Le coaching de la performance. Du sport collectif au monde de l
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Le coaching de la performance. Du sport collectif au monde de l
« Des Entreprises et des Hommes, entreprendre autrement » Le coaching de la performance. Du sport collectif au monde de l’entreprise. La venue de Daniel Costantini le 12 mars dernier dans le grand amphi de Sup de Co La Rochelle marquait un double événement. La soirée s’est ouverte sur la signature d’une convention de partenariat entre la Ligue de handball Poitou-Charentes et le Groupe, reconduisant pour trois ans la co-organisation de deux tournois à succès ainsi que de nombreuses actions visant à promouvoir les valeurs communes du sport de haut niveau et du management. Elle s’est poursuivie par une truculente conférence de celui qui compte parmi les meilleurs entraineurs sportifs français de tous les temps. Devant une salle comble et presqu’aussi enthousiaste qu’une foule de supporters, Daniel Costantini s’est livré pendant près de deux heures à l’analyse de son expérience de coach de l’équipe de France de handball. Avec faconde, mais aussi beaucoup de recul et d’humilité, il a dressé de nombreux parallèles entre coaching sportif et management des hommes en entreprises. Quelques images valant souvent un long discours, Daniel Costantini offre ce soir-là en avant-propos, un rapide montage de grands moments partagés avec l’équipe qu’il a entrainée pendant une quinzaine d’années. Images de victoire et de défaites, éclats de joie et moments de doutes… Des attitudes, des expressions que l’on croise rarement dans les bureaux et salles de réunion des entreprises mais qui parlent pourtant de la même chose : d’individus mus par un objectif commun de résultat et de réussite, choisis et conduits par un manager dont la mission est de créer toutes les conditions qui leur permettront d’atteindre le but. Et de transformer les heures de labeur en succès. Plus prosaïquement, le monde du sport collectif de haut niveau et celui de l’entreprise se rejoignent étroitement dans leur recherche permanente de la performance. Posé ce constat et ravalé l’émotion des images, l’entraineur deux fois champion du monde et médaillé olympique exprime avec beaucoup de liberté, mais aussi de méthode, ses convictions sur les incontournables conditions de la performance d’une équipe. Les “prérequis” de la performance La performance, selon Daniel Costantini, serait avant tout le résultat de la conjonction de ce qu’il appelle les “prérequis de la réussite collective”. Ces conditions sine qua non du succès relèvent autant l’effort individuel de chacun des membres de l’équipe que de la création, par le manager, d’un climat favorable. Premier prérequis, l’automatisation des gestes fondamentaux passe par un investissement important dans le travail. « Répéter n’est pas recommencer et c’est l’unique manière d’acquérir le savoir-faire, de progresser et d’avancer » martèle Daniel Costantini. L’entrainement permanent pour un sportif, le travail répété pour un salarié, sont les bases sans lesquelles aucun projet ne peut-être mené à bien. On pense à Boileau, « vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage »… Second prérequis, identifié par Daniel Costantini, la croyance de chacun en ses capacités personnelles résulte d’une exigence individuelle de progrès, autant que de la mise en place par le manager d’un climat de confiance. Ce dernier, et toute l’entreprise derrière lui, doit susciter la motivation en faisant confiance aux collaborateurs à hauteur de la mission confiée. « Faire confiance, c’est entretenir l’exigence et favoriser le progrès. Le pire dans une organisation, dans une équipe, étant celui qui a le sentiment de stagner » constate l’entraineur. Mais cette exigence du manager, cette confiance placée dans chaque individu, nécessite aussi beaucoup de lucidité sur les compétences : confier une mission à celui qui ne s’estime pas capable de la remplir mène parfois aux conduites d’auto-handicap. Et notre coach national de se remémorer, non sans humour, des épaules qui deviennent soudain douloureuses