Péage urbain - WK Transport Logistique
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Péage urbain - WK Transport Logistique
URB016_022-023_EN COUVERTURE_OUV_060-EN_COUV 27/09/13 17:07 Page22 En couverture Péage urbain des «barrières» économiques Trois ans après le Grenelle II qui autorise les villes de plus de 300 000 habitants à expérimenter les péages urbains dans les centres-villes, aucune agglomération n’a franchi le rubicon. Politiquement sensible, techniquement applicable, ce type de dispositif est économiquement risqué. Où les pouvoirs publics locaux placeront-ils le curseur ? C’est l’un des grands débats des élections municipales de 2014, en marge de l’écotaxe à venir. PAR BENOîT BARBEdETTE, YvES RIvOAl, ÉRICk dEmANGEON ET TEChNOChRONIqUEURS 22 OCTOBRE 2013 /// ACTEURS URBAINS URB016_022-023_EN COUVERTURE_OUV_060-EN_COUV 27/09/13 17:08 Page23 lONdRES. Instauré en février 2003, le péage est appliqué entre 7 h et 18 h, à raison de 12 € par jour et véhicule, contrôlé avec 1 900 caméras. dix ans après, le bilan est contrasté. les « bouchons » n’ont pas disparu. AGGLOMÉRATIONS À L’ÉTRANGER TECHNOLOGIES INTERVIEW Priorité donnée... au statu quo villes pionnières et villes pilotes des outils prêts à l’usage François malbrunot PAGE 24 PAGE 28 PAGE 30 PAGE 32 (dg de logma) ACTEURS URBAINS /// OCTOBRE 2013 23 URB016_024-027_EN COUV.1_060-EN_COUV 27/09/13 17:10 Page24 En couverture Péage urbain Grandes aGGlomérations Priorité au statu quo Les grandes agglomérations se méfient de l’impact des péages urbains, l’outil étant jugé politiquement risqué. Ce qui n’empêche pas la mise en place d’ouvrages à péage dans des zones urbaines, à Paris, Lyon et Marseille. PAR YVES RIVOAL T rois ans après le vote de la loi Grenelle II qui autorise les villes de plus de 300 000 habitants à expérimenter les péages urbains pour restreindre l’accès des véhicules dans les centres-villes, aucune ag glomération n’a engagé de ré f lexion ou d’études sur le sujet. Et peu de candidats aux prochaines élections municipales, en mars 2014, oseront s’aventurer sur un terrain jugé «politiquement incorrect». Candidate à la succession de Bertrand Delanoë en 2014, Anne Hidalgo est l’une des rares à s’être prononcée en faveur de ce concept, mais sur un périmètre restreint puis que ce péage serait réservé aux camions à l’entrée de l’agglomération parisienne. Malgré la frilosité (ou le pragmatisme) des élus au sujet des péages urbains, il existe des péages dits «d’infrastructures» dans quelques villes et pé riphéries. C’est le cas du Boulevard Périphérique Nord de Lyon mis en service en 1997. D’une longueur totale de 10 km, dont 6,5 km de tunnels, il a été conçu pour désengorger le célèbre tunnel de Fourvière en reliant l’A6 Paris-Marseille, l’A42 qui va à Genève, et l’A43 vers Grenoble et Chambéry. Exploité depuis 2006 par OpenLy, filiale à 100 % d’Autoroutes du Sud de la France (ASF), l’ouvrage est emprunté chaque jour par 150 000 véhicules, dont 52 000 sur le seul tronçon payant, avec un tarif au passage de 2 € pour les vé hicules de classe 1, les poids lourds de classe 4 devant eux acquitter 8,30 €. L’autre exemple de péage ur bain, en banlieue ouest parisienne, est le tronçon de 16 km de l’A14 concédé par l’État à la Société des Autoroutes Paris-Normandie (SAPN). Pour re joindre sans «bouchon» Nanterre depuis Orgeval (grâce notamment à 6 km de tunnel), les véhicules de classe 1 doivent payer 8,50 € de 6h à 10h et de 16h à 21h, et 5,90 € en dehors de ces deux créneaux. Un droit de passage qui grimpe à 38,30 € et 28,30 € pour les poids lourds de la classe 4. « Chaque jour, 30 000 véhicules empruntent ce tronçon qui permet de relier Orgeval à la Défense le matin en moins d’un quart d’heure, alors que si vous em pruntez l’A13 qui est, elle, sans péage, il faut jusqu’à une heure et plus pour rejoindre Paris », D.R. monnaie. Péages urbains visant à limiter l'accès des véhicules en centre-ville. 24 OCTOBRE 2013 /// aCteUrs UrBains précise Philippe Fenain, directeur du réseau Ouest du groupe Sanef. Tunnel de 2500 m À Marseille, le tunnel concédé jusqu’en 2025 à la Société Marseillaise du Tunnel PradoCarénage (SMTPC) contribue depuis sa création en 1993 à désengorger la seule grande ville de France qui ne possè de toujours pas de voies de contournement, et qui voit donc toujours arriver en son cœur trois grands axes autoroutiers : A55 et A7 au Nord, A50 à l’Est. Chaque jour, 43 000 véhicules, dont 40 % de professionnels, acceptent de payer 2,70 € pour emprunter ce tunnel de 2 500 m qui assure la liaison entre ces trois grands axes autoroutiers, et qui permet de traverser le centre-ville en trois minutes. Pour Joël Raffin, directeur général des services de Marseille-Provence métropole (MPM), le marseille. Près de 43 000 véhicules au quotidien, dont 40 % détenus par des professionnels, payent 2,70 € pour emprunter le tunnel urbain de 2,5 km de long. par la SMTPC avec un tarif à l’unité autour de 1,60 €, et de 4,50 € pour les véhicules qui emprunteront les deux ou vra ges. « Grâce à ce nouveau tronçon qui devrait voir passer cha que jour 20 000 véhicules, les usagers ne mettront que six minutes pour rejoindre l’autoroute du littoral, assure Émilie Saby, responsable Marketing bénéficiera bientôt d’un bus à haute qualité de service. Cela étant dit, n’allez pas croire qu’à Marseille, nous faisons