Conférence - Association de la Haute vallée de l`Aube champenoise

Transcription

Conférence - Association de la Haute vallée de l`Aube champenoise
Association de la Haute Vallée
de l’Aube Champenoise
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LA VITICULTURE
DANS LA HAUTE VALLEE DE L’AUBE
AU MOYEN-AGE
Conférence du 5 septembre 2015 à Dinteville,
complétée des premiers éléments de recherche
suite aux échanges lors de la conférence
Jackie Lusse,
Maître de conférences honoraire de l’Université de Lorraine
L’association de la Haute Vallée de l’Aube
Champenoise, créée en juin 2008, a pour objectif
d’obtenir la réintégration des 7 communes qu’elle fédère
(Dinteville, Juvancourt, Laferté-sur-Aube, Lanty-surAube, Silvarouvres, Villars-en-Azois et Ville-sous-La
Ferté) dans l’aire géographique Champagne et Coteaux
Champenois.
L’association mobilise, depuis sa création, une centaine de membres
adhérents et organise de nombreuses manifestations (visites de vignes et de caves,
sorties botaniques, conférences, …).
Monsieur Jackie LUSSE est Maître de
Conférences honoraire à l’université de Nancy.
Son exposé fait suite à la conférence du 3 mai
dernier (réalisée à notre initiative aux matinales
de Clairvaux). Cet exposé est complété par des
références à la viticulture au moyen-âge dans les
villages de notre haute vallée de l’Aube.
Le Château de Dinteville constitue un élément de patrimoine remarquable de
notre vallée dont les archives attestent de la production de Champagne jusqu’à la
fin du XIXème siècle.
Le Château de Dinteville
et son Orangerie
LA VITICULTURE DANS LA HAUTE VALLEE DE L’AUBE
AU MOYEN-AGE
Conférence du 5 septembre 2015 à Dinteville,
Jackie Lusse,
Maître de conférences honoraire de l’Université de Lorraine
I - LES PREMIERES MENTIONS DE VIGNES DANS LA REGION DE BAR-SUR-AUBE ........ 1
II - SAINT BERNARD ET LE VIN ................................................................................................ 2
III - LES VIGNES DE CLAIRVAUX ............................................................................................. 3
Les vignes à Clairvaux ................................................................................................................. 3
Localisation ................................................................................................................................. 3
La constitution d’un vaste vignoble : Les donateurs et vendeurs de vignes à l’abbaye de
Clairvaux ..................................................................................................................................... 4
Les celliers de Clairvaux ............................................................................................................. 6
Le vaste domaine viticole de Clairvaux ........................................................................................ 8
IV - LES AUTRES PROPRIETAIRES............................................................................................ 8
Les seigneurs ............................................................................................................................... 8
Les monastères ............................................................................................................................ 9
Des particuliers ........................................................................................................................... 9
L’enquête de 1269 ..................................................................................................................... 10
V - LES MODES D’EXPLOITATION.......................................................................................... 11
Les convers ................................................................................................................................ 11
Les vignes cédées à bail ............................................................................................................. 11
VI - LE VIN DE LA REGION DE BAR-SUR-AUBE ................................................................... 11
Vins de Bar-sur-Aube et foires de Champagne ........................................................................... 11
Des vins appréciés, notamment en Flandre ................................................................................ 12
CONCLUSION ............................................................................................................................. 13
ÉPILOGUE ................................................................................................................................... 14
Carte des principales vignes dans la région de Bar-sur-Aube au Moyen-Âge
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INTRODUCTION
Les nombreux ouvrages écrits sur l’histoire de la viticulture champenoise concernent essentiellement les
régions qui produisent aujourd’hui le prestigieux champagne célèbre dans le monde entier, et le Moyen Âge n’y
tient que peu de place. L’Eclair d’un bonheur, de Jean-Pierre Devroey fait exception, mais ce beau livre est, comme
le dit l’auteur « une histoire médiévale de la vigne et du vin en champagne rémoise … ou plutôt centrée sur la cité
épiscopale et son diocèse». La thèse de l’Ecole des Chartes, non éditée, de Jean-Louis Rocher, Recherches sur
l’histoire du vignoble champenois (des origines au XVIIIe siècle), prend en compte un espace plus vaste (la Côte des
Blancs, la Vallée de la Marne et la Montagne de Reims avec quelques comparaisons avec le vignoble châlonnais)
sur une longue période, mais les vignobles de la région de Vitry-le-François et de l’actuel département de l’Aube
sont laissés de côté. Au Moyen Age, en Champagne méridionale (on ne peut pas parler pour cette époque du
département de l’Aube), les vignes étaient concentrées autour de Troyes, dans la région de Bar-sur-Seine et dans
celle la Haute Vallée de l’Aube. C’est cette dernière, autour et au sud de Bar-sur-Aube, qui nous intéresse
aujourd’hui.
