Dissertation - Répartion revenus patrimoines fiscalité
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Dissertation - Répartion revenus patrimoines fiscalité
Julien Levesque Macroéconomie – Fabrice Bittner 20 mai 2009 – séance 12 Revenus, patrimoines et fiscalité, quelle répartition en France ? La question de la répartition des ressources est en permanence au cœur du débat en France : bouclier fiscal, pouvoir d'achat et partage de la valeur ajoutée n'en sont que quelques exemples. Lorsque l'on parle de revenu, le contribuable moyen pense immédiatement à la somme indiquée sur sa fiche de paye. Néanmoins, le calcul du revenu est plus complexe. On peut en effet distinguer le revenu primaire (le salaire) et revenu disponible (revenu après imposition et allocations). La mesure du revenu pose par ailleurs divers problèmes de calcul, notamment en ce qui concerne le patrimoine et les revenus qu'il peut apporter. Les statistiques semble montrer une amélioration constante du pouvoir d'achat des ménages, allant radicalement à l'encontre de la perception de ces derniers. De même, nombreux sont ceux qui dénoncent aujourd'hui la montée des inégalités en France. Mais ceci est-il le fruit de perceptions ou y a-t-il réellement un accroissement des écarts de revenus et de patrimoine? Comment se répartissent les revenus et les patrimoines en France? Dans quelle mesure la fiscalité at-elle permis de lisser la distribution inégale des revenus et du patrimoine? Nous verrons dans un premier temps que la distribution des revenus en France reste assez concentrée, et que ces inégalités sont aggravées par les disparités des patrimoines. Puis, nous nous pencherons dans un second temps sur le rôle redistributeur de la fiscalité et sa capacité à lisser les écarts de revenus et de patrimoine. I. Une distribution relativement concentrée des revenus, aggravée par la distribution des patrimoines La répartition des salaires en France, située dans la moyenne de l'Europe continentale, est restée stable depuis le milieu des années 1980. En revanche, prendre en compte la distribution des patrimoines et de leurs revenus – comme l'a recommandé le Groupe de travail sur les niveaux de vie et les inégalités sociales du CNIS1 – révèle des inégalités plus fortes. 1. Inégalités de salaires : moyennes et stables a) Après plusieurs décennies de forte baisse, les inégalités de revenus sont stables depuis les années 1980 Le 20e siècle a vu une formidable réduction des inégalités en France et dans les pays développés en général. Cette tendance de long terme est due à une réduction des inégalités du patrimoine (notamment dans la première moitié du 20e siècle, c'est la « fin des rentiers »2), face à une relative 1 Conseil National de l'Information Statistique, Rapport du groupe de travail « Niveaux de vie et inégalités sociales », n°1°3, mars 2007, http://www.cnis.fr/doc/Stockage%20Rapports/Rapport%20103%20niveaux%20vie.pdf. 2 Thomas Piketty, L'Économie des inégalités, La Découverte, 2008, p. 17-24. Voir aussi Thomas Piketty, Income Inequality in France 1901-98, Center for Economic Policy Research, juillet 2001, http://www.cepr.org/pubs/newdps/showdp.asp?dpno=2876. 1 stabilité des inégalités des revenus du travail (à l'exception des années 1950-1970). Si l'on s'intéresse à l'outil le plus couramment utilisé, le rapport interdécile (D10/D1), on observe en effet que celui-ci est passé de 4,8 en 1970 à 3,1 en 2005. En d'autres termes, alors que les 10% les plus riches gagnaient en 1970 4,8 fois ce que gagnaient les 10% les plus pauvres, ils ne gagnaient plus que 3,1 plus en 2005. Cette diminution du rapport interdécile s'est faite en deux temps: une forte baisse jusqu'au milieu des années 1980, et faible diminution depuis lors. De 3,5 en 1984, le rapport interdécile est passé à 3,1 en 2005. Ces chiffres sont forcément moins prononcés lorsqu'on utilise le rapport P90/P10. Il s'agit ici de ce qu'il faut gagner de plus pour faire partie des 10% les mieux payés que pour faire partie des 10% les moins biens payés. Contrairement au rapport interdécile, cet indicateur n'est pas sujet aux distorsions liées à l'utilisation de la moyenne (la dispersion des hauts revenus étant très forte, la moyenne du dixième décile est bien plus élevée que P90). Malgré la forte réduction des inégalités observées au cours du 20e siècle, les 10% les plus riches représentaient près d'un quart de la masse des niveaux de vie en 2006, c'est-à-dire que les 10% les plus riches concentraient un quart des revenus. La disparité des revenus peut être représentée graphiquement par la courbe de Lorenz. Celle-ci met en valeur la concentration des revenus au sein d'un nombre restreint de personnes. La diagonale représente une égalité totale. Plus la courbe s'éloigne de la diagonale, plus la distribution est concentrée. 