Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal

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Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
Christophe Borel
Le représentant légal :
une partie très particulière au procès pénal
par
Christophe Borel !
I. Introduction .................................................................................. 3
II. Définitions................................................................................... 5
A. Le jeune en conflit avec la loi ................................................... 5
B. Le représentant légal ................................................................. 7
III. La représentation légale : des fondements internationaux aux
implications en procédure pénale suisse des mineurs .................... 8
A. Les fondements internationaux ................................................. 8
B. Le droit suisse ........................................................................... 9
1. La protection constitutionnelle des enfants et des jeunes ......... 9
2. L’autorité parentale et la tutelle des mineurs en droit civil .....11
a. Le devoir général d’assistance .....................................................11
b. La représentation......................................................................12
ba) Généralités .................................................................12
bb) Le jeune incapable de discernement ....................................13
bc) Le jeune capable de discernement .......................................15
A. Le représentant légal, une nouvelle partie au procès pénal ?......17
B. Les droits du représentant légal ................................................19
1. Le droit de demander la récusation du juge des mineurs ........19
2. Le droit de recourir contre une amende d’ordre pour
défaut de participation à la procédure ...................................21
3. Le droit d’exiger la publicité de l’audience ............................21
4. Le droit de consulter le dossier ..............................................23
5. Le droit de se désigner un avocat...........................................23
6. Le droit de demander la mise en liberté à l’autorité qui a
ordonné la détention du prévenu mineur .............................25
7. Le droit de faire opposition à une ordonnance pénale ............27
8. Le droit à la notification des actes de procédure.....................28
9. Le droit de recourir...............................................................28
C. Les obligations du représentant légal ........................................29
1. L’obligation de participer à la procédure................................29
2. L’obligation de payer les frais de procédure et les frais
d’exécution ..........................................................................31
V. Le conflit d’intérêts entre le jeune prévenu et son
représentant légal .......................................................................34
A. Les cas de conflit d’intérêts ......................................................34
B. La curatelle de représentation...................................................36
VI. Conclusion................................................................................36
IV. Le rôle du représentant légal en procédure pénale des mineurs...17
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Master en Droit en Sciences criminelles mention Magistrature de l’Université de
Lausanne (UNIL), Ecole des Sciences criminelles. L’auteur tient à remercier
M. le Dr BAPTISTE VIREDAZ, chargé de cours à UNIL, et M. le Prof. Dr JEAN
ZERMATTEN, Vice-Président du Comité des Droits de l’Enfant des Nations
Unies (CDENU) et Directeur de l’Institut international des Droits de l’Enfant
(IDE), pour leurs précieuses remarques, ainsi que toutes les personnes qui ont
collaboré de près ou de loin à la rédaction du présent article par leur relecture
attentive et leurs suggestions pertinentes.
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Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
Christophe Borel
parents, qui passe inévitablement par une implication de ceux-ci à
la procédure ouverte à l’encontre de leur enfant 5.
I. Introduction
1.
Aujourd’hui, la Suisse et la plupart des pays occidentaux semblent
assister à une augmentation significative de la délinquance des
jeunes 1. Face à ce constat, d’aucuns dénoncent l’attitude laxiste et
démissionnaire des parents et proposent des sanctions de toute
nature 2, tendant à responsabiliser davantage les représentants
légaux. Lorsqu’elles visent à introduire une responsabilité pénale
des parents pour les infractions commises par leur progéniture, ces
propositions contreviennent aux principes fondamentaux du droit
pénal que sont la responsabilité personnelle (nulla poena sine culpa)
et la présomption d’innocence (in dubio pro reo) 3. En outre, ces
projets font fi des dispositions légales existantes qui, souvent,
prévoient déjà des mesures adaptées et respectueuses des normes
internationales 4, telles qu’une collaboration étroite entre autorité et
2.
Au 1er janvier 2011 6, les procédures civile et pénale unifiées à
l’échelle suisse entreront en vigueur et seront vraisemblablement
suivies 7 par la révision du Code civil suisse 8 (ci-après : CC) relative
au nouveau droit de protection de l’adulte et de l’enfant 9.
3.
Dans ce contexte de réformes et au-delà de toute considération
politique, il nous paraît important d’examiner de plus près la
« petite sœur » du Code de procédure pénale suisse 10 (ci-après :
CPP) : la Procédure pénale applicable aux mineurs11 (ci-après :
PPMin), et d’analyser plus particulièrement la place que cette lex
specialis 12 accorde à l’un des acteurs les plus importants de cette
procédure : le représentant légal.
4.
Au travers de cette contribution, nous tenterons tout d’abord de
donner une définition du « jeune en conflit avec la loi » et du
« représentant légal » (chap. II). Nous rappellerons ensuite les
fondements théoriques de la représentation légale du jeune en
conflit avec la loi (chap. III) avant d’examiner concrètement quel
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KILLIAS/LUCIA/LAMON/SIMONIN, Juvenile delinquency in Switzerland over
50 years : assessing trends beyond statistics, in European Journal on Criminal
Policy and Research, Heidelberg 2004, pp. 111-122. Selon l’OFS, le nombre
de jugements pénaux de mineurs a passé de 12’159 en 1999 à 14'632 en 2008.
A l’image de l’initiative parlementaire suisse 06.483 « Expulsion des personnes
étrangères dont les enfants ont commis des infractions » (rejetée par le Conseil national
le 12 juin 2008) et des propositions de loi n° 2895 et n° 223, déposées
respectivement devant le Sénat français, le 11 février 2000 (retirée par son
auteur le 24 octobre 2001), et devant l’Assemblée nationale française, le
30 janvier 2001 (rejetée le 26 avril 2001), ainsi que, dans la même logique, de la
récente proposition de loi n° 2487 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire
par la suspension des allocations familiales, adoptée en première lecture par
l’Assemblée nationale française le 29 juin 2010. Pour un examen de la tendance
française, cf. PROTHAIS ALAIN, Vers une responsabilité pénale des parents ?, in
Dekeuwer-Défossez/Choain (éd.), L’autorité parentale en question, Villeneuve
d’Ascq 2003, pp. 99-115.
Cf. art. 14 § 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte
ONU II) et art. 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales (CEDH), ainsi que les art. 32 al. 1er Cst.
(presomption d’innocence) et 47 al. 1er CP (responsabilité personnelle). Sur
l’incompatibilité d’une culpabilité « présumée » avec la présomption
d’innocence, cf. KILLIAS/KUHN/DONGOIS/AEBI, Précis de droit pénal général,
Berne 2008, p. 40 et réf. cit.
Cf. art. 15.2 des Règles de Beijing (ci-après : RB), art. 40 al. 2 lit. b ch. iii de la
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Convention relative aux droits de l’enfant (ci-après : CDE) et art. 3.2 du
Modèle de loi sur la justice des mineurs du Centre des Nations Unies pour la
prévention internationale du crime (ci-après : MLJM).
Cf. Communiqué de presse de la Commission des institutions politiques du
Conseil national du 22 février 2008 : « Délinquance juvénile : punir les parents est
contraire aux principes de l’Etat de droit ».
Cette date a été arrêtée par le Conseil fédéral dans un Communiqué du DFJP
du 31 mars 2010.
Lors de la Conférence des autorités cantonales de tutelle du 7 avril 2009,
M. URS VOGEL a annoncé que cette nouvelle réforme n’entrerait
probablement pas en vigueur avant le 1er janvier 2013. Cf. aussi URS VOGEL,
Le nouveau droit de protection de l’adulte, RDT 2009/1 62, spéc. p. 62.
RS 210.
FF 2009 139 (ci-après : nCC).
FF 2007 6583.
FF 2009 1705.
Cf. JOSITSCH/MURER, Die Schweizerische Jugendstrafprozessordnung – eine
Balanceakt zwischen Rechtsstaat und Erziehungsgrundsatz, RPS 2009 290,
spéc. pp. 294 s.
4
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
Christophe Borel
est le rôle du représentant légal, véritable partie à la procédure,
titulaire de droits et d’obligations (chap. IV). Enfin, dans un
dernier chapitre, nous aborderons les situations dans lesquelles les
intérêts du jeune sont en opposition avec ceux de son représentant
légal et la solution proposée pour y remédier (chap. V).
expression présentant en outre l’avantage pratique de la distinction
en plusieurs catégories selon l’âge, la capacité pénale et le statut
juridique du principal intéressé16. D’ailleurs, la Constitution
fédérale de la Confédération suisse 17 (ci-après : Cst.) utilise
exclusivement les vocables « enfants », « adolescents » et « jeunes
adultes » et ne parle jamais de « mineurs ».
II. Définitions
7.
A. Le jeune en conflit avec la loi
5.
Comme son titre et son objet l’indiquent, la PPMin s’applique à la
poursuite, au jugement et à l’exécution des sanctions pénales qui
concernent des « mineurs » (art. 1er PPMin) 13. Cela étant, trois
principales raisons nous amènent à penser que la notion de « jeune
en conflit avec la loi » (Jugendliche im Konflikt mit dem Recht ; giovani
in conflitto con la legge) devrait être préférée à celle de « mineur ».
6.
D’un point de vue international tout d’abord, il faut relever que,
sous l’impulsion de certains pays d’Amérique latine14, le Comité
des Droits de l’Enfant des Nations Unies (ci-après : CDENU) a
récemment abandonné le terme « mineur », considéré comme
péjoratif 15 et peu adapté, sa définition n’ayant sens que par
opposition au concept de majorité. Cet organe parle aujourd’hui
d’« enfants en conflit avec la loi » (children in conflict with the law),
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Soit, par renvoi à l’art. 3 al. 1er du Droit pénal des mineurs (ci-après : DPMin ;
RS 311.1), toute personne qui, au moment de la commission de l’infraction, a
un âge compris entre 10 et 18 ans. Cf. YVAN JEANNERET, Aperçu général du
nouveau droit, in Bohnet (éd.), Le nouveau droit pénal des mineurs, Neuchâtel
2007, pp. 1-35, spéc. p. 7.
Parmi ces pays, le Brésil a été le premier à changer sa terminologie et à utiliser le
terme « adolescent en conflit avec la loi » en adoptant son Statut de l’Enfant et
de l’Adolescent (Estatuto da Criança e do Adolescente, Loi n° 8069 du 13 juillet
1990). Cf. KATHIA MARTIN-CHENUT, La politique criminelle brésilienne
applicable à la délinquance juvénile. Les impasses dans la mise en œuvre d’un
modèle inspiré du droit international, Archives de politique criminelle, 1/2008,
n° 30, pp. 291-319, spéc. pp. 301 et 318.
Dans certains pays, le terme « mineur » ne représente plus une catégorie
juridique mais une catégorie socioéconomique. Cf. MARTIN-CHENUT (n. 14),
p. 301.
