Relation Client Magazine : La culture client, un vrai positionnement

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Relation Client Magazine : La culture client, un vrai positionnement
La culture client, un vrai positionnement à adopter
Relation Client Magazine - 21/04/2016 - Ève Mennesson
Désormais indispensable si l'on souhaite se différencier vis-à-vis de ses
concurrents, la culture client est LA valeur à
adopter. Mais pour qu'elle ne reste pas à l'état
de bonne intention, elle demande implication de
la direction générale et compréhension des
collaborateurs.
"Les entreprises ont du mal à se différencier à
travers leur coeur de métier: le bon produit et le
bon prix ne suffisent plus. La différence se fait
ailleurs, notamment dans la facilité d'interaction
avec la marque et la bonne compréhension de
la problématique des clients", constate Serge
Rouvière, directeur associé de Why Consulting, cabinet de conseil en
relation client et performance commerciale. Une thèse qu'il défend dans
son livre, Culture client, l'ultime différenciation entre les entreprises.
La culture client serait donc la nouvelle planche de salut des entreprises
pour gagner des parts de marché. Ce que défend également Daniel Ray,
professeur de marketing et responsable de l'Institut du Capital Client au
sein de Grenoble École de Management, qui a établi un lien entre
rentabilité et culture client: selon une étude qu'il a menée auprès d'une
enseigne de distribution, les magasins ayant la meilleure culture client
afficheraient un taux de transformation plus de trois fois supérieur. Mais
si de nombreux spécialistes s'accordent pour dire qu'instaurer une
culture client est profitable aux entreprises, ces dernières ne savent pas
toujours comment s'y prendre.
Impulsion de la direction générale
Commençons par définir la culture client: "Il s'agit des croyances et
valeurs partagées au sein de l'entreprise soutenues et affichées par la
direction, qui reflète une réelle préoccupation d'assurer la satisfaction
des clients de façon durable, explique Daniel Ray. Ce n'est donc pas ce
qu'on fait qui est important, mais ce qu'on a dans la tête."
Un simple changement de script des conseillers clientèle ne suffit pas. Il
s'agit d'inculquer une nouvelle valeur aux employés, ce qui exige
l'implication de la direction générale: c'est à elle de donner l'impulsion et
de porter ce projet à bout de bras. "La direction générale a tendance à
mettre la pression sur les résultats à court terme et à penser que la
relation client n'est pas de son fait. Or, la culture client doit être un projet
d'entreprise", souligne Claire Bonniol, directrice associée de l'Académie
du Service.
Pour cela, la direction générale doit être convaincue qu'instaurer une
culture client dans son entreprise est fondé. Par exemple, le discours de
Daniel Ray sur le lien entre culture client et rentabilité peut faire mouche.
La rentabilité parle, en effet, à la direction générale... mais également au
top management, qui doit lui aussi porter ce projet pour que la culture
client irrigue toute l'entreprise.
Le management, par exemple, devra privilégier l'empowerment des
salariés: "Il faut les autoriser à prendre des décisions et mettre les
moyens nécessaires à leur disposition", souligne Céline Maussion,
directrice de projets management et communication au sein d'Inergie,
cabinet conseil en management, communication et opinion interne
(groupe OBEA).
Ce sera aussi au top management de prendre des sanctions si la culture
client n'est pas respectée: "Chez Voyageurs du Monde, nous ne tolérons
jamais qu'une contrainte métier soit la raison d'un déficit de service pour
le client", assène Anne Bouferguène, directrice générale adjointe de
Voyageurs du Monde. Ainsi, si un hôtel exige d'être payé tout de suite
plutôt qu'après le séjour et que c'est le meilleur hôtel pour le client, la
comptabilité devra s'y plier, même si cela chamboule un peu son
organisation. "Il ne s'agit pas non plus de répondre à toutes les
demandes. Il s'agit de trouver un bon équilibre entre rigueur et réactivité",
précise-t-elle. Et d'ajouter: "Chaque directeur, chez nous, a le sens du
client, quel que soit le service. S'il n'a pas cette sensibilité-là, c'est
rédhibitoire."
Retrouver le goût du client
Une fois la direction générale convaincue du bienfondé de la culture client, elle devra s'atteler à la
diffuser à travers toutes les strates de l'entreprise: un
diagnostic doit être réalisé, afin de savoir quelles sont
les valeurs et croyances partagées au sein de
l'entreprise, certaines étant orientées client et
d'autres non. "Mais ce diagnostic doit être précis, chirurgical pour savoir
où agir en priorité", précise Daniel Ray (Institut du Capital Client).
Le Customer orientation score
La société Academics for Business, dont Daniel Ray est le cofondateur,
a mis au point un indicateur au service de la culture client: le customer
orientation score (COS). Outil de diagnostic scientifique, il repose sur
des recherches dans trois champs différents: l'orientation client, le
management de la réclamation client et les recherches en cognition
sociale implicite. Il permet d'élaborer le niveau de culture client au sein
d'une entreprise et le niveau d'orientation client des collaborateurs, et ce
sur trois grandes dimensions: l'impulsion stratégique, la connexion aux
clients, et l'autonomie et la responsabilisation des équipes.
