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Mutuelle et Santé HORS SÉRIE Philippe Fiévet Médecin nutritionniste Maître en sciences et biologie médicales L’alimentation et l’Homme La détoxification de l’organisme, ou « Il était une foie » Le contenu de l’assiette : pourquoi ? Des fibres à tous les repas LA REVUE DE LA MTRL À boire ! Comment se faire une maladie ! Nutrition et cancers : du vrai nouveau ! La chronobiologie (Part. I et II) Regards sur le stress (Part. I et II) Aspects acido-basiques de l’organisme et alimentation (Part. I et II) Regards sur l’allergie L’alimentation et l’Homme 4 La détoxification de l’organisme, ou « Il était une foie » 6 Le contenu de l’assiette : pourquoi ? 8 Préface Des fibres à tous les repas 10 À boire ! 12 Comment se faire une maladie ! 14 Nutrition et cancers : du vrai nouveau ! 16 La chronobiologie (1re partie) 18 La chronobiologie (2e partie) 20 Regards sur le stress (1re partie) 22 Regards sur le stress (2e partie) 24 Aspects acido-basiques de l’organisme et alimentation (1re partie) 26 Aspects acido-basiques de l’organisme et alimentation (2e partie) 28 Regards sur l’allergie 30 Recueil d’articles publiés dans Mutuelle et Santé, la Revue de la MTRL. Novembre 2010 L ORSQUE NOUS AVONS DEMANDÉ, il y a bientôt quatre ans, au docteur Philippe Fiévet de bien vouloir donner un article à notre revue, nous ne pensions pas alors que cette collaboration se poursuivrait avec la régularité que ce recueil illustre, lequel constitue aujourd’hui une véritable “mine utile à la santé publique”, selon les propres mots du professeur Henri Joyeux dans son avant-propos. Non seulement ce document constitue, pour nous, une forme d’aboutissement relatif d’un travail de spécialiste soucieux de pédagogie, disons une synthèse provisoire, mais il correspond parfaitement à la politique de prévention que prône la MTRL et que sa revue s’applique à promouvoir à chacune de ses parutions. Le propos n’est pas de pure forme, puisque le document intitulé “La MTRL acteur de santé. Une vision mutualiste et des orientations pour une politique de prévention”, objet d’une résolution que l’assemblée générale de notre Mutuelle a votée il y a deux ans, a été élaboré et rédigé, pour une part importante, par le docteur Philippe Fiévet lui-même. Nous ne saluons donc pas ici simplement la “belle ouvrage” d’un médecin-chercheur de qualité mais aussi le praticien qui réfléchit à son action bien au-delà des seuls patients qu’il traite. Qu’il ait choisi de le faire dans un rapport étroit avec la MTRL nous enrichit intellectuellement et nous honore. Le président, Romain Migliorini Avant-propos L 14 CONSEILS DE SANTÉ DU DOCTEUR PHILIPPE FIÉVET, excellent médecin nutritionniste, sont une mine utile à la santé publique, à votre santé. C’est notre alimentation qui apporte les matériaux et l’énergie dont le corps a besoin 24 heures sur 24. Pour bien choisir, rien ne vaut de bien connaître la nature humaine : la façon dont nous sommes constitués et les bases du fonctionnement du système digestif, qui transforme les aliments en nutriments et les répartit à tout l’organisme selon ses besoins. Le contenu de notre assiette, trois fois par jour, est donc capital ; il faut l’orienter plus vers les produits végétaux frais et de saison que vers les produits animaux, en dehors des poissons et fruits de mer si importants pour entretenir nos neurones. La consommation des fruits, légumes, céréales et légumineuses est donc essentielle pour avoir des fibres à tous les repas qui nourrissent, entretiennent la flore digestive et régulent la préparation de la sélection des déchets et leur évacuation quotidienne. Un ballon de bon vin à la fin de chaque repas évitera la constipation qui coûte si cher et bien d’autres misères de l’âge. Quant aux boissons, si les reins fonctionnent bien, elles doivent être abondantes pour des urines claires et transparentes. La déshydratation est aussi grave pour le nourrisson que pour la personne âgée, qui risque de perdre la mémoire et de cheminer plus ou moins vite vers l’Alzheimer. Notre collègue, avec une pédagogie bien maîtrisée et finement présentée, vous guide astucieusement vers la santé, la meilleure prévention des maladies de civilisation, les cancers, le stress, les déséquilibres acido-basiques des consommations excessives de produits laitiers et de viandes bovines. Même les allergies visibles ou inconscientes vous sont signalées, résultats d’une porosité intestinale que nous déclenchons sans le savoir en mangeant mal. Suivez donc tous ces conseils de notre collègue, qui excelle pour expliquer les meilleurs comportements, le choix des aliments, les moyens de se détoxifier en mangeant, l’intérêt des oméga 3, les cycles biologiques auxquels nous sommes soumis. Ses connaissances en biologie de la nutrition, cancérologie, immuno-rhumatologie, chronobiologie et micronutrition sont le garant du sérieux de cette belle présentation. ES Pr Henri Joyeux Chirurgien cancérologue Faculté de médecine de Montpellier D’ABORD CONNAITRE LA NATURE HUMAINE L’alimentation et l’Homme « Chaque espèce vivante, animale ou végétale, persiste et prospère dans certaines conditions de vie qui lui sont propres et dont elle ne peut s’écarter que dans les limites de son adaptabilité. Au-delà, c’est, ou la réaction plus ou moins douloureuse de son être qu’est la maladie, ou la mort. » énétiquement, l’Homme est toujours, actuellement, un chasseur-cueilleur. Il est programmé depuis 40 000 ans pour manger des fruits et des légumes très variés en quantité, des baies, des racines, des oléagineux, des poissons sauvages, du gibier (quand il le capture), des œufs. C’est l’alimentation ancestrale, appelée paléontologique ou hypotoxique. De l’autre côté du corps, l’alimentation a été profondément modifiée depuis 50 ans, dans sa qualité, dans sa quantité, dans sa répartition en classe d’aliments et dans ses équilibres au sein d’un même compartiment alimentaire. La nécessité de manger a basculé vers le plaisir. Ce n’est pas incompatible évidemment, mais il faut un équilibre pour vivre. Manger intelligemment avec plaisir, voilà une bonne équation pour la vie. G Des maladies de civilisation Enfin, l’Homme nomade est devenu sédentaire. De même, l’animal comestible est le produit de l’élevage. Ajoutons à cela la pollution. Tous les ingrédients environnementaux sont réunis pour se pencher avec compassion sur le berceau des maladies de civilisation. Une alimentation inadaptée est le facteur prépondérant dans le déclenchement de ces maladies. Qui réceptionne tout cela en premier lieu ? L’intestin de l’homme. L’intestin est une muqueuse, une interface de grande superficie (plus de 20 m2) avec le milieu environnant, 4 Avec l’homme de Tautavel, nous plongeons dans un passé vieux de 400 000 ans. truffée de cellules immunitaires et recouverte par la flore intestinale. Il possède son système nerveux propre et une activité neuro-hormonale (toutefois, l’idée d’un second cerveau est très simpliste !) C’est donc globalement un ménage à trois, muqueuse intestinale, système immunitaire et flore, qui se porte à merveille quand tout va bien. Mauvais génie agroalimentaire ? L’alimentation moderne est devenue la source de multitudes d’espèces moléculaires nouvelles créées par l’industrialisation agroalimentaire. Les populations bactériennes de la flore intestinale s’adaptent à cette nouvelle alimentation et modifient leur répartition et leur taille. La Revue de la MTRL 䉬 décembre 2006 䉬 numéro 52 Les instruments tranchants sont admirables, la fourchette viendra plus tard… Devant de tels chefs-d’œuvre « primitifs », notre modernité paraît parfois un peu vieillotte ! Ces molécules nouvelles (et leurs excès), la carence en aliments ancestraux (en variété, qualité et quantité), les modifications de flore, la disproportion de certaines classes d’aliments déclenchent ensemble une hyperperméabilité de l’intestin, c’està-dire un écartement des cellules. L’intestin étant un écosystème, si l’un des protagonistes se dérègle, l’équilibre est perturbé. Finalement, l’intestin devient progressivement une passoire peu sélective lorsque apparaît une hyperperméabilté de la muqueuse. Le système immunitaire, devant cette avalanche de molécules entrant dans le corps, s’active fortement et sécrète des anticorps et des « hormones » initiant l’inflammation. Si les conditions perdurent, l’inflammation s’amplifie d’abord localement et finit par activer anormalement tout un tas de cellules dans l’organisme, déclenchant à terme des maladies de surcharge, inflammatoires, allergiques, autoLa Revue de la MTRL 䉬 décembre 2006 䉬 immunes (les cellules immunitaires détruisent certaines cellules du corps qu’elles sont censées protéger !), pouvant toucher n’importe quel organe ou n’importe quelle fonction physiologique. Sont inclus dans ces pathologies les maladies cardio-vasculaires, les diabètes, les cancers et les maladies neuro-dégénératives. Retour… vers le bon sens Ainsi, le retour à une alimentation très variée, correctement calorique, régularisant pour chaque individu les apports en fruits et légumes, viandes, corps gras, sucres, etc. et en normalisant les équilibres dans chaque classe d’aliments, harmonise l’écosystème intestinal et donc diminue l’inflammation. Chassons le sectarisme et les dogmes. Ils ne sont pas intrinsèques à la vie, qui est faite de diversité. Manger selon son groupe sanguin, quelle ineptie biologique ! Exclure tel ou tel aliment, sauf s’il est responsable de maladie, est à considérer au cas par cas ! Les excès nuisent en tout, c’est bien connu. Nous sommes faits de telle sorte que nous ne pouvons bien fonctionner dans la vie que si l’on se nourrit de produits issus de la Nature. Non seulement celle-ci nous apporte de quoi vivre et survivre tout en s’adaptant au milieu terrien et à nos activités, mais l’apport alimentaire en antioxydants est une composante majeure de la vie en protégeant cellules et fonctions de l’organisme. Ces molécules, essentiellement végétales, n’apportent aucune calorie – le concept thermodynamique de la numéro 52 calorie en nutrition humaine est totalement obsolète – mais sont absolument indispensables à l’homme. L’individu n’est pas réductible au groupe Enfin, lorsque l’on parle d’alimentation et de maladie, on applique à des individus des principes issus d’études effectuées sur des groupes de population. C’est une erreur énorme, une grave responsabilité. En effet, un individu possède un risque propre de maladie, qui n’a rien à voir avec le risque statistique moyen d’un groupe. En effet, nous observons autour de nous des individus qui mangent n’importent quoi n’importe quand et qui se portent à merveille. Cela est le reflet de la diversité génétique des individus. Tout le monde n’est pas loti pareillement sur Terre, et on ne peut imposer à tous les principes d’une même alimentation. Mais ceci est une autre histoire. 䊓 CD 5 La détoxification de l’organisme, ou « Il était une foie » Dans l’article précédent (Revue n° 52), nous avons brossé le tableau d’une alimentation adaptée à l’homme. Voyons à présent comment se débarrasser des toxiques présents dans le corps ette fonction, très grande consommatrice d’énergie pour nous, est une préoccupation constante de l’organisme. Imaginez un peu… Nous mangeons des aliments – plus ou moins adaptés à l’Homme, nous l’avons vu –, nous ingérons des substances créées par les industries, nous avalons des médicaments, nous consommons des toxiques divers plusieurs fois par jour… C Le foie, véritable station d’épuration Un organe est particulièrement actif pour nous épurer: notre foie. Dans ce foie sont concentrés tous les systèmes de détoxification. C’est une belle machinerie fonctionnant plus ou moins tranquillement selon les jours… et selon nos ingestions diverses (tabac, pilule, produits fumés, barbecue, médicaments, dioxine, diesel…). Ce qui doit être éliminé sera ensuite déversé dans la bile donc dans l’intestin, ou bien refluer vers le sang pour être repris par les reins. Comment cela marche-t-il ? Cette fonction essentielle se déroule en deux phases successives et équilibrées. La première phase va préparer l’élimination. Une substance à éliminer (hormone, médicament…) est transformée en une molécule intermédiaire, plus hydrophile que la molécule originelle. Au cours de cette réaction, essentiellement de type oxy6 datif et assurée par les enzymes cytochromes P 450, des radicaux libres instables oxygénés sont générés (molécules instables dangereuses responsables de dommages cellulaires). Les antioxydants vont alors entrer en scène et détruire ces composés délétères. Tout est prévu heureusement ! Nous verrons plus loin l’intérêt de ce point très important. La substance intermédiaire obtenue est alors couplée par des enzymes à des transporteurs, permettant sa solubilisation dans la bile, réalisant alors la phase 2 de la détoxification (dite phase de conjugaison). Cet aspect conditionne en partie l’activité médicamenteuse chez un sujet donné. Bien des substances sont inactivées avant d’entrer dans le corps, d’autres au contraire sont rendues plus actives par la détoxification ! Ce phénomène rend compte des variabilités individuelles d’efficacité de médicaments (ce n’est toutefois pas le seul mécanisme). L’intestin grêle représente une véritable barrière contre l’absorption des médicaments et autres xénobiotiques en amont du foie, à condition que l’intégrité des cellules intestinales soit respectée. Ensuite, il y a nécessité d’équilibre entre les deux phases de détoxification : si la phase 1 devient prépondérante