La PME, un des piliers de l`économie algérienne

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La PME, un des piliers de l`économie algérienne
N° 113 - Mars 2010 - 120 DA
Entretien avec Slim Othmani, PDG de NCA Rouïba
Je suis inquiet pour l'Algérie
parce qu'il n'y a pas une vision
claire pour mon pays
p 20
Produits de large consommation
L’Etat veut mettre
fin à l’anarchie
p 36
L 10113 - 03 - A -120,00 DA - DZ
La PME, un des piliers
de l’économie
algérienne
Edito
L'environnement des PME
ans aucun doute, les petites et moyennes entreprises
(PME) jouent un rôle fondamental dans le processus
S
de développement économique et social d'un pays. A
travers le monde, par la flexibilité de leurs structures,
leur capacité à s'adapter aux pressions multiformes de
l'environnement économique, leur aptitude à assurer une
intégration économique et le développement des régions,
les PME sont au centre des politiques industrielles et des
préoccupations politiques des Etats soucieux de préserver
et de développer l'emploi.
Quid de l'Algérie ? Si le dernier programme complémentaire
pour la relance économique qui s'étale de 2009 à 2014,
prévoit la création de 200.000 nouvelles PME, l'intention
demeure louable et bonne à retenir. L'environnement
économique du pays est-il favorable à une telle entreprise ?
Car, à présent, en dépit de la création de pas moins
de 450.000 emplois à fin novembre 2009, contre 110.000
en 2001, le taux de mortalité de ces entités reste
dangereusement élevé, soit près de 10% selon certains
experts.
En effet, il est de notoriété publique qu'on ne peut
pas assurer le développement des PME si on occulte
l'environnement dans lequel elles évoluent. Assainir
l'environnement macro-économique du pays, entre
autres des pratiques bureaucratiques et des lourdeurs
administratives, revêt d'une importante égale à celui
de créer ces entités. Peut être plus. Car, pour le commun
des mortels, on ne peut jamais être un îlot de compétitivité
dans un océan qui dérive. L'enjeu est là„
La rédaction
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Création de 200.000 PME, révision du code des marchés publics
Les objectifs des pouvoirs publics
dans la promotion du
secteur des PME
L
es spécialistes en la matière indiquent à ce
propos que la création de 200.000 PME
est plutôt réalisable, pour peu qu'on crée
un environnement macro-économique "sain et
performant". D'autant que la volonté de créer ce
genre d'entité commerciale, l'un des principaux
leviers de toute économie, a été déjà mise en
œuvre lors de ces dix dernières années.
Une période durant laquelle les pouvoirs publics,
à se référer aux chiffres rendus publics récemment
par l'Agence nationale pour le développement
des petites et moyennes entreprises (l'ANDPME)
sur une durée de 10 ans, soit de 1999 à 2009,
146.000 PME ont vu le jour. Au-delà de ces
chiffres, le gouvernement, dans ce secteur
fortement pourvoyeur d'emplois et de richesse,
a développé plusieurs actions à ce jour.
On peut citer, parallèlement aux actions de mise
à niveau des PME, la création de centres de
facilitation des PME/PMI destinés à les
accompagner depuis leur création jusqu'à leur
plein épanouissement. Egalement des cartes
nationales destinées à répertorier les activités de
sous-traitance en vue de les développer sont en
cours de réalisation par le ministère de la PME.
Au niveau du département de Benbada, il est
question de mettre en place des banques de
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données au service des entreprises, tout en
accompagnant les associations professionnelles
dans la mise à niveau des PME/PMI.
La décision la plus récente dans ce registre a trait
à la révision du code des marchés publics en faveur
des PME algériennes. Annoncées par le ministre
Mustapha Benbada, les mesures de modification
vont contribuer, aux dires des spécialistes en la
matière, au développement du secteur. Comment ?
Selon le ministère de la PME et de l'Artisanat, les
modifications du code des marchés publics doivent
permettre aux entreprises algériennes d'accéder
aux projets de l'Etat. Lors de ses récentes sorties
médiatiques, le premier responsable de ce secteur a
indiqué que parmi les modifications figure le lancement
d'appels d'offres restreints réservés uniquement
aux nationaux visant à encourager les entreprises
algériennes à décrocher davantage de contrats. Les
modifications porteront notamment sur l'augmentation
du taux de la préférence nationale passant de 15%
à environ 20 ou 25%, et sur la possibilité de lancer
L'objectif des pouvoirs
publics de créer 200 000
petites et moyennes
entreprises durant le
prochain quinquennat
(2010-2014) trouve son
essence dans le programme
du président Bouteflika,
alors candidat, publié
avant la dernière
campagne présidentielle
d'avril 2009.
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des appels d'offres exclusivement nationaux lorsqu'il
s'agit d'un marché petit ou moyen, alors que le code
en vigueur exige des appels d'offres nationaux et
internationaux pour tous types de marchés.
Il est prévu également l'encouragement du gré à
gré au profit d'entreprises publiques et l'allégement
de certaines conditions telles que la caution de
garantie et la caution de bonne exécution. Ces
nouvelles mesures auront des conséquences positives
dans le processus de développement des PME, à
en croire les dires de certains experts. A l'image de
l'allégement des cautions de garantie et de bonne
exécution exigées dans le cadre des projets étatiques,
certains experts industriels estiment que ladite mesure
est indispensable car les montants des cautions
sont exorbitants pour les PME.
Dans ce cas de figure, ajoutent-ils, les points
positifs qu'on peut tirer de cette annonce ont trait à
la création d'emplois, de la plus-value et de
l'expérience en matière de réalisation de grands
projets publics. N'en restant pas là, les efforts du
gouvernement ont également porté sur la coopération
avec les pays étrangers dans le souci de développer
et de promouvoir les PME. Les autorités algériennes
misent, en effet, sur la coopération entre les PME
algériennes et leurs homologues étrangères.
