Déterminer le statut de réfugié en Afrique australe
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Déterminer le statut de réfugié en Afrique australe
RMF32 LA DETERMINATION DU STATUT DE REFUGIE Déterminer le statut de réfugié en Afrique australe Michael S Gallagher L’absence d’accès à la représentation légale et les longs délais dans les procédures sapent toujours les procédures de détermination du statut de réfugié en Afrique australe. De 2002 à 2007 le nombre de réfugiés, de demandeurs d’asile et d’autres personnes concernées dans les dix pays qui constituent le sud géographique de l’Afrique a régulièrement décliné. Les rapatriements volontaires vers l’Angola, les pays des Grands Lacs et la République Démocratique du Congo sont responsables pour la majeure partie de ce déclin. Qui plus est, alors que des conditions de stabilité étaient revenues dans les anciens pays d’envoi de réfugiés de la région, il se produisit une chute concomitante du nombre de nouveaux demandeurs d’asile. Dans beaucoup des pays de la région, ceci a mené à un déclin prononcé de la nécessité de procédures de Détermination du Statut de Réfugié – Refugee Status Determination (RSD). Cependant, deux pays dans la région, l’Angola et l’Afrique du Sud, font toujours l’expérience d’un nombre important de nouveaux demandeurs d’asile chaque année : en 2007, l’Angola a reçu 1,471 nouvelles demandes tandis que l’Afrique du Sud en a reçu 45,637, représentant plus de 80% de toutes les demandes d’asile de la région. Les deux pays souffrent d’un grand retard dans le traitement des demandes en cours. Contrairement aux régions de l’Est et du Nord de l’Afrique où la Détermination du Statut de Réfugié est menée par l’UNHCR, chacun des pays de la région – à l’exception de Swaziland où le statut de réfugié est déterminé conjointement par le gouvernement et l’UNHCR – conduit sa propre Détermination du Statut de Réfugié. L’incertitude légale L’Angola et l’Afrique du Sud présentent des modèles différents de détermination du statut de réfugié tout en partageant deux traits communs. Le premier est l’accès extrêmement limité, voire inexistant - à la représentation légale durant la phase initiale de la procédure de demande. Le deuxième, probablement une conséquence partielle du premier, est que les demandeurs d’asile dans chacun des pays doivent attendre deux ans avant de recevoir une décision sur leur demande. Dans chacun des pays, ils vivent dans une situation d’incertitude légale qui les rend vulnérables face à l’exploitation par les autochtones, ainsi que pour la police et d’autres officiels gouvernementaux. En Angola, le demandeur d’asile remplit une demande d’asile et passe ensuite une entrevue avec un officier d’immigration, puis il reçoit un permis de séjour en Angola jusqu’à l’adjudication de son cas. Les services d’immigration mènent alors une enquête et soumettent ensuite un rapport. Il est important de noter quel es demandeurs d’asile ne sont pas représentés lors de la détermination initiale ; bien qu’ils puissent être aidés à remplir la demande, ils ne sont pas représentés par un conseiller légal lors de l’entrevue. En théorie, le rapport d’immigration doit être complété sous 180 jours – la durée de validité du permis du demandeur d’asile. Les permis sont renouvelables, et généralement il faut plus d’un an entre l’entrevue initiale et l’achèvement du rapport. Le rapport et la demande sont examinés par COREDA, le Comité des Réfugiés en Angola qui comprend des délégués de plusieurs ministères angolais. Un représentant de l’UNHCR est présent à ces réunions de détermination de statut en tant qu’observateur. Si la demande est rejetée, le demandeur d’asile a vingt jours pour faire appel. Toutefois, l’appel est entendu par COREDA et non par un tribunal d’appel indépendant. Récemment, l’UNHCR a entamé un projet-pilote qui offre de l’aide légale aux appelants, ainsi que de l’aide à préparer la demande initiale. Si l’appel est rejeté, le demandeur refusé doit quitter l’Angola dans les six mois. On trouve des déterminations de statut similaires en Zambie, au Malawi et en Zimbabwe. Comme en Angola, la représentation