Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
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Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal
Christophe Borel Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal par Christophe Borel ! I. Introduction .................................................................................. 3 II. Définitions................................................................................... 5 A. Le jeune en conflit avec la loi ................................................... 5 B. Le représentant légal ................................................................. 7 III. La représentation légale : des fondements internationaux aux implications en procédure pénale suisse des mineurs .................... 8 A. Les fondements internationaux ................................................. 8 B. Le droit suisse ........................................................................... 9 1. La protection constitutionnelle des enfants et des jeunes ......... 9 2. L’autorité parentale et la tutelle des mineurs en droit civil .....11 a. Le devoir général d’assistance .....................................................11 b. La représentation......................................................................12 ba) Généralités .................................................................12 bb) Le jeune incapable de discernement ....................................13 bc) Le jeune capable de discernement .......................................15 A. Le représentant légal, une nouvelle partie au procès pénal ?......17 B. Les droits du représentant légal ................................................19 1. Le droit de demander la récusation du juge des mineurs ........19 2. Le droit de recourir contre une amende d’ordre pour défaut de participation à la procédure ...................................21 3. Le droit d’exiger la publicité de l’audience ............................21 4. Le droit de consulter le dossier ..............................................23 5. Le droit de se désigner un avocat...........................................23 6. Le droit de demander la mise en liberté à l’autorité qui a ordonné la détention du prévenu mineur .............................25 7. Le droit de faire opposition à une ordonnance pénale ............27 8. Le droit à la notification des actes de procédure.....................28 9. Le droit de recourir...............................................................28 C. Les obligations du représentant légal ........................................29 1. L’obligation de participer à la procédure................................29 2. L’obligation de payer les frais de procédure et les frais d’exécution ..........................................................................31 V. Le conflit d’intérêts entre le jeune prévenu et son représentant légal .......................................................................34 A. Les cas de conflit d’intérêts ......................................................34 B. La curatelle de représentation...................................................36 VI. Conclusion................................................................................36 IV. Le rôle du représentant légal en procédure pénale des mineurs...17 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! ! ! Master en Droit en Sciences criminelles mention Magistrature de l’Université de Lausanne (UNIL), Ecole des Sciences criminelles. L’auteur tient à remercier M. le Dr BAPTISTE VIREDAZ, chargé de cours à UNIL, et M. le Prof. Dr JEAN ZERMATTEN, Vice-Président du Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies (CDENU) et Directeur de l’Institut international des Droits de l’Enfant (IDE), pour leurs précieuses remarques, ainsi que toutes les personnes qui ont collaboré de près ou de loin à la rédaction du présent article par leur relecture attentive et leurs suggestions pertinentes. ! 2 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal Christophe Borel parents, qui passe inévitablement par une implication de ceux-ci à la procédure ouverte à l’encontre de leur enfant 5. I. Introduction 1. Aujourd’hui, la Suisse et la plupart des pays occidentaux semblent assister à une augmentation significative de la délinquance des jeunes 1. Face à ce constat, d’aucuns dénoncent l’attitude laxiste et démissionnaire des parents et proposent des sanctions de toute nature 2, tendant à responsabiliser davantage les représentants légaux. Lorsqu’elles visent à introduire une responsabilité pénale des parents pour les infractions commises par leur progéniture, ces propositions contreviennent aux principes fondamentaux du droit pénal que sont la responsabilité personnelle (nulla poena sine culpa) et la présomption d’innocence (in dubio pro reo) 3. En outre, ces projets font fi des dispositions légales existantes qui, souvent, prévoient déjà des mesures adaptées et respectueuses des normes internationales 4, telles qu’une collaboration étroite entre autorité et 2. Au 1er janvier 2011 6, les procédures civile et pénale unifiées à l’échelle suisse entreront en vigueur et seront vraisemblablement suivies 7 par la révision du Code civil suisse 8 (ci-après : CC) relative au nouveau droit de protection de l’adulte et de l’enfant 9. 3. Dans ce contexte de réformes et au-delà de toute considération politique, il nous paraît important d’examiner de plus près la « petite sœur » du Code de procédure pénale suisse 10 (ci-après : CPP) : la Procédure pénale applicable aux mineurs11 (ci-après : PPMin), et d’analyser plus particulièrement la place que cette lex specialis 12 accorde à l’un des acteurs les plus importants de cette procédure : le représentant légal. 4. Au travers de cette contribution, nous tenterons tout d’abord de donner une définition du « jeune en conflit avec la loi » et du « représentant légal » (chap. II). Nous rappellerons ensuite les fondements théoriques de la représentation légale du jeune en conflit avec la loi (chap. III) avant d’examiner concrètement quel !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 1 2 3 4 KILLIAS/LUCIA/LAMON/SIMONIN, Juvenile delinquency in Switzerland over 50 years : assessing trends beyond statistics, in European Journal on Criminal Policy and Research, Heidelberg 2004, pp. 111-122. Selon l’OFS, le nombre de jugements pénaux de mineurs a passé de 12’159 en 1999 à 14'632 en 2008. A l’image de l’initiative parlementaire suisse 06.483 « Expulsion des personnes étrangères dont les enfants ont commis des infractions » (rejetée par le Conseil national le 12 juin 2008) et des propositions de loi n° 2895 et n° 223, déposées respectivement devant le Sénat français, le 11 février 2000 (retirée par son auteur le 24 octobre 2001), et devant l’Assemblée nationale française, le 30 janvier 2001 (rejetée le 26 avril 2001), ainsi que, dans la même logique, de la récente proposition de loi n° 2487 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire par la suspension des allocations familiales, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale française le 29 juin 2010. Pour un examen de la tendance française, cf. PROTHAIS ALAIN, Vers une responsabilité pénale des parents ?, in Dekeuwer-Défossez/Choain (éd.), L’autorité parentale en question, Villeneuve d’Ascq 2003, pp. 99-115. Cf. art. 14 § 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II) et art. 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), ainsi que les art. 32 al. 1er Cst. (presomption d’innocence) et 47 al. 1er CP (responsabilité personnelle). Sur l’incompatibilité d’une culpabilité « présumée » avec la présomption d’innocence, cf. KILLIAS/KUHN/DONGOIS/AEBI, Précis de droit pénal général, Berne 2008, p. 40 et réf. cit. Cf. art. 15.2 des Règles de Beijing (ci-après : RB), art. 40 al. 2 lit. b ch. iii de la 3 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 5 6 7 8 9 10 11 12 Convention relative aux droits de l’enfant (ci-après : CDE) et art. 3.2 du Modèle de loi sur la justice des mineurs du Centre des Nations Unies pour la prévention internationale du crime (ci-après : MLJM). Cf. Communiqué de presse de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 22 février 2008 : « Délinquance juvénile : punir les parents est contraire aux principes de l’Etat de droit ». Cette date a été arrêtée par le Conseil fédéral dans un Communiqué du DFJP du 31 mars 2010. Lors de la Conférence des autorités cantonales de tutelle du 7 avril 2009, M. URS VOGEL a annoncé que cette nouvelle réforme n’entrerait probablement pas en vigueur avant le 1er janvier 2013. Cf. aussi URS VOGEL, Le nouveau droit de protection de l’adulte, RDT 2009/1 62, spéc. p. 62. RS 210. FF 2009 139 (ci-après : nCC). FF 2007 6583. FF 2009 1705. Cf. JOSITSCH/MURER, Die Schweizerische Jugendstrafprozessordnung – eine Balanceakt zwischen Rechtsstaat und Erziehungsgrundsatz, RPS 2009 290, spéc. pp. 294 s. 4 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal Christophe Borel est le rôle du représentant légal, véritable partie à la procédure, titulaire de droits et d’obligations (chap. IV). Enfin, dans un dernier chapitre, nous aborderons les situations dans lesquelles les intérêts du jeune sont en opposition avec ceux de son représentant légal et la solution proposée pour y remédier (chap. V). expression présentant en outre l’avantage pratique de la distinction en plusieurs catégories selon l’âge, la capacité pénale et le statut juridique du principal intéressé16. D’ailleurs, la Constitution fédérale de la Confédération suisse 17 (ci-après : Cst.) utilise exclusivement les vocables « enfants », « adolescents » et « jeunes adultes » et ne parle jamais de « mineurs ». II. Définitions 7. A. Le jeune en conflit avec la loi 5. Comme son titre et son objet l’indiquent, la PPMin s’applique à la poursuite, au jugement et à l’exécution des sanctions pénales qui concernent des « mineurs » (art. 1er PPMin) 13. Cela étant, trois principales raisons nous amènent à penser que la notion de « jeune en conflit avec la loi » (Jugendliche im Konflikt mit dem Recht ; giovani in conflitto con la legge) devrait être préférée à celle de « mineur ». 6. D’un point de vue international tout d’abord, il faut relever que, sous l’impulsion de certains pays d’Amérique latine14, le Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies (ci-après : CDENU) a récemment abandonné le terme « mineur », considéré comme péjoratif 15 et peu adapté, sa définition n’ayant sens que par opposition au concept de majorité. Cet organe parle aujourd’hui d’« enfants en conflit avec la loi » (children in conflict with the law), !