l`avenir des - Côtes d`Armor 2mille20

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l`avenir des - Côtes d`Armor 2mille20
Les objectifs du schéma Armoroute sont bien entendu
l’attractivité de nos territoires, le développement économique, mais aussi le développement durable et solidaire et la
prise en compte des enjeux environnementaux, tous thèmes
qui sont abordés par nos intervenants. La méthode, c’est ce
négociation qui doit aboutir à élaborer notre nouveau
schéma départemental Armoroute 2020 pour le début de
l’année 2008. De nombreuses réunions sont prévues, au
cours de cette année, avec l’ensemble de nos partenaires
élus, économiques, représentants de la vie sociale, associations de défense de la nature. Mais auparavant, je souhaitais
que nous puissions disposer des réflexions sur la vision
prospective, par des experts, de la tonalité, du contexte, de
la recherche sur les modes de transport. »
Claudy Lebreton,
président du conseil général
des Côtes d’Armor.
C
et ouvrage retrace la session extraordinaire du conseil
général qui s’est déroulée le 22 mai 2007 sur le thème
de l’avenir des déplacements en Côtes d'Armor.
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éditions de l’aube
l’aube ouest
partenaires, le dialogue et, de plus en plus, cette idée de la
L’avenir des déplacements en Côtes d’Armor
que j’appelle l’esprit de réforme, avec l’information de nos
L’AVENIR DES
DÉPLACEMENTS
EN CÔTES D‘ARMOR
Armoroute 2020
l’ aube ouest
aussi avec la perspective de Côtes d'Armor 2020. […]
François de Singly
« Cette session extraordinaire sur Armoroute a lieu dans
le cadre de l’actualisation du schéma départemental, et
L’avenir des déplacements
en Côtes d’Armor
Armoroute 2020
La collection Bibliothèque des régions
est dirigée par Jean Viard
Série l’Aube Ouest
Texte établi sous la responsabilité de l’éditeur
Dans la même série :
Regards d’aujourd’hui, regards de demain, 2007
L’avenir de l’agriculture en Côtes d’Armor, 2007
Hervé Le Bras, La Bretagne en mouvement. Terrains
­­­­démographiques, politiques et sociaux de l’avenir, 2008
L’avenir des déplacements
en Côtes d’Armor
Armoroute 2020
Session extraordinaire du 22 mai 2007
Conseil général des Côtes d’Armor
présidé par Claudy Lebreton
© Éditions de l’Aube et conseil général
des Côtes d’Armor, 2008
www.aube.lu
ISBN 978-2-7526-0399-9
éditions de l’aube
Avant-propos
Claudy Lebreton Ce livre est issu de la session extraordinaire
du conseil général des Côtes d’Armor consacrée
au schéma départemental des routes et déplacements
qui s’est déroulée le 22 mai 2007
Cette session extraordinaire sur Armoroute a lieu
dans le cadre de l’actualisation du schéma départemental et aussi avec la perspective de Côtes d’Armor
2020. Il faut rappeler que c’est en 1978 que l’assemblée
départementale a initié le premier schéma départemental d’aménagement routier. Félix Leyzour, président
de la Commission des infrastructures routières et des
transports d’alors, en a été le maître d’œuvre, et il l’est
toujours, puisque tous les cinq ans, nous actualisons
ce schéma. Au total, ce sont pratiquement 220 millions d’euros qui ont été consacrés à Armoroute. C’est
une satisfaction et les Costarmoricains ne s’y sont pas
trompés lorsqu’ils se sont exprimés dans le cadre du
questionnaire que nous leur avons adressé à propos des
politiques départementales. 70 % ont dit leur satisfaction à ce qui concerne le réseau routier départemental.
Il est vrai que beaucoup d’efforts ont été consentis dans
le cadre des axes routiers les plus importants au niveau
départemental, ce qu’on appelle le réseau A. Nous
avons aussi bien entretenu le réseau B et le réseau
Président du conseil général des Côtes d’Armor.
des routes départementales secondaires à faible trafic.
Aujourd’hui, nous pouvons tirer satisfaction du travail
entrepris depuis trente ans mais c’est aussi le cas pour
l’ensemble de la population.
Le contexte actuel n’est pas celui des années 1970,
et les choses ont beaucoup changé. D’abord, les modes
de déplacement s’abordent avec l’esprit du transport
par route, que ce soient les voyageurs à titre personnel, individuels, ou les transports de marchandises,
certainement le mode de transport le plus usité dans
notre pays, en Europe et dans le monde. Par ailleurs,
les véhicules automobiles ont beaucoup changé – nous
sommes loin du temps de la Traction, de la Dauphine,
de la R12 : ils utilisent de plus en plus d’intelligence
embarquée avec tous les traitements informatiques,
les matériaux utilisés, matériaux composites en ce qui
concerne les carrosseries automobiles. Dans le domaine
de la sécurité également, il y a maintenant des limitations de vitesse partout. Le gabarit des véhicules de
transport de marchandises a évidemment beaucoup
évolué et nous avons dû constamment nous adapter
voire anticiper les modes de transport.
Toutes ces évolutions sont à prendre en compte
dans l’abord de ce schéma départemental d’aménagement routier. C’est pour cela que nous avons voulu qu’il
y ait une intervention d’experts sur la ­démarche prospective des transports en 2050 : il s’agissait de mesurer
l’évolution du transport de voyageurs et du transport
de marchandises, avec la logistique, à l’échelle des
terri­toires français, breton et costarmoricain, et l’innovation en matière de transports, de déplacements et de
sécurité. Là aussi, la demande exprimée par ­l’ensemble
de nos compatriotes, mais plus sûrement par leurs
représentants légitimes, les maires, les conseillers
généraux, les conseillers régionaux, s’est progressivement modifiée. Il y a beaucoup de demandes de routes
départementales, de déviations de villages, ce qu’on
appelle les rocades : rocades urbaines, rocades pour les
collectivités rurales et les gros bourgs, les villes moyennes et autres ; plus que de réalisations intervillages ou
interurbaines, même s’il reste encore des travaux à
réaliser dans ce domaine.
Nous sommes dans un nouveau contexte, par la
loi du 13 août 2004 qui transfère une partie du patrimoine routier national au patrimoine départemental ;
ce sont des milliers de kilomètres qui deviennent
« routes nationales d’intérêt local » ; c’est une partie du
personnel qui entretenait ces routes nationales qui est
désormais accueilli dans les services départementaux
des infrastructures et des transports ; c’est la prise en
compte, pour le département des Côtes d’Armor,
de la territorialisation de nos politiques publiques,
y compris la politique publique d’aménagement des
territoires et des infrastructures ; c’est la nouvelle organisation administrative du service départemental avec
nos ­agences techniques départementales, nos antennes
et nos ­centres d’exploitation.
La protection de l’environnement est venue impacter nos réflexions, et toutes les décisions politiques :
il faut que nous ayons cette nouvelle culture avec la
formation des élus, celle des personnels territoriaux, et
que nous pensions toujours infrastructures en lien avec
préservation de notre environnement. À ce titre, nous
avons à stimuler les modes de déplacement collectif des
v­ oyageurs dans le département : nous avons d’ores et
déjà les Tibus (car interurbain à 2 euros), le « ticoto.fr »,
pour le covoiturage, qui se développent.
L’intermodalité des modes de transport est aussi un
thème qui désormais s’insère dans nos réflexions : que
ce soit dans le domaine maritime, aérien ou ferroviaire.
Les départements sont appelés, en termes de solidarité
et de partenariat, à financer les nouvelles infrastructures ferroviaires ainsi que les gares, donc le transport
routier dans l’intermodalité.
Et puis le département des Côtes d’Armor a choisi
de s’investir dans les « systèmes de transport intelligent ». ITS Bretagne, dont je suis le président, a été
constitué avec les centres de recherche, les centres de
formation, la plupart des collectivités bretonnes : la
région, les quatre départements, les grandes agglomérations sont partie prenante de ITS Bretagne. Et
nous avons l’opportunité, avec une délégation costarmoricaine régionale et nationale, avec ma fonction de
président de l’ADF, de participer au congrès mondial
des ITS d’octobre 2007 à Pékin.
Les objectifs du schéma Armoroute sont bien
entendu l’attractivité de nos territoires, le développement économique, mais aussi le développement
durable et solidaire et la prise en compte des enjeux
environnementaux, tous thèmes qui sont abordés par
nos intervenants. La méthode, c’est ce que j’appelle
l’esprit de réforme, avec l’information de nos partenaires, le dialogue et de plus en plus cette idée de la
négociation qui doit aboutir à élaborer notre nouveau schéma départemental Armoroute 2020 pour le
début de l’année 2008. De nombreuses réunions sont
­prévues, au cours de cette année, avec l’ensemble de
nos partenaires élus, économiques, représentants de la
vie sociale, associations de défense de la nature. Mais
auparavant, je souhaiterais que nous puissions disposer
des réflexions sur la vision prospective par des experts,
de la tonalité, du contexte, de la recherche sur les
modes des transports, et qu’ensuite un échange avec les
membres de l’assemblée départementale vienne enrichir cette démarche.
Première partie
Les transports :
perspectives, évolution et innovations
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I
Une prospective des transports 2050
Jean-Noël Chapulut Le Conseil général des ponts et chaussées est un service du ministère de l’Écologie, du Développement et de
l’Aménagement durables, chargé à la fois de l’inspection
des services et de donner des conseils au ministre et à
ses directeurs sur les actions qui sont de leur ressort. En
2002, le gouvernement a demandé un audit des grandes
infrastructures de transports du pays, notamment sur les
lignes à grande vitesse et les grandes infrastructures routières et aéroportuaires. Cet audit, qui a été examiné par
le Parlement, a fait l’objet de certaines critiques dont
celle de ne s’être pas suffisamment porté en avant et de
n’avoir pas suffisamment fait de prospective. Sensibles à
ces critiques, nous avons immédiatement constitué une
équipe, essentiellement des membres du CGPC mais
également des experts du ministère et des chercheurs
de l’Institut national de recherche sur les transports et
leur sécurité (Inrets). De 2003 à 2005, nous avons élaboré une réflexion sur ce que pourrait être le monde des
transports dans une projection à 2050.
Ingénieur général des Ponts et Chaussées.
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Lorsque l’on entame une réflexion sur un objectif
aussi lointain que 2050, on a de grandes chances de
faire des erreurs. Pourquoi 2050 ? Parce que l’audit
avait montré qu’en matière de transports, le temps
joue un grand rôle sur les décisions. Entre le moment
où l’idée d’une grande infrastructure émerge et le
moment où elle est réalisée, une bonne vingtaine d’années s’écoulent, parfois plus. Ensuite, comme il s’agit
d’un investissement lourd, une trentaine d’années sont
nécessaires pour le rentabiliser d’un point de vue économique pour la collectivité. C’est donc à un terme de
l’ordre de cinquante ans que la réflexion doit s’établir.
Nous avons fait appel à des experts à la fois dans le
monde public et dans le monde de l’entreprise, dans
le monde privé en général, puis, en cours de route et
surtout à la fin, nous avons testé ce qui émergeait avec
des groupes spécialisés d’experts.
Nous avons procédé dans le cadre de la ­ démarche
assez classique de prospective, à savoir que l’on
­commence par faire une rétrospective sur la même
durée que celle dans laquelle on se projette. Nous avons
ensuite construit des scénarios généraux d’aménagement, des scénarios d’évolution du monde puisque nous
sommes dépendants du monde extérieur. Nous avons
choisi des futurs possibles et des cheminements, traitant
assez peu des crises et des ruptures. Puis nous avons
modélisé nos hypothèses. Enfin, nous en avons tiré des
enseignements et dégagé les principaux enjeux.
Rétrospective
La rétrospective montre une évolution concernant
les transports extrêmement importante au cours des
cinquante dernières années, qui a été provoquée par
cinq facteurs principaux :
1) l’accroissement de la richesse (multipliée par trois à
quatre sur cette période) ;
2) l’ouverture des économies avec le traité de Rome et,
plus largement, l’ouverture au commerce mondial qui
a amené des échanges importants ;
3) la transformation des modes de vie, en particulier
de l’habitat et de l’automobile : il n’y avait pratiquement
pas d’automobiles et le taux de motorisation était extrêmement faible (pratiquement tous les ménages sont
maintenant motorisés, beaucoup sont bi-motorisés) ;
4) une énergie abondante et à bas prix, un phénomène
qui risque de ne pas se reproduire dans l’avenir (rappelons qu’en valeur actuelle, en 1970, le baril de pétrole
était à 10 dollars et en 2000 à 33 dollars) ;
5) enfin, le développement des transports rapides : on
a un peu oublié ce qu’était la France des années 1960
en termes de réseaux rapides, c’est-à-dire autoroutes,
lignes à grande vitesse et aéroports. Il y avait quelques
fragments d’autoroutes aux sorties de Paris, Lyon,
Marseille et Lille. Aujourd’hui, c’est un réseau pratiquement complet qui couvre l’ensemble du territoire, y
compris sur le réseau breton qui est à caractéristiques
autoroutières. Le maillage est important et complété
par deux grands aéroports nationaux plus le développement de Nice, alors qu’en 1960, on inaugurait
simplement Orly.
Pendant cette période, le trafic de marchandises a
crû énormément, de la même manière que l’économie
(mis à part la stabilisation du nucléaire et la sidérurgie
côtière). La courbe des transports montre que cette
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Les perspectives énergétiques
Nous avons quelques données sur l’approvisionnement énergétique et sur les émissions de gaz à effet de
serre, qui sous-tendent nos problèmes. Nous savons
que nous aurons encore du pétrole pendant au moins la
première moitié du xxie siècle, avec une croissance de
la production appuyée sur deux phénomènes :
1) d’une part, le développement des pétroles non
conventionnels, des pétroles lourds – qui pose des problèmes de traitement ;
2) d’autre part, une hausse de la part du pétrole en
provenance du golfe Persique – qui pose le problème
de la sécurité d’approvisionnement.
Avec cela, bien entendu, la production augmente,
mais la demande augmente beaucoup plus, ce qui ne
manquera pas d’avoir une incidence sur l’évolution des
prix du pétrole et du gaz. Sans politique de freinage
de la demande ou de stimulation d’une offre concurrentielle, on voit que le prix du pétrole pourrait croître
jusque vers 120 dollars en 2050 hors manifestations
erratiques liées à la sécurité qui ne sont pas à écarter,
tant s’en faut.
Nous avons à peu près les mêmes problèmes pour
le gaz, dont la ressource, à un peu plus long terme,
viendra à manquer. Le vrai problème derrière, le plus
grave, est celui de l’émission des gaz à effet de serre
et du réchauffement climatique. Nous savons que sur
les cent dernières années, la température du globe a
augmenté de 0,6 °C environ, mais que, pour des raisons variées dont les principales sont probablement
l’influence humaine et l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère, nous risquons d’avoir
une croissance d’ici 2100 de la température comprise,
d’après les experts, entre 1,6° et 6°, sachant qu’au-delà
de 1,6-2 °C, les conséquences risquent d’être difficilement supportables, tout au moins extrêmement
graves. L’émission de gaz à effet de serre représente
aujourd’hui la contrainte peut-être prédominante pour
une politique des transports. En revanche, l’effet positif
est que, si nous parvenons à limiter les émissions des
gaz à effet de serre, nous aurons un effet – nous le verrons avec les différents scénarios que je présente – de
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croissance s’est faite quasi exclusivement au profit du
transport routier, comme d’ailleurs le trafic voyageurs,
encore que, pour celui-ci, les transports collectifs se sont
notablement accrus grâce au transport aérien. Mais en
gros, la forte évolution du trafic voyageurs qui est due
à des effets de revenu et de motorisation se rapporte
essentiellement au trafic des véhicules particuliers.
La conséquence est une consommation d’énergie
qui a été multipliée par cinq. En France, nous avons
peu d’électricité d’origine hydrocarbonée – grâce à
l’énergie nucléaire –, il en résulte un très fort poids
des transports dans les émissions des gaz à effet de
serre : 27 % ; l’industrie représente 21 %, et le logement avec le bâtiment, 20 %. Au niveau mondial, la
part des transports dans les émissions de gaz à effet
de serre n’est que de 13 %. Cela ne vient pas tellement du fait que nos transports seraient plus importants, mais du fait que notre électricité est d’origine
nucléaire à 80 % et que des efforts ont été accomplis
depuis plusieurs années pour réduire la consommation d’énergie dans l’industrie.
tassement de la hausse du prix du pétrole en freinant
la demande et en créant des offres alternatives. Par
conséquent, par la loi de l’offre et de la demande, les
prix augmenteront moins.
Quatre scénarios pour 2050
Nous avons bâti pour 2050 quatre scénarios croisant
des entrées de croissance économique, politique énergétique et un peu démographique.
1) Le scénario 1, « Gouvernance mondiale et industrie
environnementale », montre un monde dans lequel il y
a une coopération, en particulier à cause du réchauffement climatique, et qui développe des technologies
énergétiques très performantes.
2) Le scénario 2, « Repli européen et déclin », traite d’un
monde peu ouvert, peu prêt à coopérer, et – c’est peutêtre une idée reçue – prévoit parallèlement une faible
croissance de l’économie et du revenu.
3) Le scénario 3, « Grande Europe économique », alliée
d’ailleurs avec le Maghreb et la Russie, indique un
développement des échanges et de la richesse, mais
sans coopération mondiale au niveau des gaz à effet
de serre.
4) Le scénario 4, « Gouvernance européenne et régionalisation » – il s’agit de l’Europe stricto sensu –, implique
un coût élevé de l’énergie et une intégration régionale.
Précisons que ces scénarios ne représentent en
aucune manière des prévisions. Il s’agit d’émettre des
hypothèses extrêmement contrastées pour examiner,
suivant les hypothèses, ce qui peut se passer et ­comment
on peut réagir. Les scénarios ont des croissances de
PIB et de population relativement différentes.
Le scénario le plus pessimiste, dans notre optique,
est le scénario du repli européen et du déclin, la France
restant à 59 millions d’habitants, décroissant même un
peu (la décroissance démographique est effective dans
un grand nombre de pays européens, à l’exception de la
France heureusement) avec un taux de croissance relativement bas à 1 %. Le scénario 3, la « grande Europe
économique », est plus contrasté en PIB avec 67 millions d’habitants et 2 % de croissance ; les deux autres
sont autour de 1,5 % de croissance. Sur les cinquante
dernières années, le taux moyen de croissance a été en
France de 2,2 % par an. Les hypothèses clés qui différencient nos scénarios sont surtout les hypothèses énergétiques, d’une part, sur le prix du baril du pétrole, qui
dépend du marché mondial de l’énergie, et, d’autre part,
sur la taxe carbone que l’on ajouterait au prix du baril du
pétrole brut et bien entendu à la TIPP (taxe intérieure
sur les produits pétroliers), que l’on conserve.
Parmi ces quatre scénarios, nous en avons un
extrême qui est celui de la gouvernance européenne,
où, pour avoir un prix du baril de pétrole bas, on a
une politique relativement environnementaliste mais
dans un cadre étroit. À l’opposé, nous avons, dans le
premier scénario, une politique environnementaliste
au niveau mondial, c’est-à-dire un protocole de Kyoto
à l’horizon 2050 auquel tous les pays adhèrent, avec
une taxe de carbone mondiale, d’où un effort général
pour essayer de trouver des solutions énergétiques
satisfaisantes. Cela donne une industrie automobile
qui arrive à des performances techniques importantes
et une politique de carburant alternatif sur la biomasse
relativement importante.
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Nous voyons par là qu’il existe des alternatives
énergétiques possibles à la situation d’aujourd’hui :
par ­ exemple, un véhicule hybride rechargeable qui est
d’ailleurs déjà une réalité, puisqu’il y a au moins deux
véhicules japonais qui sont de ce type et qui ­consomment
de l’ordre de 90 grammes de CO2 par kilomètre contre
plus de 200 grammes pour les véhicules extrêmement
consommateurs – en particulier les 4 x 4 ; par exemple
encore, en matière de carburant, les biocarburants classiques de première génération, qui sont en concurrence
avec les productions agricoles, pourraient être remplacés
par la biomasse ligneuse, c’est-à-dire les déchets de la
forêt, ce qui fait l’objet de recherches assez poussées
actuellement. Avec un rendement élevé à l’hectare, on
peut utiliser des terres non agricoles en ayant un bilan
nul en émission de CO2. Dans notre scénario 1, on
imagine ainsi fournir en biomasse 50 % de l’énergie
pour les transports en mobilisant le tiers des espaces
naturels non agricoles français.
Entre 2007 et 2050, on peut imaginer une série
d’itinéraires divers avec des aboutissements qui sont
eux aussi divers. Crises et ruptures d’origines ­diverses
­peuvent surgir : une crise politique dans le golfe
Persique compromettrait l’essentiel des approvisionnements énergétiques ; en matière démographique et
économique, peuvent survenir des mouvements de
populations ou des changements importants des parités
des monnaies. De vraies ruptures peuvent intervenir
dans les comportements, pouvant être positives, avec
une plus grande conscience des problèmes environnementaux et une prise en compte dans la politique de
mobilité, ou négatives avec les problèmes de sécurité ou
de sûreté. Ce qui s’est passé en 2001 à New York donne
une idée des répercussions possibles sur le monde des
transports du fait de problèmes de sécurité.
Ces crises et ruptures n’ont été qu’effleurées, parce
que non seulement elles ne concernent pas que les transports mais aussi, à la limite, parce qu’elles ne concerneraient les transports qu’en dernier ressort. Si l’on voulait
les étudier, il faudrait le faire avec des ­équipes beaucoup
plus importantes et beaucoup plus pluridisciplinaires
que ne l’était la nôtre. Ce serait d’ailleurs probablement
utile parce qu’à notre connaissance cela n’existe pas, pas
même au point de vue de la sécurité nationale où il y a
des cas graves que l’on n’envisage pas forcément.
Nous avons ensuite modélisé nos hypothèses, en
employant des modèles Matisse (Modèle d’analyse du
transport interrégional pour des scénarios de service en
Europe), modèle développé par Olivier Morellet, chercheur à l’Institut national de recherche sur les transports
et leur sécurité (Inrets), en ce qui concerne les déplacements de personnes, et un modèle établi à cet effet
pour les déplacements de marchandises. Les modèles
tiennent compte des comportements actuels, qui ne
seront certainement pas les comportements de demain,
mais ils font ressortir que la croissance de la mobilité
devrait se ralentir surtout sur les courtes distances, pour
plusieurs raisons : d’une part, un ralentissement de la
croissance de la richesse ; d’autre part, une maturité
de la motorisation des ménages (quand les ménages
ont une voiture, ils peuvent éventuellement en avoir
deux mais guère plus…) ; enfin, une stabilisation voire
une diminution de la vitesse du transport, c’est-à-dire
que, pour des raisons notamment politiques, l’ère de
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la création des réseaux rapides de transports arrive un
peu à son terme. Donc, les vitesses moyennes ne vont
pas continuer à croître comme elles l’ont fait au cours
des cinquante dernières années ; elles vont plutôt diminuer, à l’exception des transports collectifs urbains où
l’on recherche une amélioration de leur compétitivité.
Les budgets consacrés au transport sont relativement
constants. On s’aperçoit, sur une période assez longue,
que le temps consacré chaque jour au transport n’a pas
tellement varié, au moins sur ces dernières décennies :
il est de l’ordre d’une heure par jour. Et plus les vitesses
augmentent, plus les gens peuvent aller loin, voire avoir
leurs logements loin. Enfin, dans nos scénarios, nous
avons prévu que le coût de la voiture et de l’avion, qui
consomment une forte part de l’énergie, augmenterait
plus vite que le coût de la vie.
Les projections pour les transports
Compte tenu de tout cela, nous avons fait des projections sur les cinquante ans à venir. Le taux de croissance
des cinquante prochaines années serait ainsi nettement
plus faible que celui des cinquante précé­dentes années
pour le transport à courte distance – moins de 50 kilomètres –, compris entre 15 % et 40 %, alors qu’il a doublé entre 1975 et 2000. En revanche, nous aurions une
plus forte croissance – malgré tout inférieure à celle de
ces dernières années – pour les transports de moyenne
et longue distances, cela provenant de l’augmentation
du temps de loisirs.
On voit qu’il y a une grande différence entre le
scénario 2, qui est dû d’ailleurs à la faible croissance du
revenu par tête, et les autres scénarios où l’on n’est pas
loin du doublement à moins de prendre des mesures
plus contraignantes. Pour les voyageurs aériens, nous
avons conservé une valeur assez forte de la croissance,
cependant nettement moins forte que la précédente qui
était à 4,3 % par an dans les vingt dernières années, que
le scénario le plus élevé évalue à 2,2 % par an.
À titre d’exemple de ce qu’il est possible de prévoir
en fonction de ces trois scénarios, on peut s’interroger
sur l’opportunité d’une troisième plate-forme dans la
région parisienne. Pour les marchandises, on pense
aussi que la croissance de flux de marchandises sera
ralentie, mais plus ciblée sur l’international, parce que
la part des croissances liées à l’industrie est plus faible
– elles sont plus tournées vers les services donc moins
consommatrices de marchandises. En revanche, on
a un développement plus rapide des échanges internationaux et du transit que du trafic interne, et une
concentration sur les ports et sur quelques grands axes
de transit. Seul, le scénario 2 est en repli. Finalement,
alors que nous avions un doublement entre 1965
et 2000, nous sommes là dans des hypothèses – les
plus importantes – qui tournent autour de 50 % d’augmentation sur les cinquante prochaines années. Pour
envisager comment ceci peut se traduire en modes
de transports, entre la route, le fer, l’aérien, etc., cela
donne des potentialités de développement de modes
alternatifs à la route : transports collectifs dans les
grandes agglomérations, surtout s’ils sont aidés, TGV,
qui domine complè­tement le transport aérien intérieur
et peut-être européen ; enfin, fret massifié – avec des
techniques de type autoroutes ferroviaires avec développement du transport combiné. Mais le mode routier
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restera normalement prédominant à moins de mesures
administratives très fortes. Nous avons fait ce travail
avant les décisions du gouvernement relatives à la raréfaction de l’énergie.