L’argument avancé en 1911 par J. Ferlet, défenseur des viticulteurs aubois qui demandaient que leur soit
reconnue l’appellation « champagne », pour appuyer sa déposition devant le Conseil d’Etat, qui devait statuer sur la
délimitation de la Champagne viticole, était résumé par cette phrase : « Une tradition constante et universellement
admise dans l’Aube et la Haute-Marne attribue aux moines de l’abbaye de Clairvaux les premières opérations de
vins de Champagne avec leurs cépages d’arbane. Ils champagnisaient leurs vins provenant de leurs vignobles des
environs de Bar-sur-Aube, et notamment de Baroville ». Cette tradition est reprise par Robert Fossier qui s’appuie
sur l’ouvrage de Gabriel, écrit en 1913, au moment du conflit.
Les spécialistes ont rejeté cet argument polémique, mais ceci ne doit pas conduire à négliger les vignes de
la région baralbine. Aujourd’hui, entre Les Riceys, où on produit plus particulièrement du vin rosé, et Bar-sur-Aube,
le vignoble, qui a droit à l’appellation « champagne », est très morcelé : il est le vestige d’une viticulture dynamique
au Moyen Age, plus importante à cette époque qu’aujourd’hui. La vigne poussait en effet très bien sur les flancs des
vallées calcaires, riches en marne et en potasse, en particulier dans la vallée de l’Aube et de son affluent le Landon,
mais aussi entre ces deux cours d’eau sur les pentes bien exposées de nombreux vallonnements.
Les cépages étaient souvent rouges, tels le gamay, le pinot, le troyen, le gouais, et le bachet, mais le cépage le plus
représenté, surtout sur les éboulis pierreux, était un cépage blanc, l’arbane, qui donnait un vin très fruité.
I - LES PREMIERES MENTIONS DE VIGNES DANS LA REGION DE BAR-SUR-AUBE
Si la diffusion de la viticulture dans la région de Bar -sur-Aube doit beaucoup aux cisterciens de
Clairvaux, elle est plus ancienne et remonte au plus tard, au XIe siècle : entre 1077 et 1081, Thibaud Ier
confirma un privilège de son beau-père, Raoul de Valois, qui avait cédé à l’abbaye de Montier-en-Der tous ses droits
sur le vignoble des moines, y compris le banvin et les péages, dans toute l’étendue de son comté de Bar-sur-Aube.
Le premier comte de Bar-sur-Aube attesté, en 1003, fut Nocher Ier qui aurait été, selon une tradition, le fils
d’un normand, fondateur du château de La Ferté-sur-Aube. Sa fille, Adèle ou Adélaïde, hérita du comté de
Bar-sur-Aube, qu’elle apporta dans la maison de Valois, en épousant Raoul IV dans les années 1040. Leur fils,
Simon, en 1077, se retira au monastère de Saint-Claude, dans le Jura, ne laissant que des sœurs. Son héritage
fut divisé entre plusieurs puissants, parmi lesquels le comte Thibaud Ier qui, au nom de son épouse, prit possession
de Bar-sur-Aube et de Vitry. La culture de la vigne dans la région de Bar-sur-Aube, est donc attestée vers le milieu
du XIe siècle. Elle est probablement plus ancienne, mais nous manquons de documentation pour l’affirmer et surtout
nous ignorons quels cépages étaient cultivés.
Au début du XIIe siècle, les mentions de vigne ou de vente de vins à Bar-sur-Aube deviennent plus
nombreuses. Le 3 mai 1114 – l’année précédant la fondation de Clairvaux -, le comte de Champagne Hugues, en
rétablissant l’abbaye de Montier-en-Der dans sa primitive liberté, en augmenta les biens. En particulier, il permit
aux moines et à leurs provendiers d’acheter et de vendre sur les marchés et les foires de sa terre sans payer de
venticio ; et surtout, pour notre sujet, il libéra les vignes de l’abbaye de tout ban et ses chariots de tout rouage. A
l’exemple de son père, il renonça à tout vinage et confirma l’abandon fait par le comte Raoul de la coutume sur le
vin, appelée abra.