Le diagnostic doit être suivi de la mise en place d'une nouvelle stratégie
d'entreprise. "Il faut se demander ce que l'entreprise veut être pour ses
clients", conseille Serge Rouvière (Why Consulting). "Le mieux est de
déterminer des objectifs communs afin que tout le monde aille dans le
même sens", poursuit Céline Maussion (Inergie).
Ensuite, place à l'action! Première étape importante: faire entendre avec
force la voix du client dans toute l'entreprise. "Ne pas hésiter à donner la
parole au service clients et à faire circuler des histoires de réclamations
de clients", indique Céline Maussion. Les équipes du service relation
client peuvent également être invitées à des réunions, afin de faire
entendre la voix du client aux autres services.
Claire Bonniol (l'Académie du Service) adopte une autre technique:
matérialiser le client lors des réunions par une chaise vide ou même une
poupée. "En voyant le client de cette façon, on l'oublie moins lors de
prises de décisions", note-t-elle.
Pour Benoît Meyronin, professeur de marketing à Grenoble École de
Management et directeur R&D de l'Académie du
Service, le principal souci est la perte de l'esprit
entrepreneurial. "Il faut retrouver ce qui fait le sens
d'une entreprise: le plaisir de la conquête du client,
de le satisfaire, de le faire revenir... On a perdu le
goût du client et perdu de vue que le client est celui
qui assure le fonds de commerce." Selon lui, il faut
réinstaller ce goût pour le client en organisant des
"vis ma vie" de commercial, en célébrant les contrats
signés ou resignés, en réalisant des quiz sur les dix principaux clients...
Faire prendre conscience de la contribution à la satisfaction client
Ce goût du client retrouvé, il s'agit de faire prendre
conscience de l'importance de chacun dans la satisfaction
du client final: "Le client est le client de toute l'entreprise",
énonce Serge Rouvière (Why Consulting). Et celui-ci
d'énumérer: "Le Daf apporte un service support au service
de relation client, le DRH recrute des collaborateurs
sensibles à la relation client, le responsable risque peut
aider les équipes commerciales à évaluer le risque client en amont..."
Des groupes de travail interservices, où chacun parle de son travail,
peuvent se monter. "Faire dialoguer les services afin de voir comment
chacun délivre le service clients, où il se situe dans le processus pour
rendre les choses plus efficaces", rapporte Céline Maussion. Cela fait
prendre conscience, même aux fonctions supports, de leur impact sur la
satisfaction client.
On peut même aller plus loin et gommer les frontières entre les services
pour plus de collaboration avec le personnel au service des clients. À la
Cité du chocolat Valrhona, le front-office et le back-office travaillent
ensemble "afin que le back-office soit sensibilisé aux contraintes des
actions vis-à-vis des clients", indique Franck Vidal, directeur de la Cité
du chocolat Valrhona.
Benoît Meyronin (Grenoble École de Management) donne l'exemple des
services facturation: "La facture est parfois le seul point de contact avec
les clients. Une partie du travail des gens de la facturation pourrait donc
être consacrée à la relation client."
Pourquoi, en effet, ne pas revoir les fiches de poste et intégrer un peu de
relation client pour chacun des collaborateurs? "C'est encore mieux
quand la rémunération est associée à la satisfaction client", observe
Céline Maussion (Inergie). Serge Rouvière donne l'exemple de Gemalto,
dont l'indicateur de confiance client sert au calcul du bonus des
dirigeants. De la culture client qui s'assume!
Le client s'invite au comité de direction de Go Sport Caroline Roche (Go
Sport) La voix du client fait partie des sujets prioritaires du comité de
direction de Go Sport. Chaque mois, les sujets remontés par les clients
(via les magasins mais aussi les centres d'appel ou encore les réseaux
sociaux) sont étudiés afin de définir des plans d'action.
"La voix du client reste souvent au niveau de la direction marketing. Or,
si on n'implique pas toutes les directions, on perd en efficacité", pense
Caroline Roche, directrice marketing et e-commerce du groupe Go Sport.
Cette préoccupation de toutes les directions pour la voix du client a
amélioré le discours vers les clients. Mais l'accueil en magasin ou encore
la lisibilité et la présentation de l'offre en ont bénéficié également. Par
exemple, lors d'opérations promotionnelles sur les chaussures de
marque, les clients ont fait savoir qu'ils préféreraient avoir à disposition
les produits dans des boîtes, afin de pouvoir les emporter sans
obligatoirement s'adresser à un vendeur: la direction de la logistique a
donc dû s'adapter, comme les équipes de vente. Caroline Roche dit ne
pas avoir d'efforts à fournir pour que l'ensemble des directeurs
s'intéressent à la voix du client: "Ils pensent qu'il n'est pas possible de
laisser le client comme ça." Cette implication des directeurs a un autre
avantage: les ambassadeurs en magasin, qui ont été désignés pour faire
remonter les remarques des clients, le font d'autant plus volontiers qu'ils
savent que ces remontées seront discutées lors de comités de direction.
Bien que déjà très impliquée dans la culture client, Go Sport se fait
également accompagner par la société Côté Clients.
http://www.relationclientmag.fr/Thematique/acteurs-strategies1014/strategies-10064/Breves/La-culture-client-un-vrai-positionnementa-adopter-303727.htm