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 16 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 13 14 15 Soit, par renvoi à l’art. 3 al. 1er du Droit pénal des mineurs (ci-après : DPMin ; RS 311.1), toute personne qui, au moment de la commission de l’infraction, a un âge compris entre 10 et 18 ans. Cf. YVAN JEANNERET, Aperçu général du nouveau droit, in Bohnet (éd.), Le nouveau droit pénal des mineurs, Neuchâtel 2007, pp. 1-35, spéc. p. 7. Parmi ces pays, le Brésil a été le premier à changer sa terminologie et à utiliser le terme « adolescent en conflit avec la loi » en adoptant son Statut de l’Enfant et de l’Adolescent (Estatuto da Criança e do Adolescente, Loi n° 8069 du 13 juillet 1990). Cf. KATHIA MARTIN-CHENUT, La politique criminelle brésilienne applicable à la délinquance juvénile. Les impasses dans la mise en œuvre d’un modèle inspiré du droit international, Archives de politique criminelle, 1/2008, n° 30, pp. 291-319, spéc. pp. 301 et 318. Dans certains pays, le terme « mineur » ne représente plus une catégorie juridique mais une catégorie socioéconomique. Cf. MARTIN-CHENUT (n. 14), p. 301. 5 Il résulte ensuite du champ d’application de la PPMin précédemment rappelé que les phases d’instruction, de jugement ou encore et surtout d’exécution de la sanction relèvent de la compétence d’un « juge des mineurs » ou d’un « tribunal des mineurs », respectivement d’un Jugendanwalt ou d’un Jugendgericht 18. Cette nouvelle procédure ne concerne ainsi pas exclusivement des « mineurs » mais aussi de jeunes majeurs ayant commis leur infraction alors qu’ils n’avaient pas atteint la majorité pénale de 18 ans, qui doivent être jugés ou qui exécutent leur(s) sanction(s). 17 18 Aussi proposons-nous de distinguer : les « enfants » (âge inférieur à 12 ans), les « adolescents » (âge compris entre 12 et 18 ans) et les « jeunes adultes » (âge compris entre 18 et 25 ans) en conflit avec la loi, par opposition aux jeunes « en contact avec la loi » que sont les enfants, les adolescents et les jeunes adultes témoins ou victimes d’une infraction. Cf. Rapport de la Commission d’experts « De 29 à l’unité », DFJP, Berne 1997, p. 74 ; cf. aussi Observation générale n° 10 du CDENU (ci-après : CRC/C/GC/10), pp. 11 ss, où le Comité est encore hésitant sur l’emploi de cette terminologie. A noter enfin que pour des raisons de fluidité rédactionnelle, nous utiliserons parfois le terme générique « enfant » par opposition à celui de « parents » pour désigner leur progéniture en général. RS 101. L’Avant-projet de 2001 avait opté pour le modèle romand du « juge des mineurs » où le même magistrat est chargé de mener l’instruction, de rendre un jugement et d’en superviser l’exécution. Finalement, c’est une situation de compromis qui a été retenue, laissant libre choix aux cantons d’opter pour ce système ou pour le modèle alémanique du « Jugendanwalt », où l’autorité de jugement diffère de l’autorité d’instruction et d’exécution dans les cas les plus graves. Cf. Message du Conseil fédéral relatif à l’unification de la procédure pénale du 21 décembre 2005 (FF 2006 1057, spéc. pp. 1092 ss) (ci-après : Message – CPP/PPMin) ; cf. aussi URSINA WEIDKUHN, Jugendstrafrecht und Kinderrechte, Zurich/Bâle/Genève 2009, spéc. pp. 207 ss. 6 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal 8. 9. Enfin, eu égard aux efforts réclamés par la doctrine unanime et récemment déployés par le législateur pour remplacer les termes à connotation négative du droit de la tutelle par les expressions non stigmatisantes du nouveau droit de protection de l’adulte et de l’enfant 19, rien ne s’oppose à ce que cette tendance s’étende à la dénomination des personnes concernées par des textes de loi qui se veulent tous deux protecteurs. En conséquence, nous parlerons de « jeune en conflit avec la loi » 20 dès lors que cette terminologie s’inscrit dans la droite ligne de l’évolution du droit positif suisse et des standards internationaux, et permet de prendre en considération tous les cas de figure dans lesquels la PPMin est susceptible de s’appliquer à de jeunes justiciables. Christophe Borel III. La représentation légale : des fondements internationaux aux implications en procédure pénale suisse des mineurs A. Les fondements internationaux 11. Aujourd’hui, avec la promulgation des déclarations27 et des conventions 28 internationales de sauvegarde des Droits de l’Homme et de l’Enfant et l’émergence du concept de « participation » dans les années 1990, les enfants et les adolescents ne sont plus seulement considérés comme des êtres fragiles nécessitant des prestations spécifiques et une protection particulière, mais comme de véritables sujets de droits29. 12. Ce nouveau statut tient également compte de leur vulnérabilité et de leur dépendance en leur garantissant, d’une part, l’assistance d’un adulte pour exercer et défendre leurs droits, dans leur intérêt B. Le représentant légal !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 10. Par « représentant légal » (die Gesetzliche Vertretung ; il rappresentante legale) 21, nous entendons toute personne habilitée par la loi à représenter un jeune en conflit avec la loi, qui n’est pas majeur ou qui est « interdit » 22, pour suppléer à son défaut de capacité civile active (art. 17 et 19 al. 1er CC). Au sens strict 23, les représentants légaux du jeune en conflit avec la loi sont donc ses parents 24, son tuteur 25 ou, dans certaines situations26, son curateur. ! 25 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 19 20 21 22 23 24 Cf. Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 concernant la révision du code civil suisse (protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation) (FF 2006 6635, spéc. p. 6657) (ci-après : Message – nCC). Afin d’éviter toute confusion, nous renonçons en revanche à utiliser cette nomenclature pour désigner les lois et les institutions relatives à la justice juvénile suisse, quand bien même, là aussi, une adaptation terminologique serait souhaitable. Pour un exposé complet de cette notion civile, cf. MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, Genève/Zurich/Bâle 2009, pp. 479 ss. Cf. aussi ANDREAS BUCHER, Personnes physiques et protection de la personnalité, Bâle 2009, pp. 23 s. Dès 2013, on ne parlera plus d’« interdit » mais de « personne sous curatelle de portée générale » (cf. art. 17, 19 al. 1er et 398 nCC). Par la suite, nous verrons qu’il se justifie parfois d’opter pour une définition plus large du représentant légal. Cf. infra chap. IV. C. 1. Lorsqu’il s’agit d’un enfant ou d’un adolescent en conflit avec la loi, il appartient 7 26 27 28 29 généralement à ses père et mère (art. 304 al. 1er CC) ou à l’un d’eux, lorsque l’autorité parentale n’est attribuée qu’à un seul parent (art. 296 à 298 et 311 à 313 CC), de le représenter. Le jeune en conflit avec la loi est représenté par un tuteur lorsque, n’ayant pas atteint la majorité, il n’est pas sous autorité parentale (art. 368 CC) ou lorsque, majeur, il fait l’objet d’une « interdiction civile » (art. 369 à 372 CC), voire d’une autorité parentale prolongée (art. 385 al. 3 CC). Dans le nCC, un « tuteur » ne sera nommé que dans le premier cas (art. 327a à 327c nCC) ; dans le second, la nouvelle prévoit différentes formes de curatelle avec ou sans incidence sur la capacité civile de l’intéressé (art. 393 ss nCC), étant précisé que la curatelle de portée générale (art. 398 nCC) aura les mêmes effets que l’« interdiction » et que la prolongation de l’autorité parentale sera abandonnée au profit d’une curatelle spéciale attribuée à des proches (art. 420 nCC). Cf. infra chap. V. Telles que la Déclaration de Genève sur les droits de l’enfant du 26 septembre 1924, la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et la Déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959. Tels que les Pactes internationaux relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels et aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) et surtout la Convention relative aux droits de l’enfants du 20 novembre 1989 (ci-après : CDE), dont on vient de fêter les 20 ans. Cf. JEAN ZERMATTEN, The Best Interest of the Child. Litteral Analysis, Function and Implementation, Working Report, Sion 2010, spéc. pp. 2 s. 8 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal Christophe Borel et au fur et à mesure de leur développement30 (art. 5 et 18 CDE), et, d’autre part, le droit de s’exprimer et d’être entendus sur toute question les intéressant, eu égard à leur âge et à leur degré de maturité 31 (art. 12 CDE 32). participer 37 et d’exercer eux-mêmes leurs droits strictement personnels 38, dans la mesure où ils sont capables de discernement. B. Le droit suisse 1. La protection constitutionnelle des enfants et des jeunes 13. La Cst. consacre la « protection des enfants et des jeunes » à son article onzième. Si, avec la majorité de la doctrine 33, nous concédons que cette disposition est peu claire, tant par son emplacement que par la brièveté et l’ambiguïté de ses deux alinéas, il faut toutefois reconnaître que les garanties internationales que nous venons de mentionner figurent dans notre charte fondamentale et que ce choix du constituant ne saurait être qualifié de simple « signe politique en faveur de la jeunesse » 34. En effet, à notre avis, l’article 11 alinéa 1er Cst. constitutionnalise le concept de « protection » particulière de l’enfant et de l’adolescent 35 et reconnaît à ces derniers un statut de sujet de droits 36, tandis que le second alinéa consacre leur droit de !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 30 31 32 33 34 35 36 Cf. GERISON LANDSDOWN, The evolving capacities of the child, Florence 2005. Ces deux critères nous rappellent le principe de l’art. 4 al. 1er i.f. PPMin qui fait implicitement référence à la notion de discernement (art. 16 CC). Cf. infra chap. III. B. 2. b. bb). Pour une analyse juridique détaillée de l’art. 12 CDE, cf. ZERMATTEN/ STOECKLIN, Le droit des enfants de participer. Norme juridique et réalité pratique : contribution à un nouveau contrat social, Sion 2009. Cf. AUBERT/MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich/Bâle/Genève 2003, pp. 112 ss et réf. cit. Ibid., p. 113. Du même avis, MAURY PASQUIER in BO CN 1998 698. Dans le même sens, cf. PATRICK FASSBIND, Systematik der elterlichen Personensorge in der Schweiz, Bâle 2006, spéc. p. 33. 