Article Diagnobeton 2016
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Article Diagnobeton 2016
6e édition du colloque francophone sur l’auscultation des ouvrages de génie civil Diagnobéton 2016 __________________________________________________________________________ Marrakech (Maroc) 24-25 mars 2016 GESTION PREVENTIVE D’INFRASTRUCTURES TELECOMMUNICATION. L’EXPERIENCE BELGE. DE Jean-Claude BOURCY - Monuments & Structures SNC (Belgique), Francis CAMBIER - Conseil FAP SCN (Belgique), Marc DELOGNE - Géo-Topics Sprl (Belgique), Marco VAN AERSCHOT - Proximus SA (Belgique). RESUME : Les autorités imposent aux opérateurs de télécommunication une couverture minimale du territoire, mais également une diminution de la puissance des antennes relais. Pour assurer cette couverture contractuelle, les opérateurs multiplient les installations; parmi celles-ci de nombreux pylônes en béton. Il est vite apparu à l’opérateur de télécommunication Proximus qu’une gestion durable et préventive des ouvrages était une nécessité, compte tenu des multiples techniques auxquelles ceux-ci font appel : assemblage d’éléments préfabriqués, éléments post-contraints, béton coulés en place ou un mixte de ces techniques. D’autre part, cette gestion permet à l’opérateur de faire le point "zéro" de ses structures et ainsi de budgéter les opérations d’entretien et/ou de réfection en fonction de l’urgence. 1. INTRODUCTION Depuis 2011, Monuments et Structures a rejoint la plateforme Diagnostic-Beton.com réunissant des spécialistes du vieillissement des ouvrages en béton. Cette plateforme a été initiée par Geo-Topics et Conseil FAP. Monuments et Structures a procédé au diagnostic de plus d’une quinzaine de pylônes de conceptions et d’environnements différents. De multiples pathologies ont ainsi pu être mises en évidence. Certaines sont liées au vieillissement normal des bétons compte tenu de leur environnement, d’autres à la conception des structures ou à la mise en œuvre des bétons ou encore à la réalisation du chantier. La compréhension des mécanismes et des causes de détérioration a permis de choisir en connaissance de cause les recommandations pour pérenniser ces structures. Celles-ci vont de mesures d ‘entretien à la réhabilitation, voire la démolition dans les cas ultimes de dégradation. Au vu de l’expérience de Proximus, d’autres opérateurs Belges se sont lancés dans la gestion préventive de leur infrastructure de télécommunication dans le cadre d'un partenariat avec DiagnosticBéton.com. 2. TYPES DE PYLONES 2.1. Préfabriqués : viroles circulaires et triangulaires Ces pylônes sont constitués de viroles qui peuvent être circulaires ou triangulaires. Chaque élément unitaire est assemblé au précédent soit par des goujons qui viennent prendre place dans des réservations prévues à cet effet soit par de la postension réalisée en mettant en oeuvre des barres de précontrainte (la majorité des cas) ou des câbles constitués d’un faisceau de torons (plus rare en Belgique). La hauteur de ces pylônes varie généralement de 50 à 80 m, rarement au-delà de 80 m, excepté deux constructions particulières culminant à 165 m sur lesquelles nous reviendrons plus loin. 2.2. Coulés en place Quelques pylônes ont été construits par le procédé des coffrages glissants. Leur hauteur est généralement comprise entre 90 et 120 m. 1 2.3. Mixte Dans le parc des pylônes de télécommunication, il en existe un qui a associé les deux méthodes de construction : utilisation de viroles cylindriques préfabriquées pour la structure interne qui sélève à 165 m de hauteur et béton coulé en place pour la tour externe. Cette dernière est reliée à la tour interne à une hauteur de 150m par une dalle en béton armé. A C B E D Photos 1 : Types de Pylones – Viroles cylindriques (A) – Viroles triangulaires (B) – Coulé en place (C) – Mixte (D et E) 3. PROBLEMES RECURRENTS 3.1. Structures préfabriquées. 3.1.1. Joints entre les éléments préfabriqués Ces pylônes sont sujets à des contraintes de flexion qui créent de la traction au niveau de la fibre tendue et en particulier au droit des joints. 