sur la suivante, il y a production accrue de radicaux Le rôle de l’intestin Si le foie est l’organe majeur de la détoxification (entre autres fonctions), on s’est aperçu que d’autres tissus pouvaient effectuer la même action. L’intestin, par exemple, épure aussi l’organisme avant même que des molécules étrangères aient pu entrer et se retrouver dans le foie. C’est en somme une pré-détoxification, extéLa détoxification à l’ancienne : purge, saignée et clystère ! rieure à nous ! La Revue de la MTRL 䉬 mars 2007 䉬 numéro 53 libres, et ceux-ci vont être pris en charge par les systèmes antiradicalaires (vitamine C, vitamine E, superoxyde dismutase, catalases, glutathion, taurine, etc.). A terme, l’épuisement progressif des réserves antioxydantes libérera tout le potentiel dangereux radicalaire, et des lésions tissulaires apparaîtront. Il est donc nécessaire que la phase des conjugaisons suive en totale adéquation la phase d’oxydation. En somme, peu de risque de PV en reprenant la route ! Mais… Mais, si vous prenez un punch avec du jus de pamplemousse, patatras ! Le pamplemousse inhibe l’activité des cytochromes, et donc vous métabolisez mal l’alcool. Quelques points en moins sur votre permis de conduire éventuellement… mais que cela ne La détoxification en mangeant ! Il est d’extrême importance que les deux familles d’enzymes soient hautement inductibles dans divers tissus (peau, reins, poumons) et que leur activité puisse être régulée par une large variété d’agents chimiques, parmi lesquels les aliments sont succédanés…). Et en consommant un maximum de produits frais, naturels, et non issus de l’industrie. Ensuite, manger une bonne ration journalière de fruits et légumes COLORES : la couleur d’un végétal renseigne sur sa teneur en antioxydants. Préférez les tomates, abricots, carottes, haricots verts, mangues, épinards, fruits rouges… aux endives et salsifis (qui ont aussi leur utilité). La moitié de l’assiette doit être pleine de légumes frais, soit 400 g de légumes environ. Associez au moins trois légumes (trois couleurs) pour diversifier les sources d’antioxydants : en effet, ceux-ci agissent très efficacement ensemble et beaucoup moins pris isolément. Enfin, pensez à manger des crudités, la cuisson dénature beaucoup d’antioxydants. Et que mettre dans l’autre moitié de l’assiette, me direz-vous ? Mais cela est une autre histoire… 䊓 spécialement importants. Les systèmes de protection contre les radicaux libres sont TOUS d’origine nutritionnelle. Manger, c’est prendre une part active dans sa propreté intérieure ! Manger, c’est induire la fabrication d’enzymes de détoxification de ce que l’on mange ! Prenons un exemple. Vous êtes invité à une partie de barbecue, et vous buvez l’apéro. Les molécules noires de la viande trop cuite – induisant des cancers – vont faire fabriquer rapidement un surplus de cytochromes P 450 dans votre foie, en vue d’éliminer leur toxicité potentielle. Mais, en passant, vous allez à peu près correctement vous détoxifier de l’alcool (question de dose tout de même !) car lui aussi va passer dans les bras musclés des cytochromes. La Revue de la MTRL 䉬 mars 2007 䉬 numéro 53 serve pas d’alibi pour ne plus consommer de pamplemousse ! Ainsi, on le voit indirectement à travers l’anecdote précédente, le développement de la malignité (cancérisation), lorsqu’une cellule est exposée à un carcinogène potentiel, est fortement déterminé par l’équilibre entre les activités de phase 1 et de phase 2. La détoxification participe donc à part entière au maintien de l’intégrité des structures de l’individu, en association avec le système immunitaire. CD Exercices pratiques Comment améliorer sa détoxification ? D’abord ne pas surcharger l’organisme, en évitant trop de produits raffinés (biscuiterie, plats tout prêts, confiseries, 7 Le contenu de l’assiette : pourquoi ? Dans le précédent article, nous avons rempli la moitié de notre assiette avec des légumes (frais de préférence). Maintenant, nous allons mettre un poisson dans un des quarts qui restent ui je sais, vous allez me dire, c’est pollué. Evidemment, mais tout doit être évalué en fonction de la balance avantages/risques. Tout d’abord, évitez par exemple de consommer un gros poisson trop souvent. Le thon, qui est un familier de nos tables, concentre les toxiques parce qu’il est un prédateur haut placé dans la pyramide alimentaire : en mangeant des poissons plus petits, il va accumuler dans son foie et dans ses muscles les polluants avalés par les poissons inférieurs en taille. D’ailleurs, sachez qu’au Canada il est recommandé aux femmes de ne pas consommer de thon pendant la grossesse. Pourtant, il n’y a aucun doute, le bénéfice de la consommation de poisson reste bien supérieur au risque engendré. O 8 Donc choisissez un poisson courant, comme la sardine, le maquereau, le hareng, le flétan, le saumon, l’anchois. En plus, ça ne coûte pas très cher. Avec la réserve suivante, évitez les poissons pêchés dans la mer Baltique, ils sont très fortement pollués en mercure, cadmium, dioxine et autres. Ces incontournables oméga 3 Alors pourquoi insister sur ces fameux poissons gras des mers froides ? Car ce sont des aliments santé, l’équivalent animal de nos légumes. Vous en avez sûrement entendu parler, ils contiennent des oméga 3, ces fameux acides gras polyinsaturés. Les oméga 3 ont des propriétés étonnantes et servent l’organisme au mieux jusque dans ses moindres recoins. Tout d’abord, ces molécules sont longues et très souples : ainsi, en s’incorporant dans toutes les cellules du corps, elles rendent toutes les surfaces d’échange extrêmement efficaces. Il faut s’imaginer en effet les cellules comme de véritables gouttes d’huile. Toutes les informations qui circulent entre elles ne seront efficaces que si les récepteurs d’information sont libres de travailler dans un environnement souple. Et, en plus, ces oméga 3 participent au velouté cellulaire, par exemple la peau. De puissants anti-inflammatoires Le cerveau est un organe très riche en oméga 3, notamment en DHA (acide docosahexaénoïque), et, pour bien fonctionner rapidement, les neurones ont besoin de fluidité dans leurs échanges d’influx. Les globules blancs, chargés de la défense anti-infectieuse, doivent facilement circuler dans tous les tissus, se faufiler dans les organes : ils ne le feront vite et bien que s’ils sont souples et très déformables. Les globules rouges, eux, véhiculent l’oxygène ; ainsi, pour bien délivrer leur chargement, il leur faut se glisser dans des vaisseaux sanguins de diamètre inférieur à leur taille ; une seule solution : la souplesse ! De multiples exemples peuvent être rapportés. Mais les oméga 3 ont aussi un rôle chimique en dehors de leur La Revue de la MTRL 䉬 juin 2007 䉬 numéro 54 rôle structurel. Ce sont de puissants anti-inflammatoires naturels, et l’inflammation est le dénominateur commun à toutes les maladies dites de civilisation. Un atout pour le système cardio-vasculaire Leur chimie débouche sur des composés très protecteurs et surtout très régulateurs dans les équilibres de l’organisme : entre autres les leucotriènes et les prostaglandines de type 3. Voilà pourquoi il est très bénéfique de consommer des poissons gras des mers froides, ils vous protègent fortement des maladies cardio-vasculaires, très vite (le risque diminue au bout de quelques semaines seulement… et cela à tout âge !), des cancers et même du diabète. Ils sont à la base en partie du régime crétois, où l’on retrouve une consommation élevée d’oméga 3. Dans notre alimentation moderne, il y a très peu d’oméga 3, contrairement aux oméga 6 (autres graisses polyinsaturées) qui, elles, sont très mauvaises dès qu’elles sont en excès (huile de tournesol, par exemple, qui va dorénavant servir à graisser les ser- ILLUSTRATION DES EFFETS PROTECTEURS DES OMÉGA 3 Dès la fin des années 1970, des observations avaient mis en évidence le lien entre une consommation élevée en oméga 3 et l’absence de maladies cardiovasculaires. Une étude publiée en 1980 montre que les Esquimaux du Groenland, gros consommateurs de poissons et de phoques – riches en oméga 3 à longue chaîne : EPA et DHA – ne présentent quasi jamais d’infarctus. La comparaison avec les Esquimaux ayant émigré à Copenhague apporte une démonstration éclatante de l’effet préventif. Ceux qui ont émigré et adopté l’alimentation locale connaissent les mêmes problèmes que leurs voisins danois. Il n’existe donc pas de facteurs génétiques expliquant la « miraculeuse » santé cardiaque des Esquimaux du Grand Nord. La Revue de la MTRL 䉬 juin 2007 䉬 numéro 54 Fête du hareng à Anvers (XVIIe s.). Alexander Van Bredael. Lille, musée des Beaux-Arts. rures du garage !). Malheureusement, on consomme dix à vingt fois plus d’oméga 6 que d’oméga 3… A table ! Il vaut mieux manger les poissons peu cuits, pour ne pas détériorer leur structure, et cuits doucement, le midi et le soir. Le midi, les molécules serviront à contrôler le métabolisme, et, le soir, elles seront plutôt mises en réserve dans les membranes des cellules. Le poisson, de toute façon, est idéal le soir, car il contient très peu de corps gras et de sucre. Ainsi, vous ne stimulerez pas la fabrication de l’insuline, qui normalement n’est pas synthétisée la nuit, et vous ne mettrez pas ce que vous mangez dans… la culotte de cheval ! N’oublions pas aussi que les aliments issus de la mer sont la seule source d’iode, et que les deux tiers de la population française sont déficitaires en cet élément. Afin de varier le menu Pour changer, maintenant, mettons dans l’assiette, au lieu du poisson, une part de viande, disons 100 g. Voilà une bonne source de protéines, contenant tous les acides aminés nécessaires, une source de sucres simples (glucose) et un peu de lipides. Les graisses de la viande nous sont nécessaires, ce sont les acides gras saturés (pas de double liaison intercarbone dans la molécule). On va y trouver l’acide stéarique (le corps gras de la bougie !) et l’acide myristique ; celui-ci est très important, car il sert de molécule de liaison entre les signaux extracellulaires et l’intérieur des cellules : il joue ainsi un rôle de messager. Beaucoup de molécules protéiques sont attachées à la surface cellulaire via cet acide gras. Cependant, les acides gras saturés donnent de l’énergie, ce qui est bien, mais trop en consommer provoque la mise en route de phénomènes inflammatoires. Et les protéines sont acides, ce qui fait « pisser du calcium » ! Donc, très simplement, mangez de la viande 2 à 3 fois par semaine en ajoutant 400 g de légumes variés à chaque fois ; les légumes contiennent du potassium sous forme organique : malate, citrate, bicarbonate, très utiles pour prévenir l’ostéoporose car ce sont des épargneurs calciques (entre autres) et ils rétablissent un bon rapport entre sodium et potassium, ce qui évite de faire de l’hypertension par exemple. Nous avons encore un peu de place dans l’assiette, souvenez-vous. Que va-t-on y mettre ? Mais cela est une autre histoire… 䊓 CD 9 DES FIBRES A TOUS LES REPAS J’ai encore faim! Vous avez sans doute deviné quels sont les grands absents de notre assiette : je veux parler des fibres alimentaires ais qu’est-ce que ces fameuses fibres dont tout le monde parle ? Eh bien, ce sont les parois végétales des végétaux (au milieu du légume, c’est surtout de l’amidon, donc du glucose polymérisé), les gommes (guar, acacia), les mucilages. On considère actuellement que l’ensemble des composants qui ne sont pas digérés dans le tube digestif sont des fibres alimentaires. Vous en connaissez sans le savoir : la pectine, utilisée pour gélifier les confitures, la cellulose, les alginates, carraghénates (confitures…) et bien d’autres. Lisez simplement les étiquettes, vous verrez ! Ces fibres sont soit insolubles, soit solubles. Elles ont la capacité de se gonfler d’eau de façon surprenante. On comprend déjà l’intérêt de ces fibres pour faire céder une constipation ! Mangez donc des figues… M Les principales sources Les sources de fibres alimentaires sont représentées par les céréales, les fruits, les légumes et les légumes secs. Les céréales, c’est surtout du blé dans nos pays, mais aussi l’orge, l’avoine, le seigle. Le problème, c’est que plus la céréale est raffinée, moins elle contient de fibres… Autrement dit, plus la farine est raffinée, moins il y a de fibres et de minéraux dedans. Les légumes secs sont les champions de la teneur en fibres alimentaires, mais la cuisson à l’eau divise par trois en moyenne cette teneur. Optez 10 donc pour une cuisson à la vapeur douce. Les légumes « ordinaires » sont aussi riches en fibres mais moins que les légumes secs du fait de leur importante teneur en eau. Les fruits secs sont beaucoup plus concentrés en fibres, naturellement. Des effets nombreux et variés Plusieurs effets sont importants pour l’organisme. D’abord, manger des aliments riches en fibres donne plus rapidement la satiété et évite de surconsommer aux repas. Ensuite, manger des fibres réduit la consommation globale d’aliments pendant la journée. Donc, moins de risques de grossir. Ces fibres sont aussi un aliment formidable pour nos bactéries intestinales. Elles Giuseppe Arcimboldo. « Automne » (1573). Musée du Louvre. entretiennent notre flore. Et la flore entretient notre immunité… cependant leur concentration est telle Nous y reviendrons dans un autre que nous en absorbons quand même la dose nécessaire. article. Mais ce n’est pas tout. On a montré Mais ce n’est pas tout. Les minéraux sont bien présents dans les fibres que les fibres alimentaires réduisaient alimentaires. Les minéraux, ça