payer systématiquement les usagers dès qu’il faut investir dans une nouvelle infrastructure. Pour les tunnels de la Joliette et de la gare Saint-Charles, c’est la métropole qui a été maître d’ouvrage afin d’offrir la gratuité aux auto- n n n et Communication de la SMTPC. Alors que si vous passez par la corniche ou par le boulevard Sakakini, il faut compter de 30 à 40 minutes aux heures de pointe. » « Avec ce tunnel, complète Joël Raffin, nous allons également pouvoir re qualifier le boulevard Rabatau, ainsi que le secteur du Stade Vélodrome et du Rond-Point du Prado qui GRENELLE II : LA BASE RÉGLEMENTAIRE «OUVERTE» C’est l’article 65 de la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 qui autorise, à la demande de l’Autorité Organisatrice de Transport Urbain (AOTU), l’expérimentation des péages urbains dans les agglomérations de plus de 300 000 habitants dotées d’un PDU. Avant de mettre en place un tel dispositif, les collectivités doivent réaliser une étude d’impact, à charge et à décharge, et engager une concertation avec l’ensemble des parties concernées. Le texte note que le péage urbain ne peut être instauré qu’après le déploiement d’infrastructures et de services de transport collectif capables de supporter le report de trafic lié à l’instauration du péage. Il faut enfin que le produit du péage soit affecté à l’AOTU afin de financer les actions inscrites dans le PDU. « Toutes ces contraintes visent à inscrire l’expérimentation du péage urbain dans une politique globale de mobilité et à l’articuler avec toutes les mesures prises en matière D.R. choix du tunnel payant opéré il y a vingt ans était le bon. « Pour construire ce tunnel qui a coûté 300 M€, la collectivité n’a rien déboursé. Nous n’avons pas, non plus, sollicité l’ensemble des contribuables marseillais pour un équipement qui n’aurait pas été utilisé par tous. Seuls les usagers qui acceptent de payer pour gagner du temps sont mis à contribution. Et sans ce tunnel qui absorbe la moitié du trafic généré par les A7 et A55, ainsi qu’un tiers du trafic interquartiers, nous n’aurions jamais pu réaliser la semi-piétonisation du Vieux Port. » Le même schéma a été retenu pour le tunnel Prado Sud qui ouvrira ses portes en novembre prochain afin d’assurer la jonction entre le tunnel PradoCarénage et le Rond-Point du Prado, véritable porte d’entrée vers les quartiers sud de la ville. Concédé jusqu’en 2046 à la Société Prado Sud, le tunnel de 1,5 km de long sera exploité de stationnement, de soutien aux transports collectifs et aux modes doux », conclut Damien Verry, chef de projet Modélisation et Évaluation des Déplacements Urbains au sein du Certu. aCteUrs UrBains /// OCTOBRE 2013 25 GOvIN SOREL URB016_024-027_EN COUV.1_060-EN_COUV 27/09/13 17:10 Page25 URB016_024-027_EN COUV.1_060-EN_COUV 27/09/13 17:11 Page26 En couverture Péage urbain tUnnel. Créé en 1993 et concédé jusqu’en 2025 à la société D.R. marseillaise du tunnel Prado-Carénage (smtPC). raître en France des péages de zone ou de cordon comme à Londres et Stockholm. « Il faut dire que les enjeux ne sont pas les mêmes, rappelle Damien verry, chef de projet Modéli sation et Évaluation des Dé placements Ur bains au Certu. L’objectif de ces nouveaux péa ges n’est plus de financer une infrastructure, mais de décongestionner le trafic urbain en invitant les automobilistes à diminuer l’usage de leurs véhicules. Un tel dispositif génère COMBIEN DE COLLECTIVITÉS CHERCHENT DE NOUVELLES RECETTES. n n n mobilistes. » Si les péages urbains d’infrastructures commencent à trouver leur place dans le paysage, il reste encore du chemin avant de voir appa- aussi des recettes, qui, si elles sont réorientées vers les modes de déplacement alternatifs à la voiture, contribuent à améliorer la qualité de vie et de l’air dans les grands centres urbains. » 32 M€ de recettes Tous ces arguments mis bout à bout devraient séduire les élus, surtout dans un contexte où les grandes agglomérations sont confrontées à des difficultés économiques qui les incitent à trouver de nouvelles « Les péages urbains sont inéluctables dans les grandes villes. » . Professeur à l’Institut d’Études Politiques de l’université de Lyon, et membre du laboratoire d’économie des transports (LET), Yves Crozet ne craint pas de penser à contrecourant. « Le mouvement est déjà enclenché, assure-t-il. Le simple fait de payer son stationnement n’est rien d’autre qu’un péage urbain. » Autres indices concordants selon lui : l’apparition des premiers péages dans des villes comme Londres, Stockholm, Milan, Singapour…, et la mise en place à partir du 1er janvier 2014 de l’Ecotaxe pour les poids lourds qui emprunteront le réseau routier 26 OCTOBRE 2013 /// aCteUrs UrBains D.R. « 0,50 euro par jour coûTera 10 EUROS PAR MOIS » national et départemental. « La route ne pourra pas indéfiniment rester le seul réseau auquel on accède sans rien débourser, estime Yves Crozet qui milite aussi pour le retour en grâce de la fameuse vignette. Tous les autres réseaux sont payants : le train, l’électricité, les télécoms, le gaz… et tout le monde trouve cela normal… » Le contexte de crise des finances publiques ne fera, selon lui, qu’accélérer le mouvement. « L’État n’a plus les moyens de s’occuper des routes. Il n’y aura donc pas d’autres alternatives que de faire payer à l’usager la congestion qu’il provoque dans les