L’effet de serre
La sensibilisation aux problèmes de l’effet de serre,
lorsqu’on analyse les trois ou quatre dernières années,
a été extrêmement rapide. Dans notre scénario 1, qui
est le plus environnementaliste, on a uniquement une
division par 2,5 des émissions de gaz à effet de serre des
transports et ceci grâce à la taxe au carbone mondiale et
à l’effort mondial pour produire des technologies à basse
émission. Premier mode de raisonnement : le fait qu’on
ne soit qu’à 2,5 n’est pas traumatisant, car le problème
de l’énergie ne doit pas s’affecter de la même manière à
toutes les activités nationales : peut-être faut-il faire plus
sur l’habitat et moins sur le transport. Deuxième mode
de raisonnement : il faut progresser, si on veut arriver à
une division par 4 dans les modes de transport, dans la
tarification des hydrocarbures, dans les taxes de carbone
ou TIPP ou dans certains mesures réglementaires. Tout
cela montre que la division par 4 est possible même
avec un mode routier prédominant, avec des véhicules
plus efficaces : 3 litres de carburant par 100 kilomètres.
Cela suppose ce qu’on n’a pas envisagé dans un premier temps, c’est-à-dire un certain type de véhicules
urbains, et moins de dépendance au carburant pétrolier :
la consommation s’investit en biomasse, avec un tiers
d’électricité d’origine nucléaire et un tiers de pétrole.
L’essentiel des économies est à attendre des techno­
logies des véhicules et des carburants : le chiffrage de
2025, temporaire, montre ce qu’on peut en attendre :
une économie de 50 Mt de CO2 par an par rapport à
l’émission actuelle de 149 Mt. Le report modal affiche
une économie entre 13 et 30 Mt, les comportements
des conducteurs entre 5 et 20 Mt ; avec les technologies
imaginables, c’est plutôt sur les véhicules légers que
sur les poids-lourds que l’on escompte les plus grosses
économies.
Les enjeux qui se dégagent de cette réflexion, c’est
d’abord que fin 2005 nous étions déjà conscients que le
problème était l’émission des gaz à effet de serre. Donc,
pour préparer l’ère de l’après-pétrole et la lutte contre
le changement climatique, trois types de mesures sont
préconisés :
1) accentuer la recherche de développement sur le véhicule hybride rechargeable, sur l’électricité sans carbone, sur
les carburants de synthèse ;
2) la recherche ne suffisant pas, mener une action
normative plus volontariste, au moins au niveau européen si ce n’est au niveau mondial, et cette idée fait son
chemin (ce n’est pas simple parce que les Allemands
ont de plus grosses cylindrées, de meilleur confort, et il
sera difficile de leur demander le même niveau d’émission moyen qu’aux industriels français qui ont un parc
de cylindrées beaucoup plus réduites) ;
3) mettre en place des outils de régulation économique
au niveau mondial ou, à défaut, européen sur l’effet de
serre. Il existe deux types de régulation économique :
soit la taxe, qui est relativement simple, dont nous
nous ­sommes servis dans notre réflexion, soit les permis
d’émission, qui sont des outils un peu plus complexes
à manier mais qui garantissent les niveaux d’émission
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que l’on veut atteindre. Et dans le cas, souhaitable, d’un
consensus mondial, la France représente à peu près
1,5 % des émissions mondiales des gaz à effet de serre.
Le problème du réchauffement climatique est un
problème global grave, dont dépend l’avenir de nos
enfants et petits-enfants. Une politique menée par la
France seule est dénuée de sens ; menée par l’Europe,
elle en acquerra un peu plus, mais guère, puisque
l’Europe ne représente que 14 % des émissions de gaz
à effet de serre. Donc, il y a vraiment une nécessité
d’arriver à un consensus mondial. Là aussi, le temps
passant, nous sommes peut-être moins pessimistes que
nous pouvions l’être il y a seulement un an.
Du côté des États-Unis d’Amérique, on voit certaines évolutions, même sans changement de gouvernement : ils sont très orientés vers les solutions
technologiques. Au niveau des infrastructures, compte
tenu du fait que le rythme de croissance de la mobilité
va un peu se ralentir, il n’existe pas trop de problèmes,
sauf ­ quelques-uns, en particulier en ce qui concerne
les TGV. Les capacités de la ligne sud-est, dès 2025,
devraient être insuffisantes, mais aussi la LGV atlantique et la LGV nord avant 2050 ; les deux grands
axes de transit atlantique, l’axe rhodanien, l’aéroport
de Paris, probablement l’aéroport de Nice, et enfin les
deux grands ports à conteneurs, si ce trafic continue à
croître comme on peut le penser – au moins pendant
un certain temps mais pas jusqu’à 2050.
particulier sur les technologies du futur, sur l’évolution
de la mobilité des personnes, des modes de vie et de
l’organisation du territoire, 2) le tourisme, qui est le
grand générateur de trafic aérien et de gaz à effet de
serre, 3) l’évolution des flux de marchandises liée aux systèmes de production et de distribution, 4) l’évolution de
la logistique liée à de grandes évolutions techniques, et
5) la sécurité et la sûreté.
Cinq messages clés sont attachés à ces axes de
travail : 1) la croissance de la mobilité sera ralentie ;
2) le développement de modes alternatifs ne modifiera
pas la prédominance de la route ; 3) la priorité est de
développer la recherche et la normalisation sur les économies et les alternatives énergétiques ; 4) la nécessaire
négociation, à partir d’une volonté européenne, de la
régulation des émissions de CO2 au niveau mondial ;
5) une action immédiate consiste à faire partager et
approfondir une vision commune sur le devenir des
transports – ce que nous essayons déjà de faire au
niveau européen.
Questions
Pour conclure, il nous faut travailler dans cinq
directions : 1) la veille technologique et la recherche, en
Claudy Lebreton
Concernant la diminution de la ressource pétrolière, où en est la recherche sur les nouveaux champs
pétrolifères à l’échelle mondiale ? Et qu’advient-il si la
Bolivie devient, comme cela se dit, le plus grand producteur de pétrole au monde ? Ensuite, où en sommesnous de la recherche automobile, notamment en ce qui
concerne les deux grands groupes français ? Et toujours
26
27
*
en France, où en sommes-nous de la recherche par les
grands groupes français sur le diesel, la pile à combustible, etc. ?
Jean-Noël Chapulut
Nous nous sommes évidemment préoccupés de la
ressource pétrolière puisque le monde du transport en
dépend. Nous avons compris qu’il y a peu de découverte de nouveaux champs de pétrole conventionnel,
c’est-à-dire classique. Ce qui commence à se développer ce sont plutôt des champs de pétrole lourd, comme
ceux du Canada, plus chers à exploiter et gros émetteurs de gaz à effet de serre. Les opinions des experts
divergent, en particulier sur ce qu’on appelle le peak
oil, c’est-à-dire le sommet de la production, qui va de
2010 pour les plus pessimistes jusqu’à 2025-2030, qui
sont les prévisions par exemple de Total et de l’Institut
français du pétrole (IFP). La fusion des trois minis­
tères concernés va peut-être nous faire avancer dans la
connaissance du problème.
lequel on vient mais un pays que l’on traverse et une
grande partie du transport européen transite par le terri­
toire français. C’est un élément qui doit être pris en
compte pour mesurer les responsabilités respectives des
uns et des autres, notamment pour chercher des solutions dans le cadre national et dans le cadre européen.
3) Enfin, si la route doit rester un élément important
du transport, tout en faisant des économies d’énergie
au niveau de l’intermodalité, ne faut-il pas essayer de
réserver la part la plus importante possible de nos énergies fossiles, en particulier du pétrole, pour ce type de
consommation en développant évidemment par ailleurs
toutes les énergies potentielles renouvelables, du point
de vue de la production du courant électrique ?
Félix Leyzour, conseiller général du canton de Callac
Je retiendrai trois éléments :
1) En ce qui concerne l’intermodalité des transports, la route restera, quelles que soient les autres
­formes développées, un élément déterminant. Cela
pose les problèmes des infrastructures mais aussi des
modes de transports.
2) En ce qui concerne les émissions de CO2, la
situation de notre pays n’est-elle pas caractéristique
de l’ensemble de l’Europe par rapport à d’autres pays ?
En effet, nous ne sommes pas seulement un pays dans
Jean-Noël Chapulut
Le transit est un problème important pour la France,
que ce soit en voyageurs ou en marchandises. Le transit de marchandises représente 15 à 20 % du trafic
intérieur, essentiellement lié d’ailleurs à la péninsule
Ibérique et à l’Italie. Trois remarques là-dessus. La
première, c’est que nous ne sommes plus les seuls, car
les Allemands, par exemple, occupent, avec l’extension
de l’Europe, une position encore plus centrale que
la nôtre. D’où, deuxième remarque : les Allemands
ont instauré un péage sur toutes les autoroutes ; nous
n’avons des péages que sur les autoroutes concédées, et
la TIPP n’est pas uniformisée. Il y a donc des véhicules
qui rentrent avec jusqu’à 1 000 litres de gazole dans
leurs cuves, sans payer de TIPP, qui sert à financer
les infrastructures. Et, troisième remarque, je pense
que la péninsule Ibérique se trouve, au point de vue
28
29
é­ conomique, dans une nouvelle situation puisque
ce sont les pays de l’Est, les nouveaux entrants, qui
jouent en partie le rôle économique qu’elle jouait
auparavant.
Par ailleurs, à la question « est-ce qu’il ne faut pas
réserver le pétrole au transport ? », les transporteurs
aériens disent toujours que la dernière goutte de
pétrole sera pour eux. En dernier ressort, une décision
politique qui devra figurer rapidement sur l’agenda du
gouvernement, puisqu’on s’est fixé l’objectif de diviser
par 4 en 2050, sera le partage entre les secteurs. Sur
l’habitat, par exemple, des études sont menées, notamment par la commission Énergie, présidée par Jean
Syrota, et nous-mêmes.
Charles Josselin, sénateur des Côtes d’Armor
Parmi les hypothèses émises, il y en a une qui se traduit par une régression démographique de la France, ce
qui est un peu en contradiction avec ce que l’on observe
aujourd’hui : cela veut dire qu’il y aurait un renversement de la courbe dans les années à venir. Il me paraît
important d’examiner la question du vieillissement de
la population pour savoir si une population qui vieillit
modifie ses consommations – en énergie en général ou
en transports en particulier.
On a souligné l’importance de la gouvernance
mondiale, ou la mauvaise volonté continue à s’exprimer du côté du gouvernement fédéral américain, la
bonne nouvelle, c’est la mobilisation des villes et États
américains sur ces objectifs. La bonne nouvelle aussi,
c’est, semble-t-il, la prise de conscience de la Chine
sur l’importance de ces questions. Il semble que des
30
réflexions sur le thème de l’économie circulaire sont
actuellement conduites autour des villes chinoises qui
sont des acteurs essentiels.
Je veux également évoquer la question des résistances
ou des complicités des intérêts financiers et industriels.
On a pendant très longtemps incriminé les pétroliers
qui n’étaient pas très favorables à une ­recherche dans le
sens d’une plus grande économie. On sait la difficulté,
dans une économie de profit, de raisonner à cinquante
ans, alors que le souci est le rendement immédiat. Estce que les groupes industriels ou les intérêts financiers
vont être partenaires ou adversaires dans les choix
difficiles à prendre ? Par ailleurs, croit-on vraiment que
la biomasse, hormis des exceptions comme le Brésil,
et encore, soit une alternative ? Le propos de Chavez
ou de Castro, « pétrole ou nourriture », ne finira-t-il
pas par s’imposer ? L’explosion du prix de la tortilla
mexicaine ne peut pas nous laisser indifférents et la
tension sur le prix des céréales fait redouter que ce
parti pris du biocarburant amène de nouvelles dérives,
avec les engrais qu’on y mettra et les pesticides pour
avoir davantage de biocarburant. Bref, est-ce que ce
pari sur un tiers de biomasse pour le transport routier
ne paraît pas excessif ?
Jean-Noël Chapulut
Le vieillissement de la population n’a pas un effet
majeur sur la mobilité parce que les personnes âgées
se déplacent – elles ont le permis de conduire –, ce qui
n’était pas le cas des générations précédentes. Nous
avons, dans un scénario, pris en compte une régression
démographique pour la France parce que nous voulions
31
avoir une hypothèse relativement contrastée et pour
rappeler que plusieurs pays européens auront moins
de population en 2050 qu’aujourd’hui. Les Italiens,
notamment, risquent de n’être plus très nombreux.
Il n’est pas évident de faire des prévisions démogra­
phiques parce qu’il y a non seulement les phénomènes
naturels mais aussi l’immigration. On ne maîtrise pas la
démographie, qui peut réserver des surprises.
Sur la gouvernance mondiale, en ce qui concerne les
États-Unis d’Amérique, le discours paraît moins fermé
depuis quelque temps, sans parler de ce qui pourrait se
passer avec un nouveau président. Et il est vrai aussi
que les Chinois et peut-être même les Indiens bénéficient quelque peu des progrès d’efficacité énergétique
faits par les constructeurs en général. Je ne crois pas
trop à la diplomatie de l’exemple, je crois beaucoup à
l’intérêt, puisque le pétrole coûtera cher.
En ce qui concerne les pétroliers ou les intérêts
financiers, les pouvoirs publics ont tous les moyens
pour donner les signaux au monde économique, à l’aide
de taxes et de normes. L’évolution de l’industrie automobile et du poids-lourd a été considérable ces vingt
dernières années grâce aux normes. Sur les autres types
d’émissions, les progrès sont importants également : on
a affaire à des interlocuteurs qui paraissent conscients
des difficultés du monde des décennies prochaines.
Dernier point : il faut savoir que le biocarburant
pose plus un problème de fabrication que de consommation, parce qu’on pourrait en mettre beaucoup plus
dans les moteurs tels qu’ils existent, en particulier
dans les moteurs de poids-lourds. C’est le problème
de la production de biocarburant à partir de végétaux.
32
Mais nous pensons à la solution que confortent certains spécialistes d’un autre type de biocarburant à
partir de la biomasse : nos collègues de l’agriculture
comme de l’énergie pensent que c’est possible mais
pour l’instant encore du domaine des hypothèses et
de la recherche.
Loïc Raoult, conseiller général du canton d’Étables
La prévision que la route restera le modèle déterminant pour les trente années à venir est inquiétante.
Est-ce une affirmation ? Est-ce un constat ? Est-ce
une position ? Même si la technologie avance avec des
carburants moins polluants, il n’en restera pas moins
que le bruit sera toujours un élément important, qu’il
faudra construire des infrastructures de plus en plus
importantes, et que la croissance, si elle continue sur le
rythme actuel, nécessitera une mobilisation d’espaces
considérables pour créer de nouvelles routes, de nouveaux parkings, de nouveaux espaces pour la voiture.
Je crois qu’il faut s’inscrire dans une dynamique autre.
On sait que la voiture va continuer à prospérer. Il faut
que les pouvoirs publics s’engagent dans des alternatives au développement de la voiture, notamment à
travers les transports collectifs. Si nous ne mettons pas
massivement en place une alternative à la voiture, nous
serons en échec dans les années à venir. C’est le rôle
des politiques d’affirmer et d’infirmer ce constat d’un
modèle qui est derrière nous dont on n’est pas capable
de modifier le cours et la tendance. Donc, est-ce que
c’est une position ou est-ce que c’est un constat ? La
différence n’est pas neutre.
33
Jean-Noël Chapulut
Dans l’équipe qui travaillait, nous avions des opinions diverses. Nous avons été incapables de bâtir un
scénario du type de celui que vous esquissez : il faut
avoir des ordres de grandeur en tête. Le plus simple,
c’est la règle de trois. Nous savons qu’en moyenne
nationale, la part des transports collectifs dans les
déplacements de moins de 50 kilomètres est 10 %,
d’ailleurs en diminution, soit 90 % restant du ressort
de l’automobile. En région parisienne, on est à 25 % et
à Paris à 50 %, mais nous sommes un pays assez particulier dans la morphologie européenne, par rapport aux
pays de l’Europe du Nord au moins, assez peu dense.
Il est difficile de monter – pour les voyageurs à courte
distance – des systèmes collectifs coûteux en investissement et en fonctionnement avec des prix trop réduits
sauf à s’endetter. On peut faire des efforts mais nous
sommes un pays à faible densité où le transport collectif coûte relativement cher. On voit bien que l’effort
envisagé sur le scénario le plus favorable fait passer de
10 à 12 ou 13 % ; vouloir passer à 20, 30 ou 40 % paraît
économiquement impossible.
Le trafic de marchandises, en France, est de l’ordre
de 400 milliards de tonnes kilomètre – unité qui n’est
d’ailleurs qu’une valeur relative, mais c’est la plus pra­
tique. Nous avions 50 milliards de tonnes kilomètre
par fer et un peu plus de 300 par route. Il avait été
décidé en 2000 d’augmenter de 50 à 100 milliards de
tonnes kilomètres le fret ferroviaire ; or nous sommes
aujourd’hui à 40 milliards de tonnes-km. Et même si
on faisait passer le fret ferroviaire dans nos plans les
plus ambitieux, au moins en 2020, à 100 milliards de
tonnes kilomètre, on ne diminuerait ainsi que de 5 à
10 % le trafic des poids-lourds. Cela implique de tels
bouleversements qu’on ne les voit pas. Ce que nous
proposons, c’est d’agir pour que le transport automobile
en général soit de moins en moins gênant : ne pas multiplier les infrastructures, donc moins de consommation
d’espace, des véhicules moins nuisants surtout sur la
partie électrique en ville. Il nous semble que ces scénarios sont plus faciles à atteindre qu’un scénario de fort
report modal que nous n’avons pas su rédiger.
34
35
II
Évolution des transports et de la logistique à l’échelle
des territoires français, breton et costarmoricain
Hervé Le Jeune, Philippe Plantard Hervé Le Jeune
Pour parler du transport routier, on parle généralement du transport, pas simplement les poids-lourds,
marchandises, ou véhicules de voyageurs. Quand on
parle de transports routiers, on parle aussi des véhicules particuliers. Dans les chiffres, il faut faire la différence : le transport routier, ce n’est pas simplement le
poids-lourd.
Quelques signaux d’alarme affectent le transport routier : il enregistre une baisse de 0,5 % du chiffre d’affaires
en 2005. La sinistralité des entreprises est deux fois plus
élevée dans le transport routier de marchandises que
dans le reste de l’économie. Et le pavillon français est en
recul de 33 % depuis 1992, ce qui signifie également que
le trafic international se développe. Nous avons perdu
là 15 000 emplois entre 2001 et 2005, alors que c’est un
Respectivement délégué régional de la Fédération nationale des
transports routiers et délégué régional de la Fédération nationale
des transports de voyageurs.
36
secteur qui recrute en permanence. Le ­transport routier
en France, ce sont 40 000 entreprises de transport public,
c’est-à-dire du transport de produits qui ne leur appartiennent pas. Les poids-lourds, aujourd’hui, ce ne sont
pas forcément les entreprises de transport public ; il y a
aussi ce qu’on appelle « les comptes propres », des ­flottes
comme Intermarché, par exemple, qui trans­portent
en partie leurs produits et qui ne rentrent pas dans ce
chiffre. Un poids-lourd sur la route n’est pas forcément
une entreprise de transport public. En Bretagne, ce sont
2 500 entreprises et c’est globalement l’une des premières
régions les plus fortes en matière de transport routier :
400 entreprises sont inscrites au registre en Côtes d’Armor. Le nombre d’emplois directs est de 419 500 salariés
au niveau national, 40 000 en Bretagne et plus de 5 000
dans les Côtes d’Armor.
Il est important de rappeler que les deux tiers du
trafic se situent sur l’axe nord-sud, ce qu’on appelle la
« route des estuaires » : ce sont les échanges entre les
trois régions, Basse-Normandie, Bretagne et Paysde-la-Loire. Le transport routier autre que les marchandises est lié à l’activité agricole, qui représente
près du tiers des marchandises transportées ici dans
l’Ouest alors qu’en moyenne nationale, elle n’est que de
20 %. Le transport routier en Bretagne concerne donc
d’abord l’agroalimentaire.
Le transport est constitué à la fois par le transport
routier et par la logistique, car l’ensemble des clients
demandent à leur transporteur de gérer toute leur
logistique. Les Côtes d’Armor avaient un peu de retard
en matière de logistique. Les deux départements les
plus avancés en la matière sont l’Ille-et-Vilaine – c’est
37
dû à sa situation géographique – puis le Morbihan.
Le Finistère se développe de façon également importante pour des raisons un peu historiques. Les Côtes
­d’Armor commencent à avoir des atouts en matière
de logistique et nous trouvons des implantations qui
ne sont pas négligeables, notamment à proximité de
Saint-Brieuc. La logistique est un facteur important en
matière de développement du réseau routier. Le projet
qui touche aujourd’hui Rennes et la plate-forme de
Châteaubourg gagnerait à être vivement et rapidement
défendu : ce sera la plate-forme de l’Ouest, et pas simplement de l’Ille-et-Vilaine, susceptible d’engendrer un
développement économique important.
La synthèse des flux au niveau régional montre
l’impact et le poids des Côtes d’Armor dans les différents modes de transport. Au niveau intradépartemental, le chiffre de 20,9 Mt se situe plutôt bien dans la
moyenne des autres départements. Au niveau du rail,
il n’y a rien. Au niveau interdépartemental, les Côtes
d’Armor se situent plutôt bien par rapport aux autres
départements. Le poids du fer, même s’il est plus
important dans les Côtes d’Armor que dans les autres
départements, ne représente rien par rapport au poids
de la route. Au niveau interrégional, on n’est plus qu’à
43 Mt au total. Là encore, les Côtes d’Armor se situent
dans la même moyenne que le Finistère, moins bien
que l’Ille-et-Vilaine et le Morbihan, pour les situations et des régions géographiques où nous ­ sommes
à ­ presque 6 Mt. À l’international, nous sommes à
525 000 tonnes pour les Côtes d’Armor, donc un trafic
international fort éloigné. La part du rail, une nouvelle
fois, est insignifiante.
Au niveau des flux intrarégionaux, on décèle une
progression permanente. Le trafic intrarégional a augmenté de 16,6 Mt en neuf ans, essentiellement grâce
au département des Côtes d’Armor. Il faut savoir que
6 % seulement des véhicules qui empruntent les routes
sont des poids-lourds : l’image du poids-lourd partout
n’est pas fondée, même si j’estime que le camion tuera
le camion. 78 % des volumes transportés le sont sur
moins de 150 kilomètres. Cela signifie que, lorsque
les communes font des déviations, elles doivent savoir
que ce sont d’abord les Bretons qui sont pénalisés.
Généralement, cela ne fait que déplacer le problème
sur les communes voisines.
L’intermodalité n’a d’intérêt que si l’on peut éviter la rupture de charge, ce qui veut dire qu’à moins
de 300 kilomètres, le fer n’a aucun intérêt ; ce qui
­explique d’ailleurs les chiffres quasiment nuls au niveau
interrégional. Et seuls 5,32 % des transports réalisés
par la route sont susceptibles d’être transférés par le
rail. Quelles que soient les mesures administratives
qui pourraient être mises en place, le rêve du fer a
encore du chemin à faire. À titre d’exemple, je citerai la ligne Modalor, qui permettrait de transporter
30 000 véhicules par an dans le cadre du transit sur
la ligne Luxembourg-Perpignan. Cela peut paraître
merveilleux : enfin, les camions vont prendre le rail !
Or, le premier transporteur routier français étant l’État
– c’est lui qui est actionnaire –, il peut décider de faire
passer la route sur le rail. Il lui appartient simplement
de prendre des décisions avec les sociétés qu’il contrôle.
30 000 véhicules par an sur les rails, c’est le nombre
de véhicules qui passent par jour au péage de Lyon.
38
39
La mesure risque de coûter cher au contribuable.
Aujourd’hui, la politique de la SNCF est axée sur le
transport des voyageurs (nous espérons avoir une ligne
TGV jusqu’à Brest). Néanmoins, la SNCF ne souhaite
pas développer le fret pour des raisons diverses.
Concernant le fer et le transport fer, trois volets
sont à distinguer : 1) le ferroutage est tout ce qui va
directement sur le fer avec des wagons ; c’est le premier type classique, qui ne fonctionne pas très bien,
alors que c’est un atout pour la Bretagne par rapport
à l’agroalimentaire ; 2) le « combiné », c’est prendre les
conteneurs sur les camions et les mettre directement
sur le rail pour les récupérer ensuite ; une ligne existait entre Rennes et Lyon, qui a été fermée en 2005 ;
3) Modalor, ce sont les camions qui montent sur le rail
et qui traversent la France plutôt la nuit. Nous avions
proposé à Jean-Claude Gayssot, alors ministre des
Transports, de mettre tous nos camions en transit sur
l’axe Paris-Lyon. Résultat : 20 % de nos camions sont
sur le rail et 90 % de nos trains sont à l’heure.