2 b) Comparaison UE et OCDE Où se place la France par rapport à ses voisins européens et au reste des pays développés ? Sur la base du rapport interdécile D9/D2, on voit que la France se place en dessous de la moyenne en termes de distribution de revenus – c'est-à-dire que les inégalités en France sont en moyenne inférieures à celles du reste de l'UE. D'après les données Eurostat ci-contre, en 2004, les 20% les plus riches gagnaient 4,2 fois plus que les 20% les moins riches. Ce rapport était de 4,8 pour l'UE à 25, entre le minimum de la Suède de 3,3, et le maximum du Portugal à 7,2.3 La France se place également dans la moyenne si l'on considère le coefficient de Gini. Le coefficient de Gini concentre en un indice unique des rapports d'inégalités ; 0 correspond à une égalité totale, tandis que 1 signifie une inégalité totale (un seul individu possède tout, et tous les autres ne possèdent rien). Ainsi, Atkinson classe les pays de l'OCDE en trois grands groupes selon leur indice de Gini : les pays scandinaves et le Luxembourg (indice de Gini inférieur à 0,24) ; reste du Bénélux, Allemagne, France, Australie, Canada, Espagne et Suisse (indice de Gini entre 0,24 et 0,32) ; et enfin, les ÉtatsUnis, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Irlande (indice de Gini supérieur à 0,32).4 c) Autres distributions inégales : sexe, âge, professions, régions Mais les disparités dans la distribution des revenus en France ne concernent pas seulement les différences entre riches et pauvres. L'étude de la distribution des revenus doit également se pencher, entre autres, sur les inégalités entre hommes et femmes, entre classes d'âge, entre professions, et entre régions (on pourrait y ajouter les inégalités entre secteurs, entre types de contrat d'embauche, etc.). 3 Ces données ne sont pas cohérentes avec les chiffres précédemment cités. Ceci est du à la diversité des méthodes utilisées pour calculer le revenus selon les organismes. 4 Tony Atkinson, « La distribution des revenus dans les pays de l'OCDE au vingtième siècle », Revue française d'économie, 2002, Volume 17, Numéro 1, p. 3 – 31. 3 Le tableau ci-contre montre bien la différence de revenu entre sexes. Tandis que les hommes gagnent en moyenne 20 326 euros par an, le salaire annuel moyen n'est que de 14 865 euros pour les femmes. Entre classes d'âge, on observe que les jeunes disposent de revenus largement inférieurs au reste des salariés, avec 9 777 euros pour les moins de 30 ans contre 18 786 euros pour les 30-45 ans et 22 477 euros pour les plus de 45 ans. Ce tableau ne présente pas les revenus des retraités, ou seniors, qui disposent aussi généralement de revenus plus faibles que la moyenne, avec en moyenne 16 950 euros par an pour les 65-74 ans en 2003.5 L'étude de la distribution des revenus selon la profession révèle également de fortes disparités, d'un salaire médian de 3270 euros par mois pour les « médecins salariés et assimilés » à 970 euros pour la catégorie « assistantes maternelles ».6 Le tableau ci-dessus présente la distribution des salaires par catégorie socio-professionnelle : les cadres gagnaient en moyenne 35 644 en 2006 contre 12 685 pour les ouvriers, 11 564 pour les employés, et 19 893 pour les professions intermédiaires. Il faut néanmoins considérer les différences de productivité et de temps travaillé dans la rémunération de ces catégories. Les cadres sont en effet payés sur une base de 333 jours travaillés tandis que les ouvriers cumulent 287 jours rémunérés. Le salaire horaire révèle les différences de productivité : 106 euros en moyenne pour un cadre contre 40 euros pour un employé. Entre régions (voir tableau ci-dessous), l'Ile-de-France offre des salaires biens plus attractifs que les autres régions, avec un salaire net annuel moyen de 29 940 euros contre 19 686 euros pour la BasseNormandie. Avec l'Ile-de-France, ce sont les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d'Azur qui sont les plus riches. Néanmoins, dans la plupart des régions de France, le salaire net annuel moyen tourne autour de 20 ou 21 000 euros. Il est plus intéressant est de procéder à des études croisées, qui mettent en valeur de nouveaux extrêmes. Ainsi, la différence est particulièrement prononcée entre les cadres d'Ile-de-France et les ouvriers de Corse, avec 51 840 euros contre 16 174. 