Bob Lutz, le Guépard de Detroit

Transcription

Bob Lutz, le Guépard de Detroit
Moteurs
c’est, selon une étude britannique,
le pourcentage de consommation supplémentaire
qu’entraîneraient les ralentisseurs en faisant
chuter la vitesse de 30 à 20 miles
(de 48 à 32 km/h). En cause, la réaccélération,
forcément énergivore, après le franchissement
de l’obstacle.
1
Triangle et gilet obligatoires le 1er juillet
« Ma sportive idéale ?
SÉCURITÉ. Le dernier comité intermiUn coupé deux places,
de la Sécurité routière a décid’un poids inférieur à 1 200 kg, nistériel
dé de rendre obligatoire, à compter
du 1 juillet 2008, la présence dans
propulsé par un moteur
tout véhicule d’un triangle de présiessence de 250-300 ch. »
gnalisation et d’un gilet rétroréfléer
REMI DECONINCK, DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE RENAULT SPORT TECHNOLOGIES
DR
41
vendredi 23 mai 2008
Bouchon/Le Figaro
36
chissant. Ne pas avoir ces équipements dans le véhicule entraînera une contravention de quatrième classe, c’est-à-dire une
amende forfaitaire minorée de 90€... par élément manquant.
Le billet
par Jacques
Chevalier
Ambiance
électrique
Le numéro deux de General Motors, Bob Lutz, pilote et amateur d’avions de chasse, milite aujourd’hui pour l’électricité. DR
Bob Lutz, le Guépard de Detroit
À 76 ans, l’un des caciques
de la voiture américaine
devient le prophète
de la nouvelle révolution
automobile.
« Pour que tout change
afin que rien ne change. »
LA SCÈNE se passe lors du dernier
Salon automobile de Detroit, en
janvier dernier. Un journaliste asticote Bob Lutz, le grand sachem
pour tous les projets de General
Motors (GM), à propos de l’arrivée
de la Smart sur le marché américain. L’homme, visiblement, n’y
croit pas trop. Mais bon, « les Américains aiment les gadgets », dit-il en
secouant sa crinière blanche.
Serait-il lui-même séduit par ce
véhicule ? insiste le confrère.
« Pourquoi voulez-vous que je roule
en Smart ? Je possède déjà une moto
BMW ! » rétorque-t-il.
À 76 ans sonnés, le numéro
deux de GM préfère toujours chevaucher un deux-roues que de
loger sa grande carcasse dans une
microvoiture quand il s’agit de se
faufiler dans les embouteillages de
Detroit. Et s’il est vraiment pressé,
Bob Lutz prend les commandes de
l’un de ses avions favoris. Des avions de chasse. Il en possède deux :
un L-39 Albatros tchèque et un
Alphajet « assemblé chez Dornier,
en Allemagne ». L’idée d’un vol en
Rafale, le grand frère de l’Alphajet,
lui fait pétiller l’œil. De 1954 à 1965,
Bob Lutz a servi dans le corps des
Marines et labourait les nuages
dans un jet de combat. Quand on a
été pilote, on le reste.
Mais aujourd’hui, Bob Lutz est
malade. Un méchant rhume, simplement. Il a néanmoins tenu à
recevoir dans son antre de Warren,
le centre névralgique de GM, à une
heure de route de sa maison d’Ann
Arbor, quelques visiteurs étrangers
privilégiés. « Je ne mangerai pas ce
soir », confie-t-il. Mais que dévore
ce colosse de 1,90 m dont on dit
que « l’automobile coule dans ses
veines » ? Le caoutchouc des
pneus ? Que boit-il ? L’essence des
réservoirs ? L’huile des carters
moteurs ?
Le déroulé de sa carrière est
impressionnant. Après avoir bûché
une maîtrise de business administration à Berkeley, en Californie, il
apprend l’automobile en traînant
de 1963 à 1971 son attaché-case sur
toutes les routes d’Europe sous la
bannière, déjà, de la GM. Les choses sérieuses commencent quand il
rejoint BMW comme vice-président en charge des ventes. Il y restera trois ans, jusqu’en 1974. Puis il
passe chez Ford, qu’il quitte en
1986 pour rejoindre les hautes
sphères de Chrysler. C’est à lui que
l’on doit l’incroyable Dodge Viper.
L’université le consacre et le fait
docteur honoraire en droit en 1985
et en management en 2003.
Il hait la technocratie
Le retour chez GM se produit
en 2001. C’est à lui, le vieux briscard
d’alors presque 70 ans, que la société a fait appel pour la sortir de
l’ornière. Son verdict ? « GM a été
géré pendant vingt ans par une caste
de technocrates cupides issus de
Harvard ou des business school,
bien plus préoccupés par l’argent
que par l’automobile. »
Bob Lutz hait la technocratie
sous toutes ses formes. Actuellement, c’est la classe politique américaine qui est dans son collimateur
de pilote de chasse. « Mme Clinton
et M. Obama se sont lancés dans
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une surenchère loufoque vis-à-vis
de l’automobile. C’est à celui qui
consommera le moins ! » Il ne supporte pas non plus l’amateurisme
et la cuistrerie de certains écologistes ayant la bonne conscience facile. « Ces gens-là seraient capables de
poser des autocollants “Hybride” sur
les flancs de leur vieille voiture uniquement pour se faire bien voir de
leur voisinage. »
L’hybridation, il y croit, mais
modérément. Non pas que cette
technologie soit inefficace, en particulier sur les gros véhicules, où
elle se révèle spectaculaire en ville.