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Comme je l’ai montré par ailleurs, la viticulture, fut développée par les comtes de Champagne qui ont mené
une politique économique active, caractérisée par les foires de Champagne, et ont sans doute encouragé la
plantation de vignes et la production de vins, dont la commercialisation était rémunératrice. Mais ce sont surtout les
archives de Clairvaux qui mentionnent le plus souvent les vignes baralbines, témoignant du rôle de l’abbaye
cistercienne dans l’expansion de la viticulture. Mais avant d’évoquer celle-ci, précisons la pensée de saint Bernard
sur le vin.
II - SAINT BERNARD ET LE VIN
Contrairement aux plus anciennes règles monastiques qui interdisaient la consommation du vin, saint
Benoît du Mont-Cassin admit que le vin constituait une des bases de la nourriture de ses moines. Il n’était pas
vraiment favorable à cette tolérance, mais il s’y était résolu : « Nous lisons, il est vrai, que le vin ne convient
aucunement aux moines ; mais comme on ne peut le persuader aux moines de notre temps, convenons du moins de
n’en pas boire jusqu’à satiété ». Cependant, « ayant égard au tempérament de ceux qui sont faibles », il limitait, dans
sa Règle, la consommation des moines à une hémine de vin par jour (selon le dictionnaire du Moyen Français, qui
fait référence à l’ouvrage Chartes de communes et d'affranchissements en Bourgogne, l’hémine correspondait, pour
les liquides, à un demi-setier, le setier valant environ un demi-litre : selon cette estimation, chaque moine avait donc
droit à un quart de litre de vin par jour). Cette quantité pouvait être dépassée « si la situation du lieu, ou le travail, ou
les chaleurs de l’été demandent quelque chose de plus », mais cela ne devait pas conduire les moines à l’ivresse.
C’est cette règle de saint Benoît que suivirent les Cisterciens.
Suivant la tradition bénédictine, l’usage du vin était autorisé par la règle cistercienne mais, par souci
d’austérité, on en buvait très peu ; l’austérité s’était imposée à Clairvaux, sans doute sous l’influence de saint
Bernard. Guillaume de Saint-Thierry, ami et biographe de saint Bernard, évoquait ainsi sa sobriété : « sa nourriture
se composait de lait avec du pain et de l’eau de décoction de légumes ou de la bouillie telle qu’on a coutume d’en
faire pour les enfants. S’il prenait quelquefois du vin, c’était rarement et en très petite quantité et il affirmait que
l’eau convenait mieux à sa santé et lui plaisait davantage ». Dans un autre chapitre, il précisa : « En parlant du vin, il
nous disait souvent qu’il était décent à un moine de ne faire qu’en goûter, quand il lui fallait en prendre, de bien
montrer qu’il ne vidait pas son verre. Ce précepte, lui-même l’observait si rigoureusement que, toutes les fois qu’il
souffrait qu’on lui servit du vin, le verre dans lequel on lui présentait à boire, quoique fort petit, paraissait, lorsqu’on
l’enlevait de dessus la table, être à peine moins plein que quand on l’avait apporté, et cela non après qu’il avait bu un
seul coup, mais après son repas entier, quel qu’il fût ».
Mais cette interprétation est peut-être hagiographique, Henri d’Arbois de Jubainville expliquant plutôt la
situation par la pauvreté de l’abbaye à ses débuts : « le vin était permis par la règle de saint Benoît, mais il paraît
évident que les premiers cisterciens n’en buvaient pas beaucoup. D’abord ils étaient trop pauvres, souvent ils
manquaient de pain : ils durent, par conséquent, se trouver plus d’une fois dans ce cas prévu par la règle de saint
Benoît, où la mesure prescrite ne pouvant se trouver, et la portion de vin étant beaucoup moindre, même nulle, on
n’avait autre chose à faire que de bénir Dieu et de ne pas murmurer, car la recommandation qui doit passer avant
tout, c’est de s’abstenir de murmurer ». Telle était la situation à Clairvaux en 1131, lorsque le pape Innocent II visita
cette abbaye : « en guise de vin d’extra, on donna de la soupe maigre au seigneur pape ».
