Actes du colloque scientifique (actes exhaustifs)

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Actes du colloque scientifique (actes exhaustifs)
Actes du colloque scientifique
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis :
état des connaissances du système marin
février 2012
Objectifs du colloque et méthode de réalisation des présents actes
Le présent colloque a été initié conjointement par la mission d’étude d’un parc naturel marin sur
l’estuaire de la Gironde et les Pertuis charentais et les organisations scientifiques travaillant sur la
zone : les Universités de La Rochelle et de Bordeaux, le CNRS, le Cemagref et l’Ifremer.
Un comité scientifique a été constitué et comprenait :
M. Philippe BOËT du Cemagref,
MM. Jean-Louis GAIGNON et Jean PROU de l’Ifremer,
M. Gilles RADENAC de l’Université de La Rochelle,
M. Benoît SAUTOUR, de l’Université de Bordeaux,
MM. François COLAS et Guillaume PAQUIGNON, Mlle Tiphaine RIVIÈRE de l’Agence des aires marines
protégées.
Le comité scientifique a choisi de montrer à un large public les travaux menés dans la zone estuarienne, côtière et marine faisant l’objet d’une mission d’étude de parc naturel marin. Pour cela, il a été
demandé aux chercheurs souhaitant présenter une communication à ce colloque de faire des présentations dans un langage de vulgarisation pour le grand public. Les aspects méthodologiques et bibliographiques ont ainsi été gommés d’emblée. Il a été fait appel à un prestataire extérieur qui a assisté
au colloque et qui, à partir des présentations faites ainsi que des enregistrements audio réalisés, a
résumé en deux pages chacune des prestations. Le document ainsi rédigé a été relu par le comité
scientifique et mis en page par la mission d’étude. Des actes destinés à être lus par le plus grand
nombre sont ainsi aujourd’hui publiés.
Remerciements
Le comité scientifique tient à remercier les personnes et organismes suivants :
M. le député-maire de Royan, Didier QUENTIN, qui a soutenu ce projet.
Le Palais des congrès de la ville de Royan et son personnel qui ont assuré le bon déroulement tout
au long de ces deux journées. La vue sur l’estuaire de la Gironde y est imprenable et tout au long de
ces deux journées elle a rappelé à tous les participants combien ce paysage est précieux et rare.
M. Yves GAUBERT, journaliste maritime, qui a réalisé la lourde tâche de résumer en deux pages
toutes les communications présentées.
Le traiteur, David MALLEBRERA et toute son équipe d’Aunis Réception, qui ont permis aux participants de continuer les discussions autour d’un moment de convivialité fort apprécié.
Tous les chercheurs qui ont participé au colloque.
Rien n’aurait été possible sans les agents et stagiaires de la mission d’étude du parc naturel marin,
un grand merci pour leur soutien et leur grande disponibilité à Nathalie GUILLON et Lydie POINTUD. Une
mention également aux services achat et communication à Brest de l’Agence des aires marines protégées : David LE BRAS, Fabienne QUEAU.
Financement
Le financement du colloque a été assuré par l’Agence des aires marines protégées.
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Jeudi 28 Octobre 2010
8h 30
9h
Accueil des participants
Discours d’accueil
Didier QUENTIN, député maire de Royan
9h20
Introduction
Eric FEUNTEUN, MNHN Dinard
6
Session 1 : Connaissances et expertises
9h45
10h
10h30
10h45
11h15
11h45
12h
12h15
12h30
14h
14h15
14h30
14h45
Outils de connaissance : modélisation et observation sur l’estuaire de la Gironde
Benoit SAUTOUR, Université de Bordeaux
Les réseaux de surveillance de l’IFREMER
Mireille RYCKAERT, IFREMER
Questions-débats
PAUSE
Rétrospectives sur le système côtier Pertuis-Gironde
Steven Piel, Agence des aires marines protégées
Évènements climatiques exceptionnels et leurs retentissements sur la biodiversité
stationnelle et régionale
Michel SÉGUIGNES, Université de La Rochelle
La fréquentation par les mammifères marins du système Pertuis-Gironde
Laurence GONZALES, Université de La Rochelle
Questions-débats
PAUSE DÉJEUNER
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16
18
20
22
24
Le partenariat pêcheurs-scientifiques pour le suivi des ressources en coquilles
St Jacques et pétoncles noirs des Pertuis charentais
Gérard BIAIS, IFREMER
Un parc national pour les Calanques ? Mobilisation et expertise des usagers
Valérie DELDREVE, Cemagref
Avis et expertise en milieu marin
Mireille RYCKAERT, IFREMER
Questions-débats
Fin de la 1ère session
26
28
30
32
Session 2 : Pratiques et ressources
15h
15h30
15h45
16h15
16h30
16h45
17h
17h15
17h45
18h
Observer les pratiques littorales et maritimes dans l’archipel des Pertuis charentais :
la contribution de l’Observatoire du Littoral et de l’Environnement
36
Gabrielle MOSSOT, Université de La Rochelle
Questions-débats
40
PAUSE
Zones de réserve et préservation des ressources impactées par la pêche à pied : intérêt de leur
prise en compte dans les aires marines protégées
42
Richard COZ, Université de La Rochelle
Influences écologiques de la pêche à pied récréative sur l’île d’Oléron : impact du retournement
des blocs rocheux intertidaux sur les assemblages benthiques associés
44
Mathieu LE DUIGOU, Université de La Rochelle
La pêche de loisir de poissons sur les Pertuis charentais et l’estuaire de la Gironde
46
Mathieu VASLET, Université de La Rochelle
Écologie, biologie et exploitation du maigre du golfe de Gascogne : vers une approche écosystémique centrée sur les individus par marquages, étude des contenus stomacaux et de traceurs
multi-échelles
48
Gérard BIAIS, IFREMER
Relations entre filière ostréicole et écosystèmes
50
Jean PROU, IFREMER
Questions-débats
54
Fin de la 2ème session
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
2
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Vendredi 29 Octobre 2010
8h 30
8h45
9h
9h15
9h45
10
10h25
10h45
11h
11h30
11h45
12h
12h15
13h30
14h
14h15
14h30
14h45
15h
15h30
15h45
16h
16h15
16h30
16h55
17h15
17h30
17h30
18h
Accueil des participants
Session 3 : Terre Mer
Pertuis charentais et mer côtière : approche intégrée ressource-environnement
58
Olivier LE MOINE, IFREMER
Impacts des rejets urbains de la Communauté Urbaine de Bordeaux
60
Henri ETCHEBER, Université de Bordeaux
Caractérisation de la contamination bactériologique d’origine fécale de l’estuaire
de la Seudre en période sèche
62
Jean Côme PIQUET, IFREMER
Questions-débats
64
Transferts géochimiques des métaux en zone côtière : cas des estuaires de la Charente, de la
Seudre, de la Gironde et de la baie de Marennes Oléron
68
Eric MANEUX, Université de Bordeaux
Suivi de l’élément cadmium dans le continuum estuaire de la Gironde / bassin de Marennes Oléron / Seudre et Charente de 2005 à 2008 (Programme DEFI Cd)
70
Julien MODÉRAN, Université de La Rochelle
Questions-débats
72
PAUSE
Impact des facteurs environnementaux sur la qualité des eaux des marais littoraux
de Charente Maritime
74
Sébastien TORTAJADA, Université de La Rochelle
Maintenance des zones humides estuariennes – une lecture économique du rôle des associations syndicales de propriétaires
76
Patrick POINT, Université de Bordeaux
Questions-débats
78
PAUSE DÉJEUNER – fin de la 3ème session
Session 4 : Préservation et fonctionnalités
Échanges dissous et particulaires dans le système Pertuis-Gironde : état des
connaissances et modélisation ; implications sur les fonctionnalités écologiques
82
Pierre LE HIR, IFREMER
La Gironde et les Pertuis charentais : formation, évolution et comblement
84
Eric CHAUMILLON, Université de La Rochelle
Turbidité, envasement, érosion : conséquences sur le milieu, les habitats,
l’économie du système Pertuis-Gironde
86
Aldo SOTTOLICHIO, Université de Bordeaux
Qualité de la matière organique particulaire et réseaux trophiques
du système Pertuis-Gironde
88
Nicolas SAVOYE, Université de Bordeaux
Questions-débats
90
PAUSE
Biodiversité faune-flore dans les Pertuis charentais : inventaire et perspectives
92
Pierre Guy SAURIAU, Université de La Rochelle
Diversité, abondance et variabilité des communautés de mollusques et
d’annélides sur les vasières des Pertuis charentais
94
Pierrick BOCHER, Université de La Rochelle
La fonction nourricerie du secteur « Pertuis charentais / débouché de la Gironde »
pour la sole commune (Solea solea)
96
Gérard BIAIS, IFREMER
Importance et rôle des Pertuis charentais dans l’accueil des oiseaux limicoles
98
Pierrick BOCHER, Université de La Rochelle
Comprendre le fonctionnement des réseaux trophiques dans le système Pertuis-Gironde : état
des connaissances et perspectives
100
Jérémy LOBRY, Cemagref
Biologie de la conservation et changements global
104
Eric ROCHARD, Cemagref
Questions-débats
106
Fin de la 4ème session
CONCLUSION
Denis SALLES, Cemagref
108
Discours de clôture
Didier QUENTIN, député maire de Royan
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
3
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Descriptif d’une fiche
résumant l’intervention d’un chercheur
Titre de la présentation
Nom du chercheur*
Organisme de recherche
Texte résumant la présentation avec quelques figures et photos.
* Tous les chercheurs qui ont contribué ou qui sont concernés par une présentation sont cités à
la fin du document en annexe (page 113) avec leurs adresses
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
4
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Discours introductif
Ces rencontres sont une occasion d’échange
et de dialogue avec toute la communauté
scientifique, les acteurs de terrain et la population. Cet estuaire qui est l’objet de vos préoccupations est très beau et je rappelle le combat contre ce qui nous semblait un mauvais
coup porté à notre communauté, ce projet de
terminal méthanier au Verdon. On a gagné
cette bataille pour la protection du dernier
grand estuaire naturel d’Europe.
C’est ainsi qu’il y a trois ans, nous est
venu l’idée d’installer dans cette zone une aire
marine protégée ou parc naturel marin d’autant
que la France s’était engagée au niveau international à réaliser une douzaine de ces aires
d’ici à 2012. Il n’y a pour le moment que le
parc naturel marin d’Iroise qui a été créé, mais
d’autres sont bien avancés.
Une réunion comme celle de ces deux
jours peut avoir comme utilité de rassurer ceux
qui se demandent si c’est bien utile, si ça ne va
pas générer trop de contraintes. Il y a une
certaine appréhension des professionnels de
la mer, pêcheurs, conchyliculteurs, pêcheurs à
pied. Votre rôle est d’éclairer les acteurs et
l’opinion publique, de faire de la pédagogie.
Vous êtes des éclaireurs, des éclaireuses du
débat public.
La ville de Royan est aussi dans une
démarche de valorisation de son patrimoine
culturel et architectural en étant candidate au
label ville d’art et d’histoire. Elle possède une
architecture balnéaire avec les villas de la fin
e
e
du XIX siècle et du début du XX siècle. Mais
il y a aussi l’architecture des années 50 avec
les reconstructions qui sont intervenues après
deux bombardements à la fin de la guerre de
39-45. C’est une ville nouvelle que vous pouvez découvrir si vos travaux vous en laissent le
temps.
Didier QUENTIN, député-maire de Royan.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
De la mer vers la terre ou de la terre vers la mer ?
Contribution du système Pertuis Gironde
au fonctionnement du Golfe de Gascogne
Eric FEUNTEUN
MNHN, directeur de la station marine de Dinard, président du conseil scientifique de l’Agence
des aires marines protégées
Le système Pertuis-Gironde constitue une interface entre la terre et le large et des échanges
dans les deux sens existent. L’estuaire et les pertuis sont très productifs et enrichissent l’océan. Ils
reçoivent les apports du continent et de la mer. L’énergie solaire réchauffe l’estran à marée basse
favorisant le développement de la vie. Cette interface, qu’on visualise bien sur les photos avec le panache de la Gironde, constitue un système convoité et fragile.
La zone intertidale (zone de balancement des marées) est un secteur particulièrement riche.
Les vasières sont le substrat de prairies invisibles où pousse le phytobenthos (algues vivant sur le
fond). Cette production primaire intense est à la base de tout une chaine alimentaire (ou réseau trophique) composé d’espèces très diverses et très spécialisées. Ces dernières sont capables de résister
aux variations rapides et amples des conditions physico-chimiques (dessiccation, variations de salinité
et de température…). Le constat d’une mauvaise connaissance des liens entre la diversité de ce milieu et sa résilience est fait.
La deuxième richesse biologique de
ces zones littorales est constituée des phanérogames marines (plantes à fleurs). Les
schorres (marais salés ou herbus recouverts
qu’à grande marée) sont parmi les systèmes
les plus productifs de la planète : 30 tonnes
de matière sèche par hectare et par an.
Cette matière végétale, dégradée sur place
ou consommée par des animaux va être,
elle aussi, à la base d’un réseau alimentaire
très riche. Plus bas, les herbiers à zostères
(ou à posidonies en Méditerranée) sont
l’habitat essentiel de nombreuses espèces.
Les macro-algues, fucales, forêts de laminaire et prairies d’algues rouges des systèmes rocheux ont une forte productivité et
constituent elles aussi des habitats écologiques de nombreuses espèces côtières.
Une autre richesse du système est
le phytoplancton dont la production est relativement bien étudiée. Mais on a une connaissance limitée des variations des strucFigure 1 : zone à forte production phytoplancto- tures des communautés des producteurs
nique (en rouge), in Communication d’Eric primaires et de leurs réponses aux changeFEUNTEUN au colloque de Royan des 28 et
ments globaux.
29/10/2010
Tous ces éléments font la richesse biologique de la Gironde et des pertuis, systèmes qui peuvent être comparés à une mosaïque d’habitats connectés entre eux. Systèmes très productifs, ils abri-
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
tent une forte diversité biologique de consommateurs de cette production primaire. Ainsi, la macrofaune benthique « sauvage » et une zone ostréicole très importante (la première d’Europe) se partagent la même production primaire. Cette zone littorale forme aussi un habitat privilégié pour plus de
200 espèces de poissons qui y résident ou qui y passent (les amphihalins, les juvéniles) : le bar, le
merlu, le merlan, l’esturgeon, l’anguille, la sole, le sprat, le mulet, etc. Habitats d’alimentation (mulet)
ou de nourriceries (bar, sole), les zones littorales restent en relation avec celles du large qui peuvent
servir de site de reproduction. Des études permettent d’identifier le séjour des juvéniles dans les différentes zones côtières (estuaire de la Loire et de la Seine, baie du Mont Saint Michel ou baie de
l’Aiguillon). Mais en général, les frayères sont au large et pas en zone côtière.
Pour ce qui est des espèces amphihalines, leurs phases de vie marines sont mal connues et
nécessiteraient la mise en œuvre d’un programme scientifique. On a, par exemple, toujours de fortes
interrogations sur les zones de pontes des anguilles.
Les immenses vasières de la baie de l’Aiguillon ou les estrans de la baie du Mont Saint Michel
possèdent une très grande richesse en macrobenthos (coquillages, crustacés) qui représentent une
ressource trophique pour les limicoles, comme le bécasseau maubèche, par exemple.
D’autres espèces d’oiseaux comme les guillemots fréquentent les zones côtières des pertuis
mais aussi plus au large. Les mammifères marins, en particulier les dauphins communs, présentent
aussi ce type de répartition aux limites de la zone supposée du futur parc naturel marin. Mais ces
espèces sont encore mal connues. Ainsi, de quoi se nourrissent-elles ? Où se reproduisent-elles ?
Questions qui appellent encore des réponses
Entre la zone côtière et le large, on a un continuum, un ensemble d’écosystèmes indissociables et sans frontière. La question est donc de savoir si le réseau projeté des aires marines protégées est cohérent. Ceci dépend de la gestion locale et globale de ces aires. Pour tenir compte de la
réalité du milieu, celle-ci doit donc s’ouvrir vers le large et le profond.
Ce tableau rapidement brossé de la richesse de la zone évoquée amène à poser un
certain nombre de questions. Quels sont les habitats essentiels pour le fonctionnement écologique
de l’aire marine protégée ? Quel est le rôle de ces
habitats dans le maintien de la biodiversité à
l’échelle régionale (golfe de Gascogne) et internationale (aire de répartition des espèces) ?
A quelles échelles d’espèces et de temps
s’opèrent les processus écologiques ? Quels sont
les impacts des activités humaines (aménagements du littoral, effluents des bassins versants,
énergies nouvelles, conchyliculture…) ?
Comment mettre en œuvre le plan de
gestion du parc dans une perspective de conservation de la biodiversité et du développement
d’une activité économique « vertueuse » ?
Telles seront les questions abordées au cours
de ce colloque.
Figure 2 : photo satellite du système PertuisGironde, in Communication d’Eric FEUNTEUN
au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Session 1 :
Connaissances et expertises
Modérateur : Jean-Louis GAIGNON
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Outils de connaissance :
modélisation et observation sur l’estuaire de la Gironde
Benoit SAUTOUR
Université de Bordeaux
Les activités d’observation menées sur l’estuaire de la Gironde permettent de mieux en comprendre le fonctionnement particulier. L’estuaire est une zone tampon, un lagunage naturel, une zone
d’épuration vis-à-vis de certains contaminants. C’est une zone caractérisée par des flux entrants venant du continent mais aussi des flux entrants venant de la mer (par exemple, des flux de poissons). Il
y a aussi des flux sortants du système comme le panache de la Gironde qui peut impacter le bassin
de Marennes Oléron. Ces systèmes comme la Gironde et le bassin de Marennes Oléron sont sous la
dépendance des conditions physiques du milieu.
L’ensemble des composantes de ce milieu évolue sous l’influence du changement global, dont
on connaît bien la composante climatique. L’évolution vient aussi de forçages locaux qui impactent
l’environnement. Les activités d’observation permettent de comprendre les modifications des fonctionnements du milieu.
Les forçages, flux et
variables environnementales,
constituent les descripteurs du
changement. Les stratégies de
suivi diffèrent selon les objectifs. Comprendre l’impact du
changement climatique demande un suivi à long terme
alors que pour l’impact de la
marée, c’est un suivi à court
terme qui convient. Il faut donc
s’adapter à ce qu’on observe,
oiseaux ou phytoplancton, par
exemple.
La Gironde est un système à marée avec un marnage pouvant atteindre 4 à 5
mètres à son embouchure. Elle
Figure 3 : forçages, flux et variables environnementales de mesure 70 km du bec d’Ambès
l’estuaire de la Gironde, in Communication de Benoît SAUTOUR
à la pointe de Grave. Le fleuve
au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
a une forte charge particulaire
et subit une contamination au cadmium. Son panache a une influence sur le bassin de Marennes Oléron. La Gironde reçoit l’impact de différentes activités, tourisme, pêche, industries (centrale nucléaire
de production d’électricité du Blayais), urbanisme. Un suivi lié à l’installation de la centrale a commencé en 1978. Il porte sur la température de l’eau, la salinité, les éléments nutritifs, les cortèges de poissons et de crustacés. Le but était de surveiller une éventuelle perturbation du système lié à
l’implantation de la centrale. En 1997, un suivi a été entrepris sur la partie aval du rejet et en 2004 un
suivi opérationnel plus en amont de l’estuaire a commencé avec le programme Magest. Pour continuer dans ce sens un suivi du même type est prévu pour l’aval de l’estuaire en 2011.
Tous ces travaux font de la Gironde un des systèmes les mieux suivis sur le long terme à
l’échelle européenne d’un point de vue physique, chimique et sur tous les compartiments biologiques.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
30 ans de données sont stockés. Leur exploitation permet d’observer l’évolution du système et de le
caractériser. On voit que la température de l’eau a augmenté de 2°C avec un saut de cette température en 1987 et des périodes de stabilité avant et après. La salinité s’est élevée de 2 pour mille. Dans
la partie amont, les épisodes de sous-oxygénation sont de plus en plus fréquents. L’abondance du
phytoplancton est stable pour l’espèce dominante mais elle remonte vers l’amont. En 1983, une nouvelle espèce de zooplancton s’implante dans l’estuaire (Acartia tonsa) et prolifère à partir de 1999.
La diversité et l’abondance des poissons sont suivies depuis 1978. Dans les années 80, on
avait affaire surtout à des migrateurs amphihalins alors qu’aujourd’hui, il y a une abondance accrue
des espèces marines. Le système Gironde devient plus marin. Ces observations ont conduit à poser
des hypothèses sur les causes de ces modifications : changement climatique, changement du cycle
de l’eau, apports continentaux moindres, moins d’eau douce. Des espèces d’eaux chaudes arrivent,
les espèces de zooplancton changent et modifient donc le rapport poissons/proies.
Il faut pointer aussi les conséquences des activités industrielles et portuaires et de
l’urbanisation. Les dragages, comme ceux pour approfondir le chenal de navigation, favorise la salinisation du fleuve. La centrale de Blaye a un impact sur la température de l’eau. Les rejets des stations
d’épuration de la communauté urbaine de Bordeaux ont une influence sur l’oxygénation de l’eau en
rejetant des composés qui l’appauvrisse en oxygène. La difficulté est de savoir ce qui est lié au changement climatique et ce qui est lié aux activités locales.
Tout cela débouche sur des programmes de recherche pour approfondir les connaissances
sur les causes et les conséquences de ces variations. Trois projets de recherche (Etiage, Compeco et
Gagilau) vont permettre l’acquisition de données complémentaires et la construction d’outils intégrateurs et d’outils de modélisation.
Figure 4 : l’embouchure de l’estuaire de la Gironde (© Laurent MIGNAUX / MEDDTL)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Réseaux et observatoires Ifremer
dans les pertuis charentais
Mireille RYCKAERT
Ifremer
L’une des missions de l’Ifremer est la surveillance des mers et du littoral, en soutien à la politique publique de gestion du milieu et de ses ressources. Cette mission s’exerce au travers de réseaux de surveillance de la qualité du milieu et d’observatoires de la croissance et de la santé des
mollusques. Cette mission répond à certains enjeux stratégiques de l’institut : contribuer à une pêche
et à une aquaculture durable, enrichir les réseaux de surveillance, concevoir un système national de
prévisions environnementales des milieux côtiers, mettre en œuvre une stratégie nationale et européenne des bases de données marines.
Un des enjeux de cette mission est la surveillance de la qualité sanitaire des zones
d’exploitation des coquillages. L’évaluation se fait à partir de coquillages échantillonnés in situ. Quand
le mollusque est extrait de son milieu pour être consommé, il devient une denrée alimentaire contrôlée
par la DDPP (Direction départementale de la protection des populations).
La surveillance des zones exploitées a pour but de prévenir le risque encouru par la consommation de coquillages contaminés. Pour les germes entériques (présents dans les intestins), c’est le
réseau de contrôle microbiologique (Remi). Pour les toxines du phytoplancton, c’est le réseau de surveillance du phytoplancton et des phycotoxines (Rephy) et pour les métaux lourds, le réseau
d’observation de la contamination chimique (Rocch).
Figure 5 : tables ostréicoles à Ronce-les-Bains (© Laurent MIGNAUX / MEDDTL)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
L’objectif du Remi, créé en 1989, est d’établir le statut sanitaire des zones avant toute exploitation
aquacole. L’étude des paramètres microbiologiques (recherche d’Escherichia coli dans les coquillages) permet de déceler les risques majeurs de contamination, de contrôler régulièrement la qualité
des coquillages dans leur milieu, d’alerter les autorités en cas de dépassement des seuils, de rechercher les causes des contaminations observées.
Le Rephy a depuis 1984 un triple objectif, sanitaire, environnemental et patrimonial. Il permet
de détecter les épisodes de toxicité dans les coquillages exploités. Trois types de phytoplancton sont
recherchés : le genre Dinophysis qui peut entrainer des symptômes diarrhéiques, le genre PseudoNitzschia qui est associé à des symptômes d’amnésie et le genre Alexandrium qui peut être responsable de paralysie.
Ce réseau de surveillance est l’occasion d’acquérir les données nécessaires aux calculs
d’indicateurs de l’état écologique du milieu. Il accroît la connaissance sur les populations de phytoplancton, leur diversité, leurs variations spatio-temporelles, leur évolution à long terme.
Le Rocch (anciennement RNO, Réseau National d’Observation) évalue l’état chimique des
masses d’eau et recherchant les métaux lourds (plomb, cadmium, mercure, cuivre et zinc), les organohalogénés (pesticides) et les hydrocarbures. Pour ces paramètres dans les pertuis et la Gironde,
les concentrations dépassent quelques fois la médiane nationale.
Il existe aussi un réseau de suivi hydrologique. Il comprend des points de mesure bimensuels
pour mesurer les sels nutritifs et les matières en suspension. Des stations de mesure en continu à
l’aide de sondes multi-paramètres donnent la température et la salinité de l’eau en surface. Pour répondre aux exigences de la Directive cadre sur l’eau, les réseaux ont été modifiés au niveau du
nombre et de l’emplacement des points, de la fréquence d’échantillonnage et des paramètres.
Previmer est, quant à lui, un autre système d’observation de l’eau grâce aux images satellitaires.
D’autres réseaux concernent les mollusques. Remora, créé en 1993, évalue la survie, la
croissance et la qualité de l’huître Crassostrea gigas en élevage. Remoula, créé en 2000, pratique les
mêmes évaluations, mais pour les moules Mytilus edulis. Repamo, créé en 1992, surveille l’état de
santé des mollusques d’intérêt commercial du littoral français métropolitain : virus, bactéries, champignons, protozoaires, métazoaires,...
Dans ce domaine, le laboratoire de pathologie et de génétique de La Tremblade (Ifremer) est
un laboratoire communautaire de référence pour la pathologie des mollusques. Il publie un rapport
annuel de bilan des événements sanitaires touchant les mollusques.
Les données de la surveillance sont recueillies par l’Ifremer sous assurance qualité, voire accréditation et agrément ministériel. Elles sont saisies dans une base de données nationale. Elles sont
accessibles en libre consultation et téléchargement sur le site de l’Ifremer.
Toutes ces données constituent une bonne part du premier maillon de la chaîne des connaissances disponibles. Les résultats accumulés depuis quelques dizaines d’années permettent de visualiser la dynamique spatio-temporelle de la richesse biologique et fonctionnelle des pertuis, mais également de mettre en évidence ses pollutions ponctuelles ou chroniques.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Figure 6 : carte des classements des zones conchylicoles dans les Pertuis charentais et
l’estuaire de la Gironde, in Communication de Mireille RICKAERT au colloque de Royan des
28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
DÉBAT
Eric FEUNTEUN, Benoît SAUTOUR et Mireille RYCKAERT
Jacques Gervais, une pointe pour tous
Quelle est l’évolution du taux de cadmium dans les huîtres de la Gironde ?
Mireille Ryckaert
Nos suivis concernent les zones exploitées. Dans la Gironde, le taux de cadmium dans les
huîtres est toujours au-dessus des seuils réglementaires. Des prélèvements ont été faits par la profession sur les huîtres d’un gisement naturel à l’entrée de l’estuaire. Je n’ai pas les résultats. Nous
observons une diminution du taux de cadmium dans la Gironde depuis que nous le suivons. Cela
nous a permis d’ouvrir la pêche professionnelle à pied des palourdes à Bonne Anse. A quelle
échéance, le taux dans les huîtres passera en-dessous des seuils? Je ne peux pas le dire.
Denis Fichet, Université de La Rochelle
Nous avons transplanté en Gironde des huîtres originaires de Bouin (Vendée). Cette étude a
duré trois ans pour des séjours de trois mois en Gironde. A chaque fois, le taux de cadmium dépassait
la norme.
Hans Hartmann, Université de La Rochelle
Je suis étonné que les apports d’azote, de phosphore, de silice ne soient pas explicitement
mentionnés ou surveillés en Gironde et dans le bassin de Marennes Oléron qui en reçoivent beaucoup et dans la mesure où ces apports conditionnent la production primaire du bassin de Marennes
Oléron.
Mireille Ryckaert
Les sels nutritifs sont suivis par le réseau hydrologique local à Marennes Oléron depuis les
années 70, tous les mois de l’année. Pour la Directive Cadre sur l’Eau, nous effectuons des prélèvements pour des analyses de sels nutritifs en hiver, de novembre à mars.
L’ex-cellule DDE-CQEL de Vendée mesure les nitrates depuis des décennies dans le Lay et la
Sèvre Niortaise. Ces apports sont très abondants, équivalents à ceux des ports bretons. Il y a un
risque d’eutrophisation. Les eaux sont très troubles dans les Pertuis charentais, elles sont chargées
de sédiments, ce qui freine la pénétration de la lumière et la croissance des macro-algues et des phytoplanctons. Mais le phytoplancton est tout de même très abondant dans les pertuis.
Benoit Sautour
Difficile d’avoir une vue d’ensemble sur le littoral français, l’évolution peut être très différente
d’un point à un autre. Il est très difficile de dire s’il y a augmentation des apports sur l’ensemble du
littoral français. Ceci est lié à l’évolution du cycle de l’eau. C’est complexe et lié à la nature et à
l’occupation du sol, à la pluviométrie sur le bassin versant. Les mesures des concentrations, donnent
une photo à un moment donné de l’état du système. Le temps de rétention des sels nutritifs dépend
toutefois des caractéristiques physiques du milieu. A Marennes Oléron, c’est quinze jours, en Gironde
soixante dix jours.
Jacqueline Rabic, représentante des pêcheurs professionnels de la Gironde
Depuis 30 ans, les pêcheurs sont inquiets sur ce qui se passe en Gironde et ont demandé des
études complémentaires sur les peuplements faunistiques de l’estuaire. Nous sommes passés de 400
familles vivant de la pêche il y a 30 ans à 100-150 aujourd’hui. Pendant ce temps, la diminution des
prises a été très importante. Les écosystèmes se modifient, les nurseries manquent d’alimentation.
Nous sommes en train de mourir et nous en avons assez d’entendre parler de surpêche.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Nous travaillons sur la valorisation patrimoniale des écosystèmes littoraux et estuariens, sur le
manque d’eau douce, sur la solidarité amont-aval. Nous travaillons au plan national pour avoir le recensement de toutes les zones qui sont appauvries au niveau de la productivité primaire. Le manque
d’eau douce est aussi un probème. Nous relayons le désespoir des pêcheurs.
Benoît Sautour
S’il y a une très forte charge en matières en suspension dans les parties amont qui limite la
production primaire, elle est importante dans le panache de la Gironde où les eaux s’éclaircissent. Les
suivis réalisés initialement à des fins opérationnels de gestion des pêches ou d’implantation industrielle dans l’estuaire donnent lieu depuis lors à une exploitation scientifique, mais ce n’est pas à nous
à prendre les mesures de gestion.
