Caractéristiques du système de mérite dans la fonction publique
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Caractéristiques du système de mérite dans la fonction publique
Caractéristiques du système de mérite: Ce qu'il signifie et ce qu'il implique Par Laurent BADO Dans la Fonction Publique de structure fermée, l'agent doit consacrer sa vie active à l’administration. Il est recruté, puis formé avant d'être intégré dans les cadres de la Fonction Publique où il entreprendra une longue carrière qui le conduira du plus petit poste de responsabilité au plus grand avec tous les avantages y afférents. La Fonction Publique de structure fermée ou Fonction Publique de carrière étant dominée par le sens du service public, tout poste de responsabilité supérieur ne peut être occupé que par celui qui le mérite, c'està-dire celui qui a les aptitudes, les attitudes et les habilités pour l'occuper. C'est le système de mérite qui a une pleine justification : l'agent qui intègre la Fonction Publique entre dans un corps avec sa titularisation. Chaque corps regroupe les fonctionnaires soumis à un même statut et ayant vocation aux mêmes grades. C'est dans ce corps que le fonctionnaire fera normalement carrière en gravissant les divers grades. En effet, à l'intérieur de chaque corps, les fonctions (ou emplois) sont hiérarchisées et comportent, de ce fait, différents grades dont chacun correspond à une catégorie d'emplois et équivaut non seulement à un traitement différent, mais à des attributions et à une situation administrative particulière. Le grade se définit donc comme le titre conférant à ses bénéficiaires vocation à occuper des emplois qui leur sont réservés. Le nombre de grades dans un corps est fonction de la diversité et de la hiérarchie des emplois qui lui sont attribués. Le fonctionnaire, qui acquiert son premier grade par sa titularisation, ne peut accéder au grade supérieur, c'est-à-dire à un niveau de responsabilité plus élevé, que par un avancement au choix : il doit le mériter ! C'est dire que le système de mérite vise à promouvoir les meilleurs fonctionnaires, à mettre l'homme qu'il faut à la place qu'il faut pour le succès des activités administratives. C'est pourquoi, le passage d'un grade inférieur à un grade supérieur, autrement dit, d'Lin emploi inférieur à un emploi supérieur, est loin d'être automatique : il est laissé au pouvoir discrétionnaire de l'autorité hiérarchique qui peut l'accorder ou le refuser car le fonctionnaire n'a pas un droit acquis à cette promotion et le refus de promotion ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire. Il y a lieu, dès lors, de se demander, comment, dans la pratique, cette promotion sélective des fonctionnaires s'opère et dans quelles conditions ce système de mérite est opérant... LES MODALITES DU SYSTEME DE MERITE Il appartient à chaque législateur d'organiser son système de mérite. Celui de la France par exemple est différent de celui du Burkina Faso. l'autorité hiérarchique procède aux nominations dans l'ordre du tableau, sans être obligée de pourvoir à toutes les vacances. Cette modalité, qui accorde une marge de liberté d'appréciation au supérieur hiérarchique, apparaît lourde mais efficace dans une administration dominée par le loyalisme vis-à-vis du pouvoir établi. L'avancement au choix précédé d'un examen professionnel accorde moins de liberté au supérieur hiérarchique. Il est largement pratiqué en Belgique et prévu en France à l'article 58 du statut de 1984. Selon cette modalité, le supérieur hiérarchique procède aux nominations en s'inspirant des résultats d'examens professionnels. L'avancement sur concours professionnels n'accorde aucune liberté à l'autorité hiérarchique: les nominations ont lieu au vu des résultats d'épreuves professionnelles de concours. Au total, le système de mérite en France comporte trois variantes traduisant les degrés de liberté de choix de l'autorité : pouvoir discrétionnaire total avec le tableau d'avancement, pouvoir discrétionnaire restreint avec les examens professionnels et compétence liée avec les concours professionnels. La situation au Burkina Faso est tout autre... Le système burkinabé La législation Burkinabé a substitué la classe au grade (alors qu'en droit Positif français, la classe n'intervient que dans les corps comportant un seul grade !) ; la classe se définit alors comme " une subdivision de l’emploi permettant de répartir les fonctionnaires d'un même emploi en fonction de leurs performances professionnelles " (article 59 alinéa 3 du statut). Sur la base de cette classe à définition obscure, le législateur a prévu trois classes dans chaque corps. L'avancement de classe s'effectue alors dans les conditions suivantes : 1) le ministre arrête le tableau d'avancement après avis du Comité Technique Paritaire et le publie dans les quinze (15) jours suivants ; 2) les inscriptions au tableau d'avancement sont soumises à des conditions d'ancienneté et de notation : • • • pour l’avancement à la deuxième classe (grade intermédiaire), il faut dix ans de service au moins dans la première classe (grade initial) et une moyenne des notes calculée sur cette période égale à 8 / 10 au moins ; pour l'avancement à la troisième classe (grade terminal), il faut huit ans de service au moins dans la deuxième classe (grade intermédiaire) et une moyenne des notes calculée sur cette période égale à S/ 10 au moins ; ne peuvent être proposés pour un avancement de classe les fonctionnaires qui ont subi une sanction disciplinaire du second degré (à savoir : exclusion temporaire des fonctions de seize jours au minimum et de trente jours au maximum ou abaissement d’échelon). Le système de mérite burkinabé appelle les observations