centres-villes. D’autant que ce type de dispositif permettra de générer de nouvelles recettes. À Lyon, 577 000 voitures pénètrent dans le centre-ville tous les jours. Faire payer l’accès, ne seraitce que 0,50 € par jour, coûtera 10 € par mois à l’automobiliste. Mais cela rapportera 288 000 € par jour à la collectivité. » recettes. À Lyon, le Boulevard Périphérique Nord a rapporté l’an passé 32 M€ qui ont permis au Grand Lyon et au conseil général de couvrir les charges d’exploitation, l’entretien de l’ouvrage, et de rembourser une partie de l’emprunt. Mais malgré tous ces avantages, le péage urbain reste un sujet quasi tabou pour les usagers et leurs élus. « Il s’agit d’un outil très complexe à mettre en œuvre compte tenu de la sensibilité politique et sociale, résume Thierry du Crest, directeur général adjoint des services Mobilité et Transport de Lille Métropole. En instaurant une barrière autour du centre-ville, vous créez une frontière sur le territoire, et vous prenez le risque de générer de la ségrégation sociale en pénalisant les populations les plus vulnérables. » Des élus réticents À Nantes, le président de la Communauté Urbaine de l’époque, Jean-Marc Ayrault, avait signalé son opposition au péage urbain au moment du vote de la loi Grenelle II. « Notre position n’a pas changé, souligne Jean-François Retière, vice-président de Nantes Mé tropole en charge des Dé pla cements et des Transports Collectifs. Nous sommes toujours opposés à cette idée d’instaurer une ceinture autour de la ville. Et au-delà de cette opposition de principe, rien n’est clair sur le plan du droit car personne ne sait sur quelle base juridique nous pourrions faire payer les usagers… ». À Marseille, où la ville et la Métropole sont pourtant familiarisées avec le péage urbain d’infrastructures, le scepticisme est aussi de mise. « Ce sujet n’est actuellement pas d’actualité et il ne figure pas dans le PDU adopté il y a quel ques semai nes, révèle Joël Raffarin. Et puis, sur le plan juridique, rien ne semble consolidé. La loi Grenelle II ne prévoit que des expérimentations. Elle ne dit rien sur l’étape d’après. » À ces arguments s’ajoute un GOvIN SOREL URB016_024-027_EN COUV.1_060-EN_COUV 27/09/13 17:11 Page27 Contrôles. dans l’agglomération lyonnaise, près de 580 000 véhicules pénètrent dans le centre-ville chaque jour. contexte global pas favorable au péage urbain, au dire de Da mien verry : « Depuis deux ou trois ans, toutes nos enquêtes montrent qu’il y a une baisse de la mobilité en voiture dans les zones urbaines, même si des points de congestion très importants demeurent dans les gran des agglomérations. On observe aussi des changements de comportement de la part des usagers. Dans ces conditions, les élus sont réticents à investir places seront disponibles en fin de mandat dans les parkings relais installés au plus près des axes structurants du réseau de transports en commun. Les politiques tarifaires sur le stationnement, en voirie et dans les parkings, ont été articulées de façon à inciter les automobilistes à garer leur véhicule dans ces derniers audelà de la 2e heure de stationnement. Des zones de stationnement rouge et jaune ont été réalisée sur un échantillon de 2 400 personnes. Très instructive. « Elle révèle que la marche à pied et le vélo progressent sensiblement, et que les transports en commun se dé veloppent, eux, de manière très importante puisque nous sommes passés de 113 millions de voyages en 2008 à 124 millions sur les 12 derniers mois, ce qui nous place, avec plus de 200 voyages par habitant et par an, juste derrière Paris et Lyon, se L’ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS LOCALES N’ONT PAS LES MÊMES INTÉRÊTS. PATRICk GARçON/NANTES MÉTROPOLE parviendront à se faire accepter dans le cadre de politiques de mobilité pourtant... offensives. Michel Dubromel, responsable Transport et Mobi lité Durable de France Nature Environnement (FNE), partage « Nous sommes toujours opposés à cette ce pessimisme. « Tant que l’État idée d’instaurer une ceinture autour de la continuera d’imposer ses vues ville. Au-delà de cette opposition de prinde manière régalienne, sans laisser les collectivités engager des cipe, rien n’est clair sur le plan du droit ». initiatives sur le plan local, rien Jean-François retière (Nantes Métropole) ne se passera. À moins que les habitants de ces grandes agglomérations, de plus en plus sendans un dispositif politiquement également été instaurées au félicite Jean-François Retière. sibilisés aux problèmes de polrisqué. » D’autant que les gran - cœur de la ville, le secteur du Quant à la voiture, elle est lution atmosphérique en milieu des agglomérations ont déjà cours des 50 otages ayant, lui, descendue en 2012 à 42,5 % de urbain, ne commencent à faire activé d’autres leviers pour été transformé en zone à trafic parts modales dans l’intra- pression sur leurs élus pour les inviter à adopter des mesures décongestionner leur centre- limité. Pour évaluer l’efficacité périphérique. » ville et améliorer la qualité de de toutes ces mesures, une Sous ce prisme, on voit mal plus radicales, de type péages l’air. À Nantes, près de 9 000 étude sur les parts modales a comment les péages urbains urbains… ». ❚ aCteUrs UrBains /// OCTOBRE 2013 27 URB016_028-031_EN COUV.2-3_060-EN_COUV 27/09/13 17:14 Page28 En couverture Péage urbain À L’ÉTRANGER Ville pionnières et villes pilotes Le péage urbain a de multiples finalités. Avec des tarifications différenciées, des villes comme Londres, Milan, Stockholm et Göteborg intègrent ou ne pénalisent pas la logistique urbaine. pAr Érick DEMAnGEon. 