Les contrats de partenariat ainsi que la coopération
sous forme de sous-traitance qui sont vivement
recommandés par les experts, commencent à se
concrétiser sur le terrain. A présent, le "bal" a été
ouvert par le protocole d'accord entre le Conseil
national consultatif pour la promotion des petites et
moyennes entreprises et la Confédération patronale
des petites et moyennes entreprises de Catalogne
(Espagne), dont la cérémonie s'est déroulée vers le
fin de l'année écoulée. "Nous avons demandé,
surtout après les dernières mesures prises par le
gouvernement, notamment la LFC 2009, à ce que
nous ne soyons plus un bassin réceptif. Nous voulons
créer une économie industrielle puissante". Cette
déclaration de Zaim Bensaci, président du
Comité consultatif pour la promotion des petites et
moyennes entreprises (CNC/PME), devant le chef
du gouvernement et de la Confédération patronale
des petites et moyennes entreprises de Catalogne
(PIMEC) renseigne à quel point les pouvoirs publics
veulent en finir avec les investissements étrangers
spéculatifs, et surtout ceux qui ne génèrent pas des
postes d'emploi et de richesse.
L'enjeu est tellement énorme qu'il y va de toute
l'économie nationale. Car, comme tout le monde
le sait, par la flexibilité de leurs structures, leur
capacité à s'adapter aux pressions multiformes de
l'environnement économique, leur aptitude à assurer
une intégration économique et le développement
des régions, les PME doivent être au centre des
politiques industrielles et des préoccupations
politiques des Etats soucieux de préserver et de
développer l'emploi. A présent, l'Algérie dispose
d'un tissu de 320.000 PME environ, et ses besoins
avoisinent le million et demi. L'exemple de la 4ème
puissance européenne, à savoir l'Italie qui dispose
de 3 millions de PME, doit être médité„
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Z. A.
FSIE, le comité ad hoc créé par le CNES et le CNC-PME,
les incubateurs…
Des organismes au chevet
de la PME algérienne
16 centres de facilitation et
10 pépinières d'entreprises et
incubateurs ont été créés
en 2009
En jouant un grand rôle dans le processus de développement économique et social
d'un pays, les Petites et Moyennes entreprises (PME) doivent bénéficier d'un droit
de regard réel et permanent de la part des pouvoirs publics. Car il est de notoriété
publique que de par la flexibilité de leurs structures, leur capacité à s'adapter aux
pressions multiformes de l'environnement économique, leur aptitude à assurer une
intégration économique et le développement des régions, les PME sont au centre
des politiques industrielles et des préoccupations politiques des Etats soucieux de
préserver et de développer l'emploi.
Notre pays, qui ne peut échapper à cette règle basique, tente contre vents et marrées
de bâtir une économie basée essentiellement sur les PME. Le nombre de PME qui
seront créées durant les 4 prochaines années est un signe avant-coureur. En effet,
le gouvernement prévoit, dans le dernier programme complémentaire pour la
relance économique qui s'étale de 2010 à 2014, la création de 200.000 nouvelles
PME. L'heure est plutôt à l'optimisme au niveau du ministère des PME et de
l'Artisanat, d'autant qu'en sus des mesures incitatives pour la création des PME,
il a été prévu la réalisation des structures en amont pour épauler et rendre
l'environnement dans lequel elles vont évoluer prospère et prometteur.
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M. Mustapha BENBADA
Ministre de la PME et de l'Artisanat
“
Le coût global financier des différents
projets en cours s'élève à 778,5
millions de dinars. Il sera de
l'ordre de 1.117 millions de
dinars après réévaluation
“
E
n Algérie, en plus des mesures incitatives initiées dans le cadre des différentes lois de finances, les
pouvoirs publics ont également procédé à la mise en place de mécanismes pouvant favoriser la pérennité
des petites et moyennes entreprises. Sur ce point bien précis, les spécialistes en la matière font savoir
que la création de ce genre de structures peut être d'un apport considérable au processus de création des
PME, ainsi que leur développement.
Quels sont ces organismes ? Il s'agit de prime des incubateurs et des pépinières. Combien de structures de
ce genre ont été créées en 2009 ? Si la volonté existe bel et bien dans ce registre, l'année écoulée est plutôt
marquée par une phase qu'on peut qualifier de "maturation". En clair, au niveau du ministère de la PME et
de l'Artisanat, les efforts sont à présent concentrés sur les phases de maturation et de réalisation de structures
pouvant être d'un apport considérable au processus de création des PME, ainsi que leur développement. Et
ces structures d'appui que sont les incubateurs et les pépinières d'entreprises bénéficieront d'une intention
particulière de la part des pouvoirs publics, notamment le département de Benbada. C'est en tout cas ce
qu’on nous affirme au niveau de ce département ministériel. Pour preuve, près de 16 centres de facilitation
et de 10 pépinières d'entreprises et incubateurs ont été créés en 2009.
Les projets en cours de réalisation, au nombre de 10, seront réceptionnés durant le premier semestre 2010.
"Sept projets sont en cours d'étude ou de formalisation administrative pour leur réévaluation ou restructuration
en collaboration avec les services du ministère des Finances. Les six projets restants subiront inévitablement
des retards au début de leur lancement et seront décalés sur l'année 2010", nous a déclaré un responsable au
niveau du ministère des PME et de l'Artisanat. Quel est le coût global de ces projets ? Le coût global financier
des différents projets en cours s'élève à 778,5 millions de dinars. Il sera de l'ordre de 1.117 millions de dinars
après réévaluation. "Les projets qui seront réceptionnés à la fin de l'année en cours généreront des engagements
financiers de l'ordre de 813,9 millions de dinars", précise ce responsable. Quel est l'objectif global de ces
structures ? Pour le département de Benbada, il s'agit d'engager, en d'autres termes, une approche graduelle
ciblant les premiers centres de facilitation et de pépinières réceptionnés, en l'occurrence ceux d'Oran, de
Tipasa, de Tamanrasset, de Sidi Bel Abbès, de Ghardaïa, de Tébessa et de Bordj Bou Arréridj. Motif :
"Ce ciblage permettra d'implanter les bonnes pratiques de fonctionnement des centres, appuyées par un
benchmarking approprié, visant différentes actions", explique-t-on au niveau de ce ministère. Quelles sont
ces actions ? Le même responsable a mis en exergue, entre autres, l'élaboration puis la mise en œuvre de
programmes de formation destinés aux ressources humaines des centres de facilitation, l'élaboration d'un
guide des opportunités d'investissement selon un format standardisé mais en tenant compte des spécificités
locales et régionales et, enfin, l'élaboration des procédures de travail et des guides d'accompagnement et de
conseil.
