008), "Learning how to restructure: absorptive capacity and improvisational views of restructuring actions and performance.", Strategic Management Journal, vol. 29, n°6, p. 593-616. Boland R.J. & Tenkasi R.V. (1995), "Perspective making and perspective taking in communities of knowing.", Organization Science, vol. 6, n°4, p. 350-372. Boynton A.C. & Zmud R.W. (1994), "The influence of it management practice on it use in large corporations.", MIS Quarterly, vol. 18, n°3, p. 299. Brown C.V. 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