5
Il résulte ensuite du champ d’application de la PPMin
précédemment rappelé que les phases d’instruction, de jugement
ou encore et surtout d’exécution de la sanction relèvent de la
compétence d’un « juge des mineurs » ou d’un « tribunal des
mineurs », respectivement d’un Jugendanwalt ou d’un
Jugendgericht 18. Cette nouvelle procédure ne concerne ainsi pas
exclusivement des « mineurs » mais aussi de jeunes majeurs ayant
commis leur infraction alors qu’ils n’avaient pas atteint la majorité
pénale de 18 ans, qui doivent être jugés ou qui exécutent leur(s)
sanction(s).
17
18
Aussi proposons-nous de distinguer : les « enfants » (âge inférieur à 12 ans), les
« adolescents » (âge compris entre 12 et 18 ans) et les « jeunes adultes » (âge
compris entre 18 et 25 ans) en conflit avec la loi, par opposition aux jeunes « en
contact avec la loi » que sont les enfants, les adolescents et les jeunes adultes
témoins ou victimes d’une infraction. Cf. Rapport de la Commission d’experts
« De 29 à l’unité », DFJP, Berne 1997, p. 74 ; cf. aussi Observation générale
n° 10 du CDENU (ci-après : CRC/C/GC/10), pp. 11 ss, où le Comité est
encore hésitant sur l’emploi de cette terminologie. A noter enfin que pour des
raisons de fluidité rédactionnelle, nous utiliserons parfois le terme générique
« enfant » par opposition à celui de « parents » pour désigner leur progéniture en
général.
RS 101.
L’Avant-projet de 2001 avait opté pour le modèle romand du « juge des
mineurs » où le même magistrat est chargé de mener l’instruction, de rendre un
jugement et d’en superviser l’exécution. Finalement, c’est une situation de
compromis qui a été retenue, laissant libre choix aux cantons d’opter pour ce
système ou pour le modèle alémanique du « Jugendanwalt », où l’autorité de
jugement diffère de l’autorité d’instruction et d’exécution dans les cas les plus
graves. Cf. Message du Conseil fédéral relatif à l’unification de la procédure
pénale du 21 décembre 2005 (FF 2006 1057, spéc. pp. 1092 ss) (ci-après :
Message – CPP/PPMin) ; cf. aussi URSINA WEIDKUHN, Jugendstrafrecht und
Kinderrechte, Zurich/Bâle/Genève 2009, spéc. pp. 207 ss.
6
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
8.
9.
Enfin, eu égard aux efforts réclamés par la doctrine unanime et
récemment déployés par le législateur pour remplacer les termes à
connotation négative du droit de la tutelle par les expressions non
stigmatisantes du nouveau droit de protection de l’adulte et de
l’enfant 19, rien ne s’oppose à ce que cette tendance s’étende à la
dénomination des personnes concernées par des textes de loi qui se
veulent tous deux protecteurs.
En conséquence, nous parlerons de « jeune en conflit avec la loi » 20
dès lors que cette terminologie s’inscrit dans la droite ligne de
l’évolution du droit positif suisse et des standards internationaux, et
permet de prendre en considération tous les cas de figure dans
lesquels la PPMin est susceptible de s’appliquer à de jeunes
justiciables.
Christophe Borel
III. La représentation légale : des fondements internationaux
aux implications en procédure pénale suisse des mineurs
A. Les fondements internationaux
11.
Aujourd’hui, avec la promulgation des déclarations27 et des
conventions 28 internationales de sauvegarde des Droits de
l’Homme et de l’Enfant et l’émergence du concept de
« participation » dans les années 1990, les enfants et les adolescents
ne sont plus seulement considérés comme des êtres fragiles
nécessitant des prestations spécifiques et une protection
particulière, mais comme de véritables sujets de droits29.
12.
Ce nouveau statut tient également compte de leur vulnérabilité et
de leur dépendance en leur garantissant, d’une part, l’assistance
d’un adulte pour exercer et défendre leurs droits, dans leur intérêt
B. Le représentant légal
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10.
Par « représentant légal » (die Gesetzliche Vertretung ; il rappresentante
legale) 21, nous entendons toute personne habilitée par la loi à
représenter un jeune en conflit avec la loi, qui n’est pas majeur ou
qui est « interdit » 22, pour suppléer à son défaut de capacité civile
active (art. 17 et 19 al. 1er CC). Au sens strict 23, les représentants
légaux du jeune en conflit avec la loi sont donc ses parents 24, son
tuteur 25 ou, dans certaines situations26, son curateur.
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Cf. Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 concernant la révision du code
civil suisse (protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation)
(FF 2006 6635, spéc. p. 6657) (ci-après : Message – nCC).
Afin d’éviter toute confusion, nous renonçons en revanche à utiliser cette
nomenclature pour désigner les lois et les institutions relatives à la justice
juvénile suisse, quand bien même, là aussi, une adaptation terminologique serait
souhaitable.
Pour un exposé complet de cette notion civile, cf. MEIER/STETTLER, Droit de
la filiation, Genève/Zurich/Bâle 2009, pp. 479 ss. Cf. aussi ANDREAS BUCHER,
Personnes physiques et protection de la personnalité, Bâle 2009, pp. 23 s.
Dès 2013, on ne parlera plus d’« interdit » mais de « personne sous curatelle de
portée générale » (cf. art. 17, 19 al. 1er et 398 nCC).
Par la suite, nous verrons qu’il se justifie parfois d’opter pour une définition plus
large du représentant légal. Cf. infra chap. IV. C. 1.
Lorsqu’il s’agit d’un enfant ou d’un adolescent en conflit avec la loi, il appartient
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29
généralement à ses père et mère (art. 304 al. 1er CC) ou à l’un d’eux, lorsque
l’autorité parentale n’est attribuée qu’à un seul parent (art. 296 à 298 et 311 à
313 CC), de le représenter.
Le jeune en conflit avec la loi est représenté par un tuteur lorsque, n’ayant pas
atteint la majorité, il n’est pas sous autorité parentale (art. 368 CC) ou lorsque,
majeur, il fait l’objet d’une « interdiction civile » (art. 369 à 372 CC), voire
d’une autorité parentale prolongée (art. 385 al. 3 CC). Dans le nCC, un
« tuteur » ne sera nommé que dans le premier cas (art. 327a à 327c nCC) ; dans
le second, la nouvelle prévoit différentes formes de curatelle avec ou sans
incidence sur la capacité civile de l’intéressé (art. 393 ss nCC), étant précisé que
la curatelle de portée générale (art. 398 nCC) aura les mêmes effets que
l’« interdiction » et que la prolongation de l’autorité parentale sera abandonnée
au profit d’une curatelle spéciale attribuée à des proches (art. 420 nCC).
Cf. infra chap. V.
Telles que la Déclaration de Genève sur les droits de l’enfant du 26 septembre
1924, la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et
la Déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959.
Tels que les Pactes internationaux relatifs aux droits économiques, sociaux et
culturels et aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, la Convention
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du
4 novembre 1950 (CEDH) et surtout la Convention relative aux droits de
l’enfants du 20 novembre 1989 (ci-après : CDE), dont on vient de fêter les
20 ans.
Cf. JEAN ZERMATTEN, The Best Interest of the Child. Litteral Analysis,
Function and Implementation, Working Report, Sion 2010, spéc. pp. 2 s.
8
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
Christophe Borel
et au fur et à mesure de leur développement30 (art. 5 et 18 CDE),
et, d’autre part, le droit de s’exprimer et d’être entendus sur toute
question les intéressant, eu égard à leur âge et à leur degré de
maturité 31 (art. 12 CDE 32).
participer 37 et d’exercer eux-mêmes leurs droits strictement
personnels 38, dans la mesure où ils sont capables de discernement.
B. Le droit suisse
1. La protection constitutionnelle des enfants et des jeunes
13.
La Cst. consacre la « protection des enfants et des jeunes » à son
article onzième. Si, avec la majorité de la doctrine 33, nous
concédons que cette disposition est peu claire, tant par son
emplacement que par la brièveté et l’ambiguïté de ses deux alinéas,
il faut toutefois reconnaître que les garanties internationales que
nous venons de mentionner figurent dans notre charte
fondamentale et que ce choix du constituant ne saurait être
qualifié de simple « signe politique en faveur de la jeunesse » 34. En
effet, à notre avis, l’article 11 alinéa 1er Cst. constitutionnalise le
concept de « protection » particulière de l’enfant et de
l’adolescent 35 et reconnaît à ces derniers un statut de sujet de
droits 36, tandis que le second alinéa consacre leur droit de
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Cf. GERISON LANDSDOWN, The evolving capacities of the child, Florence
2005.
Ces deux critères nous rappellent le principe de l’art. 4 al. 1er i.f. PPMin qui fait
implicitement référence à la notion de discernement (art. 16 CC). Cf. infra
chap. III. B. 2. b. bb).
Pour une analyse juridique détaillée de l’art. 12 CDE, cf. ZERMATTEN/
STOECKLIN, Le droit des enfants de participer. Norme juridique et réalité
pratique : contribution à un nouveau contrat social, Sion 2009.
Cf. AUBERT/MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la
Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich/Bâle/Genève 2003, pp. 112 ss et
réf. cit.
Ibid., p. 113.
Du même avis, MAURY PASQUIER in BO CN 1998 698.
Dans le même sens, cf. PATRICK FASSBIND, Systematik der elterlichen
Personensorge in der Schweiz, Bâle 2006, spéc. p. 33.
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38
Cf. n. 29.
Cf. infra chap. III. B. 2. b. bc).
10
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
Christophe Borel
notamment se traduire par une assistance financière et/ou
spirituelle de ces derniers lorsque leur enfant se trouve dans une
situation de crise personnelle45, à l’image de celle qui peut
accompagner un comportement délinquant46.
2. L’autorité parentale et la tutelle des mineurs en droit civil
14.
Le législateur suisse n’a pas attendu que la « participation » et la
« protection » de l’enfant et de l’adolescent soient reconnues par
des textes internationaux contraignants pour accorder à ces adultes
en devenir une aptitude égale à être sujets de droits et d’obligations
(art. 11 CC), pour réglementer l’autorité parentale (die elterliche
Sorge ; l’autorità parentale) 39 et ses effets (art. 296 ss CC), et pour
prévoir son mécanisme de remplacement qu’est la tutelle des
enfants et des adolescents (art. 368 al. 1er CC) 40. Ces deux
dernières institutions de droit civil se constituent d’un « faisceau de
responsabilités et de pouvoirs » 41 dont l’étendue varie notamment
en fonction de l’âge et de la maturité de celui qui en bénéficie.