28 octoBrE 2013 /// ACTEURS URBAINS pour les ensembles avec re morque, et divisé par deux pour les deux-roues, l’ERP fonctionne de 7h30 à 19 h en semaine, et de 7h30 à 14 h le samedi (gra tuit le reste du temps). Son originalité depuis 1998 est sa tarification variable selon le véhicule, les itinéraires et les moments de la journée. De façon automatique et sous la forme d’un signal-prix, la va leur du péage est déterminée et affichée en temps réel pour tenter de maintenir une vites se optimale sur le réseau ur bain couvert de 45 à 65 km/h sur voies express, et de 20 à 30 km/h sur les voies urbaines. Modulée selon les ho raires, cette tarification inspirée du modèle de «Yield ma nage ment» a également été ado ptée par le port de Sydney. La seconde expérience de péa ge urbain remonte à 1986 en Norvège, pays européen en pointe dans le domaine, à tra vers plusieurs projets : Bergen, Oslo (voir encadré), Trondheim en 1991, Kristian sand en 1992, Stavanger en 2001 et Namsos en 2003. Ce déploie ment ré sulte davantage du contexte géographique local. Lequel im pose de très lourds in ves tissements. Aussi avec le consentement des populations locales, la première priorité affichée pour les cinq péages urbains fut-elle de dé gager des sources publiques de finan- ÉLECTRIQUE. Les péages urbains tiennent compte des motorisations utilisées. D.R. B aptisé Area Licensing Scheme, le premier péage urbain a vu le jour à Singapour en… 1975. À l’époque, la villeÉtat aux gran des ambitions éco nomiques régionales est confrontée à une congestion routière critique due à une densité et à un taux de mo torisation ga lopants. Face à cette équation sur une île de seu lement 650 km2, les autorités locales via la Land Trans port Authority dé cident sans consulter sa population d’im poser un péage ur bain. Prin cipal objectif : réguler l’en trée des véhicules dans son centre-ville. Lancé avec des vi gnettes en papier contrôlées manuellement, le système ALS est remplacé en 1998 par le dis positif Electronic Road Prin cing (ERP). À partir d’un badge em barqué (50 €) qui héberge une carte à puce prépayée, le contrôle utilise 45 portiques électroniques et des caméras ; les premiers dia loguent avec le badge em bar qué et débitent la carte à chaque passage, les secondes photo graphient les plaques d’immatriculation. Si le péage urbain de Singapour est le plus ancien, il demeure aussi l’un des plus innovants. Avec un coût de 0,23 à 1,2 € par passage pour les voitures particulières, utilitaires et taxis, majoré de 50 % pour les ca mions porteurs et de 100 % cement. L’exemple nor végien démontre que la densité dé mographique d’une ville n’est pas déterminante dans la créa tion d’un péage urbain puis qu’en 2003 Namsos ne com ptait que 12 000 habitants. gistique qui se vérifie aussi dans sa tarification. Forfaitaire et permettant de circuler, en trer et sortir librement dans la journée, elle s’élève à 12 € environ (10 £), et s’applique sans dis tinction aux camions, uti litaires et automobiles. Avec possibilité de forfaits men Londres L’année 2003 marque un tour - suels et annuels légèrement nant avec Londres confronté plus compétitifs, ce tarif est en à un problème d’hyperconges - vigueur de 7 h à 18 h, du lundi tion de son centre-ville et à au vendredi, sauf jours fériés et une faible performance de du 25 décembre au 1er janvier. ses transports collectifs. La Sont exemptés les vé hicules « Congestion charging» a dès d’urgence et pour handicapés, son origine vise à améliorer la de plus de 9 places, les deuxqualité des transports collec tifs, roues, taxis et bus ainsi que (de bus en particulier), à fia - certains véhicules propres. Les biliser des temps de parcours résidents des zones couvertes et à optimiser l’efficacité des li - bénéficient d’une réduction de vraisons respectueuses de l’en- 90 %. vironnement. Il est le premier Déployé par Transport for Lonà intégrer une dimension lo - don, autorité organisatrice (qui D.R. D.R. des services de transports publics et de parcs relais) et l’État (via son administration des routes) pour la conception A B et l’exploitation du péage ainsi D C que l’information aux usagers. 2 Sur un périmètre de 35 km , le contrôle est électronique à l’aide de 18 portes d’accès ré parties sur les ponts reliant la a encaissé 1,4 Md€ sur une dé - zone payante. Deux tech no cennie), son périmètre est de logies sont utilisées pour la 21 km2 en février 2013 (1,3 % de collecte : l’équipement d’un OBJECTIFS. A. Singapour est la première ville au monde la superficie du Grand Londres). badge embarqué (gratuit) avec à mettre en œuvre un péage urbain pour lutter contre la De sa conception à son appli - débit direct du paiement sur congestion. B. Seules 18 stations de passage contrôlent l’accès cation actuelle, la Congestion le compte bancaire de l’u sager au péage urbain de Stockholm. C. nouvelle génération de péage charging est devenue un enjeu abonné, et reconnaissance urbain à ouvrage développée par Sanef its technologies sur le électoral stratégique. Promesse vidéo des plaques d’imma pont port Mann à Vancouver. D. À Milan, la