9 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 37 38 Cf. n. 29. Cf. infra chap. III. B. 2. b. bc). 10 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal Christophe Borel notamment se traduire par une assistance financière et/ou spirituelle de ces derniers lorsque leur enfant se trouve dans une situation de crise personnelle45, à l’image de celle qui peut accompagner un comportement délinquant46. 2. L’autorité parentale et la tutelle des mineurs en droit civil 14. Le législateur suisse n’a pas attendu que la « participation » et la « protection » de l’enfant et de l’adolescent soient reconnues par des textes internationaux contraignants pour accorder à ces adultes en devenir une aptitude égale à être sujets de droits et d’obligations (art. 11 CC), pour réglementer l’autorité parentale (die elterliche Sorge ; l’autorità parentale) 39 et ses effets (art. 296 ss CC), et pour prévoir son mécanisme de remplacement qu’est la tutelle des enfants et des adolescents (art. 368 al. 1er CC) 40. Ces deux dernières institutions de droit civil se constituent d’un « faisceau de responsabilités et de pouvoirs » 41 dont l’étendue varie notamment en fonction de l’âge et de la maturité de celui qui en bénéficie. Dans le cadre de cette contribution, nous nous limiterons à l’examen de leurs deux attributs qui ont des effets importants en procédure pénale, soit le devoir général d’assistance et la représentation. 16. b. La représentation ba) Généralités 17. a. Le devoir général d’assistance 15. Parmi les devoirs réciproques entre parents et enfant exprimés à l’article 272 CC, le devoir général d’assistance (die allgemeine Fürsorgepflicht ; l'obbligo generale di assistenza) est l’un des effets de la filiation, indépendant de l’autorité parentale42, qui subsiste même au-delà de la majorité 43. A l’image des devoirs d’éducation (art. 302 CC) et d’entretien (art. 276 ss CC), plusieurs dispositions légales spécifiques ont été adoptées sur la base de cette obligation naturelle 44 des père et mère qui, prise pour elle-même, peut ! 39 40 41 42 43 44 ! 46 Jusqu’à la fin des années 1990, la loi parlait de « puissance paternelle » (elterliche Gewalt), terminologie héritée de la « patria potestas » du droit romain ; cf. P. PICHONNAZ, Les fondements romains du droit privé, Genève/Zurich/ Bâle 2008, pp. 115 ss. Cf. n. 25. Cf. MEIER/STETTLER (n. 21), p. 259. ATF 119 Ia 135, JT 1996 I 287. A titre illustratif, cf. art. 277 al. 2 CC (obligation d’entretien de l’enfant majeur). ATF 134 III 245 ; cf. aussi MEIER/STETTLER (n. 21), p. 348, pour une liste 11 Contrairement au devoir que nous venons d’examiner, la représentation est un effet de la filiation, dépendant de l’autorité parentale, qui prend fin à la majorité, à moins que le jeune adulte ne soit « interdit » 50. Ainsi, comme nous l’avons déjà noté plus haut 51, ce « mandat légal » appartient en principe aux parents et, par exception, au tuteur 52. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 45 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Même lorsqu’une mesure de tutelle (art. 368 al. 1er ou 369 ss CC) 47 est instituée à l’endroit d’un jeune, ce devoir continue d’incomber à ses deux parents, à moins qu’ils ne soient décédés, que leurs moyens financiers ne le permettent pas ou qu’ils ne soient plus en mesure d’apporter le soutien psychologique et affectif justifié au regard du bien de l’enfant, cas dans lesquels il appartiendra à l’Etat d’y suppléer 48 et au tuteur (art. 405 CC), voire à l’autorité civile 49, d’assumer cette responsabilité. 47 48 49 50 51 52 exemplative des dispositions fondées sur le devoir général de l’art. 272 CC. Cf. MEIER/STETTLER (n. 21), p. 350. Cf. CRC/C/GC/10, p. 17 ; cf. infra chap. IV. A. Cf. n. 25. Cf. n. 42 et ATF 106 II 287, JT 1981 I 527, en rapport avec l’assistance judiciaire (art. 29 al. 3 Cst.). Cf. infra chap. IV. B. 9. Sous curatelle de portée générale (art. 398 nCC). Cf. nn. 24 et 25. A ce stade, nous faisons abstraction des cas de conflits d’intérêts parent-enfant (art. 306 al. 2 CC) et tuteur-enfant (392 ch. 2 CC) que nous examinerons spécialement au chap. V. A. 12 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal 18. Pour tenir compte de la capacité évolutive de l’enfant et de l’adolescent 53, la loi prévoit un régime de représentation dont l’étendue varie selon son âge et sa capacité de discernement. Nous ne saurions donc examiner les pouvoirs du représentant légal que conjointement avec la capacité propre de l’enfant54. Christophe Borel 21. bb) Le jeune incapable de discernement 19. Lorsque l’enfant, l’adolescent ou le jeune adulte est incapable de discernement (art. 16 CC) 55, il n’a pas l’exercice des droits civils (art. 17 CC) et dépend totalement de son représentant légal 56, dès lors que ses actes n’ont pas d’effet juridique (art. 18 CC). 20. Dans le contexte qui nous intéresse, l’article 19 PPMin – qui rappelle que le jeune prévenu agit au travers de ses représentants (al. 1er) et exerce en principe ses droits de partie de manière indépendante (al. 2) – ne traite pas spécialement de la question de l’incapacité de discernement du jeune en conflit avec la loi ni de ses conséquences procédurales. Pour combler cette « lacune », il convient de se référer à l’article 106 CPP 57 qui traite de la « capacité d’ester en justice » 58, institution qui n’est autre que le prolongement de l’exercice des droits civils en droit pénal formel. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 53 54 55 56 57 58 Cf. n. 30. Cf. MEIER/STETTLER (n. 21), p. 479. Pour une étude approfondie de cette notion, cf. HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, Das Personenrecht des Schweizerischen Zivilgesetzbuches, Berne 2008, pp. 46 ss ; BUCHER (n. 21), pp. 12 ss ; DESCHENAUX/STEINAUER, Personnes physiques et tutelle, Berne 2001, pp. 22 ss. Pour la nouvelle terminologie de l’art. 16 nCC et ses conséquences, cf. Message – nCC (FF 2006 6635, spéc. pp. 6676, 6695 et 6726). Sauf pour les « droits étroitement liés à sa personnalité » (art. 18 i.f. CC et art. 19c al. 2 nCC). Cf. BUCHER (n. 21), p. 33 ; cf. aussi Message – nCC (FF 2006 6635, spéc. pp. 6726 s.). Applicable par le renvoi général de l’art. 3 al. 1er PPMin et interprété à la lumière des principes de l’art. 4 PPMin (art. 3 al. 3 PPMin). En procédure pénale, par « capacité d’ester en justice », il faut entendre la capacité d’une partie de jouer un rôle actif ou passif dans la procédure. Cf. NIKLAUS, Schweizerische Strafprozessordnung (StPO) : SCHMID Praxiskommentar, Zurich 2009, pp. 185 ss ; cf. aussi JÖRG REHBERG, Zur 13 Il ressort de cette disposition qu’une partie incapable de discernement ne peut valablement accomplir des actes de procédure et exercer des droits que par l’intermédiaire de son représentant légal (art. 106 al. 2 CPP), à l’exception des actes pour lesquels sa présence personnelle est indispensable et sa représentation impossible 59. Tel est le cas de la participation du prévenu aux interrogatoires et aux débats 60 (art. 35 PPMin). Cela dit, il faut d’emblée préciser que celui-ci ne peut y participer que dans la mesure où il est « capable de prendre part aux débats » (art. 114 CPP 61), c’est-à-dire, s’agissant d’un enfant ou d’un adolescent en conflit avec la loi 62, physiquement et mentalement apte à suivre la procédure (art. 114 al. 1er CPP). Ainsi, le jeune prévenu doit être capable de comprendre les accusations portées contre lui et leurs conséquences, de fournir des instructions à son représentant légal ou à son défenseur, de se déterminer sur les moyens de preuve et de s’exprimer librement, tant sur les faits de la cause que sur la sanction pénale encourue. Le législateur distingue alors l’incapacité « temporaire » 63 (art. 114 al. 2 CPP) de !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 59 60 61 62 63 « Prozessfähigkeit » des Beschuldigten im Strafverfahren, in Meier/Riemer/ Weimar (éd.), Recht und Rechtsdurchsetzung. Festschrift für H. U. Walder zum 65. Geburtstag, Zurich 1994, pp. 243-259, spéc. p. 245. Pour une conception légèrement différente, cf. PIQUEREZ GÉRARD, Traité de procédure pénale suisse, Genève/Zurich/Bâle 2006, pp. 292 ss. Cf. n. 56. Il ne faut pas confondre ces actes procéduraux « étroitement liés à sa personnalité » avec les actes procéduraux « strictement personnels » (art. 19 al. 2 CC) que nous mentionnerons au chap. III. B. 2. b. bc). et qui sont sensiblement plus nombreux. Rapport explicatif relatif à l’avant-projet d’un code de procédure pénale suisse, OFJ, Berne 2001, p. 85 (ci-après : Rapport – CPP). Cf. n. 57. Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. 1148) ; cf. aussi CRC/C/GC/10, p. 16 ; ainsi que les art. 14.2 RB et 40 al. 2 lit. B ch. iv CDE. Lorsque le jeune en conflit avec la loi est momentanément ivre, malade ou accidenté, la plupart des actes de procédure sont reportés, à l’exception des actes urgents (e.g. interrogatoire d’un témoin âgé ou malade) qui sont exécutés en présence de son défenseur (art. 114 al. 2 CPP) ; cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. p. 1148). 14 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal l’incapacité « durable » (art. 114 al. 3 CPP), celle-ci pouvant être passagère 64 ou irrémédiable 65. 22. Christophe Borel 24. Dans le premier cas, le droit civil prescrit certes que l’enfant, l’adolescent ou l’« interdit », même capable de discernement, doit être pourvu d’un représentant légal (art. 17 et 19 al. 1er CC), mais lui octroie par ailleurs la capacité d’exercer seul ses « droits strictements personnels » (art. 19 al. 2 CC) 71. Cette part d’autonomie se retrouve aussi dans le CPP et la PPMin qui rappellent notamment que le jeune en conflit avec la loi qui n’a pas l’exercice des droits civils mais qui est capable de discernement peut en principe librement prendre part aux débats 72 (art. 114 al. 1er CPP) et exercer lui-même ses droits de partie 73, même contre l’avis de son représentant légal74 (art. 106 al. 3 CPP et art. 19 al. 2 PPMin). 