Dans le cadre de cette contribution, nous nous limiterons à
l’examen de leurs deux attributs qui ont des effets importants en
procédure pénale, soit le devoir général d’assistance et la
représentation.
16.
b. La représentation
ba) Généralités
17.
a. Le devoir général d’assistance
15.
Parmi les devoirs réciproques entre parents et enfant exprimés à
l’article 272 CC, le devoir général d’assistance (die allgemeine
Fürsorgepflicht ; l'obbligo generale di assistenza) est l’un des effets de la
filiation, indépendant de l’autorité parentale42, qui subsiste même
au-delà de la majorité 43. A l’image des devoirs d’éducation
(art. 302 CC) et d’entretien (art. 276 ss CC), plusieurs dispositions
légales spécifiques ont été adoptées sur la base de cette obligation
naturelle 44 des père et mère qui, prise pour elle-même, peut
!
39
40
41
42
43
44
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46
Jusqu’à la fin des années 1990, la loi parlait de « puissance paternelle » (elterliche
Gewalt), terminologie héritée de la « patria potestas » du droit romain ;
cf. P. PICHONNAZ, Les fondements romains du droit privé, Genève/Zurich/
Bâle 2008, pp. 115 ss.
Cf. n. 25.
Cf. MEIER/STETTLER (n. 21), p. 259.
ATF 119 Ia 135, JT 1996 I 287.
A titre illustratif, cf. art. 277 al. 2 CC (obligation d’entretien de l’enfant majeur).
ATF 134 III 245 ; cf. aussi MEIER/STETTLER (n. 21), p. 348, pour une liste
11
Contrairement au devoir que nous venons d’examiner, la
représentation est un effet de la filiation, dépendant de l’autorité
parentale, qui prend fin à la majorité, à moins que le jeune adulte
ne soit « interdit » 50. Ainsi, comme nous l’avons déjà noté plus
haut 51, ce « mandat légal » appartient en principe aux parents et,
par exception, au tuteur 52.
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Même lorsqu’une mesure de tutelle (art. 368 al. 1er ou 369 ss
CC) 47 est instituée à l’endroit d’un jeune, ce devoir continue
d’incomber à ses deux parents, à moins qu’ils ne soient décédés,
que leurs moyens financiers ne le permettent pas ou qu’ils ne
soient plus en mesure d’apporter le soutien psychologique et
affectif justifié au regard du bien de l’enfant, cas dans lesquels il
appartiendra à l’Etat d’y suppléer 48 et au tuteur (art. 405 CC),
voire à l’autorité civile 49, d’assumer cette responsabilité.
47
48
49
50
51
52
exemplative des dispositions fondées sur le devoir général de l’art. 272 CC.
Cf. MEIER/STETTLER (n. 21), p. 350.
Cf. CRC/C/GC/10, p. 17 ; cf. infra chap. IV. A.
Cf. n. 25.
Cf. n. 42 et ATF 106 II 287, JT 1981 I 527, en rapport avec l’assistance
judiciaire (art. 29 al. 3 Cst.).
Cf. infra chap. IV. B. 9.
Sous curatelle de portée générale (art. 398 nCC).
Cf. nn. 24 et 25.
A ce stade, nous faisons abstraction des cas de conflits d’intérêts parent-enfant
(art. 306 al. 2 CC) et tuteur-enfant (392 ch. 2 CC) que nous examinerons
spécialement au chap. V. A.
12
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
18.
Pour tenir compte de la capacité évolutive de l’enfant et de
l’adolescent 53, la loi prévoit un régime de représentation dont
l’étendue varie selon son âge et sa capacité de discernement. Nous
ne saurions donc examiner les pouvoirs du représentant légal que
conjointement avec la capacité propre de l’enfant54.
Christophe Borel
21.
bb) Le jeune incapable de discernement
19.
Lorsque l’enfant, l’adolescent ou le jeune adulte est incapable de
discernement (art. 16 CC) 55, il n’a pas l’exercice des droits civils
(art. 17 CC) et dépend totalement de son représentant légal 56, dès
lors que ses actes n’ont pas d’effet juridique (art. 18 CC).
20.
Dans le contexte qui nous intéresse, l’article 19 PPMin – qui
rappelle que le jeune prévenu agit au travers de ses représentants
(al. 1er) et exerce en principe ses droits de partie de manière
indépendante (al. 2) – ne traite pas spécialement de la question de
l’incapacité de discernement du jeune en conflit avec la loi ni de
ses conséquences procédurales. Pour combler cette « lacune », il
convient de se référer à l’article 106 CPP 57 qui traite de la
« capacité d’ester en justice » 58, institution qui n’est autre que le
prolongement de l’exercice des droits civils en droit pénal formel.
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!
53
54
55
56
57
58
Cf. n. 30.
Cf. MEIER/STETTLER (n. 21), p. 479.
Pour une étude approfondie de cette notion, cf. HAUSHEER/AEBI-MÜLLER,
Das Personenrecht des Schweizerischen Zivilgesetzbuches, Berne 2008, pp. 46
ss ; BUCHER (n. 21), pp. 12 ss ; DESCHENAUX/STEINAUER, Personnes
physiques et tutelle, Berne 2001, pp. 22 ss. Pour la nouvelle terminologie de
l’art. 16 nCC et ses conséquences, cf. Message – nCC (FF 2006 6635, spéc.
pp. 6676, 6695 et 6726).
Sauf pour les « droits étroitement liés à sa personnalité » (art. 18 i.f. CC et
art. 19c al. 2 nCC). Cf. BUCHER (n. 21), p. 33 ; cf. aussi Message – nCC
(FF 2006 6635, spéc. pp. 6726 s.).
Applicable par le renvoi général de l’art. 3 al. 1er PPMin et interprété à la
lumière des principes de l’art. 4 PPMin (art. 3 al. 3 PPMin).
En procédure pénale, par « capacité d’ester en justice », il faut entendre la
capacité d’une partie de jouer un rôle actif ou passif dans la procédure. Cf.
NIKLAUS,
Schweizerische
Strafprozessordnung
(StPO) :
SCHMID
Praxiskommentar, Zurich 2009, pp. 185 ss ; cf. aussi JÖRG REHBERG, Zur
13
Il ressort de cette disposition qu’une partie incapable de
discernement ne peut valablement accomplir des actes de
procédure et exercer des droits que par l’intermédiaire de son
représentant légal (art. 106 al. 2 CPP), à l’exception des actes pour
lesquels sa présence personnelle est indispensable et sa
représentation impossible 59. Tel est le cas de la participation du
prévenu aux interrogatoires et aux débats 60 (art. 35 PPMin). Cela
dit, il faut d’emblée préciser que celui-ci ne peut y participer que
dans la mesure où il est « capable de prendre part aux débats »
(art. 114 CPP 61), c’est-à-dire, s’agissant d’un enfant ou d’un
adolescent en conflit avec la loi 62, physiquement et mentalement
apte à suivre la procédure (art. 114 al. 1er CPP). Ainsi, le jeune
prévenu doit être capable de comprendre les accusations portées
contre lui et leurs conséquences, de fournir des instructions à son
représentant légal ou à son défenseur, de se déterminer sur les
moyens de preuve et de s’exprimer librement, tant sur les faits de
la cause que sur la sanction pénale encourue. Le législateur
distingue alors l’incapacité « temporaire » 63 (art. 114 al. 2 CPP) de
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
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59
60
61
62
63
« Prozessfähigkeit » des Beschuldigten im Strafverfahren, in Meier/Riemer/
Weimar (éd.), Recht und Rechtsdurchsetzung. Festschrift für H. U. Walder
zum 65. Geburtstag, Zurich 1994, pp. 243-259, spéc. p. 245. Pour une
conception légèrement différente, cf. PIQUEREZ GÉRARD, Traité de procédure
pénale suisse, Genève/Zurich/Bâle 2006, pp. 292 ss.
Cf. n. 56. Il ne faut pas confondre ces actes procéduraux « étroitement liés à sa
personnalité » avec les actes procéduraux « strictement personnels » (art. 19 al. 2
CC) que nous mentionnerons au chap. III. B. 2. b. bc). et qui sont sensiblement
plus nombreux.
Rapport explicatif relatif à l’avant-projet d’un code de procédure pénale suisse,
OFJ, Berne 2001, p. 85 (ci-après : Rapport – CPP).
Cf. n. 57.
Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. 1148) ; cf. aussi
CRC/C/GC/10, p. 16 ; ainsi que les art. 14.2 RB et 40 al. 2 lit. B ch. iv CDE.
Lorsque le jeune en conflit avec la loi est momentanément ivre, malade ou
accidenté, la plupart des actes de procédure sont reportés, à l’exception des actes
urgents (e.g. interrogatoire d’un témoin âgé ou malade) qui sont exécutés en
présence de son défenseur (art. 114 al. 2 CPP) ; cf. Message – CPP/PPMin
(FF 2006 1057, spéc. p. 1148).
14
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
l’incapacité « durable » (art. 114 al. 3 CPP), celle-ci pouvant être
passagère 64 ou irrémédiable 65.
22.
Christophe Borel
24.
Dans le premier cas, le droit civil prescrit certes que l’enfant,
l’adolescent ou l’« interdit », même capable de discernement, doit
être pourvu d’un représentant légal (art. 17 et 19 al. 1er CC), mais
lui octroie par ailleurs la capacité d’exercer seul ses « droits
strictements personnels » (art. 19 al. 2 CC) 71. Cette part
d’autonomie se retrouve aussi dans le CPP et la PPMin qui
rappellent notamment que le jeune en conflit avec la loi qui n’a
pas l’exercice des droits civils mais qui est capable de discernement
peut en principe librement prendre part aux débats 72 (art. 114
al. 1er CPP) et exercer lui-même ses droits de partie 73, même
contre l’avis de son représentant légal74 (art. 106 al. 3 CPP et
art. 19 al. 2 PPMin).
25.
Dans le second cas, le jeune adulte, majeur et capable de
discernement, a l’exercice des droits civils (art. 13 CC). Il n’a donc
En résumé, il convient de distinguer deux cas de figure. Lorsque le
jeune en conflit avec la loi est « temporairement » incapable de
discernement 66, il est représenté par ses parents ou son tuteur pour
la plupart des actes de procédure, à l’exception des interrogatoires
et des débats qui sont en principe reportés ou, exceptionnellement,
effectués en présence de son défenseur et/ou de son représentant
légal. En revanche, si le jeune est « durablement » incapable de
discernement 67, son incapacité est telle que la procédure pénale
doit être suspendue ou classée, selon la durée probable de son
affection.
bc) Le jeune capable de discernement
23.