Alain Violleau de l’Agence Régionale de Santé Poitou-Charentes
Pour le cadmium, nous avons un réseau de suivi pour les coquillages de la pêche à pied avec
27 points dont 2 en Gironde, un pour les huîtres à Meschers, l’autre pour les palourdes à Bonne Anse.
Depuis le début du suivi, le cadmium diminue dans les huîtres, mais reste à des taux de 2,5 à 5 mg/Kg
de chair et 2,5 à 3 mg/L de liquide intervalvaire. Ces résultats sont accessibles sur le site web de la
Préfecture. En 2007, nous avons constaté une augmentation en cadmium et en plomb des coquillages
de la baie de La Rochelle. On a observé par ailleurs une augmentation du cadmium près de La Rochelle (x10 en 6 à 7 mois) avec maintenant un retour à la normal.
(Mme Ryckaert confirme cette observation sans avancer aucune cause précise.)
Gérald Viaud, président du comité régional de la conchyliculture Poitou-Charentes
J’ai fait des prélèvements d’huîtres en juin dans la Gironde. Je les ai fait analyser par un laboratoire. Les taux de cadmium sont équivalents voire inférieurs aux normes autorisées pour des huîtres
destinées à la consommation humaine. Il faudrait que les analyses s’harmonisent entre les différents
laboratoires. Je ne comprends pas comment on passe de 0,5 à 2,5 ou 3. Je demande une explication.
Je veux pointer aussi le dysfonctionnement de tout le système hydraulique de notre littoral. Le
système, de l’aval vers l’amont, des marais salés, claires, viviers à poisson, marais gâts, marais doux
est devenu complètement caduc. En 44 ans, j’ai assisté à la dégradation du milieu. Il est urgent de
refaire fonctionner les marais.
Jean-Louis Gaignon
Les variations de la concentration en cadmium peuvent s’expliquer en partie par la saisonnalité.
Eric Feunteun
Les marais jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des zones côtières. La modifiaction des pratiques d’entretiens a conduit à un envasement progressif. Les fonctions d’accueil, de production primaire ont été modifiées avec les temps. La manière dont on règle les marais est un choix
de société. Si on aménage un marais pour l’accueil des oiseaux, il ne sera pas adapté à l’accueil des
poissons, à l’exemple de Lilleau des Niges sur l’île de Ré.
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Rétrospectives sur le système côtier Pertuis-Gironde
Steven PIEL
Agence des aires marines protégées
En 2003, à l’occasion d’un
déménagement d’une salle d’archives
de la bibliothèque du centre Ifremer
de Brest, un lot important de photos
aériennes anciennes a été redécouvert. Archivées dans une salle climatisée depuis 30 ans, ces photos
étaient tombées dans l’oubli. Après
un rapide état des lieux, l’intérêt
scientifique et patrimonial que ce jeu
de photos représentait est apparu
indéniable.
Ces photos sont particulièreFigure 7 : registres contenant des clichés dont certains ment intéressantes, car elles ont été
datés de presqu’un siècle, in Communication de Steven prises à marée basse, dans un but de
défense du territoire et surtout pour
PIEL au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
remettre à jour les cartes marines du
Shom (Service hydrographique de la Marine). Ce sont des photos verticales dont la résolution va de
25 cm à 100 cm. Le taux de recouvrement est important entre deux photos. Elles couvrent une grande
partie du territoire métropolitain. La période d’acquisition s’étend de 1919 à 1958.
Elles ont donc un intérêt patrimonial. Les plus anciennes ont été prises à Brest, il y a 91 ans.
Dans ce laps de temps, deux guerres se sont déroulées avec leurs lots de destructions et de reconstructions. Ces photos gardent figée l’image d’une époque bien souvent disparue. Il faut ajouter à ce
chapitre Vauban, ce grand bâtisseur qui nous a laissé bon nombre d’édifices et de défenses sur le
littoral : Saint-Martin de Ré, Fouras, Fort Lupin, Blaye…
L’intérêt de ces photos est également scientifique. Il montre un état du littoral d’il y a 60 ans et
plus. Cela permet une comparaison avec l’état actuel du littoral en utilisant des clichés plus récents.
Les photos permettent aussi de mettre en évidence l’évolution du cordon littoral en plusieurs endroits
de la côte, en particulier en Vendée et dans l’estuaire de la Gironde.
Les photos ont fait l’objet d’un traitement destinés à garantir la précision spatiale, à respecter
la radiométrie, à élaborer de la documentation (métadonnées) et à leur donner le statut de données
de référence. Sur le secteur Pertuis-Gironde, plusieurs mosaïques sont d’ores et déjà disponibles.
D’autres secteurs en cours de traitement viendront bientôt compléter l’existant.
Selon la formule consacrée « connaître le passé pour mieux appréhender l’avenir », ces photos anciennes représentent un formidable outil d’analyse et de gestion avec des applications très diverses : évolution et morphologie du trait de côte, état du patrimoine culturel maritime, évolution des
habitats marins benthiques, utilisation de la bande côtière, etc.
Concernant les activités littorales, la comparaison de deux photos aériennes de Port-desBarques en 1948 et en 2000 montre l’évolution de l’urbanisation de cette commune autrefois agricole.
La même comparaison à l’embouchure de la Seudre montre l’évolution du trait de côte. La pointe de
l’Aiguillon en 1955 fait apparaître les pièges à poisson encore existant. La même en 2000 permet de
voir la progression de la poldérisation.
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Une photo des rives de la Gironde au niveau de Pauillac/Saint-Estèphe en 1934, permet de
constater que l’envasement a fait avancer le trait côte aujourd’hui. Pour illustrer l’évolution de
l’environnement littoral, la position du phare de la Coubre par rapport à la côte entre 1924 et 2000 met
en évidence le recul de la côte de 1 000 mètres en moins d’un siècle. La pointe de Gatseau, au sud
de l’île d’Oléron montre, au contraire, un engraissement de l’ordre de 400 mètres entre 1948 et 2000
en déplaçant le chenal du pertuis de Maumusson vers le sud.
Figure 8 : modification du trait de côte entre 1924 et 2010 au niveau du phare de la Coubre, in
Communication de Michel BELLOUIS & Steven PIEL au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Dans la Gironde, l’évolution du système îles/chenaux au bec d’Ambès est visible sur la comparaison entre la photo de 1934 et la photo contemporaine.
L’intérêt patrimonial ressort dans les photos de Brouage, du Château d’Oléron et du fort de la
rade à l’île d’Aix. Il en est de même pour une photo de Bordeaux (1934) et de Royan (1924). Cette
dernière montre bien l’évolution du port avec une simple jetée en 1924 et trois ports aujourd’hui (plaisance, pêche, bac).
Nul doute que ces informations seront exploitées au mieux au regard des orientations de gestion du milieu marin qui se dessinent pour le futur parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et des
Pertuis charentais.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Évènements climatiques exceptionnels et leurs retentissements sur la biodiversité stationnelle et régionale
Michel SÉGUIGNES
Université de La Rochelle
Les événements climatiques exceptionnels ont un retentissement certain sur la biodiversité.
L’étude des répercussions des tempêtes de 1999 et 2010, de la forte période de gels de l’hiver 20052006 et de la canicule de 2003 le montre clairement.
A la pointe de Chassiron, la tempête de 1999 a provoqué une baisse de la biodiversité. La
comparaison entre les données de 1998 et celles de 2006 le témoigne, en passant de 120 espèces
présentes (richesse spécifique) en zone infralittorale, à seulement 94. Cela représente un déficit de
peuplement de 22 %. Cette différence est-elle due à la tempête de 1999 ? La richesse spécifique sur
l’ensemble de l’estran était de 149 espèces recensées en 1995. Elle est montée à 181 en 1998 pour
descendre brusquement à 83 en 2000 et n’est remontée que très progressivement à 129 en 2006.
Cette situation n’est qu’en partie liée aux destructions de la tempête. La période de 27 jours de gel au
cours de l’hiver 2005-2006 a aussi joué un rôle. Pendant ce laps de temps, la température moyenne
était de -1,8°C et la température la plus basse a atteint -6,6°C.
Évolution de la richesse spécifique de
Chassiron entre 1995 et 2006
200
nb espèces
150
181
149
110
101 105
100
129
119 124 125
83
50
0
années
Figure 9 : évolution de la biodiversité de la pointe de Chassiron (île d’Oléron)
– chute de la richesse suite à la tempête de 1999, in Communication de Michel SEGUIGNES au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Au cours de l’année 2003, on a parlé de canicule. Cet été là, il y a eu 15 jours avec une température dépassant les 30°C, avec un maximum à 38,2°C et une moyenne à 32,6°C. Ces fortes températures ont eu un effet destructeur sur les espèces de l’estran.
Les variations de richesse en espèces ont été analysées d’une année sur l’autre à la pointe
des Minimes entre 2000 et 2010. Une comparaison avec un calendrier des évènements exceptionnels
(tempête Klaus en 1999, canicule de 2003, gel pendant l’hiver 2006 et tempête Xynthia en 2010)
montre une relation négative avec la biodiversité. Chaque évènement semble avoir des conséquences
néfastes sur le nombre d’espèces présentes, dans les 6 mois suivants. Bien sûr ces conclusions sont
aussi visibles sur d’autres sites avec des conséquences régionales pour des évènements à grande
échelle.
Les effets de ces événements climatiques viennent s’ajouter à des impacts anthropiques. Le
peuplement de Port Neuf a été suivi de 2001 à 2010. Le rejet de la station d’épuration de La Rochelle
qui se trouve à proximité a un effet destructeur sur l’infralittoral en particulier. Les événements climatiques apportent leurs contributions pour réduire encore plus les peuplements de tous les niveaux
(infralittoral, médiolittoral inférieur, médiolittoral moyen, médiolittoral supérieur). L’effet cumulé des
rejets de la station et des événements climatiques a deux conséquences : l’une immédiate qui se traduit par une très forte chute du peuplement (voir printemps 2010 après Xynthia), puis une seconde
quelques mois plus tard. La tempête a « nettoyé » le site et le peuplement a augmenté de façon très
importante (septembre 2010). Quand un site est de qualité, le temps de reconquête est très long alors
qu’à Port Neuf le milieu s’est rechargé brutalement dans les 6 mois.
Les mêmes impacts climatiques ont été observés sur le site des Minimes. En 1996, l’hiver
comprend 8 jours de gel à -8°C, le nombre d’espèces tombe à 58. Après la tempête de 1999, le
nombre d’espèces est aux alentours de 60. La richesse spécifique remonte petit à petit, jusqu’à 74 à
l’automne 2003 après la canicule de l’été de cette année-là. Le nombre d’espèces atteint 118 à
l’automne 2005 avant de chuter à 82 au printemps 2006 après la période de gel de l’hiver.
Une comparaison entre les espèces a été opérée entre les îles de Ré et d’Oléron et la baie de
La Rochelle. Chaque site abrite sur la durée, un nombre d’espèces similaires, au environ de 300. Sur
483 espèces, 167 sont communes aux trois sites. 50 ne se trouvent que dans l’île de Ré, 73 qu’à Oléron et 73 que dans la baie de La Rochelle. Les îles et la baie de La Rochelle comptent globalement un
nombre d’espèces identiques, aux alentours de 170 espèces. Pourtant, chacune de ces zones possède des espèces qui leurs sont propres.
Les espèces qui constituent la biodiversité sont soumises à des contraintes environnementales qui peuvent être très destructrices et ce sur plusieurs années. Les événements climatiques dits
exceptionnels ne sont pas si rares qu’on voudrait le dire : 4 en 10 ans, soit une destruction massive de
la biodiversité tous les 2,5 ans. Il n’est donc pas exclu qu’il puisse y avoir des phénomènes exceptionnels qui se cumulent la même année, ce qui entraînerait un effondrement de la biodiversité de
l’ensemble de la région.
Si nous constatons une diminution immédiate perceptible de la biodiversité, c’est que ce sont des espèces
qui participent à la biomasse des communautés de la zone
d’estran qui sont frappées en priorité. Elles ne représentent
que 25 % des espèces mais participent pour beaucoup
dans le fonctionnement de l’écosystème, notamment par
leur rôle dans les réseaux trophiques. Les autres, présentent en faible densité, participent surtout à la biodiversité.
Cette analyse rapide qui prend en compte 12 ans
d’observation méthodique de différents sites montre l’intérêt
Figure 10 : l’estran autour du phare apporté par cet ensemble de données dans une réflexion
du bout du monde à La Rochelle, in de gestion et de développement durable du littoral.
Communication
de
Michel
SEGUIGNES au colloque de Royan
des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
La fréquentation par les mammifères marins
du système Pertuis-Gironde
Laurence GONZALEZ
Centre de Recherche sur les Mammifères Marins (CRMM) - Université de La Rochelle
Le centre de recherche sur les mammifères marins (CRMM) est un observatoire des populations de mammifères marins des côtes françaises. Il a mis en place un réseau national d’observation
des échouages sur tout le territoire métropolitain et sur les Dom-Tom. Sur les 4 800 km du littoral, 40
espèces sont rencontrées, dont 20 de façon régulière.
Le suivi des échouages
constitue le premier objectif de
l’observatoire. Il est une mine de
renseignements. Il s’est effectué de
façon sporadique de 1900 à 1970.
Un réseau national d’observation a
ensuite été mis en place et a fonctionné de plus en plus efficacement, permettant une pression
d’observation stable à partir de
1980. L’exploitation scientifique des
échouages s’est réalisée à partir
d’une collecte standardisée de prélèvements et de données.
Figure 11 : dauphin commun (© Yves GLADU / Agence des
aires marines protégée)
Des profils d’échouage ont pu être établis pour le dauphin commun qui montre une grande variété interannuelle, le marsouin commun pour lequel on observe une augmentation brutale à partir des
années 90 et le globicéphale noir dont les effectifs sont stables depuis 1980. Les animaux échoués
peuvent être découverts vivants ou morts, et dans ce dernier cas, dans un état très variable, de frais à
la putréfaction avancée. Les échouages multiples concernent surtout les dauphins communs en hiver.
Les échouages en masse d’animaux vivants sont plus rares. Certains échouages sont exceptionnels
pour les grands cétacés comme pour le cachalot (Mimizan, 2003) ou le rorqual (La Rochelle ou Arcachon).
Depuis 2003, des observateurs embarquent sur les bateaux de l’Ifremer dans le cadre de
campagnes halieutiques. Ces observations permettent un suivi de la distribution et des abondances
des espèces sur le plateau continental du golfe de Gascogne, second volet de l’observatoire.
Enfin, les interactions entre les cétacés et la pêche sont suivies à travers les captures accidentelles, troisième questionnement de l’observatoire. Ainsi, l’analyse de contenus d’estomac permet
de voir si l’animal avait une relation (trophique) avec l’espèce ciblée par les pêcheurs. Par ailleurs, il
est possible d’étudier les trajets potentiels des individus morts et de leurs échouages, à partir des
modèles de Météo France (prévision des vents, des marées et des courants…) en marquant l’animal
avant de le relâcher. Cela permet d’estimer le nombre de cétacés qui se sont réellement échoués.
La fréquentation du système Pertuis-Gironde par les mammifères marins s’étudie à travers les
données d’échouage, les observations issues des campagnes scientifiques et les observations opportunistes. La zone d’étude s’étend des Sables-d’Olonne à Arcachon. De 1971 à 2009, 4004 échouages
ont été recensés, ce qui représente 11 % des échouages en métropole. 71 échouages ont eu lieu sur
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
les rives de l’estuaire. 27 espèces ont été observées dont 21 à titre exceptionnel (moins de 10 cas sur
35 ans). 6 espèces ont une présence régulière dont celle, dominante, du dauphin commun auquel
s’ajoutent le dauphin bleu et blanc, le grand dauphin, le globicéphale noir, le marsouin commun et le
phoque gris. Le dauphin commun représente 80 % du nombre de mammifères marins présents sur le
système Pertuis-Gironde et 70 % sur la façade atlantique. Les échouages multiples de cette espèce
se regroupent de la mi-janvier à début avril.
Parmi les échouages exceptionnels, on peut citer un rorqual commun en 2004 à Mortagne-sur-Gironde, un rorqual
boréal en 1995 dans le même
port, un cachalot nain en 1999 à
Saint-Georges-de-Didonne et un
cachalot pygmée en 2010 à Montalivet (24 cas en France).
D’autres
observations
sont issues des campagnes en
mer. La campagne Pelgas, de mai
2003 à 2009, a permis de mieux
connaître les conditions hydroloFigure 12 : les 6 espèces de mammifères marins observées
de façon régulière sur la façade atlantique et le système Per- giques particulières du panache
tuis Gironde (% des observations), in Communication de Lau- de la Gironde qui s’étend sur une
rence GONZALES au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010 large zone du plateau continental.
Celui-ci influence la productivité et
le recrutement des petits poissons d’espèces pélagiques (vivants dans la colonne d’eau). Les campagnes ont permis de dresser des cartes de probabilités de présence. Par exemple, le dauphin bleu et
blanc et le globicéphale noir affectionnent le talus du plateau continental comme les baleines à bec et
les cachalots. Le dauphin commun fréquente le milieu du plateau continental sur la zone sud du golfe
de Gascogne et au niveau du panache de la Gironde. Le panache expliquerait la distribution de cette
espèce au large.
Les observations opportunistes sont le fait des plaisanciers qui remplissent des fiches préimprimées pour noter leurs rencontres. Mais dans ce cas, la pression d’observation n’est pas maîtrisée et il convient d’être vigilant quant à l’interprétation de ces données. Ces fiches mettent en évidence la fréquentation de la zone côtière par deux espèces, le globicéphale noir et le phoque gris.
Pour le premier, les photos ont permis d’identifier 110 individus. Le globicéphale est un visiteur très
régulier des pertuis et du panache en été et fidèle au site. La question de sa motivation se pose : alimentation, reproduction ou simple lieu de passage?
Le phoque gris a été observé 50 fois depuis 1994. Les signalements en hiver ou au printemps
sont réguliers depuis 2 ou 3 ans. Ce sont des jeunes.
Dans les pertuis, les observations opportunistes révèlent 4 espèces Natura 2000 : le grand
dauphin, le phoque gris, le phoque veau marin et le marsouin commun.
En conclusion, la composition des échouages révèle une prédominance du dauphin commun
dans le système Pertuis-Gironde. Les observations des campagnes en mer montrent que le panache
de la Gironde semble jouer un rôle important dans la distribution du dauphin commun au large. Les
observations opportunistes révèlent des apparitions régulières du globicéphale noir (printemps-été) et
du phoque gris (hiver-printemps).
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
DÉBAT
Michel BELLOUIS, Michel SÉGUIGNES, Laurence GONZALEZ
Cédric Hennache, Creaa, s’adressant à Michel Séguignes
Votre étude a porté sur l’estran. Qu’en est-il de la situation sous le zéro des cartes ? Y a-t-il
une étude en cours ? Y a-t-il des impacts similaires et jusqu’à quelle profondeur ? Peut-on considérer
que la météo et les impacts climatiques influent sur les populations de ces zones ?
Michel Séguignes
Il n’y a pas eu d’inventaire en zone subtidale, juste une petite intervention dans le pertuis Breton avec Eric Feunteun, dans la zone centrale plus profonde. C’est une région très turbide où une
visibilité de quelques mètres seulement ne se rencontre que quelques jours par an quand souffle le
vent du Nord. Mais en hiver, les conditions sont difficiles pour la faune et le plongeur. Il doit y avoir un
impact, mais nous ne savons pas lequel.
Jean-Louis Martin, les carrelets charentais, à Michel Bellouis
Pouvez-vous nous redonner l’adresse de la rétrospective du système Pertuis-Gironde ?
Michel Bellouis
Elle est en accès libre sur internet. On peut utiliser un système d’information géographique qui
permet de superposer aux photos d’autres données comme un trait de côte, des photos actuelles. On
peut mettre des fichiers à disposition pour les partenaires du projet. Ce sont des fichiers très lourds
dans un format un peu particulier. Vous pouvez trouver le catalogue des photos sur la France métropolitaine avec les zones et les dates disponibles. Et nous commençons à numériser les photos provenant d’outremer.
http://www.ifremer.fr/sextant/fr/web/photos-anciennes-littoral/
Gérald Viaud, président du comité régional conchylicole Poitou-Charentes
Il n’y a pas seulement un impact climatique sur la faune. Les huîtres sont les sentinelles du
milieu. Autrefois, quand on avait un coup de vent sur nos parcs, dans les trois jours qui suivaient, les
huîtres repartaient à pousser. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Quand il y a un coup de vent, les
huîtres ont du mal à repartir en croissance. Avec Xynthia, les terres ont été lessivées et toutes sortes
d’entrants sont arrivées dans le milieu. Y a-t-il un effet conjugué des entrants et des conditions climatiques ?
Michel Séguignes
Il existe des effets mécaniques des événements climatiques. Comment cela fonctionne à long
terme ? C’est plus difficile à savoir. Quand Xynthia lessive le milieu sur des zones très vastes, il y a un
apport terrigène en plus de la partie turbide. Les vases profondes impactées depuis des décennies
par l’activité industrielle sont labourées par la tempête et elles se retrouvent mises à disposition dans
la chaîne alimentaire. Je ne peux pas vous dire quel en est l’effet, mais il est indéniable qu’une tempête qui laboure le fond remet en suspension une quantité très importante de toutes les substances
chimiques, métaux lourds et autres.
Joël Mercier, DDPP 33
Nous avons entendu parler de différents réseaux d’observations mais qu’en est-il des radionucléides, compte tenu de la présence de la centrale de Blaye qui impacte le système PertuisGironde ?
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Michel Séguignes
Je ne travaille pas sur le sujet, mais mes collègues du laboratoire LIENSs étudient la répartition des nucléides un peu partout sur le littoral. Ce travail est en cours, je n’en connais pas les résultats. L’institut national de surveillance nucléaire a peut être aussi des informations.
Figure 13 : colloque de Royan des 28 et 29 octobre 2011 (© François COLAS / Agence des aires
marines protégées)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Le partenariat pêcheurs-scientifiques pour le suivi des ressources en coquilles Saint-Jacques (Pecten maximus) et
pétoncles noirs (Chlamys varia) des Pertuis charentais
Gérard BIAIS
Ifremer
La pêche des coquilles Saint-Jacques et des pétoncles se pratique en novembre-décembre et
en février dans les pertuis charentais. L’effort de pêche est encadré par des licences, des jours et des
heures de pêche. Avant l’ouverture de la campagne, des visites de gisements sont organisées pour
servir de base à la décision d’encadrement. Ces visites ont lieu sur des navires professionnels. Les
scientifiques apportent leur aide pour l’organisation de ces journées et traitent les résultats. Ceux-ci
sont présentés en ouverture de la réunion de la commission « Courreaux » du Comité local des
pêches. L’encadrement annuel y est proposé pour adoption par le comité régional des pêches puis
par l’administration.
Un retour sur les
quarante dernières années montre que cette
gestion participative de
la ressource a conduit à
de longues périodes de
fermeture de la pêche
tant la ressource était
faible. En 1970, la pêche
du pétoncle a été fermée
alors que des prises
entre 800 tonnes et 1
500 tonnes avaient été
observées pendant 20
ans. La pêche a repris
au début des années 90
dans le pertuis Breton et
en 1999 dans le pertuis
d’Antioche. La pêche de
la coquille Saint-Jacques
Figure 14 : remontée d’une drague remplie de pectinidés, in Commu- a été fermée, elle aussi,
nication de Gérard BIAIS au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
entre 15 et 20 ans.
Les graphiques montrent un nombre moyen de bateaux assez stable dans le pertuis Breton et
plus variable dans le pertuis d’Antioche. Le nombre de licences délivrées multiplié par le nombre
d’heures montre que l’effort de pêche est plus élevé que l’effort déclaré initialement. Ceci témoigne de
la souplesse de l’encadrement, mais il n’y a pas de dérive excessive. La flottille ne s’approche pas de
l’effort maximal possible. Ce système apparaît comme un moyen intéressant de régler l’effort de
pêche.
Les visites de gisement constituent une bonne information sur les ressources mais avec
e
quelques limites. C’est une très vieille pratique qui a commencé au milieu du XIX siècle. L’obligation
d’organiser ces visites date de 1954. C’était des journées de pêche exploratoire avec participation
d’agents de l’Ifremer (ISTPM à l’époque) et des affaires maritimes. Le protocole a longtemps été limité
à des désignations de zones à des bateaux. Certaines zones étaient oubliées, d’autres trop draguées.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
26
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Le protocole n’était pas toujours codifié, il était donc variable. La base de données n’est pas d’une
utilisation facile avec des rendements d’année en année pas toujours comparables.
Le besoin d’une base de données plus fiable a conduit au lancement de la campagne COPER
avec la Thalia, un navire d’Ifremer, en 2000. Une procédure valable pour les différents gisements de
coquilles (baie de Saint-Brieuc, baie de Seine, pertuis) a été élaborée. Il a été décidé de réaliser des
traits de drague de longueur fixe (400 ou 200 mètres), tirés au hasard avec des nombres de traits par
zone en proportion de l’abondance en coquilles des années antérieures et de sa variabilité. Les professionnels ont collaboré pour la désignation initiale des zones de pêche et ils ont été nombreux à
embarquer sur la Thalia.
Les campagnes COPER ont
abouti à une meilleure connaissance de l’abondance, des variations interannuelles et des variations spatiales des coquilles. Mais
ces campagnes n’empêchent pas
l’Ifremer de continuer à participer
aux visites de gisements. Après
l’arrêt de la participation des affaires
maritimes en 2008, les protocoles
de ces visites ont été révisés. Ils
sont standardisés pour se rapprocher de ceux des campagnes scientifiques. Un protocole systématique
a été mis en place pour le pétoncle
et un protocole aléatoire stratifié
pour la coquille.
Figure 15 : répartition de l’abondance de la coquille SaintJacques (Campagne COPER 2009), in Communication de
Gérard BIAIS au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Les données recueillies de 1993 à 2006 mettent en évidence les principales zones
d’abondance du pétoncle. Le gisement principal est celui de La Flotte. L’autre gisement important, au
sud du pertuis d’Antioche est le banc de la Courante. Ce dernier est prospecté, mais pas exploité, car
il est interdit à la pêche.
Les résultats comparés des visites et des campagnes de pêche montrent des rendements
plus variables pendant les visites de gisements que pendant la campagne de pêche. C’est logique,
car la pêche se fait sur les endroits les plus intéressants. Dans les visites, tout est prospecté, y compris les zones où il n’y a pas grand-chose.
Finalement, les renseignements tirés des différents protocoles (campagne COPER dédié, visites et campagne de pêche) se correspondent assez bien.
Les travaux sur le pétoncle et la coquille Saint-Jacques constituent un bon exemple de coopération entre pêcheurs et scientifiques. Le protocole est appliqué, mais il est à améliorer pour la coquille. Cette coopération est un processus long à mettre en place et fragile. Il faut apprendre à se
connaître, le facteur humain est important. L’environnement est favorable mais il reste à faire un exercice de définition préalable des règles de décision.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Un parc national pour les Calanques ?
Mobilisation et expertise des usagers
Valérie DELDRÈVE
Cemagref
Le travail présenté est un projet de recherche du programme concertation/décision/environnement (CDE) du ministère de l’Environnement pour le futur parc national des
Calanques : « Un parc national pour les Calanques ? Construction territoriale, formes de concertation
et principes de légitimité ». Le projet est divisé en trois volets. Le premier est le suivi du processus de
concertation mis en place par le GIP (Groupement d’intérêt public) des Calanques, pour l’élaboration
de la charte, et des différentes formes de mobilisations collectives.
Le deuxième volet traite de
l’étude des différents usages des
Calanques. L’accent a été mis sur
les usages récréatifs pour trois
raisons. Le GIP a entamé une autre
étude sur les activités économiques. Celles-ci font, en grande
partie, l’objet de négociations en
dehors du processus de concertation. Les usagers récréatifs ciblés
sont au cœur de nombreux enjeux
discutés dans le cadre de la charte.
Le troisième volet est une
entrée territoriale avec la prise en Figure 16 : les Calanques sont le lieu idéal pour la pratique
compte des marges urbaines du des loisirs nautiques (© Tiphaine RIVIERE / Agence des
parc et les implications de la consti- aires marines protégées)
tution de ce parc pour les quartiers
limitrophes et des communes comme La Ciotat, par exemple.
L’étude est transversale aux trois entrées à partir de la question des principes de légitimité et
des inégalités écologiques. Quels usages légitimes et pour qui dans un parc national ?
L’avant projet de parc est défini par le GIP des Calanques en 2008. Le 30 avril 2009, l’Etat
prend en considération le projet et définit un premier périmètre de « cœur ». C’est le début de la concertation pour la charte du parc national avec la mise en place des ateliers thématiques, territoriaux et
des réunions bilatérales. La suite du calendrier prévoyait l’enquête publique en avril-mai 2011 et la
création du parc national des Calanques en juin 2011. Mais l’aboutissement sera largement décalé
dans le temps.
Les partenaires en sont à la discussion de la deuxième version de proposition de charte. La
carte présentée a évolué depuis mais les changements n’ont encore rien d’officiel.
Cette communication veut s’attacher à montrer le rôle des usagers récréatifs dans le processus de concertation, leur mobilisation et leur expertise. Le travail s’est réalisé à partir de matériaux
qualitatifs : l’observation des différentes réunions de concertation et des entretiens auprès des multiples usagers.
Le GIP a recruté les participants à la concertation et leur a assigné un rôle. Les usagers sont
entrés dans le processus et ont redéfini leur rôle au fur et à mesure. Ils ont montré leur capacité de
mobilisation et d’expertise.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Ce sont les chargés de mission du GIP, son directeur et les élus qui ont identifié la population
concernée. Les participants sont des propriétaires, des gestionnaires publics et privés, des représentants associatifs de collectifs d’usagers, de comité d’intérêt de quartier. Ils ont été choisis au niveau le
plus fédératif possible pour limiter leur nombre et faciliter les échanges. Ils ont été répartis a priori
dans les ateliers thématiques et territoriaux qui les concernaient le plus.
Le GIP a défini leur rôle comme « ambassadeurs du parc » avec plusieurs missions : répercuter l’information auprès de leurs adhérents, établir le lien nécessaire avec la population concernée,
faire remonter les avis des adhérents et leurs intérêts collectifs, participer aux discussions au profit
d’un bien commun : la préservation des Calanques. Leur mission est aussi de participer à la production de propositions les plus consensuelles possibles et suffisamment exigeantes sur le plan écologique, la décision appartenant ensuite à l’Etat.
