Mesure du temps et datation

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Mesure du temps et datation
Préparation à l’Agrégation interne
Séances du 20 et du 24 novembre 2010
Mesure du temps et datation
Les études conduites en géologie ne peuvent s’abstraire du cadre temporel.
La dimension historique est ainsi abordée dès la classe de 5ème avec l’étude des roches
sédimentaires qui sont envisagées comme des archives des paysages anciens.
Les approches historiques se poursuivent en classe de 3ème , avec notamment la partie
« Évolution des organismes vivants et histoire de la Terre ». Cette partie conduit par exemple
à situer dans le temps sur une frise chronologique quelques repères jalonnant l’histoire des
organismes vivants, quelques repères d’événements permettant de découper le temps
géologique. La succession des formes vivantes et des transformations géologiques ayant
affecté la surface de la Terre depuis son origine est utilisée pour subdiviser les temps
géologiques en ères et en périodes de durée variable.
L’enseignement en 1ère S conduit principalement à s’intéresser à des aspects
géodynamiques, avec l’étude notamment de la divergence. On observera alors qu’un certain
nombre d’arguments, nécessaires à la mise en évidence et à la compréhension de l’accrétion,
découlent d’observations d’ordre chronologique (étude des âges des fonds océaniques et de
leur distribution).
Enfin la dimension temporelle constitue un point essentiel du programme de
Terminale (cf. I.1 Introduction : approche du temps en biologie et en géologie ; I.4 La mesure
du temps dans l’histoire de la Terre et de la vie ; I.8 Couplage des événements biologiques et
géologiques au cours du temps). Les préoccupations chronologiques guident aussi
l’enseignement de spécialité, avec l’étude des variations climatiques à deux échelles de temps
ou l’étude des variations du niveau de la mer au cours de l’histoire de la Terre.
Parmi les principaux problèmes relatifs à la construction et à la connaissance des
cadres temporels, on peut citer :
- Établir une chronologie relative :
Cette approche est implicitement abordée au collège lorsqu’on utilise la succession des
formes vivantes ou des transformations géologiques pour subdiviser les temps géologiques en
ères et périodes.
Elle est surtout développée en Terminale, avec l’étude des principes de la chronologie
relative. Ceux-ci reposent sur des critères géométriques (superposition, continuité,
recoupement) et paléontologiques, ce qui conduit à définir ce que sont les fossiles
stratigraphiques.
- Dater de manière absolue :
On situe dès la 3ème sur un axe des temps quelques événements importants ayant
marqué l’histoire de la Terre.
Les principes de la datation absolue sont étudiés en Terminale.
On utilisera aussi en 1ère S, le calendrier paléomagnétique, qui donne les âges absolus
des différentes anomalies.
- Reconstituer une histoire géologique :
On se limite en 5ème à la reconstitution de paysages anciens.
En Terminale, il ne s’agit pas de reconstituer l’histoire géologique d’une région (ainsi
l’étude des Alpes a pour objectif de reconnaître les marques d’une subduction et d’une
collision mais ne doit pas conduire à la reconstitution historique de la chaîne). Il importe
1
cependant d’étudier la succession de quelques événements, découlant de l’interprétation de
structures relativement simples (discordances, intrusions).
- Établir des coupures dans les temps géologiques :
On indique simplement en 3ème que les subdivisions des temps géologiques en ères et
périodes utilisent les transformations géologiques et les informations paléontologiques.
En Terminale, l’étude de la limite Crétacé-Tertiaire est l’occasion d’analyser les
informations contenues dans des colonnes stratigraphiques. Cette approche est de nature à
initier la réflexion sur l’enregistrement du temps par les formations sédimentaires : une
couche est ainsi représentative d’un certain intervalle de temps (ce qui rejoint le problème
d’estimation des durées) et une série sédimentaire peut apparaître comme un enregistrement
continu du temps écoulé, si toutefois elle ne présente pas de lacunes. L’observation de
discontinuités a souvent servi de base à la mise de place de coupures dans le temps.
On observera cependant que ces discussions d’ordre stratigraphique restent pour
l’essentiel hors-programme puisqu’elles correspondent finalement à la démarche qui a permis
l’établissement de l’échelle stratigraphique. Cette dernière peut être utilisée mais sa
connaissance ou sa construction à partir des principes de datation relative sont mentionnées
hors-programme en Terminale. Le problème de la reconstitution de la succession des
intervalles de temps est ainsi hors programme.
- Reconstituer le cadre temporel de l’évolution de la vie :
Cette approche constitue l’une des préoccupations de l’enseignement de 3ème. Elle est
aussi envisagée en classe de Terminale avec l’étude des couplages entre événements
biologiques et géologiques au cours du temps.