première finalité du du candidat Boris Johnson élu triculation pour les autres avec péage urbain est la diminution de la pollution atmosphérique dans son centre historique. maire de Londres, le retour au paiement sous 14 jours par périmètre initial en 2011 cor - Internet, virement bancaire ou respond ainsi à une alternance bornes automatiques publi politique. Il a été soumis au vote ques. Appliquée à cha que en - laire (plus de 80 % d’avis fa - sés selon leurs normes Euro et trée ou sortie de la zone, la vorable), cette approche est leur motorisation, d’urgence, des électeurs locaux. Pour la perception et le contrôle, tarification varie de 1,1 à 2,3 € originale puisqu’ailleurs com - publics et les deux-roues. les plaques d’immatriculation selon les heures de la journée me à Turin, Rome, Berlin ou Rome et Turin suivent avec sont lues par 1 900 caméras. (plafond fixé à 6,8 €) les jours Co logne, la lutte contre la pol - attention l’expérience milaCes données sont intégrées ouvrables de 6 h 30 à 18 h 30, lution est plus généra lement naise… dans une base de données re - sauf certains jours fériés et traitée par restriction d’accès coupée avec le fichier national en juillet. Elle s’applique sans ou droits à circuler. Appelé Quels bilans ? des car tes grises jusqu’au paie - distinction aux voitures, ca - Ecopass à l’origine puis Area C Vérifié partout, le péage ur ment. Sauf abonnement, le - mions et taxis. Sont exemptés depuis janvier 2012, son péri - bain a un effet im mé diat sur quel est effectué préalable ment les vé hicules d’urgence, pour mètre couvre 8 km2 autour du la congestion et la fluidité de (au plus tard la veille avant handicapés, les deux-roues, les centre historique de la ville. circulation et sur les temps minuit) par Internet, SMS et transports collectifs de plus de Contrôlé par vidéosurveillance, de parcours. Jusqu’à plus de bornes automatiques publi - 14 tonnes, certains véhicules à l’accès est soumis de 7h30 à 50 % dans le cas de Singapour, ques. Avec les mêmes moyens, motorisation propre et étran - 19h30 du lundi au vendredi à la baisse de la congestion l’usa ger peut payer le jour mê - gers. Sur le modèle de Stock - une taxe d’entrée de 5 € pour se stabilise toutefois avec le me moyennant une majora- holm, Göteborg a lancé un les voitures particulières, taxis temps. Néanmoins, il est dif tion. À défaut de paiement, les péage urbain le 1er janvier 2013. compris, (2 € pour les rési - ficile d’attribuer la baisse de la amen des sont très dissuasives. dents), et à 3 € pour les utili - congestion observée au seul taires et camions de livraison péage urbain. Dans la plupart Milan Stockholm Le cas de Milan se distingue qui approvisionnent les com - des cas, sa mise en œuvre s’acLe péage urbain dans la ca - depuis 2008 par sa finalité merces. Sont exemptés les compagne d’un ren forcement pitale suédoise remonte à environnementale. Plébiscité véhicules propres de parti - des trans ports collectifs n n n août 2007 après un référen - lors d’un référendum popu - culiers ou de distribution clas - voire des infrastruc tures de dum public légèrement favo rable. La ville de Stockholm trafic et recettes : OSLO fait ses comptes était confronté à un double voiture, un utilitaire et un taxi, pour une réduction du trafic problè me : forte congestion de Dans le cas de la capitale le double pour un camion. son centre et topographie norvégienne, 55 % du produit routier inférieur à 10 %. son en vigueur 24 heures sur 24, du péage urbain de 1990 à montage institutionnel a fait locale rendant très coûteux 2007 sur le centre-ville de pendant 365 jours par an l’objet d’un consensus entre l’aménagement de nouvelles 40 km2 a permis de financer avec la possibilité d’accéder trois collectivités publiques : infras tructures. Partant, ses un plan d’infrastructures de à un système d’abonnements l’État, la ville d’oslo et le deux principales fi nalités fu - 1,8 md€ (dont 45 % financés périodiques (mensuel, comté d’akershus en périsemestriel, annuel), et à phérie. Les deux dernières rent la réduction du trafic et la par l’État). composé des forfaits dégressifs selon se sont associées pour créer notamment d’un système re cherche de fonds pu blics. La le nombre de passages, l’entreprise fjellinjen as, de rocades et de tunnels mise en œuvre a été conduite cette tarification prévoie chargée de l’organisation, du routiers dont un de 2 km par deux acteurs publics : la sous le centre-ville, ce des exemptions pour les contrôle et de la perception Ville de Stockholm (et nota - programme a contribué personnes handicapées, du péage. À oslo, le péage mment sa direction des trans - à décongestionner le cœur les deux-roues et les moyen facturé à l’entrée de véhicules d’urgence. la zone était de 2 € pour une ports en charge de l’extension d’oslo de l’ordre de 20 % ACTEURS URBAINS /// octoBrE 2013 29 D.R. LA tAxE À LonDrES A GÉnÉrÉ 1,4 MD€ Sur unE DÉcEnniE. D.R. URB016_028-031_EN COUV.2-3_060-EN_COUV 27/09/13 17:14 Page29 URB016_028-031_EN COUV.2-3_060-EN_COUV 27/09/13 17:14 Page30 En couverture Péage urbain TECHNOLOGIES Des industriels dans les starting-blocks nnn trans port. Ren ta ble dans toutes les villes équipées, le péage ur bain est un des outils du fi nance ment de la politique de mobilité à partir des bé né fices, variables selon les ni veaux de collecte et amen des. Comme le