Les usagers se sont fortement impliqués redéfinissant les règles de la représentation telles
qu’elles avaient été définies par le GIP. Ils ont refusé d’être limités en nombre ou d’être représentés
au niveau le plus fédératif au profit d’une représentation qui collait le plus possible à leur spécificité. Ils
ont refusé d’être exclus de certains ateliers, ont établi un rapport de force auprès des chargés de mission et des élus locaux pour faire valoir un droit de participation au nom du sentiment d’être concernés
par plusieurs volets du projet et de la réglementation future. Ils l’ont fait aussi au nom de leur rôle passé dans la protection des Calanques et de la genèse du parc.
Les usagers n’ont pas voulu se laisser enfermer dans le rôle d’ambassadeurs du parc mais
ont voulu être reconnus comme usagers, riverains, citoyens, voire expert d’un usage ou d’un lieu. Ils
ont défendu leur position au-delà du processus de concertation pour jouer un rôle de contre-pouvoir.
Ils ont mobilisé leurs réseaux personnels, associatifs, professionnels, locaux, nationaux, voire internationaux. Ils ont lancé des pétitions sur internet et organisé des manifestations et des démarches auprès du ministère en charge de l’écologie.
Les usagers ont fait valoir leur expertise attachée à des pratiques de loisirs et de gestion et de
protection du milieu. Ils sont allés chercher une expertise scientifique au sein de leurs réseaux (biologistes, géologues) pour valider ou invalider les connaissances scientifiques des chargés de mission
ou du conseil scientifique du GIP. Ils ont revendiqué une expertise naturaliste par leur connaissance
intime du milieu.
Les chasseurs se sont mobilisés dans une définition du bon état écologique alors que les
chargés de mission demandaient le moins d’intervention possible. Ceux qui pratiquent l’escale ont
refusé la définition des périmètres d’une réserve intégrale.
Les pêcheurs, plongeurs, chasseurs sous-marins ont participé
aux réflexions sur l’opportunité de
repousser la sortie d’égout du
Cortiou plus loin dans la mer. Ils
ont proposé leurs propres inventaires. Tous ont exigé une reconnaissance de leur expertise et de
leur force de proposition.
L’un des points faibles de la démarche a été l’absence d’étude
en amont sur qui fréquente les
Calanques et pour quel usage.
Figure 17 : périmètre pris en considération par l’Etat (arrêté
du 30 avril 2009), in Communication de Valérie DELDREVE
au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Avis et expertise en milieu marin
Mireille RYCKAERT
Ifremer
Emètre un avis ou une expertise est une des missions de l’Ifremer. La réglementation prévoit
une consultation obligatoire de l’Ifremer avant toute décision dans certains domaines : titres et travaux
miniers et police des mines sur le fond de la mer (granulats marins), autorisation des exploitations de
cultures marines, autorisation des installations classées pour la protection de l’environnement, autorisation des travaux de dragage. Un certain nombre de documents de référence précise les conditions
de l’exercice de cette expertise : Charte de l’expertise et de l’avis à l’Ifremer, Guide à l’usage des responsables d’expertise, Statut et mandat de l’expert Ifremer, Comité d’éthique et de précaution Inra
Ifremer, La loi de programmation pour la recherche du 18 avril 2006, Charte nationale de l’expertise
(2010).
Un avis doit être considéré
comme une opinion technique et/ou
scientifique, émise sous forme écrite à
une date donnée, fondée sur les conclusions d’une expertise, en réponse à
une question écrite posée à l’Ifremer
par une autorité publique.
Une expertise est un ensemble d’activités nécessaires pour
analyser un problème posé en
s’appuyant sur l’état des connaissances, sur des démonstrations et sur
l’expérience des experts. Elle conduit
à la rédaction d’un document pouvant
se conclure par des interprétations,
voire des recommandations. Les expertises de l’Ifremer peuvent porter sur
les connaissances et l’évaluation des
ressources de la mer, les méthodes
de
surveillance,
de
prévision
d’évolution, de protection et de mise
en valeur du milieu marin et côtier,
l’aide au développement socioéconomique du monde maritime.
Figure 18 : procédure de traitement d’une demande
d’expertise par l’Ifremer, in Communication de Mireille
Le niveau de formalisation déRICKAERT au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
pend de l’importance du sujet. Trois
types de cas peuvent se présenter :
demandes d’avis au quotidien avec un simple échange de courrier, expertise de dossiers (exemple :
granulats) avec un dossier à analyser dans un cadre réglementaire, expertises de sujet qui demandent études et engagement contractuel.
Une charte nationale de l’expertise a été élaborée sous la responsabilité du PDG de l’Ifremer
et du DG du Cemagref. Elle vise à harmoniser les pratiques. Elle s’appuie sur trois principes : une
gouvernance de l’expertise transparente et encadrée, l’opérateur sera tenu de publier ses liens
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
30
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
d’intérêts existants entre les experts mobilisés et les parties concernées, un traitement systématique
de l’alerte environnementale et sanitaire. Le traitement d’une demande d’avis et d’une expertise
donne lieu à des procédures précises. Dans les Pertuis charentais, les demandes d’avis sont très
variées. Les plus fréquentes émanant des services de l’Etat concernent les autorisations de création,
d’extension ou de renouvellement de stations d’épuration en milieu littoral, les dragages et les cultures
marines. En Charente-Maritime, les avis (au regard de la loi sur l’eau), demandés par les services de
l’Etat sont analysés en groupe de travail par une délégation interservices de l’eau (Dise). Le service
instructeur synthétise l’ensemble des remarques pour présenter une position cohérente des représentants de l’Etat.
L’Ifremer en région apporte son expertise sur des grandes questions scientifiques dans ses
domaines de compétences comme la surveillance des mers et du littoral. Il s’agit d’analyser l’impact
éventuel de l’aménagement sur la qualité du milieu et/ou de la ressource. Les éléments nécessaires à
l’avis ou l’expertise sont apportés par la connaissance générale qu’a l’institut du secteur en s’appuyant
sur ses réseaux de surveillance et les études déjà réalisées. Le travail s’appuie également sur des
outils telles les modélisations numériques comme ceux pour le mouvement des masses d’eau (hydrodynamique) indispensables pour prévoir le devenir des apports et rejets.
Par exemple, l’Ifremer a
été sollicité par la ville de La Rochelle pour une expertise sur les
rejets de dragage liés au projet
d’extension du port de plaisance
des Minimes. Il s’agit d’analyser
les impacts possibles sur les ressources exploitées au niveau du
point de rejet des sédiments dragués. Dans ce cadre Ifremer a
réalisé une « assistance à la maîtrise d’ouvrage » pour la rédaction
du cahier des charges (avec l’aide
d’un spécialiste Ifremer de la dynamique sédimentaire) pour le
Figure 19 : maquette du port des Minimes après la création
3
du nouveau bassin ; des centaines de milliers de m devront suivi scientifique et technique de la
être dragués : un exemple d’expertise pour l’Ifremer réalisation de l’étude et pour
l’analyse critique des résultats en
(© Tphaine RIVIERE / Agence des aires marines protégées)
fonction du cahier des charges.
La mission d’avis et d’expertise permet une amélioration permanente des connaissances.
L’exercice offre aux experts une vision intégrée des multiples facettes de la gestion complexe du milieu maritime qui leur est utile pour fournir des éléments d’aide à la décision. Cette mission donne
aussi à l’Ifremer un ancrage dans le tissu local et régional des structures de décision, par le transfert
appliqué des connaissances issues des études et des recherches qui, elles-mêmes, se nourrissent
des questions posées.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
DÉBAT
Gérard BIAIS, Valérie DELDRÈVE, Mireille RYCKAERT
Jean Tardy, Université de La Rochelle
On observe que les pétoncles ont tendance à s’agréger. Quand un pétoncle adulte se trouve
quelque part, il attire les juvéniles qui viennent se métamorphoser à proximité. Cette tendance à
l’agrégation correspond bien à ce qui est mis en évidence dans le pertuis Breton dans vos schémas.
Pour les coquilles Saint-Jacques, pouvez-vous dire ce qu’il en est, est-ce une répartition beaucoup
plus aléatoire et disséminée et où se trouvent les juvéniles, mélangés aux adultes ou en autres lieux ?
Gérard Biais
Pour la Saint-Jacques, on observe des zones où il y a des paquets, une abondance plus forte.
Mais l’agrégation est moins locale. Les variations peuvent être importantes à peu de distance. La coquille se déplace, ce qui n’est pas le cas du pétoncle. Je ne pense pas, cependant, qu’elle se déplace
énormément. Tant qu’on n’aura pas marqué des juvéniles, il est difficile de le dire. On a marqué des
adultes, on les a retrouvés pas très loin un an après. Il y a des zones où il y a abondance de juvéniles,
mais on n’en trouve pas partout. Ils doivent se disperser ensuite.
Hans Hartmann, Université La Rochelle, Liens
Combien de personnes ont-elles été concernées par le processus de concertation sur le projet
de parc national des Calanques ?
Valérie Deldrève
Physiquement impliqués, il y a eu de 150 à 200 personnes. Mais il n’y avait pas plus de 20
personnes invitées en même temps aux réunions. Pourtant, par le bouche à oreille, on arrivait à des
réunions à plus de 50 ou plus de 100. Le nombre variait de la réunion bilatérale à la réunion publique.
Patrick Point, Université de Bordeaux 4
Vous avez soulevé à la fin la question selon laquelle les usagers non locaux n’étaient pas suffisamment représentés dans le processus de concertation. Mais il y a aussi des valeurs non liées à
l’usage qui intéressent un public beaucoup plus large qui sont des valeurs d’existence. On est dans
l’appréciation du maintien en l’état qui est une valeur de non usage. Comment cette dimension est
prise en compte dans le projet de parc ?
Valérie Deldrève
Le frein aux projets immobiliers qui a été une motivation du parc n’est pas une valeur de non
usage. Il y a eu une mobilisation très forte des usagers traditionnels qui avaient peur de voir leur
usage compromis par les nouveaux projets. Et il y a quand même une reconnaissance du patrimoine
en soi des Calanques. Elle est portée par les scientifiques, très peu par les associations de
l’environnement, car elles sont très peu investies dans le processus de concertation.
Gérald Viaud, président du comité régional de la conchyliculture Poitou-Charentes
Je n’ai pas bien compris l’importance économique des activités primaires dans les Calanques.
Valérie Deldrève
Je me suis beaucoup centré sur les usages récréatifs parce que le processus de concertation
était organisé autour d’eux. Les marins pêcheurs traditionnels sont intervenus un peu au cours du
processus dans les ateliers « mer ». Comme les viticulteurs de Cassis et les bateliers qui véhiculent
les touristes dans la Calanque, les professionnels ont été très peu présents dans le processus de
concertation. Les négociations avec eux ont eu lieu à la marge. Ce n’était pas l’objectif, ici, de présenter les résultats de ces discussions.
Benoît Sautour, Université de Bordeaux
L’Etat a mis en place des conseils d’estuaire sur les trois grands estuaires à marée français,
Seine, Loire et Gironde. Les conseils scientifiques d’estuaire ont pour vocation de donner des avis
d’expert sur les problèmes environnementaux de ces zones. L’Ifremer et les conseils d’estuaire peuvent-ils être sollicités ensemble pour des avis ?
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Mireille Ryckaert
Ce n’est pas encore prévu, mais rien n’empêche qu’un autre organisme que l’Ifremer soit également saisi. Si on avait un avis commun entre l’Ifremer et le conseil d’estuaire, on aurait plus de
poids. Pour l’instant, on n’a pas encore évoqué cette possibilité de coopération.
Jean-Louis Gaignon
Je rajouterais que rien n’empêche qu’il y ait une saisine collective.
Benoît Sautour
Les conseils d’estuaire sont des organismes pluriels par nature puisqu’ils regroupent des experts sans tenir compte de leur organisme de rattachement. La question se pose de l’interfaçage des
deux.
Mireille Ryckaert
La question se posera quand le parc sera créé. C’est le conseil de gestion qui gérera les demandes. On n’a pas encore réfléchi à la manière dont on fonctionnera avec le parc ou avec d’autres
organismes. C’est le parc qui devra se saisir de l’ensemble des thèmes que nous abordons seuls
actuellement dans les pertuis. Ce sera l’occasion d’aborder la structuration de cette collaboration.
Claude Gardey, fédération française du naturisme
Les naturistes font partie des usagers non-identifiés du parc des Calanques. Ils y sont présents de façon historique comme dans toutes les zones sauvages de France.
Valérie Deldrève
Ce groupe a été présent dès le début dans le processus de concertation. Il y a eu une forte
présence des naturistes dans les pétitions sur le net. Ils ont produit une contre-proposition et des
amendements par rapport au projet de charte.
En réponse à un intervenant dans la salle : Valérie Deldrève
La surface du parc est de 112 km² côté terre et de 480 km² côté mer. L’Etat a fait pression
pour que le côté mer soit plus étendu, mais ça posait beaucoup de problèmes à certaines administrations, notamment les affaires maritimes, pour les contrôles et le respect de la réglementation.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Session 2 :
Pratiques et ressources
Modérateur : Philippe BOËT
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Observer les pratiques littorales et maritimes
dans l'archipel des Pertuis charentais :
la contribution de l'Observatoire du littoral
et de l'environnement de l'Université de la Rochelle
Gabrielle MOSSOT
Université de la Rochelle
L’Observatoire du littoral et de l’environnement est créé en 2007 par l’Université de La Rochelle pour fédérer les actions existantes et inscrire de manière stratégique ce type de démarche dans
sa politique scientifique. Géographes et géologues ont créé l’Observatoire des côtes et des pratiques
(ECOP) qui s’attache à suivre l’évolution du trait de côte et à décrire et analyser les pratiques de tourisme et de loisir sur les littoraux sableux et dans l’espace maritime de l’archipel des pertuis. S’y ajoute
l’étude des pratiques de pêche à pied sur l’île d’Oléron. Ces deux programmes complémentaires,
rattachés à l’Observatoire des pratiques de tourisme et de loisir ont été nommés Qualiplages (20082012) et Gipréol (2009-2011).
L’observation s’appuie sur une approche quantitative pour déterminer les pics de fréquentation des plages et cartographier les flux alimentés par les ports et une approche qualitative fournissant
des données sur les profils des usagers et leur perception des espaces de pratique. Les études
s’appuient sur des photos aériennes et des comptages au sol complétés par des enquêtes et des
entretiens semi-directifs. Quatre travaux sont présentés dans cette communication.
 La fréquentation des plages
L’étude de la fréquentation des
plages de Charente-Maritime a été réalisée à partir de photos aériennes (ULM,
hélicoptère, ballon captif) pour l’aspect
quantitatif, et d’enquêtes pour l’aspect
qualitatif. Ce travail a permis de comprendre comment les plages se remplissent en fonction de leur accessibilité,
d’analyser des densités, de mesurer des
fréquentations moyennes. Les campagnes
ont eu lieu en 2008, 2009 et 2010. Les
photos ont été géo-référencées dans un
système d’information géographique. Les
comptages ont été réalisés par plage et
par commune.
Une opposition claire entre plages
urbaines à forte densité et plages nonurbaines a été mise en évidence. Les
prises de vue par ballon captif à différents
moments de la journée montrent le remplissage et le comportement des « plageurs » : comment se positionne quelqu’un
Figure 20 : répartition des estivants sur les plages de
Ré, Oléron et l’agglomération rochelaise, in Communi- quand la plage est pleine ? Quand la plage
cation de Gabrielle MOSSOT au colloque de Royan des est vide ?
28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Les questionnaires ont permis de distinguer des profils de « plageurs ». Ils peuvent être touristes ou résidents principaux, logés sur place ou excursionnistes à la journée, hébergés chez des
parents, des amis ou en hébergement marchand. Il a été possible de dresser des profils de plage. Par
exemple, la conche des Baleines, sur l’île de Ré est essentiellement touristique alors que la plage de
Chef de Baie à La Rochelle est fréquentée par des locaux.
 Les pratiques littorales et maritimes
Cette étude s’intéresse uniquement
aux pratiques maritimes des plaisanciers. Le
constat est que l’on n’a qu’une connaissance
médiocre des pratiques et qu’il existe une
grande diversité des structures de gestion et
des réglementations des ports de plaisance.
Comme il n’y a pas de protocole ni de données
uniformes, on ne peut pas les comparer. Ce
travail a pour but de mieux connaître les pratiques nautiques, ce qui permettra de prévenir
les conflits entre les différents usagers, de
mieux gérer l’espace maritime, de répondre
aux impératifs de sécurité et d’améliorer la
gestion des infrastructures à terre.
Figure 21 : itinéraires suivis par les voiliers au
départ du port des Minimes avec les destinations
principales, les ports des îles, le tour de Fort
Boyard et de l’île d’Aix (été 2008), in Communication de Gabrielle MOSSOT au colloque de Royan
des 28 et 29/10/2010
La méthode utilisée comprend les
comptages à terre et en mer, les photos aériennes et les enquêtes de terrain. Le questionnaire réalisé sur le ponton, au retour du
bateau, permet d’avoir l’information principale
avec une carte retraçant la sortie qui vient
d’être effectuée. Il permet de renseigner le
temps de sortie, le nombre de jours de navigation par an, les caractéristiques du bateau et
l’âge du capitaine. Le croisement des différentes méthodes permet de se rapprocher au
plus près de la situation réelle.
Les comptages permettent d’établir des comparaisons : 182 mouvements aux Minimes le
mardi 17 mars 2009 contre 1 572 mouvements le dimanche 10 août 2010, par exemple. Comme on
pouvait s’y attendre, les flux montrent une forte variation saisonnière mais aussi quotidienne. Les flux
en bateaux qu’ils soient à moteur ou à voile vont vers les îles et les pertuis, sillonnés en tous sens.
 Les pratiques récréatives sur les estrans rocheux : l’exemple de la pêche à
pied sur l’île d’Oléron
L’objectif de ce programme (Gipréol) est une analyse du système ressource-usage dans
l’optique d’une meilleure gestion de la ressource. Ce programme associe des biologistes, des juristes
et des géographes avec en année 1 l’approfondissement des connaissances, en année 2
l’expérimentation, et en année 3 un retour d’expérience. L’espèce cible de l’étude est l’étrille, Necora
puber, sur les estrans rocheux du nord d’Oléron. Le travail des géographes a consisté à comprendre
le système des acteurs de la pêche à pied, gestionnaires et pratiquants. Il a fallu quantifier l’impact
des pêcheurs sur la ressource pour proposer des recommandations en adéquation avec le système
de gestion en place.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
37
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Une typologie des pêcheurs a été élaborée
par enquête auprès de 53 pêcheurs et interviews de
12 experts. Il s’agissait de mesurer le potentiel
d’écocitoyenneté des pêcheurs. Cela a abouti à un
classement en 5 catégories du pêcheur local, expérimenté et écocitoyen au pêcheur amateur en passant
par le pêcheur régulier responsable, le pêcheur régulier peu informé et le pêcheur opportuniste. On passe
ainsi d’une bonne à une mauvaise pratique avec
toutes les nuances entre les deux. Celui qui n’a pas
de connaissances est un pêcheur à sensibiliser,
l’expérimenté est un pêcheur à mobiliser dans le
cadre d’une cogestion de la pratique.
L’étude débouche sur des recommandations :
mutualiser les efforts, les moyens humains au sein du
système de gestion, développer l’information et la
sensibilisation et mettre en place des jachères ou
jachères tournantes.
Figure 22 : Necora puber, l’étrille, in
Communication de Gabrielle MOSSOT au
colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
 La représentation des espaces littoraux et maritimes
Réalisée pour le
programme
Qualiplages
2008,
cette
enquête
s’appuie sur un questionnaire.
Il
montre
que
l’attractivité des plages repose sur la nature et
l’environnement qui cumulent presque 47 % des réponses par rapport au facteur humain (équipements
et activités proposées). A
76,7 %, les usagers préfèrent les grandes plages et à
90 %, ils considèrent que la
présence d’oiseaux marins,
de coquillages et de crustacés comme des éléments
Figure 23 : répartition des réponses au questionnaire sur un clés du littoral.
échantillon de 544 estivants de l’île d’Oléron, in Communication de
Gabrielle MOSSOT au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Pour eux, le littoral, c’est la nature et l’environnement, dunes et paysages. Ce sont ensuite les
phares, les ports de pêche et de plaisance, les bateaux. La majorité des attentes paysagères concernent des éléments maritimes. En revanche, les activités industrielles et urbaines ont un impact négatif.
Pour 56 % des personnes interrogées, ce patrimoine doit être protégé même s’il faut en limiter
l’accès. Elles sont favorables à des solutions de gestion qui reposent sur la réglementation et
l’éducation, pour une gestion participative. En 2008, les usagers des plages étaient favorables à la
création d’un parc naturel marin (83 %).
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
DÉBAT
Gabrielle MOSSOT
Philippe Chailloleau, Fédération nationale des pêcheurs plaisanciers et sportifs de France
Vous parlez des pêcheurs professionnels ou des pêcheurs plaisanciers ?
Gabrielle Mossot
Des pêcheurs de loisir.
Philippe Chailloleau
Il faut prendre en considération les pêcheurs professionnels qui prennent des crabes au filet.
Gabrielle Mossot
L’étude portait sur les pêcheurs amateurs de crabes sur estran rocheux. Il serait intéressant
d’élargir l’étude aux sites sableux et aux pêcheurs professionnels.
Philippe Chailloleau
J’ai été professionnel pendant 10 ans comme patron. Je faisais les filets. Toute la journée, on
écrasait des crabes à la mailloche. C’est pour cela qu’il ne faut pas trop accuser le plaisancier. Il faut
que les professionnels respectent aussi les jachères. Dans les aires marines protégées, 50 % des
surfaces sont des réserves, je préfère le terme jachère.
Gabrielle Mossot
Ce sont des recommandations que nous formulons, mais c’est le gestionnaire qui décide.
Philippe Chailloleau
Le terme réserve me fait un peu peur. On a celle de Moëze dans laquelle tout est interdit à la
pêche de loisir et les professionnels peuvent l’exploiter, ce qui n’est pas normal.
Jacques Gardey, Fédération française de naturisme
Avez-vous prévu des enquêtes sur les plages de la presqu’île d’Arvert et du sud du département ?
Gabrielle Mossot
Pas que je sache. Il se peut qu’on y aille, mais ce n’est pas dans les projets pour le moment.
Valérie Deldrève, Cemagref
Avez-vous fait une étude socio-démographique de ces usagers ? Je suis étonnée par certains
résultats comme la remise en cause de la gratuité d’accès au littoral.
Gabrielle Mossot
Vous parlez des échantillons. On essaie que nos échantillons soient représentatifs de la population en terme de chiffre global et sur le profil des « plageurs ».
Philippe Grand, UNAN 17
Avez-vous établi une véritable corrélation entre la durée d’utilisation et de sortie que vous
avez indiquée (un peu plus de 3 heures pour les voiliers) et les trajets très bien représentés ? Nous,
nous retenons plutôt la sortie à la journée, au week end, à la semaine et hauturière. Vous avez une
propension à travailler au départ de La Rochelle, il y a le reste du département qui serait intéressant à
prospecter.
Gabrielle Mossot
Je ne connais pas les intentions de Louis Marrou sur la suite de ses projets. Vous pouvez le
contacter.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Jean-Louis Martin, carrelets charentais
Je suis étonné que vous ne parliez pas des carrelets. Vous êtes resté sur Ré et Oléron qui
n’en comportent pas. Pourtant, ça fait partie de notre patrimoine, ça vaut le coup d’en parler.
Gabrielle Mossot
Il n’y a pas de carrelets sur Oléron, c’est pourquoi nous n’en avons pas parlé.
Alain Violleau, Agence régionale de santé Poitou-Charentes
Sous l’aspect environnement, voyez-vous l’aspect sanitaire de l’eau ?
Gabrielle Mossot
Complètement, dans l’enquête on a distingué les différentes composantes de l’environnement
dont la qualité de l’eau.
Alain Violleau
Peut-on avoir connaissance du document établi en ce sens ?
Gabrielle Mossot
Oui, vous pouvez contacter Virginie Duvat-Magnan. C’est dans le programme de recherche
Qualiplages que vous pouvez consulter.
Patrice Blaise, Comité régional olympique et sportif Poitou-Charentes
Dans les comptages aux Minimes, intégrez-vous les embarcations de voiles légères et sportives ?
Gabrielle Mossot
Oui, c’est pour cela que l’on parle de mouvements, ce sont tous les bateaux qui passent devant l’observateur. Mais nous n’avons pas de statistiques plus fines par catégories de bateaux.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Zones de réserve et préservation des ressources impactées par la pêche à pied : intérêt de leurs prises en compte
dans les aires marines protégées
Richard COZ
Université de la Rochelle
Cette communication veut montrer « l’effet réserve » de la concession scientifique établie au
nord-ouest de l’île d’Oléron depuis 3 ans et ses conséquences sur la population d’étrille, (Necora puber), une espèce exploitée par la pêche à pied.
La pêche récréative représente 12 % des prises des débarquements mondiaux, ce qui implique un impact direct et indirect similaire à celui de la pêche professionnelle, du moins quantitativement. En dehors de la consommation directe des ressources, ces prises provoquent un déséquilibre
trophique de l’écosystème et des perturbations, notamment avec le piétinement, le bruit des embarcations. Cela montre l’intérêt de la prise en compte de ces pratiques dans la gestion des stocks.
Le modèle biologique choisi pour l’étude est l’étrille qui présente une large répartition européenne mais discontinue, de l’étage médiolittoral à 70 mètres de profondeur. Le cycle de vie est complexe, entre les étages intertidal et subtidal avec une fécondité très importante (de 50 000 à 300 000
œufs). L’étrille croît par mues successives et vit 4 à 8 ans.
Le stock d’étrille se partage donc entre zones d’estran et la zone plus profonde entre lesquelles il existe des migrations saisonnières et journalières.
La mortalité par pêche intervient par casiers ou pêche à pied.Elle a un impact sur le milieu notamment avec le retournement des blocs. Les mesures de sensibilisation comme la diffusion de
guides des bonnes pratiques peuvent influencer le
niveau des mortalités (cf IODDE). La mise en place
d’une zone de la concession scientifique est intéressante pour sa capacité potentielle à réensemencer
les zones adjacentes pêchées.
Cette espèce a été suivie sur deux sites, celui de la jachère (ou concession scientifique) de 26
hectares et celui des Trois Pierres, une zone de
pêche, 500 mètres plus au sud. Les pics
d’abondance aux printemps 2009 et 2010 montrent
que la pression de pêche de mars à juin diminue
fortement le nombre de crabes aux Trois Pierres par
rapport à la jachère. Autre observation, le nombre
de femelles est largement supérieur dans la jachère
(40 % sur les Trois Pierres, 60 % sur la jachère). Il
en est de même pour le nombre de femelles matures (grainées) : 50 % sur la jachère, 20 % sur les
Trois Pierres. La jachère aurait donc un intérêt en
termes de préservation de l’espèce. Mais pourquoi
les femelles sont-elles plus abondantes et plus grainées sur la jachère ? Le manque de données avant
sa mise en place rend difficile la réponse. Il y a
l’influence de la jachère mais aussi les facteurs physiques et biologiques locaux. Les blocs sont un peu
Figure 24 : positions des zones d’études
sur l’île d’Oléron à la pointe de Chassiron,
in Communication de Richard COZ au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
plus gros sur la jachère, ça peut jouer sur les conditions et le comportement des individus.
Jachère
Trois pierres
Figure 25 : comparaison du nombre de femelles et de mâles d’étrilles présents sur les
2 sites étudiés, in Communication de Richard COZ au colloque de Royan des 28 et
29/10/2010
Pour ce suivi, 14 000 crabes ont été mesurés. Ils ont atteint une taille maximum de 85 à 86
millimètres alors que des tailles de 100mm sont atteintes en Espagne et en Ecosse. La pression de
pêche constante empêcherait les individus d’atteindre leur taille maximum. Les tailles maximum sont
ainsi inférieures sur la zone des Trois Pierres que sur la jachère. Il n’y a pas de taille minimum pour la
pêche de l’étrille. Si la préfecture décidait d’en remettre une (elle existait il y a quelques années), elle
pourrait s’inspirer des chiffres donnés pour la taille de maturité sexuelle fonctionnelle évaluée dans
cette étude à 45mm.
Le réensemencement des zones adjacentes est un autre intérêt de la jachère. La dérive littorale (courant marin longeant les côtes et pouvant transporter sédiments, algues, larves…) étant nordsud, les larves sont dispersées vers le sud, vers les zones pêchées.
Les résultats obtenus montrent qu’il est nécessaire d’établir des tailles de maturité sexuelle
pour les gestionnaires et les législateurs. Ils ont été présentés à une centaine d’usagers de l’île
d’Oléron en septembre, pour consultation. Cette réunion a aussi été l’occasion d’un vote pour le devenir de la concession scientifique. La poursuite de la zone protégée a été adoptée à l’unanimité et la
majorité était pour la mise en place d’autres réserves, toujours dans une démarche de consultation
des locaux.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Influences écologiques de la pêche à pied récréative sur
l’île d’Oléron : impact du retournement des blocs rocheux
intertidaux sur les assemblages benthiques associés
Mathieu LE DUIGOU
Université de la Rochelle
L’étude porte sur l’impact du retournement des blocs rocheux sur la faune et la flore qui leur
sont associés. Les estrans rocheux dans les pertuis se retrouvent surtout sur les îles de Ré et
d’Oléron. L’association IODDE qui travaille à quantifier la pression de pêche a recensé 113 000 sessions de pêche à pied récréative par an sur les zones rocheuses d’Oléron. Cette pression répétée a
un impact sur la ressource, sur le milieu et les espèces qui y vivent. Les 26 hectares de jachère à la
pointe de Chassiron depuis février 2008 constituent une véritable « zone laboratoire », en particulier
un champ de blocs de 1,5 hectare utilisé dans le cadre d’un travail de doctorat. Ce travail a deux objectifs : estimer la diversité spécifique associée à cet habitat et décrire la dynamique naturelle des
assemblages de champs de blocs.
Quinze blocs rocheux ont été
prélevés en hiver et quinze autres en
été et transportés au laboratoire pour
inventaire. 224 espèces ont été identifiées pour un peu moins de 4 m², ce qui
donne une idée de la richesse de ces
milieux, soit 60 à 70 espèces par bloc
de 500 cm². 378 espèces ont été identifiées pour le site. 104 espèces constituent un nouveau signalement dans la
zone des pertuis. Cette forte diversité
s’explique par la complexité de cet habitat, mélange de sédiments, de surfaces
rocheuses abritées et découvertes. En
plus, les blocs calcaires des côtes charentaises sont forés par de petits vers et
Figure 26 : zoom sur un bloc rocheux foré par des vers,
des mollusques ce qui ajoute à la com- in Communication de Mathieu LE DUIGOU au colloque
plexité.
de Royan des 28 et 29/10/2010
Pour étudier la dynamique spatio-temporelle des champs de blocs, 3 parcelles de 64 m² ont
été quadrillées. Les espèces ont été comptées et identifiées à raison de 15 dates pour les 3 parcelles
sur 2 ans. Cela permet d’avoir des informations sur le cycle de vie de ces espèces et leur évolution
saisonnière. Seules 8 espèces ont une saisonnalité marquée sur 90 espèces communes.