La même source tient toutefois à affirmer que cette politique d'encadrement et d'accompagnement vise,
in fine, l'émergence de profils d'entrepreneurs compétitifs et en parfaite harmonie avec leur potentiel
productif dans les filières d'activités innovantes et à forte valeur ajoutée.
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Le CNES au secours des PME
La promotion et le développement des PME en Algérie semble intéresser d'autres organismes et
départements, en sus bien sûr du ministère des PME et de l'Artisanat. En effet, à la fin de l'exercice 2009
le Conseil national économique et social, avec le concours du Conseil national consultatif/PME, a
créé un comité ad hoc.
Quel est le rôle de ce comité ? Selon les responsables de ces deux structures, ce comité se penchera
sur les moyens susceptibles d'assurer le développement des PME en Algérie. Toutefois, face à
l'absence des conditions nécessaires pour assurer la compétitivité des petites et moyennes entreprises,
les deux structures chapeautant ce comité, en l'occurrence le CNES et le CNC-PME, ont dû arrêter
une démarche cohérente pour la promotion des PME. Mohamed Seghir Babès, président du CNES,
l'a d'ailleurs souligné lors de son intervention lors de la cérémonie d'installation dudit comité, à la
résidence Djenan El Mitthak. Il s'agit, en fait, de la nécessité de coordonner les efforts entre les acteurs
du terrain et les acteurs institutionnels, d'autant plus que "la volonté politique" existe, afin de
promouvoir et développer les PME. Le tout afin d'assurer le passage d'une économie administrée à
une économie de marché dont les PME constituent la base. "Il faut que les choses soient décidées et
que les stratégies soient arrêtées", notera M. Babès à ce sujet, allusion faite à la nécessité de mettre
en place un plan de développement pour les PME avec des mesures concrètes.
Ce point a été également soulevé par le ministre de la PME et de l'Artisanat, M. Mustapha Benbada,
pour qui l'importance devrait être donnée aujourd'hui à la mise en place d'un dispositif institutionnel
pour assurer l'organisation du secteur. Au niveau du département de Benbada, le développement des
PME implique l'émergence de nouvelles gouvernances fondées en particulier sur une gestion saine et
moderne avec un cadre macroéconomique incitatif favorable à la libre concurrence. Pour cela,
M. Bensaci, président du CNC-PME, a indiqué que la mise en place du comité ad hoc marque une
évolution très significative dans l'approche de cette problématique du développement de la PME qui
a besoin, en outre, d'être revisitée à la lumière des premiers enseignements de la crise économique
mondiale. "La PME a besoin d'être revisitée parce que le défi lancé par le président de la République
consistant en la création de 200.000 PME pour les cinq années de son mondat impose des initiatives
fortes à tous les niveaux et des mesures à la hauteur de ce défi", explique Bensaci. Pour les spécialistes
en la matière, c’est en ayant à l'esprit toutes ces considérations que l'on pourrait aborder cette problématique
du développement de la PME à partir de laquelle plusieurs sous-thèmes pourraient être examinés
dans le cadre du comité ad hoc. Il s'agit, entre autres, des conditions et mesures à mettre en place pour
assurer la compétitivité de nos PME (innovation, transferts technologiques, recherche et développement,
politique de l'emploi, management, ingénierie...), du rôle que peuvent jouer la sous-traitance et les
marchés publics dans la promotion des PME. Utile d'indiquer, par ailleurs, que la création de PME
puis leur développement nécessitent un accompagnement en amont, et ce par le biais d'organismes
qui peuvent jouer ce rôle. Beaucoup de pays, en sus des étapes de création des PME, au demeurant
classiques, ont pris des mesures traduites par la mise en œuvre de structures qui accompagnent ces
PME, et ce depuis leur création jusqu'à la phase de maturation.
C'est dans cette optique que le gouvernement compte créer, en sus des organismes existants, un
conseil national de la mise à niveau des PME. Sous la présidence du Premier ministre, ce conseil qui
sera créé vers la fin du premier trimestre en cours sera doté d'une enveloppe financière de l'ordre de
160 milliards de dinars. Il concernera la mise à niveau de pas moins de 20.000 PME dans les cinq ans
à venir, avec une moyenne de 4.000 PME pas an. Selon Benbada, le montant alloué pour chacune des
PME dans le cadre de leur mise à niveau peut atteindre 8 millions de dinars, avec un montant initial
de la part de ladite entreprise.
L’ACTUEL / Mars 2010 - 12
Fonds de soutien à l'investissement pour l'emploi
Objectif : La promotion des PME
En sus de toutes les structures existantes, le gouvernement ne veut plus lâcher prise, en ce sens
qu'un Fonds a été créé dans cet objectif. Il s'agit du Fonds du soutien à l'investissement pour
l'emploi (FSIE). Destiné au financement des PME et à des placements en valeurs mobilières, ce
Fonds contribue, dans le cadre de ses activités, à la promotion et à la sauvegarde de l'emploi et à
la formation économique et financière des travailleurs des entreprises. Ayant le statut d'une SPA,
le FSIE fait partie de cette typologie mise en place par les pouvoirs publics pour remplir un
certain nombre de fonctions jugées essentielles, en l'occurrence la concrétisation des investissements
dans les PME, la formation économique et financière, ainsi que la création et/ou le maintien de
l'emploi. "L'adhésion au Fonds a un double intérêt pour les travailleurs. Il s'agit d'un intérêt financier
et social", nous a indiqué Mohamed Tessa, PDG du FSIE, qui nous a fait savoir que l'organisme
qu'il dirige avait pour mission de canaliser jusqu'à la moitié de l'épargne collectée auprès des
personnes physiques, notamment les salariés, vers des projets de développement économique à
travers les prises de participation sous forme d'actions et de titres participatifs dans des PME ayant
le statut de SPA et une existence minimale de trois années. "Notre fonds est ouvert à tous les
citoyens algériens désireux d'acheter des actions et d'épargner à long terme", note la même source.