montrent ces divers exemples, les finalités, formes et affection des sommes col lectées par les péages, sont très diversifiées et imposent, sauf dans le cas de Singapour, l’aval des populations locales. Par mi ses finalités, la logistique urbaine apparaît rarement comme une priorité. À travers la tarification, elle est néan moins prise en compte à Mi lan, Londres, Stockholm et Göteborg, tandis que les uti litaires bénéficient géné ra le ment du même tarif que les voitures particulières. Si l’im pact des péages urbains sur la logistique n’est pas évalué, cer tains avantages sont rele vés : fluidité accrue dans la zone soumise au péage, mo difi cation dans la composition des parcs lorsque le péage est modulé en fonction du de gré de pollution du véhicule com me à Milan. Rares sont les pro fessionnels de la logistique qui demandent la suppression du péage urbain une fois qu’il est en œuvre, pour se concen trer davantage sur des mesures d’accompagnement comme le stationnement et les horaires d’accès aux centres-villes. ❚ 30 octoBrE 2013 /// ACTEURS URBAINS Aucun péage urbain n’est en vue dans l’Hexagone. Mais à y regarder de plus près, force est de constater que tout pourrait techniquement se mettre en place. pAr GuiLLAuME piErrE/tcA-innoV24 L es péages urbains sont-ils com pliqués à mettre sur pied ? Per mettent-ils de contrôler le trafic en taxant les automobilistes se lon la classe de leur véhicule, les zones aux quelles ils accèdent et (éventuellement) les kilomètres parcourus ? Parue il y a trois ans, la loi (art. 65 de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010) donne aux villes de plus de 300 000 habitants un cadre réglementaire pour expérimenter les péages urbains. En 2012, le gouvernement a commandé un rapport sur le sujet. « L’action de la Commission européenne a entraîné une prise pour le développement des techniques de transport, d’environnement et de cir culation). Dans les starting-blocks, des industriels avancent des solutions jugées techniquement fiables. L’idée : installer dans une zone donnée une infrastructure de détection capable d’analyser le trafic en temps réel, de repérer les véhicules contrevenants et d’envoyer automati quement les avertissements ou les a mendes. Délimitée sur une carte, la zone est équipée en périphérie d’un « cordon de contrôle », une sorte de barrière tech nologique qui peut être de trois types. En « Un mouvement de fond est en train de s’amorcer en faveur des péages urbains. » Antoine Caput (thales) D.R. B.B. Péage urbain à Londres sur un périmètre de 21 km2. de conscience au sein du gouvernement », assure Antoine Caput, directeur du sec teur péage routier chez Thales. « Un mouvement de fond est en train de s’amorcer en faveur des péages urbains. » Pour l’heure, les collectivités temporisent. Des élus dénoncent le risque de discrimi nation entre citadins. D’autres mettent en doute la rentabilité des systèmes arguant que, à Londres, le coût des re cettes est inférieur aux dépenses. Résultat : hormis les cinq cas particuliers(1), aucun péage urbain n’existe en France. « Tous les acteurs techniques sont pourtant prêts. Et depuis longtemps », assure Bernard Basset, président d’Atec/ ITS (Association France, le système le plus populaire est composé d’antennes radiofréquence de type DSRC (Dedicated Short Range Communications) ou RFID UHF (Radioidentification longue portée). Accrochées sur des portiques ou des potences, elles communiquent à distance avec un badge situé dans le véhicule. En parallèle, des caméras décodent la plaque d’imma triculation. « À l’intérieur du badge est inscrit le numéro de plaque d’immatriculation du véhicule », précise Christian Defay, président d’As com MultiToll So lutions SAS, concepteur de systè mes d’identifica tion, de clas sification et de gestion de véhicules. « Une simple comparaison suffit URB016_028-031_EN COUV.2-3_060-EN_COUV 27/09/13 17:14 Page31 D.R. « Sur ce marché très compétitif, les logiciels doivent être déployés en quelques mois à peine. Afin de tenir la cadence, les processus sont affûtés et les tests automatiques intensifiés. » Jean-Paul Smets, p-dg (nexedi) Barrière immatérielle La solution souffre d’un défaut de taille : les infrastructures sont lourdes et coû teuses à déployer. Pis, le vandalisme oblige à les remplacer régulièrement. D’où l’intérêt d’un second type de cordon de détection, immatériel et basé sur la technologie GNSS (Global Navigation Satellite System). Objectif : tracer les véhicules en les géolocalisant, sans antennes de proximité donc sans por tique ni potence. Concrètement, un boîtier GPS embarqué renvoie les données de localisation à un système central, via GPRS. « La détermination du franchissement du cordon par le véhicule est effectuée par un algorithme dit de Geofencing », explique François Peyret, di recteur du laboratoire Géolocalisation à l’Ifsttar (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’amé nagement et des réseaux). À savoir : une application informatique de « gardien nage virtuel » qui permet de surveiller les déplacements d’un objet dans une zone définie avec déclenchement d’une alerte lorsque l’objet s’en éloigne. « Cette technique est déjà déployée sur les routes interurbaines dans le système Ecotaxe pour les poids lourds », reprend François Peyret. « Pour que cette technique soit opérationnelle en ville, les