- Estimer des durées et des vitesses :
De telles estimations sont conduites en 4ème avec la mise en évidence de la mobilité
des plaques lithosphériques. Ces calculs sont repris en Première S avec des supports plus
argumentés.
En Terminale, les méthodes de datation absolue donnent aussi accès aux durées ;
l’étude des variations climatiques au cours des 700 000 dernières années fait apparaître
l’existence de cycles de différentes durées.
Analyse des différents documents :
Document 1 :
Cette courbe de diversité des genres d’animaux marins fait apparaître cinq épisodes de
diminution importante du nombre de genres, et qui peuvent être interprétés en termes de
crises biologiques. Ces cinq crises biologiques principales sont celles de l’Ordovicien –
Silurien, du Dévonien supérieur, du Permien – Trias, du Trias – Jurassique et du Crétacé –
Tertiaire. On peut également observer des événements moins marqués, interprétés comme des
crises biologiques intermédiaires, localisées dans le Cambrien, au Silurien supérieur, dans le
Carbonifère supérieur, dans le Jurassique, à la limite Jurassique – Crétacé, dans le Crétacé et
au milieu du Tertiaire.
L’étude de ce document pourrait prendre place en Terminale, montrant l’établissement
de coupures dans les temps géologiques et permettant une discussion relative au couplage des
événements biologiques et géologiques au cours du temps.
2
Document 2 :
Il présente certains systèmes radioactifs et serait utilisé en Terminale en relation avec
le problème de datation absolue. On se limiterait à l’étude de trois systèmes (carbone 14, KAr et Rb-Sr).
Document 3 :
Ce document exploité en Première peut permettre de calculer des vitesses d’expansion
océanique.
Document 4 :
L’exploitation de ce document s’inscrit en classe de Terminale, enseignement de
spécialité (les changements de climats). La mise en relation des oscillations isotopiques
permet d’établir des corrélations temporelles, ce qui peut conduire à l’idée de la globalité des
changements climatiques. Les oscillations présentent par ailleurs une périodicité, à caractère
mondial.
Les objectifs découlent ici d’analyses temporelles, sans toutefois s’inscrire directement
dans les problèmes évoqués. On observera d’ailleurs que manque la durée, l’ordonnée n’étant
indiquée qu’en profondeur.
Les relations géométriques entre objets géologiques
aux différentes échelles
La datation relative repose sur les principes de la chronologie relative qui ont permis d’établir
l’échelle stratigraphique des temps géologiques. Ces principes sont :
- superposition
- continuité
- recoupement
- identité paléontologique
Datation relative d’événements à partir d’exemples ou d’observations :
3
-
sur le terrain ( superposition, discordance et déformation des couches) ;
sur des échantillons (fossiles, minéraux) ;
sur des coupes géologiques (discordances, intrusions) ;
sur des photographies et des images à diverses échelles (discordances).
Un complément : la datation absolue
Caractères des méthodes radiochronologiques
étudiées au programme de Terminale S.
Trois méthodes sont au programme : carbone 14, potassium – argon (K - Ar),
rubidium – strontium (Rb – Sr).
Ne seront présentées ici que les grandes lignes des méthodes. On se reportera dans les
ouvrages de géochimie pour des développements plus détaillés.
On peut rappeler dans un premier temps que les mesures radiochronologiques reposent
sur la désintégration de l’élément père, radioactif, en élément fils, radiogénique.
Il importe de considérer la période de chaque couple que l’on doit mettre en relation
avec l’âge estimé. Les radiochronomètres sont ainsi choisis en fonction de la période de temps
que l’on cherche à explorer.
Si la période est très courte par rapport à l’âge estimé, la datation devient impossible
du fait de la disparition totale (ou presque) de l’élément père.
Si la période est très longue par rapport à l’âge estimé, la datation devient également
impossible du fait de la concentration très faible au moment de la mesure de l’élément fils.
Le document 2 fournit les constantes de désintégration des trois systèmes radioactifs
considérés. Ceci permet le calcul de leurs périodes sachant que T = Ln2 / λ , ce qui conduit
ici à :
14
C : 5728 années.
40
K – 40Ar : 11, 9 milliards d’années.
87
Rb – 87Sr : 48,8 milliards d’années
En pratique donc, la méthode au carbone 14 est utilisée pour des âges allant de 100 à
60 000 ans avec une précision convenable jusqu’à 35 000 ans environ.
La méthode K – Ar est employée pour des âges de quelques centaines de milliers
d’années, jusqu’aux âges les plus anciens, la méthode Rb – Sr , pour des âges de quelques
dizaines de millions d’années jusqu’aux âges les plus anciens.