Pour mesurer l’impact des perturbations, il fallait des entités rocheuses calibrées. 200 parpaings ont été choisis et fixés à la banche calcaire dans une écluse à poisson sur Dolus-d’Oléron. Au
bout de 4 mois de colonisation, certains lots ont été perturbés en laissant un lot témoin sans perturbation. Deux modes de perturbation ont été expérimentés, un uniquement sur la saison estivale, l’autre
en mode continu pour voir la réponse des organismes. Pour chaque perturbation, 3 intensités différentes ont été choisies : tous les 4 mois, tous les 2 mois, tous les mois.
Sur les blocs colonisés, 161 espèces d’invertébrés benthiques et 14 espèces d’algues ont été
identifiées. La comparaison avec des blocs naturels sur le site n’a pas mis en évidence de différence
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
significative. Le nombre d’espèces présentes sur le dessous et le dessus des blocs diminue de façon
significative en fonction de l’instabilité croissante du retournement. L’impact négatif est plus important
sur le dessous des blocs, notamment pour tous les organismes fixés. La comparaison sur les espèces
entre les lots non retournés et les lots perturbés montre une forte diminution des espèces. 16 espèces
subissent des impacts très marqués. Cas rare, pour 3 espèces, les densités sont stimulées parce que
l’espace est libéré par les autres.
Plus on perturbe et plus on perd
l’organisation hiérarchique des assemblages
des espèces du dessous et du dessus de
bloc. Les blocs ont alors un assemblage altéré, commun des 2 côtés (dessous / dessus).
Cette expérience a permis de quantifier la pression de retournement et de construire un indice à partir de 9 espèces en fonction de leur présence ou de leur absence :
algues dressées, ascidies coloniales, ascidies
solitaires, hydraires, bryozoaires, Pomatoceros triqueter, Balanus perforatus, Diodora
graeca et Porcellana platycheles. L’indice a
été construit après avoir vérifié que la réponse
de ces espèces était constante dans le temps.
C’est une première avancée dans la
Figure 27 : évaluation des effets du retournement
perspective
d’une évaluation de la qualité
des blocs, in Communication de Mathieu LE
écologique
de
ces systèmes. Son champ
DUIGOU au colloque de Royan des 28 et
d’application
actuel
se limite aux blocs médio29/10/2010
littoraux battus des côtes charentaises. Des
études complémentaires sont encore nécessaires, afin d’éprouver sa validité sur différents sites du
littoral charentais, en relation avec leur fréquentation.
Figure 28 : champ de blocs de rochers sur l’île d’Oléron, in Communication de Mathieu LE DUIGOU au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
La pêche de loisir de poissons sur les Pertuis charentais
et l’estuaire de La Gironde
Mathieu VASLET
Université de la Rochelle
Qu’est-ce que la pêche de loisir ? Le décret du 11 juillet 1990 la définit comme une pêche
dont « le produit est destiné à la consommation exclusive du pêcheur et de sa famille et ne peut être
colporté, exposé à la vente, vendu sous quelque forme que ce soit ou acheté en connaissance de
cause ». Cette pêche peut être pratiquée à partir du bord ou depuis un bateau. Différentes techniques
de pêche sont possibles : surfcasting, carrelet, leurre, filet, palangre, traîne, chasse sous-marine…
Une étude de l’Ifremer de 2009 dénombre 2,45 millions de pêcheurs pour un chiffre d’affaires
du secteur de 1,55 milliard d’euros en France métropolitaine. Cette activité implique directement les
ports, la filière nautique, les marchands de matériel de pêche, les fournisseurs d’appâts naturels, les
guides de pêche et autres pêche-promenade, un tourisme spécifique. Elle est encadrée par des associations et des fédérations de pêche très actives. La pêche de loisir est donc une activité importante
d’un point de vue socio-économique. Est-elle importante aussi d’un point de vue biologique ? Quel est
son impact sur les ressources halieutiques ? Il y a un vrai besoin de données précises.
Dans cet objectif, une étude a été mise en œuvre et des informations présentées ont été obtenues par des enquêtes de terrain sur les ports et les côtes et par la collaboration d’un réseau
d’acteurs. Un questionnaire a été proposé aux pêcheurs, complété par un carnet de suivi de captures
pour être plus précis en termes de sorties, de techniques de pêche adoptées et des espèces prélevées.
Des catégories de pêcheurs ont été caractérisées : pêche du bord ou en bateau, puis selon le
type de résidence : annuelle, secondaire ou touristique. Enfin un sous-profil basé sur l’expérience
distingue les débutants, les intermédiaires et les experts.
Les graphiques montrent les populations de pêcheurs en classe d’âge et en profils caractérisant une population âgée (plus de 60 % ont plus de 55 ans) avec une majorité de retraités. L’intensité
de la pratique augmente à partir d’avril jusqu’à août-septembre. Si le nombre de pêcheurs stagne
pendant la belle saison, le nombre de sorties augmente jusqu’en août.
Les espèces ciblées ne sont
pas tout à fait les mêmes du bord ou
en bateau mais le bar commun domine dans les deux cas. Pour la
pêche du bord, les espèces sont, par
ordre décroissant, le bar, la sole, le
bar moucheté, le maigre, l’anguille,
le mulet, la dorade grise. Pour la
pêche au bateau, dans le même
ordre, on voit le bar, le bar moucheté, le maquereau, le maigre, la dorade grise, le congre, la sole.
Figure 29 : la pêche au leurre peut être pratiquée du bord ou
en bateau (© Mathieu VASLET / Université de La Rochelle)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
46
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Figure 30 : les tailles de prélèvement pour le bar commun montrent un pic au niveau de la
maille réglementaire et de la maille biologique, in Communication de Mathieu VASLET au
colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
En 2009, les prélèvements annuels de bar commun vont de 15,5 kg pour un résident annuel
en bateau à 1,7 kg pour un touriste en bord de mer. En bateau, l’expert prend 30,5 kg par an alors
que le débutant prend 3,10 kg. Pour les tailles de prélèvement, il y a deux pics, un à 36 cm qui est la
taille réglementaire de capture et un à 40 cm qui est la taille biologique (taille à laquelle l’individu s’est
reproduit au moins une fois).
Pour le maigre, les prélèvements moyens vont de 11,2 kg/an pour le résident annuel en bateau à 2 kg/an pour le touriste au bord de la mer. Les tailles de prélèvement comportent plusieurs pics
alors que la taille de maturité sexuelle est de 60 cm pour le mâle et de 80 cm pour la femelle. La quasi-totalité des pêcheurs déclarent prélever des poissons qui ne se sont jamais reproduits.
La pêche de loisir est une activité aux multiples facettes, tenant compte de la pratique et des
techniques utilisées. Les principales espèces ciblées sont le bar commun ou moucheté, le maquereau, la sole et le maigre. Les prélèvements sont très variables en fonction du comportement des pêcheurs, de la possibilité de remettre le poisson à l’eau, des changements de lieux de pêche et des
techniques.
Les tailles des prélèvements sont plus ou moins bien
adaptées à la biologie de l’espèce,
notamment pour le maigre. Des
études sont nécessaires pour obtenir des données plus fiables et
les plus représentatives possibles.
Cette activité est importante sur un
plan socio-économique mais impacte potentiellement les ressources halieutiques, ce qui est
confirmé par les résultats de
l’Ifremer. Cela justifie que la pêche
de loisir soit intégrée à la gestion
durable et concertée des activités
et des ressources du parc naturel
marin.
Figure 31 : pêche au leurre à partir du bord (© Mathieu
VASLET / Université de La Rochelle)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Écologie, biologie et exploitation du maigre du golfe de
Gascogne : vers une approche écosystémique centrée
sur les individus par marquages, études des contenus
stomacaux et de traceurs multi-échelles
Gérard BIAIS
Ifremer
Les résultats d’une étude menée sur le maigre en 2008-2009 montrent que ce poisson a une
croissance rapide et une maturité sexuelle tardive. Il peut devenir très grand et mesurer près de 2 m et
peser près de 50 kg. Les femelles sont matures à plus de 6 ans avec une longueur de 90 cm et les
mâles à 4 ans et à 60 cm. La pêche concerne essentiellement des individus de 2 à 3 ans, c’est donc
une pêche de juvéniles.
Figure 32 : le maigre ayant atteint sa taille adulte, in Communication de Gérard BIAIS au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Le maigre se reproduit en estuaire. En Europe, on le trouve dans le Guadalquivir, le Tage et la
Gironde. Ce sont 3 stocks indépendants. Les Espagnols l’ont beaucoup pêché dans les années 80 et
de moins en moins dans les années 90. En France, les données sur les débarquements commencent
en 1983.
L’étude de 2008-2009 de l’Ifremer-CNRS pour le SMIDDEST a porté sur un bilan de
l’exploitation du maigre, l’acquisition des paramètres biologiques de base pour la connaissance de la
dynamique du stock et a débouché sur des propositions pour une exploitation durable.
En 2007, 230 navires ont capturé 90 % du maigre pêché. Quatre engins de pêche sont utilisés : le filet (fixe ou trémail), le filet dérivant, les palangres et le chalut. Une pêche particulière, à
l’écoute, est utilisée dans l’estuaire de la Gironde et cible les adultes. Mais cette technique représente
peu de débarquements. Les zones de capture ont été établies à partir des logbooks (carnet de captures des pêcheurs professionnels). Les sites majeurs de pêche sont la Gironde et plus globalement,
la zone côtière de Noirmoutier à l’Espagne.
Il était reconnu que le maigre est un poisson migrateur. Il se reproduit dans la Gironde. Les juvéniles y restent la première année, puis plus ils grandissent plus ils s’en éloignent vers le nord (île
d’Yeu) et vers le sud (Saint Jean de Luz), où s’effectue une pêche, à faible rendement, pratiquée à la
bolinche qui cible les adultes.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
48
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
La répartition par tailles des maigres pêchés montrent qu’on a affaire à une pêche de juvéniles
quelle que soit la technique utilisée (poissons de moins de 65 cm). Les chiffres des criées montrent
qu’il y a moins de 13 % des débarquements en poids d’une année qui sont des adultes. Des lieux de
pêche saisonniers ont été mis en évidence par des enquêtes auprès des professionnels.
Le croisement des
données scientifiques et des
informations de ventes et de
captures montrent des arrivées importantes de juvéniles
avec une périodicité de 7 à 8
ans. La température et la
salinité ne semblent pas jouer
de rôle dans ce cycle. Il y a
plutôt une relation entre le
niveau du stock de poisson et
le recrutement (effectif de
juvéniles qui vient chaque
année reconstituer le stock).
Cela s’expliquerait par le
Figure 33 : la dynamique du stock (beaucoup de reproducteur en faible taux de survie des génirouge, peu de reproducteur en noir) montre des pics de recru- teurs (dû à la pêche ?). Les
tements de maigres de 2 ans (en vert) avec une cyclicité d’une
juvéniles ayant par exemple
période de 7-8 ans, in Communication de Gérard BIAIS au colsurvécus aux campagnes de
loque de Royan des 28 et 29/10/2010
pêches productives des années 1996-1999 sont revenus dans l’estuaire, une fois leur maturité atteinte (c'est-à-dire 7 à 8 ans
plus tard) et ont donc formé la population de géniteurs qui ont produit les juvéniles pêchés entre 2004
et 2008. Ce serait donc une seule cohorte (ensemble des animaux nés à une même époque) qui produirait des juvéniles. Il y aurait en effet peu d’individus qui survivraient après leur première reproduction.
La conclusion de l’étude est que le stock est mal exploité au regard de son potentiel de croissance. Les maigres sont pêchés jeunes alors que leur poids pourrait être multiplié par un facteur important. Il y a un risque de rupture de recrutement à considérer. Mais le problème est complexe car il y
a compétition entre les métiers et une interaction avec la pêche des autres espèces. Cette première
étude soulève donc de nouvelles questions et a conduit à monter un nouveau projet d’étude.
Le projet Estommarq consiste en l’étude de la dynamique du stock de maigre par marquage,
études des contenus stomacaux et de traceurs multi-échelles. Quatre questions sont posées. Où se
localisent les zones de reproduction du maigre dans l’estuaire de la Gironde, quels sont les facteurs
environnementaux qui les caractérisent et quels sont les effets sur la population des reproductions
artificielles (lâchés d’œufs) réalisées par les pêcheurs dans l’estuaire de la Gironde? Quel est l’impact
de l’accroissement de la population de maigre sur les autres espèces de l’estuaire de la Gironde et
des zones maritimes qu’ils fréquentent ? Quelle est l’extension géographique et en profondeur de
l’habitat du maigre dans l’estuaire de la Gironde et dans le golfe de Gascogne ? Existe-t-il un lien
entre la biomasse ou le nombre de reproducteurs et les effectifs des générations suivantes ?
Ce programme qui réunit l’Ifremer, le Cemagref, l’Université de La Rochelle, l’Université de
Pau et des Pays de l’Adour et le Syndicat des Sélectionneurs Avicoles et Aquacoles Français n’a pas
encore trouvé de financement. Ce travail doit consister à analyser les déplacements du maigre dans
les habitats estuariens et dans le golfe de Gascogne, à connaître l’écologie alimentaire du maigre, à
réaliser un modèle d’interactions entre les espèces, à étudier la génétique des populations du maigre
de Gironde et à préciser la dynamique de l’exploitation du stock de maigre.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
49
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Relations entre filière ostréicole et écosystèmes
Jean PROU
Ifremer
Le Millenium Ecosystem Assessment est un travail fait par un groupe de chercheurs internationaux en 2005. Cette évaluation des écosystèmes pour le millénaire établit les bases scientifiques
d’actions visant à la conservation et à l’usage soutenable des écosystèmes. Ce travail s’appuie sur la
notion de biodiversité. Une biodiversité altérée affecte les « services écosystémiques » qu’elle est
censée fournir à l’homme. Les coquillages font partie des écosystèmes littoraux. Leur exploitation est
dépendante des services fournis par l’écosystème (support et altération des écosystèmes) et influence
les services rendus par l’écosystème (impacts positifs et négatifs).
Les services écosystémiques sont le lien
entre les écosystèmes et
le bien-être humain. Ils
apportent un support :
production primaire, secondaire,
cycle
de
l’oxygène et du carbone,
minéralisation, bioturbation, etc. Ils fournissent
des provisions : eau, nourriture, énergie, matériaux,
molécules
pharmaceutiques ou chimiques, etc.
Ils ont un rôle de régulation : contrôle des productions primaire et secondaire, refuge, résilience,
Figure 34 : la Seudre et les claires ostréicoles de Marennes rendent
contrôle de la turbidité et des services écosystémiques (© Laurent MIGNAUX / MEDDTL)
de l’érosion, séquestration
du carbone, etc. Ils ont un rôle culturel : activités récréatives, éco-tourisme, identités culturelles,
source de connaissances, support pour des activités traditionnelles, etc.
Une altération de ces services (changement climatique, pollutions, évolutions démographiques, introduction d’espèces, altération géomorphologiques, etc.) et de la biodiversité réduisent la
productivité et la résilience des écosystèmes.
La conchyliculture bénéficie des services environnementaux fournis par les écosystèmes dans
lesquels elle se développe. Elle profite de sites abrités, estrans, rivières, de substrats sédimentaires
favorables (vase, sable). Les sites sont parcourus de courants qui permettent le transport des ressources trophiques et des larves, la dispersion des fèces et pseudo-fèces. Elle reçoit les apports organiques des bassins versants. Les sites ont une production primaire élevée et des géniteurs naturels
fournissent le naissain pour le captage.
Si l’écosystème est altéré, il va fournir moins de services. Cette altération peut être regardée à
travers trois exemples, le cadmium, les algues toxiques et les pollutions microbiologiques. La présence de cadmium dans la Gironde vient de l’exploitation du zinc depuis 1871 au bord d’un affluent du
Lot à 250 km de la mer. L’exploitation maximale a eu lieu dans les années 1960 avec stockage et
lessivage des boues. Les premières pollutions par le cadmium ont été constatées dans les années
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
1970-1980. En 1995, l’estuaire de la Gironde a été classé en D : interdiction de pêche et d’élevage
des coquillages. Le seuil réglementaire d’abord fixé à 2 mg Cd/kg de poids frais a été ramené à 1 mg.
Depuis 2008, on observe une diminution lente mais constante du taux de cadmium dans les
coquillages. La pêche à pied de loisir et professionnelle pour la palourde a pu reprendre. Pour les
huîtres, le taux se rapproche de la limite. Des demandes d’exploitation des gisements naturels
d’huîtres ont été déposées. La baisse des concentrations va-t-elle relancer la conchyliculture en Gironde ?
Les algues toxiques posent un problème sanitaire. Quinze jours après la tempête Xynthia, les
pertuis ont subi un épisode de contamination des coquillages par l’acide domoïque lié à la présence
de l’algue du genre Pseudo-nitzschia. La présence de cette algue était plus forte dans le pertuis Breton et diminuait vers le sud. Cette espèce est connue pour un développement lié à des concentrations
en azote dont l’urée. Or, Xynthia a inondé les polders de la baie de l’Aiguillon et de fortes concentrations en urée ont été apportées à la mer (lessivage des terres agricoles, inondations des fermes et
entrepôts).
Avant la tempête, la présence de Pseudo-nitzschia avait tendance à augmenter. Quel rôle a
donc joué Xynthia ? A-t-elle mis en évidence un phénomène en émergence ? Quelle est la part de
l’anthropisation ? L’écosystème littoral va-t-il absorber l’effet Xynthia ou assiste-t-on à une installation
pérenne des épisodes à Pseudo-nitzschia ?
La pollution microbiologique est un autre enjeu sanitaire. Les sources viennent des populations résidentes et touristiques à travers les réseaux d’assainissement, des cheptels d’élevage et des
épandages (pollutions diffuses) et des précipitations (réseau pluvial). L’assainissement est plus efficace sur les bactéries que sur les virus. Par rapport à ces problèmes, faut-il un assainissement généralisé ou un allongement du temps de transport entre la source de pollution et son arrivée à la mer ?
Et en mer, la solution doit-elle passer par un allongement de la distance entre la source de pollution et
les élevages ou par le passage des coquillages en station d’épuration ?
Les coquillages sont des sentinelles biologiques de la qualité de l’environnement et de ses altérations. Le conchyliculteur est aussi une sentinelle par son rôle économique et social. Mais il peut se
départir de ce rôle de sentinelle en délocalisant ses élevages ou en épurant ses coquillages. Dans ce
cas, le risque est grand de laisser l’écosystème se dégrader.
La conchyliculture est elle-même un moteur de changement de l’écosystème. Son impact a
été grandissant quand elle est passée d’une pêche de subsistance sur les gisements naturels (1850)
à l’élevage. La pression de sélection a joué un rôle : on prélève les plus gros coquillages et on laisse
ceux qui ont le moins fort taux de croissance. L’écloserie amène un contrôle de la reproduction et de
la variété génétique. Les transferts de coquillages entre les sites ont favorisé une uniformisation des
écosystèmes.
Le Millenium Ecosystem Assessment enrichit la question des relations entre environnement et
conchyliculture, dans un cadre élargi et intégré et doit pouvoir aider à la gestion des écosystèmes.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Tableau 1 : les services écosystémiques rendus par l’exploitation des coquillages, in Communication de Jean PROU au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Type de service
Service
Gisement naturel
Conchyliculture
Provision
Nourriture
*
**
Provision
Coquilles (CaCo3)
*
**
Provision
Naissains pour la conchyliculture
**
*
Régulation
Purification de l’eau
*
**
Régulation
Contrôle de l’érosion et de la sédimentation
**
*
Régulation
Contrôle de la production primaire
*
**
Régulation
Contrôle de la turbidité
**
**
Régulation
Refuge de biodiversité
**
*
Régulation
Résilience aux impacts anthropiques
*
*
Régulation
Séquestration de carbone
*
**
Régulation
Enrichissement des sédiments
**
**
Culture
Musées, Éducation
**
**
Culture
Loisirs
**
*
Support
Cycle du carbone et de l’azote
**
**
Support
Bioturbation
**
*
Support
Production d’habitats
**
*
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
DÉBAT
Richard COZ, Mathieu LE DUIGOU, Mathieu VASLET, Gérard BIAIS, Jean PROU
Philippe Chailloleau, FNPPSF
Il n’y a pas de taille légale de capture pour les maigres. Alors, on peut tous les détruire ?
Gérard Biais
Il faut laisser un minimum de géniteurs se reproduire. Il faudrait fixer la taille légale à 60 cm,
voire à 90 cm, ce qui entraînerait énormément de rejets. Et cela ne réglerait pas forcément le problème de la survie du maigre. Il n’y a pas de solution simple qui se réglerait à coup de taille minimale.
Les professionnels proposent 30 cm, ce qui est mieux que rien, mais ne va pas changer grand-chose
à l’état du stock. Il faut trouver une autre solution pour permettre l’augmentation de la survie des géniteurs.
Inconnu
La pêche de loisir du bar représente 12 % du stock débarqué. Est-ce par rapport au prélèvement total sur la ressource ?
Richard Coz
Il est difficile de connaître la différence entre ce qui est débarqué et ce qui est réellement pêché. La publication présentant ces chiffres a été publiée dans une grande revue, mais les chiffres sont
pourtant discutables. Il s’agit d’une extrapolation de chiffres canadiens.
Complément apporté par Mathieu Vaslet
Si on compare pour les mêmes espèces la pêche professionnelle et la pêche de loisir, celle-ci
représente de 5 à 6 %. Dans le cas du bar, c’est plutôt 50/50.
Estelle Gironnet, Parc de l’estuaire
Comment les jachères sur l’estran sont-elles surveillées ? Y a-t-il un garde ?
Mathieu Le Duigou
Non. Le site est près du sémaphore et il n’a qu’un seul accès. Il est entre deux écluses à poissons. Ces paramètres permettent d’identifier facilement la zone et les bénévoles qui entretiennent les
écluses sont relativement présents sur le site. Au début, il y a eu un peu de monde, puis on a constaté
que le site était de moins en moins fréquenté.
Benoît Sautour, Université de Bordeaux
Est-ce qu’on a assez de recul sur les modifications de la biodiversité liées à l’activité conchylicole ? On sait que des huîtres ont été importées pour remplacer les souches qui n’ont pas réussi à
persister. D’autres espèces sont arrivées, y a-t-il eu augmentation de la biodiversité ?
Jean Prou
On n’a pas assez de données. On est resté sur le schéma ancien de conflit entre usage et environnement. Il y a besoin de redéfinir un peu tout ça. Un exemple, l’envasement. Pourquoi les zones
s’envasent-elles ? En quoi la conchyliculture augmente-t-elle l’envasement par rapport à l’envasement
naturel ? Les conchyliculteurs vont dire qu’ils passent la herse et qu’ils enlèvent les tables régulièrement en hiver. Il y a des pratiques qui vont dans le bon sens et d’autres non. Il faut mesurer en quoi
l’homme dégrade le milieu, mais on n’a pas les données pour répondre. Les réponses peuvent être à
la fois scientifiques et empiriques pour arriver à une gestion partagée.
Gérald Viaud, président du comité régional de la conchyliculture Poitou-Charentes
Quand on parle des normes de cadmium, il faut toujours préciser qu’il s’agit des normes pour
les huîtres destinées à la consommation humaine. Pour ce qui est de l’envasement du bassin, il faut
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
rappeler le rôle joué par le marais en tant que retenue d’eau. Son lâcher va provoquer une courantologie plus forte qui va diluer le bouchon vaseux.
On a aujourd’hui les établissements de semi-purification les plus performants, mais si on n’a
pas un environnement de qualité, cela ne sert à rien. Les huîtres meurent suite aux dégradations successives de l’environnement qu’on a subies. Pour ce qui est des espèces invasives, il faudrait parler
des eaux de ballasts et de ce que transportent les coques des bateaux. C’est un problème à dimension planétaire. Il faut savoir de quelle façon on veut exploiter un territoire et prendre les mesures de
protection qui s’imposent. C’est ce qui a été fait au Japon, dans la baie de Miyagi avec des mesures
de protection draconiennes. Ils ont traité l’eau des rivières jusqu’à 32 km en amont ! En France, on en
est loin.
Claude Gardey, fédération française de naturisme
Nous organisons des opérations « plages propres » après les grandes marées de printemps.
Ces opérations contribuent-elles à un appauvrissement des sédiments ? Faut-il ramasser les macrodéchets ?
Jean Prou
Je ne suis pas compétent pour répondre. Les déchets créent des habitats qui permettent à
des organismes de s’accrocher quelque part.
Denis Fichet, Université de La Rochelle
Il faut ramasser les déchets plastiques, mais laisser les macro-algues. Elles sont une réserve
de nourriture pour d’autres organismes. Il faut donc laisser les déchets organiques.
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Session 3 :
Terre Mer
Modérateur : Gilles RADENAC
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Pertuis charentais et mer côtière :
approche intégrée ressource-environnement
Olivier LE MOINE
Ifremer
La pérennité des filières socio-économiques côtières nécessite la compréhension des grands
processus et flux régissant ces écosystèmes particuliers. Ceci passe par la caractérisation des fluctuations environnementales et la capacité du système à soutenir les diverses activités, dont la conchyliculture.
Le principal processus à intégrer est celui du mélange des eaux terrigènes et marines et sa
variabilité saisonnière. L’écosystème « Pertuis » fonctionne comme un réacteur biologique, alimenté
par des sources terrigènes (fleuves côtiers régionaux) et marines, sous influence des grands fleuves
(Gironde et Loire).
Ce travail de connaissance et l’élaboration des outils d’aide à la bonne gestion a commencé
dès les années 1970 à l’Ifremer de La Tremblade. La connaissance des écosystèmes conchylicoles a
nécessité la mise en place du réseau hydrologique dans le bassin de Marennes Oléron. Celui-ci a
permis de caractériser les grandes masses d’eau grâce à un réseau de 12 points ramené ensuite à 5
points, avec des prélèvements tous les 15 jours. Il a montré l’hétérogénéité du bassin d’un point de
vue temporel et spatial.
Dans les années 1980, la connaissance a progressé avec l’approche des flux trophiques et
l’extension des réseaux de mesures environnementaux. La connaissance de la qualité du milieu a été
améliorée d’un point de vue chimique et biologique. Un modèle hydrodynamique « multiboîte » a été
élaboré, par exemple dans le pertuis Breton séparé en 6 compartiments. Il a permis d’estimer les
grands flux entre ces différents compartiments (sels nutritifs). La variabilité spatio-temporelle a été
évaluée. Les premières estimations des stocks conchylicoles ont été menées à bien. Une approche de
la capacité trophique a fait le lien entre le coquillage et son milieu (disponibilité en nourriture).
Les années 1990 ont mis l’accent sur la qualité spatiotemporelle de l’environnement. Des sondes donnant une mesure
toutes les 10 minutes ont été immergées. La mise en place d’un
système d’information géographique a permis de préciser la spatialisation des usages : stocks conchylicoles, pêche, zonages
environnementaux.
La caractérisation dynamique des hydrosystèmes a été
le travail des années 2000 avec la modélisation des flux entrants
et sortants des marais, notamment pour les matières en suspension. Des simulations théoriques ont été menées sur les courants, la capacité de renouvellement de l’eau, l’influence des
vents, des marées et des débits, l’évaluation des risques liés à
certaines stations d’épuration, la modélisation de la contamination microbiologique en fonction des débits.
Figure 35 : bouée équipée de
sonde multiparamètres, dont les
données sont transmises en
temps réel, in Communication
d’Olivier LE MOINE au colloque
de Royan des 28 et 29/10/2010
Actuellement, pour caractériser les apports à la mer côtière, des sondes à transmission GSM envoient les données
physiques en temps réel. Ceci autorise les stratégies
d’échantillonnage sur des événements comme les crues et la
modélisation hydrodynamique en conditions réelles de météo et
de débits. Les flux marins et terrigènes sont étudiés en tenant
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
compte des débits, de la météo, des courants, des activités humaines terrestres (agriculture, industrie,
tourisme) et marines (transport, pêche, aquaculture, loisirs) et de leurs rejets. Toutes ces données
vont permettre d’évaluer les impacts de tous ces apports dans l’espace et le temps. Ceci nécessite la
connaissance des apports, leur qualité, leur quantité, leur fréquence et d’où ils viennent. Les différents
réseaux mis en place vont apporter ces connaissances (réseaux de suivi et de surveillance de
l’Ifremer, imagerie satellitaire, modélisation au large, échantillonneurs passifs).
Figure 36 : schématisation des apports marins et terrigènes dans les pertuis, in Communication d’Olivier LE MOINE au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Ces apports entrent dans des processus qu’il est intéressant de connaître. Comment sont-ils
transportés, diffusés, dilués ? Comment évoluent-ils dans le temps ? Quels sont-ils ? Quelle incorporation dans la chaîne alimentaire et quel recyclage par des voies biologiques ?
L’intégration de toutes les variables spatio-temporelles nous conduit à avoir la capacité de définir des « terroirs marins » qui prendraient en compte la qualité du milieu, son usage humain et les
impacts positifs et négatifs des apports et des usages.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Impacts des rejets urbains
de la Communauté Urbaine de Bordeaux
Henri ETCHEBER
Université de Bordeaux
Cette communication présente le programme Etiage : Etude intégrée de l’effet des apports
amont et locaux sur le fonctionnement de la Garonne estuarienne. Ce programme couvre les années
2010 à 2013 et regroupe 25 chercheurs de l’Université de Bordeaux et du Cemagref. Les réseaux
d’observation mis en place dans l’estuaire (Somlit et Magest) mettent en évidence les problèmes actuels. Les effets conjugués du changement climatique et de la pression anthropique ont des incidences conséquentes sur la qualité physico-chimique des eaux : élévation de la température, marinisation et donc salinité croissante, remontée du bouchon vaseux de plus en plus accentuée, désoxygénation des eaux marquée dans la section estuarienne de la Garonne.
L’étude porte sur la zone de Portets
à Pauillac. Des mesures en continu (toutes
les 10 minutes) sont réalisées depuis 2005 et
ont permis de constater des salinités à 4
pour mille, ce qui n’avait jamais été observé
dans les époques antérieures. Cette salinité
influe sur le comportement des populations
biologiques et des polluants. La question est
de connaître l’impact d’une grande ville
comme Bordeaux.
Figure 37 : la ville de Bordeaux et son agglomération au bord de la Garonne estuarienne, in Communication d’Henri HETCHEBER au colloque de
Royan des 28 et 29/10/2010
L’étude est agencée selon 5 axes. Le premier est la caractérisation et le rôle respectif des apports organiques amont et locaux sur l’oxygénation des eaux de la Garonne estuarienne. Il s’agit de
répondre à quelques
questions : quelle est la
part représentée par les
rejets urbains dans les
flux organiques ? quel
est le potentiel de dégradation de la matière
organique de ces rejets ? Le rôle du bouchon vaseux sur le devenir de la matière organique de ces rejets ?