vient l’hyperglycémie et l’hyperinsulinisme du minéral, c’est dans le sol qu’on les chez les sujets sains ou diabétiques. trouve, pas dans l’eau… On sait que D’abord, les fibres ralentissent la les minéraux des fibres sont en partie vidange de l’estomac et retardent la inutilisables car enchevêtrés avec dégradation des sucres complexes et divers acides (phytique, oxalique – l’absorption du glucose par l’intestin. dans l’oseille par exemple) mais Voilà qui est passionnant. La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2007 䉬 numéro 55 quand il y a trop de glucose (triglycérides), va être produite sans à-coups, sans inonder le corps, sans surcharge. L’intérêt des glucides complexes contenus dans les céréales et les légumineuses, c’est que le sucre, nécessaire, va être utilisé plus lentement, sans décharge violente d’insuline, et donc apporter de l’énergie sur une longue période dans la journée ; l’insuline ne pourra pas stocker dans le tissu adipeux le sucre sanguin circulant en excès (qui dans ce cas n’existe pas !) et on ne grossit pas. Donc dans le quart restant de l’assiette, pour résumer, mettez des petits pois, du riz, des patates douces, des pommes de terre, des topinambours, des petits haricots, des fèves, des pois chiches, des lentilles (ô merveilleuse lentille), et de préférence le midi, pour ne pas faire sécréter l’insuline la nuit… et grossir en dormant ! Et ça ramène aussi la paix dans les ménages et au travail. Que du bonheur, je vous dis ! Et pourtant je m’aperçois que mon verre est vide devant ma belle assiette. Horreur ! Mais cela est une autre histoire… 䊓 Aliment De l’intérêt des glucides complexes En effet, les fibres – légumes, fruits, légumes secs – vont nous apporter les glucides complexes, c’est-à-dire d’innombrables molécules de glucose agglomérées (on dit polymérisées) et donc lentement dégradées en glucose. Très intéressant, car l’insuline, responsable de l’utilisation cellulaire du glucose pour faire de l’énergie (ATP) et des stockages dans l’organisme La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2007 䉬 Sucres simples et hypoglycémie A l’inverse, les sucres simples (confiseries, sucre, par exemple), eux, sont rapidement utilisables car ce sont de petites molécules, induisant une réponse rapide et massive d’insuline (celle-ci est un peu stockée dans les cellules du pancréas, mais en grande majorité fabriquée par ces mêmes cellules dès que le taux sanguin de sucre – glycémie – s’élève). On risque alors facilement la surcharge en insuline, avec comme conséquence une hypoglycémie réactionnelle à la charge en sucre de l’aliment. Un des tout premiers signes de l’hypoglycémie, c’est l’irritabilité : regardez ce qui se passe vers 11 heures du matin, les individus commencent à être agacés, supportent moins bien une contrainte ou un stress… et ressentent une petite faim, un « creux » d’hypoglycémie qu’ils comblent par un petit encas, une friandise par exemple ; et le calme revient dans l’entourage ! Tout cela car, le matin, ils ont mangé un traditionnel pain-beurre-confiture, c’est-à-dire un petit déjeuner majoritairement ou exclusivement glucidique. L’hypoglycémie réactionnelle s’ensuit fatalement. numéro 55 Teneur en fibres pour 100 g d’aliment (en g) Céréales Son de blé 45,5 Pain complet 8,2 Flocons d’avoine 7,2 Riz blanc 3 Pain blanc 2,8 Légumineuses Haricot blanc 24,5 Pois chiche 15 Lentille 11,7 Petit pois 6,3 Légumes Artichaut 5,2 Carotte 3,7 Pomme de terre 3,5 Chou vert 3,4 Haricots verts 3 Laitue 1,5 Tomate 1,4 Fruits Pruneau 16 Amande 14,3 Abricot sec 13,6 Figue sèche 10 Datte 8,6 Framboise 7,5 Noix 5,4 Banane 3,4 Poire 2,4 Fraise 2,1 Pomme 2 CD 11 AU PLAISIR DES DIEUX A boire ! Après avoir avalé, tour à tour, nos légumes puis du poisson et une grosse part de céréales et de fruits, pour faire le plein de fibres alimentaires, nous avions le gosier sec. Sachant que l’eau est le principal constituant du corps humain, il était temps de s’intéresser aux liquides oilà un sujet bien sympathique pour aujourd’hui, mais nous allons commencer par nous fâcher si je vous dis que… seule l’eau est le liquide indispensable à l’organisme ! Et peut-être avez-vous remarqué que plus on est hydraté – en eau évidemment ! – moins on ressent le besoin de saler. Finalement, tout pourrait s’arrêter là, et il suffirait de contempler comment les molécules d’eau s’organisent quand elles sont soumises aux sons de différentes musiques… V En d’autres temps Le premier pressoir à vin connu se trouve en Syrie et date de plus de 8 000 ans ! En Egypte prédynastique, on distinguait la bière rousse de la bière brune… En Provence, aux XIVe et XVe siècles, les rations annuelles de certains travailleurs oscillaient entre 230 et 800 litres ! S’il est vrai que les choses nous possèdent au 12 moins autant que nous les possédons, le plaisir nous possède aussi. Savez-vous réellement combien contient d’alcool un litre de vin ? Un litre à 10 volumes d’alcool pour 100 contient donc 100 ml d’alcool, soit 80 g d’alcool pur (poids spécifique, ou densité, 0,8). Vu comme ça, cela surprend. Mais le whisky – tiens un bon single malt bien tourbé par exemple, à 43° comme il est dit sur l’étiquette –, c’est 350 g d’alcool dans une bouteille de 1 litre. Ouille ! Vigni, vignez, vignons le vin, La voilà la jolie vigne au vin Mais, par-delà sa composante alcoolique (entre 10 et 14 % volume), le vin contient bien d’autres constituants, tantôt nutritionnels (vitamines, minéraux, protéines, glucides), tantôt plus ou moins toxiques, comme des aldéhydes, des essences aromatiques – des huiles ! –, de l’histamine (qui nous donne de soudaines bouffées « de chaleur ») et des additifs (comme les sulfites, vecteurs d’allergies). On trouve aussi dans le vin ces fameux polyphénols, simples ou bien polymérisés (tannins, lignanes), qui ont fait couler beaucoup d’encre à propos du « french paradox », à savoir le fait que, pour les Français, consommer du vin régulièrement protégerait des maladies cardio-vasculaires. Attention, il faut bien savoir que le risque d’une population n’est pas le risque d’un individu pris au hasard ! Parmi ces polyphénols, les flavonoïdes se répartissent en quelque 4 000 variétés et sont aussi présents dans l’alimentation de l’homme, quoique sous une forme différente puisque complexés à des sucres. Le plus important, c’est que ces polyphénols sont des antioxydants, c’est-à-dire des molécules qui ne nourrissent pas mais qui protègent nos structures. Leur action est donc complémentaire de celle des vitamines antioxydantes (vitamines E et C, par exemple). On sait aussi qu’ils protègent notre ossature, alors que l’alcool ne protège pas les os. Et une petite mousse ! Toutes les civilisations ont mis au point des artifices pour rendre plus agréable la consommation d’eau : par exemple la bière. Sachez que le houblon, indispensable à ce breuvage, appartient – avec le cannabis (oups !) – à la classe des Cannabacées. La bière contient entre 30 et 40 g de sucres par litre, mais aussi des polyphénols. Depuis une dizaine d’an- La Revue de la MTRL 䉬 décembre 2007 䉬 numéro 56 nées, on a trouvé dans le houblon une nouvelle classe de phytoestrogènes : les prénylflavonoïdes, en clair la hopéine et le xanthohumol (qui n’est pas une nouvelle pastille pour la gorge !) Ces phytoestrogènes ont une ressemblance structurale plus ou moins proche avec ceux retrouvés chez la femme, mais leur puissance hormonale est beaucoup plus faible. Cependant, un homme qui boit beaucoup de bière a tendance à se féminiser physiquement, et les femmes qui boivent beaucoup de bière ont des règles abondantes et allongées dans le temps (ménorragies). C’est une constatation : trop d’activité estrogénique. Il est remarquable de noter que la hopéine est la molécule estrogénique végétale naturelle la plus puissante répertoriée : environ 100 fois plus active que les phytoestrogènes classiques bien connus (génistéine, daïdzéine du soja, coumestrol du trèfle), utilisés comme compléments alimentaires en cas de bouffées de chaleur ménopausiques. Le xanthohumol, lui, possède des effets protecteurs cel- La Revue de la MTRL 䉬 décembre 2007 䉬 LA COULEUR DES BIÈRES La couleur résulte des types de malt utilisés. les blondes sont brassées avec des malts blonds très pâles, qui donnent de l’amertume et des arômes fruités et floraux avec une mousse abondante; les ambrées et les rousses, brassées avec du malt légèrement torréfié, ont une couleur qui oscille entre l’or cuivré et le roux franc, avec des saveurs légèrement caramélisées; les brunes font généralement intervenir un malt torréfié, de couleur foncée variant du brun acajou au noir ébène; le goût s’équilibre entre l’amertume des sucres caramélisés et celle du houblon; les noires, plus rares, sont à base de malts très torréfiés; les blanches, «bières de printemps», rafraîchissantes et goûteuses, sont originaires d’Allemagne. Elles doivent leur blond pâle à l’utilisation de froment. lulaires et, in vitro, il inhibe la prolifération des cellules cancéreuses prostatiques, selon une étude belge. La boisson la plus consommée au monde Et le thé? On connaît ses vertus antioxydantes, il est riche en polyphénols et en catéchines, surtout le thé vert. Mais, comme les polyphénols sont métabolisés dans l’organisme dans l’heure qui suit son ingestion, pour profiter de ses effets protecteurs, il faut en boire régulièrement une tasse tout au long de la journée et non pas s’en enfiler un demi-litre le matin en pensant bien faire! Les catéchines – une variété de polyphénols qu’on trouve ailleurs que dans le thé – comprennent un individu bizarre dénommé Epi Gallo Catéchine Gallate. La variété la plus riche en EGCG est l’espèce de thé ritzuko. Ces EGCG ont le pouvoir de freiner la néo-angio-genèse, c’est-à-dire la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (anormaux) dans la tumeur cancéreuse au fur et à mesure que celle-ci grandit. Elle empêche aussi les cellules cancéreuses d’expulser de l’intérieur les molécules médicamenteuses de chimiothérapie (action anti-Pgp pour les connaisseurs). Cette action n’est évidemment pas majeure, mais elle existe et des travaux de recherche sont en cours. numéro 56 A very nice cup of tea ! Pour nous résumer Et si on se prenait une boisson faiblement alcoolisée? Un premix ou bien un alcopop, comme on les appelle; c’est très peu d’alcool (comme une bière light), mais ce sont des cocktails tout préparés reproduisant les mélanges à la mode; destinés à une «cible» – les jeunes –, ils offrent le désavantage de faciliter l’entrée dans une consommation alcoolique régulière et excessive. Nutritionnellement, c’est zéro. Un peu de tout, régulièrement, même dans les boissons, voilà la bonne affaire. Les produits bio (vins, bières) sont intéressants, car en général leur amertume ou acidité au palais est moins prononcée. Mais il y a quand même des sulfites dedans, c’est la loi. A la prochaine fois, pour une autre histoire… 䊓 CD 13 UN JEU BÊTE ET MÉCHANT Comment se faire une maladie ! Voilà bien une chose facile à faire, mais si mais si, et gratuite, de surcroît ! Mais enfin, pourquoi s’en priver ? On peut même s’y préparer à l’avance… tous les jours n fait, rien de plus simple, on commence à manger bien tard la veille. Quand on travaille plus, il faut manger plus ! Allez hop, une grosse part de pizza et une assiettée de pâtes à la crème. Voilà de quoi réveiller le Judas dans le pancréas et les diablotins de l’intestin. Comme le soir on ne fabrique pas d’insuline pancréatique, ici on va forcer le destin. On va en fabriquer la nuit, et ainsi faire du gras en dormant. Etonnant comme on peut grossir la nuit et attraper une belle culotte de cheval en dormant! En fait, il faudrait aller danser après un bon repas du soir, bouger ses muscles, utiliser ce que l’on a mangé et non pas le garder en réserve. E En cas de pénurie… L’insuline va faire son travail, mettre en stock les sucres et les graisses au cas où surviendrait une période – impensable évidemment – de jeûne. Souvenez-vous, l’insuline est faite pour ça aussi. L’ennui, c’est que le tissu adipeux est une authentique glande 14 endocrine fabriquant par définition des hormones qui vont se retrouver dans le sang, lequel tissu va profiter du repas pour sécréter davantage (tout est bien dans l’air du temps !). Il va se mettre à fabriquer des protéines qui déclenchent l’inflammation (TNF, IL6), des protéines qui s’opposent à l’action de l’insuline – normalement bénéfique – et, en prenant de l’ampleur, va s’effondrer sa production d’adiponectine (une hormone très protectrice des vaisseaux et du cœur). Et en avant gaillardement vers l’athérosclérose et ses complications, comme l’infarctus ! En prime, l’organisme va fabriquer des molécules spéciales appelées IGF1 chargées de multiplier les cellules et aussi de les faire grossir. Tout cela est absolument gratuit, je vous l’ai dit ! graisseuses, lesquelles sont aptes à se remplir de graisses (triglycérides). Mais en chargeant la mule graisseuse, ces cellules finissent par se multiplier. Et là, point de retour en arrière, on ne peut que grossir. La médecine est alors obligée de gérer cet état et toutes ses conséquences inflammatoires (le diabète gras et ses redoutables complications, cardio-vasculaires par exemple). Donc, pour la pizza et les pâtes – c’est un repas gras et sucré –, vous les programmez trois ou quatre fois par semaine (sans oublier la bière ou le chianti, pour faire glisser !) et vous aurez un prix à la loterie des maladies. Plus d’inflammation égale davantage de maladies Allez, on continue, c’est facile, vous