2 3.1.1.1. Conception des joints Les joints des pylônes cylindriques ont généralement une épaisseur de l’ordre de 3 cm. Ils sont réalisés avec un mortier qui, dans un premier temps lors du montage, est disposé sur la surface de contact et est écrasé par la virole supérieure. Des éléments circulaires en mousse (fond de joint) sont disposés au droit des réservations destinées à recevoir les éléments de continuité (barres ou postcontrainte). Lorsque le montage est terminé, une finition est mise en place pour obturer et imperméabiliser cet espace entre deux viroles. Les joints des pylônes triangulaires sont d'une conception différente : les joints extérieurs sont réalisés avec un mastic en élastomère étanche. B A Photos 2 : Joints viroles cylindriques (A) – Triangulaires (B) 3.1.1.2 Dégradations observées Systématiquement, les joints des deux types de pylône sont dégradés et n’assurent plus la fonction à laquelle ils sont destinés : l’étanchéité vis-à-vis des intempéries et des contaminations. A ce moment, l’eau et les embruns peuvent pénétrer et corroder les éléments de liaison surtout si l’injection des gaines qui les entourent n’est pas réalisée correctement. Cette corrosion est accélérée en mileu maritime par une contamination par les chlorures. 3.1.2. Fixation des viroles entr'elles : précontrainte ou barres. Des corrosions sont observées du fait d’une étanchéité défectueuse provenant des joints (voir cidessus) ou des dalles dans lesquelles les têtes d’ancrage sont ancrées. 3.1.3. Injection des gaines de liaison Cette injection est réalisée du bas vers le haut sur des longueurs variant de 20 à 30 m. Etant données d'une part cette configuration particulière et d'autre part les caractéristiques des coulis d'injection utilisés dans les années '90, on peut s'attendre à un phénomène de ségrégation du coulis sur une longueur d'environ 50 cm dans la partie supérieure de la gaine. Vu que les étanchéités posent problème soit au droit des joints, soit au droit des dalles qui contiennent les têtes d'ancrage, on observe des corrosions, des éclats de béton allant jusqu'à 1 m² du fait de l'eau qui est rentrée et qui subit des cycles gel-dégel. 3 A B C Photos 3 : Exemple de problèmes de corrosion (A), de défaut d’étanchéité d’une tête d’ancrage (B) et de problèmes d’injection (C) 3.1.4. Protection des têtes d'ancrage Voir ci-dessus 3.1.5. Etanchéité des plateformes Etant donné la complexité de ces plateformes, l'utilisation de membranes n'est pas judicieuse. Pratiquement toutes les étanchéités présentent des défauts qui permettent à l'eau de pénétrer dans la structure. A B Photos 5: Exemples d’écaillage de plateforme 3.2. Structures coulées en place 3.2.1. Carbonatation Contrairement aux structures préfabriquées, le béton est carbonaté de manière non égale d'une structure à l'autre. Il n'est pas possible de trouver une règle en fonction de l'âge 3.2.2. Chlorures ajoutés lors du coulage du béton Nous avons trouvé une structure où des chlorures ont été ajoutés lors du bétonnage. 3.2.3. Phasage du coulage du béton Nous avons trouvé une structure où l'entreprise manifestement n'avait pas l'habitude des coffrages glissants. Les joints entre deux bétonnages sont des nids de gravier et constituent donc un point faible de la structure. 4 B A Photos 6 : Reprises de bétonnage (A) et nid de gravier (B) 4. TECHNIQUES SPECIFIQUES 4.1. Analyse In-Situ 4.1.1. Scanning Magnétique Le scanning magnétique recourt à un détecteur basé sur le principe d’induction magnétique. Lors de son passage au droit d’une armature un pic d’induction est détecté. L’intensité du pic est directement liée au recouvrement et au diamètre de l’armature. Le traitement des données bidirectionnelles permet d’identifier le diamètre des armatures avec une précision de l’ordre du millimètre. Une fois le diamètre connu, cette donnée est réinjectée dans le système de traitement pour déterminer le recouvrement des armatures. La profondeur d’investigation est raisonnablement fiable jusqu’à une profondeur de l’ordre de 100 mm. La précision sur le diamètre mesuré est de l’ordre de 2 mm dans la plupart des cas. La précision est encore diminuée pour l’identification du diamètre des fils de précontrainte. Dans le cas d’armatures proches, le scanner magnétique peut être difficile à interpréter. De même le présence d’un second lit d’armatures en profondeur peut perturber les mesures. 