L’impact de sa dégradation sur l’oxygénation
des eaux ? De ces
questions
vont découler
Figure 38 : taux de saturation en oxygène de l’eau de l’estuaire à
hauteur de Bordeaux présentant des périodes de sous-oxygénation 5 actions pour y réprononcées, in Communication de Benoît SAUTOUR au colloque de pondre.
Royan des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
60
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Le deuxième axe est la caractérisation et le flux des contaminants organiques (classiques et
émergents) dans les eaux de la Garonne estuarienne. Là encore, il va s’agir de répondre à quelques
questions, quels sont : les flux de ces composés vers la Gironde, le potentiel de dégradation de ces
composés, le rôle du bouchon vaseux dans leur devenir, les interactions de ces composés avec la
matière organique, leur impact toxique ? Une comparaison avec la Loire et la Seine sera réalisée.
Cinq actions de recherche vont découler de ces questions.
Le troisième axe est l’étude des apports métalliques dans les eaux de la section garonnaise
de l’estuaire de la Gironde. Il s’agit de caractériser les entrées fluviales en métaux et métalloïdes.
Le quatrième axe est l’approche de l’impact des conditions physico-chimiques affectant la
masse d’eau estuarienne garonnaise sur les cortèges biologiques, notamment sur les espèces de
poissons migrateurs. Comment ces cortèges vont-ils être affectés ? Quelles sont les caractéristiques
de ces communautés ? Se distinguent-elles de zones voisines ou comparables ? Quelles sont leur
réaction à des épisodes de moindre qualité de l’eau ? Quels effets sur le comportement et la contamination des espèces ? Quelles sont les périodes et conditions à risque à éviter ? Quatre programmes
de recherches vont en découler.
Figure 39 : cycle de montaison et de dévalaison des principales espèces de poissons migrateurs confrontés aux périodes d’anoxie de l’estuaire, in communication d’Henri ETCHEBER
aux journées du Réseau de Recherche Littorale Aquitain du 28/03/2011
Enfin, le cinquième axe est constitué de synthèses des pressions et des impacts caractérisant
les eaux de la Garonne estuarienne avec des recommandations de gestion. Comme les 25 chercheurs travaillant sur ce programme sont tous à Bordeaux, ils pourront facilement confronter leurs
résultats et « bancariser » les données pour les rendre accessibles. Des animations et une vulgarisation sont prévues pour le rendu des résultats. Quatre thèses sont en préparation.
Les deux responsables scientifiques du programme sont Henri Etcheber de l’Université de
Bordeaux et Paul Gauthier du Cemagref. Le coût de ce programme est de 2,286 millions d’euros HT
sur 4 ans.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Caractérisation de la contamination bactériologique
d’origine fécale de l’estuaire de la Seudre en période sèche
Jean-Côme PIQUET
Ifremer
Les contaminations bactériologiques d’origine fécale sont principalement liées aux activités
anthropiques : assainissement, activités agricoles, rejets d’eaux pluviales. Ces contaminations entraînent des risques sanitaires pour les activités littorales comme la conchyliculture ou la baignade. Les
enjeux associés sont sanitaires et environnementaux.
Avec 50 % de la commercialisation nationale, le Poitou-Charentes est la première région conchylicole française et est plus particulièrement spécialisée dans l’affinage ostréicole. La région accueille 31 % des entreprises et 38 % des emplois nationaux de la filière.
L’estuaire de la Seudre est situé dans le bassin de Marennes Oléron, au cœur de
l’écosystème des Pertuis charentais. L’estuaire alimente la majorité des surfaces de claires de la région et constitue le principal secteur pour la pratique de l’affinage à l’échelle régionale mais également
nationale. De plus, 70 % des établissements ostréicoles de Charente-Maritime y sont localisés. La
contamination bactériologique de l’estuaire de la Seudre est donc un enjeu majeur pour l’ostréiculture.
L’étude vise à caractériser cette contamination. Le bassin versant de la Seudre a une superfi3
cie de 730 km². Le fleuve a un débit très faible, 1 m par seconde en moyenne. Le bassin comprend
de grandes surfaces de zones humides, marais doux et marais salés. Le marais abrite diverses activités : saliculture, fossés à poissons, ostréiculture, agriculture. Les périodes d’étiage du fleuve sont
sévères et longues. La gestion hydraulique dépend en grande partie d’ouvrages, écluses et prises
d’eau. La dégradation de la qualité microbiologique de l’estuaire a amené à son déclassement sanitaire en 2010.
Pourcentage de résultats > 230 E.coli
enpollution
bâtons ponctuelles ou diffuses viennent des ouvrages d’assainissement et
LesDiagramme
sources de
des élevages de l’amont. Ces pollutions arrivent par ruissellement via les bassins versants. Les concentrations en micro-organismes dans
80
l’estuaire vont dépendre de la dilution (marée
Printemps
Eté
et débit du fleuve), de la sédimentation, de la
Automne
remise en suspension et de la survie de ces
Hiver
organismes. Ceux-ci vont s’accumuler dans
60
les coquillages lors de la filtration.
40
20
Mus de Loup
Cotard
Les Deux Prises
Chaillevette
Mouillelande
Liman
Eguille
0
L’étude va donc consister d’abord à
identifier les sous-bassins versants dont sont
issus les principaux flux contaminants. Elle va
ensuite examiner les effets des débits, de la
marée et de la dilution sur la concentration
des
micro-organismes
dans
l’estuaire.
L’analyse des données disponibles a permis
d’identifier un secteur de l’estuaire d’où provient le flux principal. C’est ce secteur qui a
fait l’objet d’une campagne d’échantillonnage.
Le travail s’est basé sur le réseau
Remi de l’Ifremer, qui donne un historique de
Figure 40 : teneur en Escherichia coli aux différents points du bassin versant de la Seudre, in plus de 10 ans sur 7 points de la Seudre préCommunication de Jean-Côme PIQUET au col- levés mensuellement.
loque de Royan des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
62
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Les résultats montrent que les contaminations sont principalement automnales et secondairement estivales sauf à Chaillevette où c’est le contraire. Et le gradient de contamination baisse de
l’amont à l’aval, sauf à Chaillevette et à Mus de Loup. Les épisodes de contaminations sont synchrones, sauf pour Chaillevette. Il existerait donc potentiellement deux flux de contamination : l’un
principal affectant la majorité des points de prélèvement, l’autre secondaire localisé autour du point
« Chaillevette ». Le flux principal de contamination a été considéré comme venant de l’amont de
l’Eguille et une campagne d’échantillonnage a été menée entre avril et août 2010 sur ce secteur. Le
travail a commencé par l’inventaire des exutoires des sous-bassins versants. L’étape suivante a été le
suivi des flux d’Escherichia coli issus des sous-bassins versants et de leur concentration dans
l’estuaire. En même temps, les paramètres environnementaux ont été suivis : température, salinité,
turbidité, pluviométrie, débit de la Seudre fluviale.
Par ailleurs, deux campagnes d’échantillonnage ont été réalisées. La première effectuée sur 4
points en amont de l’Eguille où la contamination a été suivie entre avril et août 2010. Deux périodes
sont à distinguer : les neuf premières semaines (période A) et les huit semaines suivantes (période B).
La contamination est supérieure sur la deuxième période. Cette période correspond à une augmentation de la température de l’eau, de la salinité et à une diminution des débits. La température et la salinité ne semblent pas en cause.
Figure 41 : position des exutoires inventoriés sur la partie amont de l’estuaire de la Seudre, in
Communication de Jean-Côme PIQUET au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
De plus, sur les 14 exutoires inventoriés, 2 avaient un écoulement intermittents (occasionnels)
et 2 un écoulement permanent (régulier). Les observations montrent que les flux sont moindres en
période B alors que la contamination de l’estuaire est supérieure. Sans doute, les résultats obtenus
sont-ils spécifiques de la période et du secteur d’échantillonnage. Il est donc souhaitable d’élargir la
démarche à une plus grande échelle spatiale et temporelle. Il faut aussi prendre en compte les pollutions diffuses et le rôle du compartiment sédimentaire.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
DÉBAT
Olivier LE MOINE, Henri ETCHEBER, Jean-Côme PIQUET
Henri Jabet, ADPV
La CUB (Communauté urbaine de Bordeaux) est très en retard dans le traitement de ses rejets, mais de gros travaux ont été entrepris. Apprendre qu’une étude sur la qualité des eaux est projetée, c’est bien. La Garonne, au niveau de Bordeaux, devrait être dans le parc naturel marin. Il apporterait des contraintes dans l’obligation de traiter les rejets urbains.
Henri Etcheber
On améliore les traitements, mais c’est traité depuis un bon moment quand même. La zone du
bec d’Ambès à Langoiran n’a été étudiée que de façon ponctuelle. Il y a eu des suivis beaucoup plus
conséquents dans l’estuaire central et dans l’embouchure. Les études prévues arrivent bien car elles
vont s’occuper de la partie la plus problématique.
Henri Jabet
Les travaux ne permettront de traiter que 80 % des rejets.
Henri Etcheber
C’est un chiffre moyen, les rejets ne sont jamais traités à 100 %. Les études vont nous permettre d’obtenir un temps zéro pour faire la comparaison après les traitements.
Jacqueline Rabic, représentante des pêcheurs professionnels de la Gironde
Les travaux arrivent tardivement et nos estuaires sont dégradés. Il faudrait que les scientifiques nous donnent des synthèses beaucoup plus souvent pour que nous puissions intervenir sur les
causes. Nous avons besoin d’eau en qualité et en quantité pour que les pêches professionnelles et de
loisir, la baignade puissent s’exercer dans les meilleures conditions.
Depuis 30 ans, j’interviens au comité de bassin de l’Agence de l’eau Adour Garonne, pour
alerter sur la dégradation du milieu. Je demande à tous les usagers d’être présents et de soutenir
toutes les études. Il faut laisser l’eau douce aller à la mer. Mais dans une optique agricole, c’est de
l’eau perdue !
Eric Barreaud, lycée agricole de Saintes
Pouvez-vous rappeler les réseaux de l’Ifremer et leurs objectifs ?
Olivier Le Moine
Les différents réseaux ont été décrits par Mireille Ryckaert dans sa communication, Remi,
Rephy, RNO, etc. Ils nous apportent une connaissance globale du milieu. Ils ont un rôle de surveillance de la qualité sanitaire du milieu.
Valérie David, Université de La Rochelle
Les données de ces réseaux sont-ils accessibles au public et peut-on les utiliser ?
Olivier Le Moine
Pour l’hydrobiologie, ce n’est pas encore fait. Pour les autres réseaux, ils sont accessibles.
Valérie David
C’est une question pour Henri Etcheber. La barrière écologique dont vous avez parlé sur le
secteur de Bordeaux, les premières études la rendent-elle visible ?
Henri Etcheber
Dans cette zone, nous manquons cruellement de données qui permettraient d’avoir des réponses. Presque tout est à faire, même les déterminations de base : les populations présentes, en
quelle quantité, etc. ?
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
64
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Valérie David
Qu’en est-il des poissons migrateurs ?
Paul Gonthier, Cemagref
On a des suspicions sur le rôle de ce secteur par rapport aux poissons migrateurs. On a des
populations qui s’effondrent, l’anguille, l’alose, l’esturgeon, le saumon. Les aloses arrivent de l’amont
pendant l’été et l’automne. On n’imaginait pas des faiblesses en oxygène telles que celles qui ont été
mesurées. Ce qui provoque des dégradations très fortes de ces communautés de poissons. Ce sont
des populations très difficiles à suivre en milieu naturel. Il nous faudra reconstituer les conditions environnementales pour en voir les effets. Mais on connaît déjà la grande faiblesse des peuplements présents dans ces zones-là par rapport à l’amont et à l’aval.
Inconnu
Pourquoi le flux d’eau douce devient-il si faible dans la Seudre : une agriculture irresponsable,
une mauvaise gestion de l’écluse de Saujon ? Avez-vous des recommandations à faire ?
Jean-Côme Piquet
Dans le cadre du Sage Seudre, un état des lieux sur les aspects quantitatif a été fait. Les périodes d’étiage sont de plus en plus importantes en termes d’intensité et de durée. Je n’ai pas les
chiffres des prélèvements d’eau douce par l’agriculture et les usages urbains. Mais ils sont en hausse.
Pour l’écluse de Saujon, on pourrait jouer sur la hauteur du barrage, mais il faudrait connaître les
autres paramètres, produits phytosanitaire, métaux lourds…
Gérald Viaud, président du comité régional conchylicole du Poitou-Charentes
Il y a 50 ans, les gens de ma famille pêchaient les aloses et les pibales à Bègles. Tout ça,
c’est fini. Sur la Seudre, c’est le même cinéma. On le dénonce depuis 40 ans, les études arrivent un
peu tard. Les activités premières sont plus que mises en danger. Il faut réhabiliter la dynamique hydraulique des bassins et la fonction originelle des marais. Les scientifiques n’ont jamais pris en
compte ce que les acteurs du milieu leur disaient. Je suis en colère. Les aires marine protégées, c’est
très bien, mais ce n’est pas ça qui va améliorer la qualité du milieu.
Jean-Jacques Blanchon, fondation Nicolas Hulot
Je suis admiratif du travail des scientifiques, mais nous assistons à la mort des estuaires.
Nous avons des signaux d’effondrement systémique. Les systèmes se déconstruisent et personne ne
peut dire s’ils vont se reconstruire. Il faut des mesures d’urgence, des stratégies sans regret, des décisions immédiates. Il ne faut pas attendre 5 ans mais arrêter de parler et agir.
Gilles Radenac
Les scientifiques ne peuvent pas se substituer à l’action politique. Il manque la présence des
politiques dans ce colloque. Mais il existe des interfaces où nous les rencontrons. Le parc naturel
marin peut être une de ces interfaces.
Henri Etcheber
Nous avons mis quatre ans pour démarrer le programme Etiage. Nous avons besoin de soutiens. Nous élaborons des recommandations, mais après ?
Pierre-Guy Sauriau, Université de La Rochelle
Il y a 20 ans, j’ai travaillé sur l’estuaire de la Loire et nous avons constaté des problèmes
d’anoxie très conséquents sur 30 à 40 km de long dans l’estuaire. J’avais travaillé sur les mortalités de
mulets qui arrivent de l’amont en septembre-octobre. A l’époque, ce problème était déjà connu sur la
Loire, mais pas sur la Gironde. C’est un vrai progrès.
Henri Etcheber
Sur la Loire, les gens du GIP Loire ont monté un réseau d’observation comme Magest, pour
chiffrer et comprendre tous les mécanismes. Grâce à ces expériences, la connaissance du fonctionnement des estuaires a énormément progressé. Le but est de dire aux décideurs : si vous voulez que
ça s’arrange, il faut faire ça. Mais vont-ils vouloir le faire ?
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Gilles Radenac
Y a-t-il eu des évolutions sur la Loire, des décisions prises ?
Jean Le Hir
A la suite des études auxquelles j’ai participé, une stratégie de réduction des apports (phosphates) a été mise en place dans la partie amont. Les épisodes anoxiques ont été largement réduits.
Figure 42 : les chercheurs face au public (© François COLAS / Agence des aires marines protégées)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Transferts géochimiques des métaux en zone côtière : cas
des estuaires de la Charente, de la Seudre, de la Gironde
et de la baie de Marennes Oléron
Eric MANEUX
Université de Bordeaux - Géotransfert
Cette communication étudie les transferts géochimiques du cadmium de la Gironde, de la
Seudre et de la Charente vers le bassin de Marennes Oléron. Les données obtenues sur plus de trois
ans d’observations géochimiques de terrain ont permis de quantifier les flux métalliques sous forme
dissoute et particulaire à l’exutoire des bassins versants de la Charente et de la Seudre. Ces données
montrent que les concentrations et les flux spécifiques par unité de temps et de surface sont, pour la
Charente, légèrement supérieurs à ceux de la Garonne. Ce résultat surprenant indique qu’une recherche de sources métalliques dans le bassin de la Charente devra être entreprise dans le but d’en
limiter les apports futurs vers l’aval.
La contamination en cadmium de la Gironde vient des mines de zinc de Decazeville. La
station de La Réole mesure le flux entrant de cadmium depuis les années 90. Ce flux de pollution
semble décroître depuis les 15 ou 20 dernières
années. Il oscille entre 2 et 5 tonnes de cadmium
par an. En sortie, le réseau de l’Ifremer mesure
une contamination importante des huîtres dans
l’estuaire de l’ordre de 26 mg/kg de poids sec. La
valeur médiane pour les huîtres de la façade atlantique est de 2 mg/kg de poids sec.
L’objectif de l’étude a été de faire le bilan
des apports métalliques dans le bassin de Marennes Oléron. Pour cela, les campagnes de mesures ont cherché à quantifier les flux nets de
cadmium dissous et particulaires dans la Gironde.
Pour les flux nets dissous, 15 missions se sont
succédées de 2001 à 2007, en différentes saisons,
3
avec des débits du fleuve entre 169 m /seconde et
3
2 600 m /seconde. Les mesures ont montré une
homogénéité du cadmium dans la colonne d’eau.
Les concentrations maximum ont été de 130 à 150
nanogrammes par litre. Et ces concentrations sont
maximales quand la salinité est comprise entre 15
et 18 pour mille.
Figure 43 : l’estuaire de la Gironde draine des
matières en suspension et des polluants
comme le Cadmium (© Laurent MIGNAUX /
MEDDTL)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
68
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Figure 44 : taux de concentration de cadmium dans la Gironde en fonction du débit, de la turbidité et de la salinité – concentration maximale de cadmium entre 15 et 18 g/l de salinité, in
Communication d’Eric MANEUX au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Quand les flux de cadmium entrent dans la Gironde, ils sont particulaires pour 90 %. Mais le
taux de cadmium dissous augmente avec la hausse de la salinité et dans l’estuaire, on a 90 % de
cadmium dissous. La variation annuelle des flux nets en cadmium dissous se situe entre 3,8 et 7,3
tonnes/an. Il y a des années où le flux de cadmium dissous sortant est plus important que le flux entrant. Il y a alors un déstockage du cadmium dans l’estuaire. En revanche, en 2003, le flux entrant a
été plus important à la suite d’une crue qui a fait arriver 14 tonnes de cadmium dans l’année. Une
seule crue a amené un stock qui va mettre 4 à 5 ans à être expulsé de l’estuaire.
Pour les flux métalliques particulaires, 5 campagnes de mesures ont été menées sur
l’ensemble d’un cycle de marée. Les concentrations métalliques sont très homogènes, de l’ordre de
0,44 mg/kg pour le cadmium, 29 mg/kg pour le cuivre et 221 mg/kg pour le zinc.
Le suivi effectué dans la Charente révèle un apport annuel de 400 kg de cadmium. Mais les
concentrations rapportées au km² sont légèrement supérieures à celles de la Gironde.
L’étude du panache de la Gironde avec différents outils dont les images satellitaires a permis
de repérer l’évolution du front turbide et voir dans quelles conditions de vent celui-ci entre en con3
nexion avec le bassin de Marennes Oléron. Pour des débits de 500 m /s et des vents de sud-ouest à
3
nord-ouest et pour des débits de 1 000 m /s et des vents d’est, le panache entre par le pertuis de
3
Maumusson, une configuration qui arrive 110 jours par an. Pour un débit de 2 900 m /s et des vents
de sud à sud-est, le panache peut entrer dans le pertuis d’Antioche, mais cette occurrence n’arrive
que 3 jours par an.
Les flux particulaires qui rentrent par la Seudre sont insignifiants. L’étude montre que 54 à
75 % des matières en suspension qui entrent dans le bassin de Marennes Oléron viennent de la Gironde. Et donc, la majorité des particules métalliques vient de cet estuaire.
Ces résultats montrent que pour mieux gérer, voire réguler dans le temps ces apports en
cadmium vers le bassin, un réseau d’observation hydro sédimentaire et hydro géochimique spécifique
devra être entrepris au niveau du pertuis de Maumusson.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
69
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Suivi de l’élément cadmium dans le continuum
estuaire de la Gironde / bassin de Marennes Oléron /
Seudre et Charente de 2005 à 2008 (Programme DEFI Cd)
Julien MODERAN
Université de la Rochelle
Le bassin de Marennes Oléron, zone à forte production ostréicole et d’intérêt économique majeur subit la pollution polymétallique originaire du bassin versant de la Garonne, concernant l’élément
cadmium, mais aussi le zinc, le cuivre ou le mercure. Le cadmium existe en forte proportion dans les
minerais de zinc extractibles. Le cuivre est largement utilisé par les activités viticoles développées
autour de la région bordelaise et il est lessivé vers l’estuaire.
Un suivi à moyen terme (3 ans) de la contamination polymétallique le long du continuum fluvio-estuarien Lot/Garonne/estuaire de la Gironde/bassin de Marennes Oléron consiste à transplanter
des bivalves provenant de sites non contaminés et renouvelés sur le terrain à une fréquence trimestrielle. Ces organismes témoignent de la biodisponibilité des métaux. Les bivalves sont utilisés comme
bio-indicateurs des fractions métalliques présentes dans la colonne d’eau, via la quantification de leur
bioaccumulation dans leur chair.
L’expérience a été menée avec
des lots d’huîtres issus des mêmes
géniteurs, ce qui permet de réduire
la variabilité des différentes mesures. Dans chaque station sont
déposées 2 poches de 100 jeunes
huîtres de moins d’un an. Les sites
choisis sont la Gironde, Cordouan,
l’ouest de l’île d’Oléron et plusieurs
points du bassin de Marennes Oléron (Les Palles, Boyard, Mérignac,
Dagnas et Mus de Loup). On laisse
les huîtres 3 mois sur un site, on les
récolte et on analyse les éléments
métalliques que contiennent 20
huîtres prises au hasard.
Figure 45 : l’huître (Crassostrea gigas) filtre l’eau pour
s’alimenter mais absorbe aussi les polluants (© JeanFrancis GOSSELIN)
Dans les conditions environnementales rencontrées, les débits des fleuves sont un des paramètres les plus importants (en relation directe avec les apports potentiels en métaux) avec un contraste fort entre les périodes hiver-printemps (crues) et été-automne (plus sèche). La Gironde a donné
une signature fortement contaminée en cadmium qui contraste avec les autres stations qui restent
largement en-dessous des normes et ont des concentrations stables sur l’année.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
70
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
14
Cd (µg/ g PS)
Année 1
Année 2
Année 3
12
10
8
6
4
1 µg/g PF soit 5 µg/g PS
Gironde
Les palles
Cordouan
Mus du loup
Oléron
Dagnas
Mars
Décembre
Septembre
Mois:
Juin
Mars
Décembre
Septembre
Mois:
Juin
Mars
Décembre
Septembre
0
Mois:
Juin
2
Boyard
Mérignac
Figure 46 : taux de cadmium dans les huîtres sur les différentes stations au cours de 3 années.
La différence entre la Gironde fortement contaminée et les autres stations est clairement représentée, in Communication de Julien MODERAN au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Aucune variabilité interannuelle n’a été détectée. Pour le cuivre, il y a une différence saisonnière. Les huîtres concentrent plus le cuivre en hiver et en automne. Pour le mercure, les phénomènes sont très contrastés en fonction des saisons. Pour le plomb, la Gironde sort du lot mais avec
un signal saisonnier beaucoup plus difficile à relier sur les différentes stations. Pour le zinc, les concentrations sont plus importantes en mars et en décembre. La période de septembre à mars qui est la
période de plus grande consommation des huîtres est aussi la période où l’accumulation est la plus
marquée. Pour l’ensemble de ces métaux, la totalité des concentrations mesurées reste en deçà des
normes de commercialisation. Des recherches de l’arsenic ont été effectuées. Elles montrent que
contrairement aux autres métaux qui viennent de l’amont, l’arsenic est un marqueur de masse d’eau
océanique.
Ces séquences de 3 mois donnent une méthodologie potentielle intéressante pour étudier des
phénomènes plus brefs et plus intenses sur les estuaires qui pourrait conduire à des actions de remédiation sur les bassins versants. L’expérience montre aussi l’effet de la biologie. Au printemps, avec la
croissance gonadique (liée à la reproduction), la prise de masse des huîtres va diluer la concentration
métallique. Pour des résultats plus fins, il faudrait travailler au niveau de l’organe ou exprimer des
quantités de métaux par individu et non plus des concentrations.
Cette méthode pourrait permettre de suivre la biodisponibilité des métaux dans le cas de
chantiers de dragage, comme celui qui est prévu en amont de Saint-Savinien, par exemple. On peut
placer des lots d’huîtres avant le chantier, puis pendant le chantier et enfin après le chantier qui permettraient d’observer la résilience du milieu, sa capacité à un retour à la normale par rapport à cet
impact.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
71
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
DÉBAT
Eric MANEUX, Julien MODERAN
Jacques Gervais, Une pointe pour tous
Avons-nous une idée du cadmium disponible sur le site d’origine à Decazeville ? Pendant
combien d’années allons-nous continuer à subir cet apport de cadmium ?
Eric Maneux
Depuis 1999, nous réalisons un suivi quotidien et un suivi mensuel plus précis des entrées de
cadmium sur le riou mort du Lot. Jusqu’en 2005-2006, elles étaient supérieures à 1 tonne par an, à
comparer avec les 6 tonnes qui arrivent dans l’estuaire. Historiquement, les flux étaient de 20 tonnes
par an. Depuis la fermeture de l’usine en 1988, les flux ont diminué d’un facteur de 10 à 20. La nouvelle entreprise a mis en place un protocole de remédiation depuis 2005-2006. Les terrils mal isolés
hydrologiquement ont été déplacés, un site qui amenait 50 % des flux a été nettoyé. On espère passer largement en-dessous de 1 tonne par an dans les 5 prochaines années.
Jacques Martinet
Pourtant, il y a une différence entre ce qui entre et ce que l’on trouve dans la Gironde. Y a-t-il
d’autre source de pollution que la mine du Lot.
Eric Maneux
Tout le cadmium de la Gironde ne vient pas du Lot. Il y a d’autres sources en amont de la Garonne. Il y a un stock de 200 tonnes de cadmium dans les sédiments du Lot qui peuvent être relarguées partiellement lors de crues importantes comme en 2003 (6 tonnes relarguées). Il faut compter
aussi sur les stocks existants dans les sédiments en rivière et dans l’estuaire. La contribution dans ces
flux de la ville de Bordeaux va aussi être étudiée. La dépollution est réelle mais lente.
Jaqueline Rabic, pêcheurs professionnels de la Gironde
On s’intéresse au cadmium parce que la norme a été divisée par 2 du jour au lendemain par
l’Europe ce qui rend limites les concentrations enregistrées. Mais en Gironde, nous avons une pollution chimique chronique qui n’est pas prise en compte et qui n’a jamais rendu malade personne. Qui
représente la France dans les instances européennes pour défendre nos intérêts ? Est-ce qu’on veut
des eaux pourries et mettre des touristes dessus et sans aucun producteur ou est-ce qu’on veut que
des gens travaillent sur le fleuve ? Ou nos rivières deviennent des égouts ou on soutient les professionnels qui travaillent sur la matière vivante et qui nourrissent les populations.
Gérald Viaud, président du comité régional conchylicole Poitou-Charentes
J’assiste à des réunions à Bruxelles où on attache plus d’importance aux végétaux et aux petits oiseaux qu’aux acteurs principaux d’activités primaires. J’ai là un rapport de 1999 de l’AFSSA
(Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) sur le cadmium où il y a des choses intéressantes. Il y est dit que la présence en quantités non négligeables dans l’environnement du cadmium
est due aux activités industrielles, mais aussi agricoles, liée à l’utilisation des engrais phosphatés
riches en cadmium. Ce cadmium d’origine agricole arrive par infiltration souterraine ou par ruissellement.
Eric Maneux
La connaissance du cadmium a largement évoluée depuis 1985, notamment grâce au développement des méthodes d’analyses sur la partie dissoute des métaux.
Gérald Viaud
Les décisions d’orientation politique dépendent de tous les rapports qui se succèdent et on
oublie la présence naturelle du cadmium et des métaux lourds dans le milieu.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
72
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Eric Maneux
Le Lot n’est pas la seule source de pollution en cadmium même si c’est la principale.
Figure 47 : prélèvement d’eau très chargée en particules ; le cadmium stocké dans les sédiments en suspension se solubilise au contact des eaux salées (© Eric MANEUX / Géotransfert)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
73
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Impact des facteurs environnementaux sur la qualité
des eaux des marais littoraux de Charente-Maritime
Sébastien TORTAJADA
Université de la Rochelle
Les zones humides sont des étendues d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, de nature douce, saumâtre ou salée. Elles représentent
0,3 % de la surface de la Terre pour 15 % des biens et services rendus : disponibilité en eau, habitat
pour de nombreuses espèces, effet tampon sur les pollutions. La restauration de 5 % de surface de
zone humide permettrait par exemple d’épurer 40 % des nitrates.
Les marais représentent 50 % des zones humides pour 75 % des biens et services rendus.
Un marais est une zone de faible profondeur d’eau, recouverte d’une végétation herbacée, située à
l’interface des écosystèmes terrestres et aquatiques, et représentant le premier filtre tampon avant le
littoral. On distingue 4 types de marais, les marais salés (à vocation aquacoles), les marais mouillés
(marais poitevin), les marais doux desséchés (typiques du département) non réalimentés et les marais
doux desséchés réalimentés.
Tout le littoral de Charente-Maritime est
sous l’influence des eaux des marais,
zones de transition entre le continent et
l’océan. Ces marais ont une très forte
diversité dans leur fonctionnement hydraulique et une très forte variation dans
leur impact anthropique avec l’agriculture,
l’élevage, l’aquaculture, l’industrie, les
stations d’épuration, etc. La gestion de
ces marais est au centre des préoccupations avec des conflits d’usage sur la
quantité et la qualité de l’eau.
La Directive Cadre sur l’Eau demande le retour à un bon état physicoFigure 48 : les marais rendent de nombreux services chimique et écologique des eaux à
dont l’épuration des eaux avant leur arrivée en zone l’horizon 2015. Un outil d’évaluation a été
côtière, in Communication de Sébastien TORTAJADA
mis en place, Seq’eau. Sa grille de qualité
au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
est applicable aux cours d’eau mais pas
aux marais. Il faut donc réaliser un référentiel sur les marais pour appliquer une nouvelle grille de qualité. Mais il faut d’abord comprendre le fonctionnement des marais.