D’autres différences portent sur les inconnues existant dans chaque système au
moment de sa fermeture ou au moment des mesures.
Méthode carbone 14 :
Cet isotope est d’origine cosmique (isotope cosmogénique), en équilibre permanent
dans l’atmosphère, dans les eaux océaniques de surface et dans les systèmes biologiques
vivants. La fermeture du système correspond au moment où cessent les échanges avec le
réservoir atmosphérique de production, ce qui peut correspondre soit à la mort de
l’organisme, soit à l’enfoncement de la masse d’eau océanique.
Dans le cas de cette méthode, la quantité du 14C lors de la fermeture du système est a
priori connue et liée à sa formation cosmogénique. La mesure du carbone 14 restant à
l’instant t permet alors d’accéder à la durée depuis la fermeture du système, et donc à l’âge.
4
La part de 14C atmosphérique apparaît néanmoins susceptible de varier au cours du
temps, ce qui conduit à nuancer le raisonnement initialement conduit (cependant pas au
niveau Terminale). Différents facteurs de variations sont connus (libération de carbone 12 par
combustion anthropique des ressources énergétiques, variations du rayonnement cosmique en
relation avec l’activité solaire,…). Une courbe de calibrage du 14C initial a été dressée sur plus
de 1000 ans en se fondant sur la dendrochronologie (mesure du 14C restant, connaissance
indépendante de l’âge par comptage des cernes, d’où estimation du 14C initial).
Méthode K-Ar :
On ne connaît pas dans ce cas la quantité initiale d’40Ar lors de la fermeture du
système. Dans une première approximation, appliquée en Terminale, on peut supposer que
celle-ci est négligeable. La connaissance de l’âge découle alors de la mesure de l’élément père
et de l’élément fils considéré entièrement comme radiogénique selon les équations suivantes :
P : élément père à t
P0 : élément père à t0, fermeture du système
Fr : élément fils issu de la désintégration (radiogénique) mesuré à t
F0 : élément fils initial, présent à t0.
Ft : élément fils total mesuré à t
Équation fondamentale de la désintégration :
P = P0 e–λt
Fr = P0 – P = P (eλt - 1)
Ft = F0 + Fr
On considère ici que F0 est négligeable, d’où Ft = Fr = P (eλt - 1)
La mesure des concentrations actuelles en 40Ar et en 40K dans l’échantillon permet de
déterminer l’inconnue t.
Méthode Rb – Sr
Le rubidium 87 se désintègre en strontium 87, dont existe par ailleurs un isotope non
radiogénique, le strontium 86.
La difficulté de cette méthode réside dans la quantité non négligeable de strontium 87
initialement présente dans le système à sa fermeture. Le strontium 87 mesuré correspond donc
d’une part au strontium initial et d’autre part au strontium radiogénique.
Ft = F0 + Fr
87
Sr = 87Sri + 87Srr
87
Sr = 87Sri + 87Rb (eλt - 1)
L’équation a alors deux inconnues : 87Sri et t.
On considère le rapport isotopique 87Sr / 86Sr, plus aisé à mesurer en spectrométrie de masse.
L’équation ci-dessus devient alors :
87
Sr / 86Sr = 87Sri / 86Sr + 87Rb / 86Sr (eλt - 1)
On conduit alors des mesures de rapports isotopiques 87Sr / 86Sr et 87Rb / 86Sr sur
quelques échantillons de la formation étudiée. Il importe de comprendre que pour le système
constitué par ces quelques échantillons, l’âge et le rapport initial constituent des constantes
(on suppose qu’ils ont bien sûr le même âge et qu’ils sont de même origine, possédant en cela
le même rapport isotopique initial 87Sri / 86Sr , les deux isotopes ayant le même comportement
dans les processus pétrologiques.
Les mesures effectuées sur les échantillons s’alignent alors dans ce cas sur une droite,
appelé isochrone. La pente de celle-ci a pour valeur (eλt - 1) ce qui fournit la valeur de t.
L’intersection avec l’axe des ordonnées donne la valeur du rapport initial.
5
Le résultat est donné par le document suivant.
On observera que la pente des droites joignant respectivement les points A et A’, B et
B’, C et C’ est égale à –1, puisque le passage d’un point à l’autre est lié à la désintégration du
rubidium 87, qui fait apparaître autant de 87Sr qu’elle fait disparaître de 87Rb.
Les trois systèmes retenus pour l’enseignement en Terminale présentent ainsi
caractéristiques différentes, permettant la datation d’objets variés, pouvant se situer dans
intervalles de temps très divers. L’étude de ces méthodes est aussi l’occasion de discuter
principales difficultés liées à la datation absolue, sans toutefois envisager la totalité
problèmes et/ ou des solutions apportées.
des
des
des
des
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