allez voir. A la naissance, chacun naît avec un certain nombre de cellules La Revue de la MTRL 䉬 mars 2008 䉬 numéro 57 Car, de soirée foot en soirée rugby, vous allez faire de l’inflammation en continu. A la naissance, nous l’avons dit, nous possédons des cellules graisseuses en quantité déterminée, réceptacles de triglycérides. Si l’on en reste là, cela va à peu près, on peut même revenir en arrière en perdant une partie de ces graisses. Mais, en suivant le régime décrit plus haut, arrive un moment où le nombre de ces cellules augmente et survient le point limite qu’il faut atteindre lorsqu’on tient absolument à être malade. Pour résumer, plus d’inflammation égale davantage de maladies, et plus vite. Au Tord-Boyaux, c’est vous le patron ! Choisissez donc un repas copieux, riche en protéines (une bonne côte à l’os de 600 g bien grillée, par exemple) après une entrée de charcuterie (bien salée), un fromage très gras et une pâtisserie. Surtout, évitez les fruits ou les légumes, vous risqueriez de fausser les résultats de l’expérience, refusez poliment. Rajoutez encore un peu de sel sur la viande et ne lésinez pas sur le pain, riche en sel lui aussi (bien qu’une amélioration sur ce plan se dessine dans l’industrie). Rien de mieux pour faire connaissance avec l’hypertension. Enfin, évitez de mâcher trop, ça fatigue les mâchoires et ça détériore les dents, boire un verre toutes les trois bouchées compensera largement le manque de salive – élément important d’une bonne digestion – produite par la mastication. La Revue de la MTRL 䉬 mars 2008 䉬 numéro 57 En général, ne choisissez que des produits issus de l’industrie, tout faits, tout cuits, prêts à réchauffer, bien appauvris en minéraux par la culture intensive pratiquée dans certains pays fournisseurs, et en vitamines détruites par la chaleur, bien riches en graisses oméga 6 facteur d’inflammation quand on en consomme trop, bien riches en acides gras trans fabriqués par la cuisson des graisses et qui sont toxiques en excès, bien pauvres en graisses oméga 3 qui, elles, protègent de l’inflammation et des conséquences issues d’un excédent de corps gras. Surtout n’envisagez pas un «programme potager» derrière la maison, car l’exercice physique ne fait pas partie du programme défini ici! Et, en toute occasion, dégustez une limonade ou une boisson sucrée afin d’épuiser consciencieusement le pancréas et son insuline. Donc, si on récapitule, il vous faut créer de l’inflammation à chaque repas et faire sécréter le plus possible d’insuline en mangeant souvent gras et sucré. Par ailleurs, oubliez de déjeuner le matin ! Ça ne sert à rien, tout va être utilisé et si peu mis en réserve ! Ainsi, en faisant une légère hypoglycémie en fin de matinée, vous aurez une excellente raison de déverser votre mauvaise humeur sur vos collègues de travail avant de vous jeter avidement sur le repas de midi, que vous avalerez le plus vite possible afin de calmer une fringale née d’un jeûne complet d’une quinzaine d’heures. Arrosez aussi souvent que possible l’aggravation de votre état (douleurs, fatigue, déprime…) avec des alcools forts, et quelques bonnes cigarettes. Vous profiterez un jour ou l’autre de vos cotisations maladie ! La maladie comme une raison d’être ? Evidemment, vous avez compris que je n’ai rien contre la pizza et les pâtes, même le soir. Simplement, n’en consommez pas trois ou quatre fois par semaine ! On peut se faire un excellent repas que l’on adore, bien méchant pour notre santé, de temps en temps, disons une fois tous les quinze jours, mais sans plus. Parce que, en continuant ainsi chaque jour, vous entretenez consciencieusement votre inflammation et surtout vous allez l’augmenter, jusqu’à vraiment rencontrer de sérieux problèmes de santé. Vous pourrez alors peut-être un jour vous poser une question bizarre : pourquoi ai-je besoin d’une maladie pour exister ? Fabriquer une maladie, c’est un jeu d’enfant, on ne s’en rend même pas compte. Il suffit de ne pas se préoccuper de soi, de ne pas être conscient de ce que l’on est – et je n’ai pas dit que l’on doit s’en sentir coupable. Enfin malade ! Et là, chouette, votre mutuelle vous servira à quelque chose ! Il paraît même que certains veulent faire de la prévention… m’empêcher d’être patraque… Non mais… on n’a jamais vu ça ! 䊓 CD 15 DES DÉCOUVERTES SURPRENANTES Nutrition et cancers : du vrai nouveau ! Régulièrement, on entend parler ici et là d’alimentation et de cancers. Nombre d’ouvrages et d’interventions médiatiques de toute nature traitent de ce sujet bien particulier. Mais aujourd’hui vous allez en apprendre de belles ! contemporains. Cependant, une fois le cancer diagnostiqué, on vous dira : mangez de tout, de façon équilibrée. Mais savez-vous ce qu’est manger équilibré ? En général, non. Maintenant, si vous demandez au médecin « l’alimentation peut-elle guérir le cancer ? » on vous répondra : non, ça se saurait ! Quoique… Une divine surprise Et pourtant, voici qu’aujourd’hui il existe une alimentation curative des cancers. Ce fait est totalement inconnu car la diffusion des informations vient juste de commencer. Il y a dans les cancers un abord alimentaire particulier centré sur des petites 16 ment elles sont omniprésentes. De ce fait, on s’en est désintéressé. D’autant qu’elles portent des petits noms charmants : putrescine, spermidine, cadavérine, pour les plus répandues chez l’Homme. « Bonjour Monsieur, votre taux de cadavérine est élevé », voyez le genre de délicatesse… Ces polyamines sont produites à chaque fois que les cellules se divisent, et les polyamines favorisent la multiplication cellulaire. Voilà le dilemme, c’est un cercle vicieux. Elles proviennent d’une enzyme appelée ornithine décarboxylase, que l’on retrouve dans toutes les cellules du corps, et aussi dans les bactéries, y compris celles de l’intestin. Sans Polyamines Sans Polyamines Les premières études ont consisté dans les années 1980 à inhiber l’enzyme à l’aide d’un médicament, le DFMO, mis au point à Strasbourg. Dans un laboratoire, les cellules étant isolées dans des boîtes, l’effet est spectaculaire : 100 % des cellules Sans Polyamines Sans Polyamines Sans Polyamines Sans Polyamines Sans Polyamines L molécules anodines, que l’on retrouve partout dans le corps, dans les végétaux, et qui régulent la multiplication cellulaire : je veux parler des polyamines. Elles sont identifiées depuis plus de 200 ans, mais on ne savait pas à quoi elles servaient, telle- Sans Polyamines a prévention des cancers par l’alimentation passe par un ensemble d’aménagements nutritionnels dont on ne voit pas les effets au jour le jour mais qui représentent une contrainte plus ou moins bien acceptée par les mangeurs qui reçoivent le DFMO arrêtent de se multiplier. Des essais stupéfiants Enthousiasmés, les chercheurs effectuent alors des tests in vivo chez les animaux : aucun effet ! Déception évidemment. Jusqu’au moment où l’on s’aperçoit que les polyamines manquantes par défaut de fabrication endogène dans le corps proviennent de l’intestin ! Elles proviennent de l’alimentation et de la fabrication bactérienne (n’oublions pas que nous avons 2 kg de bactéries dans le ventre…). De nouveaux protocoles d’essais sont mis au point, on donne alors par voie orale aux animaux du La Revue de la MTRL 䉬 juin 2008 䉬 numéro 58 ses dans les magasins d’alimentation et a systématiquement dosé la teneur en polyamines dans les aliments usuels. Actuellement, plus de 430 aliments du commerce sont répertoriés. Un guide nutritionnel existe donc bel et bien. Par ailleurs, l’équipe rennaise a réalisé un aliment de substitution en canettes dépourvu de polyamines, et qui sert de traitement d’attaque dès le diagnostic de cancer établi. Cette alimentation particulière, qui dure un certain temps selon les résultats obtenus, s’ajoute aux divers traitements habituellement proposés en la matière par les oncologues. Passé la durée de plusieurs mois des essais cliniques, un nombre non négligeable La Revue de la MTRL 䉬 juin 2008 䉬 numéro 58 diagnostic – et une autre curative, une fois celui-ci établi. Il ne faut pas les opposer. Quant à savoir si l’alimentation curative – dépourvue en polyamines – prévient la maladie, nul ne le sait. Il est donc actuellement non justifié de pratiquer une alimentation dépourvue en polyamines avant l’apparition d’un cancer. C’est pourquoi je ne vous fournirai pas la liste des aliments interdits et autorisés : votre médecin est là pour ça. Vous pourrez trouver davantage d’informations dans le livre intitulé « L’intestin, carrefour de mon destin ». es min ns P olya Sa San s Po Sans Po lyam ines Une formation continue est programmée sur toute la France. Dans peu de temps, la communauté médicale sera au courant de cette révolution nutritionnelle, après trente années de recherches acharnées. Plusieurs autres études sont en cours de publication, les recherches conti- lyamines De mieux en mieux… Le plus inattendu, c’est que les patients acceptant le protocole voient leur fatigue disparaître et, fait totalement inattendu, voient leurs douleurs fortement diminuer ou s’arrêter ! L’explication en a été fournie par d’autres chercheurs de Bordeaux (Pr Guy Simonet). Mais ce n’est pas tout, l’alimentation dépourvue de polyamines restaure l’immunité et stoppe l’anémie et la splénomégalie (grosse rate) des cancéreux… Bien sûr, il y a aussi des échecs, que l’on étudie, et divers CHU ont engagé des études devant ces résultats convaincants (Grenoble, Clermont-Ferrand, Paris…). Totalement Sans Polyamines Sans Polyamines Sans Polyamines Aliments de substitution Restait à mettre au point une alimentation dépourvue de polyamines adaptée à l’homme. C’est fait. L’équipe rennaise du Pr Jacques Philippe Moulinoux a été faire les cour- de patients, se portant par ailleurs très bien, ont décidé de continuer ce régime un peu spécial parce que, simplement, « ça leur convenait très bien ». Sans Polyamines DFMO qui n’est pas toxique, et on leur propose une alimentation dépourvue de polyamines. Et, comme on veut faire fort, un antibiotique est ajouté à la sauce. Résultat : 95 % des cellules arrêtent de se multiplier, les cancers greffés chez les souris et les rats régressent. Remarquez, au passage, que l’on ne s’est pas occupé de détruire les cellules cancéreuses… On décide alors, ayant répété les expériences avec des médicaments de chimiothérapie à dose non efficace – et donc non toxique –, de passer aux études chez l’homme. Les résultats sont identiques. C’est formidable… atoxique, bien équilibré, le protocole est déjà opérationnel. L’aliment de substitution en canettes est déjà commercialisé (c’est très bon), se prescrit par n’importe quel médecin et est remboursé à 50 % par les caisses de Sécurité sociale, accepté au remboursement par les mutuelles… Le saviez-vous ? nuent, les améliorations arrivent, c’est encore plus prometteur… Voulez-vous le mot de la fin ? Je pense que les travaux de Jacques Philippe Moulinoux sont nobélisables. Mais, comme vous le savez, cela est une autre histoire… 䊓 Alimentation préventive, alimentation curative Mais j’attire l’attention sur le fait que l’alimentation chez un patient cancéreux déclaré n’est pas la même que celle préconisée en prévention. Il y a, sur le plan de la maladie, une alimentation préventive – avant le CD 17 A LA BONNE HEURE ! La chronobiologie (1re partie) Le moment idéal de la journée pour administrer le médicament le plus adapté au mal à traiter, avec le meilleur dosage possible, telle est – ou devrait être – la préoccupation essentielle du praticien. Transposée à la nutrition, © Comité départemental de spéléologie du Tarn (www.cds81.com) elle s’applique dans des termes quasi identiques aux recommandations diététiques Au fond de la grotte, dans l’isolement, la pénombre et le silence, hors des repères de temps de la surface, le cycle veille/sommeil peut s’allonger au-delà de 30 heures. ous savez bien que l’on parle des constantes biologiques d’un individu (calcémie, glycémie, cholestérol…) ; ce dogme a longtemps été admis, et cependant jamais vérifié par l’expérience. Pourtant, dès 1814, Julien Joseph Virey posait déjà la question de savoir quelle était la meilleure heure d’administration d’un médicament. Il a fallu attendre les années 1970 pour commencer à répondre à cette question. Les études révèlent que des variations périodiques biologiques sont prévisibles. On peut raisonnablement parler de la rythmicité comme une propriété fondamentale du vivant, depuis les niveaux moléculaires jusqu’au niveau des populations dans certains cas. Il existe bel et bien une sorte d’anatomie dans le temps qui se juxtapose à l’anatomie classique spatiale. V 18 La nécessaire adaptation dans le temps des êtres vivants Mais pourquoi donc les êtres vivants ont-ils des rythmes biologiques ? Question difficile ! On peut dire que les explications font intervenir l’adaptation des organismes aux fluctuations prévisibles de l’environnement terrestre. Bünning vérifia que la floraison d’une plante dépend des heures où elle reçoit la lumière et de l’obscurité. La reproduction des espèces animales est également soumise à un ensemble de signaux afin que les petits naissent dans des conditions optimales de l’environnement (en général le printemps). Mais, aussi, l’existence de rythmes permet aux animaux diurnes et nocturnes, d’espèces antagonistes, de cohabiter dans une même niche écologique (ainsi le rat et l’homme !) La mise en route de processus vitaux (par exemple hormonaux) le matin au réveil, pour préparer le sujet à la vie diurne, nécessiterait une dépense d’énergie incompatible