Lire un extrait - Editions Persée
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ANOMALIE Esmae Bensenouci Anomalie Fantastique Editions Persée Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur et toute ressemblance avec des personnes vivantes ou ayant existé serait pure coïncidence. Consultez notre site internet © Editions Persée, 2015 Pour tout contact : Editions Persée – 38 Parc du Golf – 13 856 Aix-en-Provence www.editions-persee.fr Les émotions sont des parties de nous que nous ne pouvons pas contrôler et certains sentiments sont parfois plus difficiles à contrôler que d’autres. Parmi eux… l’amour, le sentiment le plus fort que l’on puisse éprouver. Il fait de nous des personnes capables de tout. PREMIÈRE PARTIE 1. LA DÉCISION I l y a maintenant neuf ans, j’ai perdu la mémoire à l’issue d’un traumatisme crânien. Je n’avais aucune famille. Pas de parent, frère ou sœur, à ma connaissance. J’ai été adoptée par un étranger et sa femme qui m’ont élevée comme leur propre fille. Ils n’avaient pas d’enfant et j’étais en quelque sorte un cadeau que la vie leur donnait – ce qu’ils ne cessaient de me répéter. Moi aussi je les considérais comme mes parents. Ils m’ont offert leur amour et leur tendresse. Je leur étais redevable. Je m’appelle Mirajane Wight Liza Blase. Mon prénom est assez long, mais c’est celui de ma naissance – celui que mes parents biologiques m’avaient donné – et Blase vient de Paul et Marilyn Blase, mes parents adoptifs, les parents les plus gentils que l’on peut avoir. Ils étaient très protecteurs avec moi. Même si ça m’exaspérait parfois, je ne pouvais jamais leur en vouloir. Ma mère était d’un style particulier. Elle était gérante d’un petit magasin en ville. Elle y vendait des meubles et autres. C’était une maman à qui l’on pouvait tout dire sans avoir peur. Mon père, lui, était très nounours. Il m’adorait. Il m’avait habituée à regarder des matchs de foot avec lui, à jouer aux dames. Nous vivions en Angleterre, à Liverpool pour être plus précise. Nous avions une belle petite maison. Nous n’étions pas très riches. Paul – mon père – était comptable. Ce n’est pas un super métier, mais, au moins, nous ne manquions de rien. L’histoire que je vais raconter a commencé le jour de mon seizième anniversaire. Seize ans… L’âge magique, paraît-il. En tout cas, c’est ce que racontent les histoires, les poèmes et les chansons. L’âge où notre véri9 table personnalité se forge. L’âge où la vie nous force à faire des choix difficiles. La veille de mon anniversaire, je me suis réveillée, j’ai pris une douche, j’ai fouillé dans mes tiroirs pour y chercher mon uniforme et j’ai fini par le trouver. J’ai enfilé une jupe courte de couleur noire, une chemisette blanche et des chaussettes blanches montantes avec deux bandes noires. J’ai mis mon gilet, sur lequel était brodé l’insigne de Liverpool, mes ballerines noires cirées, puis j’ai cherché mon sac dans lequel j’ai jeté mes livres. J’ai brossé mes longs cheveux bruns et lisses. Ils étaient vraiment très longs – ils m’arrivaient jusqu’aux cuisses – mais ils restaient très beaux. Marilyn – ma mère – n’a jamais voulu que je les coupe. Elle qui avait des cheveux roux assez abîmés préférait prendre soin de mes beaux cheveux – pour se venger en quelque sorte. Je les ai attachés en queue-de-cheval et je suis descendue au rez-de-chaussée. Dans la cuisine, Paul – mon père – buvait son thé en lisant le Daily Express, un journal anglais. Ces temps-ci, il ne se passait rien d’important. Juste un peu de politique, à laquelle je ne comprenais rien. J’ai ouvert le placard, j’ai sorti mon paquet de céréales – elles étaient au chocolat, ma sucrerie préférée – et