5 INSEE, Les Revenus et le patrimoine des ménages, 2006, p. 27. 6 INSEE, Salaire mensuel médian par profession, 2007, reg_id=0&ref_id=NATSEF04119. 4 http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp? 2. Inégalités de salaires renforcées par la forte concentration du patrimoine Un handicap majeur dans la mesure de la répartition des revenus est la prise en compte du patrimoine et de ses revenus. Pendant longtemps, il est resté à l'écart du calcul des revenus, mais depuis peu, sa comptabilisation au plus juste est tentée par les statisticiens. a) Difficultés liées à la comptabilisation et à l'explication de la répartition du patrimoine Pourquoi le patrimoine n'est-il généralement pas inclus dans la mesure des revenus et des niveaux de vie? Tout d'abord, il faut garder à l'esprit que la part des revenus du patrimoine dans les revenus totaux est faible. En effet, les salaires cessent d'être la source majoritaire de revenus dans le dernier centile seulement.7 On peut donc penser que sa comptabilisation aura peu d'effet sur le calcul final de la répartition des revenus, puisque seulement les trois déciles les plus élevés ont une part de leurs 7 Thomas Piketty, Income Inequality in France 1901-98, Center for Economic Policy Research, juillet 2001, http://www.cepr.org/pubs/new-dps/showdp.asp?dpno=2876. 5 revenus provenant du patrimoine supérieure à la moyenne.8 En outre, l'intégralité du patrimoine ne rapporte pas un revenu monétaire, c'est pourquoi il est difficile de l'inclure dans la mesure du revenu. Les revenus du capital proviennent de deux sources : patrimoine foncier et placements financiers (valeurs mobilières et livrets d'épargne). Seul le patrimoine de rapport, qui comprend les biens fonciers en location, l’épargne liquide et les valeurs mobilières, procure un revenu monétaire. Il existe un débat sur l'intégration du patrimoine non loué (mais, par exemple, utilisé comme résidence principale) : on touche à la notion de loyer imputé, qui correspond à la « prise en compte dans le niveau de vie d'un équivalent loyer pour les propriétaires, correspondant au loyer qu'ils débourseraient s'ils occupaient le même logement à titre locatif ».9 Le revenu fiscal, sur la base duquel on mesure généralement le revenu, exclut de nombreux revenus du patrimoine non imposés. Enfin, les disparités de patrimoine, que l'on sait plus fortes que celles de revenus, sont assez mal expliquées. On sait par exemple que celles-ci s'expliquent non pas seulement par l'inégalité des revenus (qui permettent de constituer le patrimoine) mais aussi par les différents comportements d'épargne.10 b) Comptabilisation croissante du patrimoine et de ses revenus Sur la demande d'agents divers, on tente de plus en plus d'inclure le calcule du patrimoine et de ses revenus dans la mesure du revenu total. Malgré la faible part des revenus du patrimoine dans le revenu total, ceci a un impact non négligeable, puisque les disparités de patrimoine sont bien plus fortes que celles de revenu. Les 10% les plus riches détiennent 46% du patrimoine, et reçoivent près de 50% des revenus de celui-ci. Les 30% les plus pauvres ne détiennent que 1% du patrimoine, tandis que la moitié de la population possédait en 2003 93% du patrimoine. Par ailleurs, la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté au cours des années 1980, passant de 75 à 67%, niveau où est elle restée depuis.11 Cette part plus faible des salaires par rapport aux profits favorise les inégalités de patrimoine. La prise en compte du revenu fait donc ressortir les inégalités en France (cf. tableau ci-dessous). Les 10% les moins riches, avec un niveau de vie inférieur à 735 euros par mois, gagnent 809 euros une fois le patrimoine comptabilisé. En revanche, les 5% les plus riches disposant 2898 euros et plus en salaires touchent 3486 euros par mois si l'on inclut le patrimoine. Le rapport avant inclusion du patrimoine entre les 10% les moins riches et les 5% les plus riches est de 3,94 (2898/735=3,94). 