Saint Bernard, prononçant, en 1148, l’homélie lors des obsèques de dom Humbert, ancien prieur de
Clairvaux puis abbé d’Igny avant de revenir à Clairvaux, rappela qu’ Humbert « avait décidé de ne jamais boire que
de l’eau … Mais dans les cas où on l’obligeait à boire du vin, c’était du vin par la couleur plus que par le goût,
tellement il y ajoutait de l’eau ». Bernard, cependant, n’interdisait pas aux moines la consommation du vin, mais il
condamnait avant tout les excès et l’ivresse. Pour donner l’exemple, quand il se laissait servir du vin, il en buvait si
peu qu’on ne s’apercevait pas que sa cruche fût moins pleine après qu’avant. En fait, lui-même, ordinairement, ne
buvait pas de vin, disant que cette boisson était contraire à son estomac ; il préférait le lait, le bouillon de légumes et
l’eau pure.
Lorsque Christian, un moine de Clairvaux planta une vigne dans le Val d’Absinthe, près de son monastère,
il s’attira la réprobation de Gérard, le cellérier (chargé de l'approvisionnement du cellier, de la nourriture et des
dépenses de la communauté, en quelque sort l’intendant ou l’économe), frère de saint Bernard. Christian lui avoua
« qu’il était pécheur et voulait boire du vin ». Gérard affirma alors à Chrétien que celui-ci ne verrait pas le fruit de sa
vigne. Chrétien cultiva longtemps sa vigne mais il mourut sans en avoir vu le fruit, comme cela lui avait été prédit.
Plus tard le gardien de la vigne confia à saint Bernard que la vigne ne donnait pas de fruit parce qu’elle était
anathème et excommuniée. Saint Bernard aspergea la vigne d’eau bénite, ce qui lui rendit sa vigueur. Selon la Vita
Bernardi, le monastère primitif de Clairvaux fut déplacé en 1136 parce que le nouveau site favoriserait la culture de
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la vigne. D’ailleurs, Geoffroy, le prieur, après le transfert de l’abbaye favorisa la culture de la vigne dans le vallon.
Par contre aucun texte ne dit si les moines de Clairvaux firent venir des cépages de Bourgogne ou s’ils cultivèrent
les cépages locaux, comme l’arbane.
Avec le temps, cette rigueur s’assouplit ; en 1181, le chapitre général de Cîteaux s’indigna parce qu’une
abbaye cistercienne hongroise s’était endettée pour acheter du vin ; en 1190/1, le duc de Bourgogne, Hugues III,
confirma à l’abbaye de Clairvaux la possession d’une maison qu’elle avait à Dijon pour le logement des abbés qui se
rendaient au chapitre général de Cîteaux et donna pour leur entretien des rentes en froment, mais aussi dix muids de
vin à Beaune et de la vigne de Pommard.
Rappelons pour terminer que le vin produit par les abbayes n’était pas réservé à la consommation des
moines. Il était aussi utilisé pour la liturgie, pour le soin aux malades et aux vieillards et pour les hôtes laïques qui
séjournaient parfois dans les monastères, sans oublier que les surplus des vins pouvaient être vendus et ainsi
procurer d’importants revenus.
III - LES VIGNES DE CLAIRVAUX
La Charte de Charité, le premier règlement cistercien conservé, interdit aux monastères la possession des
églises, des villages, des serfs, des fours et des moulins banaux. Les abbayes cisterciennes pouvaient se libérer du
droit de dîme, mais jamais elles ne se faisaient payer la dîme du travail d’autrui ; elles avaient des terres arables, des
vignes, des prés, des bois, des cours d’eau pour la pêche et pour y établir des moulins qui seront à leur usage
seulement ; elles se procuraient des chevaux et les autres animaux domestiques dont elles auront besoin. Les rentes
foncières ou cens furent ajoutées à la liste des biens dont la propriété était défendue aux monastères cisterciens.
Devant vivre du travail de leurs mains, et principalement du travail agricole, les moines ne devaient posséder que les
biens sans lesquels ce travail serait impossible.
Ces prohibitions laissaient aux monastères cisterciens la possibilité de faire des acquisition considérables ;
il suffisait que ces acquisitions eussent pour objet des biens d’une autre nature que ceux dont la possession était
interdite, comme des terres arables ou des vignes. Le Chapitre général chercha à mettre des restrictions à cette
faculté. Comme pour acheter, il fallait avoir de l’argent, et qu’il était permis d’accepter les offrandes, le Chapitre
général défendit de les provoquer, soit en faisant des quêtes, soit en plaçant des troncs à l’entrée des abbayes.