Lorsque le jeune est capable de discernement (art. 16 CC)68, il faut
alors opérer une distinction entre le cas du jeune qui n’a pas atteint
la majorité 69 ou qui est « interdit » 70 et celui du jeune adulte qui est
devenu majeur depuis la commission de l’infraction.
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71
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65
66
67
68
69
70
72
Lorsque le jeune en conflit avec la loi est par exemple victime d’une maladie ou
d’un accident qui nécessite une longue convalescence, la procédure sera
provisoirement suspendue (cf. art. 314 al. 1er lit. a CPP).
Lorsque le jeune en conflit avec la loi se trouve notamment dans un état
comateux d’origine traumatique, toxique ou pathologique et dont le pronostic
médical est manifestement réservé, tant sur sa durée que sur l’ampleur de ses
séquelles, la procédure sera définitivement classée (cf. art. 319 al. 1er lit. d CPP),
sous réserve de l’institution d’une éventuelle mesure de protection comme seule
sanction (art. 10 al. 1er DPMin). A noter que cette conséquence est semblable à
celle d’une administration des preuves qui démontre que le jeune auteur ne s’est
pas rendu compte qu’il commettait une faute au moment des faits (art. 11 al. 2
DPMin).
Et, partant, mentalement inapte à suivre les débats pour une durée déterminée.
Et, partant, mentalement inapte à suivre les débats pour une durée
indéterminée.
Cf. n. 55.
Cf. n. 13.
Cf. n. 50.
15
73
74
Depuis longtemps déjà, jurisprudence et doctrine reconnaissent que le droit du
prévenu d’assurer sa défense au procès pénal et, partant, celui de mandater un
défenseur à cet effet sont des « droits strictement personnels » au sens de l’art. 19
al. 2 CC. Cf. ATF 88 IV 115, JT 1962 IV 146 et ATF 112 IV 10-11, JT 1987
IV 5 ; cf. aussi MARTIN STETTLER, Traité de droit privé suisse. Le droit suisse
de la filiation, Vol. III., T. II, Fribourg 1987, p. 437 et réf. cit. ; BUCHER
(n. 21), p. 31 ; MEIER/STETTLER, (n. 21), pp. 485 ss.
A moins qu’il ne soit physiquement empêché de le faire (cf. supra chap. III. B.
2. b. bb).
A notre avis, cette notion comprend non seulement les actes procéduraux
« étroitement liés à la personnalité », qui ne souffrent aucune représentation
(participation aux interrogatoires et aux débats) (cf. supra chap. III. B. 2. b. bb),
et les actes procéduraux « strictement personnels » (e.g. dépôt ou retrait d’un
recours) mais s’étend aussi à tous les actes de procédure du jeune en conflit avec
la loi (demande de récusation du juge des mineurs, demande de mise en liberté,
opposition à une ordonnance pénale, etc.), dès lors qu’il doit répondre
personnellement de ses actes. Cf. Rapport – CPP, spéc. p. 85 ; cf. aussi nn. 3 et
71.
Ainsi, lorsque le jeune en conflit avec la loi et son représentant légal exercent
leurs droits de partie de manière différente (e.g. le premier ne se manifeste pas et
le second demande la récusation du juge des mineurs), dans un premier temps,
les deux déterminations sont examinées par l’autorité puis, dans un deuxième
temps, celle-ci statue en accordant une importance prépondérante à l’avis
exprimé par l’acteur principal du procès pénal, compte tenu de son âge, de son
degré de maturité et de son intérêt supérieur. Cf. not. Rapport – CPP, spéc.
p. 85.
16
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
plus besoin d’un représentant légal pour exercer ses droits et peut
accomplir valablement et en son propre nom tous les actes d’une
procédure pénale (art. 106 al. 1er CPP), même si cette dernière est
dirigée par une autorité compétente à raison d’actes commis par
des enfants ou des adolescents en conflit avec la loi. Cela étant, en
vertu de leur devoir général d’assistance, les père et mère ou le
tuteur conservent tout de même les différentes prérogatives que
leur accorde la PPMin, étant précisé que l’autorité tiendra compte
du fait qu’il s’agit désormais d’un jeune adulte pourvu de sa
capacité civile active.
Christophe Borel
rappel des deux principaux fondements, trop souvent éludés, du
statut procédural de cet intervenant dans l’optique de mieux
appréhender les différentes prérogatives79 qui en découlent.
27.
Mentionnons tout d’abord que le Conseil fédéral a tenté de
répondre à cette question dans son Rapport additionnel80. Après
une énumération des droits procéduraux que le représentant légal
peut exercer de manière indépendante et un renvoi laconique à
une décision du Ministère public de la Confédération 81, notre
Exécutif est arrivé à la conclusion que cet acteur doit être
considéré comme une véritable « partie » au procès pénal,
bénéficiant du droit d’agir en justice et du droit d’être entendu
(art. 107 CPP 82 et art. 12 CDE) dont découlent les différents droits
et obligations procéduraux que la loi lui reconnaît.
28.
Premièrement, il faut relever qu’en procédure pénale,
contrairement à ce qui prévaut en procédure civile, l’« égalité des
armes » (art. 3 al. 2 lit. c CPP 83) n’est pas garantie uniformément
dans toutes les phases du procès84. En effet, l’instruction (art. 30
PPMin et art. 308 ss CPP 85) se déroule sous la forme de la
procédure « inquisitoire » et le magistrat instructeur est parfois
amené à prendre des « mesures de contrainte » (art. 26 PPMin et
art. 196 ss CPP 86) à l’encontre du jeune prévenu dans le but de
faire éclater la vérité 87. Ces deux atténuations de la maxime
IV. Le rôle du représentant légal en procédure pénale
des mineurs
A. Le représentant légal, une nouvelle partie au procès pénal ?
26.
Nous l’avons vu, les parents et le tuteur jouent un rôle important
en procédure pénale et à plus forte raison lorsque celui qu’ils
représentent est un jeune enfant75. C’est pourquoi, avant de
procéder à un examen plus concret des différents droits et
obligations que leur reconnaît la PPMin, il nous faut tout d’abord
répondre à la question de savoir en quelle qualité le représentant
légal intervient en procédure pénale des mineurs. S’agit-il d’une
« partie » 76 à part entière du procès pénal, dès lors qu’il figure
parmi les acteurs listés à l’article 18 PPMin 77, ou son rôle se limitet-il à celui d’un « autre participant à la procédure » 78 ? Au-delà de
l’exercice purement théorique, cette réflexion nous invite au
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76
77
78
En Suisse, seuls les enfants en conflit avec la loi de 10 ans révolus peuvent être
pénalement poursuivis (art. 3 al. 1er DPMin). Lorsque des infractions sont
commises avant cet âge, la loi impose à l’autorité pénale d’aviser les
représentants légaux voire, si l’enfant a besoin d’une aide particulière, l’autorité
civile ou le service d’aide à la jeunesse compétents (art. 4 DPMin). Cf. n. 13.
Pour la notion de « partie » (art. 104 CPP), cf. ANDRÉ KUHN, Procédure pénale
unifiée : reformatio in pejus aut in melius ?, Charmey 2008, pp. 41 ss.
L’art. 18 PPMin est le pendant de l’art. 104 CPP. Cf. Message – CPP/PPMin
(FF 2006 1057, spéc. p. 1347).
Pour la notion d’« autres participants à la procédure » (art. 105 CPP), cf. KUHN
(n. 76), p. 44.
17
81
82
83
84
85
86
87
Cf. infra chap. IV. B. et IV. C.
Cf. Commentaire des modifications apportées au projet du Conseil fédéral de
procédure pénale applicable aux mineurs du 21 décembre 2005 (FF 2008 2759,
spéc. pp. 2776 s) (ci-après : Message II – PPMin).
Décision du 30 avril 2003 rendue par le Ministère public de la Confédération
(MPC) concernant le canton de Bâle-Ville (JAAC 2004 n° 13 consid. 6).
Cf. n. 56.
Ibid.
Cf. PIQUEREZ (n. 58) pp. 293 ss.
Applicable par renvoi exprès de l’art. 30 al. 2 PPMin et interprété à la lumière
des principes de l’art. 4 PPMin (art. 3 al. 3 PPMin).
Applicable par renvoi exprès de l’art. 26 al. 1er lit. a PPMin et interprété à la
lumière des principes de l’art. 4 PPMin (art. 3 al. 3 PPMin).
Sur la distinction entre procédure « inquisitoire » (durant la procédure
préliminaire) et « accusatoire » (durant la procédure de première instance), ainsi
18
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
Christophe Borel
loi, capable de discernement, et à ses représentants légaux le droit
de demander, sans motif particulier, la récusation du juge des
mineurs qui a mené l’instruction dans un délai de 10 jours dès la
notification de l’ordonnance pénale, respectivement de l’acte
d’accusation (art. 9 al. 1er PPMin), ces deux documents devant
informer les titulaires précités de leur prérogative (art. 9 al. 2
PPMin).
d’équité nécessitent, a fortiori lorsque jeune en conflit avec la loi est
inexpérimenté et dépendant des adultes qui l’entourent88, une
protection et une assistance accrues89 que seule une « partie » peut
lui apporter.
29.
30.
Deuxièmement, les parents ou, plus rarement, le tuteur d’un jeune
assument un « devoir général d’assistance » à son égard, notamment
lorsqu’il se trouve en conflit avec la loi 90. C’est d’ailleurs avec cette
obligation que la décision du MPC précitée a mis en balance le
caractère strictement personnel du dépôt d’un recours pour
finalement retenir que le devoir d’assistance doit l’emporter et
qu’il faut reconnaître au représentant légal une qualité pour
recourir indépendante de celle du jeune, que le premier peut
exercer sans le consentement du second, voire contre son gré91.
32.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que le représentant légal
doit être considéré comme une « partie » à part entière du procès
pénal, qualité qui jusqu’ici ne lui était reconnue qu’au cas par cas
et que la PPMin a le mérite d’affirmer et de préciser pour chacune
des prérogatives que nous allons examiner ci-après.
B. Les droits du représentant légal
1. Le droit de demander la récusation du juge des mineurs
(art. 9 al. 1er PPMin)
31.
Dans le souci de garantir une certaine indépendance du magistrat
chargé d’appliquer un droit pénal centré sur l’auteur
(Täterstrafrecht) 92, la PPMin reconnaît au jeune en conflit avec la
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88
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90
91
92
que pour une définition des « mesures de contrainte », cf. KUHN (n. 76), pp. 29
ss.
Cf. supra chap. III. A.
Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. p. 1104).
Cf. supra chap. III. B. 2. a.
Cf. Message II – PPMin (FF 2008 2759, spéc. pp. 2777) ;cf. aussi infra chap. IV.