j’en ai versé le contenu dans un bol. Puis j’ai rajouté du lait et me suis assise à table. Mon père était d’habitude très bruyant le matin. Rien de bien méchant. Il était juste matinal. Sa devise : la vie appartient aux gens qui se lèvent tôt. Puis je me suis rendu compte de l’absence de ma mère. — Où est maman ? Demandai-je. Mon père ne me répondit pas immédiatement, puis il finit par lever la tête longuement, comme si ce qui était écrit dans le journal l’intéressait. — Mira, tu es là ? Je ne t’ai pas entendue entrer, dit-il de sa voix douce et grave. Il venait d’utiliser mon diminutif : Mira pour Mirajane. — Ta mère est… hésita-t-il comme s’il cherchait à me cacher quelque chose. Ce n’était pas dans ses habitudes mais je n’y prêtai pas attention. — Elle est partie tôt ce matin, finit-il par dire. — Tu vas devoir prendre le bus aujourd’hui, ma grande, ajouta-t-il. Puis j’entendis le klaxon du bus de l’école. 10 — Oh mince ! Le bus est déjà là, dis-je, pressée. Je m’essuyai la bouche et fis un bisou à mon père sur sa joue chaude. Il avait des cheveux bruns qui blanchissaient près des oreilles avec l’âge, des yeux marron assez grands et son visage était d’un blanc âcre qui lui allait bien. Je pris mon sac, jetai un coup d’œil par la fenêtre et vis le ciel chargé, puis j’attrapai ma veste et sortis de la maison pour monter dans le bus. Je me demande où est Julie, pensai-je en la cherchant dans le bus. Ne la voyant pas, je finis par m’asseoir au fond, à côté de la fenêtre. Le bus démarra au moment même où l’orage éclata. Les gouttes de pluie venaient s’écraser sur la vitre, les unes après les autres, tout le long du trajet. Le bus finit par arriver au parking du lycée. Nous descendîmes en courant pour aller nous abriter de l’orage. On a l’habitude de la pluie et du mauvais temps. Ce n’est pas comme si l’Angleterre était réputée pour son soleil. Une fois à l’intérieur, je me dirigeai vers mon casier, dans lequel je jetai ma veste mouillée pour aller en cours. La cloche sonna et tous les élèves se dirigèrent vers leur classe. — Salut ! dit une voix douce derrière moi. C’était ma meilleure amie, Julie. Ses courts cheveux blonds étaient lâchés et elle était vêtue exactement comme moi – elle n’avait pas vraiment le choix. Ses yeux verts me fixaient. — Salut ! Lui répondis-je. — On a quoi ce matin ? — On a histoire, je crois, dis-je en commençant à marcher. Julie et moi nous dirigeâmes vers la classe de Mr Salsman, notre prof d’histoire. — Alors, demain c’est le grand jour ? dit-elle en faisant allusion à mon anniversaire. — Oui. Et tu devrais arrêter d’en parler comme si c’était extraordinaire. En plus, je crois que mes parents l’ont oublié. — Tu rigoles, c’est ton seizième anniversaire, ce n’est pas rien. Alors, tu veux qu’on fasse quoi cette fois ? dit-elle tout sourire pendant que nous traversions le dernier couloir. — Je n’en ai aucune idée. Je crois que je vais me contenter de ne pas y penser. 11 — Mais… Puis elle se tut quand nous entrâmes dans la salle de classe. Tout le monde était déjà là. Nous étions les dernières à entrer. — Désolée Monsieur, dis-je en entrant. — Ce n’est rien, répondit-il. Il devait avoir dans les vingt-neuf ans. Il était de grande taille et très discipliné. De courts cheveux bruns. De beaux yeux verts. J’aimais beaucoup ce prof, d’autant que je passais beaucoup de temps avec lui puisque j’étudiais l’histoire antique. Je m’assis sur ma chaise près de la fenêtre. — Aujourd’hui, nous allons parler des mythologies. Qui veut nous donner des informations à ce sujet ? J’adorais parler de tout qui est irréel. Je me suis toujours sentie proche de ces histoires. Elles me réconfortent et elles