25. Dans le second cas, le jeune adulte, majeur et capable de discernement, a l’exercice des droits civils (art. 13 CC). Il n’a donc En résumé, il convient de distinguer deux cas de figure. Lorsque le jeune en conflit avec la loi est « temporairement » incapable de discernement 66, il est représenté par ses parents ou son tuteur pour la plupart des actes de procédure, à l’exception des interrogatoires et des débats qui sont en principe reportés ou, exceptionnellement, effectués en présence de son défenseur et/ou de son représentant légal. En revanche, si le jeune est « durablement » incapable de discernement 67, son incapacité est telle que la procédure pénale doit être suspendue ou classée, selon la durée probable de son affection. bc) Le jeune capable de discernement 23. Lorsque le jeune est capable de discernement (art. 16 CC)68, il faut alors opérer une distinction entre le cas du jeune qui n’a pas atteint la majorité 69 ou qui est « interdit » 70 et celui du jeune adulte qui est devenu majeur depuis la commission de l’infraction. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 71 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 64 65 66 67 68 69 70 72 Lorsque le jeune en conflit avec la loi est par exemple victime d’une maladie ou d’un accident qui nécessite une longue convalescence, la procédure sera provisoirement suspendue (cf. art. 314 al. 1er lit. a CPP). Lorsque le jeune en conflit avec la loi se trouve notamment dans un état comateux d’origine traumatique, toxique ou pathologique et dont le pronostic médical est manifestement réservé, tant sur sa durée que sur l’ampleur de ses séquelles, la procédure sera définitivement classée (cf. art. 319 al. 1er lit. d CPP), sous réserve de l’institution d’une éventuelle mesure de protection comme seule sanction (art. 10 al. 1er DPMin). A noter que cette conséquence est semblable à celle d’une administration des preuves qui démontre que le jeune auteur ne s’est pas rendu compte qu’il commettait une faute au moment des faits (art. 11 al. 2 DPMin). Et, partant, mentalement inapte à suivre les débats pour une durée déterminée. Et, partant, mentalement inapte à suivre les débats pour une durée indéterminée. Cf. n. 55. Cf. n. 13. Cf. n. 50. 15 73 74 Depuis longtemps déjà, jurisprudence et doctrine reconnaissent que le droit du prévenu d’assurer sa défense au procès pénal et, partant, celui de mandater un défenseur à cet effet sont des « droits strictement personnels » au sens de l’art. 19 al. 2 CC. Cf. ATF 88 IV 115, JT 1962 IV 146 et ATF 112 IV 10-11, JT 1987 IV 5 ; cf. aussi MARTIN STETTLER, Traité de droit privé suisse. Le droit suisse de la filiation, Vol. III., T. II, Fribourg 1987, p. 437 et réf. cit. ; BUCHER (n. 21), p. 31 ; MEIER/STETTLER, (n. 21), pp. 485 ss. A moins qu’il ne soit physiquement empêché de le faire (cf. supra chap. III. B. 2. b. bb). A notre avis, cette notion comprend non seulement les actes procéduraux « étroitement liés à la personnalité », qui ne souffrent aucune représentation (participation aux interrogatoires et aux débats) (cf. supra chap. III. B. 2. b. bb), et les actes procéduraux « strictement personnels » (e.g. dépôt ou retrait d’un recours) mais s’étend aussi à tous les actes de procédure du jeune en conflit avec la loi (demande de récusation du juge des mineurs, demande de mise en liberté, opposition à une ordonnance pénale, etc.), dès lors qu’il doit répondre personnellement de ses actes. Cf. Rapport – CPP, spéc. p. 85 ; cf. aussi nn. 3 et 71. Ainsi, lorsque le jeune en conflit avec la loi et son représentant légal exercent leurs droits de partie de manière différente (e.g. le premier ne se manifeste pas et le second demande la récusation du juge des mineurs), dans un premier temps, les deux déterminations sont examinées par l’autorité puis, dans un deuxième temps, celle-ci statue en accordant une importance prépondérante à l’avis exprimé par l’acteur principal du procès pénal, compte tenu de son âge, de son degré de maturité et de son intérêt supérieur. Cf. not. Rapport – CPP, spéc. p. 85. 16 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal plus besoin d’un représentant légal pour exercer ses droits et peut accomplir valablement et en son propre nom tous les actes d’une procédure pénale (art. 106 al. 1er CPP), même si cette dernière est dirigée par une autorité compétente à raison d’actes commis par des enfants ou des adolescents en conflit avec la loi. Cela étant, en vertu de leur devoir général d’assistance, les père et mère ou le tuteur conservent tout de même les différentes prérogatives que leur accorde la PPMin, étant précisé que l’autorité tiendra compte du fait qu’il s’agit désormais d’un jeune adulte pourvu de sa capacité civile active. Christophe Borel rappel des deux principaux fondements, trop souvent éludés, du statut procédural de cet intervenant dans l’optique de mieux appréhender les différentes prérogatives79 qui en découlent. 27. Mentionnons tout d’abord que le Conseil fédéral a tenté de répondre à cette question dans son Rapport additionnel80. Après une énumération des droits procéduraux que le représentant légal peut exercer de manière indépendante et un renvoi laconique à une décision du Ministère public de la Confédération 81, notre Exécutif est arrivé à la conclusion que cet acteur doit être considéré comme une véritable « partie » au procès pénal, bénéficiant du droit d’agir en justice et du droit d’être entendu (art. 107 CPP 82 et art. 12 CDE) dont découlent les différents droits et obligations procéduraux que la loi lui reconnaît. 28. Premièrement, il faut relever qu’en procédure pénale, contrairement à ce qui prévaut en procédure civile, l’« égalité des armes » (art. 3 al. 2 lit. c CPP 83) n’est pas garantie uniformément dans toutes les phases du procès84. En effet, l’instruction (art. 30 PPMin et art. 308 ss CPP 85) se déroule sous la forme de la procédure « inquisitoire » et le magistrat instructeur est parfois amené à prendre des « mesures de contrainte » (art. 26 PPMin et art. 196 ss CPP 86) à l’encontre du jeune prévenu dans le but de faire éclater la vérité 87. Ces deux atténuations de la maxime IV. Le rôle du représentant légal en procédure pénale des mineurs A. Le représentant légal, une nouvelle partie au procès pénal ? 26. Nous l’avons vu, les parents et le tuteur jouent un rôle important en procédure pénale et à plus forte raison lorsque celui qu’ils représentent est un jeune enfant75. C’est pourquoi, avant de procéder à un examen plus concret des différents droits et obligations que leur reconnaît la PPMin, il nous faut tout d’abord répondre à la question de savoir en quelle qualité le représentant légal intervient en procédure pénale des mineurs. S’agit-il d’une « partie » 76 à part entière du procès pénal, dès lors qu’il figure parmi les acteurs listés à l’article 18 PPMin 77, ou son rôle se limitet-il à celui d’un « autre participant à la procédure » 78 ? Au-delà de l’exercice purement théorique, cette réflexion nous invite au !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 79 80 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 75 76 77 78 En Suisse, seuls les enfants en conflit avec la loi de 10 ans révolus peuvent être pénalement poursuivis (art. 3 al. 1er DPMin). Lorsque des infractions sont commises avant cet âge, la loi impose à l’autorité pénale d’aviser les représentants légaux voire, si l’enfant a besoin d’une aide particulière, l’autorité civile ou le service d’aide à la jeunesse compétents (art. 4 DPMin). Cf. n. 13. Pour la notion de « partie » (art. 104 CPP), cf. ANDRÉ KUHN, Procédure pénale unifiée : reformatio in pejus aut in melius ?, Charmey 2008, pp. 41 ss. L’art. 18 PPMin est le pendant de l’art. 104 CPP. Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. p. 1347). Pour la notion d’« autres participants à la procédure » (art. 105 CPP), cf. KUHN (n. 76), p. 44. 17 81 82 83 84 85 86 87 Cf. infra chap. IV. B. et IV. C. Cf. Commentaire des modifications apportées au projet du Conseil fédéral de procédure pénale applicable aux mineurs du 21 décembre 2005 (FF 2008 2759, spéc. pp. 2776 s) (ci-après : Message II – PPMin). Décision du 30 avril 2003 rendue par le Ministère public de la Confédération (MPC) concernant le canton de Bâle-Ville (JAAC 2004 n° 13 consid. 6). Cf. n. 56. Ibid. Cf. PIQUEREZ (n. 58) pp. 293 ss. Applicable par renvoi exprès de l’art. 30 al. 2 PPMin et interprété à la lumière des principes de l’art. 4 PPMin (art. 3 al. 3 PPMin). Applicable par renvoi exprès de l’art. 26 al. 1er lit. a PPMin et interprété à la lumière des principes de l’art. 4 PPMin (art. 3 al. 3 PPMin). Sur la distinction entre procédure « inquisitoire » (durant la procédure préliminaire) et « accusatoire » (durant la procédure de première instance), ainsi 18 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal Christophe Borel loi, capable de discernement, et à ses représentants légaux le droit de demander, sans motif particulier, la récusation du juge des mineurs qui a mené l’instruction dans un délai de 10 jours dès la notification de l’ordonnance pénale, respectivement de l’acte d’accusation (art. 9 al. 1er PPMin), ces deux documents devant informer les titulaires précités de leur prérogative (art. 9 al. 2 PPMin). d’équité nécessitent, a fortiori lorsque jeune en conflit avec la loi est inexpérimenté et dépendant des adultes qui l’entourent88, une protection et une assistance accrues89 que seule une « partie » peut lui apporter. 29. 30. Deuxièmement, les parents ou, plus rarement, le tuteur d’un jeune assument un « devoir général d’assistance » à son égard, notamment lorsqu’il se trouve en conflit avec la loi 90. C’est d’ailleurs avec cette obligation que la décision du MPC précitée a mis en balance le caractère strictement personnel du dépôt d’un recours pour finalement retenir que le devoir d’assistance doit l’emporter et qu’il faut reconnaître au représentant légal une qualité pour recourir indépendante de celle du jeune, que le premier peut exercer sans le consentement du second, voire contre son gré91. 32. Pour toutes ces raisons, nous estimons que le représentant légal doit être considéré comme une « partie » à part entière du procès pénal, qualité qui jusqu’ici ne lui était reconnue qu’au cas par cas et que la PPMin a le mérite d’affirmer et de préciser pour chacune des prérogatives que nous allons examiner ci-après. B. Les droits du représentant légal 1. Le droit de demander la récusation du juge des mineurs (art. 9 al. 1er PPMin) 31. Dans le souci de garantir une certaine indépendance du magistrat chargé d’appliquer un droit pénal centré sur l’auteur (Täterstrafrecht) 92, la PPMin reconnaît au jeune en conflit avec la !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 88 89 90 91 92 que pour une définition des « mesures de contrainte », cf. KUHN (n. 76), pp. 29 ss. Cf. supra chap. III. A. Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. p. 1104). Cf. supra chap. III. B. 2. a. Cf. Message II – PPMin (FF 2008 2759, spéc. pp. 2777) ;cf. aussi infra chap. IV. B. 9. Le cumul des fonctions d’instruction et de jugement entre les mains du même magistrat, a été l’une des questions les plus discutées de la procédure législative, eu égard à la volonté de respecter les principes antinomiques de l’indépendance 19 Bien que le texte légal fasse mention d’un « et » qui pourrait laisser entendre que cette « soupape de sécurité » 93 doit être actionnée cumulativement par l’une et l’autre des parties concernées, il faut retenir que la demande de récusation est un acte de procédure qui peut être requis indépendamment par les deux parties. Cela étant, l’autorité compétente donne généralement plus d’importance à la détermination du principal intéressé94, à moins que celui-ci ne soit temporairement incapable de discernement95, auquel cas le représentant légal peut agir seul mais au nom du jeune qu’il accompagne. C’est d’ailleurs sur le même principe que jeune en conflit avec la loi et représentants légaux peuvent invoquer la plupart des autres motifs de récusation (judex inhabilis ou suspectus) figurant aux articles 56 ss CPP 96. Cela dit, au vu de la relation de confiance qui se noue généralement entre le principal intéressé et « son » juge, il y a fort à parier que ces mécanismes resteront peu utilisés en pratique. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 93 94 95 96 du juge et de la personnalisation de la sanction. Cf. not. Synthèse des résultats de la procédure de consultation relative aux avant-projets de Code de procédure pénale suisse et de Loi fédérale régissant la procédure pénale applicable aux mineurs, OFJ, Berne 2003, pp. 102 s. Cf. Rapport explicatif relatif à l’avant-projet de la Loi fédérale sur la procédure pénale applicable aux mineurs, OFJ, Berne 2001, spéc. pp. 66 s. (ci-après : Rapport – PPMin). Cf. n. 74. Cf. supra chap. III. B. 2. b. bb). Cf. n. 57, à l’exception de l’art. 56 lit. b CPP qui, s’il devait s’appliquer par analogie, irait à l’encontre des principes directeurs de la PPMin et du DPMin. 20 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal Christophe Borel confidentialité et la protection de la sphère privée (art. 4 al. 2 PPMin et art. 28 CC) du jeune concerné et de sa famille103 et tend à atténuer les effets néfastes d’un procès pénal public sur la (re-) socialisation de l’intéressé104. L’article 14 alinéa 2 PPMin laisse toutefois la possibilité au tribunal des mineurs ou à la juridiction d’appel d’ordonner une audience publique, soit lorsque le jeune en conflit avec la loi, capable de discernement, « ou » ses représentants légaux l’exigent, soit lorsque l’intérêt public le commande, et à la condition cumulative que la publicité des débats ne nuisent pas aux intérêts du jeune en conflit avec la loi (lit. b) 105. 2. Le droit de recourir contre une amende d’ordre pour défaut de participation à la procédure (art. 12 al. 2 PPMin) 33. Ce droit est le corollaire de l’obligation des représentants légaux de participer à la procédure 97. Dans la pratique, il arrive parfois que l’autorité se heurte à un manque de collaboration des parents, ceux-ci éprouvant trop de honte pour affronter la justice ou, à l’opposé, refusant de s’investir davantage pour leur désobéissante progéniture 98. Pour tenter d’y remédier, la loi donne plusieurs outils 99 au praticien et, parmi eux, le prononcé, en ultima ratio, d’une amende d’ordre de 1'000 francs au plus à l’encontre du représentant légal qui refuse de s’exécuter. Cette mesure disciplinaire, qui rappelle l’article 64 CPP100, vise directement les représentants légaux. Il est dès lors parfaitement justifié de leur permettre de faire examiner, dans les 10 jours101, le bien fondé de cette sanction par l’autorité de recours des mineurs qui statuera en deuxième instance (art. 12 al. 2 i.f. PPMin). Notons enfin que le jeune en conflit avec la loi n’est en rien concerné par cette amende d’ordre et qu’il n’a donc évidemment pas qualité pour recourir contre cette décision. 3. Le droit d’exiger la publicité de l’audience (art. 14 al. 2 PPMin) 34. A l’instar de l’article 39 alinéa 2 DPMin , l’article 14 PPMin prévoit, contrairement à ce qui prévaut pour les adultes (art. 69 ss CPP), le principe de la non-publicité des débats pour l’ensemble de la procédure. Cette règle du huis clos permet d’assurer la 102 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 97 98 99 100 101 102 Cf. infra chap. IV. C. 1. Cf. Rapport – PPMin, spéc. p. 71. Cf. infra chap. IV. C. 1. Cf. n. 57. A notre sens, même si la PPMin ne prévoit pas ce délai, il convient d’appliquer le délai de 10 jours de l’art. 64 CPP par analogie ; cf. n. 57. Cette règle procédurale contenue dans le DPMin sera abrogée au moment où la PPMin entrera en vigueur. 21 35. Comme le droit de demander la récusation du juge des mineurs106, la possibilité d’exiger la publicité de l’audience doit être reconnue tant au jeune prévenu qu’à ses représentants légaux, dès lors que ces derniers peuvent, eux aussi, avoir un intérêt juridiquement protégé à ce que le huis clos soit levé107 et que, de toute manière, cette décision est prise in fine dans le respect de l’intérêt de l’enfant. C’est donc à juste titre que la conjonction « ou » est utilisée. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 103 104 105 106 107 Cf. art. 8.1 et 8.2 RB, art. 40 al. 2 lit. b ch. vii CDE et art. 3.2-20 MLJM. Pour une description de ces effets négatifs, cf. Rapport – PPMin, spéc. p. 72 ; cf. aussi JEANNERET (n. 13), pp. 32 s. ; ainsi que ATF 108 Ia 90, JT 1983 IV 57. Il en irait par exemple ainsi d’une affaire très grave qui a défrayé la chronique et au cours de laquelle l’identité du jeune en conflit avec la loi, celle de sa famille, ainsi que ses conditions personnelles d’existence ont été rendues publics et où il ne reste plus rien à préserver, hormis les effets néfastes de la rumeur publique. Cf. Rapport – PPMin, spéc. p. 74. Cf. supra chap. IV. B. 1. Il s’agit notamment des représentants légaux qui éprouvent une certaine crainte face au fonctionnement de la justice et demandent, pour des raisons de transparence, la levée du huis clos, ou encore, selon le rédacteur de l’avantprojet, de ceux qui souhaitent faire passer un message au public par le biais des médias. Cf. Rapport – PPMin, spéc. p. 74. 22 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal Christophe Borel l’article 23 PPMin n’a pas suscité autant de réactions dès lors qu’il n’a fait que reprendre le régime de l’article 40 DPMin111. Cette nouvelle disposition offre au jeune en conflit avec la loi, capable de discernement, et à ses représentants légaux la possibilité de se désigner un défenseur à n’importe quel stade de la procédure, en application des principes internationaux112. 4. Le droit de consulter le dossier (art. 15 al. 1er PPMin) 36. Le droit d’être entendus des représentants légaux du jeune en conflit avec la loi leur permet notamment d’avoir accès au dossier pénal de ce dernier (art. 107 al. 1er lit. a CPP). Néanmoins, à la différence de la procédure pénale ordinaire, le dossier des jeunes en conflit avec la loi contient très souvent, notamment lorsqu’une mesure de protection est envisagée, des renseignements précieux émanant de nombreux intervenants (psychologues, assistants sociaux, médecins, enseignants, employeurs, etc.) au sujet de la personnalité, du comportement et de la sphère familiale de l’auteur présumé 108. Confrontés à la franchise de ces observations, les représentants légaux, déjà affectés par l’ouverture d’une enquête pénale à l’endroit de l’enfant qu’ils doivent assister, peuvent se sentir blessés et développer un ressenti contre-productif à l’égard de l’autorité, sentiment qui les rendra d’autant plus réticents à participer à la procédure 109. C’est pourquoi, malgré l’intérêt légitime des parents ou du tuteur à se faire une idée objective de la situation, l’article 15 alinéa 1er littera b PPMin déroge à l’article 101 CPP et prévoit notamment que leur droit de consulter des informations sur la situation personnelle du jeune en conflit avec la loi peut être restreint dans l’intérêt de celui-ci. 5. Le droit de se désigner un avocat (art. 23 PPMin) 37. Si le droit à l’« avocat de la première heure » consacré par les articles 129 et 159 CPP a fait couler beaucoup d’encre110, !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 108 109 110 38. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 111 112 113 114 115 Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. p. 1345) ; cf. aussi art. 31 PPMin qui prévoit l’obligation de collaborer de ces partenaires nombreux et importants. Cf. infra chap. IV. C. 1. Cf. MAZOU MYRIAM, Avocat de la première heure avant l’heure ?, JT 2009 III 131 ; cf. aussi MICHAUD CHAMPENDAL LORAINE, L’« avocat de la première heure » dans la procédure pénale Suisse in Jusletter du 8 mars 2010 ; HARARI MAURICE, Quelques réflexions autour du droit du prévenu à la présence de son 23 A nouveau, il ne s’agit pas d’un droit que ces deux parties doivent exercer conjointement en se mettant d’accord sur la désignation d’un seul et même auxiliaire de justice. Bien au contraire, lorsque le jeune prévenu est capable de discernement, il peut mandater personnellement le défenseur de son choix113 et ses représentants légaux sont libres d’en faire de même, eu égard à leur devoir général d’assistance 114. Cela étant, hormis dans les cas de conflit d’intérêts 115, rien n’empêche représentants légaux et jeune en conflit avec la loi de recourir aux services du même mandataire. A notre avis, cette dernière solution devrait même être privilégiée dans la plupart des situations, compte tenu du fait que la multiplication des intervenants judiciaires tend à ralentir la procédure, à augmenter la stigmatisation du jeune concerné et à interrompre le lien de confiance direct qui s’établit généralement entre ce dernier et le magistrat 116. 116 conseil, in Pfister-Liechti (éd.), La procédure pénale fédérale, Berne 2010, spéc. pp. 80 ss ; KUHN (n. 76), pp. 50 ss. Cf. n. 102. Cf. art. 6 § 3 lit. c CEDH, ainsi que les art. 7.1 RB, 40 al. 2 lit. b ch. ii et iii CDE et 3.2-12 MLJM. Cf. n. 71. Cf. supra chap. III. B. 2. a. ; cf. aussi Rapport – PPMin, spéc. p. 83. Cf. infra chap. V. A. Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. p. 1349). Sur les avantages et les inconvénients de la présence de l’avocat, cf. pro : JEAN ZERMATTEN, L’enfant devant le Juge de la Jeunesse. Une question de participation, in Ferring/Hanson/Majerus/Schmit/Zermatten (éd.), Les droits de l’enfant : Citoyenneté et participation, Actes de conférences de l’été 2007, Luxembourg 2008, pp. 33-47, spéc. p. 44 ; contra : WEGELIN/AUBERT, Le nouveau droit pénal des mineurs sous l’angle de la pratique, in Bohnet (éd.) (n. 13), pp. 77-93, spéc. pp. 83 s. 24 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal 39. En plus de cette faculté de se faire assister d’un avocat de choix et à l’instar de ce qui prévaut pour les adultes (art. 130 ss CPP)117, la PPMin prévoit en outre une défense obligatoire et une défense d’office du jeune prévenu (art. 24 s. PPMin). D’une part, celui-ci doit obligatoirement se doter d’un défenseur lorsqu’il encourt une privation de liberté de plus d’un mois ou un placement, lorsque sa détention provisoire ou pour des motifs de sûreté118 a duré plus de vingt-quatre heures, lorsqu’il est placé dans un établissement à titre provisionnel, lorsque le Ministère public des mineurs ou le procureur des mineurs intervient personnellement aux débats, ou encore lorsque ni le jeune en conflit avec la loi ni ses représentants légaux ne sont en mesure de défendre ses intérêts en procédure. D’autre part, l’autorité compétente lui désigne un défenseur d’office, en premier lieu, lorsque ni le principal intéressé ni ses représentants légaux ne disposent des moyens financiers de se pourvoir d’un homme de loi et, en second lieu, lorsque ces parties ne se dotent pas d’un défenseur privé alors que la défense obligatoire s’impose. Dans cette dernière hypothèse, il sied de rappeler que les représentants légaux n’exerceront cette prérogative que dans le cas où le jeune en conflit avec la loi est incapable de discernement 119. 6. Le droit de demander la mise en liberté à l’autorité qui a ordonné la détention du prévenu mineur (art. 27 al. 4 PPMin) 40. Plusieurs autorités peuvent ordonner, à titre exceptionnel et si aucune des mesures de substitution figurant à l’article 237 alinéa 2 CPP 120 n’est envisageable, la mise en détention d’un jeune en conflit avec la loi avant son jugement (art. 26 s. PPMin). Leur Christophe Borel compétence diffère selon le stade de la procédure121 et la durée 122 de cette « mesure de contrainte ». 41. Lorsqu’un jeune prévenu capable de discernement est en détention avant jugement, l’article 27 alinéa 4 PPMin lui donne le droit, ainsi qu’à ses représentants légaux, de demander en tout temps sa mise en liberté, conformément à la procédure de l’article 228 CPP 123, soit par une demande écrite ou dictée au procès-verbal, brièvement motivée et adressée à la même autorité qui a ordonné la détention. 42. Comme pour la demande de récusation du juge des mineurs124, cet acte de procédure appartient au jeune en conflit avec la loi et à celui qui le représente 125, à moins que l’intéressé ne soit temporairement incapable de discernement126, auquel cas le représentant légal peut agir au nom du jeune prévenu. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 121 122 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 117 118 119 120 Cf. KUHN (n. 76), pp. 51 s. Sur la distinction entre détention provisoire et détention pour des motifs de sûretés, cf. n. 121. Cf. supra chap. III. B. 2. a. ab) et n. 71. Cf. n. 57. 25 123 124 125 126 Jusqu’à la réception de l’acte d’accusation par le tribunal des mineurs (litispendance), l’autorité d’instruction ou le tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) sont compétents pour prononcer la détention provisoire (cf. n. 117). Dès que le tribunal des mineurs est saisi, c’est à lui de prononcer la détention pour des motifs de sûreté (art. 27 al. 3 PPMin). Il en va de même pour la juridiction d’appel des mineurs. Notons enfin que cette compétence appartient à l’autorité qui dirige la procédure. Sur la notion de « direction de la procédure » (art. 61 ss CPP) applicable par analogie (cf. n. 56), cf. KUHN (n. 76), pp. 28 s. L’autorité d’instruction est compétente pour prononcer la détention provisoire qui ne dépasse pas 7 jours (art. 26 al. 1er lit. b PPMin). En revanche, si la mesure doit se prolonger au-delà de 7 jours, il appartient au TMC de se prononcer, sur demande de l’autorité d’instruction et dans les quarante-huit heures (art. 27 al. 2 PPMin). Applicable par renvoi exprès de l’art. 27 al. 4 i.f. PPMin et interprété à la lumière des principes de l’art. 4 PPMin (art. 3 al. 3 PPMin). Cf. supra chap. IV. B. 1. Cf. n. 74. Cf. supra chap. III. B. 2. b. bb). 26 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal Christophe Borel renvoyons à ce qui a été dit au sujet des droits de demander la récusation et la mise en liberté133. 7. Le droit de faire opposition à une ordonnance pénale (art. 32 al. 5 PPMin) 43. En plus de sa mission d’établir l’état de fait et de mettre l’affaire en état d’être jugée, l’autorité d’instruction est également compétente, dans bon nombre de situations127, pour rendre une « ordonnance pénale » 128. Cette procédure « accélérée », analogue à la procédure spéciale du même nom qui existe chez les adultes (art. 352 ss CPP), ne s’applique que si le jeune concerné a admis les faits qui lui sont reprochés ou si ceux-ci sont suffisamment établis (art. 352 al. 1er CPP 129). Mais, pour qu’un tel système respecte les principes du procès équitable 130, encore faut-il que le jeune en conflit avec la loi, capable de discernement, et ses représentants légaux disposent d’une faculté simple et effective de refuser ce mode de jugement et d’être entendus devant un tribunal indépendant et impartial 131. C’est pourquoi l’article 32 alinéa 5 PPMin leur permet de faire opposition par écrit, sans motif particulier et dans un délai de 10 jours, ce qui aura pour conséquence de faire retourner l’affaire devant l’autorité d’instruction (art. 355 CPP132). Enfin, s’agissant de la titularité de cet acte de procédure, nous !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 127 128 129 130 131 132 8. Le droit à la notification des actes de procédure (art. 33 al. 3 lit. a et 37 al. 2 et 3 lit. a PPMin) 44. 9. Le droit de recourir (art. 38 al. 1er lit. b PPMin) 45. Selon les art. 32 et 34 PPMin interprétés a contrario, l’autorité d’instruction statue par ordonnance pénale sur les infractions qui sont susceptibles d’être sanctionnées par une mesure de protection (à l’exception du placement), une peine d’amende de 1'000 francs au plus ou une privation de liberté de trois mois au plus, ainsi que sur les prétentions civiles qui ne nécessitent pas d’instruction particulière. Selon l’OFS, sur 14'782 sanctions prononcées en 2008 (parfois dans un même jugement), on compte seulement 200 placements, 2'759 amendes (jusqu’à 2'000 francs) et 101 privations de liberté de plus de trois mois (avec ou sans sursis), ce qui représente environ 20,7% de toutes les sanctions prononcées. Compte tenu de cette information, il est donc fort probable que la procédure de l’ordonnance pénale s’applique dans bien plus de 80% des cas. Pour une définition de l’« ordonnance pénale », cf. PIQUEREZ (n. 58), p. 725. Cf. n. 57. Cf. n. 112 ; cf. aussi CRC/C/GC/10, p. 14. Cf. YVAN JEANNERET, Les procédures spéciales dans le Code de procédure pénale suisse, in Pfister-Liechti (éd.) (n. 110), pp. 137-195, spéc. p. 139. Applicable par renvoi exprès de l’art. 32 al. 6 PPMin et interprété à la lumière des principes de l’art. 4 PPMin (art. 3 al. 3 PPMin). 27 En raison du devoir général d’assistance et de la qualité de partie des représentants légaux134, la PPMin leur accorde expressément le droit de recevoir des actes de procédure de l’autorité compétente. A ce titre, cette dernière doit leur faire parvenir un exemplaire de l’ordonnance pénale (art. 32 al. 4 lit. a PPMin), de l’acte d’accusation (art. 33 al. 3 lit. a PPMin) ou du jugement (art. 37 al. 2 et 3 lit. a PPMin) rendu(-e) à l’encontre du jeune en conflit avec la loi, qu’il soit ou non capable de discernement. Les représentants légaux sont également tenus informés de toutes les opérations de procédure et sont invités à y participer activement135, sauf dans les cas où leur participation est réduite ou totalement exclue 136. La PPMin reconnaît enfin la qualité pour recourir des représentants légaux (art. 38 al. 1er lit. b PPMin). Déjà consacrée par l’article 41 alinéa 2 DPMin 137, cette légitimation active leur permet de faire recours (art. 39 PPMin), d’interjeter appel (art. 40 PPMin) ou de demander la révision (art. 41 PPMin) d’un jugement pénal, en toute autonomie, sans tenir compte de l’éventuel avis contraire du jeune concerné et en vertu de leur devoir d’assistance, dès lors qu’ils seront directement ou indirectement touchés par cette ultime décision. Lorsque le jeune en conflit avec la loi est sous tutelle, l’autorité civile est habilitée à !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 133 134 135 136 137 Cf. supra chap. IV. B. 1. et IV. B. 6. Cf. supra chap. III. B. 2. a. et IV. A. Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 26 et 59. Cf. infra chap. V. A. Cf. n. 102. 28 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal recourir indépendamment d’un éventuel recours de celui qu’elle protège 138. Au vu du taux élevé d’acceptation des décisions rendues actuellement par les instances de la justice juvénile suisse 139, il est très probable qu’à l’instar du droit de demander la récusation du juge des mineurs, cette prérogative soit peu utilisée en pratique, tant par le principal intéressé que par ses représentants légaux. Christophe Borel 47. C. Les obligations du représentant légal 1. L’obligation de participer à la procédure (art. 12 al. 1er et 35 PPMin) 46. Le principe de la participation la plus large possible des représentants légaux à la procédure pénale intéressant un jeune en conflit avec la loi, aujourd’hui consacré à l’article 4 alinéa 4 PPMin et concrétisée aux articles 12 et 35 PPMin140, est reconnu en procédure pénale suisse depuis plusieurs décennies141. L’article 12 alinéa 1er PPMin impose aux « représentants légaux » et à l’autorité civile de participer à la procédure si l’autorité compétente l’ordonne. Quant à l’article 35 PPMin, il traite spécifiquement de leur obligation de comparaître personnellement aux débats, à moins qu’ils n’en soient dispensés sur requête 142 ou exclus d’office 143. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 144 145 146 147 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 138 139 140 141 142 143 148 Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. p. 1354). Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 65 et 91. Cf. Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. pp. 1340, 1344 et 1353). Sur l’importance des représentants légaux en procédure pénale des mineurs, cf. VALY DEGOUMOIS, Les principes de la procédure pénale applicable aux mineurs en Suisse, Neuchâtel 1957, pp. 59 ss. Nous pensons notamment aux père et mère malades ou à l’étranger, dont la comparution s’avérerait trop compliquée, et, plus restrictivement encore, à ceux qui ont déjà été entendus de nombreuses fois par l’autorité. Lorsque leur comparution contreviendrait à des intérêts publics ou privés prépondérants, en particulier à l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3 CDE). Cf. not. infra chap. V. A. 29 Interprétée 144 à la lumière des standards internationaux145, des travaux préparatoires de la PPMin 146 et de ses buts de protection et d’éducation 147, la notion de « représentant légal » est ici plus large que la définition juridique stricte adoptée précédemment148. En effet, ces deux articles ne concernent pas seulement les détenteurs d’un devoir légal d’assistance149 envers le principal intéressé, mais s’étendent à toute personne significative pour ce dernier et avec laquelle il entretient une relation de confiance. Cette souplesse définitionnelle s’explique par les modifications de la structure et de la dynamique de la famille contemporaine150, par l’obligation d’informer les parents au sens large du déroulement de la procédure et par le rôle déterminant qu’ils peuvent avoir dans la réussite ou dans l’échec d’une sanction négociée151. Nous pouvons par exemple penser à un autre membre de sa famille élargie 152, à un assistant social153, à un professeur, à un maître d’apprentissage, à un ami, à un entraîneur sportif, voire à un représentant d’une 149 150 151 152 153 Sur l’interprétation de la loi pénale et ses méthodes, cf. JOSÉ HURTADO POZO, Droit pénal, Partie générale I, Zurich 1997, pp. 96 ss ; cf. aussi ATF 127 IV 193 consid. 5 b. Cf. art. 15.2 RB, art. 40 al. 2 lit. b ch. iii CDE et art. 3.2-11 et 3.2-19 MLJM ; cf. aussi CRC/C/GC/10, pp. 17 s. Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 25 s. et 70 ss. Sur les principes directeurs consacrés à l’art. 2 al. 1er DPMin et rappelés à l’art. 4 al. 1er PPMin, cf. BÜTIKOFER REPOND/QUELOZ, Les principales caractéristiques de la nouvelle loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, RPS 2004 386, spéc. p. 388. Cf. supra chap. II. B. Cf. supra chap. III. B. 2. a. Cf. AEBI/LUCIA/EGLI, Famille et délinquance : La situation en Suisse selon les sondages de délinquance juvénile autoreportée (ISRD) de 1992 et de 2006, in Actes de la Conférence d’Interlaken 2009 (à paraître en 2010). Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 25 s. ; cf. aussi ZERMATTEN (n. 116), spéc. pp. 42 s. Nous pensons notamment aux beaux-parents de familles recomposées, aux grands-parents, aux oncles et tantes, aux parrains et marraines, ainsi qu’aux parents nourriciers. Tel serait par exemple le cas d’enfants ou d’adolescents en conflit avec la loi qui sont déjà au bénéfice d’une mesure éducative civile (art. 307 ss CC) ou d’une mesure de protection pénale (art. 12 ou 13 DPMin). 30 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal Christophe Borel communauté spirituelle ou religieuse. En d’autres termes, le législateur, qui s’est ici limité à ne prévoir qu’un « strict minimum », doit laisser au juge une marge d’appréciation suffisante dans le choix des personnes appelées à participer à la procédure pour que ce dernier puisse faire plein et bon usage de ce droit « sur mesures » que doit rester le DPMin 154. 48. facturés sous la forme de débours. Ensuite, la loi dispose que tant les frais de justice que les débours159 sont supportés en premier lieu par le canton dans lequel le jugement est rendu (art. 44 al. 1er PPMin), solution qui diffère de celle retenue pour les adultes (art. 426 CPP) 160. En effet, la PPMin dispose que ce n’est qu’en second lieu, et moyennant le respect de l’une des conditions alternatives 161 de l’article 426 CPP 162, que tout ou partie des frais de procédure pourront être mis à la charge du jeune condamné ou, par le mécanisme de la solidarité passive (art. 143 CO), de ses parents, s’ils en ont les moyens163 (art. 44 al. 3 PPMin). Cette contribution financière des parents se fonde sur leur devoir général d’assistance 164 et, plus précisément, sur leur obligation d’entretien (art. 276 ss CC), lorsque les ressources de leur enfant sont Notons enfin que l’article 12 alinéa 2 PPMin, dont nous avons déjà parlé 155, donne à l’autorité compétente les moyens d’inciter les représentants légaux largo sensu à collaborer par un avertissement, une dénonciation à l’autorité civile (art. 307 ss CC) ou, subsidiairement, par une amende d’ordre de 1'000 francs au plus. 2. L’obligation de payer les frais de procédure (art. 44 al. 3 PPMin) et les frais d’exécution (art. 45 al. 5 PPMin) !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 49. 50. Par principe, il appartient à l’Etat d’assumer l’intégralité des frais occasionnés par l’action pénale qu’il décide d’ouvrir à l’endroit d’un jeune présumé innocent156. Cela dit, il convient de bien distinguer les règles applicables aux frais de procédure (art. 44 PPMin) de celles qui ont trait aux frais d’exécution (art. 45 PPMin 157). Tout d’abord, s’agissant des « frais de procédure » (Verfahrenskosten ; spese procedurali), ceux-ci comprennent non seulement les frais généraux de justice (frais d’enquête, de police, d’audience, de rédaction, etc.), prélevés par le biais d’émoluments (en principe forfaitaires), mais aussi les frais propres à l’affaire pénale concernée (frais d’expertise, de traduction, d’assistance158, de téléphone, etc.), ! 159 160 161 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 154 155 156 157 158 162 Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 69 ss. Cf. supra chap. IV. B. 2. Cf. KUHN (n. 76), p. 79. Cette disposition reprend pour l’essentiel l’art. 43 DPMin. Cf. n. 102. Précisons que les frais de l’assistance judiciaire « gratuite » de la partie plaignante ne peuvent être portés à la charge du jeune condamné ou de ses parents que s’il bénéficie d’une bonne situation financière (art. 426 al. 4 CPP, applicable par renvoi exprès de l’art. 44 al. 2 PPMin et interprété à la lumière des principes de l’art. 4 PPMin – art. 3 al. 3 PPMin), ce qui ne sera pratiquement jamais le cas. 31 163 164 A l’exception des frais afférents à la défense d’office qui seront supportés, en premier lieu, par les parents (art. 426 al. 1er i.f. CPP, cf. n. 161) et/ou par le jeune condamné. Précisons que si ce dernier a lui-même bénéficié de l’assistance judiciaire « gratuite » et que sa situation financière le permet, il sera tenu, de même que ses parents, déclarés solidairement responsables, de rembourser les frais d’honoraires à l’Etat et au défenseur commis d’office dans la proportion qui leur revient (art. 135 al. 4 CPP, applicable par renvoi exprès de l’art. 25 al. 2 PPMin et interprété à la lumière des principes de l’art. 4 PPMin – art. 3 al. 3 PPMin). Cela s’explique par le fait que les jeunes en conflit avec la loi, pour la plupart, ne disposent pas de revenus ou de fortune propres leur permettant d’assumer la totalité de ces frais. Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 94 s. A savoir si le jeune est condamné ou si, bien qu’il soit acquitté ou que la procédure ouverte à son endroit soit classée, il en a provoqué l’ouverture de manière illicite et fautive ou rendu sa poursuite plus difficile (art. 426 al. 1er et 2 CPP). Applicable par renvoi exprès de l’art. 44 al. 2 PPMin et interprété à la lumière des principes de l’art. 4 PPMin (art. 3 al. 3 PPMin). Les capacités contributives du jeune condamné et de ses parents sont déterminées par l’autorité compétente, sur la base des pièces produites par les intéressés (certificat de salaire, attestation de rentes, décision de taxation fiscale, etc.) ou des informations recueillies par le service d’aide à la jeunesse compétent, ainsi que le prévoit notamment l’art. 25 alinéa 2 de la Loi vaudoise d’introduction de la PPMin, adoptée le 2 février 2010 par le Grand Conseil vaudois (LVPPMin), pour les frais de placement prononcé à titre provisionnel. Cf. supra chap. III. B. 2. a. 32 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal 51. insuffisantes pour payer l’intégralité des frais, ce qui est presque toujours le cas en pratique 165. V. Le conflit d’intérêts entre le jeune prévenu et son représentant légal Quant aux « frais d’exécution » (Vollzugskosten ; spese di esecuzione), ceux-ci se composent, d’une part, des frais d’exécution des mesures de protection et des peines et, d’autre part, des frais occasionnés par l’observation ou le placement à titre provisionnel ordonnés pendant la procédure et généralement très élevés (art. 45 al. 1er PPMin). Dans l’hypothèse où les cantons n’ont pas adopté de réglementation contractuelle (concordat) sur la répartition des frais d’exécution (art. 45 al. 4 PPMin) et afin de garantir une certaine égalité de traitement, la PPMin pose une règle minimale de répartition. Ainsi, il est à tout le moins prévu que le canton de domicile 166 du jeune en conflit avec la loi supporte les frais de l’exécution des mesures de protection prononcées à titre provisionnel ou définitif (art. 45 al. 2 PPMin) et que le canton dans lequel le jugement a été rendu supporte les frais de l’exécution des peines (art. 45 al. 3 lit. b PPMin) 167. Sur le même fondement que l’article 44 alinéa 3 PPMin, l’article 45 alinéa 4 PPMin prévoit aussi une participation des parents168 aux frais occasionnés par les mesures de protection et par l’observation. Enfin, l’article 45 alinéa 6 PPMin permet à l’autorité compétente d’astreindre, dans une juste proportion169, le jeune en conflit avec la loi qui dispose d’un salaire régulier170 ou d’une certaine fortune à participer aux frais d’exécution de peines et/ou des mesures prononcées à son endroit171. A. Les cas de conflit d’intérêts !