Aujourd’hui, nous devons réfléchir à l’inter­modalité,
sachant que certains paramètres ne changeront pas. La
distance de rupture de charge ne changera pas. L’attente
des consommateurs, que nous sommes tous, restera la
même : sommes-nous prêts à attendre plus longtemps
pour avoir nos produits ? Donc, l’économie aujourd’hui
a un impératif, c’est l’immédiateté. Et comme nous
n’avons plus de stocks, inévitablement, les trafics sont
importants. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne
faut pas y réfléchir.
Lorsque l’on développe les axes routiers, il est important de savoir ce qu’on a à faire en matière de sécurité. De
1990 à 2004, les poids-lourds ont divisé par trois leur
implication dans les accidents. Encore les poids-lourds
sont-ils impliqués mais pas forcément respon­sables. En
performance durable aussi, les camions neufs polluent
aujourd’hui dix fois moins que ceux de 1990 : nous
avons des impératifs au niveau européen, avec ce qu’on
appelle les normes Euro 2, Euro 3, Euro 4, Euro 5,
qui imposent des consommations et des réductions
de consommation dites polluantes. Si demain il faut
rouler à l’électricité, pourquoi pas ? Mais il y a quand
même quelques normes techniques importantes : une
tonne de marchandise transportée sur 100 kilomètres
nécessite 20 % de gazole en moins, et la consommation
est en perpétuelle baisse. Il ne faut pas oublier non plus
qu’un poids-lourd étranger est capable de traverser la
France entière sans prendre une goutte de gazole en
France. Les poids-lourds produisent 6,2 % du CO2
émis dans l’atmosphère contre 14 % pour les voitures. Le tertiaire, c’était 24 %. En matière de fiscalité,
le transport routier de marchandises a versé en taxes
4,3 milliards d’euros en 2005 ; si l’on ajoute les charges, ce sont 8 milliards d’euros. Donc, le poids-lourd
est un très bon contribuable. 22 % du chiffre d’affaires
d’une entreprise de transport routier est réservé aux
taxes, aux impôts et aux charges. Le transport routier
de marchandises est taxé deux fois et demie plus que
l’ensemble de l’économie. Un camion rapporte à l’État
3 euros par tonne sur 100 kilomètres.
Le sujet le plus important, c’est le pavillon français
dans l’Union européenne : la circulation des poidslourds étrangers augmente plus rapidement que celle
des poids-lourds français. Ils en sont à plus de 150 %
40
41
contre 20 % de 1990 à 2005. Le pavillon national a
donc des progrès à faire en transport international.
Le coût de l’heure de conduite en France est supérieur de 20 % à la moyenne des pays comparables. Si le
transport routier va bien, le transport routier français,
en revanche, va mal. Le marché est international, le
transport polonais qui vient en France a des coûts
sociaux différents ; et ce coût, le client n’est pas prêt à
le payer.
Je ferai quelques remarques pour expliquer les atouts
et les faiblesses que je vois dans ce département.
– Tout d’abord, la situation géographique de la
Bretagne est une véritable faiblesse, dans une logique
globale et peut-être encore plus dans les Côtes d’Armor
parce que celles-ci sont plus dépendantes en matière de
trafic par rapport à l’Ille-et-Vilaine.
– Ensuite, au nom du développement durable, je
suis certain qu’on va nous mettre de la fiscalité à toutva. La grande idée, depuis qu’on a vu que ça marche
bien en Allemagne, c’est ce qu’on appelle le « On Board
Unit » (OBU) un petit boîtier qui permet à l’État de
récupérer des taxes au kilomètre. Ce type de fiscalité
est aujourd’hui dans l’esprit de tous, parce qu’on parle
de taxe au kilomètre en 2008 pour les poids-lourds, on
parle d’une taxe au kilomètre pour les véhicules légers
en 2012. Mais est-ce que cette logique de fiscalité ira
au bénéfice des routes ? L’autre volet de cette réflexion
sur la fiscalité, c’est la récupération du réseau routier,
avec laquelle on est supposé récupérer une TIPP régionale. Mais que se passe-t-il quand la TIPP régionale
est différente d’une région à l’autre ? Cette TIPP régionale va une nouvelle fois compléter le dispositif et le
coût du kilomètre. Il ne faut pas oublier la situation
géographique de ce département et de la Bretagne dans
son ensemble.
– Dernier point à propos des faiblesses, c’est que le
trafic routier va continuer à croître, il faudra se poser le
problème de la couleur de la plaque d’immatriculation
qui circulera.
– En ce qui concerne les atouts de ce département,
on ne peut manquer de voir qu’il est dynamique, avec un
président et une assemblée dynamiques. Le réseau routier est de qualité ; il doit cependant être travaillé sur l’axe
sud-nord Loudéac-Saint-Brieuc. Il faut défendre également l’axe Rennes-Loudéac-Brest. L’agroalimentaire
est le monde le plus important en Bretagne et peut-être
encore plus ici dans les Côtes d’Armor.
Pour terminer, je poserai quelques pistes de
réflexion.
1) La première porte sur le véhicule de PTRA
(poids total roulant autorisé) de 44 tonnes. Les Ponts
et Chaussées y sont défavorables et plus encore la
Direction des routes, au motif que cela va abîmer les
routes et que c’est désagréable. Mais les poids-lourds
belges qui font 44 tonnes ne laissent pas 4 tonnes à la
frontière. Les Pays-Bas sont en train de réfléchir au
60 tonnes. Le monde agroalimentaire – et le transport
routier que je représente – attend avec impatience que
le 44 tonnes soit autorisé, notamment pour le vrac et la
benne, au moins celui qui est concurrencé directement
par la Belgique, l’Espagne ou l’Italie. Il faut que nous
ayons les mêmes armes pour se battre et les 44 tonnes
circulent sur nos routes en toute tranquillité. C’est
important pour une instance départementale, parce
42
43
qu’elles vont récupérer le réseau : le 44 tonnes n’abîme
pas plus les routes mais, en revanche, dans le cadre
du développement durable, cela représente théoriquement 10 % de véhicules en moins sur la route. Et le
44 ­tonnes n’est pas un véhicule différent, mais mieux
chargé.
2) En ce qui concerne les biocarburants, ce département dispose d’atouts. On parle du colza et d’autres
céréales, mais on peut réfléchir aussi au niveau des
algues. Est-ce que ce département n’a pas intérêt à
réfléchir sur les algues dont nous sommes entourés ?
Bien sûr, il faut dans ce cas réfléchir au devenir de la
TIPP !
3) Pour terminer, j’évoquerai les ITS (systèmes de
transports intelligents), qui sont aujourd’hui la force de
ce département et dont on peut s’étonner que d’autres
départements ne s’y impliquent pas plus. Nous avons
à nous battre sur la traçabilité dans le monde agro­
alimentaire – il ne s’agit pas simplement de flux, mais
de façon générale « du champ à l’assiette » et « de la
fourche à la fourchette » – pour avoir une vraie réflexion
globale. Les consommateurs que nous sommes tous
ne supporteront plus le moindre risque alimentaire.
Derrière la traçabilité et derrière les nouvelles techno­
logies, nous avons des emplois et de la recherche. Par
parenthèse, au titre du Conservatoire national des arts
et métiers (Cnam), que je représente en Bretagne,
nous avons obtenu, pour la première fois en France,
une chaire nationale, qui sera située à Ploufragan et
qui va donc travailler sur la traçabilité. Ce poste et cet
ITS que le conseil général des Côtes d’Armor est en
train de développer, il faut les renforcer, avec l’appui
de l’ensemble de la filière agroalimentaire et à la fois
du monde industriel, du monde de la recherche et du
monde de la formation.
Je finirai par une citation qui est propre à la FNTR,
dont il faudra se souvenir, c’est que « le consommateur
paiera demain ce que le citoyen exige aujourd’hui ».
Philippe Plantard
Je présenterai brièvement et d’une manière assez
générale le transport routier de voyageurs pour ensuite
mettre en perspective deux enjeux essentiels à l’horizon
2010/2020, que sont les énergies et le développement
durable d’une part et l’intermodalité d’autre part.
• Le transport public de voyageurs se compose de deux
grandes familles, les transports urbains et les transports
interurbains, également appelés transports routiers de
voyageurs. Le transport urbain, ce sont 35 000 salariés hors SNCF et RATP, et le transport interurbain,
65 000 salariés. La Fédération nationale des transports
de voyageurs (FNTV), que je représente, n’est concernée
que par le transport interurbain ; c’est donc le transport
routier de voyageurs que je présente ici. Sous un angle
politique, celui-ci est essentiel pour la mobilité, pour
l’aménagement du territoire et pour le développement
durable. En termes d’emplois, l’autocar en Bretagne
représente le même nombre d’emplois que la SNCF.
Ce point n’est pas négligeable mais cela reste très
relatif au regard du poids économique, par exemple,
du transport de marchandises. Les principales activités
du transport routier de voyageurs sont constituées de
services réguliers et de services occasionnels. Le service
régulier, ce sont les lignes régulières ­ départementales
44
45
ou régionales, les services spécialisés de transport
­scolaire, les services périurbains, le transport de personnel, les services à la demande. Les services occasionnels
sont les services à caractère touristique, à la place, ou
collectifs.
Ce métier évolue dans un contexte institutionnel
et réglementaire spécifique à travers trois textes principaux. D’une part, la loi d’orientation du transport
intérieur (Loti) du 30 décembre 1982 dispose que
le système de transports intérieurs doit satisfaire les
besoins des usagers dans les conditions sociales et
économiques les plus avantageuses pour la collectivité ;
elle affirme également la liberté de choix des usagers.
Ensuite, nous avons la loi solidarité et renouvellement
urbains (SRU) du 13 décembre 2000 qui a renforcé le
transfert de compétences vers les collectivités locales
déjà engagé par la Loti. Enfin, la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie
économique et des procédures publiques du 29 janvier
1993 (dite loi Sapin) a fixé des règles précises d’attribution des marchés dans le cadre d’une mise en concurrence régulière.
Le transport routier de voyageurs est une activité
régie par une multitude de réglementations, notamment
celles relatives à la sécurité routière, à l’aspect social, à
l’accès au marché et à la profession, à l’organisation
et la vente de voyages et de séjours. Par exemple, en
matière sociale, les entreprises doivent respecter le code
du travail et la convention collective naturellement, des
réglementations nationales dont un décret de transport
de voyageurs, une ordonnance de transposition de
­textes européens, et des textes européens, notamment le
­règlement 561/2006 qui est entré en vigueur le 11 avril
2007. Tous ces textes superposés exigent une organisation très pointue sur le plan des plannings et sur le
plan social.
Le transport routier de voyageurs en Bretagne
concerne environ 90 entreprises dont une quinzaine
dans les Côtes d’Armor. Ce sont plus de 3 000 autocars
dont environ 450 dans les Côtes d’Armor et près de
4 000 salariés dont 3 500 conducteurs et dont 600 pour
les Côtes d’Armor, un chiffre d’affaires, toutes activités
confondues, de 150 millions d’euros.
• L’avenir du transport de voyageurs repose sur une
chance importante à saisir au regard des problèmes liés
à la croissance des besoins de mobilité, même si on
l’envisage moins soutenue pour les années à venir, et à
une saturation des infrastructures routières. Tout cela
résulte de plusieurs facteurs :
1) l’explosion du coût du foncier qui a conduit à
un étalement urbain et par conséquent à ce besoin de
mobilité et à la saturation des infrastructures ;
2) une pollution atmosphérique préoccupante, liée
à l’utilisation de l’automobile, en matière d’émission de
polluants et de gaz à effets de serre ; quand on parle de
pollution ou d’émission polluante, on parle des transports, alors qu’il faudrait toujours dire « transports et
déplacements », parce que la part principale incombe
bien à l’automobile et non pas aux poids-lourds ni aux
autocars ;
3) la raréfaction des énergies fossiles associée à la
consommation du carburant.
Ce contexte est nouveau et très porteur d’une révolution à accomplir en matière de transports collectifs.
46
47
• Après ces généralités, un premier zoom sur les
énergies : la FNTV a réalisé avec l’Ademe une analyse
approfondie des différentes technologies qui per­mettent
de réduire les émissions polluantes des autocars. Cette
analyse a donné lieu à 11 fiches-conseils qui sont réunies dans une brochure . Ce document a pour ambition d’être un outil d’aide à la décision, destiné à la fois
aux élus et aux entreprises de transports, notamment
pour veiller à ce que les solutions envisagées soient
compatibles avec les conditions d’exploitation des
véhicules. Nous craignons qu’il y ait un effet de surenchère de la part soit des opérateurs de transport soit des
collectivités et que l’on aille un peu trop vite pour être
dans le temps de la mode. Il faut être prudent. Chaque
fiche reprend les avantages et les inconvénients pour
chaque filière sur les plans techniques, environnementaux et économiques. Ces 11 filières technologiques
sont étudiées en partant de la plus connue, le gazole,
à la plus expérimentale, la pile combustible. Les fiches
sont présentées avec un tableau de synthèse à travers
quatre critères :
1) l’impact sur la santé,
2) les gaz à effet de serre,
3) les coûts,
4) la perception en termes de bruit, d’odeur, de
fumée et d’image.
Chaque filière est positionnée par rapport à la filière
de référence, le diesel Euro 3.
Ce qui ressort de ce travail, c’est que le diester et
la combustion au gazole, couplés à des systèmes de
Ademe/FNTV, Énergies : quelles filières technologiques pour les autocars : premières évaluations, fiches-conseils environnement, mars 2007.
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post-traitement (filtre à particules et systèmes DeNOx
pour réduire les émissions d’oxyde d’azote), paraissent
constituer les pistes les plus raisonnables et les plus
plausibles pour le développement durable en matière
d’autocar. Les autres pistes sont nombreuses, mais
aucune d’elles ne peut être aujourd’hui considérée
comme une alternative au pétrole et par conséquent au
gazole : pour la plupart, elles constituent des compléments permettant de réduire les émissions polluantes
et/ou d’apporter une énergie complémentaire. Ces
autres pistes envisagées concernent :
1) les véhicules hybrides, voie prometteuse à moyen
terme sur les zones périurbaines mais pas au-delà, pour
des questions d’autonomie ;
2) la pile à combustible, autre option intéressante
à plus long terme, quinze à vingt ans, pour réduire les
émissions de gaz à effets de serre au niveau du véhicule,
mais en l’état actuel des recherches, de nombreux freins
subsistent, dont les pertes énergétiques, le stockage
difficile de l’hydrogène, l’importance des coûts de mise
en œuvre ;
3) l’éthanol est appelé à se développer fortement
pour les véhicules légers en mélange avec de l’essence
pour obtenir le superéthanol E85, mais il n’est pas près
d’être commercialisé pour les autocars en l’absence de
filière adaptée pour les moteurs diesel ;
4) l’utilisation du gaz, quant à elle, semble inadaptée
au transport interurbain, qu’il s’agisse de GPL ou de
GNV, notamment en termes de coût et de ­contraintes
techniques qui ne sont pas en faveur du gaz.
Les principales pistes d’améliorations à l’horizon
2020-2030 portent sur :
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– les moteurs avec un maintien de la filière diesel
complétée par un système DeNOx, éventuellement
un développement de la filière hybride avec des motorisations diesel ou à allumage commandé avec des
objectifs de réduction de consommation de l’ordre de
10 à 20 %,
– les carburants, avec une réduction de la teneur en
soufre du gazole, et l’augmentation progressive de la
teneur en biocarburant.
Mais en parallèle, il faudra travailler à la réduction
de la masse du véhicule, notamment sur sa structure
et ses différents organes (diminution de la résistance
au roulement, perfectionnement environnemental des
équipements auxiliaires à l’intérieur du véhicule, récupération de l’énergie au niveau de l’échappement, renforcement des formations à la conduite économique,
aide à la conduite avec le géopositionnement et l’intégration du trafic en temps réel).
Pour conclure ce premier « zoom », les transports
collectifs ne pourront s’imposer comme une alternative
efficace et pertinente à la voiture particulière qu’avec
une amélioration continue de leur performance et une
politique de transport visant à une meilleure fluidité.
• L’intermodalité apparaît ensuite comme une donnée
essentielle du développement de l’autocar. Le concurrent de l’autocar, ce n’est ni le train, ni le bus, c’est bien
la voiture particulière. Celle-ci représente 85 % du trafic
terrestre, le train et le métro 9 %, le bus 4-5 % et l’avion
1 %. S’il n’est pas raisonnable d’envisager demain une
place prépondérante ou même importante de l’autocar,
la marge de progression n’en est pas moins importante.
Si l’on passait de 5 à 10 % du trafic, cela représenterait
ni plus ni moins qu’un doublement des activités des
entreprises d’autocars. Or, l’intermodalité est en panne
en France et en retard par rapport aux autres pays européens. C’est un concept dont on parle beaucoup, mais
dont les réalisations concrètes sont peu nombreuses et
manquent de cohérence et de lisibilité.
L’évolution des bassins de vie a multiplié le besoin
de mobilité des citoyens, dont la seule préoccupation
est de disposer d’un réseau de services lisible, facile
d’accès et d’un coût raisonnable. En d’autres termes,
les déplacements des citoyens font fi des frontières
institutionnelles et administratives alors qu’opérateurs
de transports et autorités organisatrices de transports
­restent dans une logique de prés carrés territoriaux. De
la même manière, l’urbanisation croissante et l’extension des périmètres de transports urbains (PTU) – qui
sont une exception française – ont rendu obsolète la
différence entre les opérateurs urbains et interurbains
pour ce qui concerne le transport collectif routier.
Aussi, bien que les autorités organisatrices de transports et les opérateurs aient presque tous engagé une
réflexion sur l’intermodalité, celle-ci est en panne et en
retard en France par rapport à ses voisins.
Les freins à l’intermodalité sont de plusieurs ordres :
1) institutionnels : s’il y a beaucoup de collectivités
territoriales à compétences de transports, il n’y a pas de
structure technique ou politique de concertation et de
coordination suffisamment efficace ;
2) économiques : les budgets plus faibles que les
collectivités territoriales y consacrent ne permettent pas
et permettront sans doute de moins en moins de faire
face au développement du transport collectif ;
50
51
3) culturels : le transport collectif ne fait pas – ou
peu – partie de la culture française, et les atouts de
l’autocar dans la chaîne des transports collectifs sont
mal connus.
Pourquoi faut-il agir maintenant ? Le transport
collec­tif et l’intermodalité sont en pleine évolution et
les prochaines années seront déterminantes pour l’avenir des différents opérateurs de transports. Le contexte
est aujourd’hui particulièrement favorable pour que les
choses bougent : le coût du carburant, le développement
durable, l’apparition de nouveaux marchés dans et autour
des PTU, l’évolution de la notion de PTU vers celle de
bassins de déplacements, l’apparition de véhicules miurbains mi-interurbains, le transport de personnes à
mobilité réduite, le transport à la demande, etc.
Comment agir ? Pour nous, la première chose est
de placer le voyageur au-dessus de toutes les réflexions
sur l’intermodalité. Le transport collectif doit être
construit pour et avec le voyageur.
Ensuite, il faut construire une offre intermodale
pertinente, le transport collectif doit s’adapter à la
nouvelle géographie des territoires de vie et de déplacement, et prendre en compte les nouvelles exigences des
voyageurs, en termes de billettique, d’information, de
continuité du déplacement, de tarification, etc.
Enfin, il faut inventer une coordination efficace : les
modes actuels de coordination ne donnent pas satisfaction ; il faut en inventer d’autres, car la coordination est
la clé de la réussite de l’intermodalité.
L’enjeu de l’intermodalité, c’est bien de diminuer la
pénibilité des ruptures de charge afin de permettre aux
voyageurs de passer aisément d’un mode à un autre.
La seule méthode pour que cela fonctionne, c’est de
mettre en place d’abord une offre structurée et cohérente
avant de mettre en œuvre des politiques adaptées de
tarification, billettique et information. Pour cela, il
faut une volonté politique forte de développement du
transport collectif dans sa globalité et donc du développement de l’intermodalité. Le transport par autocar souple, réactif, faible en consommation d’énergie
et économique, trouvera sa pleine efficacité par une
augmentation significative des fréquences et de l’amplitude des services. Si l’offre n’est pas suffisamment
cadencée et consistante, il n’y a pas de crédibilité pour
le transport collectif.
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53
Pour conclure, le débat d’aujourd’hui est bien celui
de la volonté politique de développer le transport collectif et l’intermodalité. Attention à ne pas manquer un
rendez-vous historique du développement du transport
collectif, dont l’avenir est entre les mains des instances
politiques, donc entre les vôtres !
Vous l’aurez compris, les enjeux et les défis à relever
sont nombreux pour notre profession : nous avons parlé
des énergies et du développement durable, ainsi que de
l’intermodalité, mais il y en a d’autres :
– l’accessibilité des véhicules,
– l’image du transport par autocar,
– la sécurité.
Le recrutement de conducteurs qualifiés et bien
formés (soucieux de leur consommation d’énergie, de
la satisfaction du client, de la sécurité dont ils sont les
premiers garants…) est essentiel pour que la profession
conserve sa capacité d’assurer ses missions de service
public et la revalorisation du métier de conducteur
devra se poursuivre, même si elle ne peut s’envisager
qu’avec le soutien des collectivités clientes.
Notre profession est donc en devenir, évoluant vers
la gestion de la mobilité au service du voyageur, au-delà
des frontières administratives et techniques.
Questions
Claudy Lebreton
Le pourcentage du trafic de marchandises a été
évoqué, s’établissant à 5,32 % qui pouvait être transporté par voie ferrée. Qu’en est-il pour le transport
maritime ? Il y a une politique de cabotage. En est-elle
à ses balbutiements ? Des études ont-elles été faites ?
Est-ce qu’on peut plus facilement transporter certaines
marchandises par la mer ?
port du Légué, a-t-il un avenir considérable ? Je n’en ai
pas le sentiment. Je regarde simplement la configuration géographique du port, du point de vue maritime et
du point de vue des routes pour y accéder. Je ne parle
même pas du rail. Y a-t-il un avenir sur un axe avec un
grand port brestois où l’armée défend encore coûte que
coûte sa prédominance ? On se dit qu’aujourd’hui la
protection maximale au nom de la défense est complètement stupide. Il faut développer l’activité portuaire
de Brest. La région en a-t-elle la volonté ? Est-ce que
c’est véritablement un marché ? Je n’en sais rien, mais
on me dit que non. L’avenir maritime et portuaire n’est
certainement pas, visiblement, en Bretagne ; on se pose
des questions sur les ports du Havre, de Bordeaux et
de Marseille.
Hervé Le Jeune
Le type de marchandises transportées par la mer
n’est pas le même que celui qui est transporté par route.
On l’a vu, une part importante du trafic est d’abord
régionale, moins de 150 kilomètres. Il faut savoir
qu’aujourd’hui, il est moins onéreux pour une compagnie maritime de faire transporter à vide ses conteneurs
plutôt que de les laisser en stockage dans un port. Par
ailleurs, l’avenir maritime portuaire est-il en France
où à l’étranger ? Quand on voit les investissements qui
sont faits au Havre et la part de marché que Le Havre
récupère, c’est pour le moins inquiétant. Pour revenir à
la Bretagne, il faut réfléchir à la question. On parle du
Charles Josselin, conseiller général du canton de Ploubalay
ancien président du conseil général et ancien ministre
J’observe que certains dossiers s’inscrivent dans la
durée. Lorsque j’étais secrétaire d’État aux Transports,
en 1985, la question du 44 tonnes ou du 50 tonnes se
posait déjà, la question des normes sociales opposant
et discriminant les entreprises françaises était déjà
évoquée… Et il y avait une autre question, celle de la
discrimination dans le contrôle dont seraient victimes
les chauffeurs français par opposition à leurs collègues
étrangers, notamment en ce qui concerne les temps
de conduite. J’espère que ces questions trouveront une
solution. On ne peut qu’être partisans d’une harmonisation des normes sociales par le haut, puisque c’est
nous qui serions au plus haut ; il reste que le ministre
de l’Environnement est aussi ministre des Transports.
54
55
C’est une nouveauté. Nous attendons de voir comment
vont s’articuler rupture libérale et pacte écologique. Il
va être intéressant de voir comment les choses vont se
passer, lors du Grenelle Environnement. Il faut s’attendre à des ruptures importantes ou des changements
importants dans un avenir proche. Comment peut-on
gérer cette relation entre environnement et transport ?
Enfin, il me semble que, lorsqu’on parle du retard
par rapport aux autres pays européens, il faudrait nuancer parce que je suis sûr que nous ne sommes pas en
retard par rapport à tous les pays européens mais par
rapport à certains. S’agissant de la voiture, on parle
toujours de l’effet environnement, mais je voudrais
insister sur l’aspect pouvoir d’achat. L’automobile est,
de toute évidence, avec le logement et probablement le
portable, ce qui plombe le plus aujourd’hui le pouvoir
d’achat. C’est pour cela qu’au-delà des considérations
environnementales que nous avons pour essayer de
nous sortir de ce tout-automobile, il y a aussi des considérations sociales. On a parfois tendance à l’oublier.
Hervé Le Jeune
Comment concilier transport et environnement ?