suivantes : • • Il n’est pas expressément mentionné que les inscriptions au tableau d’avancement s’effectuent en fonction des vacances à pouvoir ; le rôle du Comité Technique Paritaire n’est pas clairement défini ; en France, la Commission Paritaire examine cas par cas la valeur professionnelle des agents inscrits et peut saisir le Conseil Supérieur de la Fonction Publique en cas de rejet de ses propositions par l’autorité hiérarchique ; • • le supérieur hiérarchique a, en réalité, une compétence liée : il ne peut inscrire au tableau d’avancement que les fonctionnaires ayant l’ancienneté requise (10 ou 8 ans), et une moyenne des notes des dix ou huit ans de service égale à 8/10 ; la moyenne des notes requise est si élevée (8/10) pour une si longe période (10 ou 8 ans), que la voie est ouverte au favoritisme et au clientélisme dans une administration non républicaine. Toutes ces considérations soulèvent le problème de la valeur du système de mérite. LA VALEUR DU SYSTEME DE MERITE Contrairement à l'avancement à l'ancienneté qui entraîne seulement une augmentation de traitement, l'avancement au mérite implique un transfert d'emploi et un changement de grade. De ce fait, le système de mérite ne peut viser l'objectif de sélection des meilleurs agents pour occuper des postes de responsabilité plus élevés sans grever inconsidérément les ressources budgétaires de l'Etat qu'à la double condition d'une description parfaite des emplois et d'une notation objective... A) La condition de la description parfaite des emplois. Le statut français ne donne pas une définition de l'emploi. On sait seulement qu'il correspond à une fonction administrative, à un poste de travail, au "fauteuil " sur lequel pourra s'asseoir celui qui est suffisamment digne du grade qui lui a été conféré, selon l'expression imagée de R. Grégoire. Le statut burkinabé, en son article 2, dispose que " l'emploi est la dénomination professionnelle d'un ensemble d'attributions connexes concourant à l'exécution d'une mission déterminée ; il s'exécute à travers des postes de travail ". On retiendra, au-delà de cette définition assez obscure, que l'emploi correspond à un poste de travail, c'est-à-dire à une tâche confiée au fonctionnaire. Ces emplois étant diversifiés et hiérarchisés, ceux d'un même niveau sont réservés à un grade donné, de telle soi-te que tout fonctionnaire, par son grade, a un titre personnel pour occuper l'un des emplois qui sont reconnus à ce grade. De ce qui précède, on perçoit aisément la nécessité d'une description parfaite des emplois. L'appareil administratif d'Etat est une énorme machine constituée de milliers de pièces, les unes plus importantes que les autres, distribuées dans des organes divers et distincts mais non séparés, unis mais non confondus chacune de ces pièces a sa place et son rôle dans l'ensemble ; de son bon fonctionnement dépend le succès ou l'échec des résultats escomptés. Par conséquent, il est impératif de savoir de combien de pièces est constitué l'appareil administratif d'Etat, quelle est leur nature particulière, quelle est leur place, qu'elle est leur état, etc. C'est grâce à ce tableau de bord que les recrutements et les promotions obéissent à des besoins réels et à des nécessités de service, que des économies peuvent être réalisées en évitant les nominations pour ordre ou les postes de travail fictifs qui sont régulièrement mis à jour par le contrôle comparatif du fichier Fonction Publique et du fichier solde. Au Burkina Faso, la description des emplois a été institutionnalisée par les article 4 et 5 du statut. Aux termes du premier article, « les emplois permanents sont prévus dans un tableau prévisionnel qui détermine le nombre et la qualité ou institution concernée, ainsi que l’évolution des effectifs à moyen terme » et aux termes du second, « chaque emploi prévus au tableau prévisionnel est identifié par une appellation normalisée, sa localisation dans la structure administrative et le profil professionnel y correspondant ». L'ambition paraît trop élevée pour être réalisable. L'important polir l'administration est de savoir quel est l'ensemble des tâches à exécuter pour la poursuite et l'atteinte de ses missions, leur agencement et le profil professionnel y correspondant. C'est à ce prix que l'organe administratif est bien adapté à sa fonction, ne souffrant ni de gigantisme aux conséquences budgétaires néfastes, ni de nanisme, source de léthargie fonctionnelle, encore moins d'incapacité intrinsèque en raison du choix judicieux des hommes appelés à animer, à impulser et à répondre des différents postes de travail. B) La condition d’une notation objective Dans le système français, l'inscription au tableau d'avancement des agents s'effectue au regard de leur notation des trois dernières années et la Commission Paritaire doit examiner la valeur professionnelle de chacun telle qu'elle ressort en particulier de sa notation. Dans le système burkinabé, la notation ne sert pas d'éclairage à l'examen de la valeur professionnelle mais intervient comme l'une des deux conditions d'inscription au tableau d'avancement : pour le passage au second grade, l'agent doit avoir une moyenne des notes calculée sur dix ans égale à 8/10 et pour le passage au troisième grade, une moyenne des notes calculée sur huit ans égale aussi à 8/10. Dans les deux systèmes, la notation est plus ou moins prépondérante. De ce fait, le système de notation tient tout le système de mérite en l'état. Or, au Burkina Faso, le système de notation a toujours été défectueux : Sous le statut de 1959 (loi 22/A-L du 20 octobre 1959) : le pouvoir de notation était centralisé ; le ministre notait les agents au vu des appréciations de leur supérieur immédiat .