Le travail présenté a consisté à définir une typologie de natures d’eau basée sur des paramètres physico-chimiques et biologiques. Les natures d’eau ont été caractérisées en les reliant à la
pédologie, au fonctionnement hydraulique et aux activités anthropiques. La base de données utilisée
est celle développée par l’observatoire patrimonial de l’Unima (Union des marais de CharenteMaritime) initiée en 2003. La stratégie d’échantillonnage sur le terrain est réalisée sur 57 stations visitées 6 fois par an, trois fois en hiver, trois fois en été.
Les paramètres mesurés sont les bactéries fécales, la demande biologique en oxygène, les
concentrations en carbone organique dissous, les concentrations en chlorophylle a, la température, la
salinité, la conductivité, les sels nutritifs. Sont pris en compte aussi le fonctionnement hydraulique
(taille du bassin versant, la densité de canaux et les modes de réalimentation), les activités humaines
(agriculture, aquaculture) et le substrat pédologique.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
74
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Figure 49 : les différents types de marais en Charente-Maritime et
l’importante surface qu’ils occupent dans le département, in Communication de Sébastien TORTAJADA au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Ce travail a permis de définir 12 natures d’eau, 7 en eau douce (de F1 à F7) et 5 en eau salée (de S1
à S5). Certains groupes sont localisés sur une partie du département, d’autres sont disséminés un
peu partout sur le territoire départemental. Ces observations ont permis de relever l’importance du
taux de renouvellement de la masse d’eau en marais doux ou salé. En eau douce, le renouvellement
se fait par l’action de l’homme ou par la nappe phréatique. Des paramètres physico-chimiques (phosphates, chlorophylle a) sont négativement reliés à ce taux de renouvellement des eaux. Les épisodes
d’eutrophisation sont directement liés au manque de renouvellement d’eau. Dans une eau stagnante,
un apport excessif de sels nutritifs dans le milieu provoque des blooms phytoplanctoniques et une
forte eutrophisation à la fin de l’été et au début de l’automne.
Il existe aussi une corrélation entre la taille du bassin versant et les concentrations en nitrates.
Plus le bassin versant est grand et plus il y a de nitrates à la station de prélèvement dans le marais.
La concentration est très forte en hiver avec le lessivage des sols et très faible en été où les nitrates
sont pompés par le phytoplancton. Un marais a un bon fonctionnement épuratoire si le pompage des
nitrates est supérieur à 30 %. Mais l’eutrophisation est un emballement de cette capacité épuratoire.
Celle-ci est proportionnelle au renouvellement de l’eau et non pas à la taille du bassin versant. C’est le
phosphate le facteur limitant et non pas le nitrate.
Pour comprendre la capacité épuratoire du marais, il faut prendre en compte l’importance du
phytoplancton, de la matière organique et des sels nutritifs. Le marais va filtrer l’eau qui arrive du bassin versant et éviter ainsi un apport trop important dans les eaux côtières. Ceci peut empêcher des
phénomènes de marées vertes sur nos côtes. Un suivi avant et après Xynthia a permis de mieux
comprendre le réseau trophique et les propriétés associées ainsi que le temps de récupération après
une perturbation.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
75
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Maintenance des zones humides estuariennes –
une lecture économique du rôle des associations
syndicales de propriétaires
Patrick POINT
Université de Bordeaux
L’objet central du programme Margo (Gouvernance des zones humides estuariennes, fonctionnalités environnementales, flux financiers et économiques), ce sont les marais estuariens compris
dans le SAGE « estuaire de la Gironde et milieux associés ». Quatre axes d’investigation ont été définis : analyse de la gouvernance des marais estuariens, synthèse des valeurs des différents types de
services délivrés par les zones humides, notamment les marais et la protection contre le risque inondation, les marais et leur contribution à l’accroissement de la productivité biologique.
Cette présentation concerne le
premier axe. Les marais maritimes associés à l’estuaire sont des milieux originaux qui jouent un rôle capital dans
l’environnement littoral. Ce sont des milieux vivants extrêmement productifs. Ils
constituent des infrastructures naturelles
pour épurer les eaux, réguler les écoulements, limiter l’impact des inondations
ou des raz de marée, accueillir une riche
biodiversité tant sur le plan floristique
que de l’avifaune et de la faune piscicole.
Ces milieux très riches et profondément
anthropisés sont fragiles et soumis à de
nombreuses pressions. Ils entrent dans
la catégorie des zones humides artificielles de la convention de Ramsar et il y
a un large consensus sur la nécessité de
les protéger.
La détermination de ces zones
est variable. Elle va de 45 000 ha à 76
000 ha selon les bases utilisées. Leur
statut de zone humide est contesté par
divers organismes. Trois questions se
posent : quels sont les niveaux
d’organisation pertinents, quelles logiques de gestion, quelle articulation des
niveaux de gouvernance ?
Figure 50 : surface des zones humides de l’estuaire de
la Gironde, in Communication de Patrick POINT au
De multiples structures intercolloque de Royan des 28 et 29/10/2010
viennent sur les marais girondins: les
services de l’État, les établissements
public, les régions, départements, pays, communautés de communes, communes, le SMIDDEST, les
syndicats d’eau potable, d’assainissement, de bassin versant, etc. Cette diversification est-elle facilitatrice par rapport aux objectifs du SAGE : amélioration de la qualité des eaux et des écosystèmes,
sécurisation des biens et des personnes, gestion durable des milieux naturels ?
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
76
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
C’est dans ce paysage qu’existent les associations syndicales de propriétaires (ASP). 38 470
ha de marais sont gérés par les ASP en Gironde. La mise en place d’une organisation collective des
e
marais a commencé très tôt avec un regroupement purement volontaire jusqu’au XIX siècle. Puis, la
seule mobilisation des initiatives individuelles s’est révélée être de moins en moins efficace pour aménager et gérer les zones humides. Un cadre de fonctionnement a donc été imposé par la puissance
publique avec les lois du 15 septembre 1807 et du 21 juin 1865. Dans la zone SAGE estuaire, il y a
aujourd’hui 25 associations syndicales libres, 16 associations syndicales agréées, 6 associations syndicales forcées et 3 associations forcées.
Dès 1870, 85 % des surfaces actuellement en ASP bénéficiaient de ce mode de gestion. Les
surfaces sont très diverses variant de 52 ha à 5 237 ha. Le nombre de propriétaires est aussi très
varié allant de 17 à 640 dans une ASP. Il y a d’importants écarts entre les surfaces moyennes par
propriétaire. Elles peuvent aller de 0,28 ha à 23,5 ha. Cette diversité pose la question de l’efficacité de
la taille en rapport avec l’activité productive, mais aussi en rapport avec la production des services
écosystémiques. La taille des ASP est une forme d’arbitrage des économies d’échelle qui réduisent
les coûts, de l’hétérogénéité spatiale qui génère des coûts dus à une mauvaise prise en compte des
spécificités locales et des coûts de transaction.
Il en ressort trois hypothèses : des économies d’échelle avec la surface, un accroissement de
l’hétérogénéité avec la surface et un accroissement des coûts de transaction avec le nombre de propriétaires. Seule la première hypothèse a été testée. La dépense moyenne annuelle par hectare dans
une ASP est de 5,42 euros en 2000 (coût de fonctionnement 1985-2005).
Les ASP de marais, par leur proximité au terrain, par la connaissance intime du fonctionnement des marais assurent une maintenance relativement efficace et peu coûteuse. Toute autre forme
d’externalisation de la maintenance risque de se révéler bien plus coûteuse. Mais ces formes associatives sont vulnérables à tous les signaux exogènes (économiques et juridiques) qui sont de nature à
dégrader les solidarités qui constituent leur ciment. Il convient d’y être attentif.
Figure 51 : les marais du Conseiller, entre estuaire et océan, sont gérés par une association syndicale de propriétaires (© Laurent MIGNAUX / MEDDTL)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
DÉBAT
Sébastien TORTAJADA, Patrick POINT
Joël Mercier, direction départementale de la protection des populations de Gironde
On ne meurt pas du cadmium, mais ce dernier peut provoquer des lésions irréversibles au niveau des reins. C’est un poison cumulatif. La demi-vie d’une molécule de cadmium chez l’homme est
de 40 ans. Il est tout à fait normal que les autorités publiques aient décidé de réduire la norme.
Question à Julien Moderan : vous avez utilisé des huîtres en pleine croissance pour votre expérience. Avez-vous envisagé de la faire avec des huîtres de taille marchande ?
Julien Moderan
On ne refait pas le RNO qui prélève des huîtres de toutes les tailles dans le milieu naturel, ce
qui permet de voir les différences à l’échelon national. Ici, nous avons mis en place un outil de diagnostic à une échelle plus fine. Nous avons rencontré les problèmes de la croissance et de la dilution
liés à la période de reproduction sur des lots d’huîtres homogènes. La solution serait de travailler sur
des quantités de métaux par individu et non pas en fonction du poids ou de travailler sur un organe
qui n’a pas tellement bougé plutôt que sur l’ensemble des tissus.
Franck Laporte, Communauté de communes de la pointe du Médoc
Je veux intervenir sur les associations syndicales de propriétaires. Le syndicat intercommunal
de bassin versant assume l’essentiel de la tâche de préservation des zones humides. C’est lui qui
gère l’ensemble du réseau hydraulique. Les ASP n’ont pratiquement plus de rôle réel. En revanche,
ce qui se prépare, c’est une vision d’ensemble de l’estuaire, des digues et du réseau hydraulique.
Ceci se fait par l’intermédiaire du SMIDDEST. Mais il faut un renforcement des personnels. Aujourd’hui, les travaux d’entretien demandent des études longues et coûteuses. Le temps que soient
passés les marchés publics, il se passe de longs délais et les infrastructures ont le temps de se dégrader. A certaines époques, il y avait un personnel dédié sur place qui assurait un entretien régulier
efficace et à faible coût.
Figure 52 : marais de la rive droite de la Gironde (© Laurent MIGNAUX / MEDDTL)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Session 4 :
Préservation et fonctionnalités
Modérateur : Benoit SAUTOUR
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Échanges dissous et particulaires
dans le système Pertuis-Gironde :
état des connaissances et modélisation ;
implications sur les fonctionnalités écologiques
Pierre LE HIR
Ifremer
La gestion des sédiments dans le bassin de Marennes Oléron nécessite une connaissance
des flux particulaires et des bilans sédimentaires à l’échelle du bassin, et une description des conditions dominantes dans lesquelles les transits se produisent. Connaître la nature du sédiment superficiel et sa variabilité est important en termes d’habitat et de végétation. Quand il y a re-suspension, la
turbidité force la production primaire.
La très grande variabilité spatio-temporelle des flux particulaires à une très fine échelle est
telle qu’elle est inaccessible à la mesure. Il faut donc utiliser un modèle mathématique à condition de
s’appuyer sur des mesures pour le valider. Annoncer des flux instantanés corrects va de pair avec une
bonne estimation des matières en suspension. Pour les flux résiduels moyens sur plusieurs années,
c’est beaucoup plus délicat. Une étude a utilisé un modèle de courant, un modèle de vague et un modèle de sédiment. Le maillage est de 1 km au large, de 200 m à l’intérieur des pertuis.
Les courants sont dépendants de la marée et du vent. Un épisode de fort vent de sud-ouest
au Chapus, par exemple, donne une marée où il n’y a pratiquement que du courant portant au nord. Il
y a une grande sensibilité au vent des échanges particulaires. Dans la baie de Brouage, en vive eau,
le flux de particules va vers la côte. Un flux inversé se produit épisodiquement quand il y a de fortes
vagues. Celles-ci constituent un forçage très important. La zone d’influence maximum des vagues,
c’est le début des estrans. Pour les courants, ce sont les chenaux.
Les premiers résultats montrent qu’il y a peu d’échanges entre l’ouest et l’est du bassin de
Marennes Oléron alors que les distances sont courtes. Par marée de vive eau, vent modéré et vagues
faibles, les matières en susa)
b)
pension restent dans la partie
est (panache de la Charente).
Par marée de vive eau, vent
d’ouest soufflant en tempête,
on constate une très forte
remise en suspension. Par
marée de vive eau, fort vent
de nord-est et vague faibles,
les matières en suspension
sont expulsées par le pertuis
de Maumusson. Au gré des
forçages, la situation du sédiment superficiel varie. Sa
nature va bouger dans les
zones intermédiaires en été et
en hiver passant de la vase
au sable.
Figure 53 : matières en suspension présentes dans les pertuis
par a) marée de vives eaux, vent modéré, vagues faibles et b)
marée de vives eaux, fort vent d’ouest, tempête - in Communication de Pierre LE HIR au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Une carotte « numérique » prise sous une table ostréicole montre un envasement. Sans la
table, on assiste à une remise en suspension. C’est très important pour le régime résiduel du bassin
de Marennes Oléron et cela montre l’utilité et la nécessité d’enlever les tables en hiver.
Sous une table ostréicole
Au même endroit, sans table ostréicole
Figure 54 : empilement des couches de vase obtenu par modélisation (carotte numérique),
in Communication de Pierre LE HIR au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Quelle est l’incertitude de ce qui est proposé ? Le travail est effectué sur beaucoup de paramètres où il y a, à chaque fois, une incertitude. Ce que l’équipe sait faire, ce sont des études de sensibilité. Quand elle étudie des cycles annuels avec différentes conditions de paramétrage, ça change,
mais pas du tout au tout, ce qui est rassurant. Au sud de l’embouchure de la Charente, on constate un
flux moyen de matières en suspension allant du nord vers le sud.
Le travail reste à faire pour ce qui est des liens entre les pertuis et la Gironde. Le modèle numérique a été travaillé comme si ce fleuve n’existait pas. Pourtant la Gironde participe au budget sédimentaire du système. Il y a donc la nécessité de construire un modèle unique Gironde-Pertuis avec
un maillage qui permette d’affiner dans les zones d’intérêt.
Le modèle est validé pour les courants, plus ou moins pour les vagues et à améliorer pour la
turbidité. Il y a besoin de connaître la distribution initiale du sédiment. Les résultats montrent qu’il y a
une coupure est-ouest du bassin de Marennes Oléron, que le déménagement des tables conchylicoles en hiver est utile et nécessaire, qu’il y a une forte variété saisonnière du sédiment superficiel et
de la turbidité. Des questions restent posées : y a-t-il une érosion sur la côte nord-est d’Oléron. Quels
sont les échanges avec la Gironde et le rôle des vasières sous-marines à l’ouest et sud au large de la
Gironde.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
La Gironde et les Pertuis charentais :
formation, évolution et comblement
Eric CHAUMILLON
Université de la Rochelle
Le système Gironde et Pertuis charentais présente une unité géologique et sédimentologie
qui rend pertinent le découpage choisi par l’Agence des aires marines protégées pour le futur parc
naturel marin. Le trait de côte est dominé par quatre vallées incisées : la Gironde, la Seudre, la Charente et l’ensemble Sèvre Niortaise et Lay. Une vallée incisée est une dépression topographique, érodée par un fleuve, plus large qu’un chenal, caractérisée par des variations latérales de faciès abruptes
vers la mer, au dessus d’une limite de séquence régionale.
Une échographie du sous-sol des
Pertuis a été effectuée, complétée par des
carottages pour la valider. Elle a, de plus,
été confrontée à un modèle numérique de
sédimentation. Les courbes d’iso sédimentation donnent son relief. Et sous le sédiment, on constate la continuité des vallées.
Les variations du niveau de la mer sur de
longues périodes expliquent l’évolution du
trait de côte et des fleuves. Quand le niveau
baisse, comme au quaternaire (il y a 20 000
à 100 000 ans), la vallée se creuse. Quand
la mer est à son niveau le plus bas, un cortège de dépôt se met en place avec un
delta. Quand la mer remonte de nouveau, la
vallée est inondée et un estuaire se forme,
c’est la situation actuelle. Et quand le niveau marin est au plus haut, l’estuaire se
comble.
Actuellement, partout dans le
monde, les estuaires se comblent, ce qui
prend de 10 000 à 20 000 ans. Si le système se comble naturellement, l’homme et
le climat accentuent le phénomène. Les
Figure 55 : les vallées incisées des côtes charen- variations du niveau marin jouent donc un
taises dans les Pertuis, in Communication d’Eric
rôle très important. Les affleurements roCHAUMILLON au colloque de Royan des 28 et
cheux sont nombreux dans le nord du golfe
29/10/2010
de Gascogne et moins nombreux dans le
sud. Ces affleurements fixent les reliefs au milieu des vallées dans les pertuis en leur interdisant de
trop se déplacer latéralement.
Un exemple, pendant 150 ans, le pertuis de Maumusson a été orienté d’est en ouest puis
dans les années 50, il a basculé vers le sud. Une carte du substratum géologique a été superposée à
la bathymétrie du chenal. On s’est aperçu que le chenal était complètement verrouillé par la vallée
rocheuse. Mais depuis les années 50, la diminution des volumes d’eau échangés a permis une restriction du chenal qui a diminué en largeur et en profondeur et est sorti de sa vallée. Il y a donc eu un
contrôle géologique sur la dynamique sédimentaire.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
84
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Sur la Gironde, le système est fortement contrôlé par l’héritage géologique. La comparaison
avec le bassin d’Arcachon le montre. Les cortèges sableux qui se mettent en place dans la Gironde
sont bloqués par le substrat rocheux. Ce n’est pas le cas du bassin d’Arcachon où les cortèges sableux se déplacent du nord vers le sud.
Les pertuis et la Gironde sont caractérisés également par une mobilité extrême du
trait de côte. Entre 1824 et aujourd’hui, le chenal principal de la Gironde a migré de 5 km
vers le sud. En même temps, la pointe de la
Coubre a reculé de 1,5 km, soit 15 mètres par
an tandis qu’on assistait à une progradation
(avancée sédimentaire) de la côte de l’île
d’Oléron de 1,5 km vers le sud-ouest et à une
accrétion de 120 millions de mètres cubes de
sédiment dans le bassin de Marennes Oléron.
Donc un littoral extrêmement mobile.
Les évolutions sédimentaires sont interdépendantes, avec une dérive littorale emmenant le sable vers le sud et la migration des
suspensions vers le nord. Le sable transporté
par la houle et les courants va vers le sud et
est piégé dans le pertuis Breton. Le pertuis
d’Antioche s’appauvrit en sable tandis que les
suspensions venues de la Gironde arrivent à
pénétrer dans le bassin de Marennes Oléron.
Autre constat, les vasières sont toutes datées
de 500 à 600 ans.
Les changements climatiques ont
aussi leur rôle. Le déplacement sédimentaire
de la pointe d’Arçay le montre. Le taux de
croissance de la flèche est directement corrélé
ave la taille des vagues. Les activités humaines ajoutent au phénomène. Les augmentations de dépôt de vase sont liées au deuxième épisode de déforestation majeur en
France. Et ce taux de sédimentation a été
considérablement accru au moment du plus
fort pic de pluviosité des 500 dernières années
qui a eu lieu pendant le petit âge glaciaire.
Figure 56 : les activités humaines (conchyliculture, poldérisation…), la dérive littorale ou autres
causes naturelles, sont responsables d’une modification de la bathymétrie dans le bassin Marennes Oléron durant le siècle dernier, in Communication d’Eric CHAUMILLON au colloque de
Royan des 28 et 29/10/2010
Quelles sont les évolutions futures ? Des programmes de recherche sont développés pour arriver à comprendre ce qu’il va se passer. L’érosion des côtes est dominée par la houle tandis que le
comblement des zones est dominé par les marées. Cela aboutit à une linéarisation du trait de côte.
Mais le niveau de la mer n’est pas stable. Celui-ci monte de 1,7 mm par an et il faut ajouter l’effet des
tempêtes comme celle de Xynthia. Un modèle numérique permet une simulation de submersion par
les plus hautes mers actuelles.
L’étude du comblement sédimentaire des quatre vallées incisées met en évidence le rôle crucial des variations du niveau de la mer, des changements climatiques et de l’homme sur des échelles
de temps millénaires et séculaires.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
85
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Turbidité, envasement, érosion :
conséquences sur le milieu, les habitats,
l’économie du système Pertuis-Gironde
Aldo SOTTOLICHIO
Université de Bordeaux
En zone littorale, la turbidité traduit la présence de matières en suspension (MES), d’origine
minérale pour la plupart. Dans l’estuaire de la Gironde, les MES s’accumulent en un bouchon vaseux
sous l’effet de la déformation de l’onde de marée lors de sa propagation vers l’amont, et dans une
moindre mesure de la circulation résiduelle de densité (due aux gradients de salinité présents dans
l’estuaire). En Gironde, les concentrations de MES dépassent en moyenne 1 g/l, ce qui fait de cet
environnement comparé à d’autres système semblables un milieu hyper turbide et une source importante de matière particulaire. La Gironde apporte 60 % du flux particulaire dans le golfe de Gascogne
dont une partie entre dans les pertuis.
Le bouchon vaseux joue un rôle central dans l’estuaire comme source d’envasement, vecteur
de contaminants et de matière organique. L’onde de marée permet de comprendre ce qui en découle
du point de vue sédimentaire. Des courbes de marée enregistrées à la pointe de Graves, à Pauillac et
à Bordeaux montrent la déformation de l’onde. Si le marnage est de 5 mètres à l’embouchure, il augmente vers l’amont, avec plus d’amplitude à Pauillac et encore plus à Bordeaux. L’onde devient très
asymétrique avec une durée du flot (à marée montante) qui est très courte comparée au jusant (à
marée descendante) qui est long. L’estuaire de la Gironde est dit hypersynchrone. Les conséquences
sur l’hydrodynamique sont une inégalité dans les vitesses qui engendrent des phénomènes assez
complexes.
La mesure de la marée à un mètre au-dessus
du sédiment en vive eau dans le chenal montre un courant de 2 m/s. En dehors du chenal, il reste élevé à plus
de 1 m/s. La formation du bouchon vaseux s’explique
par le phénomène de déformation de l’onde de marée.
Des courants symétriques à l’embouchure deviennent
asymétriques à l’intérieur de l’estuaire. Cela crée une
rétention des particules, phénomène aggravé par les
gradients verticaux et horizontaux provoqués par la
rencontre de l’eau douce et de l’eau salée. Une modélisation a été développée avec des paramètres tenant
compte de la marée, du transport des sédiments fins,
de l’érosion et du dépôt.
Le long du chenal de la Gironde, la salinité fait
varier le bouchon vaseux. Lors de l’entrée de la marée
à l’intérieur de l’estuaire, le bouchon vaseux gonfle à
cause de la remise en suspension. Au moment de
l’étale, la concentration décroît par décantation. A marée haute, cette décantation est beaucoup plus imporFigure 57 : crème de vase (au fond) retante qu’à marée basse car elle dure plus longtemps.
produite en laboratoire, in Communication d’Aldo SOTTOLICHIO au colloque de Cela peut expliquer le piégeage des sédiments dans
l’estuaire.
Royan des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
La crème de vase est un envasement rapide sur le fond au moment de la morte eau. La vitesse du courant plus faible érode moins que la vive eau et des couches de vase fluide vont persister
au fond. Elles participent à l’envasement rapide du chenal de navigation et sont à la source des opérations de dragage. Cette crème de vase s’accompagne de paramètres physico-chimiques complexes
à étudier.
Le bouchon vaseux se déplace longitudinalement selon le cycle des marées. Mais il existe
aussi une dimension saisonnière en fonction des variations du débit fluvial amont dans la Garonne et
la Dordogne. Ce débit va avoir un effet sur le déplacement de l’intrusion saline et donc sur le point de
piégeage des sédiments. De juin à octobre, le bouchon vaseux a une position plus en amont. De novembre à mars, il redescend vers l’aval. Mais les eaux restent très turbides. C’est dans les moments
de crue qu’un flux important de MES va être exporté vers l’océan.
Juin - octobre
Novembre - mars
Figure 58 : variation saisonnière de la position du bouchon vaseux ; la turbidité est indiquée
en blanc, in Communication d’Aldo SOTTOLICHIO au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
La sortie des sédiments a été observée par télédétection et par image satellitaire. Le vent a
un rôle très important dans la déviation du courant et sur la trajectoire du panache. Les images de
satellites montrent diverses situations de panache. Des débits bas et les mortes eaux ne sont pas
favorables à l’expulsion.
La quantité des flux exportés est difficile à estimer. Jouanneau en 1982 parle de 1,5 million de
tonnes par an. Dabrin en 2009 parle de forte variabilité. Il est donc important d’avoir un outil de modélisation, car c’est le seul qui a accès à toute la section du chenal et qui permet de faire une estimation
peut être moins incertaine.
Pour connaître l’évolution à long terme, des programmes de recherche ont été mis en place :
Somlit et Magest. Trois années de mesure du réseau Magest permettent de voir les cycles étiagescrues avec l’arrivée et le départ du bouchon vaseux à Pauillac, Bordeaux et Portets. La cyclicité de la
turbidité est assez remarquable avec des valeurs très élevées allant jusqu’à 10 g/l.
La comparaison de deux situations bathymétriques dans la Garonne donne un flux de MES
plus important vers l’amont en 2002 qu’en 1959. Sur le long terme, ces modifications ont une influence sur la remontée du bouchon vaseux avérée depuis 30 ans à 40 ans et qui peut être accentuée
par un déficit du débit fluvial.
La priorité est maintenant de mettre en place une sorte de modélisation globale pour le système Pertuis-Gironde.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
87
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Qualité de la matière organique particulaire
et réseaux trophiques du système Pertuis-Gironde
Nicolas SAVOYE
Université de Bordeaux
La matière organique particulaire, c’est la quantité de matière qui reste sur un filtre après une
filtration. Il y a un brouillard de particules, un ensemble hétérogène de particules. Il y a un compartiment lithogène, le matériel minéral non lié au vivant par opposition au compartiment biogène,
l’ensemble de la matière liée au vivant. Il y a de la matière minérale liée au vivant (par exemple, carapace de silice autour d’une diatomée), puis la matière organique.
De quoi cette matière
organique est-elle constituée ? Quel est son devenir
dans le réseau trophique ?
Dans quelle mesure les espèces
animales
vont
l’utiliser ?
Dans les systèmes
côtiers, cette matière organique particulaire a des origines très diverses. Elle est
apportée par les fleuves, par
l’océan, mise en suspension
depuis les sédiments, constituée de macrophytes, algues
ou végétaux supérieurs sous
Figure 59 : dans l’estuaire de la Seudre, la matière organique,
forme de débris, de bactérie, source de nourriture se mélange aux particules minérales (arde phytoplancton, de fèces, gile…) (© Laurent MIGNAUX / MEDDTL)
de zooplancton, de détritus.
Cette matière organique est transportée dans la colonne d’eau et va migrer vers l’océan ou
vers le sédiment. Elle est un vecteur de contaminations, elle intervient dans les grands cycles biogéochimiques, en particulier dans le cycle du carbone à l’échelle d’un système et à l’échelle de la planète.
Ce matériel est à la base de la chaîne alimentaire.
Cette matière a été étudiée sur l’estuaire de la Gironde et dans le pertuis d’Antioche. Les
cartes donnent la composition et l’origine de cette matière et de quelle façon elle est utilisée par les
espèces animales. Dans la Gironde, le matériel total a une forte dominance terrestre, avec une plus
grande influence du phytoplancton et des bactéries. La proportion de phytoplancton augmente quand
on se rapproche de l’embouchure. A ce niveau, les flux de carbone représentent 43 800 tonnes de
carbone par an issu du matériel terrestre pour 3 800 tonnes de carbone par an représenté par du phytoplancton.
Dans le bassin de Marennes Oléron, sur la Charente, le matériel terrestre domine, puis vers
l’aval, il se mélange de microphytobenthos et de macro-algues. En allant vers le large, l’influence du
matériel terrestre diminue au profit du phytoplancton, d’une petite présence de macro-algues avec
toutes les étapes intermédiaires.
Comment cette matière va-t-elle être utilisée par le zooplancton ? La question a été étudiée
sur la Gironde avec trois types de copépodes (Acartia bifilosa, Acartia tonsa et Eurytemora affinis). Ils
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
88
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
s’alimentent principalement
sur du matériel
terrestre,
phytoplancton
et des bactéries.
Ressource
trophique
desdu
huitres
(Crassostrea
gigas) Ils font une
sélection plutôt en faveur du phytoplancton. En Charente, la préférence des copépodes va au phytoplancton et au microphytobenthos par rapport à ce qui est disponible.
Riera et Richard (1996, 1997), Malet (2005)
Dans les sédiments, la matière organique particulaire est exclusivement terrestre en Gironde tandis qu’à Oléron, sur un
herbier intertidal, elle est dominée par le
microphytobenthos. Dans le bassin de Marennes Oléron, la ressource trophique des
huîtres est diversifiée : matériel terrestre,
bactéries, microphytobenthos en sortie de
l’estuaire de la Charente. Vers le large, les
huîtres utilisent quasiment exclusivement
du phytoplancton, avec une ressource plus
diversifiée vers le sud.
Ressource trophique des huitres (Crassostrea gigas)
été
été
La ressource trophique des coques
dans le bassin de Marennes Oléron
(Brouage) est constituée de phytoplancton
et de microphytobenthos en suspension.
Mais c’est anecdotique par rapport à
l’habitat habituel des coques.
Chez les gastéropodes brouteurs
(hydrobies et littorines), on observe une très
large dominance d’utilisation des microalgues et du microphytobenthos.
microphytobenthos
Le travail de Pierre Richard de
MOP
terrestre
l’Université
de La Rochelle phytoplancton
sur la macrofaune benthique à Brouage montre une
dominante de l’utilisation du microphytobenthos puis de la matière organique particulaire en suspension et de la matière dans le
sédiment.
Riera et Richard (1996,
été
été
été
été
été
été
bactéries
microphytobenthos
bactéries
MOP terrestre
quantitatif
phytoplancton
quantitatif
Figure 60 : la ressource trophique des huîtres dans
les Pertuis en été est principalement constituée de
phytoplancton, in Communication de Nicolas
SAVOYE au colloque de Royan des 28 et
29/10/2010
Benoît Lebreton a travaillé sur un herbier à zostère à Oléron. Il constate une très forte utilisation du microphytobenthos, de la matière organique sédimentaire et du phytoplancton par les consommateurs primaires. Dans les marais, la matière en suspension est dominée par le phytoplancton.
En conclusion, ce travail montre l’importance des microphytes comme ressource trophique de
la macrofaune benthique. Les espèces exercent une sélection de la ressource à leur disposition. Mais
elles s’adaptent, par exemple, les huîtres sont capables d’utiliser du matériel terrestre en l’absence de
microphytes. Pour l’instant, on constate une mauvaise prise en compte de l’influence des bactéries
comme source trophique et comme consommateur. On a peu de connaissance sur les sources trophiques de la macrofaune benthique de la Gironde et du zooplancton hors estuaire. Toutes ces ressources ont été faiblement quantifiées.