avec la survie. L’existence d’horloges biologiques permet de « chauffer le moteur » progressivement avant l’apparition du jour et évite la mise en régime maximal de la machine brutalement au réveil. Le grain de sable Pourtant, les horloges biologiques peuvent se détraquer, dériver (vie sous terre, par exemple) : il faut alors qu’elles soient recalées par des signaux périodiques de l’environnement, autrement dit des synchronisateurs (Zeitgeber, « donneurs de temps »). Le synchronisateur le plus connu de tous définissant le rythme circadien (24 heures), certainement La Revue de la MTRL 䉬 décembre 2008 䉬 numéro 60 un des plus puissants, est représenté par l’alternance jour/nuit, ce que chacun aura remarqué ! Mais sachez qu’il existe aussi des signaux périodiques moins précis, comme l’alternance bruit/silence, chaud/froid, durée de l’éclairement par rapport à celle de l’obscurité (solstices). Chez l’Homme, les synchronisateurs les plus puissants sont de nature socio-écologique, et certainement les rythmes sociaux sont plus influents que les rythmes écologiques. Ainsi, des individus en isolement de groupe, sans repères temporels, se synchronisent entre eux sur une période de 25 heures et non pas de 24 ! Par contre, l’effet synchronisant de l’heure de la prise des repas est nul. Les biophysiciens s’intéressent aussi aux rythmes : le prix Nobel Ilia Prigogine a exploré les états transitionnels de la thermodynamique, ces états de non-équilibre : en effet, lorsque l’on met en présence deux substances chimiques, la réaction se fait brutalement et donne naissance à un produit de réaction. Que se passe-til entre les deux états ? L’introduction progressive des deux réactifs initiaux retarde l’état d’équilibre, et des oscillations apparaissent. La biologie fonctionne sur le même modèle d’oscillations, réglées par des synchronisateurs. On sait que la manipulation des Zeitgeber provoque des modifications transitoires des rythmes biologiques. Ça vous paraît compliqué ? Mais non, je veux simplement vous dire que, quand vous franchissez trois fuseaux horaires rapidement (en avion, pas en voilier), vous déréglez votre horloge, et apparaissent temporairement les troubles du sommeil liés au fameux jet-lag (décalage horaire). C’est en quelque sorte une réaction chimique ralentie, suivie de fluctuations. Variations périodiques des symptômes Après ce survol rapide des généralités, voyons maintenant la chronopathologie : l’étude des variations périodiques des signes et symptômes d’une La Revue de la MTRL 䉬 décembre 2008 䉬 maladie. Bien sûr, les altérations de l’anatomie temporelle peuvent être cause ou bien conséquence de la maladie elle-même. Il y a d’ailleurs fort longtemps que l’on avait remarqué cela. Un asthme apparaît en général dans la nuit après le contact avec l’allergène ; les douleurs de la polyarthrite rhumatoïde apparaissent le matin ; l’ulcère gastrique se manifeste trois heures après le repas ; certaines formes d’angine de poitrine (angor) supportent mal une épreuve d’effort le matin alors que celle-ci est tolérée l’après-midi ; il existe des épilepsies exclusivement diurnes et d’autres nocturnes ; l’infarctus myocardique se déclenche souvent au petit matin, les cellules cancéreuses perdent leur rythmicité de mitose nocturne (en général) pour se diviser plusieurs fois par jour. La réponse par la chronothérapie Après la chronopathologie, abordons la chronothérapie! Implacable suite logique, on peut facilement déduire qu’on aura affaire aussi à la chronotoxicité et à la chronotolérance. Disons tout de suite que le mythe du médicament actif tout au long de la journée et de la nuit est totalement faux à ce jour: chaque fois que l’on teste l’hypothèse, elle est invalidée. Un anti-inflammatoire prescrit le matin peut donner un effet bénéfique mais, à 17 heures, il aggravera les lésions! Que dire des antiacides censés être actifs sur 24 heures? Mais beaucoup de molécules différentes ont été examinées. On peut dire également la même chose des poisons chimiques que la société industrielle nous fait avaler ou respirer ! Il existe de même des périodes de l’année où il vaut mieux ne pas être en contact avec certaines substances (métaux lourds, antibiotiques, etc.). Vous voyez, c’est très complexe, et on peut dire que chaque substance numéro 60 possède ses effets propres. Ainsi, l’adage couramment entendu « c’est la dose qui fait le poison » est faux ; non seulement il existe des produits toxiques directement, mais aussi selon l’heure d’administration, les périodes de la semaine, du mois, et même de l’année (tests chez les rats). Il est des chimiothérapies qui pourraient être administrées selon la température corporelle ou selon l’heure (meilleure tolérance). Enfin, pour terminer ce survol très rapide, je vous dirais que l’horloge centrale de l’organisme se situe audessus du croisement des nerfs optiques dans le cerveau, dans les noyaux supra-chiasmatiques, près de l’hypothalamus. L’épiphyse (ou glande pinéale) sécrète la mélatonine la nuit (hormone de synchronisation) : n’allumez pas la lumière si vous allez au petit coin, sinon la sécrétion stoppe immédiatement ! Disposez une petite lampe rouge (comme chez les photographes… d’avant le numérique), sa très faible intensité ne nuira pas beaucoup à vos rythmes de mélatonine ! Et puis, pour finir provisoirement, sachez qu’il existe des aveugles voyant la lumière (pas les images) : ceux-ci n’ont pas le sommeil perturbé ; par contre, les aveugles ne percevant pas la lumière (certaines cellules spéciales de la rétine sont alors détruites) ont de gros troubles de sommeil… Fascinante chronobiologie ! 䊓 CD 19 LE TEMPS APPRIVOISÉ La chronobiologie (2e partie) Si Hippocrate est incontestablement le père de la chronopathologie, Aristote et Pline, comme bien d’autres, avaient déjà observé l’existence de rythmes chez les animaux marins. Poursuivons notre périple dans ce monde si imprégné des cycles biologiques es organismes soumis à des conditions constantes (température, lumière, humidité, apports énergétiques…) montrent que les rythmes circadiens persistent sans amortissement, que ces rythmes ne reflètent plus exactement 24 heures, et que les relations entre les différents rythmes demeurent. L’absence de synchronisateurs ne les abolit pas. Cette biopériodicité recense trois domaines de rythmes : – les rythmes circadiens, dont les périodes sont d’environ 24 heures, – les rythmes ultradiens, de périodes plus courtes que 24 heures, – les rythmes infradiens, de périodes variant entre plusieurs jours, mois ou années. élaborée par l’hypophyse. L’activité maximale de celle-ci est donc antérieure nécessairement par rapport au moment de la synthèse du cortisol ! Le cortisol répercute ses effets sur ses nombreuses cibles : le degré de dilatation bronchique, l’excrétion urinaire de potassium, etc. et, à chaque fois, il existe un décalage des pics d‘activité, chaque signal précédant l’observation de l’effet suivant. Ainsi les effets d’une substance dépendent-ils du moment où celle-ci apparaît et du moment où l’organe cible possède son optimum de sensibilité. Pour envoyer un colis, vous (la substance) devez vous rendre au bureau de poste (l’organe), mais aux heures d’ouverture (sensibilité) ! Hiérarchie chronobiologique L’activité sécrétoire des glandes surrénales fabriquant le cortisol se manifeste selon un rythme ultradien de 45 à 90 minutes. Mais aussi selon un rythme circadien de période d'environ 24 heures, et selon un rythme circannuel dont la période est d’environ 1 an. Cela veut dire que les cellules surrénales élaborent des hormones toutes les 45 à 90 minutes, que la sécrétion de celles-ci est maximale le matin vers 8 heures et décroît tout au long de la journée, et que le niveau moyen d’activité varie tout au long de l’année (vérifiable par les prises de sang). Mais, pour que les surrénales fabriquent le cortisol, il leur faut un signal : celui de l’hormone ACTH, Au jour le jour des cycles biologiques Chez le nouveau-né, le synchronisateur social majeur est l’alternance de la présence maternelle – ou de la personne qui en tient lieu. Chez le sujet âgé (environ 80 ans), on observe dans le sang une chute nocturne des protéines plasmatiques par rapport au sujet jeune. Il en résulte que les médicaments ou les hormones qui se lient aux protéines peuvent avoir, chez le vieillard et la nuit, une fraction active (non liée) supérieure à celle de l’adulte, donc risque accru de surdosage (15000 accidents iatrogènes par an en France). Chez l’adulte, l’homme sain s’endort plus facilement lorsque sa température corporelle décroît que L 20 lorsqu’elle croît; et inversement pour son éveil. Ainsi, pour mieux dormir pendant la chaleur de l’été, vous prenez une douche froide avant d’aller au lit, et le matin vous prenez une douche chaude pour vous réveiller ! Vous voyez qu’à travers ces exemples les synchronisateurs sont couplés : l’alternance lumineuse et l’alternance de température corporelle. Incontournable génétique De nombreuses expériences ont été réalisées pour montrer que, de façon générale, la structure temporelle des organismes a un caractère héréditaire. Les biopériodes se transmettent suivant les règles prédictives de la génétique classique. Chez la drosophile (mouche du vinaigre) ont été mises en évidence trois mutations sur le chromosome X : le gène per (pour période) se décline sous forme per0 (arythmique), perS (pour short, Des risques accrus de surdosage pour les médicaments pris le soir. La Revue de la MTRL 䉬 mars 2009 䉬 numéro 61 période courte) et perL (pour long). Il existe des mouches possédant un gène maternel perS et perL paternel. Toutes les combinaisons sont possibles, avec en conséquence des mouches au comportement individualisé. Les drosophiles portant l’un ou l’autre gène per ont ainsi des rythmes d’éclosion et d’activité locomotrice différents ! Il existe de même un gène clock (horloge)… et un certain nombre d’autres qui influent sur les rythmes biologiques. La chronobiologie au service du rendement Les plantes nous fournissent une énorme quantité de renseignements. Par exemple, le tabac Maryland Mammouth a besoin de 10 heures de lumière et de 14 heures d’obscurité pour donner une floraison maximale et rapide (d’où gain de production). Des chercheurs ont réussi à faire pousser deux fois par an des bois chez les daims japonais (alors que le rythme de croissance est circannuel) en manipulant les photopériodes (ce qui influe sur l’activité testiculaire responsable de la croissance des bois). On a pu même obtenir par ce moyen jusqu’à trois pousses annuelles ! Mais au-delà il existe un échappement : l’animal retourne spontanément à un rythme de croissance des bois circannuel. Chez l’Homme également, il existe des relations de rythmes entre la photopériode, les hormones sexuelles, la maturation des organes reproducteurs et l’activité sexuelle… Rythmes et psychisme L’anxiété se manifeste aussi de manière cyclique : on angoisse plus volontiers le soir. Les troubles du sommeil arrivent, la dépression peut éclore. On se lève à midi, on se couche très tard. Le désynchronisme par rapport à l’alternance jour/nuit est évident. Nous sommes alors en décalage de phase ! Le maximum de cortisol se met à être sécrété le soir et même la nuit. Comme c’est l’hormone de l’alerte, pas étonnant Les plants de q u’ o n n e tabac soumis à dorme pas ! une condition Le cycle de inverse (14 heuPlus de repos, même la nuit ! température res de lumière et 10 heures d’obscurité) restent végé- corporelle est profondément modifié, tatifs ! En fait, l’induction florale des en avance de phase et avec réduction plantes dépend non pas tant de la de l’amplitude thermique. Il est donc durée de lumière que du rapport important dans ces états d’appliquer lumière/obscurité (que l'on appelle le bon sens de la chronobiologie : se coucher vers 18-19 heures (si on le photopériode). On peut donc diviser les plantes peut évidemment), se lever vers selon leur floraison en plantes à jour 2-3 heures du matin. Le but est de se long (iris, épinard), à jour court forcer à recoller aux rythmes naturels (chrysanthème, topinambour), ou et de s’y tenir. Il faut une certaine bien à jour « neutre ». Puisque la flo- force mentale, mais les expériences raison met en cause directement sont couronnées de succès. Les dépressions saisonnières (même l’organe reproducteur de la plante, il est facile de passer au règne a minima, si nombreuses) liées à une animal : les animaux étant sensibles à perte de luminosité en automne et en la photopériode eux aussi, on peut hiver disparaissent au printemps. optimiser le rendement des naissan- Cette forme de dépression est liée à une modification progressive de la ces dans le cheptel ! La Revue de la MTRL 䉬 mars 2009 䉬 numéro 61 sensibilité à la photopériode. Dans cette optique a été développée la photothérapie, illumination du sujet le matin en général par une forte lampe spéciale, délivrant 2 500 lux (pièce normalement éclairée, 500 lux ; journée d’été, 100 000 lux). Les effets thérapeutiques sont observés de façon très précoce, en trois jours, au plus tard le huitième jour. Le mieux pour ces personnes est de faire quelques séances d’entretien pendant l’hiver. Enfin, d’une manière plus générale, les antidépresseurs restructurent la sensibilité du système biologique à la lumière. Chronobiologie et métaphysique… Pour terminer sur une note amusante mais très actuelle, la recherche d’une théorie unifiée de l’univers par les physiciens fait envisager que le temps n’existe plus. C’est le temps imaginaire qui est réel alors que le temps réel n’existerait pas… Pour les Occidentaux et les biologistes, le temps est linéaire mais, pour les Orientaux, il est cyclique et symbolisé par un mouvement hélicoïdal. Ainsi, dans la cuisine, vous mesurez le temps à l’aide d’un sablier. Quand tout le sable s’est écoulé, vous le retournez. Je vous propose de poser le sablier à plat…. Serait-il donc impossible de se faire cuire un œuf ?