B. 9.
Le cumul des fonctions d’instruction et de jugement entre les mains du même
magistrat, a été l’une des questions les plus discutées de la procédure législative,
eu égard à la volonté de respecter les principes antinomiques de l’indépendance
19
Bien que le texte légal fasse mention d’un « et » qui pourrait laisser
entendre que cette « soupape de sécurité » 93 doit être actionnée
cumulativement par l’une et l’autre des parties concernées, il faut
retenir que la demande de récusation est un acte de procédure qui
peut être requis indépendamment par les deux parties. Cela étant,
l’autorité compétente donne généralement plus d’importance à la
détermination du principal intéressé94, à moins que celui-ci ne soit
temporairement incapable de discernement95, auquel cas le
représentant légal peut agir seul mais au nom du jeune qu’il
accompagne. C’est d’ailleurs sur le même principe que jeune en
conflit avec la loi et représentants légaux peuvent invoquer la
plupart des autres motifs de récusation (judex inhabilis ou suspectus)
figurant aux articles 56 ss CPP 96. Cela dit, au vu de la relation de
confiance qui se noue généralement entre le principal intéressé et
« son » juge, il y a fort à parier que ces mécanismes resteront peu
utilisés en pratique.
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93
94
95
96
du juge et de la personnalisation de la sanction. Cf. not. Synthèse des résultats
de la procédure de consultation relative aux avant-projets de Code
de procédure pénale suisse et de Loi fédérale régissant la procédure pénale
applicable aux mineurs, OFJ, Berne 2003, pp. 102 s.
Cf. Rapport explicatif relatif à l’avant-projet de la Loi fédérale sur la procédure
pénale applicable aux mineurs, OFJ, Berne 2001, spéc. pp. 66 s. (ci-après :
Rapport – PPMin).
Cf. n. 74.
Cf. supra chap. III. B. 2. b. bb).
Cf. n. 57, à l’exception de l’art. 56 lit. b CPP qui, s’il devait s’appliquer par
analogie, irait à l’encontre des principes directeurs de la PPMin et du DPMin.
20
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
Christophe Borel
confidentialité et la protection de la sphère privée (art. 4 al. 2
PPMin et art. 28 CC) du jeune concerné et de sa famille103 et tend
à atténuer les effets néfastes d’un procès pénal public sur la (re-)
socialisation de l’intéressé104. L’article 14 alinéa 2 PPMin laisse
toutefois la possibilité au tribunal des mineurs ou à la juridiction
d’appel d’ordonner une audience publique, soit lorsque le jeune en
conflit avec la loi, capable de discernement, « ou » ses représentants
légaux l’exigent, soit lorsque l’intérêt public le commande, et à la
condition cumulative que la publicité des débats ne nuisent pas
aux intérêts du jeune en conflit avec la loi (lit. b) 105.
2. Le droit de recourir contre une amende d’ordre pour défaut
de participation à la procédure
(art. 12 al. 2 PPMin)
33.
Ce droit est le corollaire de l’obligation des représentants légaux de
participer à la procédure 97. Dans la pratique, il arrive parfois que
l’autorité se heurte à un manque de collaboration des parents,
ceux-ci éprouvant trop de honte pour affronter la justice ou, à
l’opposé, refusant de s’investir davantage pour leur désobéissante
progéniture 98. Pour tenter d’y remédier, la loi donne plusieurs
outils 99 au praticien et, parmi eux, le prononcé, en ultima ratio,
d’une amende d’ordre de 1'000 francs au plus à l’encontre du
représentant légal qui refuse de s’exécuter. Cette mesure
disciplinaire, qui rappelle l’article 64 CPP100, vise directement les
représentants légaux. Il est dès lors parfaitement justifié de leur
permettre de faire examiner, dans les 10 jours101, le bien fondé de
cette sanction par l’autorité de recours des mineurs qui statuera en
deuxième instance (art. 12 al. 2 i.f. PPMin). Notons enfin que le
jeune en conflit avec la loi n’est en rien concerné par cette amende
d’ordre et qu’il n’a donc évidemment pas qualité pour recourir
contre cette décision.
3. Le droit d’exiger la publicité de l’audience
(art. 14 al. 2 PPMin)
34.
A l’instar de l’article 39 alinéa 2 DPMin , l’article 14 PPMin
prévoit, contrairement à ce qui prévaut pour les adultes (art. 69 ss
CPP), le principe de la non-publicité des débats pour l’ensemble
de la procédure. Cette règle du huis clos permet d’assurer la
102
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97
98
99
100
101
102
Cf. infra chap. IV. C. 1.
Cf. Rapport – PPMin, spéc. p. 71.
Cf. infra chap. IV. C. 1.
Cf. n. 57.
A notre sens, même si la PPMin ne prévoit pas ce délai, il convient d’appliquer
le délai de 10 jours de l’art. 64 CPP par analogie ; cf. n. 57.
Cette règle procédurale contenue dans le DPMin sera abrogée au moment où la
PPMin entrera en vigueur.
21
35.
Comme le droit de demander la récusation du juge des mineurs106,
la possibilité d’exiger la publicité de l’audience doit être reconnue
tant au jeune prévenu qu’à ses représentants légaux, dès lors que
ces derniers peuvent, eux aussi, avoir un intérêt juridiquement
protégé à ce que le huis clos soit levé107 et que, de toute manière,
cette décision est prise in fine dans le respect de l’intérêt de
l’enfant. C’est donc à juste titre que la conjonction « ou » est
utilisée.
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103
104
105
106
107
Cf. art. 8.1 et 8.2 RB, art. 40 al. 2 lit. b ch. vii CDE et art. 3.2-20 MLJM.
Pour une description de ces effets négatifs, cf. Rapport – PPMin, spéc. p. 72 ;
cf. aussi JEANNERET (n. 13), pp. 32 s. ; ainsi que ATF 108 Ia 90, JT 1983 IV
57.
Il en irait par exemple ainsi d’une affaire très grave qui a défrayé la chronique et
au cours de laquelle l’identité du jeune en conflit avec la loi, celle de sa famille,
ainsi que ses conditions personnelles d’existence ont été rendues publics et où il
ne reste plus rien à préserver, hormis les effets néfastes de la rumeur publique.
Cf. Rapport – PPMin, spéc. p. 74.
Cf. supra chap. IV. B. 1.
Il s’agit notamment des représentants légaux qui éprouvent une certaine crainte
face au fonctionnement de la justice et demandent, pour des raisons de
transparence, la levée du huis clos, ou encore, selon le rédacteur de l’avantprojet, de ceux qui souhaitent faire passer un message au public par le biais des
médias. Cf. Rapport – PPMin, spéc. p. 74.
22
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
Christophe Borel
l’article 23 PPMin n’a pas suscité autant de réactions dès lors qu’il
n’a fait que reprendre le régime de l’article 40 DPMin111. Cette
nouvelle disposition offre au jeune en conflit avec la loi, capable
de discernement, et à ses représentants légaux la possibilité de se
désigner un défenseur à n’importe quel stade de la procédure, en
application des principes internationaux112.
4. Le droit de consulter le dossier
(art. 15 al. 1er PPMin)
36.
Le droit d’être entendus des représentants légaux du jeune en
conflit avec la loi leur permet notamment d’avoir accès au dossier
pénal de ce dernier (art. 107 al. 1er lit. a CPP). Néanmoins, à la
différence de la procédure pénale ordinaire, le dossier des jeunes
en conflit avec la loi contient très souvent, notamment lorsqu’une
mesure de protection est envisagée, des renseignements précieux
émanant de nombreux intervenants (psychologues, assistants
sociaux, médecins, enseignants, employeurs, etc.) au sujet de la
personnalité, du comportement et de la sphère familiale de l’auteur
présumé 108. Confrontés à la franchise de ces observations, les
représentants légaux, déjà affectés par l’ouverture d’une enquête
pénale à l’endroit de l’enfant qu’ils doivent assister, peuvent se
sentir blessés et développer un ressenti contre-productif à l’égard
de l’autorité, sentiment qui les rendra d’autant plus réticents à
participer à la procédure 109. C’est pourquoi, malgré l’intérêt
légitime des parents ou du tuteur à se faire une idée objective de la
situation, l’article 15 alinéa 1er littera b PPMin déroge à l’article
101 CPP et prévoit notamment que leur droit de consulter des
informations sur la situation personnelle du jeune en conflit avec la
loi peut être restreint dans l’intérêt de celui-ci.
5. Le droit de se désigner un avocat
(art. 23 PPMin)
37.
Si le droit à l’« avocat de la première heure » consacré par les
articles 129 et 159 CPP a fait couler beaucoup d’encre110,
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108
109
110
38.
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114
115
Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. p. 1345) ; cf. aussi art. 31
PPMin qui prévoit l’obligation de collaborer de ces partenaires nombreux et
importants.
Cf. infra chap. IV. C. 1.
Cf. MAZOU MYRIAM, Avocat de la première heure avant l’heure ?, JT 2009 III
131 ; cf. aussi MICHAUD CHAMPENDAL LORAINE, L’« avocat de la première
heure » dans la procédure pénale Suisse in Jusletter du 8 mars 2010 ; HARARI
MAURICE, Quelques réflexions autour du droit du prévenu à la présence de son
23
A nouveau, il ne s’agit pas d’un droit que ces deux parties doivent
exercer conjointement en se mettant d’accord sur la désignation
d’un seul et même auxiliaire de justice. Bien au contraire, lorsque
le jeune prévenu est capable de discernement, il peut mandater
personnellement le défenseur de son choix113 et ses représentants
légaux sont libres d’en faire de même, eu égard à leur devoir
général d’assistance 114. Cela étant, hormis dans les cas de conflit
d’intérêts 115, rien n’empêche représentants légaux et jeune en
conflit avec la loi de recourir aux services du même mandataire. A
notre avis, cette dernière solution devrait même être privilégiée
dans la plupart des situations, compte tenu du fait que la
multiplication des intervenants judiciaires tend à ralentir la
procédure, à augmenter la stigmatisation du jeune concerné et à
interrompre le lien de confiance direct qui s’établit généralement
entre ce dernier et le magistrat 116.
116
conseil, in Pfister-Liechti (éd.), La procédure pénale fédérale, Berne 2010,
spéc. pp. 80 ss ; KUHN (n. 76), pp. 50 ss.
Cf. n. 102.
Cf. art. 6 § 3 lit. c CEDH, ainsi que les art. 7.1 RB, 40 al. 2 lit. b ch. ii et iii
CDE et 3.2-12 MLJM.
Cf. n. 71.
Cf. supra chap. III. B. 2. a. ; cf. aussi Rapport – PPMin, spéc. p. 83.
Cf. infra chap. V. A.
Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. p. 1349). Sur les avantages et
les inconvénients de la présence de l’avocat, cf. pro : JEAN ZERMATTEN,
L’enfant devant le Juge de la Jeunesse. Une question de participation, in
Ferring/Hanson/Majerus/Schmit/Zermatten (éd.), Les droits de l’enfant :
Citoyenneté et participation, Actes de conférences de l’été 2007, Luxembourg
2008, pp. 33-47, spéc. p. 44 ; contra : WEGELIN/AUBERT, Le nouveau droit
pénal des mineurs sous l’angle de la pratique, in Bohnet (éd.) (n. 13), pp. 77-93,
spéc. pp. 83 s.
24
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
39.
En plus de cette faculté de se faire assister d’un avocat de choix et
à l’instar de ce qui prévaut pour les adultes (art. 130 ss CPP)117, la
PPMin prévoit en outre une défense obligatoire et une défense
d’office du jeune prévenu (art. 24 s. PPMin). D’une part, celui-ci
doit obligatoirement se doter d’un défenseur lorsqu’il encourt une
privation de liberté de plus d’un mois ou un placement, lorsque sa
détention provisoire ou pour des motifs de sûreté118 a duré plus de
vingt-quatre heures, lorsqu’il est placé dans un établissement à titre
provisionnel, lorsque le Ministère public des mineurs ou le
procureur des mineurs intervient personnellement aux débats, ou
encore lorsque ni le jeune en conflit avec la loi ni ses représentants
légaux ne sont en mesure de défendre ses intérêts en procédure.
D’autre part, l’autorité compétente lui désigne un défenseur
d’office, en premier lieu, lorsque ni le principal intéressé ni ses
représentants légaux ne disposent des moyens financiers de se
pourvoir d’un homme de loi et, en second lieu, lorsque ces parties
ne se dotent pas d’un défenseur privé alors que la défense
obligatoire s’impose. Dans cette dernière hypothèse, il sied de
rappeler que les représentants légaux n’exerceront cette
prérogative que dans le cas où le jeune en conflit avec la loi est
incapable de discernement 119.
6. Le droit de demander la mise en liberté à l’autorité qui a
ordonné la détention du prévenu mineur
(art. 27 al. 4 PPMin)
40.
Plusieurs autorités peuvent ordonner, à titre exceptionnel et si
aucune des mesures de substitution figurant à l’article 237 alinéa 2
CPP 120 n’est envisageable, la mise en détention d’un jeune en
conflit avec la loi avant son jugement (art. 26 s. PPMin). Leur
Christophe Borel
compétence diffère selon le stade de la procédure121 et la durée 122
de cette « mesure de contrainte ».
41.
Lorsqu’un jeune prévenu capable de discernement est en détention
avant jugement, l’article 27 alinéa 4 PPMin lui donne le droit,
ainsi qu’à ses représentants légaux, de demander en tout temps sa
mise en liberté, conformément à la procédure de l’article 228
CPP 123, soit par une demande écrite ou dictée au procès-verbal,
brièvement motivée et adressée à la même autorité qui a ordonné
la détention.
42.
Comme pour la demande de récusation du juge des mineurs124, cet
acte de procédure appartient au jeune en conflit avec la loi et à
celui qui le représente 125, à moins que l’intéressé ne soit
temporairement incapable de discernement126, auquel cas le
représentant légal peut agir au nom du jeune prévenu.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!
121
122
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!
117
118
119
120
Cf. KUHN (n. 76), pp. 51 s.
Sur la distinction entre détention provisoire et détention pour des motifs de
sûretés, cf. n. 121.
Cf. supra chap. III. B. 2. a. ab) et n. 71.
Cf. n. 57.
25
123
124
125
126
Jusqu’à la réception de l’acte d’accusation par le tribunal des mineurs
(litispendance), l’autorité d’instruction ou le tribunal des mesures de contrainte
(ci-après : TMC) sont compétents pour prononcer la détention provisoire
(cf. n. 117). Dès que le tribunal des mineurs est saisi, c’est à lui de prononcer la
détention pour des motifs de sûreté (art. 27 al. 3 PPMin). Il en va de même
pour la juridiction d’appel des mineurs. Notons enfin que cette compétence
appartient à l’autorité qui dirige la procédure. Sur la notion de « direction de la
procédure » (art. 61 ss CPP) applicable par analogie (cf. n. 56), cf. KUHN
(n. 76), pp. 28 s.
L’autorité d’instruction est compétente pour prononcer la détention provisoire
qui ne dépasse pas 7 jours (art. 26 al. 1er lit. b PPMin). En revanche, si la mesure
doit se prolonger au-delà de 7 jours, il appartient au TMC de se prononcer, sur
demande de l’autorité d’instruction et dans les quarante-huit heures (art. 27 al. 2
PPMin).
Applicable par renvoi exprès de l’art. 27 al. 4 i.f. PPMin et interprété à la
lumière des principes de l’art. 4 PPMin (art. 3 al. 3 PPMin).
Cf. supra chap. IV. B. 1.
Cf. n. 74.
Cf. supra chap. III. B. 2. b. bb).
26
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
Christophe Borel
renvoyons à ce qui a été dit au sujet des droits de demander la
récusation et la mise en liberté133.
7. Le droit de faire opposition à une ordonnance pénale
(art. 32 al. 5 PPMin)
43.
En plus de sa mission d’établir l’état de fait et de mettre l’affaire en
état d’être jugée, l’autorité d’instruction est également compétente,
dans bon nombre de situations127, pour rendre une « ordonnance
pénale » 128. Cette procédure « accélérée », analogue à la procédure
spéciale du même nom qui existe chez les adultes (art. 352 ss
CPP), ne s’applique que si le jeune concerné a admis les faits qui
lui sont reprochés ou si ceux-ci sont suffisamment établis (art. 352
al. 1er CPP 129). Mais, pour qu’un tel système respecte les principes
du procès équitable 130, encore faut-il que le jeune en conflit avec
la loi, capable de discernement, et ses représentants légaux
disposent d’une faculté simple et effective de refuser ce mode de
jugement et d’être entendus devant un tribunal indépendant et
impartial 131. C’est pourquoi l’article 32 alinéa 5 PPMin leur
permet de faire opposition par écrit, sans motif particulier et dans
un délai de 10 jours, ce qui aura pour conséquence de faire
retourner l’affaire devant l’autorité d’instruction (art. 355 CPP132).
Enfin, s’agissant de la titularité de cet acte de procédure, nous
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!
127
128
129
130
131
132
8. Le droit à la notification des actes de procédure
(art. 33 al. 3 lit. a et 37 al. 2 et 3 lit. a PPMin)
44.
9. Le droit de recourir
(art. 38 al. 1er lit. b PPMin)
45.
Selon les art. 32 et 34 PPMin interprétés a contrario, l’autorité d’instruction
statue par ordonnance pénale sur les infractions qui sont susceptibles d’être
sanctionnées par une mesure de protection (à l’exception du placement), une
peine d’amende de 1'000 francs au plus ou une privation de liberté de trois mois
au plus, ainsi que sur les prétentions civiles qui ne nécessitent pas d’instruction
particulière. Selon l’OFS, sur 14'782 sanctions prononcées en 2008 (parfois dans
un même jugement), on compte seulement 200 placements, 2'759 amendes
(jusqu’à 2'000 francs) et 101 privations de liberté de plus de trois mois (avec ou
sans sursis), ce qui représente environ 20,7% de toutes les sanctions prononcées.
Compte tenu de cette information, il est donc fort probable que la procédure
de l’ordonnance pénale s’applique dans bien plus de 80% des cas.
Pour une définition de l’« ordonnance pénale », cf. PIQUEREZ (n. 58), p. 725.
Cf. n. 57.
Cf. n. 112 ; cf. aussi CRC/C/GC/10, p. 14.
Cf. YVAN JEANNERET, Les procédures spéciales dans le Code de procédure
pénale suisse, in Pfister-Liechti (éd.) (n. 110), pp. 137-195, spéc. p. 139.
Applicable par renvoi exprès de l’art. 32 al. 6 PPMin et interprété à la lumière
des principes de l’art. 4 PPMin (art. 3 al. 3 PPMin).
27
En raison du devoir général d’assistance et de la qualité de partie
des représentants légaux134, la PPMin leur accorde expressément le
droit de recevoir des actes de procédure de l’autorité compétente.
A ce titre, cette dernière doit leur faire parvenir un exemplaire de
l’ordonnance pénale (art. 32 al. 4 lit. a PPMin), de l’acte
d’accusation (art. 33 al. 3 lit. a PPMin) ou du jugement (art. 37
al. 2 et 3 lit. a PPMin) rendu(-e) à l’encontre du jeune en conflit
avec la loi, qu’il soit ou non capable de discernement. Les
représentants légaux sont également tenus informés de toutes les
opérations de procédure et sont invités à y participer activement135,
sauf dans les cas où leur participation est réduite ou totalement
exclue 136.
La PPMin reconnaît enfin la qualité pour recourir des
représentants légaux (art. 38 al. 1er lit. b PPMin). Déjà consacrée
par l’article 41 alinéa 2 DPMin 137, cette légitimation active leur
permet de faire recours (art. 39 PPMin), d’interjeter appel (art. 40
PPMin) ou de demander la révision (art. 41 PPMin) d’un
jugement pénal, en toute autonomie, sans tenir compte de
l’éventuel avis contraire du jeune concerné et en vertu de leur
devoir d’assistance, dès lors qu’ils seront directement ou
indirectement touchés par cette ultime décision. Lorsque le jeune
en conflit avec la loi est sous tutelle, l’autorité civile est habilitée à
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!
133
134
135
136
137
Cf. supra chap. IV. B. 1. et IV. B. 6.
Cf. supra chap. III. B. 2. a. et IV. A.
Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 26 et 59.
Cf. infra chap. V. A.
Cf. n. 102.
28
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
recourir indépendamment d’un éventuel recours de celui qu’elle
protège 138. Au vu du taux élevé d’acceptation des décisions
rendues actuellement par les instances de la justice juvénile
suisse 139, il est très probable qu’à l’instar du droit de demander la
récusation du juge des mineurs, cette prérogative soit peu utilisée
en pratique, tant par le principal intéressé que par ses représentants
légaux.
Christophe Borel
47.
C. Les obligations du représentant légal
1. L’obligation de participer à la procédure
(art. 12 al. 1er et 35 PPMin)
46.
Le principe de la participation la plus large possible des
représentants légaux à la procédure pénale intéressant un jeune en
conflit avec la loi, aujourd’hui consacré à l’article 4 alinéa 4 PPMin
et concrétisée aux articles 12 et 35 PPMin140, est reconnu en
procédure pénale suisse depuis plusieurs décennies141. L’article 12
alinéa 1er PPMin impose aux « représentants légaux » et à l’autorité
civile de participer à la procédure si l’autorité compétente
l’ordonne. Quant à l’article 35 PPMin, il traite spécifiquement de
leur obligation de comparaître personnellement aux débats, à
moins qu’ils n’en soient dispensés sur requête 142 ou exclus
d’office 143.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!