Mais son prix élevé en limitera forcément sa diffusion. « J’ai honte de
l’avouer, mais sur notre Chevrolet
Tahoe ou notre Cadillac Escalade,
le surcoût de l’hybridation atteint
6 000 dollars », dit Bob Lutz. Pareil
pour le diesel, où les sévères normes antipollution américaines
provoqueront également, selon
lui, quelques frayeurs du côté du
porte-monnaie. « On atteint vite le
seuil de la douleur si on veut dépolluer des diesels de grosses cylindrées », estime-t-il. L’Amérique
n’aime toujours pas l’huile lourde.
Bob Lutz, comme Carlos Ghosn,
est devenu un militant de l’électricité. Il pense que sous dix ans on
pourra parcourir 500 km avec un
plein de watts. En attendant l’arrivée de la sorcière électricité et de
ses accumulateurs up to date suspendus sous son balai, il y a le
bioéthanol. « Une solution raisonnable. Elle réduit à la fois les émissions de CO2 et notre dépendance
vis-à-vis de pays pas toujours favorables à l’Occident. Et ce carburant
peut être produit à partir de
n’importe quels types de déchets,
sauf ceux provenant du métal ou
du verre. » Dire qu’« avec les biocarburants, il n’y aura plus rien à
manger ! » (dixit Peter Brabeck,
président de Nestlé) l’irrite au plus
haut point.
Tel est le Tsar de Detroit, un
autre de ses surnoms. Mais ce véritable aristocrate « made in America » est plutôt un conservateur à la
manière du prince de Salina, le
Guépard de Lampedusa. Cacique
d’un monde automobile qui se
cherche, il est devenu le prophète
de la nouvelle révolution touchant
la voiture. « Pour que tout change
afin que rien ne change. »
PHILIPPE DOUCET
NOUVEAUTÉ
Fiat Palio Adventure : le tout-terrain low-cost
EXPORT. Fiat vient de présenter
au Brésil une version tout-terrain
du nouveau break Palio Weekend. La Palio est une voiture à
bas coût produite par Fiat Automoveis, la branche sud-américaine du groupe. Après la berline
l’an passé, c’est aujourd’hui au
tour du break de bénéficier d’un
léger restylage. Et Fiat profite de
l’occasion pour lancer une version de loisirs, baptisée Adventure Locker, dotée de tous les attributs du 4 × 4. Tous, sauf la
transmission intégrale car, pour
contenir son prix de vente, la
Palio Adventure reste une simple
traction. À la différence d’un
« ludospace » de loisirs tel que le
Citroën Berlingo XTR ou le Peugeot Partner Tepee Outdoor qui
patinent autant qu’une berline
ordinaire sur un sol glissant, la
Palio Adventure Locker est dotée
d’un différentiel autobloquant
qui garantit sa progression en
DR
PORTRAIT
Physique de samouraï, regard
magnétique, galvanisateur
de troupes hors pair, Carlos Ghosn
aurait sûrement fait un excellent
général d’armée. Le combat
qu’il livre, à la fois pour
le redressement de Nissan
et la relance de Renault, sent parfois
la poudre. Mais le magnétisme
qui a tant profité à ce véritable chef
pourrait commencer à s’effriter
devant la réalité des faits.
Même s’il a encore quelques bons
coups à réserver à la concurrence,
les signes d’une perte sensible
de confiance dans le projet Contrat
2009 sont apparus. L’objectif qui
veut que Renault augmente
de 800 000 voitures ses ventes
en cinq ans paraît bien difficile
à tenir avec la seule gamme
des modèles au losange.
En revanche, avec Dacia
dont la Logan a pris tout le monde
de vitesse, la chose apparaît plus
accessible. Un détail qui n’avait
pas échappé à Carlos Ghosn
qui tablait pour son Contrat
sur une croissance de 80 %
des ventes hors Europe.
De là à imaginer refaire le coût
de la Logan, deux échelons
en dessous à 2 500 $, avec
un partenaire et des critères
automobiles indiens, il n’y a
qu’un pas. Tout en sachant fort
bien qu’il n’y a guère de vie possible
en Europe pour un tel véhicule,
mis aux normes de sécurité
et environnementales locales.
Et toujours aussi peu pourvoyeur
de marge pour le constructeur
et son revendeur.
Cela n’interdit pas d’en agiter
l’éventualité tout comme
de se vouloir le premier
constructeur à vendre une voiture
totalement électrique en 2010
aux États-Unis et au Japon,
en 2012 ailleurs. Nissan,
dont les bénéfices devraient
baisser de 30 % sur l’exercice
en cours, sera le moteur du tandem
pour devenir ce leader mondial
de l’électrique, pariant
que ce type de véhicule
pèsera à terme 15 % du marché
mondial. Un vœu pieux qui fait fi
des projets avancés de Toyota, de
GM et des constructeurs allemands.
terrain difficile. Au Brésil, le tarif
de la Palio Adventure Locker est
attractif : 21 000 € avec une
motorisation 1,8 l Flexfuel fonctionnant aussi bien à l’essence
qu’à l’éthanol. Après que tous les
constructeurs ont introduit un
véhicule de loisirs dans leur
gamme, les constructeurs de voitures low-cost semblent vouloir
leur emboîter le pas. En 2010,
Dacia lancera le premier SUV
(Sport Utlity Vehicle) à bas coût,
un modèle à part entière qui ne
sera pas un simple break Logan
MCV à quatre roues motrices.