C’est une vraie question à laquelle nous sommes sensibles. Nous souhaitons nous investir dans un développement durable, mais que cela ne soit pas, de grâce, un
moyen supplémentaire pour demander de l’argent aux
gens au nom du développement durable, parce que
l’État a besoin d’argent, et que cet argent en question
ne sert pas là où il doit servir. Et la France reste la
France dans une logique mondiale où l’environnement
n’a pas forcément la même connotation qu’ailleurs. Et
puis, au nom du développement durable – je pense
aux biocarburants –, faut-il faire bien pour faire plus
mal ailleurs ? Il y a des effets de mode et des choses
intéressantes, il faut y réfléchir mais de façon objective
et avec tout le recul nécessaire. Sur le retard européen,
on est allé trop vite, probablement, au niveau européen et les pays tels que la Pologne, la Hongrie et
d’autres ne voient que le jeu de la concurrence, et ils
n’ont pas les mêmes règles du jeu que moi. Cela veut
dire que l’harmonisation par le haut, nous pouvons la
souhaiter, mais la réalité économique est différente.
Je pense simplement au chrono électronique, je peux
assurer que les transporteurs s’arrachent les cheveux.
En matière de repérage du temps de conduite, nous
avons un décalage qui peut varier d’un quart d’heure à
une heure et demi de différence par jour par rapport au
temps qui était calculé par l’informatique embarquée.
Cela montre bien qu’il y a un problème majeur, mais
chaque pays européen a une vision différente du texte.
Et puis la réglementation européenne est la même pour
tous, mais chacun a son contrôle et son application. Je
ne suis pas sûr qu’en Italie, la vision des choses soit
tout à fait la même. Enfin, est-ce qu’on veut que le
transport routier soit dans la même configuration que
le transport maritime ? Le bateau était contrôlé de la
même façon par des pays européens, mais le contrôle
était un peu différent. Ces gens-là étaient sur nos mers,
ces camions-là sont sur nos routes. De façon générale,
il faut qu’on ait ce Grenelle Environnement mais intelligent, avec la part économique qui doit avoir sa place,
dans l’intérêt de l’ensemble de l’économie et de l’ensemble de nos concitoyens. Et tout cela aura un coût.
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Sommes-nous prêts à le payer ? Est-ce que vous, élus,
qui êtes en train de parler de développement durable,
avez bien évidemment fait covoiturage ?…
Félix Leyzour
Je crois que les observations et le débat ­recoupent les
discussions que nous avons déjà eues dans le domaine,
par exemple, de l’agriculture. À savoir que, lorsqu’on
aborde les questions de l’environnement, on recoupe
très rapidement les rapports sociaux et les rapports écono­
miques. Évidemment, toutes les questions soulevées
ne trouveront pas leur réponse ici. Mais nous sommes
obligés de réfléchir dans le cadre général qui nous est
imposé. Et nous sommes en Bretagne. Quand on parle
d’accessibilité en Bretagne, il faut trouver des réponses
adaptées à notre région. Et c’est là que nous avons certainement des observations à faire, par ­exemple du point
de vue routier, du point de vue ferroviaire, et il n’est pas
non plus inutile d’y réfléchir en termes maritimes parce
qu’il ne faudrait pas que nous tournions le dos à la mer.
Je crois que dans nos poli­tiques, nous avons eu ce soucilà. Concernant le transport de voyageurs, je crois qu’il
est important, dans l’intermodalité, d’avoir une bonne
interconnexion entre les différents modes de transports
en termes de lieux, d’horaires, de façon à ce qu’on ne
perde pas son temps à chercher une place quand on a
besoin de changer de mode de transport. Et nous avons
quelques expériences en la matière.
de temps et qu’il y ait un confort aussi bien à changer
de mode qu’à voyager. On est dans un métier extrêmement peu libéralisé, et on voit bien que des pans entiers
ont été négligés. Il y a une réflexion qui commence à
s’engager sur les dessertes par autocar, sur les liaisons
par voie rapide et autoroute, avec des véhicules à haut
niveau de service. La réalité, c’est que ces lignes-là
n’ont pas été développées parce qu’il y a le monopole
de la SNCF qu’on ne peut pas concurrencer. C’est un
marché qui n’est absolument pas libéralisé. Il y a là un
moyen de développer considérablement le transport par
autocar dans la mesure où l’on y met de la fréquence et
du confort ; et l’interconnexion est pertinente. On sort
d’une période où l’autocar avait une image ringarde,
et c’est à la faveur du contexte que nous connaissons
aujourd’hui qu’il appartient aux élus de donner le coup
de pouce nécessaire pour qu’un nouveau développement soit donné, sachant que, contrairement à ce qui a
été dit, l’autocar ne me paraît pas coûteux en investissement et en fonctionnement puisque, notamment, il
n’exige pas une infrastructure particulière.
Philippe Plantard
L’intermodalité, c’est avant tout une perception de
confort, c’est-à-dire qu’il faut qu’il n’y ait pas de perte
58
59
III
Innovation en matière de transports,
de déplacements et de sécurité routière
Guy Bourgeois La recherche apporte des réponses scientifiques
aux questions qui sont débattues en sachant que la
science par construction est modeste, c’est-à-dire
qu’elle s’efforce de dire quelles sont les zones de certitude et les zones d’incertitude. Je suis un haut fonctionnaire, mais néanmoins un scientifique. L’Inrets a
la particularité de regarder ce qui se passe à travers le
monde à la fois dans le temps et dans l’espace. Cela
nous permet d’obtenir des informations sur ce qui se
passe dans d’autres secteurs géographiques ou histo­
riques. Nous sommes dans une réflexion qui intègre
la notion du temps.
Sur la ville, je voudrais, à l’échelle du temps – nous
regardons là sur deux cents ans et nous faisons de la
prospective à cinquante ans, il s’agit donc des mêmes
ordres de grandeur –, montrer l’importance sur les
systèmes de transport de l’enjeu de la densité. À la
Directeur de l’Institut national de recherche sur les transports et
leur sécurité (Inrets).
60
fin du xixe siècle, il y avait deux villes dans le monde
qui dépassaient le million d’habitants. Ces deux villes
étaient Paris et Londres. La densité moyenne de ces
deux villes était comparable : entre 35 000 et 40 000
habitants au kilomètre carré ; cette densité a été atteinte
par New York qui s’est développée très rapidement.
Avec Los Angeles, ces quatre grandes agglomérations
comptent aujourd’hui, à l’échelle géographique, à
peu près les mêmes densités. La zone agglomérée de
l’Île-de-France a aujourd’hui la même densité urbaine
que la zone agglomérée de Los Angeles. Avec l’étalement urbain, la population de l’Île-de-France a été
multipliée par vingt en deux cents ans, sa densité a
été diminuée par dix, donc sa surface a été multipliée
par deux cents. Les problèmes de transport sont donc
éminemment liés aux problèmes de densité. Par rapport à l’inter­modalité, au transfert modal, nous devons
examiner ce qu’il est possible de faire et de ne pas faire.
Et si je suis bien d’accord que le voyageur est au centre,
il ­ n’em­pêche que celui-ci commence par faire le bon
choix, son choix par rapport à ce que le système des
transports lui permet de faire. L’Inrets a réalisé une
étude, que l’on peut transposer, toutes proportions
égales, dans le système français qui est le mieux desservi par les transports en commun, à savoir le système
de l’Île-de-France. Nous constatons que 92 % des
conducteurs qui utilisent leur voiture n’auraient pas pu
réaliser leurs activités quotidiennes autrement qu’en
voiture. Ces 92 % de conducteurs réalisent 95 % du
trafic automobile de l’Île-de-France. Si l’on disait à ces
personnes : « Si vous doublez votre temps de trajet, estce que vous continuerez à prendre la voiture ? Ou est-ce
61
que vous basculerez sur les transports en commun ? », il
en résulterait que nous ne serions plus à 95 % de trafic
automobile, mais à 75 %. C’est-à-dire que le transport
routier a atteint un tel avantage compétitif que le renversement de la tendance ne peut se faire à l’horizon de
quelques semaines, ­quelques mois ou quelques années.
Mais dès lors que l’on réfléchit sur du long terme, on a
des éléments et c’est ce sur quoi je vais insister.
La problématique de l’énergie
Ce qui est important sur l’évolution de la consommation énergétique française dans la période 19732004, ce sont l’industrie, les transports, les autres
secteurs et le logement. L’industrie a globalement
très fortement diminué sa consommation d’énergie, de même qu’elle a très fortement diminué sa
consommation de pétrole. Dans les autres secteurs,
la consommation d’énergie a augmenté globalement,
mais la consommation de pétrole a très fortement
décru. Au passage, nous avons, c’est une particularité de la situation française, le poids de l’électricité,
notamment d’origine nucléaire. Mais la situation
française reste néanmoins très dépendante du pétrole.
À ce titre, je rappellerai que, depuis que l’histoire de
l’humanité a commencé, nous avons toujours été dans
des coûts d’énergie décroissants, et c’est probablement
la première fois dans l’histoire de l’humanité que nous
basculons dans un système de coût d’énergie croissant.
Le coût d’énergie est évidemment fondamental pour
l’activité écono­mique, de même que le coût d’énergie
du transport est évidemment fondamental pour la performance des systèmes de transport.
L’étalement urbain est un sous-produit de deux
grands événements qui se sont conjugués à l’histoire du
temps : au xixe siècle, le développement du ferroviaire,
l’étalement urbain autour des voies de chemins de fer,
l’urbanisme… ; et, phénomène de la seconde moitié
du xxe siècle, l’étalement urbain lié à l’automobile.
Avant l’invention du chemin de fer, le mode dominant,
sur le plan économique, était le transport maritime :
Venise s’est imposée dans l’histoire économique pendant mille ans parce qu’elle avait l’avantage compétitif
considé­rable du transport maritime. Dans le jeu de
la mondialisation, le transport maritime redéveloppe
une capacité concurrentielle que la France commence
à percevoir. Ce serait une erreur de ne pas s’intéresser
au maritime dans une région comme la Bretagne, avec
l’augmentation des coûts de l’énergie et vraisemblablement les changements profonds que cela va avoir sur
les activités humaines.
Les problèmes majeurs concernant la localisation
d’activités – où s’installer pour habiter, où installer les
activités économiques – ne se posent pas du tout de la
même façon lorsqu’on est en énergie chère ou en énergie bon marché. On voit bien que les hypothèses sont
assez contrastées en matière d’évolution d’énergie. Pour
ma part, je pense que nous sommes installés de façon
durable dans un contexte de pétrole cher mais non pas
de pétrole rare. Nous ne sommes au terme ni de l’exploitation des réserves comme, par exemple, les schistes
bitumineux d’Alabama, ni des techniques d’extraction
du pétrole dans les puits déjà existants, puisqu’on
n’extrait qu’une très faible partie des ­pétroles d’Arabie
saoudite aux conditions économiques ­actuelles. Plus le
62
63
prix du pétrole augmente, plus on peut se permettre
d’utiliser les techniques d’extraction chères, auquel cas
les réserves sont encore assez importantes. Nous serons
dans un scénario d’énergie chère, mais pas d’énergie
rare, du moins en ce qui concerne le pétrole.
Concernant la consommation de cette énergie,
nous avons aujourd’hui un système routier qui fonctionne avec des moteurs à explosion. Ces moteurs ont
trois caractéristiques : ils sont parfaitement au point,
il y a cent ans d’histoire économique et de recherche
industrielle derrière, et extrêmement résistants. Ils sont
toutefois d’un faible rendement, mais ils ont l’avantage
d’avoir une faculté de stockage de l’énergie à bord. Les
motorisations électriques, elles, sont à l’inverse d’un
excellent rendement, mais nous ne savons pas stocker
à bord. Avec le système ferroviaire ou le tramway, qui
sont alimentés par des caténaires, nous savons assurer
de meilleures performances. On nous annonçait il y a
une quinzaine d’années l’arrivée de la voiture électrique,
mais nous n’avons pas résolu le problème des batteries,
dont nous ne savons pas assurer la fiabilité sur le long
terme (nous faisons tous l’expérience des batteries qui
meurent sur les téléphones portables, sur les voitures).
Les systèmes hybrides se distinguent schématiquement en trois catégories : une première qu’on voit
apparaître, c’est par exemple la C4 de Citroën dotée
de ce qu’on appelle un « alterno-démarreur » qui coupe
le moteur à l’arrêt. C’est intéressant pour le bruit, mais
modeste en économie d’énergie ; cela n’a d’intérêt que
pour les véhicules qui passent leur temps à s’arrêter et
à redémarrer. Il est vrai que lorsque les autobus seront
équipés de systèmes de cette nature, ils cesseront de
faire tourner leur moteur à l’arrêt, ce qui leur donnera
une bien meilleure image auprès de l’opinion publique.
Et c’est une technologie disponible actuellement pour
le court terme.
Nous disposons déjà du « mild hybrid », par exemple
la Toyota Prius, qui comporte une batterie de technologie actuelle, et qui a juste ce qu’il faut d’énergie pour
assurer l’optimisation du moteur. La batterie sera sollicitée chaque fois qu’on peut éviter des consommations
trop importantes, notamment au démarrage. L’énergie
électrique donne ce qu’il faut au démarrage, quand le
moteur thermique est le moins performant. Là aussi,
on va trouver des systèmes urbains plus performants
mais les gains seront plus modestes dans l’extra-urbain
ou le périurbain. Et nous avons le « full hybrid », qui
récupère l’énergie de freinage, ce qui constitue un
énorme enjeu. Nous sommes là encore en urbain : en
ce qui concerne l’économie de l’énergie, le message
important, établi sur le plan scientifique, est qu’il n’y a
pas beaucoup de progrès technologique à attendre pour
les véhicules de type « grands routiers », les camions et
autocars qui font de la route étant d’ores et déjà bien
optimisés sur le plan énergétique.
Les gros progrès à faire portent sur les véhicules
urbains : le potentiel de développement et d’innovation technologique, d’une part, sur le silence avec les
­systèmes électriques qui se substituent aux systèmes
thermiques, et d’autre part sur la récupération d’énergie, est un enjeu important pour la ville. Les techniques
de récupération d’énergie sont aussi importantes pour
le ferroviaire, et notamment pour les systèmes de tramway ou les systèmes de TER, etc.
64
65
La spécificité du transport de marchandises
Le transport de marchandises nécessite des ­réponses
différentes. L’Inrets a réalisé une enquête, « l’enquête
Écho ». Je signale au passage que nous sommes en
France extrêmement pauvres en système de collecte
d’informations, et cette enquête n’avait pas été faite
depuis quatorze ans. Et lorsqu’on parle de voyageurs ou
de marchandises, on est collectivement dans un déficit
de données.
La moitié des envois, en transport de marchandises, pèsent moins de 30 kg et ce poids médian a été
divisé par 5 entre 1988 et 2004, c’est-à-dire que le
transport de marchandises est massivement constitué
de tout petits envois qui représentent 97 % des envois.
On voit ici la contradiction : on ne peut être intermodal que si on est capable de massifier les flux et pour
ce faire, il faut que les problèmes organisationnels
soient résolus. En France, si je veux envoyer un colis,
je m’adresse à un système de transport, qui le prend
du point A et l’amène au point B. Il existe un système
dans lequel sont structurés les acteurs de la logistique,
à savoir des aménageurs qui vont réfléchir en amont
sur la façon d’articuler les flux acheminés, les systèmes
productifs et les systèmes logistiques, de telle sorte
que, par construction, on puisse distinguer ce qui va
donner lieu à des flux massifs et ce qui ne va pas donner des flux massifs.
La France est très en retard sur la structuration
économique du champ conjoint des transports et de
la logistique et elle n’a pas su, pour des raisons historiques, avec les chargeurs maritimes et avec la profession du transport routier, faire ce que des grands pays
comme les États-Unis, l’Allemagne, les Pays-Bas ont
fait, c’est-à-dire créer des ensembles qui, d’un côté,
assurent des prestations logistiques, assistent les sys­
tèmes productifs dans la fabrication, dans les processus
conjoints de fabrication et de transport ; et de l’autre
côté, assurent les transports dans les conditions les plus
rationnelles. Une des raisons pour lesquelles le transport de marchandises en France n’est pas assez compé­
titif par rapport aux grands compétiteurs qui sont
apparus aux Pays-Bas et en Allemagne notamment,
c’est que la profession française ne s’est pas structurée
comme il le faudrait. J’attire l’attention de la FNTER
sur le risque qu’elle prend de se mettre en retard, non
pas à cause de coûts salariaux mais à cause d’un déficit
de structuration économique à l’échelle de la compétition internationale.
Le transport de marchandises, c’est beaucoup de
transports urbains. Un des premiers problèmes est la
desserte des lieux de concentration humaine. Et si le
transport de marchandises s’est adapté à la ville – on
est livré, à temps, comme il faut, par un système de
transport adapté –, il est redoutablement consommateur d’espace et d’énergie. Il existait de grandes
­plates-­formes logistiques qu’on a tendance de nos
jours à refouler toujours plus loin en dehors des zones
­urbaines. Le résultat est qu’on multiplie, à défaut
d’avoir réglé ce problème, des petits ­ véhicules qui
transportent des petits paquets sur de plus ­longues distances. La réservation dans les villes – au plus ­proche
des centres urbains ou au plus proche des zones les plus
adaptées aux plates-formes logis­tiques – de zones pour
ces échanges logistiques urbains constitue un enjeu
66
67
du transport de marchandises et de l’intermodalité.
Devant des pratiques qui évoluent très vite, le commerce électronique pose tout ce problème de la réactivité de la livraison en ville, et nous avons des champs
d’expérimentations qui se développent. Nous avons
par exemple le pousse-pousse électrique, bien adapté
et non polluant, pour le transport de petits paquets
entre les villes, c’est mieux que la camionnette de
quinze ans qui pollue. Ce sont là des terrains d’expérimentation pour les collectivités locales qui sou­haitent
s’engager et promouvoir ce type de partenariat.
Des réflexions sont menées avec de grands acteurs
de transport pour mettre au point des véhicules de
type expérimental. Pour les voyageurs, par exemple,
les bus à plancher bas existent ; mais pour les marchandises, ce problème n’est pas encore réglé, ce qui
fait que, pour sortir un conteneur d’un camion, il faut
arrêter le camion, baisser le haillon, mettre le conteneur sur une palette, mettre la palette sur le haillon,
baisser, etc. Pendant tout ce temps, la circulation est
bloquée. Lorsqu’on aura des véhicules électriques, avec
plancher bas, avec la possibilité de sortir le conteneur
sur le côté, un camion de livraison pourra s’arrêter à
côté d’un arrêt d’autobus, sortir sa palette en un instant et repartir aussi vite qu’un passager descend d’un
autobus. Sur ce plan, la réflexion sur les technologies
de véhicules adaptés à la livraison de marchandises en
ville est très importante, notamment pour le transport
de palettes et de conteneurs qui est un élément clé de
la chaîne de l’intermodalité.
Le ferroviaire local constitue, de mon point de vue,
un terrain à explorer : les shortlines, c’est le sujet auquel
réfléchissent aujourd’hui les Américains, les Canadiens,
les Allemands, les Néerlandais, etc. Comment utiliser
des lignes de chemin de fer parfois désaffectées, parfois
sous-utilisées pour faire du transport de marchandises
d’intérêt local ? On imagine les réactions : « Le transport ferroviaire, c’est pour de la longue distance. » Il y a
une quinzaine d’années, on avait la même idée pour les
voyageurs ; aujourd’hui, on a des TER, et dans toutes
les régions de France, la croissance du trafic ferroviaire
se fait sur les TER. En changeant les systèmes de
responsabilité, on a estimé que c’étaient les régions
et autorités organisatrices qui pouvaient définir les
besoins de transport de voyageurs, à condition d’établir
certaines règles : cadencement, respect des horaires,
etc. En Allemagne, la démonstration est faite que les
lignes ferroviaires qui déplaçaient 10 000 voyageurs
par jour, lorsqu’elles sont réorganisées, restructurées et
repensées, sont capables de déplacer 50 000 à 60 000
voyageurs par jour. Et ce n’est pas un hasard si se développe en France le concept de tram-train dans plusieurs
régions. Je ne peux qu’inciter à réfléchir à la capacité
d’utiliser les systèmes ferroviaires, y compris pour des
marchandises de courte distance. Le coût de l’énergie
étant un élément décisif dans les stratégies de localisation d’activité, il faudrait inciter les entreprises à s’installer dans des endroits où elles consommeront moins
d’énergie et examiner la possibilité d’utiliser les lignes
ferroviaires locales au moins pour les marchandises.
C’est une réflexion pour laquelle la France est globalement en retard, je l’ai évoquée avec Anne-Marie Idrac,
présidente de la SNCF, qui a donné son accord pour
qu’on pousse les réflexions sur ce point-là.
68
69
Concernant les voies navigables et les dessertes portuaires, dans une économie mondialisée, le transport
maritime et le transport par voie fluviale ont reconquis
des lettres de noblesse qu’ils avaient perdues. La croissance du trafic des grands ports asiatiques et européens
est importante, avec des effets induits sur les ports
comme Le Havre ou Marseille, qui ne sont pas à la
hauteur des autres mais malgré tout en forte croissance.
Un enjeu pour la France est la desserte de l’arrière-pays
de nos zones portuaires. En Allemagne, les conteneurs
sont déchargés en bloc sur des trains qui sont envoyés
le long du Rhin ou dans les arrière-pays où le dispatching est ensuite effectué. Le couplage de la desserte
des ports et des axes ferroviaires est un enjeu majeur
pour le développement économique de demain. La
Bretagne, qui a des ports, doit réfléchir sur la desserte
de ses arrière-pays, notamment par des axes ferro­viaires
qui permettent de drainer des flux et d’installer des
perspectives de développement. Ce n’est pas cela qui
en fera un transfert modal massif, mais cela donnera
un avantage compétitif aux entreprises qui viendront
s’installer à proximité de ces axes. C’est ce qui fera
que l’on sera en capacité d’attirer des activités de forte
valeur ajoutée parce qu’elles auront accès à des coûts de
transport qui seront par ailleurs compétitifs.
Les pistes de l’intermodalité
La France connaît un grand renouveau des tramways : il s’est ouvert en 2006 plus de lignes et plus de
kilomètres de tramway qu’il n’y en avait déjà en France,
développement plébiscité par l’opinion ­ publique.
Certaines innovations ont été faites également, avec
des bonheurs plus ou moins partagés, avec le TVR à
Nancy, à Caen, le Translor à Clermont-Ferrand, des
systèmes de bus guidé comme le Phileas aux Pays-Bas,
qui est en cours d’installation à Douai, ou Civis, qui
a donné lieu aussi à des développements en France.
Nous avons la possibilité de faire du bus ou du car un
objet de haute technologie, avec des capacités de localisation, d’équipements embarqués, de surveillance, etc.
Il est vrai le bus et le car ont une image de transport
social que plusieurs pays essaient de casser. Dans la
Silicon Valley, il existe des transports par autocar haut
de gamme dans lesquels on peut faire tout ce qu’on
peut faire dans le TGV : connexion haut débit sur
por­table… Il y a donc un enjeu de modernisation du
système bus et notamment dans les sites urbains avec
le concept de bus à haut niveau de service.
Les coûts comparés des différents systèmes
­montrent que la façon la plus performante pour assurer, en milieu urbain, du transfert modal de la voiture
particulière vers les transports collectifs, est de faire
du bus à haut niveau de service. La condition est de le
rendre attractif pour une clientèle qui a encore l’idée
que le bus est le transport de celui qui ne peut pas se
payer une voiture.
Nous avons lancé un programme, dans le cadre du
Predit, pour inciter les industriels français à concevoir
un produit qui n’existait pas, c’est-à-dire un petit
véhicule dédié au transport public urbain. On connaît
des camionnettes ou les voitures un peu élargies, de
type 806 ou Espace ou Estafette, dans lesquels on a
remplacé le coffre à bagages par des sièges pour mettre
les passagers. Le microbus est un véhicule de transport
70
71
urbain dédié à la ville, à plancher bas intégral ; on y
accède par des grandes portes latérales et on y met une
dizaine de personnes, mais aussi un service de transport
roulant adapté. Ceci est un produit idéal pour faire
de la desserte de transport de centre-ville ou de petit
quartier piéton, etc.
Pour traiter l’intermodalité, il faut s’assurer que la
chaîne soit complète. L’intermodalité la plus performante en matière de transfert modal, c’est celle qui
combine un axe lourd : un tramway, un TER, etc., et
des possibilités de desserte fine avec ce type de véhicule. Pour résumer, une cartographie d’un réseau de
bus dans une ville française ou dans une périphérie
urbaine ressemble à un plat de nouilles, c’est-à-dire
qu’il y a des lignes partout, on a l’impression que c’est
bien desservi. Puis on s’aperçoit que l’horaire de cette
ligne, c’est un passage le matin et un l’après-midi, que
cette autre ne fait pas le détour, qu’elle va passer par
l’hôpital ou le collège, etc., et qu’ainsi on met trois
quarts d’heure pour faire ce que l’on fait en 20 ­minutes
en voiture. Les tracés paraissent satisfaisants sur le
papier mais ils ne sont pas efficaces. En faisant des
axes lourds qui vont rapidement d’un point à un autre,
et ce que j’appelle « les dessertes à la marguerite » – des
systèmes qui desservent rapidement avec des véhicules
de cette nature –, on change le concept de transport
public local, et on obtient quelque chose de compétitif
par rapport à la voiture particulière. C’est ce que la
ville de Clermont-Ferrand est en train d’expérimenter
avec un axe structurant qui est fait avec le Translor,
et une desserte de centre-ville qui est faite avec un
système de microbus.