… 䊓 CD 21 PAS DE PANIQUE ! Regards sur le stress (1re partie) Constamment évoqué dans notre société, le stress n’est pas l’apanage de l’époque actuelle : il a toujours existé, ce qui peut laisser penser que le stress est indispensable à la vie. Mais l’important est l’adéquation de l’action avec la survie personnelle e concept de stress est ambigu. Au sens strict du terme, la définition du stress n’est pas la réponse de l’organisme à une contrainte mais uniquement la contrainte elle-même. Celle-ci peut être professionnelle, relationnelle, météorologique, sentimentale, mais elle peut se présenter aussi sous la forme d’un voyage, d’un déménagement, de l’apparition de la puberté ou de la ménopause… Issu de l’anglais, ce mot signifie « tension ». Cette tension peut en théorie être positive pour l’individu, mais être aussi négative. De là, on peut étendre la notion : le stress est la réponse non spécifique de l’organisme à toute demande. Par définition, il ne peut être évité. La complète liberté par rapport au stress, c’est la mort, affirme Hans Seylie, en introduisant en médecine son fameux syndrome d’adaptation au stress au cours du XXe siècle. Il parle, en termes de déterminisme, à la façon d’un Bourdieu ; cependant, d’autres solutions existent. L 22 connue : il faut soit fuir, soit lutter. Dans les deux cas, j’ai besoin d’énergie pour me battre ou pour courir. Car le stress provoque une dynamique de réactivité, il comporte la notion de référentiel antérieur. Voilà pourquoi la situation de stress fait peur, elle mobilise. Ni l’un ni l’autre ? La peur, inévitablement liée, à des degrés divers, aux situations de stress, génère des réponses souvent préfabriquées par le mental, et tout aussi inconscientes dans les comportements, mais également des modifications biologiMunch Edward, Le Cri (1893), musée d’Oslo. ques visant à être prêt à fournir une énergie rapidement et facilement disponible Fuir la tension pour agir. Là est le problème : la ou lui faire face ? Tout au long de la vie, celle-ci étant réponse du corps au stress est tantôt hasardeuse, le stress va se manifester. bénéfique, tantôt maléfique. Mais le Chacun le sent à travers ses condi- pire est possible : je ne suis pas en tionnements, son éducation, ses état ni de m’enfuir ni de combattre croyances, ses propres projections du dans la situation ; je suis tétanisé, passé vers le futur : ainsi, chaque indi- aréactif, dans une impossibilité d’acvidu appréciera le niveau de menace tion. C’est ce que l’on appelle « le ou d’inconfort de son seul point de choc ». Il représente alors un véritavue. L’alternative est simple et bien ble traumatisme. La Revue de la MTRL 䉬 juin 2009 䉬 numéro 62 Conséquences Vous avez déjà rencontré des situations de choc : après le décès de son père, tel individu va sortir un psoriasis, qu’il gardera a priori toute sa vie. Plus bénin, après la réussite à l’examen du permis de conduire, la personne verra fleurir un magnifique herpès labial, ou bien fera un syndrome grippal… Il est évident que, sur le plan de la santé, les conséquences du stress peuvent être terribles (mais pas nécessairement !) allant jusqu’au fameux burn-out, épuisement total de l’individu, tant sur le plan moral que physique. Les symptômes aigus Vous les connaissez bien, déclenchés par une décharge d’adrénaline : vous êtes parcouru par une impression de froid, les poils se hérissent, vous transpirez, la respiration est courte, le cœur cogne et s’emballe… et vous venez juste d’éviter la voiture d’en face ! Simplement, le stress vous a averti d’un danger, que normalement vous mémorisez. C’est inconfortable mais utile ! Utile si vous avez réagi à temps… Ici, nous abordons le stress à un niveau supérieur. En effet, on peut considérer que le stress déclenche une réaction. Vous êtes sous influence hormonale forte et immédiate. Envisageons maintenant que vous n’ayez pas besoin de stress pour agir… car vous êtes présent à la situation, non distrait, et vous n’avez pas besoin d’être averti. Vous restez maître de vous-même, calmement, vous avez senti et anticipé le stress qui va arriver et vous agissez, vous répondez à la situation par une action adéquate. Le contexte n’est plus du tout le même. Au passage, vous avez épargné du magnésium, car l’adrénaline fait entrer beaucoup de calcium dans les cellules et fait sortir le magnésium pour compenser les charges électriques ! Ainsi, le magnésium est tranquillement excrété dans l’urine… Donc, ne réagissez pas, soyez présent aux épisodes de la vie, agissez sans la contrainte du stress. C’est peut-être un autre aspect de l’intuition ? La Revue de la MTRL 䉬 juin 2009 䉬 numéro 62 Les symptômes chroniques Plus insidieux, ceux-là. On peut en considérer trois stades. 1. Celui de la vigilance, où l’on observe une augmentation des hormones de stress (adrénaline par exemple), et progressivement le taux sanguin de cortisone s’élève. 2. Celui de l’adaptation, où l’on constate une augmentation des molécules d’alerte et une forte élévation des hormones corticostéroïdes ; la tension artérielle grimpe, l’insuline ne travaille plus très normalement (on peut voir augmenter la glycémie), la thyroïde modifie son métabolisme, les hormones sexuelles aussi… 3. Celui de l’épuisement, avec création de maladies dégénératives. Tout cela s’accompagne d’anxiété, de fatigue, de dépression, d’irritabilité, de troubles de concentration, de palpitations, d’intestin irritable, d’envie de sel et de sucre, de douleurs dans le dos, de libido diminuée et/ou de troubles sexuels, d’infections récurrentes, de prise de graisse abdominale… la liste est longue. Les symptômes s’aggravent progressivement. Bien sûr, des traitements visant à gommer plus ou moins partiellement les troubles existent, mais ils ne peuvent pas contrôler la totalité des phénomènes intriqués puisque l’on n’agit pas sur la cause. Le stress c’est vous ! Mais voulez-vous que je vous dise le fond de ma pensée ? Le responsable, c’est vous. Peu importe d’avoir un peu mal ici ou là, c’est une réaction normale du corps, qui vous dit simplement : prends soin de mes symptômes, prends patience et analyse les choses pour ne plus subir mais agir. Corrige-toi et change tes points de vue… Vous pensez que j’exagère ! J’ai connu un ami qui a passé quatre mois et demi en prison à l’étranger, accusé d’un délit qu’il n’avait pas commis (il a été innocenté). Savez-vous ce qu’il nous a dit ? « Je suis nourri et logé, je vais faire une nouvelle expérience très désagréable, mais ça passera. Je vais avoir le temps d’écrire enfin mon livre. » Je ne dis pas qu’il n’a pas subi le stress, bien sûr. Mais, en étant présent à sa situation et en la regardant bien en face, il n’a pas eu de troubles chroniques liés au stress. Vers d’autres solutions On oublie qu’être en équilibre avec le niveau de stress considéré correspond à une autre solution, confortable ou non, en tout cas source de créativité. Face à une situation stressante, on peut parfois puiser dans des ressources intérieures insoupçonnées, allant même jusqu’à créer un nouveau déterminisme pour le sujet, celui-ci vivant alors une expérience avec « un nouvel art de vivre ». Même si l’on n’a pas toujours ce que l’on veut, on a toujours ce dont on a besoin ? De quelle maladie avezvous besoin ? De quel accident avezvous besoin ? De quelle « tuile » avezvous besoin ? Devant les situations stressantes, certains individus sont sereins et ne présentent pas de troubles, alors que d’autres subissent les pires affres. Accepter les aléas de la vie, voilà déjà un bon début pour éluder les tentatives du stress. Mais cela est une autre histoire ! 䊓 CD 23 Regards sur le stress (2e partie) Le stress est une conception assez récente dans notre société, et il évolue avec son contexte culturel. Quelles sont les approches permettant de n’en pas subir les conséquences physiques et psychologiques ? es phénomènes structurels, liés à l’architecture spécifique du système nerveux, existent chez tous les êtres humains, indépendamment de leur sexe, âge ou culture. L’activation de ces structures provoquerait des modifications périphériques de l’état du corps qui seraient perçues au niveau de la conscience, produisant ainsi une sensation émotionnelle. Les caractéristiques des émotions seraient d’être des processus prioritaires, automatiques et involontaires, inducteurs de comportements peu élaborés et d’adaptation approximative au contexte environnemental. C Émotions et sentiments émotionnels De nombreux facteurs induisent des émotions, et elles interviennent constamment, dans tous les groupes sociaux et chez toutes les personnes, en toutes circonstances. Au niveau individuel, le vécu émotionnel intense perturberait : 䉴 la relation à soi, 䉴 la relation aux autres (et donc subséquemment la socialisation), 䉴 la relation au monde. Au niveau social, le vécu émotionnel intense perturberait par contagion l’état affectif des personnes du groupe et sa dynamique. Les sentiments émotionnels correspondraient à l’amitié, l’amour, la camaraderie, l’amour filial, etc. Les 24 sentiments émotionnels n’existeraient pas à la naissance mais seraient acquis au cours du développement. Les sentiments émotionnels correspondraient à des émotions atténuées, et sous-tendus principalement par des processus cognitifs. C’est la régularité et la répétition de vécus différents, induits par des contextes également différents, qui permettraient l’émergence des sentiments émotionnels propres et distincts. Les sentiments émotionnels, tout comme les émotions, résulteraient d’un apprentissage. Le stress, c’est la mémoire ? C’est ainsi que chaque individu peut ressentir dans sa vie, lorsqu’une situation stressante se présente, toute une palette d’impressions que l’on a pu résumer principalement en humiliation, injustice, abandon, rejet et trahison. Bien sûr, ces sensations psychologiques sont interpénétrées voire interdépendantes, chacun subissant son propre cocktail d’émotions en proportions différentes. Ce qui est très intéressant à remarquer, c’est que ces émotions stressantes viennent de la petite enfance, mais souvent on ne peut s’en apercevoir d’emblée. Devant de tels états, il est bon de se poser la question de savoir ce que l’on reproduit dans le mental. Il suffit d’y penser ! Dans un premier temps, ce que nous explique Boris Cyrulnik, il y a mémorisation d’une situation stressante. Puis, plus tard, lorsque les conditions se présentent de nouveau, même au niveau symbolique, la « deuxième couche de stress » va déclencher le véritable traumatisme. Comme le système nerveux est fait pour agir, tout ce qui l’entrave va déclencher des symptômes, des réponses plus ou moins inadéquates parce que non conscientisées. C’est ainsi que les comportements devant un stress sont souvent peu maîtrisés et peuvent engendrer des catastrophes dans la vie. Comment s’en prémunir La compréhension du phénomène de mémorisation antérieure des stress permet d’abord de se dire que nous revivons quelque chose qui nous a été « imposé » (culture, famille, éducation, morale, religion…), donc cela ne nous appartient pas. C’est extérieur à nous, nous réagissons simplement en individu « formaté ». Un enfant venant au monde est une entité propre que l’on va former ou déformer, en fonction du cadre global de vie dans lequel il évolue, en lui apprenant des règles. Une bonne solution est donc de faire une petite introspection pour se demander si ce que nous ressentons est notre propriété ou bien si nous acceptons la manière de voir les choses comme on nous l’a appris. Finalement, il faut faire une distanciation, nous ne sommes pas l’événement stressant, posons-le sur la table La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2009 䉬 numéro 63 et observons à distance. Les sages orientaux nous enseignent que, devant chaque émotion, chaque stress, il faut surtout… ne rien faire ! Toute urgence demande cinq minutes de réflexion… Cela permet alors à l’individu de ne pas réagir, mais d’agir en fonction de ce qu’il est et non pas en fonction de sa mémoire antérieure. Et l’on est surpris de constater que, parfois, aucune action n’est véritablement nécessaire de notre part. Agir n’est vraiment pas réagir. Agir permet la résilience… Capacité psychique à gérer des variations plus ou moins importantes de l’état émotionnel et à retourner à un état d’équilibre, tout en continuant à faire face aux sollicitations du monde extérieur. Et les galères ? Si ce que nous venons d’évoquer se situe plutôt en première approche au niveau psychologique, comment aborder les situations propres à notre société, telles que les peurs d’insécurité, de chômage, de maladie, de manque d’argent, de temps… ? Il faut bien se représenter que ces problèmes, certes prégnants et très entretenus dans un climat médiatique orienté vers la manipulation de la peur, peuvent aussi être abordés avec distanciation. La peur vient de l’apprentissage du passé et se projette dans le futur. Le passé n’est plus, le futur pas encore ! Très souvent, dans la vie les choses ne se passent pas comme on l’a prévu… Une bonne réponse (responsable, c’est répondre…) consiste à revenir à l’instant présent, tout de suite. Regardons nos