4.1.2. Scanning Acoustique Le scanning acoustique est basé sur le principe du radar. Des ondes acoustiques sont envoyées par une antenne. Lorsque ces ondes rencontrent des changements de milieux, une partie est renvoyée vers la surface et enregistrée par l'antenne réceptrice. Ce type de scanner a une profondeur d’investigation nettement plus profonde, jusqu’à 300 mm. Il permet la mise en évidence de structures sous le premier lit d’armatures telles que gaines de précontraintes, second voire troisième lit d’armature. Le scanning acoustique est également utile pour la détection de vides et l’implantation des carottages. Depuis peu nous disposons d’un système de traitement des données qui combine les informations acoustiques et magnétiques. A B Figure 1 : Scanner magnétique (A) et Scanner acoustique (B) : noter que le scanner magnétique n’a pas détecté l’armature double 5 4.2. Analyses en Laboratoire 4.2.1. Essais traditionnels PROFONDEUR D’ACIDIFICATION :EN 14630 Produits et systèmes pour la protection et la réparation des structures en béton – Méthodes d’essais – Mesurage de la profondeur de carbonatation d’un béton armé par la méthode phénolphtaléine. Les profondeurs d’acidification sont directement reportées dans les rapports de scanning magnétique MASSE VOLUMIQUE ET ABSORPTION D’EAU : EN 12390-7 : Essai pour béton durci - Partie 7: Masse volumique du béton durci. ESSAI DE COMPRESSION : EN 12390-3 : Essai pour béton durci - Partie 3: Résistance à la compression des éprouvettes. La résistance corrigée est calculée pour rendre la comparaison possible avec un essai sur cube. TENEUR EN CHLORURES : La teneur en chlorures solubles est mesurée par méthode potentiométrique après réduction du béton à une granulométrie inférieure à 1,0 mm par broyage. La teneur en Chlorure est exprimée en % du poids de béton. 4.2.2. Essais spécifiques ANALYSE PETROGRAPHIQUE : Elle se fait à plusieurs échelles. Au niveau macroscopique, elle se pratique sur site (phénomènes de taille métriques), sur carotte (phénomènes de taille décimétrique) et sur surface polie (phénomènes de taille centimétrique). Au niveau microscopique, elle se pratique à l’aide de loupe binoculaire (phénomènes de taille centimétrique) et de microscope pétrographique (phénomènes de taille de 50 à 1000 microns). Outre l’identification des constituants (agrégats, ciment, rapport E/C) et leurs relations (texture, ségrégation, délamination, bleeding, etc.), l’attention se focalise également sur les vides (bullage et fissures) et sur les pathologies (carbonatation, RAS). Photo 7 : Détail d’un grain de sable affecté par la réaction alcali-Silice ESSAIS GONFLEMENT : Les essais de gonflement Duggan et Oberholster sont menés en parallèle lorsque la pétrographie a mis en évidence la présence de réaction Alcali-silice. Ces essais de longue durée permettent de qualifier la phase dans la dynamique de réaction : début, croissance ou fin. ESSAIS DE RESISTANCE AUX CYCLES GEL-DEGEL : CEN/TS 12390-9 Essai sur béton durci – Partie 9: Résistance au gel- dégel – écaillage. 5. CONCLUSIONS Toutes ces inspections et essais sur les matériaux ainsi que les mesures in situ ont permis à l’opérateur de télécom de : découvrir des problèmes cachés de stabilité qui nécessitent des interventions urgentes tant en réparation qu’en démolition 6 dans ce dernier cas, la démolition a été préférée à la réparation pour une question de budget : 4,5 mio € pour la réparation et 1,25 mio € pour la démolition et la reconstruction y compris les mesures provisoires gérer la pathologie des joints de construction des pylônes préfabriqués ainsi que les problèmes d’étanchéité de manière réaliste et non plus au coup par coup de constituer des dossiers qui sont devenus le point "zéro" des structures pour la maintenance future de sensibiliser les maîtres d'ouvrage aux problèmes rencontrés qui n'apparaissent généralement pas dans les 10 premières années; de ce fait, il est malaisé pour le maître de l'ouvrage de se retourner contre l'entreprise mis à part deux gros problèmes rencontrés, d'une part un pylône préfabriqué qui sera démoli du fait de la postcontrainte et d'autre part un pylône coulé in situ pour lequel les coûts de la réhabilitation seront élevés vu les problèmes de carbonatation et d'une très mauvaise exécution conscientiser le fait que ces structures nécessitent un entretien tous les 10 ans en moyenne En résumé, le choix de l'entrepreneur chargé de la construction est fondamental : en premier lieu, il doit être expérimenté. Le coût vient en deuxième lieu si on veut éviter des problèmes lors de l'exécution et lors de la vie de l'ouvrage. 7