Le programme s’appelle « 100 microbus ». 140
v­ éhicules sont aujourd’hui en circulation, il y a des
endroits où cela marche très bien et d’autres où cela
marche un peu moins bien. Cela dépend de la façon
dont l’opération est pilotée. Nous avons – c’est un
résultat de l’industrie française – un véhicule totalement adapté au transport des personnes à mobilité
réduite, conçu pour que les personnes âgées et les
personnes handicapées soient transportées dans des
conditions dignes.
L’information concernant l’intermodalité est tout à
fait importante, c’est le domaine d’ITS Bretagne. Le
système de traitement de l’information est très simple
en apparence mais en réalité il est compliqué, parce
qu’il faut recueillir des données, les rassembler, les
traiter. Pour les traiter, il faut qu’elles soient homogènes. Puis, il faut savoir les délivrer au bon moment
et au bon endroit : quand on est à la RATP et qu’on
a historiquement un système différent sur le bus et
sur le métro, pour en faire un système d’information
multimodale, il faut commencer par refaire les sys­
tèmes de gestion et d’information du bus et du métro.
Là aussi, la France est très en retard par rapport à
d’autres pays, notamment la Grande-Bretagne, qui ont
posé des principes de normalisation de l’information,
c’est-à-dire que tout opérateur de transport est prié
de rendre publiques, selon des normes techniques, ces
données à d’autres opérateurs qui les traitent et qui les
rediffusent. En France, nous n’avons jamais réussi à
obtenir que les transporteurs se mettent d’accord sur
des normes d’échange de coordonnées entre eux, un
système homogène de mutualisation des données qui
72
73
Sécurité routière et aides à la conduite
Sécurité routière et infrastructures pardonnantes
sont des thématiques bien connues des Côtes ­d’Armor,
qui sont fortement engagées sur ces chantiers. Nous
avons tout un ensemble de programmes qui se ­déroulent
dans le cadre de grands projets français ou européens
tels que Sari, Arcos, Lavia, Safemap, qui visent à
développer des technologies de route intelligente. On
distingue, dans ce concept, des aides à la conduite :
1) Les systèmes autonomes : par exemple l’ABS, l’ESP,
c’est-à-dire que le véhicule est équipé de systèmes
d’aide et se suffit à lui-même.
2) Les systèmes distribués, c’est-à-dire que le système
nécessite autre chose et notamment une cartographie, à
l’exemple du système de navigation TomTomRoute.
3) Les systèmes interactifs, avec cartographie qui
donne des informations pour établir des systèmes
de communication entre véhicules qui se passent les
informa­tions des uns aux autres.
Les systèmes autonomes sont opérationnels. Les
systèmes distribués et les systèmes interactifs sont les
grands enjeux technologiques des développements
en cours. Un exemple de système interactif : dans le
brouillard, il ne faut pas aller trop vite par rapport au
véhicule qui précède, le système maintient obligatoirement la distance de sécurité en mesurant la distance et
la vitesse entre les véhicules et bloque la vitesse à une
vitesse de sécurité. En matière de systèmes autonomes,
on peut imaginer être capable de maintenir un véhicule
sur sa trajectoire ; de lire les lignes latérales ; d’avertir
un véhicule qui va trop vite par rapport à la vitesse de
sécurité pour aborder un virage. En matière de système
distribué, on a, par exemple, une trajectoire préenregistrée. Dans le domaine du poids-lourd, on est capable,
avec un système de cette nature, d’optimiser complètement la consommation d’énergie sur une autoroute
avec son profil en long. Le camion rentre sur une
autoroute, on lui donne le profil en long de l’autoroute
et on lui donne par là même la loi de vitesse qui va lui
permettre d’optimiser la consommation de l’énergie
dans le jeu des pentes, montées et descentes.
Dans les systèmes interactifs, nous avons l’énorme
enjeu de la localisation, qui renvoie au débat sur Galileo :
couplage télécommunication et localisation. La précision de la localisation constitue un enjeu majeur, notamment pour le péage routier. Je formule une hypothèse.
Nous sommes dans un prix d’énergie croissant. Demain,
nos concitoyens préféreront payer un péage qui leur
garantira qu’ils pourront rouler sur la route qu’ils vont
utiliser, c’est-à-dire qu’ils préféreront payer un péage qui
leur fera économiser de l’énergie et gagner du temps.
Aujourd’hui, ils payent des taxes – la TIPP – pour se
retrouver bloqués dans les embouteillages, perdre du
temps et gaspiller de l’énergie. Les technologies de localisation de véhicules et de télécommunications portent
en elles la capacité de faire la régulation d’infrastructure.
Aujourd’hui, avec le téléphone portable, la tarification
est plus chère en heures de pointe qu’en heures creuses.
Il en est de même pour l’électricité, pour le TGV…
Il n’y a que la route pour laquelle nous n’avons pas de
tarification qui discrimine selon qu’on est en période de
74
75
nous permettrait, collectivement, d’avoir un meilleur
système d’information.
saturation ou en période de libre utilisation. La régulation de la congestion par la tarification existe à peu près
partout sauf dans le domaine routier. Je fais le pronostic
que l’opinion publique d’un pays comme la France,
comme probablement celle des pays nordiques, sera
mûre pour préférer un péage routier à des taxes qui sont
consommées en énergie gaspillée.
Dans le domaine du système interactif, je citerai
l’exemple du Lavia, parce que je pense qu’un département comme les Côtes d’Armor pourrait être pionnier
en la matière. Nous avons expérimenté le Lavia, qui
est le limiteur automatique de vitesse en fonction de la
réglementation donnée à une infrastructure. C’est-àdire que dans une zone 30, le véhicule ne peut dépasser
30 kilomètres par heure. Sur une autoroute à 130, le
véhicule ne peut dépasser 130 kilomètres par heure,
sur une route à 110, on ne peut dépasser les 110. La
localisation du véhicule couplée avec ce système-là
permet de respecter ces vitesses. Aujourd’hui, ce type
de dispositif n’est pas envisageable sur toutes les voi­
tures. Mais un département qui organise un système de
transport scolaire pourrait mettre en place un dispositif
de cette nature en demandant à ses opérateurs, à travers
ce système, d’une part, de garantir aux familles que les
vitesses sont strictement respectées, d’autre part, que
les profils de vitesse soient faits pour optimiser l’énergie
et les coûts. Nous avons là une technologie qui arrive
à maturité et qui peut donner, à une instance comme
le conseil général des Côtes d’Armor, une occasion de
faire un déploiement de type industriel extrêmement
démonstratif sur une cause particulièrement intéressante pour la sécurité, l’énergie, etc.
À propos de Galileo, on peut dire qu’il va changer deux choses fondamentales : d’une part, le GPS
+ Galileo, c’est déjà beaucoup mieux que le GPS parce
que, plus on a de satellites pour se connecter, plus on
est sûr d’être localisé ; d’autre part, le plus important
est la notion d’intégrité. Aujourd’hui, le GPS dit : « Je
vous dis que vous êtes là, mais je ne suis pas sûr que
vous êtes là où je vous dis que vous êtes. Donc prenez
l’information que je vous donne avec précaution. »
Demain, Galileo dira : « Je vous dis que vous êtes là, et
je vous assure que vous êtes bien là où je vous dis que
vous êtes. » C’est la notion de l’intégrité. Ou il dira : « Je
pense que vous êtes là, mais je ne suis pas tout à fait sûr
de ce que je vous dis. » Ou bien : « Je suis désolé, je ne
peux pas vous dire où vous êtes. » Dans la situation dite
d’intégrité, on peut agir en sécurité : « Puisque je suis
sûr que je suis là, je suis sûr que si je fais cela, je vais
bien », par exemple une limitation de vitesse, un péage.
D’ici quelques années nous verrons des technologies
avec Galileo qui permettront de payer sans débourser
quoi que ce soit le stationnement payant dans les villes.
On garera sa voiture sur une place, on sera localisé par
satellite, garé de telle à telle heure et cela coûtera tant,
et on le verra sur le compte internet.
Lorsqu’on parle de sécurité routière et de route
pardonnante, il faut penser à deux catégories de population particulière. Notre système routier a été conçu
historiquement avec l’idée que le conducteur de référence était un homme de 40 ans en bonne santé et que
celui qui se tuait sur la route, c’était un peu de sa faute.
On a depuis abandonné cette idée : se tuer sur la route,
ça peut arriver à tout un chacun et il convient ­d’assurer
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77
la protection de ceux qui ­commettent des erreurs. Les
populations qui commettent des erreurs, ce sont massivement les jeunes et un peu moins massivement les
personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes qui ne sont plus l’homme de 40 ans à la force de
l’âge. Et il est particulièrement important de protéger
ces deux catégories en agissant sur les infrastructures.
Les jeunes, ce sont 8 millions d’individus, soit 5 %
de la population, 25 % des tués sur les routes et 33 %
des blessés graves. Ceci n’est pas propre à la France,
c’est une loi générale, une loi de la jeunesse. Cette
population évolue comme les autres, c’est-à-dire que,
quand on prend la courbe de statistique d’évolution
dans le temps, on a la même proportion de jeunes par
rapport aux autres. Moins connues sont les différences
de sexe. Ce sont les garçons qui se tuent sur les routes,
ce ne sont pas les filles. Entre 0 et 14 ans, c’est-à-dire
avant la conduite, c’est l’âge où les jeunes traversent les
routes sans précaution. Parmi les personnes plus âgées,
on retrouve ces différences de sexe, les accidentés de la
route, les tués : 60 hommes pour 40 femmes. Dans la
population des 15 à 17 ans, 75 hommes pour 25 ­femmes
et dans la population des 18 à 40 ans, 80 hommes pour
20 femmes. Donc, nous avons un vrai problème concernant les jeunes garçons, avec une importance massive
du milieu social, de l’environnement, des copains, des
amis, des petites amies, etc., et de prise de risque, de
transgressions, de drogue, d’alcool, etc.
Par ailleurs, les conducteurs âgés et les conducteurs
handicapés sont des personnes qui, à la différence des
jeunes, se connaissent très bien et sont le plus souvent
dans le mécanisme d’autorégulation. Un jeune, s’il
sait sauter 2 mètres, essaiera de sauter 2,50 mètres.
Une personne de 70 ans, si elle sait sauter 50 centimètres, ne tentera pas de sauter plus. Les personnes
âgées et les personnes handicapées sont capables
d’autorégulations qui ont comme conséquence qu’il
ne faut absolument pas leur interdire de conduire. Il
faut être attentif aux maladies de type neurologique
qui limitent les facultés et pour lesquelles il y a des
précautions particulières à prendre. Mais il est nécessaire aussi d’avoir une réflexion sur les aménagements,
sur l’ergonomie des véhicules quand on a une vue qui
baisse, quand on est porteur de lunettes, etc. Passer
du regard sur le tableau de bord au regard sur la route
pose des problèmes et il faut qu’en matière d’ergonomie de véhicule et de conception de signalisation des
infrastructures, on ait une pensée toute particulière
pour ces populations.
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79
Questions
Joël Le Croisier, conseiller général du canton de MaëlCarhaix
Que faire à propos de la surfréquentation des
­routes, surtout autour des grandes agglomérations ?
Vous avez expliqué que dans le futur ce sera encore plus
inquiétant. Il faut tenir compte du fait que, même au
fin fond du département, au centre Bretagne, il y a une
chose qui se développe et qui se développera encore,
c’est la desserte à haut débit, c’est-à-dire le télétravail.
Les entreprises, de plus en plus, chercheront à donner
du travail aux gens qui s’installeront et qui s’équiperont
pour travailler chez eux. Est-ce que cela peut, dans le
futur, jouer un peu sur la fréquentation des routes ?
Guy Bourgeois
C’est une question importante qui n’est pas tranchée. Le fait que l’on peut se faire livrer ses bouteilles
d’eau à domicile n’empêche pas les gens de déplacer
pour aller au marché. Les achats par l’internet n’ont
pas eu comme conséquence de limiter les déplacements des personnes ; ils ont pour l’instant comme
effet de limiter l’augmentation des livraisons en ville.
Ce que vous dites peut avoir des conséquences différentes et notamment celle d’augmenter la productivité
du travail. Personnellement, j’ai travaillé en haut débit
dans le TGV hier, entre 21 et 22 heures, même si je
n’étais pas dans une zone reculée de campagne. En
revanche, je pense que le haut débit a certainement
des conséquences très importantes sur le choix des
moments où l’on se déplace. Par rapport à ce que
j’évoquais sur la tarification routière et le prix de
l’énergie, je formule l’hypothèse qu’on introduira des
mécanismes de régulation de telle sorte que les infrastructures soient mieux utilisées, en évitant qu’elles
soient sous-utilisées à certaines heures et saturées à
d’autres. On peut imaginer des formes de travail ne
modifiant pas forcément la quantité de déplacements
mais permettant plus de souplesse sur les moments
où l’on fait ces déplacements. En tout état de cause,
l’équipement haut débit donne des possibilités de faire
des gains de productivité dans les régions qui en sont
équipées et est, de ce fait, indissociable des solutions
aux pro­blèmes de déplacements.
Hervé Le Jeune
Je préciserai quelques points à propos du transport
de marchandises :
1) Nous transportons de plus en plus, mais de
moins en moins lourd, parce que n’importe quel produit est vendu avec l’emballage, le suremballage. Le
développement durable passe peut-être aussi par une
révision de cette conception.
2) Concernant la logistique et le transport, il est
vrai que la France a du retard. Nous n’avons probablement pas pris le tournant au bon moment car nous
étions transporteurs avant d’être logisticiens. C’est
pour cela que j’ai précisé qu’aujourd’hui, nous faisons
du transport et de la logistique. Pour les Bretons que
nous sommes, il est important de savoir que le canal de
Nantes à Brest est voué à un grand avenir et que nous
devons travailler impérativement le transport fluvial
en Bretagne. Pour l’instant, nous ne sommes pas en
mesure de développer ce type de transport. Mais dans
d’autres régions comme l’Alsace, cela marche plutôt
bien ; pour Le Havre, il y a d’autres problèmes, et dans
tous les cas c’est un autre débat.
3) Concernant les livraisons en ville, on peut
­comprendre qu’il est agaçant d’attendre derrière un
poids-lourd qui fait sa livraison. Mais il suffit de
rationaliser les horaires de livraison. Par contre, si on
multiplie les véhicules légers, parce qu’on ne veut pas
de poids-lourds en ville, je ne suis pas sûr que la notion
de développement durable soit complètement satisfaite
dans cette affaire. Et une remarque par rapport aux
femmes – parce qu’on parle beaucoup de parité, et je
m’en félicite : plus on augmentera la manutention et la
80
81
distance de manutention, plus on éloignera les femmes
de l’emploi.
4) Un point également sur le péage autoroutier :
ce n’est pas parce que vous payez que vous avez
pour autant une assurance de rouler tranquillement.
Quand il y a de la neige sur les autoroutes en France,
on est bloqué et l’on paye pourtant à la sortie. Je ne
suis pas sûr non plus que la fiscalité soit le moyen
systématique de régler les problèmes. Il ne faudrait
pas que le transport devienne un luxe, dans tous les
sens du terme.
Guy Bourgeois
Sur la fiscalité du péage, je n’hésite pas à dire que le
système de la TIPP est un des systèmes les plus idiots
qu’on ait inventés en matière de régulation écono­
mique. C’est-à-dire que, quel que soit l’usage que vous
fassiez de l’infrastructure, vous payez la même chose.
Ce n’est pas du tout la même chose d’être un agriculteur et de n’avoir pas d’autre choix que d’utiliser son
véhicule que d’être un urbain qui utilise son véhicule
dans les embouteillages et pollue l’air. Ce système, qui
est la combinaison de la fiscalité et du péage, n’a pas
été conçu comme un outil de régulation, et il n’est
pas performant sur le plan économique. J’appelle de
mes vœux, et l’Inrets y contribue, une réflexion plus
élaborée sur le financement de tout cela. À Tokyo, les
Japonais font 5 000 kilomètres par an en moyenne avec
leur voiture. Ils utilisent les transports urbains sans
discussion. Ils ne peuvent acheter une voiture que s’ils
apportent la preuve qu’ils sont capables de la garer ; ils
ont donc tous un petit garage pour garer leur voiture.
Ce sont les employeurs qui paient les dépenses de trajets ­ domicile-travail. Ils demandent à leurs employés
de prendre les transports publics. La voiture est un
objet de loisir, on est heureux de l’avoir, plus belle que
celle du voisin, etc., mais on utilise les transports collec­
tifs. C’est un exemple pour montrer qu’il n’y a pas de
contradiction entre le fait d’être propriétaire d’une
voiture et le fait de l’utiliser à bon escient. Il faut bien
distinguer, dans ce débat, la propriété d’un véhicule et
son utilisation. La France n’est pas au bout des outils
pertinents de régulation et d’orientation des choix,
ceux dont nous disposons ne sont pas particulièrement
performants. Après tout, il était cohérent, à l’époque,
de considérer qu’une taxe sur l’énergie pétrolière, la
TIPP, alimenterait prodigieusement les caisses de
l’État. Notre époque nous appelle maintenant à des
réflexions différentes.
Du poste d’observation où je suis, je vois
qu’aujourd’hui les Anglais, les Suédois, les Norvégiens,
les Néerlandais, etc., sont dans le débat du péage
routier, que le président Bush, dans son discours du
20 janvier 2007, a demandé que l’on baisse de 20 % la
consommation d’essence aux États-Unis et a autorisé
l’administration américaine à penser au péage routier. Je pense que, par quelque bout que l’on prenne
le problème, on arrivera un jour à la conclusion que
notre système de TIPP, qui d’ailleurs n’est pas très
populaire, est mauvais ; il a vocation à être remplacé
par un système plus efficace qui, dans un contexte
d’économies croissantes, risque de nous être imposé
et pourra d’ailleurs susciter une adhésion de l’opinion
publique.
82
83
En matière de transport routier, notamment de
concurrence internationale, je pense que la France a
tout intérêt à avoir un système de péage routier qui
fasse que ses propres transporteurs ne paient pas plus
cher, à travers la TIPP, que les transporteurs étrangers
qui peuvent venir avec leur plein de gazole qu’ils ont
eu moins cher. Lorsqu’on aura rétabli l’égalité de coût
de traversée du territoire, on aura probablement rendu
service à la profession française. Il est étonnant que la
FNTR ne soit pas militante de l’instauration du péage
routier, au moins sur les grands axes internationaux.
84
Seconde partie
La politique costarmoricaine des transports
en Côtes d’Armor
85
IV
Infrastructures, modes, activités de transport
des hommes et des marchandises
Félix Leyzour Nous nous proposons de faire le point sur les transports en termes d’infrastructures, modes, activités des
hommes et marchandises avant d’entamer les réunions
de travail sur le terrain pour préparer la réactualisation
du schéma routier départemental. Dans ce domaine
comme dans tous les autres, il est utile et nécessaire
de savoir où on en est, d’où on vient et où on va. Les
contributions et le débat qui précèdent sont très riches,
avec des arguments qui se rejoignent, se recoupent, se
complètent et parfois se contredisent. Ces interventions nous apportent des éléments d’infor­mation, de
réflexion, qui nous interpellent, pas simplement sur
les transports en eux-mêmes, mais sur leur place, leur
rôle dans le développement de la vie et de la société et
sur les contradictions qui apparaissent ici et là et qu’il
nous faut chercher à dénouer et à résoudre en faisant
prévaloir une vision durable et solidaire du dévelop Vice-président du conseil général et président de la commission
de l’aménagement du territoire, des infrastructures et de la mer.
86
87
pement. De tout ce qui précède et de ce qu’il m’arrive
par ailleurs de lire et d’étudier, je retiendrai quelques
points forts.
Premièrement, si les hommes peuvent communi­
quer et communiquent entre eux aujourd’hui plus
que par le passé, dans leurs activités et dans leur vie
quotidienne, et cela sans se déplacer, cela ne conduit
pas à ce qu’on se déplace moins. Bien au contraire, on
communique et on se déplace.
Deuxièmement, pour répondre le mieux possible
au besoin de se déplacer, de transporter les marchandises, il faut s’efforcer de tirer le meilleur parti de tous
les moyens de transport et donc développer toujours
davantage l’intermodalité des transports.
Troisièmement, à travers tous les modes de transport, l’amélioration de l’efficacité énergétique doit être
une préoccupation constante. Le sujet en lui-même
pourrait faire l’objet d’un important débat – économies d’énergie, diversification au niveau des sources,
énergies renouvelables, gestion des grands secteurs de
l’énergie.
Quatrièmement, si des possibilités existent du côté
de l’intermodalité pour une partie des déplacements
des voyageurs, des gens dans leurs activités quotidiennes, pour également les transports de marchandises, pour autant, la route demeure et demeurera un
élément de l’aménagement équilibré du territoire, un
mode de transport essentiel dont on ne pourra pas se
passer.
Cinquièmement, si l’existence de routes n’est pas
une condition suffisante pour qu’un territoire vive et se
développe, elle en est une condition nécessaire quand
elle est conçue non seulement pour traverser, transiter,
mais aussi pour desservir, irriguer.
De tout cela découle, pour une assemblée comme
la nôtre et pas seulement pour nous, l’intérêt de nous
inscrire dans une démarche d’adaptation, de poursuite de la modernisation de notre réseau routier, en
l’arti­culant avec le réseau des routes d’intérêt régional
et celui des routes nationales, et en le situant dans la
complé­mentarité avec le transport ferroviaire, le transport maritime et aérien.
À ces considérations de caractère général, pour ce
qui est de la route, j’ajouterai quelques autres considérations qui ont un caractère plus régional et qui
créent le cadre dans lequel nous mettons en œuvre
nos poli­tiques d’aménagement et poursuivons nos
réflexions.
Première observation : la modernisation du réseau
routier national en Bretagne, à partir des années 1960,
s’est faite en tenant compte du caractère péninsulaire
de notre région qui n’a rien d’une région de transit pour aller d’un pays à un autre dans l’ensemble
européen. On n’y a pas réalisé un réseau autoroutier
mais un réseau à 2 x 2 voies créé la plupart du temps
par aménagement et doublement des routes nationales est-ouest avec des déviations d’agglomération
et des rectifications de tracés. Ces axes à 2 x 2 voies
raccordent la Bretagne au reste du réseau européen,
grâce à l’existence d’échangeurs plus nombreux, plus
rapprochés les uns des autres que sur les auto­routes ;
ils permettent non pas simplement de transiter,
mais aussi de desservir, d’irriguer, de développer les
­territoires. C’est un point important qu’il ne faut pas,
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89
aujourd’hui encore, perdre de vue, au moment où il est
question, après les contrats de plan, de s’engager dans
la préparation des programmes de développement et
de modernisation d’itinéraires (PDMI). C’est moins
l’aspect autoroutier qui doit retenir notre attention,
que la poursuite de la mise à 2 x 2 voies de la RN 164,
la réalisation du doublement du pont sur la Rance, qui
est devenu un véritable goulot d’étranglement, et la
réalisation d’échangeurs comme au droit de Dinan, de
Caulnes, du Perray, du Sépulcre, et la sécurisation de
ceux qui existent, comme la Chesnaye à Guingamp.
Cofinanceurs de travaux avec la région et l’État, nous
devons contribuer à faire en sorte que les objectifs à
atteindre soient définis en commun en intégrant une
approche régionale des choses.
Deuxième observation : ces liaisons nationales sont
des liaisons est-ouest et ouest-est. Au fil des années,
elles ont été croisées par des liaisons nord-sud, sur des
axes départementaux retenus au niveau de la région
comme routes d’intérêt régional. La région consacrant aujourd’hui davantage d’efforts sur le ferroviaire
a cependant maintenu sa participation sur un axe
essentiel nord-sud, RN 12 Saint-Brieuc-LoudéacPontivy, avec bifurcation sur Lorient et Vannes, ce
qu’on appelle le « Triskel ». On observera que notre
département, par sa situation géographique, et par le
tracé des grandes liaisons est-ouest, avec notamment
sur son territoire la plus grande partie de la RN 164,
et avec la liaison nord-sud, la RD 700, occupe une
position au cœur des politiques d’aménagement routier de la région. Cela nous crée des obligations, et
justifie aussi les démarches faites pour obtenir que
la RN 164 reste dans le réseau national et pour que
les financements attendus interviennent à la hauteur
nécessaire.
Ce cadre d’ensemble, qui continue d’inspirer nos
politiques d’aménagement routier, avait été, à n’en pas
douter, à l’origine de nos réflexions sur la nécessité
d’avoir un cadre départemental, un document guide
pour orienter, définir et programmer la modernisation
du réseau départemental complétant la trame constituée
par les réseaux est-ouest, intégrant les réseaux nord-sud
puisque c’est nous qui les avons réalisés, et les complétant par un réseau raccordant les principales ­ villes et
territoires entre eux et aux axes nationaux. C’était avant
la décentralisation, à une époque où le conseil général
n’était pas encore une assemblée de plein exercice.