me paraissent familières. D’ailleurs, il m’arrive souvent des choses bizarres, comme me sentir suivie ou observée. Il m’arrive aussi de sentir des présences ou de voir des ombres dans le coin de l’œil mais je n’ai jamais réussi à le prouver. Comme si j’inventais tout ça. Et, chaque fois que j’essayais d’en parler, on me prenait pour une folle. — Mademoiselle Blase, si le cours ne vous intéresse pas, veuillez nous le dire. Mon professeur était devant ma table. Il me regardait fixement, ainsi que toute la classe. Je me sentis rougir et baisser les yeux. — Désolée Monsieur, je vous demande pardon, baltubiai-je, morte de honte. — Bien. Voulez-vous nous dire quelque chose au sujet des mythologies ? — C’est que… — Vous n’êtes pas en position de refuser, dit-il, me défiant presque. — Oui, excusez-moi. Je me tus un instant, cherchant quoi dire, puis les mots commencèrent à sortir d’eux-mêmes de ma bouche. — Les mythologies sont représentées comme des légendes ou des fictions. Bien sûr, il y a beaucoup d’histoires inspirées des contes et nombre d’écrivains représentent la mythologie par la féerie ou les rêves. Comme Shakespeare et bien d’autres. 12 — C’est exact. Y a-t-il des personnages précis que vous pourriez nous donner comme exemples ? — Oui… Je connaissais bien des personnages de contes, mais deux sortirent de ma bouche malgré moi, instinctivement. — Obelyn et Puck. — Ce sont deux personnages bien différents mais merci pour ce résumé, Mademoiselle Blase, dit-il chaudement. Je tournai la tête vers Julie, qui me dévisagea comme si elle ne me reconnaissait pas. Le reste du cours était fatigant et je n’y m’intéressai pas beaucoup. De toute façon je pourrais toujours rattraper le cours grâce à mon amie. La cloche retentit. Pour les autres, c’était l’heure de changer de cours, mais, pour nous, l’heure de passer au pratique, ou plutôt au visuel. Nous prîmes nos affaires pour suivre notre professeur dans la bibliothèque du lycée. Nous nous dirigions vers la bibliothèque quand, subitement, j’entendis une voix : « Mirajaaane » d’un ton ricanant. Je tournai la tête dans tous les sens en regardant d’où elle pouvait venir. — Mira, est-ce que ça va ? dit Julie derrière moi. — T’as entendu cette voix ? Lui dis-je, un peu paniquée. — Quelle voix ? Elle venait de le dire d’un air dubitatif. — Tu ne t’es pas cogné la tête en te levant ce matin ? C’est la deuxième fois que tu dis un truc qui ne te ressemble pas, ou plutôt un truc qui ne veut rien dire. — Comme… — En cours d’histoire, tu nous as sorti tout un discours sur les mythologies. Depuis quand tu t’y connais ? — Tu sais bien que j’aime ça et que j’ai toujours aimé en parler. — Ouais mais pas autant. Et maintenant tu nous sors que t’as entendu des voix. Je me sentais quelque peu gênée par ses propos. Il est possible qu’il m’arrive des trucs bizarres, pensai-je, soucieuse. — Je suis désolée, je ne sais pas ce qui m’arrive aujourd’hui, mentis-je. Nous finîmes par arriver à la bibliothèque, où nous nous installâmes. 13 Le cours portait sur d’anciennes légendes. On y parlait de sacrifices et autres. Elles étaient parfois codées. L’une d’elles attira mon attention. Je ne sais pas pourquoi, mais elle m’attira plus que toutes les autres. La fille fée de l’elfe aux quatre moitiés doit pourfendre son âme pour le sang de sa chair. Ainsi elle préservera l’équilibre de la vie. Je ne sais pas pourquoi mais je me sentais concernée par le sujet. Le professeur nous expliqua plusieurs façons de lire ou d’exploiter ces mythologies tout en restant dans le vif du sujet pendant deux heures. La cloche retentit une deuxième fois. Le temps s’était écoulé si rapidement que je n’y croyais presque