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89
qualitatif
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
DÉBAT
Pierre LE HIR, Eric CHAUMILLON, Aldo SOTTOLICHIO, Nicolas SAVOYE
Pierre Le Hir
Je voulais répondre à Eric sur la contradiction apparente entre le flux sortant que j’indiquais à
Maumusson et le piégeage dans le bassin de Marennes Oléron. Un piégeage résulte d’une différence
entre une sortie et une entrée. Les deux ne sont pas incompatibles. Il y a un piégeage résiduel. Et sur
la Charente, il y a un flux rentrant.
Maurice Chuillier de Royan
Dans son exposé, Eric Chaumillon indique, qu’au voisinage des pertuis, la montée des
océans serait de 1,7 mm par an. La moyenne mondiale, mesurée depuis 15 ans par les satellites Poséidon et Jason, est de 3,2 mm par an en moyenne. Sur nos côtes, elle est donc bien inférieure à la
moyenne.
Cela fait justice du catastrophisme qui prévoit 1 m de montée des océans à la fin du siècle. Le
recul du trait de côte est plus imputable à l’érosion qu’à la montée des océans.
Eric Chaumillon
Il n’y a pas de contradiction. 1,7 mm par an est un chiffre moyen sur le siècle. Ce que vous
dites révèle une accélération du processus depuis que les satellites sont en route. Par rapport à
l’érosion et à la submersion, je suis d’accord avec vous. Le recul des côtes par érosion est beaucoup
plus important.
Pierre Le Hir
Aldo, peux-tu parler du projet Barcasud concernant la problématique d’érosion submersion où
la zone atelier est le bassin d’Arcachon ?
Aldo Sottolichio
C’est un projet piloté par des géographes, des représentants des sciences humaines, de
l’économie et des sciences dures. Il s’agit d’évaluer de tous les points de vue la viabilité de la dépoldérisation comme l’une des solutions à la lutte contre la submersion. Plutôt que de se protéger avec
des digues, essayer de voir ce qui se passe si on laisse faire pour que le marais se reconstruise de
manière naturelle et fasse un effet d’éponge. La zone atelier, c’est quelques marais du bassin
d’Arcachon. Ce sera une étude concrète hydrodynamique et sédimentaire. Mais on veut voir surtout
l’impact chez les riverains. L’étude est dans sa première année.
Jean-Pierre Guillon, club fourasin motonautique
Vous avez fait remarquer qu’il y a un flux rentrant dans la Charente. Le volume de matières en
suspension est-il plus important que le volume sortant ?
Pierre Le Hir
Cette question est une grande préoccupation du moment. Si on prend l’exemple de la Vilaine,
l’envasement par la mer est avéré depuis le barrage d’Arzal. En Charente, on ne sait pas bien, ça va
faire l’objet d’une étude approfondie. La modélisation en Charente était très rustique, on peut faire de
façon plus fine. Une thèse démarre à l’Université de La Rochelle pour répondre à ce type de question.
Mais le résultat d’un an de simulation, c’est que le bilan net est rentrant en Charente.
Estelle Gironnet, pôle nature du parc de l’estuaire
Dans votre exposé sur la matière organique en Gironde, vous montrez une diapo où, sur la
rive droite, le phytoplancton domine et, sur la rive gauche, la matière d’origine terrestre. Est-ce bien
cela ?
Autre question, avez-vous des informations sur la nouvelle île apparue dans l’estuaire ?
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
90
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Nicolas Savoye
Je n’ai pas d’information sur la nouvelle île. Pour la première question, ce sont deux prélèvements faits au même endroit mais pas la même année. La première analyse s’intéresse au matériel
terrestre et l’autre au matériel qui est moins dégradé. Sur ce matériel, il y a une plus grosse influence
du phytoplancton et des bactéries. Le premier outil ne décèle pas les bactéries, le second oui.
Eric Chaumillon
L’île à l’embouchure de la Gironde est un banc de sable installé à l’interflux de sud sur le plateau rocheux de Cordouan. Ce n’est pas un grand banc de sable comme on peut en voir à l’intérieur
de la Gironde. Aucun de nous ne l’étudie précisément. Un estuaire est un lieu de convergence sédimentaire, c’est un environnement qui se comble. Ce sont les effets conjugués du flot et de la houle qui
apportent du sable et le fait entrer dans l’estuaire. On le voit avec la flèche de la Coubre. Dans la zone
abritée derrière Cordouan, on a une accumulation de sable.
Jacques Rullier, une pointe pour tous
Quel peut être l’influence des constructions de digues ou de jetées sur le trait de côte immédiat ? Nous avons deux plages jumelles à Saint-Georges-de-Didonne et à Royan. La première est
intacte avec une petite digue figée depuis un siècle. La deuxième a vu sa conche érodée dans sa
partie centrale et envasée sur les parties latérales avec les agrandissements successifs du port depuis les années 60.
Pierre Le Hir
L’impact local ne doit pas être ignoré dans les flux à grande échelle. La construction d’un ouvrage n’est pas anodine.
Eric Chaumillon
Tout à fait d’accord. Le forçage qui va perturber le site n’est pas énorme, mais les influences
peuvent être très importantes. Quand on construit des ouvrages, on ne s’adresse pas à des universitaires mais à des bureaux d’ingénierie. Un problème local va avoir un traitement local avec un budget
sommaire. Les bureaux d’études n’ont pas les moyens suffisants pour connaître les forçages.
Le projet de prolongation de 40 mètres de la jetée du bac de la Gironde n’a pas fait l’objet
d’une étude d’hydrologie de la conche et de l’entrée de la Gironde.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Biodiversité faune-flore dans les Pertuis charentais :
inventaire et perspectives
Pierre-Guy SAURIAU
Université de la Rochelle
Le mot biodiversité peut désigner celle des cultures, des paysages, des écosystèmes, des
habitats, des populations, des espèces, des gènes. La biodiversité dont il est question ici est celle des
espèces et plus précisément celle de la faune et de la flore des Pertuis charentais. La faune étudiée
est la macrofaune, c’est-à-dire d’une taille de plus d’un millimètre et de moins d’un centimètre. Il faut
commencer par nommer les espèces. Carl von Linné a proposé un système binomial en 1758 qui
comprend le genre et l’espèce, par exemple Tubularia indivisa (Linné, 1758) (un petit ver), Ficopomatus enigmatus (Fauvel, 1923), un polychète qui crée un tube calcaire, Crassostrea gigas (Thunberg,
1793), l’huître creuse qui va peut être disparaître de nos côtes.
Le complexe des Pertuis charentais est un système qui, au cours des âges géologiques, a vu
la mer progresser vers la côte avec la remontée du niveau marin depuis 18 000 ans. Les pertuis sont
peuplés d’espèces boréales venues du nord et d’espèces méridionales venues du sud. Les pertuis
sont donc à la confluence de ces deux influences. Si le climat se réchauffe, il y aura une prépondérance des espèces méridionales. Par ailleurs, ils forment aussi une mosaïque d’habitats, vase, sable,
roche.
La faune macroscopique des invertébrés comprend aujourd’hui 1 200 espèces listées dans les pertuis entre 1700 et 2011.
L’inventaire s’inscrit dans l’histoire de France
e
avec les savants naturalistes du XVIII et du
e
XIX siècle, les instituts de recherche et les
e
universités au XX siècle. Le nombre d’espèces
nouvellement répertoriées a commencé en
1710 avec Réaumur qui a décrit 10 espèces
communes des pertuis (moule, lavagnon, palourde, coque, flion…). L’inventaire a continué
avec Clément de la Faille qui a légué son cabinet de curiosité à la ville de La Rochelle à sa
mort en 1782, puis avec Bellevue, D’Orbigny et
Cassagneaud. Beltrémieux a réalisé une première synthèse en 1884 avec 400 espèces.
Une deuxième synthèse est réalisée en 2000
par de Montaudouin et Sauriau avec 850 espèces. La progression a continué avec 150
espèces de plus, par la mise en place des réseaux de surveillance puis 90 très récemment
avec Mathieu Le Duigou (2011).
Figure 61 : planche de dessins présentant les
espèces communes des pertuis (Réaumur,
1710), in Communication de Pierre-Guy
SAURIAU au colloque de Royan des 28 et
29/10/2010
250 espèces de macroalgues sont présentes dans les pertuis. Il existe un schéma de répartition des espèces, utilisé en Bretagne, mail il est assez difficile à appliquer sur les côtes charentaises,
car le substrat calcaire jurassique et crétacé est en marche d’escalier avec des ruptures de pente
brutales et diffère du granit breton. Ce qui fait qu’il n’y a pas un continuum d’espèces sur l’estran. En
Bretagne, 800 espèces de macroalgues sont répertoriées.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
1200
Bilan cumulé
1000
800
600
400
200
1840
1860
1880
1900
1920
1940
1960
1980
2000
2020
1840
1860
1880
1900
1920
1940
1960
1980
2000
2020
1820
1800
1780
1760
1740
1720
1700
0
180
Nouvelle signalisation
150
120
90
60
30
1820
1800
1780
1760
1740
1720
1700
0
Figure 62 : inventaire des invertébrés marins dans les Pertuis, bilan cumulé et nouvelle signalisation - in Communication de Pierre-Guy SAURIAU au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Il faut distinguer deux plantes marines particulières, Zostera marina et Zostera noltii qui tiennent un rôle patrimoniale dans notre région.
Des photos satellites de l’île de Ré permettent de les repérer dans le Fier d’Ars, la fosse de
Loix et Rivedoux. L’extension de ces plantes est de 4,5 km² ces vingt dernières années, c’est-à-dire
une augmentation de 26 % entre 1989 et 2006. Ces plantes créent leur propre habitat, refuge pour un
grand nombre d’espèces et garde-manger pour les poissons et les oiseaux.
Le domaine du large a été peu étudié. Le plateau de Rochebonne pourrait servir de sentinelle
puisque une espèce de macroalgue inconnue en Bretagne y a été trouvée montrant la remontée des
espèces méridionales. Le large va être étudié dans le cadre d’un marché Natura 2000 pour une cartographie financé par l’Agence des aires marines protégées.
Le milieu des pertuis est soumis à une forte pression humaine qui entraîne la destruction
complète ou partielle d’habitats littoraux, la surpêche, des perturbations d’habitats, des introductions
d’espèces exogènes connues pour être facteur de perte de biodiversité.
La variabilité climatique joue aussi un rôle. Elle va entraîner de profonds changements dans le
fonctionnement des écosystèmes. Ce qui provoque de fortes interrogations sur l’état de conservation
des habitats et de leurs espèces. L’exemple d’un herbier de zostères sur l’île d’Oléron montre ce qui
peut arriver. Cet herbier fortement piétiné par l’activité de pêche à pied est très fragmenté et remplacé
par des espèces d’algues opportunistes qui vont finir par l’étouffer.
1 200 espèces, à quoi ça sert ? La biodiversité est un outil de diagnostic utilisé avec pertinence par les réseaux de surveillance organisés par la Directive Cadre sur l’Eau. Elles permettent de
statuer sur l’état écologique de périmètres aquatiques. C’est un indicateur calibré, discuté à l’échelle
européenne. A ce niveau là, on voit que le bassin de Marennes Oléron est en bon ou très bon état
écologique.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Diversité, abondance et variabilité des communautés
de mollusques et d’annélides sur les vasières
des Pertuis charentais
Camille FONTAINE
Université de la Rochelle
Les vasières intertidales des Pertuis charentais présentent de
fortes variabilités de leurs facteurs environnementaux, concernant le
cycle des marées, la salinité et les températures. Peu d’espèces sont
adaptées pour vivre avec de telles variations. Mais ce sont tout de
même des milieux très productifs où la biomasse est importante au
niveau de la macrofaune endogée (qui vit enfoui dans la vase ou le
sable) avec des mollusques, des vers et des crustacés. Ce sont tous
des proies potentielles pour les prédateurs comme les oiseaux marins.
Ce travail a deux objectifs. Le premier est de déterminer les
stocks de proies disponibles pour les oiseaux limicoles et leur distribution sur l’estran. Le deuxième est d’établir la structuration des communautés de la macrofaune benthique et de caractériser et cartographier
les habitats morpho-sédimentaires avec la typologie EUNIS (système
d’information européen pour la nature pour faciliter l’harmonisation des
Figure 63 : carottage du
descriptions et des collectes de données à travers l’Europe).
sédiment d’une vasière
Huit sites d’études ont été échantillonnés : baie de l’Aiguillon intertidale, garde-manger
(côté Vendée, côté Charente-Maritime), île de Ré (Fier d’Ars et fosse essentiel aux poissons et
in
de Loix), estuaire de la Charente, bassin de Marennes Oléron (côté oiseaux migrateurs,
Oléron et côté Moëze). Un quadrillage systématique a été prédéfini Communication de Camille
avec des stations d’échantillonnage tous les 250 mètres. Les sites de FONTAINE au colloque de
Royan des 28 et 29/10/2010
l’Aiguillon et de Marennes Oléron bénéficient d’un suivi de 10 ans.
L’échantillonnage a été effectué à pied ou en bateau. A chaque fois, une carotte de vase est
prélevée puis tamisée pour recueillir les animaux vivants. Un deuxième carottage est effectué pour
prélever le sédiment et en étudier la granulométrie (taille des grains). Les animaux sont traités en
laboratoire. Ils sont mesurés, puis séchés dans une
étuve pour avoir la masse sèche, brûlés au four pour
avoir la masse en cendre et déterminer, par différence, la masse sèche sans cendre. Toutes les données sont saisies sur une base Access et géoréférencées sous ArcGis.
Les résultats pour les mollusques révèlent
qu’il y a quatre espèces qui représentent 95 % des
bivalves récoltés : Macoma balthica (telline baltique),
Abra tenuis, Scrobicularia plana (lavagnon) et Cerastoderma edule (coque). Pour les gastéropodes, une
seule espèce représente 99 % des individus, Hydrobia
Figure 64 : répartition de Macoma balthi- ulvae (hydrobie). On remarque l’omniprésence des
ca dans la baie de l’Aiguillon, in Commu- hydrobies à des densités très importantes, de 1 000
nication de Camille FONTAINE au col- individus au m² à 8 000 au m² (Fier d’Ars).
loque de Royan des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Les Scrobicularia et les Macoma sont plus présents au niveau des deux sites de la baie de
l’Aiguillon et dans l’estuaire de la Charente, dans les sédiments sablo-vaseux. Leurs densités sont
beaucoup plus faibles : 200 à 300/m² pour les Scrobicularia, 100 à 200/m² pour les Macoma.
Sont uniquement présentés ici les échantillonnages effectués pendant l’hiver 2008-2009. Les
Ruditapes (palourdes) et Abra sont présents sur l’île de Ré, dans le Fier d’Ars, à 100/m² pour les Ruditapes, 200/m² pour les Abra. Dans la baie de l’Aiguillon, les Abra sont peu nombreux.
Les vers marins sont présents à travers
surtout deux espèces, Nephtys hombergii et Hediste diversicolor. Mais d’autres espèces sont
présentes : Neanthes sp., Notomastus latericeus,
Eteone longa, Arenicola marina et Owenia fusiformis. Les vers sont peu ou pas présents sur
trois sites : Charente, Moëze et Oléron. Notomastus est très abondant sur l’île de Ré (100 à
200/m²), Nepthys (40/m²) et Hediste (15/m²) sont
plus abondants sur la baie de l’Aiguillon. Les
autres espèces sont à des densités inférieures.
Pour les crustacés, il y a peu d’espèces :
crevettes de vase, gammares et crabes verts.
Tous les résultats ne sont pas donnés, car les
cartographies sont en cours de réalisation.
En conclusion, on note l’omniprésence
de l’hydrobie avec de fortes densités. Les vers
sont présents mais à des densités moins fortes
et les crustacés sont peu nombreux. La variabilité de la distribution est fonction des différents
sédiments de l’estran. Il est donc important de
connaître la structuration de la communauté de
la faune benthique via sa distribution verticale et
horizontale. Certaines espèces peuvent être
utilisées comme bio-indicateurs de l’évolution
des vasières.
Figure 65 : répartition et densité de trois espèces de vers dans le Fiers d’Ars et la fosse de
Loix sur l’île de Ré, in Communication de Camille FONTAINE au colloque de Royan des 28
et 29/10/2010
Figure 66 : les oiseaux migrateurs viennent hiverner en grand nombre et trouvent
une nourriture abondante sur les vasières des pertuis (© Sébastien BRUNET / LPO)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
95
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
La fonction nourricerie du secteur
« Pertuis charentais / débouché de la Gironde »
pour la sole commune (Solea solea)
Gérard BIAIS
Ifremer
L’intérêt économique de la sole est très important. C’est la première production en valeur dans
le golfe de Gascogne avec un chiffre d’affaires de 52 millions d’euros en 2007-2009, dont 8 millions
d’euros pour la pêche charentaise. Pourtant la sole est passée par une phase un peu inquiétante en
2000-2006 avec une diminution importante de la biomasse de géniteurs qui a amené à l’adoption d’un
plan de gestion européen. Celui-ci a eu des effets, la biomasse est remontée mais elle tend à stagner
ces derniers temps et les recrutements observés semblent bas.
Les juvéniles arrivent dans la pêcherie à
la taille de 24 cm, soit à l’âge d’environ 2 ans, où
ils commencent à être mâtures. Mais la vraie
maturité est à 3 ans et 27 cm. Les Pertuis charentais sont une zone d’hébergement de ces juvéniles comme le montre un travail d’Olivier Le
Pape en 2003. Les pertuis sont la zone majeure
pour l’extension des nourriceries pour le groupe 0
(individus de l’année de reproduction).
Depuis 2007, une campagne de bilan annuel de l’abondance de la sole est effectuée en
novembre. Une des surprises en 2008 a été de
trouver une forte classe d’âge 2007 dans la baie
de la Vilaine et en face de l’estuaire de la Gironde. Ceci pose la question des liens entre les
pertuis et la Gironde. L’importance de cet estuaire
a-t-elle été sous-estimée dans l’ensemble des
nourriceries de soles ?
L’autre question qui se pose est de savoir
dans quelle mesure ces différentes nourriceries
concourent au renouvellement du stock ? Et certaines sont-elles plus importantes que d’autres ?
On peut trouver la réponse grâce à la microchimie
des otolithes. Les otolithes donnent une trace des
lieux où le poisson a séjourné. Des juvéniles
d’âge 0 ont été prélevés dans 6 endroits connus
dans le golfe de Gascogne et des analyses de la
composition chimique des otolithes ont été menées. Ces analyses permettent d’identifier assez
bien les origines des poissons et notamment ceux
provenant des pertuis.
Figure 67 : modélisation de l’aptitude des habitats à l’accueil des juvéniles de soles ; avec
la baie de Bourgneuf, l’estuaire de la Loire et
la baie de la Vilaine, les Pertuis charentais
sont une des zones potentielles aptes à recevoir les juvéniles - in Communication de Gérard BIAIS au colloque de Royan des 28 et
29/10/2010
Des campagnes de chalutage annuelles ont été lancées depuis 2005 dans les pertuis (Solper). Elles sont faites avec un chalut à perche de 2 m de large sur 50 stations réparties régulièrement
dans chaque pertuis. Ces campagnes ont permis de cartographier l’abondance des juvéniles de soles.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
96
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
La richesse est très variable puisqu’elle peut aller de 500 à 1 700 individus par hectare selon les années. La répartition est très variable notamment dans le pertuis Breton où l’abondance en soles en
baie de l’Aiguillon et pour la partie est du pertuis est la plus élevée. C’est une zone majeure pour le
groupe 0. Il y a aussi beaucoup de juvéniles dans l’estuaire de la Charente.
La taille moyenne
est variable selon les années. Elle n’est pas liée au
nombre d’individus (il peut
y avoir beaucoup de soles
et qu’elles soient plus
grosses qu’une année où
le
recrutement
était
moindre). La croissance
des âges 1 et 2 est aussi
variable. L’explication de
Figure 68 : les coupes d’otolithes (concrétion minérale de l’oreille ce qui peut faire varier la
interne) permettent d’identifier l’origine des poissons, in Communi- croissance n’a pas été
cation de Gérard BIAIS au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
trouvée. Les juvéniles de
moins de 9 cm se rassemblent plutôt sur les fonds vaseux et dans des zones peu profondes de moins de 10 m. Les soles d’âge
1 et 2 se retrouvent dans des zones de substrats plus hétérogènes, à des profondeurs différentes.
L’alimentation des soles a été identifiée par l’analyse des contenus stomacaux. Pour le
groupe 0, ce sont des proies méïobenthiques avec des petits crustacés. Pour les groupes 1 et 2, des
proies macrobenthiques avec des annélides polychètes et des mollusques bivalves. L’étude est en
cours pour faire le lien entre les proies et la richesse des sédiments.
Les petites soles (groupe 0) vont donc essentiellement sur les zones vaseuses du bord du littoral. Les individus d’âge 1 et 2 se distribuent plus largement dans les pertuis. Y a-t-il une liaison avec
la zone au large de la Gironde ? C’est une question à laquelle les analyses prévues des otolithes devraient permettre de répondre. Les juvéniles de cette zone peuvent venir des pertuis ou de la Gironde.
S’ils venaient de la Gironde, il faudrait étendre à l’estuaire les travaux menés jusqu’à présent dans les
pertuis.
Figure 69 : à proximité des côtes charentaises, les jeunes soles affectionnent particulièrement les vasières et les étendues sableuses sous-marines (© N. BESSONEAUD)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Importance et rôle des Pertuis charentais
dans l’accueil des oiseaux limicoles
Pierrick BOCHER
Université de la Rochelle
Les oiseaux limicoles sont des grands migrateurs entre des zones de nidification boréales ou
arctiques et des zones d’hivernage tempérées ou tropicales. La majorité des espèces pour lesquelles
on dispose d’informations quantitatives fiables sont en déclin, voire menacées. Elles dépendent pour
une large part, durant la migration et l’hivernage, des vasières littorales. L’étude concerne l’écologie
alimentaire des oiseaux, un travail fait en collaboration avec les réserves naturelles des pertuis : baie
de l’Aiguillon, Lilleau des Niges, marais d’Yves, Moëze-Oléron. Il s’agit de comprendre ce qu’est la
communauté des oiseaux limicoles dans les pertuis, quelles espèces, leur place et leur rôle. Le travail
a porté surtout sur le bécasseau maubèche, un des plus gros bécasseaux (140 g) dont la zone de
reproduction se trouve dans la toundra arctique. La fenêtre est courte pour assurer la reproduction
dont le succès reste aléatoire d’une année sur l’autre. Ils y arrivent en juin et fin juillet début août, les
poussins sont à l’envol. Pendant cette période, les bécasseaux se nourrissent d’insectes. Les femelles
s’en vont dès que les poussins ont éclos. Les mâles restent pour s’en occuper et ils doivent partir dès
que les premières neiges arrivent.
En réalité, il y a deux sous-populations qui fréquentent les vasières des pertuis. Les Calidris
canutus islandica se reproduisent dans le grand Nord canadien et le Nord Groenland. Ils hivernent en
Europe du Nord et en France. Les Calidris canutus canutus qui se reproduisent en Sibérie, migrent en
passant par les vasières françaises et vont hiverner sur le banc d’Arguin en Mauritanie et jusqu’en
Afrique du Sud. Ces deux sous-populations sont accueillies sur les vasières des pertuis à des moments différents.
Ces
vasières
comme
celles de la baie de l’Aiguillon sont
un des principaux sites d’accueil
en France. Quand sont-ils présents ?
Combien
y
a-t-il
d’individus ? Les observations
visuelles et les comptages sont
réalisés pour établir la part de la
population que peut accueillir les
pertuis. Un comptage annuel a lieu
à la mi-janvier car c’est un pic de
fréquentation. Il fait appel à de
nombreux volontaires, bénévoles
et professionnels. Il permet d’avoir
une vision de l’état de la population et de dresser une carte de
distribution de l’espèce et de son
abondance sur chacun des sites.
Pour le bécasseau maubèche, les
pertuis sont le principal site
d’accueil (notamment la baie de
l’Aiguillon et le bassin de Marennes Oléron) avec le mont SaintMichel et la baie de Bourgneuf.
Figure 70 : les Pertuis charentais sont l’un des principaux
sites d’accueil pour les bécasseaux maubèches, in Communication de Pierrick BOCHET au colloque de Royan des 28 et
29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Le réseau des réserves naturelles mutualise leurs données et réalise des comptages mensuels, ce qui permet d’avoir la distribution des individus au cours du cycle, à partir d’août et jusqu’à
leur départ à la fin du printemps. En fonction des sites, les oiseaux se rassemblent petit à petit jusqu’à
l’automne pour aller à un pic en décembre, janvier, février, puis ils vont disparaître petit à petit.
En mai, il y a à nouveau un nombre d’individus très importants. Ce pic correspond à la seconde sous-espèce (Calidris canutus canutus) qui passe quand l’autre (Calidris canutus islandica) a
disparu, ce qui permet de déterminer la présence des deux sous-espèces avec un usage dans le
temps très différent. Le passage de l’espèce afrosibérienne fait un séjour plus court, ce qui oblige à
des comptages tous les deux ou trois jours. Son site principal est la baie de l’Aiguillon avec jusqu’à 60
000 individus. C’est une halte migratoire de secours pour ces oiseaux qui normalement partent de
Mauritanie et volent directement jusqu’en Sibérie. Mais une partie des individus est contrainte de
s’arrêter si elle a rencontré des conditions défavorables, de vent par exemple. Ceux qui s’arrêtent sont
en mauvaise condition physique et doivent reprendre de l’énergie pour boucler leur cycle migratoire.
Le bécasseau maubèche est spécialisé sur un type d’alimentation, les bivalves endogés, surtout la Macoma qu’il ingère entièrement et dont on va retrouver les fragments des coquilles dans ses
fèces, ce qui permet de déterminer son régime alimentaire. On collecte les fèces sur les sites où les
oiseaux se sont arrêtés et on fait des carottes sur ces sites pour voir l’état de la ressource.
Figure 71 : le long bec fin du bécasseau maubèche lui permet de sonder la vase à la recherche
de nourriture, in Communication de Pierrick BOCHET au colloque de Royan des 28 et
29/10/2010
L’espèce prélève la Macoma alors que les proies les plus abondantes sont les hydrobies.
Mais elles ont un intérêt énergétique moindre. Les oiseaux vont donc sélectionner un type de proie
bien particulier même s’ils passent plus de temps à le rechercher. S’il n’y a pas de Macoma, ils mangent des Abra, autres petits bivalves.
Le but de l’étude est donc de comprendre la distribution des oiseaux et leurs liens avec les
proies. Une étude est en cours sur la barge à queue noire. Une étude similaire concerne le tadorne de
Belon, la seule espèce de canard qui va s’alimenter directement sur les vasières pour en tirer des
hydrobies, voire le biofilm de microalgues. La bernache, elle, prélève les feuilles des zostères. Une
étude est commencée sur le bécasseau variable, le plus petit et le plus abondant des limicoles. Il y a
là des enjeux en terme de conservation car c’est une des espèces qui a des effectifs en diminution, on
ne sait pas pourquoi.
Il y a dix espèces communes de limicoles avec des morphologies différentes au niveau des
becs. Elles cohabitent sur les vasières et chacun va prélever un type de proies particulier avec des
zones de chevauchement possibles. Les pertuis accueillent 30 % des limicoles en France. Le but est
de comprendre la place de ces espèces dans les écosystèmes des vasières et en particulier leur
place dans les réseaux trophiques.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Comprendre le fonctionnement des réseaux trophiques
dans le système Pertuis-Gironde : état des connaissances
et perspectives
Jérémy LOBRY
Cemagref
Sur le plan écologique, l’estuaire de la Gironde et les Pertuis charentais sont des milieux emblématiques auxquels sont associées une biodiversité et une production halieutique et aquacole remarquables. Afin de mieux gérer ces espaces, de mieux appréhender leurs capacités de réaction aux
perturbations naturelles, anthropiques et au changement global, et de préserver leurs fonctionnalités
écologiques, il est nécessaire de mieux comprendre la dynamique de la production biologique et
l’organisation des chaînes alimentaires.
La zone côtière et les pertuis sont des lieux privilégiés d’alimentation pour de nombreuses espèces, poissons et oiseaux. Ce sont des zones d’importantes productions primaire et secondaire. Les
prédateurs de la production primaire sont des petits crustacés (copépodes, crevettes), des mollusques
(coques, moules, huîtres). Le potentiel halieutique et aquacole est important. Ces zones rendent de
nombreux services mais sont à la convergence de nombreux impacts, pression démographique,
changement climatique et activités économiques.
Toutes les contraintes environnementales ont un effet cumulatif sur les écosystèmes dans
leur ensemble. L’étude des relations trophiques permet de mieux appréhender les fonctionnalités écologiques du milieu, de mettre en évidence les relations entre les différents maillons de la chaîne et les
relations directes ou indirectes entre les compartiments. Cela aide à comprendre les mécanismes de
régulation des populations (les cascades trophiques). Cela permet notamment d’identifier des espèces clés de voûte, les plus importantes dans l’écosystème.
Caractériser les relations trophiques, les quantifier, conduit à émettre des hypothèses sur
l’évaluation possible de ces écosystèmes en réponse à des fluctuations naturelles. Un des moyens de
connaître ces relations est de regarder les isotopes stables de composés de l’azote et du carbone qui
vont permettre d’identifier les sources de matière organique ingérée. Les ratios isotopiques de trois
espèces de copépodes ont été mesurés à différentes saisons. L’axe relatif à l’azote est un indicateur
du niveau trophique de l’espèce. L’axe relatif au carbone permet de déterminer l’origine de la matière
organique ingérée, d’origine terrestre ou marine.
Figure 72 : le zooplancton (M. slabberi. et Acartia spp.) est un maillon essentiel de
la chaine alimentaire de l’estuaire de la Gironde, in Communication de Jérémy
LOBRY au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
100
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
En Gironde, la variabilité saisonnière est beaucoup moins forte qu’en Charente-Maritime.
Dans l’estuaire, les copépodes sont associés à de la matière organique d’origine terrestre, en Charente, elle est un peu plus d’origine marine. Pour les Mysidacés, crustacés prédateurs des copépodes,
le même exercice montre qu’ils sont à un niveau trophique un peu supérieur.
L’étude de l’alimentation des poissons est effectuée à partir de l’analyse des contenus stomacaux. Par exemple, pour un maigre, on compte le nombre de fois où se trouve tel type de proie. Cela
permet de calculer le pourcentage des différentes proies consommées. Le maigre a un régime alimentaire diversifié. Il se nourrit de gobies et de petits poissons pélagiques comme le sprat et l’anchois. Il a
à peu près le même régime que le bar, il y a donc une relation de compétition entre les deux espèces.
Cette technique montre les relations trophiques entre les divers compartiments du système et divers
types de prédation.