Mais c’était une époque où apparaissait déjà la nécessité de prendre et de conduire des initiatives répondant
aux besoins d’aménagement et de développement du
territoire départemental, et préfigurant déjà ce qu’allait être la décentralisation. Il faut reconnaître que les
autorités de l’État, le préfet et la Direction départementale de l’équipement avaient compris la démarche
que voulait initier le conseil général sous la présidence
de Charles Josselin à l’époque. C’est dans une saine
coopération que le schéma d’aménagement routier a
été élaboré et adopté en 1978, après un travail au plus
près du terrain, dans les arrondissements, au cours de
réunions présidées par les sous-préfets (le conseil général n’avait pas à l’époque d’exécutif direct et le préfet
en était l’exécutif). Le schéma a été repris sous la seule
conduite du conseil général, actualisé en 1982, en
1987, en 1991 et en 2000, sous la présidence de Claudy
90
91
Lebreton. Entre-temps, à mi-parcours, il y a eu des
ajustements entre programme de base et programmes
complémentaires. Nous le remettons sur le métier pour
les périodes de 2008-2013, 2013-2020. Évidemment,
avant 1978, on faisait aussi des travaux routiers dans
le département mais en relation avec le Plan routier
breton sur les nationales. Avec le développement de
l’agroalimentaire et d’autres activités, avec le premier
transfert de routes nationales au département, il nous
était apparu nécessaire de dégager les grandes lignes
d’une politique de modernisation d’un réseau d’itinéraires, et de renforcer le budget permettant d’avancer
vers les objectifs fixés. Il fallait donc dégager des priorités en définissant un réseau de routes principales, à
moderniser d’un bout à l’autre de l’itinéraire, ce qui a
été fait. Mais il importait, dans le même temps, pour
pouvoir tenir ces objectifs, en consacrant des moyens
financiers à leur réalisation, de ne pas négliger le reste
du réseau. D’où l’idée, au niveau de l’investissement,
d’un programme d’opérations d’intérêt local répondant
à des besoins de sécurité, d’aménagement sur l’ensemble du territoire départemental, et répartissant aussi sur
tout le territoire des travaux qui font partie de l’activité
écono­mique. Ce volet de l’investissement était articulé
avec un effort consenti au plan de l’entretien.
Le bilan a été établi : de 1978 à 2006, on a réalisé,
dans le cadre du seul schéma départemental d’aménagement d’itinéraires, des travaux dont certains sont
des mises à 2 x 2 voies, sur 810 kilomètres pour un
montant de 420 millions d’euros. On peut observer,
au vu des documents établis, que le montant annuel
des travaux est allé en augmentant au fil des années.
De 1978 à 1981, il était de 6,6 millions d’euros par
an. De 1982 à 1986, 13,1 millions d’euros par an. De
1987 à 1991, 14,8 millions d’euros par an. De 1992 à
1999, 16,5 millions d’euros par an. De 2000 à 2006,
17,4 millions d’euros par an. Cette augmentation
annuelle des crédits traduit la nécessité qu’il y avait de
poursuivre et de renforcer l’effort entrepris en tenant
compte de l’augmentation des coûts des travaux, due
pour partie aux caractéristiques des aménagements
que la technique permet, pour répondre aux attentes
sociales et à l’approche environnementale. Interrogés
dans le cadre de l’enquête sur Côtes d’Armor en 2020,
les Costarmoricains ont indiqué à 57 % qu’ils étaient
satisfaits de l’état de leur réseau routier. Bien entendu,
il reste encore à faire, à fixer les objectifs et à définir le
rythme de la marche. Il serait hasardeux de tirer des
conclusions avant que la consultation par pays n’ait eu
lieu. Toutefois, comme la discussion ne s’engage pas
en partant de zéro, mais des opérations qui ont lieu sur
le terrain, d’engagement et de concertations en cours,
tant avec l’État qu’avec la région, et des communautés
d’agglomération ; aussi voit-on se dessiner quelques
grandes lignes qu’il faudra confirmer ou infirmer – le
débat le montrera – et préciser. À savoir :
1) notre volonté de voir avancer de manière concertée les travaux sur la RN 164 et de privilégier, sur
les autres routes nationales, les opérations comme le
pont sur la Rance, les échangeurs, et les opérations de
sécurité ;
2) mettre l’accent sur l’axe nord-sud, la RD 700 ;
3) poursuivre les aménagements d’itinéraires, en
raccordant les différents secteurs du département,
92
93
et en y intégrant certaines opérations de déviations
d’agglomérations ;
4) poursuivre, en termes d’études, et engager, en
termes de travaux, des opérations dont la nécessité
n’apparaissait pas au début quand nous avons élaboré
le schéma départemental, mais qui deviennent d’actua­
lité pour des raisons de transit, de développement
urbain, de fluidité du trafic intérieur et de promotion
du transport collectif. C’est le cas pour la rocade de
Saint-Brieuc, qui est en la matière le projet le plus
avancé et qui va devoir prendre sa place dans le schéma
réactualisé ;
5) maintenir un effort pour des travaux localisés sur
le réseau B, et pour l’entretien, la signalisation ; croiser
nos réflexions avec les communes et communautés de
communes, sur d’éventuelles modifications au plan des
dessertes locales ;
6) enfin, sur un réseau routier toujours mieux
adapté, prolonger la réflexion et les engagements
déjà pris concernant le transport public de personnes, Tibus et le covoiturage, le schéma vélo avec des
dispositions de sécurisation des parcours ; apporter
aussi une réponse à une pratique qui se développe.
Tout ce travail, nous allons le conduire en relation
avec les recherches qui sont menées dans le cadre de
ce qu’on appelle le transport intelligent. Et en continuant de mettre en œuvre la démarche de démocratie
participative. À cet égard, je rappelle que pour la
rocade de Saint-Brieuc, nous avons tenu vingt-cinq
réunions publiques, de secteur et de caractère plus
général. Au départ, il y avait des réserves, voire des
oppositions ; nous avons intégré des observations,
travaillé le ­ dossier. Aujourd’hui, de façon générale,
on demande que les travaux se fassent, et rapidement.
Des crédits sont inscrits en 2007. Puisqu’il s’agit des
modes de déplacements, il n’est pas inutile de rappeler
que, parallèlement à l’effort effectué sur les routes, le
conseil général s’est préoccupé aussi du ferroviaire.
Une des caractéristiques de notre département, au
plan ferroviaire, c’est que, outre la liaison principale
Paris-Brest, pour laquelle il y a le programme de suppression des passages à niveau que nous cofinançons,
et le dossier de financement de la LGV toujours en
discussion, nous avons des lignes afférentes, au maintien desquelles nous avons œuvré en direction de la
SNCF, de l’État et de la région.
La ligne Carhaix-Callac-Guingamp-Paimpol, qui
assure la liaison avec le TGV à Guingamp, maintenant une desserte locale avec le TER, a été sauvée. Du
nouveau matériel roulant y est prévu. Certains considéraient, il y a quelques années, comme dépassé de
conserver de telles lignes. Je pense que ceux qui se sont
mobilisés pour la maintenir n’ont pas eu tort. La ligne
Plouaret-Lannion a été électrifiée. Elle supporte un
trafic TER et permet au TGV d’aller jusqu’à Lannion.
La bataille du rail, comme on dit, a été rude et longue.
Mais elle a abouti et c’est bien grâce au conseil général.
On nous disait, à l’époque, qu’avec la modernisation
de la route Guingamp-Lannion, Guingamp pourrait
devenir la gare de desserte du Trégor. Nous avons
considéré qu’il fallait à la fois la route et l’électrification
de la ligne à partir de Plouaret. Personne aujourd’hui
ne le regrette. Il y a la ligne Lamballe-Dinan-Dolde-Bretagne pour laquelle notre conseil général milite
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95
activement auprès de la région, autorité organisatrice,
pour améliorer les services, renouveler les matériels et
réhabiliter les cantonnements de Plancoët et MiniacMorvan. Par cantonnements, il faut entendre la possibilité de croisement des trains en gare. Ce plan de
restructuration, outre une meilleure desserte du MontSaint-Michel et des départements voisins, constituera
un maillon intéressant, indispensable, dans l’amélioration de l’offre ferroviaire entre Saint-Brieuc et Dinan.
Il reste aussi la ligne Saint-Brieuc-Loudéac, dont le
cours a été interrompu dans le Morbihan. Notre souhait et notre engagement tendent à maintenir la section
costarmoricainne, y compris en desserte des ports du
Légué et de la zone du Châtelet, en vue d’y encourager
une politique volontariste en faveur du fret ferroviaire
et, au-delà, d’obtenir à terme la réhabilitation de la
partie morbihannaise, en l’inscrivant dans la réouverture au transport de marchandises de la totalité de la
ligne nord-sud. Puisque chaque mode de transport
renvoie à l’intermodalité, et donc aux interconnexions
qu’elle suppose, il est indispensable d’avancer dans la
recherche de solutions adaptées au stationnement des
voitures près des gares. Il serait dommage de perdre, en
temps de recherche d’une place de stationnement, une
partie du temps gagné sur le trajet. Ce sujet va de pair
avec l’amélioration des lieux d’échanges rail-route.
Pour ce qui est du transport maritime, qui a été
évoqué, il représente plus de 500 000 tonnes, dont
337 000 pour le seul port du Légué pour lequel le
conseil général a consenti des efforts importants en
réalisant le port d’échouage. On peut sans doute dire
que le tonnage espéré au départ n’a pas été atteint,
mais on peut aussi affirmer que si ces travaux n’avaient
pas été réalisés, il n’y aurait pratiquement plus de
trafic au Légué. Sans compter qu’avec le tonnage
maintenu, il est désormais possible, en prenant appui
sur les travaux déjà réalisés, d’envisager, comme nous
l’avons décidé, la construction d’un port à flot, avec
le même souci de développer, pas seulement dans
les mots mais dans les actes, les différents modes de
transport, en ne perdant pas de vue que ce qui sera
fait ici dans une optique de transport créera aussi les
conditions d’un développement plus général d’activités centrées sur la mer.
Les évolutions du trafic aérien conjuguées avec
des gains de temps déjà enregistrés au niveau des
TGV ont conduit à la fermeture, non pas de l’aéroport de Saint-Brieuc, mais des lignes régulières au
départ et à l’arrivée. Pour autant, il continue de jouer
son rôle comme site de réparation aéronautique avec
l’entreprise AAI qui répare les ATR, et comme site
aéroportuaire offrant des vols charters ou accueillant
des avions d’entreprise. L’aéroport de Lannion est en
cours de modernisation avec une fréquentation qui
se stabilise à 90 000 passagers par an grâce aux lignes
régulières vers Paris, lignes qui viennent d’être renforcées par des vols supplémentaires le samedi avec une
fréquentation à la hausse.
Tout en poursuivant la réflexion et les efforts dans
tous les secteurs relatifs aux transports, nous allons devoir
consacrer du temps à la concertation avec les élus, pour
que nous puissions, dans le domaine routier, à travers un
travail de synthèse, dégager des objectifs d’aménagement
pour les périodes 2008-2013 et 2013-2020. Il y aura des
96
97
choix à faire, mais le projet devra être cohérent, prolongeant ce qui a été déjà réalisé, et creusant les pistes,
pour ne pas dire les routes, que la présente réflexion
doit nous permettre de mieux baliser.
V
Les réalisations dans le domaine routier
depuis l’adoption du schéma routier en 1978
Raymond Pécheux L’historique d’Armoroute s’établit comme suit :
1) en 1978, adoption du premier schéma routier
départemental,
2) en 1982, première actualisation,
3) en 1987, nouvelle actualisation,
4) en 1991, adoption d’Armoroute 92,
5) en 2000, adoption d’Armoroute 2000 qui s’est
terminé en 2006.
En 1978, lors de l’adoption du premier schéma,
il avait été défini un réseau de routes principales
de 1 200 kilomètres dont 900 restaient à aménager.
Il y avait trois priorités à l’époque pour un budget
de 480 millions de francs (73 millions d’euros). Ce
qu’on appelle aujourd’hui la RD 700 était la RN 778,
et à l’époque, on avait imaginé que GuingampLannion ne serait pas à 4 voies mais à 3 voies, et
qu’une partie de la route vers Paimpol serait à 3 voies.
La RN 164 avait été envisagée à 3 voies. La déviation
Direction des infrastructures et des transports du conseil général.
98
99
de Binic avait été prévue à 2 x 2 voies jusqu’à l’entrée
de Binic.
Le réseau routier des Côtes d’Armor s’intègre dans
le réseau national, avec les axes est-ouest constitués par
les routes nationales, et les axes transversaux constitués
par les routes structurantes départementales. Cela
représente 255 kilomètres de routes nationales, 4 500
kilomètres de routes départementales, réparties en
deux réseaux (A et B) et 18 000 kilomètres de voies
communales.
Le trafic routier a été, en trente-cinq ans, multiplié
par trois. L’augmentation moyenne est de 2,3 % par an
sur la période 1995-2005, et nous avons des fréquentations très différentes selon les routes départementales :
25 000 véhicules par jour sur la D 786 au droit de
Pordic au mois d’août, et pas plus de 300 véhicules par
jour sur certaines routes secondaires.
• En 1978, la RN 12 est en 2 x 2 voies sur à peu près la
moitié de son trajet, plusieurs agglomérations sont déjà
déviées, Lamballe, Langueux et Yffiniac, Châtelaudren
et Guingamp, mais on passe toujours par Saint-Brieuc.
La déviation de Saint-Brieuc est en cours de travaux,
puisqu’elle a été mise en service en juin 1980. Les travaux réalisés avant 1978 concernent essentiellement des
liaisons sur le réseau départemental, de ville à ville, avec
très peu de déviations d’agglomération. Sur la RN 176,
il existe quelques créneaux ; Jugon-les-Lacs doit être
dévié, mais on traverse toujours Dinan. Sur la RN 164,
un aménagement a été fait à 2 voies. Au niveau des
axes d’intérêt régional – c’est le premier programme
routier – deux axes sont en cours d’aménagement :
Caulnes-Dinan, et Guingamp-Callac-Carhaix.
• De 1978 à 1981, les opérations engagées continuent de se réaliser : essentiellement la liaison entre
Corlay et Quintin. Pour le reste, il s’agit opérations
moins importantes, mais la déviation de Trégueux, qui
passe devant l’hôpital, est réalisée par le département,
ainsi que la traversée du Créac’h : une grosse opération
est réalisée sur les Granits-La Bézardais.
• De 1982 à 1986, deux événements importants :
le déclassement de la RN 778 dans le réseau départemental, qui est devenue la RD 700, et l’engagement
de l’opération Saint-Brieuc-Malakoff, dans un premier temps, à 2 voies, et aussi la déviation de la gare
d’Uzel. Les axes régionaux continuent d’être aménagés
comme Guingamp-Callac-Carhaix et, pour le réseau
départemental, un certain nombre de déviations. C’est
alors le début de la mise en œuvre des options prises
lors de l’élaboration du schéma en 1978. La liaison
vers Paimpol est engagée par la réalisation des trois
déviations : de Tréméloir, Trégomeur et Lanvollon.
Au même moment, une déviation courte, Plouha, est
aménagée. C’est à cette époque-là que l’on fait aussi la
déviation de Callac, et certaines liaisons entre agglomérations, Lannion-Tréguier, Collinée-Merdrignac,
soit 65 millions d’euros de travaux sur cette période.
• De 1987 à 1991, 74,2 millions de travaux, dont
l’essentiel porte sur les axes d’intérêt régional. C’est le
doublement de Saint-Brieuc-Malakoff, la réalisation
des travaux sur Plaintel. C’est l’engagement de travaux
de L’Hermitage-Lorge et, sur l’axe régional SaintBrieuc-Quimper, plusieurs déviations sont réalisées :
Quintin, Saint-Nicolas-du-Pélem, et la liaison entre
Glomel et le Morbihan. C’est aussi à cette époque que
100
101
commencent les travaux sur l’axe Guingamp-Lannion
par la déviation de Pédernec, puisque l’axe GuingampCallac-Carhaix étant terminé, l’axe GuingampLannion a été inscrit au programme routier d’intérêt
régional.
• De 1992 à 1999, suite de l’aménagement de
l’axe Saint-Brieuc-Loudéac (avec notamment la
liaison Uzel-Loudéac) ; suite de l’aménagement de
Guingamp-Lannion ; déviation de Bégard ; déviation
de Cavan à 2 voies ; mise à 2 x 2 voies de la déviation
au droit de Pordic, et autres aménagements de ville à
ville, en particulier la desserte de Plestin-les-Grèves, et
celle de Plouaret à partir de la RN 12.
• De 2000 à 2006, c’est le schéma actuellement en
cours : les travaux les plus importants ont été réalisés au
cours de cette période et portent toujours sur les axes
régionaux de Saint-Brieuc-Loudéac avec en particulier
la déviation sud-est de Loudéac et la liaison vers le
Morbihan à 2 x 2 voies. La suite et la fin de la liaison
de Guingamp-Lannion-Perros, avec le doublement de
Bégard, le doublement de Cavan, la mise à 2 x 2 voies
de Caouënnec-Buhulien, et la déviation est de Lannion
à 2 voies. Engagements aussi au cours de cette période
de la liaison Lanvollon-Paimpol, avec plusieurs sections à 2 x 2 voies, et avec les radiales à partir de cette
liaison qui desservent Plouézec par la RD 77 et Plouha
par la RD 32. Quelques autres liaisons aussi au cours
de cette période, toujours au titre des axes régionaux :
la déviation de Pleslin-Tréméreuc, et l’allongement du
créneau de La Croix-Guessant sur la RD 766. C’est
au cours de ces années que la phase de concertation
a été conduite pour la rocade de Saint-Brieuc en vue
d’aboutir à une déclaration d’utilité publique le 21 juin
de l’année 2006. Celà représente 122 millions d’euros
au cours de cette période.
À l’issue de la période 1978-2006, on voit que l’essentiel du département est aujourd’hui irrigué par les
travaux qui ont été réalisés, et qui restent à parfaire :
sur l’ensemble de la période, ce sont donc 420 millions d’euros qui ont été consacrés au seul schéma
routier départemental, et les montants annuels sont en
constante augmentation. Au total, 810 kilomètres de
routes ont été aménagés. Pour le schéma Armoroute
qui a été adopté en 2000, 88 % du programme de base
et 12 % du programme complémentaire ont été réalisés
pour un montant de l’ordre de 122 millions d’euros.
D’autres crédits ont été mobilisés par le département :
13 millions d’euros pour la participation à l’amélioration du réseau national ; et 83 millions sur le réseau
secondaire, pour le gros entretien ; ce qui fait un total
de 218 millions d’euros sur la période 2000-2006.
Il y a eu sur cette période un effort important
sur des axes structurants, tels Guingamp-Lannion,
Lanvollon-Paimpol, Saint-Brieuc-Loudéac, mais aussi
sur les routes nationales où plusieurs déviations d’agglo­
mération ont été réalisées ou sont en cours, comme
sur la RN 164 : Trémorel, Le Moustoir, Saint-Gelven,
Saint-Caradec ; il y a aussi des travaux importants
qui ont été faits sur la RN 12, entre Saint-Brieuc et
Langueux. Cette période a été caractérisée par un renchérissement général des coûts des opérations, parce
que les attentes de nos concitoyens sont de plus en
plus fortes pour plus d’ouvrages, plus d’aménagements
paysagers, plus de protections phoniques. Pour autant,
102
103
il reste une certaine attente d’aménagements sur des
axes circulés, comme la RD 766 Dinan-Caulnes, pour
citer les plus importants, la RD 786 vers Saint-QuayPortrieux, puis aussi vers Plerneuf et Erquy, la RD 768
en direction et au droit de Plancoët, ainsi que sur la RD
700 pour ce qui reste à faire sur Saint-Brieuc-Loudéac.
À côté de cela, il y a émergence d’une demande
forte pour la réalisation de rocades et de déviations
d’agglomération.
VI
Le contexte socio-économique des Côtes-d’Armor
Thierry Connan Le schéma Armoroute se situe dans le contexte
démographique et économique départemental qui suit.
Le premier élément concerne l’évolution de la population. Nous avons des données connues jusqu’en 1999,
et des estimations ou des projections de population jusqu’en 2030. Entre 1968 et 1999, donc en trente ans, la
population des Côtes d’Armor est passée de 506 000 à
542 000 habitants. Selon la dernière estimation de
l’Insee, réalisée en 2005, le département compterait
actuellement 575 000 habitants environ. Apparemment
donc, depuis 1999, le rythme de croissance démographique s’est accéléré, pour plusieurs raisons :
1) un bilan migratoire positif que l’on sait en
augmentation,
2) un solde naturel légèrement négatif, mais qui
s’améliore au cours des années du fait de l’augmentation sensible des naissances alors que dans le
même temps, ici comme ailleurs, l’espérance de vie
augmente.
* Côtes d’Armor Développement.
104
105
Si on prolonge cette estimation de l’Insee réalisée
en 2005, sur un rythme de croissance démographique
équivalent à celui constaté ces dernières années, on
peut supposer que la population des Côtes d’Armor
en 2030 serait alors supérieure à 690 000 habitants.
Si l’on retient plutôt les projections effectuées par
l’Insee en 2002, le département, d’ici à vingt-cinq ans,
comptera 590 000 habitants. Comme souvent, dans
de pareils cas, la réalité se situe sans doute entre ces
deux extrêmes.
Schématiquement, l’évolution démographique des
Côtes d’Armor est différente de part et d’autre d’un axe
matérialisé grosso modo par la RN 12. Les trois quarts
des Costarmoricains résident le long ou au nord de
cette ligne. Et cette part de la population augmente.
Pour la moitié sud du département, la tendance est différente. On constate une baisse globale de population,
avec une proportion plus importante de communes,
qui cumulent des soldes migratoires et naturels déficitaires. Cette répartition schématique met en évidence
plusieurs types de territoires :
– Les régions à forte proportion de nouveaux arrivants : ce sont évidemment les zones littorales et on
pense tout de suite aux populations retraitées. Mais
rappelons que majoritairement, à plus de 60 %, les
nouveaux arrivants en Côtes d’Armor ont moins de 40
ans, que les trois quarts sont constitués d’actifs et de
leur famille dont l’implantation, il est vrai, est essentiellement urbaine ou périurbaine.
– Les ensembles de communes où l’on constate une
diminution de la population où le taux des personnes
âgées de plus de 60 ans est supérieur à 30 %.
Ces deux types de territoires concernent tout autant
la moitié sud des Côtes d’Armor et une partie de l’espace littoral, la moitié sud se distinguant toutefois par
une densité plus faible, souvent inférieure à 35 voire 25
habitants au kilomètre carré. Les premiers résultats du
recensement en cours qui concerne pour l’instant 224
des 373 communes du département tendent globalement à confirmer cette tendance.
La dynamique démographique paraît s’étendre dans
la partie nord à un nombre important de communes
qui sont à leur tour entrées dans une phase de croissance, ce qui est particulièrement notable sur le pays de
Dinan. Pour autant, dans la moitié sud, on observe également des évolutions démographiques favo­rables dans
des communes ou ensembles de communes ­ jusque-là
marqués par des baisses de population, notamment à
proximité de certains axes routiers, qui ont une capacité
à attirer de nouveaux habitants, avec le cas très illustratif de l’axe Saint-Brieuc-Loudéac.
Depuis 1975, au cours des trois dernières décennies, le nombre de Costarmoricains qui résident et
travaillent dans la même commune a diminué de 40 %.
Pratiquement 7 actifs sur 10 occupent un emploi en
dehors de leur commune de résidence. Les déplacements
domicile-travail se multiplient, et tendent à s’allon­ger
progressivement : ils s’établissent en moyenne à 15,4
kilomètres. Parallèlement, la durée des trajets diminue,
notamment du fait de la modernisation des voies routières. Cet accroissement de la mobilité des actifs et de
la population en général s’explique, entre autres raisons,
par une concentration croissante des emplois dans et
autour des agglomérations du ­ département, ainsi que
106
107
par le coût élevé d’acquisition des terrains et logements,
au sein ou à proximité des villes, qui oblige beaucoup
d’actifs à accroître la distance domicile-travail.
La carte de localisation des entreprises agro­
alimentaires de plus de 50 salariés confirme, s’il en était
besoin, à la fois la relative concentration des industries
ainsi que la forte corrélation entre la proximité d’une
agglomération, l’existence d’un axe routier structurant
et la présence des entreprises les plus importantes. La
carte des entreprises industrielles non agroalimentaires
conduit au même constat. On sait que la valorisation
des atouts économiques du département est conditionnée par la qualité des infrastructures qui permettent aux
entreprises de se développer et d’échanger par la route,
par la mer, par le fer, éventuellement par voie aérienne,
et bien sûr aujourd’hui par le haut débit. Le transport
routier occupe une place dominante dans le transport
régional et interrégional de marchandises. 775 entreprises de transport sont recensées en Côtes d’Armor, ce
qui représente plus de 5 000 emplois. 410 concernent
le seul secteur du transport routier de marchandises.
Leur concentration est très forte à proximité des principaux donneurs d’ordres, industrie et logistique, mais
aussi et surtout le long des axes majeurs que sont les
RN 12, 164, et 176. Le département représente 15 %
des tonnages transportés de la Bretagne vers le reste du
territoire national, contre 50 % pour l’Ille-et-Vilaine
qui constitue une plate-forme logistique en plein développement à l’est de la péninsule bretonne.
Enfin, 330 espaces d’activités sont recensés en Côtes
d’Armor, répartis sur l’ensemble du département, pour
une superficie globale d’environ 4 000 hectares. Les sites
de plus de 20 hectares se sont développés principalement autour des pôles urbains, et le long des principaux
axes de circulation, avec un impact important sur l’environnement et les paysages les plus visibles du département. Leur niveau d’équipement répond globalement
aux besoins des entreprises, à l’exception toutefois des
capacités épuratoires qui tendent à se réduire. Cela
complique souvent le développement des entreprises
endogènes et hypothèque parfois l’arrivée de nouvelles
industries. Chaque année, ce n’est pas négligeable, ce
sont en moyenne 140 hectares supplémentaires qui
sont aménagés, et une centaine qui sont commercialisés
aux entreprises. Le volume actuellement disponible à la
vente est de l’ordre de 900 hectares ; 900 autres hectares
sont d’ores et déjà programmés pour être aménagés
dans les prochaines années. Plusieurs communes auront
alors une offre foncière supérieure à 50 voire 100 hec­
tares, dont par exemple Loudéac, Ploufragan, Aucaleuc,
Lamballe, Lannion, pour ne citer que les principales.