comportements de routine, nos oublis, le désordre de notre vie, les actes manqués… Il est tellement moins « stressant » de vivre dans la conscience de l’instant présent : manger, marcher, travailler, se reposer, regarder… Nos La Revue de la MTRL 䉬 septembre 2009 䉬 actes sont presque toujours parasités, comme nos pensées : on lit en mangeant, on téléphone en mangeant, on regarde la télé en mangeant, on se repose devant la télé… quelle perte d’énergie ! Elle est déroutée vers l’extérieur de nous, alors que devant une situation problématique on a besoin de ses forces intérieures, on doit les concentrer. Ce qui amène à une certaine paix, une certaine sérénité, permettant de trouver dans le calme – plus ou moins relatif – les bonnes solutions à mettre en place face aux problèmes considérés. Se soustraire à des réponses inadéquates devant un stress peut être pensé comme un moment où l’on retrouve son « intégrité » d’enfant, et où l’on perd sa « personnalité », c’està-dire ce qui nous a été appris. D’une façon plus philosophique, on pourrait envisager alors que le stress est l’espace qui va de l’illusion à la réalité… Petites phrases Il me semble intéressant, en guise de conclusion, de rappeler le bon sens trouvé dans le livre Les Quatre Accords toltèques de Don Miguel Ruiz, édité par Jouvence. Ces principes sont très souvent utilisés lors de séminaires de gestion des entreprises. numéro 63 Faire que sa parole soit impeccable : qu’elle soit juste avec nous-même, ce qui implique d’abord un silence, une écoute de soi et des autres, et non pas une réaction de parole immédiate. Apprendre à parler, c’est apprendre à se taire… Ne pas faire de supposition : le futur n’est pas encore là, tout est possible, même les meilleures choses aussi. Le passé n’est pas une fatalité qui va se reproduire forcément, tout dépend du regard que l’on porte sur la situation stressante. Certes les soucis peuvent être là, mais on peut les aborder plus sereinement et discerner de meilleures solutions qu’avant. Ne pas faire de ce qui nous arrive une affaire personnelle : nous ne sommes pas dans une bulle étanche, tout le monde vit avec les mêmes tracas que nous, arrêtons de nous plaindre, acceptons les choses de la vie tout en y travaillant en conscience, le plus calmement possible. Faire de son mieux : c’est aussi se donner le droit à l’erreur, à accepter nos limites actuelles… et aussi accepter ce qui nous arrive. Il faut couler avec la vie, comme de l’eau. La méditation, puisque vous l’avez reconnue en filigrane, consiste simplement à mettre les choses à distance pour mieux les gérer. Cela s’apprend tous les jours, dans le métro, dans le bus, en marchant… C’est une discipline, il faut y travailler chaque jour. Pour terminer, citons ces études qui montrent que la méditation est aussi efficace sur l’hypertension que les traitements pharmaceutiques ! La vie est un long fleuve tranquille… et pourquoi pas? 䊓 CD 25 Aspects acido-basiques de l’organisme et alimentation Entre l’alimentation naturelle ancestrale de chasseurs-cueilleurs et l’alimentation moderne occidentale, on observe une différence majeure : la charge acide prédominante des régimes actuels our planter le décor, disons que l’alimentation naturelle apporte des nutriments précurseurs de bicarbonates (éléments alcalins), alors que l’alimentation industrielle apporte des protons, précurseurs d’acides. Bien sûr, l’organisme possède des outils de régulation entre acides et alcalins, même assez sophistiqués du reste, et l’exemple le plus rebattu est celui du maintien de l’acidité du sang (pH sanguin) remarquablement stable autour de 7,40 alors que la présence d’éléments alcalins (bicarbonates) peut varier considérablement. P Un état d’acidose permanent Les preuves, actuellement, sont nombreuses pour déterminer qu’il existe un état d’acidose (excès d’acides) à bas bruit, permanent ou presque, dans l’organisme soumis à une alimentation « moderne », c’est-à-dire faite d’aliments transformés par des traitements industriels. L’organisme va évidemment réagir face à ce stress alimentaire, avec ses moyens du reste assez limités. Mais cela entraîne tout une série de conséquences néfastes, la plus connue étant l’utilisation des réserves osseuses de calcium – surtout – de l’os, l’utilisation d’acides aminés des Les fromages en général, le parmesan ou le camenbert en particulier, sont des aliments acidifiants. La morue salée l’est tout autant. 26 protéines musculaires, la fabrication de calculs rénaux (lithiases)… La bonne nouvelle, c’est que l’apport de substances alcalinisantes à travers l’alimentation permet de corriger cet état d’acidose induit par la consommation d’aliments actuels, ce qui permet donc à l’organisme de ne pas mettre en jeu ses moyens de correction d’acidité, et donc d’éviter les conséquences délétères citées plus haut. Aliments alcalinisants Ainsi, l’apport d’aliments naturels non préparés ou transformés introduit une composante ancestrale dans le régime moderne et permet de contrebalancer l’excès d’acides dans l’organisme. C’est le cas des aliments qui contiennent des bicarbonates de potassium ou de magnésium – ou leurs précurseurs. C’est l’apanage exclusif, ou peu s’en faut, des fruits et légumes, qui par exemple contiennent beaucoup de citrates, métabolisés en bicarbonates dans l’organisme. La façon la plus directe et la plus simple d’entrevoir un état d’acidose latente est de mesurer le taux d’excrétion d’acidité urinaire, qui dans ce cas est sensiblement augmenté. Elle est représentée essentiellement par des ions sulfate, et accessoirement par des éléments phosphatés (apportés par exemple par les boissons de type Cola). A court terme, on s’accorde à considérer que les dommages sont, peu ou prou, insignifiants dans le corps; il en va tout autrement en cas de consommation prolongée sur de longues périodes, comme c’est évidemment le cas dans les pays industrialisés! Aliments acidifiants D’abord, il faut se rappeler que nous tirons l’énergie des aliments grâce à leur oxydation par l’oxygène, et toute situation où l’on respire en quantité insuffisante – absence de dépense physique, par exemple – ne permet pas d’aboutir à leur utilisation complète : ainsi, on peut accumuler de l’acide lactique issu des glucides ingérés, de même on peut accumuler des corps cétoniques à partir des graisses, et La Revue de la MTRL 䉬 décembre 2009 䉬 numéro 64 Raisins secs, épinards, cassis sont particulièrement alcalinisants. les protéines peuvent également former des produits de métabolisme perturbant l’équilibre acidebase. Pour ce qui est des protéines, elles peuvent d’ailleurs fournir des sulfates à partir des acides aminés soufrés, tels la cystéine ou la méthionine, ou bien engendrer aussi des bicarbonates dérivés d’autres acides aminés tels l’arginine ou la glutamine. Les produits laitiers contiennent des protéines phosphorées qui apportent des phosphates que l’on retrouvera dans les urines, témoins d’acidose. Mais, d’une manière générale, les protéines sont franchement acidifiantes, et l’on sait que les protéines animales contiennent beaucoup de soufre. Pourtant, on oublie souvent que les protéines des céréales, donc végétales, sont riches en acides aminés soufrés… Un effet paradoxal Ils sont en réalité spontanément peu consommés, car l’homme a une appétence innée orientée vers les aliments acides. Evidemment, la ration alcaline est apportée par les fruits et légumes, alors que paradoxalement ces aliments ont plutôt des qualités gustatives acides ! Ce qui peut déconcerter de prime abord le consommateur intéressé par l’aspect acido-basique de l’alimentation. Ce sont les fruits qui gagnent la palme des alcalins (kiwis et agrumes, pommes, cerises, prunes), bien loin devant les légumes (aubergines, concombres, pommes de terre, tomates). Globalement, la fonction alcalinisante des végétaux est bien corrélée à l’apport en potassium de ces composés, même si les aliments d’origine animale contiennent eux aussi du potassium. des groupes d’aliments clairement acidifiants, tels les viandes, les poissons, et les fromages – surtout ceux à pâte cuite ! En effet, il est facile de déduire implicitement que ces aliments contiennent des acides aminés ou bien des acides gras, c’est-à-dire tout simplement des acides ! D’après les calculs, les légumineuses et les laitages sont faiblement acidifiants, de même les produits céréaliers et les pains, les pâtes et les céréales du petit déjeuner. Seuls les fruits et légumes représentent la fraction alcalinisante. Disons que le pire dans l’acidité, ce sont les fromages à pâte cuite, le camembert, la truite, les œufs et le bœuf, alors que les épinards, bananes et abricots et autres pommes de terre apportent le plus d’alcalins. En conclusion On ne peut pas entreprendre une alimentation basée sur ces seuls critères, bien entendu, mais les conséquences sont faciles à considérer. Les régimes orientés animal sont acidifiants, les régimes orientés végétarien sont antiacides, les régimes mixtes sont équilibrés par un apport en fruits et légumes. Ce qui veut dire tout simplement que, lorsque vous mangez des fromages, n’oubliez pas d’ajouter une salade composée dans le repas! Sinon, à terme, vous allez puiser le calcium et le magnésium des os pour en contrebalancer l’acidité, et vous ferez de l’ostéoporose avec vos dents! Dans cette logique, vous prendrez du calcium, mais à dose trop forte souvent, et ce calcium pourra se déposer sur les parois des artères, dans les reins… Il existe une relation étroite entre apport calcique et problèmes cardiovasculaires : consultez par exemple le site du GRIO – groupe de recherche et d’informations sur les ostéoporoses (www.grio.org), vous serez édifiés ! Quant à savoir si l’on doit vraiment manger les fruits en début de repas ou bien après, ou bien même en dehors, cela est une autre histoire, et c’est certainement un aspect bien mineur de la question ! 䊓 CD Les pèlerins du Nouveau Monde ne se doutaient pas que cette nourriture de survie était fortement acidifiante… Le PRAL Le PRAL (Potential Renal Acide Load, ou potentiel acide de charge rénale) est un outil de mesure de la charge acide d’un aliment donné. On peut dorénavant précisément isoler La Revue de la MTRL 䉬 décembre 2009 䉬 numéro 64 27 Aspects acido-basiques de l’organisme et alimentation (suite) Nous avons abordé, dans l’article précédent, les grandes lignes de la dynamique acide-base dans les tissus de l’organisme. Apportons ici quelques précisions supplémentaires parlé du PRAL (Potential Renal Acide Load, ou potentiel acide de charge rénale), cet outil de mesure approchant l’acidité alimentaire. Voici sa formule, simplifiée des coefficients modulateurs pour ne pas alourdir : N OUS AVONS PRAL = protéine x phosphore x potassium x magnésium x calcium Comme vous le voyez, la formule ne reprend pas les graisses (acides gras) ni les sucres, et cela peut surprendre. En effet, il semble que les paramètres les plus importants soient représentés par les protéines et le potassium (voir l’article précédent), donc les graisses ne sont pas concernées. Nous avons vu que les apports alimentaires de potassium sous forme de fruits et de légumes étaient en général très insuffisants. Pour neutraliser le soufre de 70 g de protéines, il faut ingérer plus de 300 g de fruits et légumes. Donc, plus on consomme de protéines, et surtout si celles-ci sont d’origine animale, plus on devrait apporter de végétaux dans l’alimentation. Rappelons qu’une portion de fruits ou de légumes représente à peu près 80 g de l’aliment. par exemple dans les diètes protéinées utilisées de façon générale pour maigrir). Les produits laitiers, on l’a vu, sont également acidifiants. On peut dire aussi que l’aspect acidifiant d’un régime est modulé en fonction de la ration calorique, spécialement si celle-ci est modérée ou forte, ou en tout cas disproportionnée par rapport aux besoins (cas d’un mode de vie sédentaire). Le sel (le sodium), bien que n’apparaissant pas dans la formule du PRAL, peut interférer avec la charge acide alimentaire. En effet, l’apport de sel augmente la fuite urinaire de calcium, ion impliqué dans le calcul du PRAL. Mais tout est lié: l’apport de potassium réduit la fuite rénale de calcium, le potassium s’opposant à l’action du sodium! Procédés de cuisson, calories vides Les procédés de cuisson par ébullition appauvrissent assez sérieusement les teneurs en potassium. Par contre, la cuisson vapeur ou en friture ne présente pas cet inconvénient. En effet, dans la casserole d’eau le potassium peut se diluer (ce n’est pas propre au potassium) et, si l’eau de cuisson est jetée, le potassium est perdu. Vous l’avez compris: le mieux dans ce cas est de faire de la soupe mixée avec l’eau de cuisson! De même, l’appertisation (procédé de cuisson en vase clos inventé par Nicolas Appert vers 1830) réduit fortement le potassium des aliments et introduit beaucoup de sodium. La cuisson en Cocotte minute fait aussi chuter la teneur en potassium. Ration calorique et sel En reprenant les études réalisées, les données suggèrent que l’on peut manger un apport assez élevé en protéines si l’on introduit parallèlement la quantité suffisante en ions alcalins. Et il semble bien que des aliments entiers protéiques soient préférables à l’apport de protéines pures (comme 28 La Revue de la MTRL 䉬 mars 2010 䉬 numéro 65 L’alimentation moderne fait également entrer en force les fameuses calories vides, aliments raffinés pauvres en minéraux et micronutriments (vitamines, antioxydants, polyphénols…) et, bien entendu, le potassium n’y est pas très présent