Les données isotopiques et les contenus stomacaux permettent de construire un réseau trophique un peu plus compliqué. Si on ajoute les connaissances prises dans la littérature sur l’écologie
et la physiologie, les observations en laboratoire sur les taux de consommation des proies par les
prédateurs, les dires d’experts, on peut construire des modèles trophiques et quantifier les rapports
entre les différents compartiments de la chaîne. Par exemple, dans la Gironde, l’essentiel des flux est
lié à la matière organique de type détritique, avec moins de flux liés au phytoplancton. Au cœur du
système, la relation très importante entre les copépodes et les Mysidacés est à la charnière entre les
prédateurs secondaires et les prédateurs supérieurs. La pêche occupe le compartiment de superprédateur.
La modélisation du réseau trophique de la vasière de Brouage donne le même type
d’approche avec une problématique liée à la conchyliculture. Il y a une relation continue entre la colonne d’eau et le fond. L’essentiel des flux est lié à la production primaire benthique avec une part
importante de recyclage par les bactéries. La méïofaune est au carrefour et valorise la matière organique de moindre qualité en matière organique exploitable de bonne qualité. Les différents étages de
la vasière sont en relation et la matière s’exporte de l’un à l’autre. Les relations trophiques varient en
fonction des saisons. Dans la Gironde, par exemple, en hiver, les maigres mangent plutôt des proies
benthiques, posées sur le fond, alors qu’en été les proies sont dans l’ensemble de la colonne d’eau.
Le défi est de regarder comment toutes ces relations peuvent être étudiées à l’échelle du parc
naturel marin, avec les évolutions à long terme et les changements dans l’abondance des différents
éléments. Il y a trois grandes zones d’études, la Gironde, les pertuis et le panache. Leurs caractéristiques sont à comparer. Le tout forme un système complexe d’une grande plasticité de fonctionnement mais fragile avec des habitats menacés. Les travaux à venir forment un défi écologique, scientifique et méthodologique à poursuivre avec les différents acteurs.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Figure 73 : contenus stomacaux des poissons de l’estuaire de la Gironde en été et en automne, in Communication de Jérémy LOBRY au colloque
de Royan des 28 et 29/10/2010
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Biologie de la conservation et changement global
Philippe BOËT
Cemagref
L’observatoire scientifique mis en place depuis plus de 30 ans sur l’estuaire de la Gironde
pour le suivi écologique de la centrale nucléaire du Blayais donne un recul sur la caractérisation de
l’évolution à long terme de l’ensemble des paramètres du fonctionnement de l’écosystème, biologiques et environnementaux. Au changement climatique s’ajoutent les changements liés aux pressions et activités humaines.
Une carte établie en 1850 par la société archéologique de Saintes montre les pertuis et la Gironde au temps des Romains. Cet exemple montre qu’on est dans un système en perpétuelle dynamique et évolution. Ces changements sont attestés, par exemple, par l’évolution de la température de
l’air, stable de 1948 à 1978, en augmentation annuelle de 1,7°C depuis cette date, avec une augmentation printanière plus forte (+3,2°C). La température de l’eau de la Gironde est montée de 1,1°C entre
3
1983 et 2007 tandis que le débit moyen baissait de 290 m /s entre 1979 et 2007.
Figure 74 : la salinité de l’estuaire de la Gironde est en constante augmentation depuis
1978, in Communication de Philippe BOET au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Les paramètres biologiques changent aussi avec l’apparition de nouvelles espèces de zooplancton comme Arcatia tonsa identifié en 1983 avec des abondances beaucoup plus fortes à partir
de 1999. C’est une espèce introduite par l’homme par les eaux de ballasts des navires. Cette arrivée
a peut être été favorisée par une activité anthropique locale (réchauffement des eaux par la centrale).
Son abondance printanière est de type sud-européen. L’espèce locale Eurythemora affinis garde la
stabilité de ses effectifs mais subit une diminution de sa fertilité, ce qui est paradoxal.
La question se pose aussi par rapport à la crevette blanche dont le rôle est central dans le réseau trophique de l’estuaire. Elle est la proie de nombreux poissons et ses abondances sont très variables. En plus de l’espèce autochtone P. longirostris, on a découvert une espèce nouvelle venue du
Japon, P. macrodactylus arrivée en 1998. Les deux espèces sont en déclin depuis 2007, ce qui pose
des interrogations. De plus, certaines crevettes de l’espèce locale subissent une déformation de leur
squelette. On cherche à identifier les contaminants qui pourraient provoquer ces problèmes.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Figure 75 : la crevette blanche, espèce autochtone, subit des déformations du thorax et
du rostre, in Communication de Philippe BOET au colloque de Royan des 28 et 29/10/2010
Chez les poissons, une diminution des abondances est observée depuis 1979 pour les migrateurs amphihalins dans l’estuaire (éperlan, anguille) et une augmentation des abondances d’espèces
plus marines comme l’anchois, le maigre et le mulet. Les abondances ne peuvent pas être jugées
d’une année sur l’autre car il y a une grande variabilité naturelle. Les tendances à long terme
s’expriment sur plusieurs années.
Certaines espèces comme la grande alose et l’anguille sont en danger, c’est pourquoi des
mesures de protection sont prises. Le réchauffement climatique provoque aussi des changements
dans les aires de distribution. Au début des années 90, l’estuaire de la Gironde constituait la limite
nord du maigre et la limite sud de l’éperlan. Aujourd’hui, l’éperlan s’arrête à la Loire et des maigres ont
été pêchés récemment au sud de l’Angleterre.
Un autre changement affecte l’estuaire, c’est la marinisation de ses eaux. Ce phénomène est
3
en partie lié à l’entretien du chenal de navigation avec 8 millions de m dragués tous les ans, ce qui
facilite les entrées d’eaux marines dans l’estuaire. Les réductions des débits ne sont pas liées aux
précipitations puisque on observe une augmentation de 15 mm en moyenne annuelle à Mérignac.
C’est plutôt une augmentation très importante des volumes stockés dans le bassin pour les barrages
hydroélectriques et pour l’irrigation, avec une énorme augmentation des surfaces irriguées.
Certaines espèces de poissons sont gagnantes dans cette évolution. C’est le cas du mulet
porc qui répond positivement à l’augmentation de la température et aux barrages.
Des modèles de prédiction de la distribution de l’anguille et de l’alose ont été élaborés à
l’échelle des bassins. Ils ne concordent pas avec les observations. Pour l’anguille, le modèle annonce
une abondance stable sur l’ensemble des bassins alors qu’on observe des stocks en diminution dramatique quels que soient les bassins.
Pour l’alose, c’est un peu la même chose. Le modèle prédit la stabilité en France en contradiction complète avec ce qui est observé. Les frayères se détériorent dans les parties amont et le
bouchon anoxique à la dévalaison n’arrange rien lorsque les aloses regagnent l’océan.
Pour l’esturgeon, la première cause de raréfaction a été la surpêche. Cette espèce est sauvée
grâce au repeuplement artificiel entrepris depuis quelques années. Mais les modifications du milieu et
des conditions hydrauliques modifient aussi les zones de nourriceries. Et le changement climatique
s’ajoute à des pressions régionales non maîtrisées comme les contaminations.
La plupart des espèces vont devoir ajuster leurs aires de distribution. Des migrateurs devront
abandonner certains bassins et en coloniser d’autres. Tous les règlements conçoivent les écosystèmes en équilibre sans prendre en compte leur dynamique, il faut donc changer de paradigme. Il faut
aussi contribuer à la conservation des espèces qui ne vont pas demeurer dans l’estuaire, accueillir
avec bienveillance les espèces dites invasives, privilégier les mesures « sans regret », repenser la
gouvernance avec un lien plus fort entre les différents niveaux local et global, spatial et temporel.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
DÉBAT
Pierre-Guy SAURIAU, Camille FONTAINE, Gérard BIAIS,
Pierrick BOCHER, Jérémy LOBRY, Philippe BOËT
Jean-Jacques Blanchon, Fondation Nicolas Hulot
Comment passer de la recherche à la recherche action ? La préservation de la biodiversité,
c’est l’objectif que se donne le parc naturel marin, c’est la protection d’une dynamique qui interagit
avec l’économie politique. Aujourd’hui, l’économie détruit le processus de la vie. Vous avez parlé de
changement de paradigme. Comment aborder la transition entre une économie qui détruit et une économie qui se met à fabriquer de la dynamique de conservation du vivant ?
Philippe Boët
Nous montons des projets interdisciplinaires. Nous avons, par exemple, un projet Garonne/Gironde/Saint-Laurent sur le thème : quel environnement fluvio-estuarien pour demain ? L’idée
est de voir comment on peut répondre aux défis qui se posent. Comme biologiste et écologiste, je suis
convaincu qu’on ne peut pas résoudre les problèmes sans nos collègues économistes et sociologues
de l’environnement.
François Colas
Ce n’est pas à moi de répondre pour le parc naturel marin. Ce sera le conseil de gestion qui
devra prendre en main ce territoire et d’en faire ce qu’il veut. Ce n’est pas inscrit dans la loi qu’un parc
naturel marin soit un outil pur et dur de conservation de la biodiversité. C’est le conseil de gestion,
encore une fois, qui écrira le parc.
Jacqueline Rabic
Depuis 30 ans, nous faisons le constat de la dégradation des écosystèmes estuariens et littoraux. Ce sont des nourriceries essentielles au potentiel halieutique du bassin et toutes les études confirment les observations des professionnels. Nous demandons l’application rapide des SDAGE et des
SAGE pour un débit minimum d’arrivée d’eau douce de bonne qualité en complémentarité avec le
parc naturel marin.
Nous demandons une solidarité amont-aval, sans pollution résiduelle, avec un rejet zéro, une
agriculture douce, une pêche artisanale pour faire vivre les communes littorales. Nous espérons la
suite de l’étude de la valorisation patrimoniale des écosystèmes entreprise par l’AGLIA (Association
du Grand Littoral Atlantique). Nous demandons une meilleure connaissance et un partage des études
en cours des organismes scientifiques pour nous en servir.
Nous demandons un maintien de tous les usages du bas bassin, ceux des professionnels et
des autres usagers de loisirs et sportifs pour la défense de la qualité des eaux. Nous demandons
l’intervention des élus pour mettre en place des projets innovants pour la défense de l’intérêt général,
c’est-à-dire de la vie.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Conclusion
Denis SALLES
Cemagref - directeur de recherche
Je vous propose quelques remarques qui sont une lecture de ces deux journées. Tout
d’abord, je note le statut un peu original de cette manifestation. Elle contribue à construire une intelligence collective. Il n’y a pas d’enjeu de décision immédiate mais c’est un lieu de configuration de décisions futures, lieu de médiation entre science, gestionnaires et société.
Les scientifiques ont fait l’effort de se rendre compréhensibles. Ils ont renoncé à des arguments d’autorité de la science qui ont prévalu pendant des années. Quand on veut tenir un discours, il
faut le démontrer par une argumentation. Dans le public, un effort a été fait pour éviter les effets de
tribune et de plus en plus d’expertise vient des usagers eux-mêmes. C’est tout à fait significatif de
notre société moderne pour traiter des problèmes complexes.
Autre question posée, des connaissances, pour quoi faire ? Une profusion de données ont été
livrées qui sont maintenant disponibles et utilisables. Ceci nous donne une responsabilité pour
l’avenir, car elles seront reprises par ceux qui vont nous succéder. Dans ce flux d’observations, je
remarque qu’il y a très peu de place pour les sciences sociales. L’humain est quand même assez
absent. Il faut s’en préoccuper parce que demain il sera impossible d’agir sans comprendre les dynamiques sociales. Pour mener des arbitrages sur les questions des estuaires et des marais, il faut connaître les blocages de l’ordre des confrontations d’intérêts et de conflits d’usage.
Les observatoires sont de plus en plus nombreux, de plus en plus transparents et en même
temps de plus en plus controversés. Mais les controverses qui émergent ne sont pas une pathologie
dans nos démocraties, elles stimulent la connaissance et l’enrichissent. Encore faut-il trouver les
cadres pour guider ces controverses pour une expertise pluraliste. Le défi est de comprendre les interdépendances qui existent entre les milieux et les usages. Il manque une mise en perspective. Ce
sera peut être le rôle du parc d’y travailler parce qu’il faut fixer des objectifs et passer à l’acte.
On est actuellement sur le modèle d’une mosaïque, on a des petits morceaux qu’on essaie
d’ajuster pour avoir une vision d’ensemble du tableau. Comment peut-on piloter avec une mosaïque
incomplète et un tableau très flou ? Il faut pourtant prendre des décisions avec ces connaissances
incomplètes.
Dans ce contexte d’incertitude, il faut définir des arbitrages sur les territoires. Cela pose des
questions sur les conditions de l’action collective pour construire un objectif structurant. C’est le travail
à venir qui commence à s’ébaucher ici. Il consiste à rendre plus explicites les interdépendances entre
les territoires, entre la terre et la mer, les tensions entre agriculture et conchyliculture. Les interdépendances temporelles existent aussi. Comme nous héritons du cadmium de nos ancêtres, il faut penser
aux effets différés de nos actions pour les générations futures. Le parc est le lieu de construction de
ces interdépendances et de préfiguration de ces arbitrages.
Comment s’y prend-on pour se mettre d’accord et prendre des décisions ? Il y a la gestion par
les normes, mais il faut savoir comment elles sont construites. Elles le sont de plus en plus au niveau
européen. Les normes ne sont jugées acceptables que si elles ont une légitimité aux yeux de ceux qui
ont à les subir. D’où un travail d’explication, de justification, de contestation. Sans cette démarche de
compréhension et d’appropriation, on contribue à creuser un écart entre les décisions politiques, juridico-législatives au niveau européen et les usagers locaux.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
L’autorégulation est souvent mise en avant. C’est l’idée que les systèmes seraient mieux gérés par les usagers qui en ont eu jusqu’ici la charge. Mais les usagers qui se donnent des contraintes
doivent accepter que le contrôle soit exercé par l’extérieur. C’est une démarche très difficile, par
exemple dans l’agriculture où les mesures volontaires n’ont pas donné les effets escomptés.
Se pose aussi la question de la gouvernance multi-niveaux, de l’européen au local, avec entre
les deux, une quantité d’acteurs intermédiaires. On est confronté à des pertes en ligne et à un
manque de clarté sur les attributions des différents acteurs qui sont des associés rivaux. Ils ont le
même objectif, gérer un territoire, mais sont parfois en concurrence, avec des difficultés de coordination dont il faut se préoccuper davantage.
J’ai entendu aussi l’aspiration à passer à l’action immédiatement, ce qui a valeur de symbole
et de démonstration. Il est possible d’envisager des actions expérimentales dont on va suivre les effets et les valider sans attendre le temps long d’un travail de recherche scientifique classique. Enfin, il
y a des questions innovantes sur la dépoldérisation, le changement d’usage des sols, la réduction des
contaminants à la source. Pour le parc enfin, il faut les outils de concertation les meilleurs, trouver ce
qu’est l’objectif structurant et quelles actions immédiates peuvent souder un collectif.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Discours de clôture
Comme le dit Denis Salles, le parc
naturel marin sera le lieu de construction des
interdépendances. C’est ce qui est important,
décloisonner les relations entre les différents
milieux, les scientifiques, les experts, les universitaires, les professionnels de la mer, la
population. Dans l’ensemble, vous avez été
très clairs, c’est de la bonne vulgarisation.
Vos préoccupations concernent la biodiversité et dans cette biodiversité, il y a le
genre humain qui peut être prédateur, destructeur mais qui peut aussi préserver et mettre en
valeur. Quand j’étais président du Conservatoire du littoral, je me méfiais de l’expression
« tiers sauvage », je préférais « tiers naturel ».
L’homme peut être facteur de civilisation et de
maîtrise dans le bon sens.
ème
2011 sera l’année du 400
anniversaire du phare de Cordouan, un des derniers
phares habités, une merveille architecturale,
ce sera l’occasion de commémorations et d’un
coup de projecteur sur ce monument à deux
pas d’ici.
Les débats vont continuer après cette
réunion. Nos intérêts sont liés avec le combat
pour la qualité des eaux pour la pêche et la
conchyliculture. C’est le même combat pour la
qualité des eaux de baignade. Nous sommes
d’ailleurs en pointe pour les analyses dans ce
domaine.
Le conseil de gestion sera essentiel
pour le futur parc. Je reprendrais la formule du
regretté Emmanuel Lopez : « Il y a des territoires à aménager et il y a des territoires à
ménager. » Les Pertuis charentais et l’estuaire
de la Gironde sont des territoires à ménager.
C’est notre devoir par respect pour ceux qui
nous l’ont légué et c’est ce que nous devons
aux générations à venir. Ces 48 heures vont
dans le bon sens, nous devons être actifs. La
vie comme la mer ne portent que ceux qui
bougent.
Didier QUENTIN, député-maire de Royan.
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Annexe
Liste et adresses des chercheurs ayant présenté une communication
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Titre
Auteurs, co-auteurs
Eric FEUNTEUN
Instituts
Muséum National d’Histoire
Naturelle
Laboratoires
Station marine de Dinard
Outils de connaissance : modélisation et
observation sur l’estuaire de la Gironde
Benoit SAUTOUR
Université de Bordeaux
UMR EPOC, CNRS 5805
Les réseaux de surveillance de
l’IFREMER
Mireille RYCKAERT
IFREMER
Rétrospectives sur le système côtier Pertuis-Gironde
Michel BELLOUIS*
Steven PIEL**
* IFREMER
** Agence des aires marines
protégées
Laboratoire Environnement Ressources – Pertuis
Charentais
* SISMER
** service géomatique
Évènements climatiques exceptionnels et
leurs retentissements sur la biodiversité
stationnelle et régionale
Michel Séguignes MC HC
CNRS-IFREMER-Université
de La Rochelle
La fréquentation par les mammifères
marins du système Pertuis-Gironde
L. GONZALEZ
G. DOREMUS
Université de La Rochelle
Le partenariat pêcheurs-scientifiques
pour le suivi des ressources en coquilles
Saint-Jacques (Pecten maximus) et pétoncles noirs (Chlamys varia) des pertuis
charentais
Gérard BIAIS
Jean-Pierre LÉAUTÉ
IFREMER
Introduction
Fédération de Recherche
en Environnement pour le
Développement Durable Système d’OBservation de
la BIOdiversité (SOBIO) FR 3097 :
Centre de Recherche sur
les Mammifères Marins
(CRMM) - Fédération
Recherche en Environnement et Développement
Durable (FREDD) Département Halieutique
Gascogne Sud
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
Adresse postale et/ou mail
MNHN – Station de Dinard
BP 70134 - 38 rue du Port Blanc 35800 Dinard
[email protected]
Station Marine d’Arcachon
2 rue du Pr Jolyet
33120 Arcachon
[email protected]
Place Gaby Coll, B.P. 7
17137 L’Houmeau
[email protected]
* SISMER, Ifremer Centre atlantique BP 70
29280 Plouzané
[email protected]
**16, quai de la Douane
BP42932
29229 Brest cedex 02
[email protected]
Chercheur à la retraite
5 allées de l’Océan
17000 La Rochelle
[email protected]
Place Gaby Coll, B.P. 7
17137 L’Houmeau
[email protected]
[email protected]
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De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Titre
Un Parc National pour les Calanques ?
Mobilisation et expertise des usagers
Auteurs, co-auteurs
Valérie DELDRÈVE
Ludovic GINELLI
Instituts
Cemagref - Bordeaux
Laboratoires
Unité ADER Aménités et
dynamique des espaces
ruraux
Avis et expertise en milieu marin
Mireille RYCKAERT
Gérard THOMAS
Olivier LE MOINE
Jean-Côme PIQUET
Daniel MASSON
Jean-Louis GAIGNON…
V. DUVAT
L. VACHER
L. MARROU
G. RADENAC
G. MOSSOT
D. VYE
R. COZ
G. RADENAC
IFREMER
Laboratoire Environnement Ressources – Pertuis
Charentais
Université de la Rochelle
UMR LIENSs-CNRS 6250
Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges
17000 La Rochelle
[email protected]
Université de la Rochelle
UMR LIENSs-CNRS 6250
M. LE DUIGOU
D. FICHET
Université de la Rochelle
UMR LIENSs-CNRS 6250
M. VASLET
G. RADENAC
Université de la Rochelle
UMR LIENSs-CNRS 6250
Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges
17000 La Rochelle
[email protected]
Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges
17000 La Rochelle
[email protected]
Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges
17000 La Rochelle
[email protected]
Observer les pratiques littorales et maritimes dans l'archipel des Pertuis charentais : la contribution de l'Observatoire du
Littoral et de l'Environnement de l'Université de la Rochelle
Zones de réserve et préservation des ressources impactées par la pêche à pied :
intérêt de leurs prises en compte dans les
aires marines protégées
Influences écologiques de la pêche à pied
récréative sur l’île d’Oléron : Impact du
retournement des blocs rocheux intertidaux sur les assemblages benthiques associés
La pêche de loisir de poissons sur les
Pertuis charentais et l’estuaire de La
Gironde
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
Adresse postale et/ou mail
50, avenue de Verdun
– Gazinet
33612 Cestas cedex
[email protected]
Place Gaby Coll, B.P. 7
17137 L’Houmeau
[email protected]
115
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Titre
Écologie, biologie et exploitation du
maigre du golfe de Gascogne : vers une
approche écosystémique centrée sur les
individus par marquages, études des
contenus stomacaux et de traceurs multiéchelles
Auteurs, co-auteurs
G. BIAIS*
Q. SOURGET*
Ph. BOET**
P. HAFFRAY***
J. LOBRY**
S. PASQUAUD**
M.-L. BÉGOUT*
Instituts
* Ifremer
** Cemagref
*** SYSAAF
Laboratoires
*Laboratoire Ressources
Halieutiques de La Rochelle
** Unité Écosystèmes
estuariens et poissons migrateurs amphihalins
***Station SCRIBE/INRA
Relations entre filière ostréicole et écosystèmes
Jean PROU
IFREMER
Station de La Tremblade
Pertuis charentais et mer côtière : approche intégrée ressource-environnement
Olivier LE MOINE
IFREMER
Laboratoire Environnement Ressources – Pertuis
Charentais
Impacts des rejets urbains de la Communauté Urbaine de Bordeaux
Henri ETCHEBER
Université de Bordeaux
UMR EPOC
Caractérisation de la contamination bactériologique d’origine fécale de l’estuaire
de la Seudre en période sèche
Transferts géochimiques des métaux en
zone côtière : cas des estuaires de la Charente, de la Seudre, de la Gironde et de la
Baie de Marennes Oléron
Jean-Côme PIQUET
IFREMER
Gérard BLANC
Jörg SCHÄFER
Alexandra COYNEL
Aymeric DABRIN
Eric MANEUX
Virginie LAFON
Cécile BOSSY
Jean Pierre LISSALDE
Gilbert LAVAUX
Lionel DUTRUCH
J. MODERAN
D. FICHET
Université de Bordeaux
Laboratoire Environnement Ressources – Pertuis
Charentais
UMR EPOC
Université de la Rochelle
UMR LIENSs-CNRS 6250
Suivi de l’élément cadmium dans le continuum Estuaire Gironde/Bassin de Marennes-Oléron/Seudre et Charente 20052008
(Programme DEFI Cd)
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
Adresse postale et/ou mail
* Place Gaby Coll, B.P. 7
17137 L’Houmeau
[email protected]
**50 avenue de Verdun
33612 Cestas Cedex
*** Bat. 16 A,
Campus de Beaulieu
35042 Rennes
Avenue de Mus de Loup
B.P. 133
17390 La Tremblade
[email protected]
Avenue de Mus de Loup
B.P. 133
17390 La Tremblade
[email protected]
Avenue des facultés
33405 Talence cedex
France
[email protected]
Place Gaby Coll, B.P. 7
17137 L’Houmeau
[email protected]
Avenue des facultés
33405 Talence cedex
France
[email protected]
Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges
17000 La Rochelle
[email protected]
116
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Titre
Impact des facteurs environnementaux
sur la qualité des eaux des marais littoraux de Charente-Maritime
Auteurs, co-auteurs
S. TORTAJADA
V. DAVID
A. BRAHMIA
F. ROUSSEAUX
F. POUGET
B. PARINET
B. SIMON-BOUHET
C. DUPUY
F.X. ROBIN
Patrick POINT
Instituts
Université de la Rochelle
Laboratoires
UMR LIENSs-CNRS 6250
Université Bordeaux IV
CNRS - GREThA UMR
5113
Échanges dissous et particulaires dans le
système Pertuis-Gironde : état des connaissances et modélisation ; implications
sur les fonctionnalités écologiques
Pierre LE HIR*
Stéphane KERVELLA**
Isabelle BRENON***
* Ifremer
** G.E.O. Transfert
*** Université de La Rochelle
*département Dyneco
** Laboratoire Environnement Ressources – Pertuis Charentais
***UMR LIENSs
La Gironde et les Pertuis charentais :
formation, évolution et comblement
E. CHAUMILLON
Université de la Rochelle
UMR LIENSs-CNRS 6250
Turbidité, envasement, érosion : conséquences sur le milieu, les habitats,
l’économie du système Pertuis Gironde
Aldo SOTTOLICHIO*
Isabelle BRENON**
Pierre LE HIR***
* Université de Bordeaux 1
** Université de la Rochelle
*** IFREMER
*Laboratoire EPOC
** Laboratoire LIENSs
*** département Dyneco
Maintenance des zones humides estuariennes.
Une lecture économique du rôle des associations syndicales de propriétaires
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
Adresse postale et/ou mail
Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges
17000 La Rochelle
[email protected]
Avenue Léon Duguit
33608 Pessac cedex
France
[email protected]
* centre Ifremer de Brest
B.P. 70, 29280 Plouzané
[email protected]
**avenue des Facultés
33405 Talence cedex
*** Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe De Gouges
17000 La Rochelle
Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges
17000 La Rochelle
[email protected]
*33405 Talence
** Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges
17000 La Rochelle
*** centre Ifremer de Brest
B.P. 70, 29280 Plouzané
[email protected]
117
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Titre
Qualité de la matière organique particulaire et réseaux trophiques du système
Pertuis- Gironde
Auteurs, co-auteurs
Nicolas SAVOYE*
Jean-Christophe AUGET
Valérie DAVID**
Christine DUPUY
Henri ETCHEBER*
Robert GALOIS
Hans HARTMANN
Benoît LEBRETON
Julien MODÉRAN**
Hélène MONTANIÉ
Nathalie NIQUIL**
Pascaline ORY
Pierre-Yves PASCAL
Pierre RICHARD
Pascal RIERA
Pierre-Guy SAURIAU
Benoît SAUTOUR*
P.-G. SAURIAU*
X. DE MONTAUDOUIN**
M. BRERET*
Instituts
*Université de Bordeaux1
** Université de La Rochelle
Laboratoires
*UMR EPOC
**UMR LIENSs-CNRS
6250
Adresse postale et/ou mail
*Station Marine d'Arcachon
2 rue du Professeur Jolyet
33120 Arcachon
** Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges
17000 La Rochelle
* Université de la Rochelle
** Université de Bordeaux
*UMR LIENSs-CNRS
6250
**UMR EPOC, CNRS
5805
Diversité, abondance et variabilité des
communautés de mollusques et
d’annélides sur les vasières des pertuis
Charentais et Breton
P. BOCHER
C. FONTAINE
Université de la Rochelle
UMR LIENSs-CNRS 6250
La fonction nourricerie du secteur « Pertuis charentais / débouché de la Gironde » pour la sole commune (Solea solea)
Jean-Pierre LÉAUTÉ*
Gérard BIAIS*
Marie-Laure BÉGOUT*
Eric DURIEUX**
IFREMER
* Département Halieutique
Gascogne Sud
** Laboratoire Ressources
Halieutiques
*Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges
17000 La Rochelle
[email protected]
** Station Marine d’Arcachon
2 rue du Pr Jolyet
33120 Arcachon
Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges
17000 La Rochelle
[email protected]
* Place Gaby Coll, B.P. 7
17137 L’Houmeau
[email protected]
**Bd Jean Monnet
B.P. 171
34203 Sète Cedex
Biodiversité faune-flore dans les Pertuis
charentais : inventaire et perspectives
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
118
De la terre à la mer, de la Gironde aux Pertuis : état des connaissances du système marin
Titre
Importance et rôle des Pertuis Charentais
et Breton dans l’accueil des oiseaux limicoles
Auteurs, co-auteurs
P. BOCHER
G. QUAINTENNE
F. ROBIN
Instituts
Université de la Rochelle
Laboratoires
UMR LIENSs-CNRS 6250
Comprendre le fonctionnement des réseaux trophiques dans le système PertuisGironde : état des connaissances et perspectives
Jérémy Lobry*
Aimé Roger Nzigou**
Hugues Blanchet**
Stéphanie Pasquaud*
Valérie David***
Nathalie Niquil***
Philippe Boët*
Benoît Sautour***
* Cemagref
** Université de Bordeaux I
*** Université de La Rochelle
*Cemagref - EPBX
**UMR EPOC
***UMR LIENSs-CNRS
6250
Biologie de la conservation et changement
climatique
Mélanie BÉGUER*, Philippe BOËT*, Aurélie CHAALALI**, Valérie DAVID***, Christine DELPECH*, Géraldine LASSALLE***,
Éric ROCHARD* et Benoît SAUTOUR**
* Cemagref
** Université Bordeaux
*** Université de La Rochelle
* Unité ECOSEMA
** UMR EPOC, CNRS
5805
***UMR LIENSs-CNRS
6250
Conclusion
Denis SALLES
Cemagref - Bordeaux
Unité ADER Aménités et
dynamique des espaces
ruraux
Colloque scientifique « La recherche auprès des acteurs de la mer » – Royan – 28 & 29 octobre 2010
Adresse postale et/ou mail
Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges, 17000
La Rochelle
[email protected]
*50 avenue de Verdun
33612 Cestas Cedex
[email protected]
**Station Marine d'Arcachon
2 rue du Professeur Jolyet
33120 Arcachon
***Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges, 17000
La Rochelle
*50 avenue de Verdun
33612 Cestas Cedex
[email protected]
**Station Marine d'Arcachon
2 rue du Professeur Jolyet
33120 Arcachon
***Institut du Littoral et de l'Environnement,
2 rue Olympe de Gouges, 17000
La Rochelle
50, avenue de Verdun
– Gazinet
33612 Cestas cedex
[email protected]
119
Contact et renseignements
Agence des aires marines protégées
16 bis quai de la Douane – BP 42932 – 29229 Brest cedex 2
Tél : 02 98 33 87 67 – Télécopie : 02 98 33 87 77
www.aires-marines.fr
Mission d’étude pour la création d’un parc naturel marin
sur l’estuaire de la Gironde et les Pertuis charentais
Bat. les Amarres – 1, impasse Toufaire – 17300 Rochefort
Tél. : 05 46 83 83 93 – Télécopie : 05 46 83 83 97
[email protected]
www.aires-marines.fr/gironde-pertuis.html