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 165 166 167 168 169 170 171 Christophe Borel 52. Si la participation des représentants légaux, à tout le moins au sens strict du terme172, est la règle en procédure pénale suisse des mineurs 173, celle-ci connaît toutefois une exception lorsqu’elle s’avère contraire à l’intérêt supérieur du jeune en conflit avec la loi, en raison notamment de son âge et de sa situation174. Ainsi, à chaque fois que les intérêts du jeune intéressé sont en opposition avec ceux du représentant légal concerné 175, l’autorité compétente doit examiner l’opportunité de n’informer que sommairement ce dernier du déroulement de la procédure, de réduire ou exclure momentanément ou définitivement sa participation et, le cas échéant, de solliciter l’institution par l’autorité civile d’une curatelle de représentation, à forme de l’article 392 chiffre 2 CC 176. De la plus légère à la plus lourde, ces mesures de précaution tendent à éviter que les parents ou le tuteur n’exercent leurs prérogatives 177 d’une manière préjudiciable aux intérêts de celui qu’ils doivent assister. Cela étant, nous reconnaissons qu’il est souvent délicat d’exclure définitivement les représentants légaux de la procédure et que, parfois, leur comparution est une bonne manière de leur faire prendre conscience de leur part de responsabilité dans les actes délicteux du jeune prévenu178. Il appartient dès lors à l’autorité compétente d’ordonner de telles restrictions avec parcimonie, de laisser autant que faire se peut les !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Cf. n. 160. Notons que lorsque le jeune en conflit avec la loi n’a pas de domicile en Suisse, l’ensemble des frais d’exécution sont laissés à la charge du canton dans lequel le jugement a été rendu (art. 45 al. 3 lit. a PPMin). En pratique, cela revient souvent au même car la grande majorité des jeunes sont domiciliés dans le même canton que l’autorité de jugement compétente. Cf. n. 163. Ibid. Notons que l’art. 30 LTr (RS 822.11) interdit généralement aux enfants et aux adolescent de moins de 15 ans révolus de travailler durablement pour le compte d’un employeur et, de facto, de recevoir un salaire régulier. Nous pensons notamment aux adolescents et aux jeunes adultes condamnés qui 33 ! 172 173 174 175 176 177 178 sont rémunérés pour un travail fourni pendant l’exécution de leur sanction ou aux enfants qui reçoivent un héritage. Cf. supra chap. II. B. Cf. supra chap. IV. C. 1. Cf. not. art. 35 al. 2 PPMin, art. 15.2 RB et art. 40 al. 2 lit. b ch. iii CDE ; cf. aussi CRC/C/GC/10, p. 17. Cf. infra chap. V. A. Cf. Rapport – PPMin, spéc. pp. 26 et 71 s. ; cf. aussi Message II – PPMin (FF 2008 2759, spéc. p. 2777). Cf. supra chap. IV. B. et IV. C. Cf. Rapport – PPMin, spéc. p. 72. 34 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal parents intervenir en procédure, de restreindre leur information et/ou leur participation si nécessaire et de ne les en exclure définitivement qu’en ultima ratio 179. 53. Christophe Borel B. La curatelle de représentation 54. Lorsque le conflit d’intérêts est tel qu’il justifie une extinction temporaire ou définitive du pouvoir de représentation des parents (art. 306 al. 2 CC) ou du tuteur (art. 392 ch. 2 CC), le Conseil fédéral 183 renvoie au droit civil de protection de l’enfant. Il donne ainsi à l’autorité compétente la faculté de requérir de l’autorité civile qu’elle institue une curatelle de représentation, à forme de l’article 392 chiffre 2 CC 184, et qu’elle désigne au jeune en conflit avec la loi un curateur dont la mission sera de le représenter dans le cadre de la procédure pénale ouverte à son encontre et de veiller à la protection de ses intérêts185. Ce représentant ad hoc aura les mêmes droits et obligations que le représentant légal durant tout ou partie du procès pénal et tant qu’il y aura conflit d’intérêts 186. 55. Le 1 janvier 2011, la PPMin entrera en vigueur et mettra ainsi un terme au long processus d’uniformisation des garanties procédurales initié, en 1971 déjà, par la Société suisse de droit pénal des mineurs (SSDPM) et partiellement concrétisé, en 2007, par l’introduction de quelques règles fédérales de procédure dans le DPMin. Bien que le législateur ait finalement opté pour une Plusieurs cas de conflit d’intérêts peuvent survenir dans le contexte d’une procédure pénale 180. Nous pouvons notamment penser aux enfants qui ont été utilisés par leurs représentants légaux pour commettre des infractions, ces derniers ayant agi dans l’ombre en qualité de complices, d’instigateurs, de co-auteurs, voire d’auteurs médiats 181. Tel est également le cas des enfants victimes de maltraitance ou d’abus de la part de leurs parents ou de leur tuteur, leur infraction n’étant souvent rien d’autre qu’un signal de détresse, et des jeunes livrés à eux-mêmes dans un climat de conflit familial aigu où les représentants légaux persistent, nonobstant les éventuelles mesures provisionnelles prononcées en faveur de leur enfant 182, à agir à l’encontre de ses intérêts. VI. Conclusion !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 179 180 181 182 Notons que, bien souvent, l’autorité compétente peut s’éviter de faire usage des mesures de précaution précitées en prononçant, au stade de l’instruction déjà et à titre provisionnel, une mesure de protection (not. surveillance ou assistance personnelle) en application de l’art. 5 DPMin. Dans la plupart des cas, ces mesures provisoires permettront non seulement de protéger le jeune en conflit avec la loi en danger dans son milieu familial ou social, mais aussi de conseiller les parents et de leur donner des instructions afin qu’ils évitent d’agir à l’encontre des intérêts de leur enfant. Pour les exemples développés ci-après, cf. ZERMATTEN (n. 116), spéc. p. 42 ; cf. aussi Message – CPP/PPMin (FF 2006 1057, spéc. p. 1340) ; Rapport – PPMin, spéc. pp. 26 et 71 s. Tel est par exemple le cas lorsque mère et fille se rendent dans une boutique de vêtements pour enfants et que la première demande à la seconde de se vêtir d’habits neufs et de partir sans payer. Il en va de même des infractions commises par certains réseaux de criminalité organisée. A noter que, dans ces différentes hypothèses, les représentants légaux se rendent généralement coupables de violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 CP). Pour un examen détaillé de cette disposition, cf. LAURENT MOREILLON, Quelques réflexions sur la violation du devoir d’assistance ou d’éducation (art. 219 nouveau CP), RPS 1998 431, spéc. p. 438. Cf. n. 179. 35 er !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 183 184 185 186 Cf. Message II – PPMin (FF 2008 2759, spéc. p. 2777). L’art. 392 ch. 2 CC s’applique tant aux cas de conflit d’intérêts tuteur-enfant que parent-enfant (renvoi de l’art. 306 al. 2 CC). A noter que l’art. 306 al. 2 nCC prévoit lui-même que « si les père et mère sont empêchés d’agir ou si, dans une affaire, leurs intérêts entrent en conflit avec ceux de l’enfant, l’autorité de protection de l’enfant nomme un curateur ou prend elle-même les mesures nécessaires ». Bien que très proches, le rôle du curateur ad hoc ne doit pas être confondu avec celui de l’avocat du jeune prévenu. En effet, n’oublions pas que le curateur remplace le représentant legal « ordinaire » (parents ou tuteur) et acquière ainsi la qualité de « partie » au procès pénal, qualité que l’art. 18 PPMin ne reconnaît pas aux auxiliaires de justice et aux partenaires précieux de la justice juvénile que sont les avocats. Cf. supra chap. IV. A. Cf. supra chap. IV. B. et IV. C. 36 Le représentant légal : une partie très particulière au procès pénal Christophe Borel liberté de choix des cantons entre le modèle du « juge des mineurs » et celui du « Jugendanwalt », cette nouvelle loi mettra fin à un régime procédural bigarré, composé de vingt-six réglementations cantonales différentes, et renforcera la protection des droits des jeunes en conflit avec la loi et de leurs représentants légaux. 56. Les deux principales préoccupations des intervenants chargés d’unifier la procédure pénale suisse applicable aux mineurs ont été sans nul doute le respect des standards internationaux et la cohérence de l’ordre juridique suisse. Même s’il souffre d’un léger retard dans l’adaptation de sa terminologie, le fruit de leur travail, qualifié par certains de « loi bien équilibrée » entre les principes de l’Etat de droit et ceux de la justice juvénile187, est la parfaite illustration des nombreux avantages d’une solution mûrement réfléchie, testée, discutée, expliquée et, le cas échéant, modifiée, qui rencontre finalement l’adhésion de tous. Il n’est donc guère surprenant de constater que le consensus et la personnalisation de la sanction soit la considération primordiale de l’autorité qui doit appliquer un droit qui se veut protecteur et éducatif à l’aide de sa « servante ». 57. Quant au représentant légal, nous avons vu qu’il est l’un des personnages clés de la procédure pénale ouverte à l’encontre d’un jeune en conflit avec la loi. En vertu du devoir général d’assistance et du pouvoir de représentation que le droit civil leur reconnaît, les parents, le tuteur ou, en cas de conflit d’intérêts, le curateur sont des parties à part entière du procès pénal qui disposent de nombreux droits et assument plusieurs obligations. Bien que l’étendue de ces prérogatives varie selon l’âge et le degré de maturité du principal intéressé, elles visent non seulement sa protection, mais aussi la contribution au succès de sa prise en charge par l’autorité et, par là même, son éducation. 58. Au regard de cette analyse, il ne fait guère de doute qu’outre le fait qu’elles dérogent aux principes fondamentaux du droit pénal, les propositions de loi prévoyant de sanctionner pénalement ou administrativement des parents en cas d’infraction commise par leur enfant risquent de diminuer considérablement l’envie de collaborer des représentants légaux et, partant, de porter atteinte au système de justice juvénile tel qu’il a été conçu par le législateur suisse pour une minorité de jeunes en conflit avec la loi. Il faut donc raison garder et savoir se rappeler qu’à notre époque les enfants et les adolescents ne sont bienheureusement plus considérés comme le simple prolongement de leurs parents mais comme de véritables sujets de droits et qu’ils doivent bénéficier d’une protection aussi efficace que possible, du jour de leur naissance à celui de leur majorité, et même au-delà. ! !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ! 187 Cf. JOSITSCH/MURER (n. 12). 37 38 ! ! !