Les mirages de Fun`en`Bulle

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Les mirages de Fun`en`Bulle
Les mirages de Fun’en’Bulle
CIRQUE • Dix-neuf élèves de l’école bulloise ont présenté leur création ce
week-end. Ils partiront cet été en tournée, pour vivre et éprouver le
quotidien des artistes de chapiteau.
PHOTOS ALAIN WICHT TEXTE STÉPHANE SANCHEZ
«Toc toc toc». Tout commence par le mirage d’une porte posée au milieu du désert. Une porte à
laquelle dix-neuf des 106 élèves de l’école de cirque bulloise Fun’en’Bulle ont frappé ce weekend, à
l’occasion de leur spectacle annuel dans le chef-lieu gruérien. Cette porte des étoiles ouvre comme
par magie sur d’étonnants univers peuplés d’aviateurs acrobates, de femmes-hiéroglyphes ou de
baigneuses suspendues à des mers de tissu. Des numéros fluides, rythmés, souvent pleins d’humour
et où la prouesse paraît facile et naturelle.
Au sortir du chapiteau, l’acrobate Laetitia Lattion et le jongleur Jonathan Spicher, 18 et 17 ans,
respirent l’adrénaline. La troupe a l’habitude des productions dirigées, avec des musiciens ou des
choeurs mixtes, comme l’an passé dans la cour du château bullois. «Mais cette fois, on nous a laissé
une totale liberté. Nous avons conçu nos propres numéros, dessiné les costumes, choisi la musique
et réalisé les décors et les accessoires», explique Laetitia Lattion, qui figure parmi les élèves les plus
expérimentés de l’école.
Une performance et une intention
«L’objectif est de leur apprendre à être autonomes », confirme Nikola, du cirque pédagogique
itinérant Gommette& Gabatcho. Le clown de théâtre et les quatre moniteurs de l’école ont
accompagné la démarche des élèves, pour les aider à «clarifier leurs intentions, à les mettre en
scène, à traduire leurs émotions avec le corps». «Le cirque, c’est une performance et une intention.
L’ un sans l’autre, c’est soit de la gym, soit du théâtre», explique Gabatcho. Les dix-neuf artistes âgés
de 13 à 20 ans ont ainsi mobilisé tout leur savoir, répété deux fois par semaine depuis le début de
l’année scolaire, puis peaufiné durant cinq week-ends complets.
Mais ils n’ont pas fini de suer. Grâce à Gommette & Gabatcho, la troupe partira en effet en tournée
durant dix jours, cet été, pour se produire le 6 août au Mouret, le 9 à Schmitten et le 13 à Courtepin.
Au menu de cette aventure sans précédent pour les élèves: montage des chapiteaux; déambulation
des jongleurs, échassiers et acrobates dans le village, pour la promotion; ateliers destinés aux enfants
du cru, qui ouvriront le spectacle par un petit numéro; représentation; nuit en abri PC; démontage et
départ pour la prochaine étape.
Une immersion totale, «pour leur montrer que le cirque est un vrai métier, rude, quotidien.
Beaucoup fantasment. De grandes écoles entretiennent le mirage. On veut que les élèves aient la
tête dans les étoiles, mais les pieds sur terre», sourit Gabatcho.
«Certains vont souffrir», augure Julie Vuignier, privée de l’aventure pour cause de blessure. Mais la
jongleuse sait que l’équipe sera solidaire: «C’est ce côté que j’apprécie le plus. On forme une grande
famille, tous ensemble, petits et grands. On se soutient, sans aucun esprit de compétition.» C’est
d’ailleurs pour cette raison, principalement, que l’école allonge année après année sa liste d’attente,
confie son président Philippe Fragnière, qui a cofondé Fun’en’Bulle en 2005 avec son épouse Sonja et
Marie-José Vuichard.
Des vocations éveillées
L’école bulloise, surtout orientée vers le loisir, a néanmoins éveillé des vocations. Deux élèves se
forment actuellement à Bristol et à Stockholm, parfois après un passage par Zôfy, à Sion – il n’y a pas
d’école de niveau professionnel en Suisse. «C’est difficile de percer. Il y a beaucoup de concurrence
et l’effort est énorme», assure Laetitia Lattion, qui préfère ne pas rêver.
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Jonathan Spicher, lui, a bien l’intention d’en faire sa vie: «Il n’y a que là que je me sens chez moi. Je
jongle même au travail, pendant les pauses. Là, je finis mon CFC de paysagiste pour pouvoir
retomber sur mes pattes, au cas où. Mais je ferai le tour du monde en caravane, avec un pote. On
vivra de notre numéro. J’ai déjà le pote...» I
«C’est difficile de percer. Il y a beaucoup de concurrence et l’effort est
énorme»
LAETITIA LATTION
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