Pour le démarrage de ce Fonds, les pouvoirs publics ont alloué une dotation initiale de 150 millions
de dinars. A présent, les responsables de cet organisme, qui a reçu vers la fin de l'exercice écoulé
le feu vert de la COSOB pour son commencement, aspirent à faire adhérer 35.000 travailleurs au
Fonds d'ici fin 2010. Comptant actuellement 250 souscripteurs pour 2.200 actions, le FSIE est
au stade de mise en place du cadre organisationnel avec l'installation progressive des différentes
structures de direction, la finalisation des procédures administratives et la mise en place des
moyens matériels liés à son activité.
Pourquoi ce Fonds ? Le premier responsable de cet organisme relève que c'est l'expérience
canadienne en la matière qui a inspiré les décideurs algériens. Ce fut en 1996, à l'occasion d'une
visite de l'ancien secrétaire général de l'UGTA, feu Abdelhak Benhamouda, qu'a commencé à
germer l'éventualité de la création d'une telle institution. Le motif ? Ce pays a connu durant cette
période une stabilité sociale importante par son fort taux de syndicalisation. D'ailleurs, c'est le même
scénario en Autriche, affirme notre interlocuteur. Il y a les taux les plus élevés de syndicalisation
dans ces deux institutions et à travers le monde. Ce sont des pays où il y a aussi les plus forts taux
de PME (98% du tissu économique global), estime-t-il. Toujours au chapitre de sa création, notre
interlocuteur nous a indiqué que ce projet a été a validé après la bipartite tenue en 2003. "Nous
sommes dans cette perspective. L'actionnariat est libre et individuel. Le Fonds est bien le fruit
d'une approche très partenariale. A travers ces deux missions, PME et information économique et
financière, le Fonds est appelé aussi à ramener des ressources pour effectuer ses missions."
L’ACTUEL / Mars 2010 - 13
150 millions de dinars ont
été alloués au Fonds de
soutien à l’investissement
Le montant alloué pour chacune
des PME dans le cadre de leur
mise à niveau peut atteindre
8 millions de dinars, avec un
montant initial de la part de
ladite entreprise.
L'action du Fonds est évaluée à 200 DA, c'est là sa valeur fiscale fixée par la loi. Il y a une
bonification accordée par la loi de 10%. Cette action est investie dans la PME. Elle est une
épargne de longue durée. Généralement, le bénéfice en est tiré après les départs en retraite. Il
s'agit bien d'un complément de revenus aux retraités. Bien entendu, en cas de situations
exceptionnelles vécues par le souscripteur, il peut être fait le rachat par le Fonds du placement,
explique M. Tessa.
Quel est le champ d'activité dudit Fonds ? Il s'agit du secteur bancaire et financier, d'autant
qu'il s'agit d'un secteur "serein et sans véritables problèmes syndicaux". En d'autres termes, le
choix de ce secteur pour l'enregistrement des éventuels souscripteurs trouve son essence, laisse
entendre M Tessa, dans le fait que la majorité des employés ne connaissent pas de véritables
problèmes, et que l'opération aura des fortes chances de réussir, notamment avec le concours de
la Fédération nationale du secteur bancaire et assurance (UGTA).
Utile d'indiquer dans ce sens que la centrale syndicale a encouragé la mise en place du Fonds
de soutien à l'investissement pour l'emploi (FSIE) pour que les capacités de solidarité des
travailleurs puissent être mises au service de la création et du maintien de l'emploi dans les
entreprises algériennes. "Si l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) a initié ce fonds,
c'est parce qu'elle veut s'adapter à l'évolution du monde et aux contraintes de l'économie afin
de répondre aux nombreux besoins des travailleurs", nous a expliqué Aissa Annou, secrétaire
général de la Fédération nationale du secteur bancaire et assurance et membre du conseil
d'administration du Fonds. Pour la même source, la contribution de l'UGTA porte pour l'essentiel
sur l'encouragement de l'épargne des travailleurs, sur sa collecte en vue de la transformer en
capital pour la rendre plus productive, notamment en investissant dans les PME pour les aider
à sauvegarder et à promouvoir l'emploi. S'agissant des PME concernées par le financement du
FSIE, elles doivent répondre, selon notre interlocuteur, à un certain nombre de conditions. "Les
entreprises éligibles aujourd'hui doivent être des SPA ayant au moins trois années d'exercice. Ce
sont ces entreprises qui sont éligibles au financement du Fonds. L'investissement est à hauteur
de 15%. Le Fonds fait de la participation, il peut être à l'origine aussi de montages financiers,
le promoteur doit faire la preuve que son projet est porteur", explique-t-il„
Hayet Ouzayed.
L’ACTUEL / Mars 2010 - 14
Programme de mise à niveau des entreprises PME- II
en vitesse de croisière
Afin d'assurer sa pérennité et de faire face à la
concurrence tous azimuts, les petites et moyennes
entreprises algériennes (PME) doivent se mettre
aux normes internationales.
Ce challenge, au demeurant capital et indispensable,
doit être épaulé par les pouvoirs publics.
D
ans le cas de l'Algérie, les programmes
d'appui aux PME suivent leur cours,
quoique les bons résultats peinent à
se faire sentir. Prmi les programmes phares
visant la mise à niveau de nos PME, est celui
appelé programme d'appui PME-II. Il a
même identifié plusieurs filières industrielles
et présélectionné une centaine d'entreprises
privées pour contribuer à l'émergence
d'"entreprises championnes" dans leur secteur.