à l’échauffement, comme pour anticiper la justification de la défaite à venir… Le grand ennemi de la dynamique de groupe serait ainsi la peur d’échouer, l’exigence qui ne se fonderait pas sur des capacités avérées. Le troisième prérequis relève du mode de management du projet collectif dont la réussite passe par quelques règles essentielles. Allouer précisément une tâche et s’assurer que la demande est bien comprise est un incontournable qui appelle chez le manager un effort de clarté et de précision. Permettre et favoriser la coopération est également indispensable dans un projet collectif. Evidence lorsque l’on évoque le sport, cela l’est moins en entreprise où les individus et les équipes de travail ne se trouvent souvent pas physiquement ensemble. La compréhension de ce que font ces partenaires que l’on ne voit pas est pourtant fondamentale. Enfin, délaissant le hand pour se référer au rugby, plus proche sur ce point du monde de l’entreprise, Daniel Costantini évoque la nécessaire synchronisation des membres d’une équipe. Seul sport ou l’attaquant est toujours seul devant l’adversaire il est obligé, pour réussir l’essai, de passer le ballon en arrière sans avoir pour autant des yeux derrière la tête : le summum de la synchronisation ! Tout directif ou participatif ? Enoncé ces prérequis sur la performance d’une équipe, le sélectionneur français revient sans fauxsemblant sur l’analyse de son propre mode de management au cours des quinze années passées à la tête de l’équipe de France masculine. Insistant notamment sur l’importance du débriefing participatif il se remémore avec humilité sa remise en question à l’issue de la défaite en quart de finale aux JO de Sydney : « J’étais, jusqu’ici, un manager plutôt directif et, lors des débriefings, c’était mon constat qui importait. Les joueurs s’exprimaient peu, ça fonctionnait, et plutôt bien… Mais au retour de Sydney, alors que nous entrions dans la phase préparatoire des Championnats du Monde que l’on aillait accueillir en France quelques mois plus tard, j’étais un coach mort entouré de joueurs amers, abîmés par la défaite... Je n’ai pas eu le choix : je devais changer ma technique managériale, notamment en développant mon empathie. Il m’est soudain apparu urgent de comprendre mes joueurs, de les écouter et de favoriser l’expression de chacun au sein du groupe. J’ai pris des risques, allant parfois jusqu’à me mettre totalement en retrait des discussions pour laisser les joueurs trouver eux-mêmes certaines solutions. Et le miracle s’est accompli, les barjots ont accompli l’inimaginable ». Le “cas Richardson” En guise de conclusion, Daniel Costantini consacre la fin de son intervention à la particularité du “cas Jackson Richardson”. Avec toute sa facétie, il décrit les mois d’hésitation, les doutes du coach face au particularisme de ce jeune joueur qu’il observe, intrigué, depuis quelques temps. Il l’a pourtant fait venir en 1988 depuis la Réunion pour jouer au Bataillon de Joinville, mais il ne comprend pas son jeu. « S’il joue comme un dieu avec la balle, c’est à l’envers des règles traditionnelles ! A l’entrainement il reste en dehors du collectif mais en match, le jeu totalement déconcertant de cet électron libre fait perdre tous ses moyens à l’adversaire. Et ca marche ! Mais je résiste longtemps, je suis toujours hésitant… Jusqu’à ce que, pendant les Championnats du Monde de 1990, menés 14-11 par l’Algérie quelques minutes avant la fin du match, je me décide finalement à le faire entrer : il met le feu sur le terrain. On gagne le match qui nous permet de rester dans la compétition. A partir de ce moment là Jackson ne nous a plus quittés. Nous nous sommes habitués à lui, avons intégré son jeu ; l’adversaire jamais ! “Richardson c’est pas du jeu” disaient-ils ! Et cela a duré. La leçon pour le coach : si je n’avais pas permis à Jackson de s’exprimer totalement dans son jeu, l’histoire du hand français aurait sans doute été bien différente ». Loin d’être une science exacte, le management est bien une science humaine, qui doit aussi laisser sa part à l’intuition et accepter l’irrationnel.