légale est pratiquement inconnue lors de ces procédures. En Afrique du Sud, le processus de détermination de statut des réfugiés est très différent. Les pouvoirs de reconnaître le statut d’un réfugié sont entièrement délégués au Département des Affaires Intérieures - Department of Home Affairs -. L’Acte de 1998 sur les Réfugiés en Afrique du Sud - South Africa’s Refugees Act of 1998 – stipule que les officiers du Département déterminant le statut « peuvent inviter et consulter un représentant de l’UNHCR afin de fournir des renseignements sur des points particuliers » mais il n’existe aucune provision de statut d’observateur lors des procédures, sinon celui qui peut être déduit du rôle général de supervision de l’UNHCR en respect de la Convention. A cette étape de la procédure, il n’existe aucune provision pour la représentation légale de l’appelant. Si une demande est rejetée comme ‘manifestement sans fondation’, elle doit être revue par le Comité Permanent, un organisme établi par l’Acte sur les Réfugiés. Une demande rejetée comme ‘sans fondation’ plutôt que ‘manifestement sans fondation’ peut faire l’objet d’un appel auprès de la Commission de recours. Les demandeurs d’asile ont droit à l’aide légale lors de leur audience à la Commission de recours, mais à leurs dépens. En théorie, le processus de détermination de statut de réfugié en Afrique du Sud devrait se dérouler rapidement. En pratique, les demandeurs d’asile peuvent attendre plusieurs mois avant même de pouvoir entamer le processus de détermination de statut en remplissant la demande d’asile avec un officier de réception des réfugiés. Il peut se passer des années avant que la demande soit enfin examinée par un officier de détermination de statut. Fin 2007, le total des cas en instance en Afrique du Sud dépassait 170 000. En Afrique australe, de l’aide légale est maintenant fournie par des organismes indépendants, dont la Fondation de Ressources Légales en Zambie1 et le Centre légal2 de l’Université de Cape Town en Afrique du Sud, tous deux membres fondateurs du Réseau d’Aide Légale aux Réfugiés du Sud Southern Refugee Legal Aid Network (SRLAN).3 Il faudrait faire bien plus. La fourniture d’aide légale indépendante aux demandeurs d’asile en Afrique australe doit être revue dans 55 56 LA DETERMINATION DU STATUT DE REFUGIE RMF32 toute la région afin d’accorder une audience équitable aux demandeurs d’asile en dépit des processus dans divers pays. Statistiques sur les demandeurs d’asile Michael S Gallagher SJ ([email protected]) est représentant à Genève du Service Jésuite aux Réfugiés (http://www.jrs.net). Il a été jusqu’à récemment officier régional de plaidoyer pour le Service Jésuite aux Réfugiés dans la Région d’Afrique australe. Selon les statistiques provisoires rassemblées par l’UNHCR, le nombre de demandeurs d’asile dans les pays industrialisés a augmenté en 2008, pour la deuxième année consécutive. Cette augmentation s’explique en partie par la hausse des demandes d’asile faites par les citoyens d’Afghanistan, de Somalie et d’autres pays victimes de déstabilisation ou de conflit. Quoiqu’en 2008, le nombre de demandeurs d’asile irakiens ait diminué de 10%, les Irakiens forment toujours le groupe national le plus important demandant asile dans les pays industrialisés. 1. http : //www.lrf.org.zm 2. http : //www.uct.ac.za/faculties/law/research/lawclinic 3. Voir http://www.fahamu.org/srlan/ et http://www.rsdwatch.org/index _files/Page2171.htm Le rapport, Asylum Levels and Trends in Industrialised Countries, 2008, [Niveaux et tendances de l’asile dans les pays industrialisés, 2008], préparé par l’UNHCR, se trouve sur le site web de l’UNHCR : http://www.unhcr.fr/cgi-bin/texis/vtx/statistics La protection des réfugiés en Turquie Rachel Levitan La provision de représentation juridique pour les demandeurs d’asile en Turquie s’avère être composant vital à l’amélioration des procédures de Détermination du Statut de Réfugié (DSR). Chaque année, des milliers de personnes de plus de 40 pays viennent demander asile en Turquie. Toutefois, comme la Turquie impose une ‘limite géographique’ à la Convention sur les Réfugiés’ de 1951, les réfugiés des pays en dehors de l’Europe ne sont pas éligibles à recevoir la protection internationale du gouvernement de Turquie. Ils doivent alors se tourner vers l’UNHCR pour leur protection. Les réfugiés doivent aussi faire une demande ‘d’asile temporaire’ aux autorités turques pour être autorisés à rester en Turquie tandis que l’UNHCR évalue leur situation. Pendant cette période ils doivent vivre dans une des 30 ‘villes satellites’ en Turquie et doivent obtenir la permission de la police pour voyager hors de la ville. Lorsque leur cas est décidé, soit le statut de réfugiés leur est accordé et ils sont réinstallés dans un autre pays (comme les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie), soit leur demande est rejetée et ils doivent quitter la Turquie. Les procédures parallèles de l’UNHCR et du gouvernement turc pour les demandes d’asile sont complexes, et de nombreux candidats attendent des mois ou des années que leurs demandes soient traitées. Pendant leur attente, les conditions de vie difficiles et dangereuses poussent nombre d’entre eux à risquer leur existence pour tenter d’entrer en Europe illégalement. Ceux qui sont détenus alors qu’ils essaient de quitter le pays sont particulièrement vulnérables au refoulement1 en raison des obstacles importants à l’aide juridique. Alors qu’en théorie, les juristes doivent avoir accès aux centres de détention des migrants où les réfugiés sont détenus (connus sous le nom de ‘maisons d’accueil des étrangers’), un nombre insuffisant d’entre eux sont formés au droit des réfugiés ou font l’expérience d’activités de défense des réfugiés. En outre, le système très restreint d’aide juridique de l’Etat ne couvre pas l’aide juridique aux réfugiés. Ainsi, les quelques avocats qualifiés sur les questions des réfugiés doivent imposer des tarifs que la plupart des réfugiés ne peuvent pas payer, ou ils doivent travailler gratuitement – ce qui limite inévitablement le temps et les efforts qu’ils peuvent investir. Qui plus est, peu d’avocats turcs parlent couramment les langues des réfugiés et les interprètes sont rares. En conséquence, peu de réfugiés sous détention ont accès à une forme quelconque d’aide juridique. Pour compliquer les choses, les ONG se voient généralement refuser l’entrée des centres de détention. Même l’UNHCR doit souvent attendre des mois la permission d’entrer dans les centres de détention afin d’interviewer les demandeurs d’asile. Ni l’UNHCR, ni les ONG n’ont le droit d’accéder aux demandeurs d’asile détenus dans les ‘zones de transit’ des aéroports de Turquie. Malgré un engagement du gouvernement à aligner la politique d’asile domestique sur les normes européennes, les législateurs turcs n’ont jusqu’à présent pas fait preuve d’un grand enthousiasme à mettre en œuvre un droit d’asile global, cohérent avec les normes internationales. Tandis que le projet d’établissement de sept ‘centres de réception’ pour les demandeurs d’asile fait son chemin (projet financé par la Commission Européenne et soutenu en partenariat par les gouvernements des Pays-Bas et du Royaume-Uni), les progrès ont été très lents. En même temps, les cas de refoulement se poursuivent à un rythme alarmant et des révoltes éclatent périodiquement dans les ‘maisons d’accueil des étrangers’ contre la détention indéfinie et les mauvaises conditions de vie. L’aide juridique En 2004, l’Assemblée des Citoyens d’Helsinki basée en Turquie (Helsinki Citizens’ Assembly – Turkey, HCA) – a établi son Programme d’aide juridique aux réfugiés afin de fournir une aide juridique gratuite aux réfugiés. Deux ans plus tard, le programme s’est élargi et a été renommé ‘Refugee Advocacy and Support Programme (RASP) – Programme de Soutien et de Défense des Réfugiés. Le RASP fournit toujours de l’aide juridique aux réfugiés (y compris ceux qui sont sous détention) lors des procédures d’asile de l’UNHCR et du gouvernement. Il offre aussi un service de conseil pour la santé mentale, il assure l’éducation juridique publique et la formation des ONG locales et des avocats, fait le suivi des pratiques du gouvernement et prend part au plaidoyer légal2. En 2009, le