144
145
146
147
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!
138
139
140
141
142
143
148
Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. p. 1354).
Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 65 et 91.
Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. pp. 1340, 1344 et 1353).
Sur l’importance des représentants légaux en procédure pénale des mineurs,
cf. VALY DEGOUMOIS, Les principes de la procédure pénale applicable aux
mineurs en Suisse, Neuchâtel 1957, pp. 59 ss.
Nous pensons notamment aux père et mère malades ou à l’étranger, dont la
comparution s’avérerait trop compliquée, et, plus restrictivement encore, à ceux
qui ont déjà été entendus de nombreuses fois par l’autorité.
Lorsque leur comparution contreviendrait à des intérêts publics ou privés
prépondérants, en particulier à l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3 CDE).
Cf. not. infra chap. V. A.
29
Interprétée 144 à la lumière des standards internationaux145, des
travaux préparatoires de la PPMin 146 et de ses buts de protection et
d’éducation 147, la notion de « représentant légal » est ici plus large
que la définition juridique stricte adoptée précédemment148. En
effet, ces deux articles ne concernent pas seulement les détenteurs
d’un devoir légal d’assistance149 envers le principal intéressé, mais
s’étendent à toute personne significative pour ce dernier et avec
laquelle il entretient une relation de confiance. Cette souplesse
définitionnelle s’explique par les modifications de la structure et de
la dynamique de la famille contemporaine150, par l’obligation
d’informer les parents au sens large du déroulement de la
procédure et par le rôle déterminant qu’ils peuvent avoir dans la
réussite ou dans l’échec d’une sanction négociée151. Nous pouvons
par exemple penser à un autre membre de sa famille élargie 152, à
un assistant social153, à un professeur, à un maître d’apprentissage, à
un ami, à un entraîneur sportif, voire à un représentant d’une
149
150
151
152
153
Sur l’interprétation de la loi pénale et ses méthodes, cf. JOSÉ HURTADO POZO,
Droit pénal, Partie générale I, Zurich 1997, pp. 96 ss ; cf. aussi ATF 127 IV
193 consid. 5 b.
Cf. art. 15.2 RB, art. 40 al. 2 lit. b ch. iii CDE et art. 3.2-11 et 3.2-19 MLJM ;
cf. aussi CRC/C/GC/10, pp. 17 s.
Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 25 s. et 70 ss.
Sur les principes directeurs consacrés à l’art. 2 al. 1er DPMin et rappelés à l’art. 4
al. 1er PPMin, cf. BÜTIKOFER REPOND/QUELOZ, Les principales
caractéristiques de la nouvelle loi fédérale régissant la condition pénale des
mineurs, RPS 2004 386, spéc. p. 388.
Cf. supra chap. II. B.
Cf. supra chap. III. B. 2. a.
Cf. AEBI/LUCIA/EGLI, Famille et délinquance : La situation en Suisse selon les
sondages de délinquance juvénile autoreportée (ISRD) de 1992 et de 2006, in
Actes de la Conférence d’Interlaken 2009 (à paraître en 2010).
Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 25 s. ; cf. aussi ZERMATTEN (n. 116),
spéc. pp. 42 s.
Nous pensons notamment aux beaux-parents de familles recomposées, aux
grands-parents, aux oncles et tantes, aux parrains et marraines, ainsi qu’aux
parents nourriciers.
Tel serait par exemple le cas d’enfants ou d’adolescents en conflit avec la loi qui
sont déjà au bénéfice d’une mesure éducative civile (art. 307 ss CC) ou d’une
mesure de protection pénale (art. 12 ou 13 DPMin).
30
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
Christophe Borel
communauté spirituelle ou religieuse. En d’autres termes, le
législateur, qui s’est ici limité à ne prévoir qu’un « strict
minimum », doit laisser au juge une marge d’appréciation
suffisante dans le choix des personnes appelées à participer à la
procédure pour que ce dernier puisse faire plein et bon usage de ce
droit « sur mesures » que doit rester le DPMin 154.
48.
facturés sous la forme de débours. Ensuite, la loi dispose que tant
les frais de justice que les débours159 sont supportés en premier lieu
par le canton dans lequel le jugement est rendu (art. 44 al. 1er
PPMin), solution qui diffère de celle retenue pour les adultes
(art. 426 CPP) 160. En effet, la PPMin dispose que ce n’est qu’en
second lieu, et moyennant le respect de l’une des conditions
alternatives 161 de l’article 426 CPP 162, que tout ou partie des frais
de procédure pourront être mis à la charge du jeune condamné
ou, par le mécanisme de la solidarité passive (art. 143 CO), de ses
parents, s’ils en ont les moyens163 (art. 44 al. 3 PPMin). Cette
contribution financière des parents se fonde sur leur devoir général
d’assistance 164 et, plus précisément, sur leur obligation d’entretien
(art. 276 ss CC), lorsque les ressources de leur enfant sont
Notons enfin que l’article 12 alinéa 2 PPMin, dont nous avons
déjà parlé 155, donne à l’autorité compétente les moyens d’inciter les
représentants légaux largo sensu à collaborer par un avertissement,
une dénonciation à l’autorité civile (art. 307 ss CC) ou,
subsidiairement, par une amende d’ordre de 1'000 francs au plus.
2. L’obligation de payer les frais de procédure (art. 44 al. 3
PPMin) et les frais d’exécution (art. 45 al. 5 PPMin)
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
49.
50.
Par principe, il appartient à l’Etat d’assumer l’intégralité des frais
occasionnés par l’action pénale qu’il décide d’ouvrir à l’endroit
d’un jeune présumé innocent156. Cela dit, il convient de bien
distinguer les règles applicables aux frais de procédure (art. 44
PPMin) de celles qui ont trait aux frais d’exécution (art. 45
PPMin 157).
Tout d’abord, s’agissant des « frais de procédure » (Verfahrenskosten ; spese procedurali), ceux-ci comprennent non seulement les
frais généraux de justice (frais d’enquête, de police, d’audience, de
rédaction, etc.), prélevés par le biais d’émoluments (en principe
forfaitaires), mais aussi les frais propres à l’affaire pénale concernée
(frais d’expertise, de traduction, d’assistance158, de téléphone, etc.),
!
159
160
161
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!
154
155
156
157
158
162
Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 69 ss.
Cf. supra chap. IV. B. 2.
Cf. KUHN (n. 76), p. 79.
Cette disposition reprend pour l’essentiel l’art. 43 DPMin. Cf. n. 102.
Précisons que les frais de l’assistance judiciaire « gratuite » de la partie plaignante
ne peuvent être portés à la charge du jeune condamné ou de ses parents que s’il
bénéficie d’une bonne situation financière (art. 426 al. 4 CPP, applicable par
renvoi exprès de l’art. 44 al. 2 PPMin et interprété à la lumière des principes de
l’art. 4 PPMin – art. 3 al. 3 PPMin), ce qui ne sera pratiquement jamais le cas.
31
163
164
A l’exception des frais afférents à la défense d’office qui seront supportés, en
premier lieu, par les parents (art. 426 al. 1er i.f. CPP, cf. n. 161) et/ou par le
jeune condamné. Précisons que si ce dernier a lui-même bénéficié de
l’assistance judiciaire « gratuite » et que sa situation financière le permet, il sera
tenu, de même que ses parents, déclarés solidairement responsables, de
rembourser les frais d’honoraires à l’Etat et au défenseur commis d’office dans la
proportion qui leur revient (art. 135 al. 4 CPP, applicable par renvoi exprès de
l’art. 25 al. 2 PPMin et interprété à la lumière des principes de l’art. 4 PPMin –
art. 3 al. 3 PPMin).
Cela s’explique par le fait que les jeunes en conflit avec la loi, pour la plupart,
ne disposent pas de revenus ou de fortune propres leur permettant d’assumer la
totalité de ces frais. Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 94 s.
A savoir si le jeune est condamné ou si, bien qu’il soit acquitté ou que la
procédure ouverte à son endroit soit classée, il en a provoqué l’ouverture de
manière illicite et fautive ou rendu sa poursuite plus difficile (art. 426 al. 1er et 2
CPP).
Applicable par renvoi exprès de l’art. 44 al. 2 PPMin et interprété à la lumière
des principes de l’art. 4 PPMin (art. 3 al. 3 PPMin).
Les capacités contributives du jeune condamné et de ses parents sont
déterminées par l’autorité compétente, sur la base des pièces produites par les
intéressés (certificat de salaire, attestation de rentes, décision de taxation fiscale,
etc.) ou des informations recueillies par le service d’aide à la jeunesse
compétent, ainsi que le prévoit notamment l’art. 25 alinéa 2 de la Loi vaudoise
d’introduction de la PPMin, adoptée le 2 février 2010 par le Grand Conseil
vaudois (LVPPMin), pour les frais de placement prononcé à titre provisionnel.
Cf. supra chap. III. B. 2. a.
32
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
51.
insuffisantes pour payer l’intégralité des frais, ce qui est presque
toujours le cas en pratique 165.
V. Le conflit d’intérêts entre le jeune prévenu et son
représentant légal
Quant aux « frais d’exécution » (Vollzugskosten ; spese di esecuzione),
ceux-ci se composent, d’une part, des frais d’exécution des
mesures de protection et des peines et, d’autre part, des frais
occasionnés par l’observation ou le placement à titre provisionnel
ordonnés pendant la procédure et généralement très élevés (art. 45
al. 1er PPMin). Dans l’hypothèse où les cantons n’ont pas adopté
de réglementation contractuelle (concordat) sur la répartition des
frais d’exécution (art. 45 al. 4 PPMin) et afin de garantir une
certaine égalité de traitement, la PPMin pose une règle minimale
de répartition. Ainsi, il est à tout le moins prévu que le canton de
domicile 166 du jeune en conflit avec la loi supporte les frais de
l’exécution des mesures de protection prononcées à titre
provisionnel ou définitif (art. 45 al. 2 PPMin) et que le canton
dans lequel le jugement a été rendu supporte les frais de
l’exécution des peines (art. 45 al. 3 lit. b PPMin) 167. Sur le même
fondement que l’article 44 alinéa 3 PPMin, l’article 45 alinéa 4
PPMin prévoit aussi une participation des parents168 aux frais
occasionnés par les mesures de protection et par l’observation.
Enfin, l’article 45 alinéa 6 PPMin permet à l’autorité compétente
d’astreindre, dans une juste proportion169, le jeune en conflit avec
la loi qui dispose d’un salaire régulier170 ou d’une certaine fortune
à participer aux frais d’exécution de peines et/ou des mesures
prononcées à son endroit171.