8 Thomas Piketty, L'Économie des inégalités, La Découverte, 2008, p. 7. 9 Le travail du CNIS a orienté la réflexion dans cette voie. Voir Conseil National de l'Information Statistique, Rapport du groupe de travail « Niveaux de vie et inégalités sociales », n°1°3, mars 2007, http://www.cnis.fr/doc/Stockage %20Rapports/Rapport%20103%20niveaux%20vie.pdf. 10 Thomas Piketty, L'Économie des inégalités, La Découverte, 2008, p. 13. 11 INSEE, Rapport au Président de la République sur le Partage de la valeur ajoutée, le partage des profits et les écarts de rémunérations en France, mai 2009. 6 Il est en revanche de 4,3 après inclusion du patrimoine (3486/809=4,3). La prise en compte du patrimoine permet néanmoins de réduire certaines inégalités apparentes. C'est notamment le cas pour les séniors, qui disposent de revenus bien inférieurs à la moyenne, mais possèdent fréquemment un certain patrimoine. Les plus de 75 ans tirent en effet en moyenne 8,4% de leurs revenus des revenus du capital, ce qui est loin d'être le cas parmi les populations plus jeunes.12 Les séniors ne sont pas systématiquement aussi pauvres qu'ils ne le paraissent. II. Dans quelle mesure la fiscalité modifie-t-elle cette répartition inégale? La distribution concentrée des salaires (10% perçoivent 25% des salaires) est donc aggravée par les disparités plus grandes de revenus. Quel est le rôle de la fiscalité dans la répartition des revenus et du patrimoine? La fiscalité remplit-elle son objectif de justice sociale? 1. Sur qui pèse la fiscalité? Dans une logique de justice sociale, la fiscalité devrait jouer un rôle redistributeur et donc taxer les riches pour donner aux pauvres. On distingue trois types d'impôts : l'impôt forfaitaire est invariable, quel que soit les moyens de la personne imposée ; l'impôt proportionnel lorsque le taux est constant, quelle que soit la matière imposable ; un impôt est progressif lorsque le taux de prélèvement augmente avec le revenu ou le patrimoine déclaré. L'IRPP est le meilleur exemple d'un impôt progressif (même si son calcul correspond en fait à une succession de tranches ayant chacune un taux proportionnel précis). Plus le revenu d'un ménage est important, plus son taux d'imposition est lourd. En France, seuls 53,6% des foyers ont été imposables en 2007 (la proportion de personnes imposables en France reste stable autour de 50% depuis les années 1980, comme le montre le graphique ci-dessous). L'IRPP reste extrêmement critiqué, en particulier par les 1% des ménages fournissent aujourd'hui 37% des recettes 12 INSEE, Les Revenus et le patrimoine des ménages, 2006, p. 31. 7 collectées par l'IRPP.13 Ceci est limité par le bouclier fiscal mis en place à 70% en 1988, et récemment réduit à 50%. Ainsi, le cumul de l'IRPP et de l'ISF ne peut dépasser 50% des revenus d'un ménage. Les recettes fournies par l'IRPP reflètent également les disparités régionales, puisque les régions s'acquittant peu de l'IRPP sont aussi celles avec les revenus moyens parmi les plus (Limousin, Corse par exemple). La TVA, souvent critiquée comme impôt injuste car touchant tous de la même manière, se révèle être un impôt quasiment proportionnel, car le niveau de consommation des ménages augmente au fur et à mesure que leurs revenus s'accroissent.14 En combinant les cotisations sociales à la TVA et l'IRPP, ce sont donc avant tout les salaires, et particulièrement les salaires élevés, qui sont imposés. La patrimoine est également imposé par le biais notamment de l'ISF et de l'impôt sur les successions. L'ISF, malgré les vœux de suppression formulés par de nombreux dirigeants politiques, reste en hausse, et a rapporté 4,4 milliards d'euros en 2007, soit 20% de plus que l'année précédente.15 La France conserve un taux d'imposition les plus élevés en Europe, et son écart en la matière avec d'autres grands États européens s'est creusé. La fiscalité pèse donc plus sur les salaires que sur le patrimoine, ce qui peut se comprendre étant donné que les salaires représentent l'énorme majorité du revenu des Français. Elle pèse également plus sur les hauts revenus et ceux possédant un large patrimoine que sur les plus démunis, en accord avec ses objectifs de justice sociale. 