non plus ! C’est dans ce type de régime, particulièrement, qu’il serait bon de supplémenter l’organisme en potassium sous forme de citrate ou de malate, formes de potassium retrouvées dans les fruits et légumes. Quelles sont les conséquences physiologiques entrevues pour le corps ? Ce n’est que récemment que l’on commence à étudier les effets d’un apport en aliments alcalinisants. Ce que l’on sait, et finalement c’est peu, c’est que le potassium, les polyphénols et la vitamine C favorisent le statut osseux en termes de pic maximal de masse osseuse, c’est-à-dire la densité de l’os dans le premier tiers de la vie. Disons cependant que les résulLa Revue de la MTRL 䉬 mars 2010 䉬 numéro 65 tats observés sont tirés de modèles particuliers d’acidose franche qui sont différents de l’acidose métabolique latente évoquée dans ces deux articles, et que, le rein pouvant s’adapter dans une large mesure, il faut rester vigilant dans ce domaine et ne pas forcément prendre les effets observés pour argent comptant. L’acidose peut également engendrer une dégradation de certains acides aminés essentiels (que l’on ne peut pas fabriquer) et de protéines, musculaires ou sanguines notamment. Ainsi, la fabrication de protéines par le corps peut s’en trouver gênée, et l’on pense par exemple à la fabrication de la matrice protéique de l’os ou bien à la fabrication des protéines du muscle. Le rein étant un organe important permettant de moduler les dynamiques minérales dans l’organisme, il est bien évident qu’en cas de maladie lésionnelle rénale (insuffisance rénale), la situation est telle qu’il faut adopter un régime alimentaire très approprié à la situation, et en particulier grandement opposé aux recommandations évoquées ici concernant protéines et potassium. Enfin, il est apparu que la fonction alcalinisante des fruits et légumes est globalement protectrice vis-à-vis du risque de calcul urinaire. On retrouve souvent des lithiases chimiquement composées d’oxalates (présents dans l’oseille, les betteraves rouges, la rhubarbe, les épinards et le cacao). L’apport de calcium permet de limiter l’absorption de ces oxalates. Conclusion Compte tenu des éléments de recherche actuels, on ne peut que raisonnablement opter pour une gestion à court terme de l’équilibre acide-base, c’est-à-dire repas après repas ! Mais l’expérience naturopathique vis-à-vis de l’équilibre acidebase peut aider à quelques petites améliorations. Par exemple, il est évident que si certaines personnes se sentent mieux en prenant des fruits INDICE PRAL DE QUELQUES ALIMENTS COURANTS Aliment PRAL (mEq/100g) Matières grasses Beurre 0.6 Huile d’olive 0.0 Huile de tournesol 0.0 Aliment PRAL (mEq/100g) Poisson Cabillaud 7.1 Hareng 7.0 Truite 10.8 Céréales Pain complet 1.8 Pain blanc 3.7 Farine blanche 6.9 Riz blanc 4.6 Viande Bœuf 7.8 Porc 7.9 Veau 9.0 Poulet 8.7 Jus de citron Jus de pomme Jus d’orange Jus de raisin Fruits Pomme Abricot Banane Cerise Kiwi Orange Pêche Poire Ananas Fraise Raisin Noisettes Noix – 2.5 – 2.2 – 2.9 – 1.0 Produits laitiers Camembert 14.6 Gouda 18.6 Parmesan 34.2 Lait entier 1.1 Œufs Œufs de poule 8.2 Sucreries Chocolat au lait 2.4 Cake 3.7 Miel – 0.3 Sucre blanc – 0.1 Boissons Vin rouge – 2.4 Vin blanc sec – 1.2 Café – 1.4 Thé – 0.3 Légumes Asperge – 0.4 Haricots verts – 3.1 Carotte – 4.9 Céleri – 5.2 Concombre – 0.8 Aubergine – 3.4 Poireau – 1.8 Laitue – 2.5 Champignons – 1.4 Oignons – 1.5 Pommes de terre – 4.0 Radis – 3.7 Epinards – 14.0 Tomate – 3.1 Courgette – 4.6 Lentilles 3.5 – 2.2 – 4.8 – 5.5 – 3.6 – 4.1 – 2.7 – 2.4 – 2.9 – 2.7 – 2.2 – 5.2 – 2.8 6.8 Les valeurs indiquées (en milliéquivalent, mEq) le sont pour 100 g d’aliment frais : – plus le chiffre est négatif, plus l'aliment est alcalinisant ; – plus le chiffre est positif, plus l'aliment est acidifiant. en début ou en dehors des repas, si ne pas consommer en même temps produit carné et glucides lents améliore une situation clinique, la réalité du vécu du corps prend le pas sur les données théoriques. Tout est une question de point de vue, et nous savons finalement si peu de chose ! Mais cela est une autre histoire… 䊓 CD 29 Regards sur l’allergie L’allergie est une réaction inadaptée et exagérée de l’organisme vis-à-vis de substances étrangères. Cette réaction n’existerait pas s’il n’y avait pas faillite de l’intégrité des barrières (peau et muqueuses) caux libres en cas de stimulation par les UV. Les kératinocytes : « cellules à desquamer », ayant dorénavant fait la preuve de leur rôle actif comme premières sentinelles vis-à-vis des agresseurs. es deux interfaces sont différentes. C’est pourquoi les maladies allergiques que l’on y retrouve s’expriment souvent de façon différente. C La protection de la peau Elle est assurée par différents acteurs. La flore microbienne : son bon équilibre empêche toute prolifération d’envahisseurs et permet la dégradation des substances chimiques qui viendraient au contact (comme les antiseptiques et les détergents, par exemple). Les sécrétions sébacées : elles disposent autour de nous un film protecteur englobant les particules en suspension et permettent leur élimination avec la desquamation de la peau. (attention aux détergents !). La desquamation : emmenant avec elle la flore microbienne, les sécrétions sébacées, et permettant aux couches sous-jacentes de renouveler cette barrière en 30 jours. Les cellules de Langherans : elles représentent de 2 à 4 % de la population cellulaire totale de l’épiderme. Elles sont mobiles et autonomes (cellules présentatrices d’antigènes = cellules clés de l’immunité cutanée). Les mélanocytes : producteurs de radi30 La protection des muqueuses Là aussi, plusieurs protagonistes interviennent. Les bactéries de notre flore digestive sont responsables de la synthèse de grande quantité d’histamine ou de tyramine et peuvent donc être source d’urticaires « toxiques ». Le mucus : sa qualité est primordiale pour une protection efficace. Ces sécrétions fixent les particules et en assurent l’évacuation et la dégradation. Les immunoglobulines A sécrétées fixent les particules étrangères et les rendent inertes. Les entérocytes sont des cellules qui tapissent la surface de l’intestin. Le MALT (système immunitaire associé aux muqueuses) : il comprend essentiellement des globules blancs, mastocytes, macrophages, lymphocytes et polynucléaires. La sensibilisation Réalisée en un territoire muqueux, elle initie une migration de lymphocytes T mémoire vers toutes les autres muqueuses de l’organisme. On sait que des acides aminés comme l’arginine et la glutamine, la vitamine A, le zinc, les prébiotiques (certaines fibres comme l’inuline) et les probiotiques (bactéries) sont des nutriments essentiels au maintien en bonne santé des muqueuses. Les réactions d’allergie sont des réactions d’hypersensibilité On les classe artificiellement en : 䉴 réactions immédiates (type 1, dépendante des immunoglobulines E); 䉴 réactions cytotoxiques (type 2) ; 䉴 réactions à immuns complexes (type 3 : l’antigène est fixé à l’anticorps et déclenche des réactions) ; 䉴 réactions retardées (type 4). Les formes purement de type 1 ou 4 sont rares, bien souvent l’intrication des mécanismes est la règle. Les plus fréquemment observées en termes de maladies allergiques sont les 1 et 4. Ces types d’hypersensibilité regroupent les phénomènes d’anaphylaxie (allergie immédiate) et les maladies dites « atopiques » (association de manifestations cliniques d’hypersensibilité et de la production excessive d’IgE). Les IgE Si leur synthèse est déterminée en partie génétiquement, les environnements anté-, pré- et postnatal jouent un rôle tout aussi important. Le dosage des IgE totales est réalisé sur le sang du cordon chez le nouveau-né ou dans le sérum chez l’adulte. Ce dosage témoigne du caractère de bon producteur ou non d’anticorps de type E. Ce n’est en aucun cas prédictif d’une allergie en cours… En effet, le problème est que les sujets souffrant de parasitoses, ou ceux qui auront des taux élevés d’IgE totales La Revue de la MTRL 䉬 juin 2010 䉬 numéro 66 de façon génétique, auront des taux non négligeables d’anticorps pour les allergènes usuels de l’environnement qu’ils y soient ou non allergiques. Enfin, ces IgE sont sensibles aux allergies croisées : une allergie aux graminées peut amener des taux non nuls d’anticorps pour l’arachide sans que cela ne corresponde à une allergie à l’arachide. Leur intérêt est donc dans le suivi d’une allergie mais pas dans son diagnostic. Les circonstances environnementales (anté-, pré- ou postnatal) viennent modifier dans un sens ou dans l’autre ce que la génétique nous a donné comme profil. Les clones lymphocytaires B sont capables de synthétiser tous les types d’immunoglobulines. Leur capacité à produire tel ou tel type d’anticorps est liée à l’ambiance hormonale immunitaire dans laquelle i l s d e m e u re n t . Les mastocytes (muqueux et cutanés) et les basophiles sont les starters de l’allergie. Les éosinophiles sont des cellules pro-inflammatoires : une fois activés, ils libèrent deux types de molécules médiatrices : 䉴 les préformés, libérés de façon instantanée, responsables de la vasodilatation et de l’augmentation de la perméabilité capillaire, de l’attraction de polynucléaires, de l’activation du système du complément, etc. 䉴 et les néoformés qui seront responsables de la réponse retardée dans l’allergie immédiate, avec pour but de prolonger l’inflammation et d’accentuer la réponse biologique. L’allergie retardée Elle fait appel à une réponse cellulaire, elle ne repose pas sur les anticorps. Elle est essentiellement décrite pour l’eczéma. 䊉 Premier contact : une substance se fixe aux cellules de la peau. La cellule de Langherans qui a reconnu l’allergène migre alors vers les ganglions satellites où elle présente l’allergène aux autres cellules (lymphocytes). La Revue de la MTRL 䉬 juin 2010 䉬 numéro 66 C’est ici que l’organisme décidera du sort à donner à l’adversaire… Si l’allergie est retenue, les lymphocytes mémoire vont venir peupler les différents ganglions de l’organisme, passant alors au stade de veille et circulant de ganglion en ganglion. 䊉 Deuxième contact : la substance se fixe à nouveau sur les cellules de la peau. Celles-ci appellent à nouveau les lymphocytes circulants. Un lymphocyte mémoire de l’allergène concerné le reconnaît, il migre alors à l’intérieur de la peau et tente de détruire l’adversaire en créant des lésions vésiculeuses intradermiques. Les lymphocytes spécifiques et aspécifiques affluent en masse sur le lieu de l’allergie, créant d’importantes lésions en général en 48 à 72 heures D’où le nom d’allergie retardée. La forme clinique la plus classique en est l’eczéma, avec une infiltration épidermique réalisant ce que l’on appelle une spongiose locale. Vraies et fausses allergies alimentaires Les réactions adverses après ingestion d’aliments reconnaissent divers mécanismes. On oppose classiquement les réactions d’origine immuno-allergique (allergie) et les réactions non immunologiques (intolérance). Les fausses allergies alimentaires se caractérisent par des manifestations cliniques mimant celles des allergies alimentaires authentiques, mais selon un mécanisme non immunologique. Elles sont le plus souvent en rapport avec un excès d’apport en aliments riches en histamine ou histamino-libérateurs, ou bien riches en tyramine, favorisant alors l’activation cellulaire suivie d’une libération de médiateurs dont l’histamine est le chef de file. Une enzyme intestinale, la diamine mono-oxydase (DAO), permet la dégradation de l’histamine. Toutefois, chez l’enfant jeune où cette enzyme existe en quantité normale, elle apparaît moins fonctionnelle. Ce phénomène explique qu’une quantité importante d’histamine apportée par l’alimentation ne soit pas dégradée par l’enzyme intestinale et facilite l’activation des mastocytes avec libération d’histamine et apparition de symptômes mimant les allergies. Signes cliniques des fausses allergies Les fausses allergies alimentaires sont moins fréquentes que les vraies allergies alimentaires. Le rapport est d’une fausse allergie alimentaire pour 4 vraies allergies alimentaires. Les fausses allergies alimentaires sont plus fréquentes chez le jeune enfant, du fait d’un système enzymatique intestinal peu fonctionnel pour métaboliser l’histamine apportée par l’alimentation. Les explorations allergologiques sont alors négatives. Les signes cliniques sont toujours moins sévères que dans une allergie alimentaire. Ils correspondent généralement à des signes cutanés (eczéma, urticaire, œdème), plus rarement respiratoires (toux, sifflements, asthme). Le choc anaphylactique n’est pas rapporté au cours des fausses allergies alimentaires. Un excès d’apport en aliments riches en histamine peut aggraver certaines dermatites atopiques. La perméabilité intestinale et la flore intestinale peuvent être modifiées par un excès d’apport en laitages ou un excès d’apport en féculents, entraînant des signes cliniques identiques à ceux de l’allergie mais d’intensité moindre. La diminution de la consommation des aliments riches en histamine, histamino-libérateurs ou riches en tyramine (emmental, parmesan, roquefort, gouda, camembert, cheddar) permet la disparition des manifestations. Il est donc clair – et solidement établi – que protéger une muqueuse intestinale protège des allergies Ainsi, tout ce qui vise à rétablir l’intégrité d’une barrière (peau, muqueuses) traitera les signes cliniques de la maladie allergique ! Etonnant, non ? 䊓 CD 31 Ces deux ouvrages du Dr Fiévet sont disponibles au siège de la MTRL.