A. Les cas de conflit d’intérêts
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!
165
166
167
168
169
170
171
Christophe Borel
52.
Si la participation des représentants légaux, à tout le moins au sens
strict du terme172, est la règle en procédure pénale suisse des
mineurs 173, celle-ci connaît toutefois une exception lorsqu’elle
s’avère contraire à l’intérêt supérieur du jeune en conflit avec la
loi, en raison notamment de son âge et de sa situation174. Ainsi, à
chaque fois que les intérêts du jeune intéressé sont en opposition
avec ceux du représentant légal concerné 175, l’autorité compétente
doit examiner l’opportunité de n’informer que sommairement ce
dernier du déroulement de la procédure, de réduire ou exclure
momentanément ou définitivement sa participation et, le cas
échéant, de solliciter l’institution par l’autorité civile d’une
curatelle de représentation, à forme de l’article 392 chiffre 2 CC 176.
De la plus légère à la plus lourde, ces mesures de précaution
tendent à éviter que les parents ou le tuteur n’exercent leurs
prérogatives 177 d’une manière préjudiciable aux intérêts de celui
qu’ils doivent assister. Cela étant, nous reconnaissons qu’il est
souvent délicat d’exclure définitivement les représentants légaux de
la procédure et que, parfois, leur comparution est une bonne
manière de leur faire prendre conscience de leur part de
responsabilité dans les actes délicteux du jeune prévenu178. Il
appartient dès lors à l’autorité compétente d’ordonner de telles
restrictions avec parcimonie, de laisser autant que faire se peut les
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Cf. n. 160.
Notons que lorsque le jeune en conflit avec la loi n’a pas de domicile en Suisse,
l’ensemble des frais d’exécution sont laissés à la charge du canton dans lequel le
jugement a été rendu (art. 45 al. 3 lit. a PPMin).
En pratique, cela revient souvent au même car la grande majorité des jeunes
sont domiciliés dans le même canton que l’autorité de jugement compétente.
Cf. n. 163.
Ibid.
Notons que l’art. 30 LTr (RS 822.11) interdit généralement aux enfants et aux
adolescent de moins de 15 ans révolus de travailler durablement pour le compte
d’un employeur et, de facto, de recevoir un salaire régulier.
Nous pensons notamment aux adolescents et aux jeunes adultes condamnés qui
33
!
172
173
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175
176
177
178
sont rémunérés pour un travail fourni pendant l’exécution de leur sanction ou
aux enfants qui reçoivent un héritage.
Cf. supra chap. II. B.
Cf. supra chap. IV. C. 1.
Cf. not. art. 35 al. 2 PPMin, art. 15.2 RB et art. 40 al. 2 lit. b ch. iii CDE ;
cf. aussi CRC/C/GC/10, p. 17.
Cf. infra chap. V. A.
Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 26 et 71 s. ; cf. aussi Message II – PPMin
(FF 2008 2759, spéc. p. 2777).
Cf. supra chap. IV. B. et IV. C.
Cf. Rapport – PPMin, spéc. p. 72.
34
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
parents intervenir en procédure, de restreindre leur information
et/ou leur participation si nécessaire et de ne les en exclure
définitivement qu’en ultima ratio 179.
53.
Christophe Borel
B. La curatelle de représentation
54.
Lorsque le conflit d’intérêts est tel qu’il justifie une extinction
temporaire ou définitive du pouvoir de représentation des parents
(art. 306 al. 2 CC) ou du tuteur (art. 392 ch. 2 CC), le Conseil
fédéral 183 renvoie au droit civil de protection de l’enfant. Il donne
ainsi à l’autorité compétente la faculté de requérir de l’autorité
civile qu’elle institue une curatelle de représentation, à forme de
l’article 392 chiffre 2 CC 184, et qu’elle désigne au jeune en conflit
avec la loi un curateur dont la mission sera de le représenter dans
le cadre de la procédure pénale ouverte à son encontre et de
veiller à la protection de ses intérêts185. Ce représentant ad hoc aura
les mêmes droits et obligations que le représentant légal durant
tout ou partie du procès pénal et tant qu’il y aura conflit
d’intérêts 186.
55.
Le 1 janvier 2011, la PPMin entrera en vigueur et mettra ainsi un
terme au long processus d’uniformisation des garanties
procédurales initié, en 1971 déjà, par la Société suisse de droit
pénal des mineurs (SSDPM) et partiellement concrétisé, en 2007,
par l’introduction de quelques règles fédérales de procédure dans le
DPMin. Bien que le législateur ait finalement opté pour une
Plusieurs cas de conflit d’intérêts peuvent survenir dans le contexte
d’une procédure pénale 180. Nous pouvons notamment penser aux
enfants qui ont été utilisés par leurs représentants légaux pour
commettre des infractions, ces derniers ayant agi dans l’ombre en
qualité de complices, d’instigateurs, de co-auteurs, voire d’auteurs
médiats 181. Tel est également le cas des enfants victimes de
maltraitance ou d’abus de la part de leurs parents ou de leur tuteur,
leur infraction n’étant souvent rien d’autre qu’un signal de
détresse, et des jeunes livrés à eux-mêmes dans un climat de conflit
familial aigu où les représentants légaux persistent, nonobstant les
éventuelles mesures provisionnelles prononcées en faveur de leur
enfant 182, à agir à l’encontre de ses intérêts.
VI. Conclusion
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!
179
180
181
182
Notons que, bien souvent, l’autorité compétente peut s’éviter de faire usage des
mesures de précaution précitées en prononçant, au stade de l’instruction déjà et
à titre provisionnel, une mesure de protection (not. surveillance ou assistance
personnelle) en application de l’art. 5 DPMin. Dans la plupart des cas, ces
mesures provisoires permettront non seulement de protéger le jeune en conflit
avec la loi en danger dans son milieu familial ou social, mais aussi de conseiller
les parents et de leur donner des instructions afin qu’ils évitent d’agir à
l’encontre des intérêts de leur enfant.
Pour les exemples développés ci-après, cf. ZERMATTEN (n. 116), spéc. p. 42 ;
cf. aussi Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. p. 1340) ; Rapport –
PPMin, spéc. pp. 26 et 71 s.
Tel est par exemple le cas lorsque mère et fille se rendent dans une boutique de
vêtements pour enfants et que la première demande à la seconde de se vêtir
d’habits neufs et de partir sans payer. Il en va de même des infractions commises
par certains réseaux de criminalité organisée. A noter que, dans ces différentes
hypothèses, les représentants légaux se rendent généralement coupables de
violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 CP). Pour un examen
détaillé de cette disposition, cf. LAURENT MOREILLON, Quelques réflexions sur
la violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 nouveau CP), RPS
1998 431, spéc. p. 438.
Cf. n. 179.
35
er
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!
183
184
185
186
Cf. Message II – PPMin (FF 2008 2759, spéc. p. 2777).
L’art. 392 ch. 2 CC s’applique tant aux cas de conflit d’intérêts tuteur-enfant
que parent-enfant (renvoi de l’art. 306 al. 2 CC). A noter que l’art. 306 al. 2
nCC prévoit lui-même que « si les père et mère sont empêchés d’agir ou si,
dans une affaire, leurs intérêts entrent en conflit avec ceux de l’enfant, l’autorité
de protection de l’enfant nomme un curateur ou prend elle-même les mesures
nécessaires ».
Bien que très proches, le rôle du curateur ad hoc ne doit pas être confondu avec
celui de l’avocat du jeune prévenu. En effet, n’oublions pas que le curateur
remplace le représentant legal « ordinaire » (parents ou tuteur) et acquière ainsi
la qualité de « partie » au procès pénal, qualité que l’art. 18 PPMin ne reconnaît
pas aux auxiliaires de justice et aux partenaires précieux de la justice juvénile
que sont les avocats. Cf. supra chap. IV. A.
Cf. supra chap. IV. B. et IV. C.
36
Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
Christophe Borel
liberté de choix des cantons entre le modèle du « juge des
mineurs » et celui du « Jugendanwalt », cette nouvelle loi mettra fin
à un régime procédural bigarré, composé de vingt-six
réglementations cantonales différentes, et renforcera la protection
des droits des jeunes en conflit avec la loi et de leurs représentants
légaux.
56.
Les deux principales préoccupations des intervenants chargés
d’unifier la procédure pénale suisse applicable aux mineurs ont été
sans nul doute le respect des standards internationaux et la
cohérence de l’ordre juridique suisse. Même s’il souffre d’un léger
retard dans l’adaptation de sa terminologie, le fruit de leur travail,
qualifié par certains de « loi bien équilibrée » entre les principes de
l’Etat de droit et ceux de la justice juvénile187, est la parfaite
illustration des nombreux avantages d’une solution mûrement
réfléchie, testée, discutée, expliquée et, le cas échéant, modifiée,
qui rencontre finalement l’adhésion de tous. Il n’est donc guère
surprenant de constater que le consensus et la personnalisation de
la sanction soit la considération primordiale de l’autorité qui doit
appliquer un droit qui se veut protecteur et éducatif à l’aide de sa
« servante ».
57.
Quant au représentant légal, nous avons vu qu’il est l’un des
personnages clés de la procédure pénale ouverte à l’encontre d’un
jeune en conflit avec la loi. En vertu du devoir général d’assistance
et du pouvoir de représentation que le droit civil leur reconnaît,
les parents, le tuteur ou, en cas de conflit d’intérêts, le curateur
sont des parties à part entière du procès pénal qui disposent de
nombreux droits et assument plusieurs obligations. Bien que
l’étendue de ces prérogatives varie selon l’âge et le degré de
maturité du principal intéressé, elles visent non seulement sa
protection, mais aussi la contribution au succès de sa prise en
charge par l’autorité et, par là même, son éducation.
58.
Au regard de cette analyse, il ne fait guère de doute qu’outre le fait
qu’elles dérogent aux principes fondamentaux du droit pénal, les
propositions de loi prévoyant de sanctionner pénalement ou
administrativement des parents en cas d’infraction commise par
leur enfant risquent de diminuer considérablement l’envie de
collaborer des représentants légaux et, partant, de porter atteinte au
système de justice juvénile tel qu’il a été conçu par le législateur
suisse pour une minorité de jeunes en conflit avec la loi. Il faut
donc raison garder et savoir se rappeler qu’à notre époque les
enfants et les adolescents ne sont bienheureusement plus considérés
comme le simple prolongement de leurs parents mais comme de
véritables sujets de droits et qu’ils doivent bénéficier d’une
protection aussi efficace que possible, du jour de leur naissance à
celui de leur majorité, et même au-delà.
!
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
!
187
Cf. JOSITSCH/MURER (n. 12).
37
38
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