Les vignes à Clairvaux
La présence de vignes à Clairvaux au XIIe siècle est attestée par la description laissée par un auteur
inconnu, contemporain de saint Bernard, qui s’approcha de l’abbaye en venant de Bar-sur-Aube par l’ancienne route
qui passait à Baroville, traversa la forêt et arrivai directement devant la façade occidentale de l’abbaye :
« Si vous désirez connaître le site de Clairvaux, que cet écrit, comme un miroir, vous en présente l’image.
Deux montagnes commencent non loin de l’abbaye. Une vallée étroite les sépare d’abord ; ensuite, plus on approche
de l’abbaye, plus cette gorge s’élargit : l’une de ces montagnes domine la moitié d’un des côtés du monastère,
l’autre montagne la totalité du côté opposé. L’une de ces montagnes est féconde en vignes, l’autre fertile en
céréales : toutes deux agréables à la vue, toutes deux également utiles aux habitants de l’abbaye, puisqu’ils trouvent
leur nourriture sur les flancs et les pentes élevées de l’une, leur boisson sur ceux de l’autre. »
Localisation
L’usage du vin était autorisé par la règle de saint Benoît, les moines claravalliens acquirent des vignes dans
la région de Bar-sur-Aube avant le milieu du XIIe siècle.
Les textes mentionnent souvent les lieux-dits, sans préciser le nom du village, ce qui ne rend pas leur
localisation aisée (il y aurait certainement là une recherche intéressante). Certains de ces microtoponymes sont clairs
comme le Val sous la Vigne (1179) , le Clos de Clairvaux (1179), Le Grand Clos (1179), le Clos de Fraville (1179),
la vigne du Clos à Baroville (1189), les Hastes des Vins ou le Val des Vins (1198), le Clos de Joinville à Colombéla-Fosse (1218), la grande vigne dite Plante, sise au milieu de la Grande Côte, à Longchamp (1229), le Clos du
Doyen (1243), le Clos du cellier de Clairvaux de Morvaux (1246), le Clos de Chacenay à Baroville (1249).
Un des documents les plus intéressants, pour montrer la fortune foncière en vignes des moines de Clairvaux
est la charte de l’évêque de Langres Gautier, leur confirmant en 1198 un grand nombre de donations de vignes,
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situées essentiellement dans les « Hastes des Vignes » et, surtout, sur le territoire d’Ailleville, dans le « Val des
Vignes », qui donna son nom, particulièrement significatif, à une abbaye de cisterciennes qui existait avant 1230.
La liste des villages, des hameaux ou des granges et des celliers où les moines de Clairvaux possédaient des
vignobles au XIIe siècle, établie grâce à l’imposant chartrier de l’abbaye, est impressionnante (énumération sans
doute pas exhaustive) : à Bar-sur-Aube et Clairvaux, évidemment, mais aussi à l’ouest, au sud et sud-ouest de Barsur-Aube à Arconville, Baroville, Bergères, Champignol-les-Mondeville, Couvignon, Engente, Fontaine, Fravaux,
Fraville, La Bretonnière, Meurville, Perrecin, Proverville, Urville, Vitry-le-Croisé ; au nord, nord-est de Bar-surAube, à Ailleville, Arrentières, Arsonval, Bayel, Colombé-le-Sec, Colombé-la-Fosse, Cornet, Eclance, Levigny,
Rouvres-les-Vignes, Saulcy, Voigny ; à l’est et au sud-sud-est de Clairvaux à Aizanville, Cirfontaines-en-Azois,
Jurville, Juvancourt, La Ferté-sur-Aube, Longchamps, Maranville, Orges, Varencey, Vaudrémont.
L’existence d’un vignoble peut également se déduire de la présence dans un village d’un pressoir ou de
dîmes en vins: Il résulte d’une déclaration faite en 1493 à Erard III de Dinteville, seigneur dudit lieu et de
Juvancourt, que les dits moines de Clairvaux avaient alors à Juvancourt le four banal, la place où était jadis le
pressoir banal, un moulin et des prés en dépendant. Au XVIIe siècle, l’abbaye de Clairvaux possédait des vignes
dans cette localité. Le chapitre de Saint-Maclou avait à Baroville un pressoir banal, qu’il vendit en 1502 à l’abbaye
de Clairvaux. A Juvancourt où les deux tiers des grosses dîmes de grains et de vins appartenaient à l’abbaye de
Clairvaux qui fut confirmée en leur possession en 1571.