Entré en vigueur en mai 2009 pour une durée
de trois ans, PME-II, qui est un programme
d'appui aux PME/PMI et à la maîtrise des
Technologies de l'information et de la
communication, est un projet mis en place en
collaboration avec l'Union Européenne (UE)
dans le but de soutenir la modernisation et le
développement de cette catégorie d'entreprises
en leur fournissant l'assistance technique et la
formation spécifique.
Ce programme est doté d'une enveloppe
financière de 44 millions d'euros dont 40
millions proviennent de l'UE, 3 millions de
l'Algérie et 1 million d'euros de contributions
de l'ensemble des PME bénéficiaires dont
chacune finance à hauteur de 30% du coût
global des prestations dont elle bénéficie.
Selon le directeur national de ce programme,
M. Abdeldjalil Kassoussi, la cinquantaine d'experts
nationaux et étrangers engagés, à présent dans ce
programme a déjà retenu les secteurs de la
mécanique, de la métallurgie, de l'agroalimentaire,
de la production pharmaceutique, des matériaux
de construction, et des technologies de l'information
et de la communication (TIC). Pourquoi ces filières ?
Le choix de ces filières est dicté, souligne la
même source, par la priorité accordée par les
autorités publiques pour le développement d'une
économie nationale diversifiée et par les orientations
contenues dans la convention de financement
signée en 2008 entre l'Algérie et l'UE dans le cadre
de ce programme.
A cet effet, 200 PME ont été contactées
(employant au moins 20 ouvriers et réalisant un
chiffre d'affaires égal ou supérieur à 100 millions
de dinars) dont une centaine ont été présélectionnées
pour prendre part à l'élaboration de diagnostics
portant sur leur situation et sur leur environnement.
Ces diagnostics servent notamment à la mise en
place de programmes de formation et d'expertise
appropriés visant à consolider les acquis des
entreprises ayant déjà bénéficié de programmes
de mise à niveau et jouissant d'un niveau de
développement assez avancé en comparaison avec
le reste des PME de leur secteur.
L’ACTUEL / Mars 2010 - 16
Les premières carences
mises en valeur
Les premiers résultats de ces diagnostics révèlent
que les entreprises industrielles présentent
plusieurs carences tels la faiblesse sur le plan de
la production, un manque de culture industrielle,
des difficultés de gestion interne et d'accès
aux marchés publics, ainsi que des difficultés
d'obtention des crédits bancaires. En outre,
d'autres enquêtes ont été lancées ou le seront
prochainement dans le but d'identifier les
besoins des différents bénéficiaires de PME-II
en matière de formation et d'expertise.
A titre d'exemple, une étude sera lancée cette
année pour déterminer les capacités des PME
du secteur des TIC à prendre part au programme
"E-Algérie 2013" mis en place par le ministère
de la Poste et des Technologies de l'information
et de la communication dans le but de favoriser
l'émergence de l'économie numérique.
L'objectif principal de cette étude, selon ce
responsable, est d'aider les PME, à travers
des formations et une assistance techniques
spécifiques, à décrocher un maximum de marchés
dans le cadre du programme "E-Algérie 2013",
afin de leur permettre de se développer et
d'accentuer leur compétitivité sur les plans
national et international. "Le risque dans ce genre
de projet (E-Algérie 2013) est de voir des
firmes étrangères venir vendre leurs prestations
et repartir avec des gains financiers sans qu'il y
ait un impact sur le tissu industriel local", a-t-il
mis en garde.
Par ailleurs, des réunions ont été tenues avec les
ministères des secteurs concernés (ministères de
la PME et de l'Artisanat, de l'Industrie et la
Promotion des investissements et de la Poste et
des Technologies de l'information) afin de
contribuer à des actions menées en faveur de la
mise à niveau des PME.
Des contacts ont également été établis avec des
associations professionnelles activant dans les
filières identifiées afin de s'enquérir de leurs
besoins en matière de formation et de mise à
niveau. Quant à la différence entre ce nouveau
programme et ceux des mises à niveau mis en
place durant les années précédentes, notre
interlocuteur a expliqué que ce projet se distingue
non seulement par le fait que trois ministères y
contribuent (et non celui de la PME seulement
comme auparavant) mais aussi par sa méthode
qui consiste à identifier les secteurs à valeur
ajoutée et par l'importance qu'il consacre à la
qualité à travers l'assistance technique et l'expertise
qu'il propose aux organismes concernés :
Institut algérien de la normalisation (IANOR),
Organisme algérien d'accréditation (Algerac)
et Office national de la métrologie légale
(ONML)„
H. O.
L’ACTUEL / Mars 2010 - 17
Entretien
Slim Othmani, PDG de NCA Rouiba à L’ACTUEL :
“
Je suis inquiet pour l'Algérie
parce qu'il n'y a pas une
vision claire pour
mon pays
“
Entretien réalisé par Hayet Ouzayed
Dans cet entretien à bâtons
rompus, Slim Othmani, PDG
de NCA Rouïba (anciennement
Nouvelle Conserverie Algérienne),
une entreprise spécialisée dans la
fabrication des jus, indique que les
mesures prises dans le cadre de
la LFC 2009, notamment la lettre
de crédit comme seul instrument
de paiement, posent problème.
Ceci parce que cette dernière
est coûteuse et qu'elle traduit
l'absence de la construction de
confiance entre un fournisseur et
un acheteur, et surtout elle n'est
pas justifiée comme essayent de
le faire croire les pouvoirs publics.
A propos des principales
contraintes rencontrées par
les exportateurs algériens,
M. Othmani explique qu'il s'agit du
coût des intrants et de la lourdeur
de la chaîne logistique algérienne,
ainsi que la qualité du produit
algérien, car l'outil de production
n'est pas suffisamment mis à
niveau.