Évidemment, les conditions de raccordement de ces
équipements aux infrastructures routières, mais aussi
dans certains cas ferroviaires, seront déterminantes
quant à leur capacité à intéresser les entreprises.
En conclusion, le schéma Armoroute doit sans
doute poursuivre au moins trois objectifs d’un point de
vue démographique et économique :
1) accompagner ces dynamiques,
2) participer, autant que possible, à la disparition
des inégalités territoriales,
3) enfin, et surtout, participer à l’émergence des
conditions nécessaires à la préservation de l’environnement et des paysages costarmoricains.
108
109
VII
Le schéma de déplacements
Patrick Leweurs Je ferai une transition pour évoquer les déplacements
dans le département, et rappeler que, dans ce domaine,
il existe un certain nombre de schémas qui sont en
vigueur et qui offrent aussi des services, notamment
autour de l’activité maritime : le port du Légué représentera très prochainement 340 000 tonnes, grâce aux
décisions qui ont été prises en termes d’activités de
commerce ; le port de Tréguier, c’est pratiquement
100 000 tonnes, une activité de pêche ainsi qu’une
activité de plaisance qui sont florissantes. Dans le
domaine du transport ferroviaire, les liaisons affichent
une activité intense au niveau des gares de Saint-Brieuc
et de Guingamp, et les chiffres vont vraisemblablement
évoluer de façon extrêmement importante lors de la
réalisation de la future LGV. La politique départementale en matière de déplacements s’inscrit dans un
cadre global qui privilégie aussi l’agenda 21, le transport public routier de personnes avec le réseau Tibus,
Directeur des infrastructures et des transports du conseil général
des Côtes d’Armor.
110
le transport ferroviaire pour lequel le conseil général
est investi au titre de l’investissement concernant la
suppression des passages à niveau. Des politiques particulières s’exercent pour la création d’un schéma d’aires
de covoiturage, la mise en place d’un service internet :
« ticoto.fr », qui propose aujourd’hui plus de 400 déplacements quotidiens aux adhérents, un plan de déplacement des administrations en cours de réalisation au
sein de l’agglomération briochine, un schéma vélo, tout
en étant cohérents avec la mise en place de l’innovation
au service des routes et des déplacements.
Le réseau de transports publics de voyageurs Tibus,
ce sont 20 lignes de transport de voyageurs, une centrale de mobilité (le 0 810 22 22 22), qui est maintenant connue de tous les Costarmoricains, avec en
moyenne 350 appels par jour pour de l’information sur
les transports publics, un tarif unique à 2 euros, la mise
en place d’un transport à la demande sur l’ensemble des
lignes régulières, ce qui a permis une augmentation de
100 000 voyageurs en un an, puisque nous transportons
405 000 voyageurs payants annuellement pour un coût
total de 8 millions d’euros. Mais ce sont aussi des perspectives qui visent à améliorer les relations ­ domiciletravail avec des horaires adaptés, une meilleure offre
pour les jeunes, y compris au centre Bretagne, une
meilleure interconnexion avec le réseau de transports
urbains (réflexion qui menée au sein du comité d’agglomération) avec la création de parkings de dissuasion et
une billettique unique au niveau de la région Bretagne,
et le transport des personnes à mobilité réduite. Les
déplacements alternatifs concernant le covoiturage font
l’objet d’un schéma directeur des aires de covoiturage
111
qui prévoit la création de 15 aires de stationnement, la
création du site « ticoto.fr », le plan de déplacement des
administrations pour l’agglomération briochine.
Enfin, un schéma de déplacements intègre la politique des déplacements que l’on dit doux, autour d’un
schéma vélo, qui s’articule avec les schémas régional et
national, autour de liaisons structurantes et itinéraires
de substitution, permettant la circulation sur des voies
dédiées que l’on appelle voies vertes ou voies partagées :
Véloroute. L’objectif est de favoriser, avec un maillage
en cohérence avec les décisions régionales ou nationales, la pratique du vélo, qui devient de plus en plus
prégnante et qui favorise notamment le développement
du tourisme. Cet ensemble de réflexions s’inscrit dans
la réflexion globale du conseil général sur ce qu’on
appelle les ITS.
VIII
ITS, systèmes de transports intelligents
Isabelle Dussutour Je présenterai les tenants et aboutissants du dossier
ITS – systèmes de transports intelligents – initiative
remarquable et remarquée du conseil général des Côtes
d’Armor. À partir des constats qu’on ne se déplacera
pas demain comme hier ; qu’on ne se déplacera pas
avec sa voiture à cause des problèmes de parking ; que,
pour le transport des marchandises, il y a des goulots
d’étranglement ; que de plus en plus de personnes
voudraient faire appel aux transports en commun, mais
qu’il est difficile de couvrir le territoire… ; à partir de
ces constats, les transports doivent mieux appréhender
leur environnement, et être capables d’interagir avec
leur environnement, donc, d’intégrer les technologies
nouvelles, les technologies de télécommunications,
l’usage du wifi, du wimax, etc.
Le conseil général s’est investi dans des ­ systèmes
de transports intelligents autour de quatre enjeux
principaux :
Chargée de mission ITS au conseil général des Côtes d’Armor.
112
113
1) Le transfert de compétences : du fait de la décentralisation, le conseil général doit gérer son réseau routier
et une bonne part des transports en commun. Il s’agit
de les adapter et de les doter de toutes les technologies
modernes qui permettent de les rendre sûrs.
2) La sécurité routière : il y a des initiatives de l’État,
mais aussi une demande citoyenne forte et exprimée. Là
aussi, les systèmes de transports intelligents permettent,
en informant mieux l’usager, de garantir une meilleure
sécurité et un usage plus rationnel de la route.
3) L’accessibilité pour tous : de nombreux usagers – on
a parlé de démographie – vieillissent et ont donc besoin
de pouvoir se déplacer même s’ils n’utilisent pas la voiture et les catégories défavorisées qui n’ont pas accès à
l’automobile doivent pouvoir se déplacer ; les transports
doivent de plus en plus réagir à la demande, donc là
aussi de nouvelles technologies sont à intégrer.
4) Le développement durable : les problèmes de carburant, mais aussi toutes les pressions par rapport à
la qualité de l’air, du bruit, nécessitent d’intégrer dans
les systèmes de transports de nouvelles technologies
tout en assurant ce que l’on appelle un service public
de mobilité. Puisqu’on ne peut pas interdire l’usage de
l’automobile dans notre département, on doit utiliser les
technologies pour gérer et utiliser plus intelligemment
les véhicules automobiles et les transports en commun.
Si on veut faire du transport intelligent, on doit intégrer des technologies que l’on trouve en Allemagne ou en
Grande-Bretagne. Mais, en analysant le tissu économique
et universitaire costarmoricain, on se rend compte que
nous avons un important fonds de commerce en ­termes
d’élaboration de ces nouvelles technologies ­tournées vers
les transports. Lannion évidemment, autour des télécoms, a suscité le développement d’un grand nombre
d’entreprises qui travaillent dans le domaine des ITS.
Nous avons une bonne dizaine de laboratoires qui travaillent en Bretagne dans ces domaines-là. Mais c’est une
filière qui est très éparpillée, où travaillent séparément
les télécoms, les industriels de l’automobile – Peugeot
à Rennes et des sous-traitants dans le département – et
les travaux publics qui construisent les routes. Il fallait
faire travailler ensemble tous ces secteurs pour essayer de
donner un dynamisme économique autour de la filière
ITS qui était à construire. Il y avait besoin d’une structure de coopération et de gouvernance : l’association ITS
Bretagne, créée en 2005, rassemble les acteurs, c’est-àdire les chercheurs, les entreprises et les collectivités,
pour agir à plusieurs niveaux :
– Le niveau de l’expérimentation : nous avons des
compétences dans nos entreprises costarmoricaines,
et nous avons en parallèle des besoins et une stratégie
politique en termes de déplacements. Ce sont des opérations qui sont menées par la DIT au sein du conseil
général : Tibus, le covoiturage, les itinéraires vélo.
Nous avons en place un projet d’information routière
pour que les usagers des routes des Côtes d’Armor,
lorsqu’ils sortent de l’autoroute, trouvent un service
qui soit de même niveau qu’un service autoroutier.
Nous travaillons également avec la FNTR pour mieux
intégrer les ITS dans le quotidien des transporteurs,
pour qu’ils gèrent mieux leurs itinéraires, consomment
moins de carburant, et rentabilisent un peu plus leurs
véhicules. On utilise les compétences locales pour
répondre à des besoins politiques.
114
115
– Plus en amont, au niveau de la recherche, nous
travaillons dans des projets de recherche appliquée
autour des compétences des laboratoires, de l’Enssat à
Lannion ou d’autres laboratoires locaux. Et nous participons également à des grands programmes nationaux
et européens.
Nous avons en particulier le programme Sari
(Surveillance automatisée des routes pour l’information)
qui est un programme appliqué aux routes départementales permettant d’analyser les trajectoires de véhicules,
la dangerosité de la route et de proposer un service d’informations soit en bord de route, soit embarqué dans
le véhicule, destiné aux conducteurs pour limiter les
­risques d’accidents mais aussi fluidifier le trafic. Plusieurs
itinéraires ont été identifiés comme sites test dans les
Côtes d’Armor, avec analyse des trajectoires, analyse des
comportements des usagers, qui aboutiront à des tests de
signalisation et de prévention d’accidents.
Le programme européen Safespot est un programme
équivalent, cofinancé par la Commission européenne,
et qui porte aussi sur l’analyse des points noirs et des
difficultés sur les routes départementales.
Nous avons aussi des projets d’aménagement et de
modernisation du système de détection des contresens,
sur l’axe Guingamp-Lannion, qui devient un axe d’expé­
rimentation reconnu puisqu’il y a eu une émission de
M6 qui a décrit ce qu’on faisait sur cet axe-là et ailleurs
dans le département.
Dix collectivités bretonnes participent à cette
association autour des ITS. L’idée est de soutenir
les expérimentations. Nous sommes en négociation
à la fois avec l’État et la Commission européenne
pour obtenir des cofinancements pour déployer des
expérimentations de grande ampleur à la fois autour
des pôles les plus flagrants et sur les routes départementales. Cette association a également pour but de
développer la sensibilisation aux usages des ITS à
destination des élus, des directeurs départementaux.
Quinze projets sont lancés autour de la signalisation intelligente, des transports en commun et de la
sécurité routière. Nous allons participer au congrès
mondial des ITS à Pékin où nous ferons une communication pour expliquer aux communautés chinoises
la bonne manière d’intégrer les transports intelligents
dans une stratégie politique. Nous sommes, une fois
de plus, cités en exemple.
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117
Questions
Claudy Lebreton, président du conseil général
Le calendrier d’actualisation du schéma départemental d’aménagement routier consiste, pour Félix
Leyzour et la Direction des routes, à faire le tour des
territoires-pays où nous rassemblerons les élus, avec
la collaboration de l’Association des maires de France
et son président René Régnault, qui accepte de participer à ces réunions de concertation, d’échange, où
un représentant de l’assemblée des maires s’exprimera
dans chaque pays au côté du représentant du conseil
général. Les conseillers généraux peuvent organiser des
réunions. Je crois qu’il faut laisser libre cours à l’imagination, à la responsabilité, à la liberté. Nous publierons des rapports d’étape sur l’évolution du schéma
­ épartemental et, si tout se passe bien, nous serons en
d
mesure d’adopter un schéma lors du vote du budget
primitif de l’année 2008.
Il s’agit d’un gros travail, étant donné que tout cela
vient en même temps : le transfert des compétences
voulu par les lois de décentralisation, l’accueil du personnel de l’Équipement dans la Direction des routes,
le PDMI que nous allons négocier au cours de l’année
2007 mais qui vaudra pour les années 2009 et au-delà,
le grand chantier de la RN 164, qui est une de nos
priorités, même si nous n’en avons pas la responsabilité pleine et entière, la RD 700, plus communément
appelée le Triskell, et la rocade de l’agglomération de
Saint-Brieuc, sans oublier les autres axes routiers.
Plus précisément, sur le territoire du sud de Goëlo,
j’ai eu l’occasion d’intervenir sur la nécessité d’imaginer
la desserte du sud-Goëlo et notamment la déviation
de ce point noir qu’est Binic à des moments forts. Et
si, par le passé, ces moments forts étaient concentrés
pendant les périodes estivales et de grands week-ends,
aujourd’hui, avec le développement de ce secteur côtier
en termes d’habitat, de résidences secondaires mais
aussi principales, le trafic est important toute l’année.
Il est donc impératif de nous donner les moyens pour
­résoudre ce problème de desserte du sud-Goëlo, de
Pordic à Saint-Quay-Portrieux et Tréveneuc.
Loïc Raoult, conseiller général du canton d’Étables
Nous allons donc débattre, avant son adoption en
janvier 2008, du schéma Armoroute : routes et modalités de transport. On voit bien que, même si la route
doit rester très importante dans l’avenir, les modalités
de déplacement autres que la route peuvent être fortement incitées. Par exemple, le mode plus doux de
déplacement qu’est la bicyclette peut être favorisé dans
les liaisons départementales de commune à commune.
Dans le secteur de Plélo et Châtelaudren, des aménagements relativement modestes permettent déjà de se
déplacer en toute sécurité et nous devons y être sensibles. Il faut imaginer les aménagements de nos routes
départementales, lorsque nous avons la possibilité d’y
faire des travaux de réfection, pour faire au moins sur
l’un des côtés un dégagement mixte qui puisse recevoir
à la fois des piétons et des vélos.
Charles Josselin
À l’origine de cette planification, nous croyions
beaucoup à la planification et à la décentralisation.
Mais c’était avant la décentralisation. Il est intéressant
d’imaginer l’originalité de la démarche alors que nous
n’avions pas de services, pas d’administration rattachée.
Il fallait presque quotidiennement négocier avec le
préfet pour qu’il accepte de laisser ses services à notre
disposition pour faire ce travail. Nous avons, de ce
point de vue, bien travaillé. La difficulté était surtout
d’organiser, dans la durée, la pérennité de l’effort et
nous pouvons nous flatter d’avoir un réseau routier que
beaucoup d’autres départements nous envient. C’était
aussi la période où nous avions besoin de financer les
politiques, parce qu’elles étaient préalablement inexistantes. L’idée nous était venue qu’un kilomètre de
route permet de faire beaucoup de choses sur le plan
de la culture ou de l’aide aux associations sportives.
Cela nous avait amenés à aller un peu moins vite que
118
119
ce qu’on aurait voulu sur le plan des investissements,
parce qu’il fallait bien trouver le moyen de financer
d’autres politiques qui nous paraissaient impor­tantes.
Aujourd’hui, le niveau d’exigence, les normes, la
demande sociale, c’est-à-dire l’exigence en termes de
sécurité, font que la dépense au kilomètre est incontestablement plus élevée. Ces nouvelles normes nous
coûtent évidemment plus cher.
L’ossature, en matière d’infrastructures, est aboutie : il reste désormais à parfaire certains itinéraires.
Je ne pense pas que nous ayons à envisager, hormis
quelques rocades, des travaux aussi considérables que
ceux que nous avons réalisés. Mais il est vrai qu’il nous
faut tenir compte de quelques évolutions, y compris
démographiques. En ce qui concerne l’aménagement,
je rappellerai que nous avons besoin de réfléchir à la
liaison Plancoët-Saint-Malo parce qu’il nous faudra
certainement, à moyen et long termes, nous donner les
moyens d’éviter la paralysie d’un secteur qui connaît
aujourd’hui une augmentation très importante de
population, sans oublier la vocation touristique évidente qui est la sienne.
Sur les ITS, il est vrai que j’ai toujours regardé
avec un peu de circonspection le lancement de cette
aventure technologique. Je ne suis pas convaincu par
toutes les implications possibles de la technologie.
L’idée d’être localisé partout et en permanence me
fait peur. De la même manière qu’on nous a vendu
des ordinateurs capables de tout faire, pour s’apercevoir qu’on n’a pas besoin de toutes leurs capacités,
je voudrais être sûr, s’agissant des ITS, que nous
sommes ­ capables, en continu, de suivre la montée
en puissance des ­ applications des ITS d’une part, et
que d’autre part on sache trouver des financements
extérieurs au département. J’entends bien qu’il s’agit
de favoriser la matière grise locale mais pas seulement
costarmoricaine. Les applications sont censées aller
très au-delà des Côtes d’Armor et, s’il est bon d’aider
la recherche, il n’est pas indispensable que les contribuables costarmoricains soient les seuls à financer une
recherche qui est encore loin d’avoir atteint ses objectifs en matière de production et donc d’emploi. La
démarche est intéressante, et bonne pour notre image,
mais je souhaite que nous ayons un bon suivi et que
nous trouvions des financements qui permettent de
partager en quelque sorte la charge du fardeau, qui
risque de nous coûter cher.
120
121
Michel Brémont, vice-président du conseil général, conseiller
général du canton de Saint-Brieuc-ouest
Ce schéma nous pose plusieurs défis :
– Nous devons assurer la continuité du déplacement
en véhicules individuels, mais nos axes de circulation
doivent permettre aussi le déplacement de transports
alternatifs, transports collectifs, vélos, piétons. Il faut
que nos assises de voiries permettent à terme des
aménagements adaptés à une multimodalité future et
sans avoir à racheter et à refaire des travaux d’investissements lourds : zones de stationnement, parkings
de covoiturage, etc. Il faut que tout cela soit d’emblée
prévu dans notre schéma.
– Nous avons fait des itinéraires de longue dis­tance
comme Guingamp-Lannion, par exemple. Est-ce qu’il
faut encore faire des grandes distances plutôt que
d’améliorer la qualité et la sécurité des déplacements,
donc des parcours, sans forcément intervenir sur la
totalité de la longueur de l’itinéraire ? C’est une question lourde parce que, selon la réponse qu’on y apporte,
tel ou tel territoire peut se sentir lésé par rapport à ce
qui a été fait par le passé.
– La question du poids-lourd est importante dans
notre département agricole parce que l’assise routière
pour une charge à l’essieu d’un 44 tonnes qui va à la
ferme n’est pas du tout la même, en termes d’investissement, que pour des 38 tonnes. C’est une question
économique non seulement pour les transporteurs mais
aussi pour les investissements du département.
– Une autre question se pose, c’est le remodelage de
l’appartenance des routes. Nous avons des voiries d’intérêt intercommunal de 5 000 ou 6 000 ­ véhicules par
jour et des voiries départementales de 300 ­ véhicules
par jour. Nous devrons avoir une réflexion sur des
échanges de voiries ou des participations d’entretien
croisées.
– À propos des revêtements de routes, on nous
reproche de ne pas faire que de l’enrobé sur nos routes.
Faut-il faire de l’enrobé sur toutes les routes, sachant
qu’il faudra non seulement faire des casse-vitesse parce
que les voitures iront trop vite, mais encore les refaire
plus souvent puisque c’est moins résistant ? Par ailleurs,
on nous dit que quand on ne fait pas de l’enrobé, c’est
beaucoup moins confortable. Je n’entrerai pas dans
la querelle mais ce n’est certainement pas neutre, et
financièrement et techniquement.
– Enfin, sur le plan du développement durable, qu’en
est-il des revêtements ? Doit-on ou non ­généraliser des
Vincent Le Meaux, conseiller général du canton de Pontrieux
La voirie départementale fait partie de ces infrastructures qui sont visibles par la population et lorsqu’on
investit dans un collège, dans un port ou sur une route,
c’est tout de suite visible. Mais c’est aussi visible lorsque les choses ne vont pas bien, lorsque des voiries se
dégradent, que les problèmes de sécurité restent sans
solution. Notre mobilisation en tant qu’élus locaux, en
tant que conseil général, est très importante sur cette
question qui fait partie du quotidien de la population,
sur laquelle nous sommes sollicités. En matière de
sécurité, il y a des choses à faire sur l’ensemble du
réseau pour améliorer la circulation. Un recensement
des signalisations doit pouvoir être fait par nos services,
par les conseillers généraux. Cela peut aller du panneau
jusqu’au rond-point, les petits points noirs, l’existence
de difficultés à certains endroits.
En ce qui concerne la pertinence des réseaux A et B,
on constate que le réseau A est performant : on n’a pas
de difficulté à aller d’un point à un autre. Par contre, le
réseau B va de 300 véhicules par jour, voire 50 ­véhicules
par jour jusqu’à 4 000 véhicules par jour. Il faut réexaminer la pertinence de la propriété du département
concernant ces routes qui sont très ­ longues et très
coûteuses à remettre en état pour un flux de circulation
qui ne sera pas amélioré. Nous avons là aussi un recen-
122
123
revêtements d’origine non pétrolière ? Doit-on s’orienter vers des revêtements d’origine biologique, agro, etc.,
si nous voulons être un département phare dans les ITS
et/ou peut-être aussi un département pilote dans notre
politique de durabilité de l’environnement routier ?
sement à faire. Cela peut être mis en lien avec le fonds
de solidarité aux communes qui a été mis en place.
Concernant l’impact des flux touristiques sur certains
chefs-lieux de cantons : ils ont de gros soucis de circulation qui vont en s’intensifiant. Il faudra regarder de près
les questions de l’intermodalité puisque nous avons une
ligne de chemin de fer, un port : nous avons des vocations à donner aux cantons, et la voirie départementale
doit aussi s’y inscrire. Pontrieux fait partie des communes qui n’ont pas vu d’aménagement routier depuis
quelques années ; le contournement a été pris en charge
par la commune de Quimper-Guézennec. Il faudra
améliorer le contournement d’une partie de ce terri­toire.
Et nous avions imaginé aussi la mise en réseau de nos
pôles touristiques sur le secteur du Goëlo et du Trégor,
La Roche-Jagu, l’Abbaye de Beauport…, par une boucle
de vélo. Le département peut être moteur sur ce point,
ce qui permet d’allier l’économique et le tourisme.
Marie-Reine Tillon, conseillère générale du canton de
Matignon
Je reviens sur la proposition des pistes cyclables à
côté de nos routes départementales. Il faudrait qu’elles
soient clairement matérialisées, c’est-à-dire non pas
une bande de goudron avec une ligne blanche, cela ne
sécurise pas les cyclistes et les automobilistes s’y étalent
largement. Il faut clairement séparer les deux et prévoir, pour toutes nos nouvelles routes départementales,
cette piste cyclable à côté.
Par ailleurs, il me semble qu’il faut raisonner en
fonction des besoins liés aux infrastructures nouvelles
et des augmentations de population. Par exemple,
sur notre secteur, nous avons une augmentation de
population importante, les flux touristiques s’étalent
maintenant sur toute l’année. Et nous avons un gros
secteur d’engorgement entre Saint-Cast-le-Guildo et
Saint-Malo, sur toute la route de la côte qui fait le
lien entre Cap-Fréhel et Saint-Malo. Il faut imaginer
quelque chose de nouveau, de plus fluidifiant. Nous
allons avoir notre port départemental de Saint-Castle-Guildo qui entre en service en 2009 ; cela va induire
davantage de circulation et avec des véhicules et des
bateaux derrière. Il faut revoir cette entrée de SaintCast-le-Guildo via Ploubalay.
J’aimerais savoir ce qui est inscrit au programme
complémentaire, concernant la RD 768. La RD 768 et
la RD 13, toujours en direction de Saint-Cast-le-Guildo,
sont dans ce programme de même que la RD 794. Dans
les infrastructures nouvelles, je pense aux équipements
nouveaux que nous mettons en place nous-mêmes ou
en lien avec les communes : par exemple la caserne de
sapeurs-pompiers de Matignon ; si nous devons faire un
rond-point à cet endroit, il faut l’imaginer avec déjà la
prévision de revoir cette portion de RD 13.
La signalétique, tant verticale qu’horizontale, ne
représente pas de gros travaux. Il faut que ce soit l’une
de nos priorités.
Pour le classement, dans la mesure où on veut fluidifier le trafic, on peut faire valoir qu’il y a des voies qui
ne méritent pas d’être dans le classement départemental et cela peut être fait au moment de la négociation
du schéma.
Sur les déplacements, il est difficile de changer
les habitudes, de sensibiliser aux transports collectifs,
124
125
mais il y a un vrai problème d’information : dans
les mairies, c’est tout juste si les dépliants sont à la
­disposition du public. Les réunions de pays que nous
organisons pourraient être l’occasion de faire aussi la
promotion de Tibus, de Ticoto. Dans ce cas, il faut
aussi inviter les secrétaires de mairie, qui sont en
contact avec le public.
Yves-Jean Le Coqu, conseiller général du canton de
Châtelaudren
L’opération de Châtelaudren consiste à doubler une
voie départementale par un cheminement qualifié de
mixte : piétons-cyclistes. Elle n’est pas à mettre au crédit du département. Il ne faut pas que ce soit le conseil
général qui ait la responsabilité et la charge totale de
telles infrastructures. Il faut travailler en partenariat
avec la commune qui accueille le tracé, que ce soit pour
les acquisitions nécessaires ou pour l’entretien, qui se
résume pour l’instant à un itinéraire sablé. Je pense
qu’on ne pourra déployer des linéaires assez importants
de voies sécurisées de ce style que si tout le monde s’y
met. Je dirai qu’il faut aussi savoir profiter de l’opportunité de réaménagements de réseau.