algorithmes standards de calcul de la position GPS doivent encore être améliorés. » En outre, la solution GPS comporte l’inconvénient d’avoir à distribuer des équipements embarqués coûteux à l’en semble des automobilistes. Les solutions basées sur la radiofréquence connaissent le même dilemme mais dans une moin dre mesure car le coût d’acquisition des badges est plus de dix fois moins im portant que celui des dispositifs de géo localisation. « Les badges n’ont pas de pile et se collent sur le pare-brise. La distribution en est simplifiée et ils n’ont pas à être récupérés pour remise en circulation après Guy Frémont, direction des nouvelles technologies (Sanef) usage », estime Guy Frémont, respon sable prospective à la Direction des nou velles technologies chez Sanef (société d’autoroute). « Les boîtiers GNSS mis en œuvre dans l’Écotaxe coûteront environ 140 € l’unité. Il est probable de voir, à court terme, leur prix baisser jusqu’à 100 €. » Insuffisant, même si de nombreux bad ges DSRC déjà en circulation n’auront pas à être remplacés. Difficile également d’équiper les véhicules étrangers qui tran sitent ponctuellement dans la zone. De quoi préférer à ces systèmes un troi sième type de cordon de détection DEUX EXPÉRIMENTATIONS en cours À Paris et à CergyPontoise, des essais en configuration réelle sont menés. sans péages urbains, ils en montrent la structure. « L’expérimentation dans le Val-d’Oise a débuté fin mai et se terminera fin 2013. Il s’agit de contrôler les couloirs de bus en identifiant les Paiements et arrestations La colonne vertébrale des péages urbains réside dans le système d’information qui détermine qui a payé ou non. Talon d’A chille du système : les bugs informatiques. D’autant que le temps manque pour analyser les risques. « Sur ce marché très compétitif, les logiciels doivent être déployés en quelques mois à peine ! », souligne JeanPaul Smets, P-dg de Nexedi, qui o père ERP5, un progiciel Open Source de gestion intégré, déployé, pour le compte de la Sanef, sur un péage en périphérie de « Les badges n’ont pas de pile et se collent sur le pare-brise. Ils n’ont pas à être récupérés pour remise en circulation après usage ». D.R. pour identifier formellement l’automobiliste à chaque passage sous les portiques de détection ». En outre, le système est couplé à des dé tecteurs lasers installés aux abords des routes, ainsi capables de scanner les véhicules à la volée et de les représenter en trois dimensions. qui fonctionne avec des caméras à re connaissance d’image. Plus de boîtiers ni de badges, seule compte la lisibilité des plaques d’immatriculation. Toute fois, selon la configuration de la ville, les ré sultats obtenus sont variables. Ainsi, à Londres, le système est mis à l’index pour son manque de fiabilité dû à de nom breux angles morts. En revanche à Stock holm, une ville de conception plus simple, le même système s’avère très efficace. véhicules qui empruntent ces voies », explique christian Defay, président d’ascom multitoll solutions sas, qui a conçu le système. « À Paris, le test commence en septembre. Il vise à identifier une flotte spécifique de véhicules d’urgence équipés de badges DSRC. » après avoir instauré un péage sur les autoroutes donnant accès à ses portes, paris commence à adapter les systèmes de détection et de contrôle des véhicules à son agglomération. « Aucun PV ne sera dressé. Il s’agit de sensibiliser les automobilistes », note m. Defay. Dublin. « Afin de tenir la cadence, les processus sont affûtés et les tests automatiques intensifiés. » Du côté des usagers, pour s’acquitter de la taxe, plusieurs solutions sont disponibles. « Le redevable peut souscrire à un abonnement afin d’obtenir d’un “équipement embarqué” ou faire pré-enregistrer sa plaque d’immatriculation », explique François Malbrunot, directeur général de Logma Consulting, spécialiste du conseil en équi pements et systèmes de transport (voir interview en page 32). « Ou payer après coup, jusqu’à 48 heures après le passage dans la zone. » En cas d’oubli, ou de fraude, en revanche, un processus d’alerte se déclenche. Une amende peut être automatiquement envoyée au contre venant sauf si l’analyse est incomplète, par exemple lorsqu’une plaque d’immatriculation n’est détectée qu’à 99 %. Dans ce cas, le dossier est transféré à un opérateur agréé qui, à l’aide d’outils d’analyse, effectue une « levée de doute ». ❚ (1) Les tunnels à Lyon et à Marseille, la A14, un tronçon de A86 et la A8 entre Cannes et Nice ACTEURS URBAINS /// octoBrE 2013 31 URB016_032-033_EN COUV.4_ITW_060-EN_COUV 27/09/13 17:16 Page32 En couverture Péage urbain FRANÇOIS MALBRUNOT (LOGMA / ATEC-ITS FRANCE) « Les premières années sont toujours très coûteuses » Quels sont les systèmes préconisés dans l’urbain ? F. M. : Le télépéage, basé sur l’usage de «télébadges» et/ou sur la reconnaissance de l’immatriculation des véhicules, est le dispositif le plus adapté car il supporte les trafics les plus Les risques seraient-ils d’abord d’ordre financier ? F. M. : En effet, les techniques et les processus opérationnels sont disponibles et largement utilisés, ce n’est pas là que se situent les risques les plus importants. Mais, c’est la ques- B.B. ment, y compris à distance, peuvent être similaires et viser les mêmes objectifs, c’est-àdire la mobilité et la régulation de trafic. importants, ce