2. La fiscalité permet une certaine compensation des disparités de revenus et de patrimoine Outre la diminution générale des inégalités au cours du 20e siècle, les travaux de Thomas Piketty soulignent le rôle que la fiscalité a pu jouer dans ce processus. Ainsi, la part du décile supérieur dans le revenu total a largement chuté depuis le milieu des années 1960, passant de 37% à aujourd'hui environ 25%. Le centile supérieur représentait 20% du revenu total au début du 20e 13 Cécile Crouzel, « L'impôt sur le revenu reste inégalement réparti », Le Figaro, 7 janvier 2009, http://www.lefigaro.fr/impots/2009/01/07/05003-20090107ARTFIG00296-l-impot-sur-le-revenu-reste-inegalementreparti-.php. 14 François Villeroy de Galhau, « Justice et fiscalité. Refonder un pacte de solidarité pour les réformes ? », Études, 2007/4, Tome 406, p.463-474. 15 Cécile Crouzel, « L'impôt sur le revenu reste inégalement réparti », Le Figaro, 7 janvier 2009, http://www.lefigaro.fr/impots/2009/01/07/05003-20090107ARTFIG00296-l-impot-sur-le-revenu-reste-inegalementreparti-.php. 8 siècle, et 7-8% dans les années 1990. De manière générale, si l'on compare le revenu fiscal au revenu disponible des ménages, on observe que les quatre premiers déciles ont un revenu disponible supérieur à leur revenu fiscal, c'est donc qu'ils reçoivent plus qu'ils ne donnent. Les six autres déciles ont un revenu disponible inférieur à leur revenu fiscal, c'est-à-dire qu'ils donnent plus qu'ils ne reçoivent.16 La fiscalité procède donc indéniablement à un lissage des revenus. Quel est l'impact de la fiscalité progressive à long terme sur l'accumulation du capital ? La concentration de richesse et de patrimoine n'a jamais retrouvé son niveau d'avant-1914, et ce largement en raison de l'impôt progressif et de la redistribution mise en place par l'État. Thomas Piketty met en valeur le fait que l'impôt progressif peut littéralement détruire une grande fortune en quelques décennies, si rien n'est fait pour l'entretenir (cf. tableau ci-dessous). 16 INSEE, Les Revenus et le patrimoine des ménages, 2006. 9 Conclusion La répartition des revenus et des patrimoines en France est donc assez peu égalitaire, mais reste dans la moyenne de l'OCDE et de l'Union européenne. Globalement, le coefficient entre les 10% les moins payés et les 10% les plus payés parmi les salariés est stable autour de 3 depuis les années 1980. Ce coefficient est resté stable Malgré la hausse générale de la fiscalité durant les dernières décennies. Pire, les inégalités se sont accrues, si l'on prend en compte les disparités de patrimoine. On peut donc se demander si la hausse générale de la fiscalité depuis trois décennies est justifiée au vu du fait qu'elle n'a pas réduit les inégalités dans leur ensemble. Bibliographie : Tony Atkinson, « La distribution des revenus dans les pays de l'OCDE au vingtième siècle », Revue française d'économie, 2002, Volume 17, Numéro 1, p. 3 – 31. Alexandre Baclet et Émilie Raynaud, « La prise en compte des revenus du patrimoine dans la mesure des inégalités », Économie et Statistique, INSEE, n°414, 2008. Conseil National de l'Information Statistique, Rapport du groupe de travail « Niveaux de vie et inégalités sociales », n°1°3, mars 2007, http://www.cnis.fr/doc/Stockage%20Rapports/Rapport %20103%20niveaux%20vie.pdf. INSEE, Tableaux statistiques (http://www.insee.fr). INSEE, Les Revenus et le patrimoine des ménages, 2006. INSEE, Rapport au Président de la République sur le Partage de la valeur ajoutée, le partage des profits et les écarts de rémunérations en France, mai 2009. Observatoire des inégalités (http://www.inegalites.fr/). Thomas Piketty, L'Économie des inégalités, La Découverte, 2008. Thomas Piketty, Income Inequality in France 1901-98, Center for Economic Policy Research, juillet 2001, http://www.cepr.org/pubs/new-dps/showdp.asp?dpno=2876. François Villeroy de Galhau, « Justice et fiscalité. Refonder un pacte de solidarité pour les réformes ? », Études, 2007/4, Tome 406, p.463-474. 10