La voirie départementale a vocation à transporter des personnes et des marchandises, mais c’est
aussi une voie de communication. À l’avenir, qui
paiera ? Les ­ nouvelles techniques de communication
­entraînent l’abandon progressif du fil de cuivre ; à
d’autres endroits, on nous parle du wifi. Et le département s’intéresse aussi à la desserte en fibre optique
pour son territoire. Est-ce que, dans le cadre de voiries
départementales, il ne serait pas nécessaire de prévoir
126
obligatoirement la pose des fourreaux, même inutilisés ? Lorsqu’on est en train de faire les travaux, cela
coûte moins cher de dérouler du plastique sous une
chaussée ou en accotement de chaussée que de redéfoncer par des engins parce que telle collectivité ou tel
syndicat n’a pas pensé à réaliser certains travaux, que
ce soit au niveau d’adduction d’eaux pluviales ou de
réseaux téléphoniques.
Monique Le Clézio, conseillère générale du canton de
Mur-de-Bretagne
Nous avons vu l’intérêt de réfléchir sur la mobilité et
non pas que sur les aménagements d’infrastructure. Cela
nous permet de voir que nous devrons croiser la réflexion
sur les infrastructures avec les évolutions économiques,
les évolutions touristiques, mais aussi notre volonté
d’aménagement équilibré du territoire. Cela nous amène
à réfléchir sur les axes de communication sur lesquels
non seulement les ­ véhicules individuels vont circuler
pour des déplacements individuels, mais également du
transport en commun. Parallèlement, l’apport des nouvelles techniques d’information devra être intégré dans la
réflexion. Nous aurons ensuite des réflexions qui seront
déclinées à l’échelle du pays. En tant que conseillers
généraux, aurons-nous la capacité d’intégrer les éléments
d’information pour alimenter notre réflexion sur ce
débat autour des voies routières ? Lorsque nous serons
à l’échelle des pays, saurons-nous apporter des éléments
d’informations complémentaires pour chacun des acteurs
qui seront nos partenaires dans ces réflexions ? Il serait
intéressant que nous puissions avoir le même niveau
d’information sur nos territoires-pays pour pouvoir
127
réfléchir dans de bonnes conditions avec l’ensemble des
collectivités locales qui seront associées à nos réflexions.
Par exemple, lorsque nous voudrons réfléchir sur la
sécurité, sur des technologies d’aide à la conduite, si les
collectivités locales n’ont pas le niveau d’information qui
est le nôtre sur les ITS, nous risquons d’avoir de grandes
difficultés à l’échelle des pays.
Il faudra également intégrer la fréquentation des
itiné­raires au regard des pôles d’activités écono­miques
et touristiques. Certaines voies qui sont dans le réseau B
et qui ont des fréquentations importantes devraient
passer dans le réseau A et inversement : comment les
clés de répartition financière se feront ?
Sur le développement touristique, qui est un enjeu
important puisque nous sommes parmi les dix premiers
départements touristiques, la fréquentation s’effectue
essentiellement sur les 10 à 15 kilomètres de frange
de côte. Nous savons bien que nous ne pourrons pas
continuer à augmenter la fréquentation avec les mêmes
moyens de communication. Il y a un enjeu important à
inciter aux autres modes de déplacement, vélo notamment, mais peut-être inciter plus significativement
vers du déplacement en transport souple à la demande
ou en transport collectif. L’intermodalité est un sujet
à approfondir sur plusieurs secteurs du département
où on ne pourra pas continuer à augmenter les voies
pour les désengorger. Il y a des liens à trouver entre
développement touristique, aménagement du territoire, développement économique et introduction des
nouvelles techniques de communication : la recherche
nous permettra, dans les années à venir, d’envisager les
choses de façon significativement différente, d’autant
plus que les aspects environnementaux sont des aspects
essentiels. Notre département est fréquenté pour la
qualité de ses pay­sages et donc l’impact des véhicules
et des infrastructures joue également.
128
129
Prosper Besnard, conseiller général du canton de Plélanle-Petit
Concernant la technique innovante mise en œuvre
rue de Brest à Dinan : la pollution est-elle piégée ou
est-elle détruite ? Par ailleurs, je tiens à rappeler les
difficultés du côté nord de la RN 176 face à Dinan, sur
les sorties de Quévert et de Corseul.
Jean-Pierre Legoux, conseiller général du canton de
Plouagat
Nous irons dans les réunions dans les pays, avec
les propositions d’aménagement dans les secteurs qui
nous paraissent les plus difficiles. Je voudrais me faire
l’avocat du réseau B. Dans beaucoup de secteurs, il est
relativement long et très hétérogène. Il est quelquefois
dangereux, parce que peut-être pas assez large, avec
souvent une insuffisance de visibilité et de marquage ;
il arrive même, quand la voie n’était pas assez large,
qu’on ne puisse pas la marquer. Il faut travailler ce côté
sécuritaire sur ce réseau B en signalétique horizontale
et verticale. Il y a des aménagements qui peuvent être
relativement modestes à faire.
Michel Lesage, vice-président du conseil général, conseiller
général du canton de Langueux
On voit que le développement routier, notre schéma,
l’aménagement des routes sont à la fois des enjeux de
développement économique et touristique, des enjeux
d’aménagement du territoire, mais aussi des enjeux de
sécurité, de fluidité, de temps de circulation d’un espace
à un autre, bref, de maillage. Le conseil général, quand
il est maître d’ouvrage, fait des travaux importants,
mais il y a des secteurs qui posent problème et qui
sont sous structures juridiques différentes. Le conseil
général, dans ces cas, n’est pas maître d’ouvrage. Par
exemple, l’agglomération briochine et en particulier
la rocade urbaine, le carrefour SBDA, le rond-point
de Brézillet autour de Cinéland. Nous ne sommes pas
maître d’ouvrage, les montages financiers se font à hauteur de 70 % pour la Cabri et la ville et 30 % pour le
conseil général. Celui qui a la responsabilité de financer
les 70 % ne bougeant pas, nous avons là des secteurs
extrêmement dangereux de circulation où il passe des
milliers de voitures et rien ne se fait. Dans mon canton,
nous avons fait d’importants travaux intéressants à la
gare d’Yffiniac mais il y a d’autres endroits, comme le
carrefour de HyperU, très dangereux. Comment faire
en sorte que, sur les secteurs identifiés comme dangereux, nous puissions, même si nous ne sommes pas
maître d’ouvrage, débloquer ce genre de situations ?
Gérard Quilin, conseiller général de Plouaret
Je m’inscris dans ce débat à propos du canton de
Plouaret et la liaison Lannion-Bégar’ha en passant
par Plouaret. Beaucoup de camions passaient depuis
­quelques mois sur Plestin-Saint-Michel-en-Grèves.
Depuis la déviation, ils viennent de plus en plus sur
Plouaret. Il faudrait donc prévoir la déviation de
Plouaret d’ici quelques années parce que cela devient
130
un bouchon. De plus, à Bégar’ha, nous avons la plus
grande entreprise de transport du département qui
diffuse aussi tous ses camions. Bien sûr, quand ils
passent de Bégar’ha vers Lannion, ils passent aussi sur
Plouaret, ce qui fait un flux important.
À propos du débat sur l’enrobé, nous avons des cantons où les routes communales sont faites en enrobé,
mais on voit encore des bicouches et des tricouches sur
la voirie départementale qui est dans un autre état que
la voirie communale. Certaines communes ont pratiquement fini leur voirie communale, et on voit que les
tracteurs ou les vélos ne circulent pas de la même façon
sur un bicouche que sur un enrobé.
En ce qui concerne le réseau B, on découvre que
certaines voies sont départementales, alors qu’elles ne
devraient pas l’être : il faut aussi mettre de l’ordre dans
notre réseau B.
Yvon Garrec, conseiller général du canton de Bégard
Je voudrais aborder les problèmes d’acoustique :
je suis intervenu à propos de la 767 et des nuisances
sonores que subissent les riverains. Il faut intégrer ces
problèmes et les solutions dans le projet de schéma.
C’est une question de qualité de la vie.
Yves Leroux, conseiller général du canton de Lézardrieux
Notre réseau routier départemental est reconnu de
qualité en tant que facteur de désenclavement mais également de développement économique. L’aide départementale à la voirie appuie les communes pour des
travaux de rénovation de voirie structurante, reliant des
communes entre elles, ou allant sur des sites touristiques
131
très fréquentés. À notre niveau, nous avons des difficultés du fait de l’activité de la zone légumière : matin et
soir, nous avons des ralentissements très importants du
fait de convois agricoles qui fréquentent les RD 786 et
RD 7. Ne serait-il pas possible de mettre en place des
voies lentes à certains endroits (la largeur des accotements le permet) ? Cela fluidifierait le trafic et éviterait
des imprudences dans les dépassements de véhicules.
Félix Leyzour
Nous avons eu beaucoup d’interventions, cela
­indique tout l’intérêt porté aux infrastructures rou­
tières, et on voit bien qu’il arrive même d’entendre
que ce n’est pas nécessaire de faire des travaux sur les
routes. Chacun a soulevé des problèmes, d’ordre général ou d’ordre sectoriel, auxquels il faudra évidemment
répondre. J’en évoquerai plusieurs :
– La déviation de Binic : elle faisait partie du programme complémentaire et s’inscrit dans le schéma
qui va venir. Mais il faudra que les élus de ce secteur
soient d’accord sur le tracé. Nous avons expliqué notre
­démarche pour le secteur du Goëlo. Je crois que les
choses ont avancé. De toute façon, il n’y a que par le
débat qu’on peut faire avancer les projets. Le secteur
Plancoët-Saint-Malo viendra aussi en débat.
– Les ITS : je suis d’accord sur l’intérêt qu’il y a à
trouver des moyens pour les applications, de façon à ce
que cela prenne toute la place que cela devrait prendre.
– Les revêtements : il y a un débat puisque sur notre
réseau B, nous avons pas mal de kilomètres qui sont
traités autrement qu’avec de l’enrobé, alors que dans les
communes, on traite également les voies communales.
C’est sur la durée que nous verrons ce qui est le plus
intéressant, notamment du point de vue de la sécurité
quelquefois. Il faut dire aussi que les revêtements que
nous faisons sont généralement faits par le parc. Le
parc aujourd’hui ne pratique pas de l’enrobé.
– Les travaux routiers, comme certains grands équipements, sont ce qui est visible pour le conseil général
dans un secteur. Il fut un temps où il n’y avait que les
routes départementales dans les différents cantons ;
aujourd’hui, nous avons également les collèges, mais
pendant très longtemps c’était en fonction du réseau
routier qu’on jugeait la présence du département. On
peut dire qu’avec les actions qui ont été faites au titre de
la sécurité, nous n’avons plus dans notre département
ce qu’on peut appeler des points noirs. Par contre, nous
avons encore des points plus difficiles et des opérations
de sécurité à réaliser.
– Les routes du secteur de Matignon : les études
ont avancé parce qu’elles figuraient également au
programme complémentaire. Elles doivent parvenir
en terme de programmation mais nous allons rentrer
dans les discussions un peu partout : il y a de fortes
132
133
Christian Provostt, conseiller général du canton de SaintBrieuc-sud
Je ferai la proposition d’expérimenter un Tibus spécial qui partirait de la ville chef-lieu du conseil général
tous les dimanches d’été pour aller à la Roche-Jagu. On
réclame aussi, dans l’agglomération briochine, de tenter
un car, par exemple le matin : les gens pique-niquent,
visitent, vont au spectacle, et rentrent dans l’après-midi.
Je crois que ce serait gagnant pour tout le monde.
chances pour que les opérations qui étaient déjà dans le
programme complémentaire, qui sont prêtes en ­termes
d’étude, viennent plus rapidement ; nous devrons en
décider. Par rapport au casernement des pompiers, ce
n’est pas simplement le conseil général qui a décidé,
cela a été fait également en accord avec la commune.
On doit pouvoir signaler la sortie des véhicules du
casernement des pompiers.
– La voie piétons/vélos de Châtelaudren à Plélo :
il s’agit d’une particularité, puisque le conseil général
a acheté le terrain et la commune a réalisé les travaux
avec une subvention du conseil général sur le produit
des amendes. La topographie permettait de le faire : la
commune de Plélo est très proche de Châtelaudren,
qui n’a pas beaucoup de territoire. Il s’ensuit un vaet-vient permanent entre les deux bourgs, et je pense
que la réponse qui a été trouvée là était bonne. Est-ce
qu’il faut la généraliser ? C’est une autre question, mais
il faut toujours trouver des réponses adaptées aux pro­
blèmes tels qu’ils se posent dans les différents secteurs.
– Le problème des fourreaux : la communication
c’est le transport, mais il n’y a pas que le transport.
Malgré tout, ce n’est pas parce qu’on communique plus
qu’on se déplace moins. L’expérience montre qu’on
­communique plus mais on se déplace également plus.
Est-ce qu’il faut mettre des gaines partout ? Dans des
endroits spécifiques où nous vous avons fait des travaux importants, comme autour de Lannion, autour de
Loudéac, tout est en place. Sur les autres routes, lorsqu’il y a des accotements qui permettent ensuite de faire
passer les fourreaux, si on décide de faire par exemple de
la fibre optique, le problème sera réglé le moment venu
et on ne cassera pas les routes. Là aussi, il y a eu une
démarche qui a permis de répondre aux caractéristiques
de la voie et en même temps une réflexion qui permet
de répondre aux problèmes quand ils se poseront.
– La réflexion concernant les itinéraires, l’économie,
l’aménagement du territoire, le tourisme : il est vrai que
nous avons intérêt à bien croiser nos informations en
vue des aménagements avec celles des communes. Les
conseillers généraux seront présents mais également les
maires, qui nous apporteront leurs informations.
– Le transfert des routes : nous allons discuter avec
les maires ; certains transferts s’effectuent déjà, mais
jusqu’à présent, c’est un transfert qui correspond au
classement et reclassement. Est-ce qu’il faudra transférer les routes communales dans le réseau départemental
sans qu’il y ait de mouvement en sens inverse ? Il ne
faut pas oublier que généralement, quand on transfère,
il faut faire des travaux tout de suite sinon les maires
ne les acceptent pas. Mais il est vrai qu’il faut revoir un
peu le réseau dans certains endroits.
– L’innovation dans le secteur de Dinan : le dispositif qui a été fait n’est pas simplement pour récolter de la
pollution mais également pour qu’elle soit détruite, ce
qui répond au problème soulevé par les écologistes.
– Le réseau B : nous avons ici la caractéristique d’être
un département de production agricole avec beaucoup
de transport, en amont et en aval des éle­vages. Ces routes du réseau B sont très fréquentées par des véhicules
très lourds, ce qui pose des problèmes spécifiques.
– Aménagements et sécurité : autour de Saint-Brieuc,
nous avons ce qu’on appelle la rocade d’agglomération
sur laquelle nous allons démarrer des travaux cette
134
135
année. Nous en sommes maître d’ouvrage, à 70 %, et
les collectivités participent, pour 30 %. Pour ce qui est
de la rocade urbaine, qui est beaucoup plus intérieure
à l’agglomération, c’est le prolongement d’une route
départementale. Les études qui ont été faites, comme
sur le secteur qui a déjà été aménagé, sont conduites
avec un financement de 50 % pour le conseil général
et 50 % pour les agglomérations. Les travaux seront
à 70 % pour l’agglomération et 30 % pour le conseil
général. C’est vrai que nous en avons beaucoup parlé
mais nous n’avons pas beaucoup avancé : la Cabri a la
compétence en matière économique, mais les communes gardent une compétence en matière d’urbanisme et
sont nécessairement impliquées. Nous faisons en sorte
que les communes soient présentes de telle sorte que ce
qui a été envisagé ne soit pas repoussé et qu’on puisse
déjà faire ce qui avait été décidé. Ensuite, nous avancerons concrètement en commençant peut-être par les
carrefours principaux et l’isolation phonique.
– La RD 11, qui va de la RN 12 pour aller jusqu’à
Lannion en passant par Plouaret : la route a été aménagée au-delà de Plouaret et en deçà de Plouaret. Il reste
le problème du contournement de l’agglomération
parce qu’elle n’est pas facile à franchir pour un trafic
qui est de plus en plus important. Nous étudierons ce
problème conjointement avec les questions du côté de
Plestin-les-Grèves pour aller également vers Lannion.
– Les problèmes d’acoustique : il est vrai que les
travaux que nous faisions ne prenaient pas en compte
cette dimension concernant les attentes sociales. Ce
que nous avons fait par exemple du côté de Buhulien
est d’une autre qualité que ce qui avait été fait au droit
de Bégard. Mais nous réservons, dans la mesure où
nous terminons les travaux sur la totalité de l’itinéraire,
une part de requalification. Cela ne veut pas dire que
nous allons refaire mais, pour donner une certaine
continuité, il y aura sûrement certains réajustements.
– La zone légumière : c’est un des problèmes que
nous avons à résoudre dans ce secteur, puisque nous
avons une circulation relativement lourde et lente
par rapport à la circulation générale. Est-ce qu’il faut
prévoir des voies lentes ? Est-ce qu’il ne faut pas faire
des essais par des créneaux de dépassement à certains
endroits qui apporteraient plus de sécurité ? Ce sont ces
interventions qui permettent d’y réfléchir.
– Le transport collectif et les travaux routiers
­impliquent fortement l’activité écono­mique du département. Il ne s’agit pas seulement de faire des travaux
routiers, mais de répondre aux besoins du transport et
à ceux du transport collectif. Tibus a largement été cité,
également pour des expérimentations.
Les réunions qui vont se tenir ne manqueront pas
de faire remonter beaucoup de choses. Les élus auront
certainement à appuyer des demandes qui seront faites
et aussi à défendre la stratégie qui sera celle du conseil
général. Je ne doute pas que ces réunions soient intéressantes : nous en aurons dégagé les conclusions dans
quelque temps également.
136
137
Michel Brémont
Pour réaliser une caserne de sapeurs-pompiers, c’est
le GIS qui est le maître d’ouvrage. Les communes
qui les paient indiquent à quel endroit il faut la faire.
Les conditions pour la localiser sont nombreuses et
complexes. On a le sentiment que lorsqu’on construit
une caserne des sapeurs-pompiers, on va générer un
trafic extraordinaire : il faut relativiser les choses, que
ce soit pour Étables ou Matignon. Si on rassemble les
deux casernes de Saint-Cast-Matignon et les trois de
sud-Goëlo, on arrive dans les deux cas à moins de trois
interventions par jour en moyenne. Bien sûr, il y a les
entrées et sorties de véhicules personnels de sapeurspompiers ou de service, mais cela ne justifie pas des
aménagements majeurs. Pour autant que je sache, il y
a une seule caserne dans le département qui a besoin
d’aménagement de sécurité, c’est celle de Lannion, où
l’on coupe un axe rapide extrêmement fréquenté. Pour
le reste, il faut des aménagements sûrement routiers ou
de circulation, mais pas autre chose.
Patrick Leweurs, directeur des Infrastructures et des Transports
au conseil général
À propos du problème de pollution, il s’agit d’une
technique qui fonctionne en laboratoire et à l’état d’expé­
rimentation en site naturel, suivie par un laboratoire
indépendant des Ponts et Chaussées. La ­ technique
mise en œuvre est la même que celle utilisée pour les
écrans anti-bruit qui ont été installés à Buhulien ou
à Bégard sur l’itinéraire de Guingamp-Lannion. Elle
consiste à transformer les oxydes d’azote qui produisent
les brouillards au-dessus des grandes villes lorsqu’il fait
très chaud, par un effet catalyseur sur l’oxyde de titane
qui se trouve dans les revêtements et par la combinaison des ultraviolets avec l’oxygène de l’eau pour obtenir
un produit stable qui est ensuite lessivé par l’eau.
138
Conclusion
par Claudy Lebreton
Arrivés au terme de cette session extraordinaire,
nous pouvons tirer quelques conclusions. Les interventions des uns et des autres ont constamment été faites
dans le souci d’une dimension départementale et de
transversalité des problèmes rencontrés dans tous les
territoires costarmoricains. Cette dimension départementale était constamment éclairée par une approche
locale et une parfaite connaissance du réseau routier
communal et départemental.
Pour aborder la question du schéma départemental,
nous disposons aujourd’hui d’outils que nous n’avions
pas il y a trente ans, et cela peut être important en
matière de travaux à faire. Nous avons, sur les axes les
plus circulés, la connaissance exacte de l’évaluation
du trafic : les jours, les heures, les mois, les poidslourds, les véhicules légers, et sur une segmentation
précise des itinéraires. Par exemple, sur un itinéraire
de Saint-Brieuc à Paimpol, nous savons bien que sur
certaines parties, le trafic peut être de 3 000, 4 000 ou
5 000 véhicules par jour, et sur d’autres de 10 000
véhicules par jour. Nous avons des trafics à certains
moments de l’année avec des flux touristiques plus
139
importants qu’à d’autres. Cette possibilité de bien
connaître l’état et la composition du trafic me paraît
extrêmement importante pour les choix que nous
serons amenés à opérer.
Dans le cadre du schéma départemental, les trois
termes essentiels sont : fluidité, sécurité et responsabilité. Nous devons renforcer cette approche d’itinéraire
que nous avions déjà dans le passé. Nous avions adopté
notre classification en réseau A et réseau B, il est temps
de modifier un peu cette classification. On voit bien
qu’il y a désormais le niveau départemental, des routes départementales structurantes interurbaines, mais
nous avons également des dessertes routières d’agglomération. Les finalités de ces axes sont différentes
selon qu’elles portent des migrations alternantes quoti­
diennes, parfois des migrations touristiques, de weekend ou sur certaines périodes de l’année. Entre des
routes départementales comme celle entre Langouhèdre
sur la RN 12 pour aller à Collinée ou à Plémet, entre
deux routes nationales, la fonctionnalité et les objectifs
du réseau routier ne sont pas les mêmes que sur l’axe
Saint-Brieuc-Saint-Quay-Plouha, ou de l’autre côté
de la baie, entre l’axe qui part de Saint-René pour aller
via Planguenoual sur Pléneuf-Val-André. Ce sont, de
chaque côté de la baie de Saint-Brieuc, des itinéraires
d’agglomération élargie, du même ordre que lorsqu’on
va de Saint-Brieuc à Malakoff pour desservir Plaintel,
et même désormais jusqu’à L’Hermitage-Lorge qui est
complètement dans l’orbite proche de l’agglomération
briochine. Le cas se retrouve sur Lannion, Dinan, les
plus grandes agglomérations départementales. Cette
classification des axes routiers en fonction de leur
objectif et de leur finalité me paraît un travail que nous
devrons finaliser de façon encore plus pointue que dans
le passé.
Enfin, l’organisation de notre administration d’entre­
tien de la voirie départementale n’a pas été abordée.
Nous avions une organisation dans un partenariat
entre la direction des infrastructures et des transports
et des services de l’Équipement. Il faut que nous
ayons le souci de pouvoir calquer cette administration
départementale, pour la partie entretien de la voirie et
de la voirie au quotidien. Mieux le réseau routier est
entretenu chaque jour, moins on aura des gros travaux.
Il faudrait que nous mettions en place cette adéquation entre, d’un côté, l’investissement et, de l’autre
côté, l’entretien et le fonctionnement de nos routes
départementales.
Sur les aspects environnementaux, il faut regarder
de très près le service du fauchage des routes départementales et accotements. L’expérience de fauchage
tardif a donné des résultats positifs : c’est source d’économie, et il y a un réel impact sur les écoulements des
eaux au bord des routes. C’est tout cet ensemble que
nous devrons aborder au cours de cette actualisation du
schéma départemental.
140
141
Nous avons initié cette idée de sessions extra­
ordinaires, en commençant par celle consacrée à l’agriculture. C’était un travail préalable à l’actualisation
d’Armoroute. Les élus ont été nombreux à la suivre.
Nous veillerons à continuer dans ce sens.
Table des matières
Avant-propos, Claudy Lebreton.............................
5
Première partie
Les transports : perspectives, évolution et innovations
I – Une prospective des transports 2050,
Jean-Noël Chapulut........................................ 13
II – Évolution des transports et de la logistique
à l’échelle des territoires français,
breton et costarmoricain,
Hervé Le Jeune, Philippe Plantard................. 36
III –Innovation en matière de transports,
de déplacements et de sécurité routière,
Guy Bourgeois................................................. 60
Seconde partie
La politique costarmoricaine des transports
Cette session extraordinaire du conseil général des Côtes
d’Armor et le présent ouvrage ont été préparés par la
Direction des infrastructures et des transports, sous la
direction de Patrick Leweurs, avec la collaboration de
Raymond Pécheux et Martine Leblanc.
142
IV –Infrastructures, modes, activités de transport
des hommes et des marchandises,
Félix Leyzour................................................. 87
V – Les réalisations dans le domaine routier
depuis l’adoption du schéma routier
en 1978, Raymond Pécheux............................ 99
143
VI –Le contexte socio-économique,
Thierry Connan.................................................. 105
VII – Le schéma de déplacements,
Patrick Leweurs.............................................. 110
VIII –ITS, systèmes de transports intelligents,
Isabelle Dussutour........................................... 113
Conclusion, Claudy Lebreton................................. 139
Achevé d’imprimer en février 2008
sur les presses de Corlet Imprimeur, 14110 Condé-sur-Noireau
pour le compte des éditions de l’Aube
Le Moulin du Château, F-84240 La Tour d’Aigues
Conception éditoriale : Sonja Boué
Numéro d’édition : 1331
Dépôt légal : février 2008
N° d’impression :
Imprimé en France
144