pas. Les cours étaient finis pour aujourd’hui. Nous n’avions étudié que les quatre premières heures. Les autres heures avaient été consacrées à des activités pour lesquelles je n’avais pas le moral. Nous sortîmes de la bibliothèque. Traversant les couloirs, je me dirigeai vers mon casier pour récupérer ma veste. Nous étions mardi et ma mère était censée venir me chercher. Nul besoin de courir prendre le bus. Arrivée à mon casier, je remarquai une convocation chez le directeur. J’ignorais pourquoi, mais je devais y aller si je ne voulais pas recevoir une heure de colle. Cela ne me dérangea aucunement. J’aimais beaucoup le proviseur. Il se montrait toujours gentil avec moi. Chaque fois qu’un professeur me surprenait captivée par mes pensées, il m’envoyait chez lui. Heureusement que je m’entendais bien avec lui. Il était le seul à me croire quand je lui parlais de mes sensations ou de mes visions. Il aimait même que je lui en parle. Je me dirigeai vers son bureau, qui se trouvait à l’étage, et je toquai à la porte. On m’invita à entrer. — Bonjour Mademoiselle Blase, dit-il en me fixant de ses yeux verts pétillants. Il me fit signe de m’asseoir sur l’un des fauteuils en face de son bureau. — Bonjour Monsieur, je suis désolée de vous déranger, mais j’ai trouvé ceci sur mon casier. Je posai la convocation sur son bureau. — Il faut que nous parlions, mon enfant, dit-il calmement. — Oui, bien sûr, mais de quoi ? — De tes notes. Elles ont beaucoup chuté tout au long de ce trimestre. Pourrais-tu m’expliquer ? — Je… Je ne sais pas trop. 14 — Il faut pourtant que tu identifies la source de ce problème sans quoi je serai dans l’obligation de prendre contact avec tes parents. — Je ne sais pas ce qu’il se passe en ce moment. Je crois que je n’ai pas vraiment la tête aux études. — Mirajane, tu as toujours été une bonne élève. Si tu continues comme ça, ta moyenne va en prendre un coup. — Je vais essayer de me rattraper, mais, pour le moment, j’aimerais que vous ne disiez rien à mes parents. — Bon. Je te propose quelque chose, mais ça doit rester entre nous. Compris, jeune fille ? dit-il. — Oui Monsieur, dis-je, impatiente de savoir ce qu’il allait me dire. Il sortit un billet d’excuse de son tiroir, le signa et me le tendit. — Tu es libre pour la journée. Repose-toi, vide ta tête de tout ça. Tu verras, demain tout ira mieux. — Merci. Le directeur m’avait toujours inspiré confiance. Son regard me rappelait quelqu’un mais je ne savais plus qui. — Cette voix dont tu m’as parlé, elle t’a encore appelée ? — Maintenant que vous le dites… Oui. — C’est bien demain ton anniversaire ? — C’est exact, dis-je en me demandant pourquoi il me parlait de cela maintenant. — Tu vas devoir faire un choix difficile pour lequel je ne pourrai pas t’aider. — Je vais essayer, dis-je en me levant. Sortie du bureau, j’ai descendu les escaliers en flèche pour aller me cacher dans mon endroit préféré. Je descendis au sous-sol, ouvris une petite porte dissimulée par des planches de bois et me retrouvai dans un jardin secret. Il y avait une petite cascade d’eau avec des fleurs, des arbres et un petit dôme de jardin. Cet endroit était presque magique. Dès que je venais ici, je me sentais beaucoup mieux. Je me vidais la tête, pensais à des solutions. Cet endroit me comblait de bonheur. Quand j’arrivais en retard et qu’on me demandait ou j’étais, je répondais que j’étais dans le jardin du sous-sol, mais, chaque fois que quelqu’un venait, la porte disparaissait, introuvable. C’était comme si moi seule pouvais la voir. Après un long moment passé à méditer et à sommeiller, je me levai pour me diriger vers la sortie. La pluie avait cessé de tomber mais ma 15