Quelle est votre appréciation des réformes ou
mesures prises dans le cadre de la Loi de
finances complémentaire 2009 ; et pensez-vous
qu'elle parviendra à structurer les projets
d'investissement vers les secteurs porteurs
d'emploi ?
Comme vous le savez, la loi de finances
complémentaire 2009 a été sujette à beaucoup
de controverses de la part du monde de l'entreprise.
Il est important de comprendre qu'il y a deux
volets dans cette LFC. D'abord tout le volet
d'accompagnement, de promotion et d'incitation
à l'investissement, puis celui qui a trait aux
pseudo-corrections et pseudo-ajustements apportés
à l'économie pour réduire la facture des importations.
Sur le volet incitatif, il y a quelques mesures qui ont
été relativement bien accueillies par le monde de
l'entreprise car sur papier elles redonnent espoir à
qui veut entreprendre. Je dis bien sur papier car dans
la réalité la mise en œuvre est un véritable casse-tête
qui découragerait plus d'un. Mais retenons que
l'intention est au rendez-vous, ce qui est un bon
signe. Pour ce qui est des mesures controversées, on
trouve essentiellement celle liée aux modalités de
fonctionnement de l'économie algérienne avec
l'imposition d'un seul mode de paiement des
opérations de commerce extérieur : la lettre de
crédit. Je n'aborderai pas les mesures liées aux IDE
qui méritent, à elles seules, toute une interview.
La lettre de crédit est un instrument qui pose
problème, car d'une part elle est coûteuse et d'autre
part elle traduit le non établissement de liens de
confiance entre fournisseurs et acheteurs, ce qui est
grave en soi. Oui, la lettre de crédit sécurise les
transactions pour le fournisseur. Non, la lettre de
crédit ne sécurise pas les transactions pour l'acheteur.
Entretien
De plus, la traçabilité d'une transaction transitant
par le canal bancaire est tout aussi consistante
que ce soit pour une lettre de crédit que pour un
transfert libre. Je réfute donc tous les arguments
vantés ici et là pour justifier une telle mesure
affectant dangereusement l'économie dans son
ensemble.
Pour répondre directement à votre question, je
ne pense pas que ces mesures seront à même
d'attirer les investisseurs nationaux et encore
moins les investisseurs internationaux. La
confiance des marchés se gagne, elle ne s'impose
pas par la force.
S'agissant de la lettre de crédit, pensez-vous
que l'obligation faite aux entreprises de
recourir à ce mode de paiement est justifiée ?
Non, absolument pas. On aurait parfaitement pu
réduire les importations en faisant exclusivement,
ou en appliquant exclusivement la lettre de crédit
pour les opérations d'un certain montant (au-delà
de 50.000 ou 100.000 euros) et ce pour une
période temporaire n'excédant pas trois mois.
On aurait pu également dispenser le monde de
l'industrie du recours exclusif aux lettres de
crédit. De même certains secteurs d'activité aussi
stratégiques que ceux des médicaments, du
paramédical, des TIC et certainement bien d'autres
auraient pu être dispensés de cette contrainte.
On nous parle aujourd'hui de l'installation
de commissions pour évaluer les mesures
d'assouplissement qui pourraient être mises en
œuvre, car on s'est rendu compte qu'effectivement
la lettre de crédit a engendré d'importants
dysfonctionnements de la sphère économique
algérienne et, plus grave, la LFC 2009 a
artificiellement fabriqué l'inflation et a érodé le
pouvoir d'achat des ménages algériens. Cela fait
trois mois que ces commissions sont installées
et nous n'avons toujours rien vu !
Quel est, selon vous, l'élément clé qui pourrait
servir aujourd'hui de déclic pour redynamiser
la sphère économique nationale ?
Le déclic pourrait venir d'un seul mot, d'une seule
attitude : "la confiance". Il faut impérativement
que le gouvernement commence à avoir confiance
en ces chefs d'entreprise, en ces hommes d'affaires
et en ces industriels qui travaillent pour leur pays.
Contrairement à ce qui est dit, nous consacrons
énormément de temps et d'énergie pour le
développement de nos entreprises. Nous croyons
en notre marché, et nous pouvons faire beaucoup
mieux si le climat d'affaires y était meilleur et plus
propice à l'esprit d'entreprendre. La compétitivité
ne doit pas être une simple vue de l'esprit, elle doit
se traduire par des décisions courageuses que l'Etat
doit prendre et assumer, tout en évitant les chasses
aux sorcières stériles qui jettent l'anathème sur le
secteur privé.
Quels sont les moyens qui pourraient rétablir
cette confiance entre le monde de l'entreprise
et le gouvernement ?
L'une des clés de la résolution du problème,
c'est le patronat. En effet, le patronat n'est pas
suffisamment structuré, pas suffisamment solidaire,
pas suffisamment proactif, toujours en réaction et
jamais en anticipation. Il n'alimente pas la réflexion
et le débat économique par des propositions sur
des sujets le concernant, ou très peu, et ne porte
pas en lui un projet ou une vision pour l'Algérie de
demain. C'est pour toutes ces raisons que je pense,
et c'est dans son intérêt et celui de l'Algérie, que
le gouvernement a un rôle primordial à jouer dans
le rapprochement de toutes ces organisations
patronales.
L’ACTUEL / Mars 2010 - 22
“
La lettre de crédit est un moyen
de paiement qui pose problème,
parce qu'elle est coûteuse, et
parce qu'elle traduit l'absence de
la construction de confiance entre
un fournisseur et un acheteur
Quelles sont, dans l'état actuel des choses, les
principales contraintes de nos exportateurs ?
Les principales contraintes à l'exportation sont
le coût des intrants et la lourdeur de la chaîne
logistique algérienne. En un mot la compétitivité.
On ne peut pas supporter le poids de la bureaucratie
de l'administration et les lourdeurs des contraintes
douanières. Tout cela est un réel frein à l'exportation.