qui permet de traiter les périodes de pointe de trafic. Il fonctionne aussi bien en « voie canalisée », qu’en « flux libre ». En voie canalisée, il permet le passage de 800 à 900 véhicules à l’heure, contre 150 à 200 véhicules pour un péage manuel ou automatique. Le flux libre intégral, qu’on appelle aussi free flow tolling, nécessite des équipements sur portiques ou sur mâts. Dans tous les cas, il faut limiter au mieux l’emprise des installations sur voirie du fait des contraintes d’espace et d’esthétique. Les systèmes de péage flux libre sont en très grande majorité basés sur des équipements embarqués avec technologie DSRC, reconnus efficaces en termes de performances, de sécurité, de fiabilité…, et valables pour tout type de véhicules, du deuxroues au poids lourd. Le point sensible reste les coûts élevés de mise en application et le rendement net du péage (après déduction des coûts de fonctionnement), car il faut aussi prendre en compte le contrôle, les processus associés aux véhicules occasionnels (non équipés) et le traitement des infractions. Le contrôle s’effectue au moyen d’équipements (lecture de l’immatriculation et de prises d’images du véhicule), installés sur portique, sur mâts ou sur supports divers. Des véhicules spécialement équipés sont également utilisés. Logma Consulting (78) est une société de conseil ayant compétence dans les systèmes de péage et télépéage (autoroutes, ouvrages d’art, parkings…). Dg de l’entreprise et également vice-président d’ATEC-ITS France (1), François Malbrunot met en lumière certains écueils. PROPOS RECUEILLIS PAR B. BARBEDETTE Acteurs Urbains : Le péage urbain a-t-il un avenir ? François Malbrunot : C’est déjà une réalité ! Il existe trois formes de péages urbains. Les premiers sont les ouvrages à péages dans un contexte urbain, à l’exemple des tunnels à Marseille, à Lyon ou de l’A14 à l’ouest de Paris. L’autoroute A8 entre Nice et Canne, gérée par Escota, entre aussi dans ce cadre car c’est une artère urbaine. Ce sont des péages 32 OCTOBRE 2013 /// ACTEURS URBAINS traditionnels utilisant des barrières. Il y a ensuite les péages sur zones comprenant un droit d’accès contrôlé, avec ou sans paiement. Il y a, enfin, le paiement lié au stationnement, qui peut se pratiquer via le télépéage. Le stationnement entre-t-il dans le sujet ? F. M. : Bien sûr, c’est du péage urbain. Les techniques employées et les modes de paie- URB016_032-033_EN COUV.4_ITW_060-EN_COUV 27/09/13 17:16 Page33 « LES TECHNIQUES ET PROCESSUS OPÉRATIONNELS SONT DISPONIBLES ET LARGEMENT UTILISÉS. » tion des coûts face aux recettes qui pose question, en particulier dans des contextes compliqués (multitude des accès, contraintes d’installation, contrôle/sanction, proportion d’occasionnels…). Les premières années sont toujours très coûteuses, en investissement et en coûts d’exploitation complets. Au global, sur 10 ans, les coûts de collecte peuvent représenter moins de 10 % des montants collectés, mais peuvent atteindre 30%, voire plus. Les schémas financiers varient selon les choix techniques, le réseau concerné, les caractéristiques de l’ouvrage et le nombre des redevables. Cet aspect financier fait que l’acceptabilité n’est pas assurée. Le déploiement effectif ne peut se faire qu’au vu des contraintes opérationnelles et des coûts de collecte complets, qui doivent baisser tant pour les usagers que pour les collecteurs de péage. Ainsi le péage urbain de Londres, inauguré en 2003, a présenté pendant ses premières années de fonctionnement un coût de collecte supérieur aux recettes. J’ajouterai, enfin, qu’il faut pouvoir faire accepter esthétiquement ce type de dispositif dans le paysage urbain. Puisque nous parlons de risque, il ne faut pas oublier l’acceptabilité «sociale» de certains péages urbains, et l’évaluation des conséquences sur le comportement des habitants et visiteurs, ainsi que l’impact sur la vie économique. Avec les péages, est associée l’idée de «systèmes intelligents». Pourquoi ? F. M. : Les systèmes intelligents sont des systèmes informés, qui utilisent des historiques, des bases de données, qui permettent de faire du prédictif et d’informer les redevables sur les conditions de trafic par exemple. Avec le péage, le collecteur reçoit directement dans ses systèmes centraux un certain nombre d’informations relatives à la localisation, aux caractéristiques des véhicules, aux horaires de passage, aux paiements…. Autant de «data» utiles mais qui peuvent aussi générer des oppositions quant à la vie privée. (1) ATEC-ITS France est une association dédiée à la « mobilité intelligente » et aux transports terrestres UNE QUESTION DE FLUX • Flux canalisé avec barrière : perception du péage tel qu’il existe sur la plupart des concessions routières, offrant un ou plusieurs modes de paiement ou des voies dédiées réservées aux véhicules équipés de télépéage. • Flux canalisé sans barrière : fonctionnant en télépéage DSRC (éventuellement par reconnaissance de l’immatriculation du véhicule). • Flux libre intégral : fonctionnant en télépéage avec différentes technologies sans aucune possibilité de paiement sur l’infrastructure. • Flux libre partiel : fonctionnant en télépéage DSRC avec possibilité de paiement sur l’infrastructure. C’est l’approche privilégiée par les concessionnaires qui disposent de gares de péage. ACTEURS URBAINS /// OCTOBRE 2013 33