Certainement, et c'est d'ailleurs discutable, que la
parité dinar-euro est aussi actuellement un frein à
l'exportation du produit algérien.
On peut aussi traiter du volet de la qualité du
produit algérien comme frein à l'exportation. En
effet, l'outil de production n'étant pas encore mis à
niveau, à l'exception de quelques rares entreprises
et la formation des hommes demeurant largement
insuffisante, la sanction est immédiate puisqu'elle
se traduit par la non-qualité.
Beaucoup reste à faire en termes de qualité, tous
secteurs confondus, mais il est important de souligner
que beaucoup d'efforts ont été entrepris par des
industriels, ceci indépendamment des timides
programmes de mise à niveau mis en œuvre par le
gouvernement. En effet on ne réalise pas le bond
qualitatif opéré par certains industriels algériens
mettant leurs produits aux standards internationaux
sur leurs fonds propres sans recours à une
quelconque forme d'aide. Alors que dans les
pays voisins on assiste à de véritables opérations
“
commando de mise à niveau entreprises par les
gouvernements conscients du rôle déterminant de
l'entreprise. Je m'interroge sur le pourquoi d'un
tel retard dans la mise en œuvre du programme
"mise à niveau Algérie". Je m'interroge sur le
pourquoi d'une enveloppe aussi petite consacrée
à ce programme compte tenu de l'ampleur de la
tâche. Ceci nous renvoie au problème de "confiance"
évoqué précédemment. On ne croit pas en
l'entrepreneur algérien.
Que faut-il faire pour promouvoir le produit
algérien ?
Il y a deux aspects. D'abord, celui de l'image de
l'Algérie. Je ne parle même pas du produit, mais
bien de l'image du pays Algérie. Notre pays se doit
de redevenir une destination attractive tant pour le
tourisme que pour les affaires. L'Algérie ne doit
plus être perçue comme étant ce pays qui fait peur.
Et là, je ne parle pas uniquement de terrorisme.
Oui c'est un pays qui a une image négative, il faut
accepter la critique et travailler pour que cette image
qui nous colle au pays (si je puis dire) disparaisse
à jamais. Il faut retravailler l'image de l'Algérie en
gardant le sourire pour que notre pays devienne
plus accueillant aussi bien pour nos enfants que
pour les étrangers. Naturellement, les produits
fabriqués en Algérie vont se greffer à cette image
accueillante, et ce sera à l'opérateur économique
de faire des efforts dans les règles de l'art, comme
cela se fait un peu partout dans le monde, pour
vendre son produit. Il revient donc aux pouvoirs
publics la responsabilité avec la société civile, de
reconstruire l'image de l'Algérie à laquelle nous
aspirons tous, d'élaborer le plan marketing et
communication associé pour faire en sorte que ce
changement culturel devienne réalité.
L’ACTUEL / Mars 2010 - 23
Entretien
De façon plus pragmatique, il faut aussi se donner
les moyens d'une politique tournée vers l'export, et
que l'institution Banque d'Algérie (BA) comprenne
que quand on veut exporter un produit, il faut un effort
financier à faire en dehors du territoire algérien qu'il
faudra payer d'une manière ou d'une autre. La
bureaucratie tatillonne qui se manifeste dès qu'il s'agit
d'exporter des devises pour aller ouvrir un bureau de
représentation à l'étranger ou ouvrir une unité de
production dans un autre pays découragera tous les
efforts des entrepreneurs. Continuer à afficher une
telle crispation autour de tout ce qui touche aux flux
de devises est sincèrement contreproductif. Seul le
dialogue sera à même de lever tous ces malentendus.
Revenons à un sujet qui me tient à cœur et que
j'ai évoqué il y a quelques instants : la formation.
Aujourd'hui, l'Algérie a un besoin énorme de
formation, et un besoin énorme de compétences.
Les pays voisins et tous les pays qui n'ont pas de
devises aident leurs citoyens à aller étudier à l'étranger.
Comment ? Il suffit seulement que ces personnes
ou leurs familles déposent un dossier au niveau du
guichet bancaire pour que la prise en charge de leurs
études à l'étranger soit effective via leurs comptes
en monnaie locale (quel que soit le pays) et sans
ségrégation aucune (je veux dire quel que soit le
type d'études entreprises) car il faut de tout pour
faire une économie comme il faut de tout pour faire
un monde. Pourquoi interdire à un Algérien d'en
faire autant ? Pourquoi l'obliger de passer par le
Square Port Saïd pour payer des études à ses
enfants, s'il veut que ceux-ci aillent dans les plus
prestigieuses universités ? Tant de pourquoi … !
C'est important pour l'entreprise Algérie car cette
dernière n'a pas la capacité de satisfaire ses besoins
en ressources humaines, tant qualitativement que
quantitativement et il faudra qu'elle accepte que
beaucoup de ses enfants soient formés dans d'autres
pays et plus particulièrement dans les pays avancés
technologiquement. De ces enfants formés à l'étranger
avec l'argent de leurs parents, certains reviendront
dans leur pays d'origine, porteurs d'autres savoirs et
d'autres resteront et enrichiront la diaspora, cette
communauté trop longtemps ignorée et encore une fois
malmenée par la LFC 2009 puisqu'elle les oblige à
s'associer à un Algérien résident s'ils souhaitent investir
dans leur pays d'origine : une sanction totalement
injustifiée et qu'il faudra rapidement réparer.
Dans un autre registre, selon certains
économistes, le fait que le secteur privé
algérien soit dominé par des entreprises
familiales constitue un frein pour le développement de l'économie nationale. Comment
analysez-vous cette hypothèse ?
Je n'analyse pas, mais chaque fois que j'entends
cette phrase-là, je me dis que la personne qui s'est
dotée du qualificatif d'économiste et de spécialiste
et qui a dit que l'entreprise familiale est un frein
pour l'économie nationale, je m'arroge le droit de
lui enlever tous les qualificatifs associés à sa
pseudo-compétence.
Il est sidérant que des individus décrient autant
l'entreprise familiale qui, plus est, ils occupent de
hautes responsabilités au sein de l'appareil de l'Etat.
Dans le monde, 80% des entreprises sont familiales.
Ainsi des entreprises comme WW, Mercedes, Bel,
Danone sont des entreprises familiales. Je pourrais
vous en citer des centaines, voire des milliers très
connues dans le monde.
Non, ce n'est pas péjoratif, bien au contraire c'est une
force. Malheureusement, les décideurs algériens en
ont décidé autrement puisqu'ils ne cherchent pas à
exploiter ce potentiel. Bien au contraire ils cherchent
à le neutraliser. J'aimerais bien comprendre le
pourquoi de cette étiquette péjorative. C'est
réellement le seul pays au monde qui cherche à
le faire. Alors il faudrait bien qu'ils m'expliquent,
ces fameux experts et spécialistes en économie,
pourquoi notre modèle d'entreprise familiale est un
frein au développement de l'économie nationale !
Il y a certes des pratiques de gestion contestables,
dans certaines entreprises algériennes qui sont
liées davantage à la lourdeur et à la complexité du
système et qui ont poussé ces entreprises à s'engager
dans des voies informelles. Mais ce n'est pas
particulier à l'Algérie, le même phénomène est
observé dans tous les pays du monde, la situation
s'aggrave proportionnellement à la complexité de
l'environnement des affaires. Mais aussi pour
d'autres raisons plus honteuses : l'incompétence et
analphabétisme des dirigeants. On a mis trop vite
tout le monde dans le même sac car cela encore
une fois s'inscrit en ligne droite avec le manque de
confiance vis-à-vis du monde de l'entreprise.
L’ACTUEL / Mars 2010 - 24
corruption, mais rappelons encore une fois que
nous avons traversé une période terrible pour notre
cher pays. On a apporté des réponses par la
Réconciliation nationale et par des prises en charge,
des accompagnements et des soutiens à des pans
entiers de l'économie. Il faut continuer et aller plus
loin. Oui je suis favorable à une forme d'amnistie
fiscale dont il faudra discuter les contours ensemble :
administration et patronat.
Estimez-vous qu'une amnistie fiscale soit
nécessaire pour favoriser la relance de l'activité
économique ?
Je peux vous dire que l'amnistie fiscale est le mot que
n'aime pas du tout l'administration fiscale algérienne,
car elle n'a pas cherché à mesurer l'impact d'une telle
mesure pour rétablir la sacro-sainte confiance si
indispensable au bon fonctionnement de l'économie.
Analysons la situation. L'administration fiscale
algérienne et le ministère des Finances, sont en plein
chantier de mise à niveau et restructuration. Celle-ci a
entre autres objectifs l'installation d'un système fiscal
moderne, juste et équitable. Mais on ne peut pas
mener de front un tel projet (cette mise à niveau qui
veut dire informatisation, formation, basculement
vers un nouveau système comptable et financier,
décentralisation…) et annoncer, en parallèle, que tout
le passé des fraudeurs sera scruté à la loupe, quel que
soit le présumé fraudeur et que la logique répressive
sera prépondérante à une logique coopérative.
Cette stratégie n'a pas d'avenir et elle n'aura pour
conséquence que d'exacerber la relation entre les
contribuables et l'administration fiscale. Tous les pays
ont essayé de résoudre les problèmes fiscaux engendrés par un passé tumultueux (puisqu'on a un passé
tumultueux) et ceci à travers des actions simples à
mettre en œuvre. Les USA, l'Italie, la France et bien
d'autres pays ont mis en place de telles mesures dont
on pourrait s'inspirer. Mais je suis étonné que ce ne
soit pas seulement le gouvernement qui s'oppose à
l'amnistie fiscale, il existe aussi certains entrepreneurs
et opérateurs économiques algériens qui m'ont
surpris par leurs déclarations en disant qu'il faut punir
ceux qui n'ont pas payé l'impôt. Bien sûr, il faut
punir ceux qui enfreignent la loi et il y a certes des
crimes économiques qu'il faudra exclure, comme la
Parmi les personnalités ayant affiché un
certain scepticisme et réserves au projet de
l'Union pour la Méditerranée (UPM), figure
Slim Othmani. Pourquoi ?
Je n'ai pas affiché une certaine réserve. Je comprends
l'utilité d'un tel projet fédérateur de la région
méditerranéenne, mais je suis aussi réaliste car il
existe des entraves tout à fait claires et précises
accessibles au commun des mortels. Il s'agit
du problème israélo-palestinien qui continue à
empoisonner la réalisation de ce projet, celui du
Sahara Occidental également qui a induit un
contentieux entre le Maroc et l'Algérie sans
oublier la relation France-Algérie qui reste
toujours très tendue et il doit y en avoir bien
d'autres. Tous ces problèmes ne permettront pas
d'envisager ce projet d'une façon sereine, et c'est
pour cette raison que je me suis posé la question.
C'est bien beau de rêver, mais il faut quand même
une certaine dose de réalisme.
Je vous laisse le soin de conclure ….
Le dernier mot, c'est que je suis inquiet pour
l'Algérie par ce que je ne vois pas aujourd'hui
se dessiner une vision claire pour mon pays,
un véritable projet fédérateur. Je ne vois pas se
dessiner ce rêve, cette véritable aspiration de toute
une jeunesse désabusée. S'il n'y a pas de rêve, il
n'y a pas de vie. Il faut impérativement que cette
vision soit construite ensemble, qu'elle soit adoptée,
qu'elle soit partagée, qu'elle soit communiquée,
qu'elle soit inscrite au cœur de notre quotidien.
"Ce n'est pas le marteau qui a rendu ces pierres si
parfaites, mais l'eau avec sa douceur, sa danse et sa
chanson. Là où la dureté ne fait que détruire, la
douceur parvient à sculpter"… (Paolo Coleho)„
L’ACTUEL / Mars 2010 - 25