La constitution d’un vaste vignoble : Les donateurs et vendeurs de vignes à l’abbaye de Clairvaux
De nombreuses chartes évoquent spécifiquement le don de vignes. Mais ces donation furent sans doute plus
nombreuses et plus importantes car, tel ou tel personnage donnait parfois « tout ce qu’il avait » dans tel ou tel
village, ce qui incluait des vignes qui malheureusement non repérables. La plupart du temps, en raison de l’origine
surtout monastique des sources, les vignes sont mentionnées lorsqu’elles entraient dans le patrimoine d’un
établissement religieux. Les donateurs étaient généralement des laïcs – et pas toujours des nobles – et parfois des
prêtres.
Les comtes de Champagne
Les comtes de Champagne figurent parmi les principaux donateurs de l’abbaye de Clairvaux : en 1143, le
comte de Champagne Thibaud II lui donna une vigne à Baroville (Aube, c. Bar-sur-Aube), une vigne inculte à
Morvaux ou Morval (com. Baroville) et une vigne dans le Val Genou (com. Vitry-le-Croisé) ; en 1151, le même
comte lui confirma les dons de son oncle Hugues, comte de Troyes, ses propres dons et les dons faits ou à faire sur
son propre fief. Il confirma notamment les acquisitions, anciennes ou à venir, de l’abbaye au finage de Perrecin
(village détruit entre Bar-sur-Aube et Clairvaux) et les vignes de Baroville
D’autres seigneurs
D’autres seigneurs participèrent à la constitution du patrimoine viticole de Clairvaux. En 1193, les
chevaliers Ouri de Thil, son frère et son cousin donnèrent un clos de vigne à Bar-sur-Aube. En 1218, Boson
d’Engente, chevalier, donna une rente en grains et deux vignes à Morvaux.
Parmi les principaux seigneurs bienfaiteurs de Clairvaux figurent les seigneurs de Joinville : en 1196,
Geoffroy V de Joinville, donna à Clairvaux tout ce que Haton, chevalier, tenait de lui à Baroville et à Arconville ;
son frère, Simon, en 1203, lui céda le droit de vinage que lui-même et son frère l’archidiacre Guillaume, percevaient
sur leurs vignes de Colombé-la-Fosse. Le même, en 1218, donna à Clairvaux sa vigne du Clos de Joinville, à
Colombé-la-Fosse, sur la montagne dite Chatillon ; quatre ans plus tard, il engagea pour 400 livres à l’abbaye de
Clairvaux ses revenus de Colombé et de Charmes, en précisant que le comte de Champagne Thibaud IV pouvait le
contraindre à exécuter cet engagement ; en 1227 encore, il conclut un accord avec Clairvaux au sujet de Colombéla-Fosse.
Des maisons religieuses et des prêtres
Les vignes venaient parfois d’autres maisons religieuses : en 1193, Nicolas II, maître de l’hôpital de
Mormant vendit à Clairvaux plusieurs vignes à la Croix Ticenne, aux environs de Baroville, Rogeolis ou Courcelles.
L’année suivante, Evrard, maître de la maison-Dieu de Bar-sur-Aube, d’accord avec son chapitre, vendit également
tous les biens de son établissement à Colombé-la-Fosse et Colombé-le-Sec. En 1222, Pierre, maître de la MaisonDieu de La Ferté-sur-Aube, céda par échange à Clairvaux, tous les prés, terres et vignes jusqu'à l'Aube, du côté de
Clairvaux, qu'il tenait de Receviz, veuve de Bertrand de Ville ; en 1239, l’abbé et le couvent de Saint-Oyand de Joux
échangèrent à Clairvaux, contre une rente de céréales, tous leurs biens de Saulcy, et un cens de deux sous que les
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religieux leur payaient à Morval pour la vigne de Dreux de Buchey, sise aux Ransières ; l’abbaye jurassienne
disposait peut-être de ces biens depuis que Simon de Valois s’y était retiré au XIe siècle.
Ajoutons des donations faites par des prêtres, comme celle faite à Clairvaux en 1207 par Etienne le Fèvre
ou par Ecelin, curé de Rouvres-les-Vignes, à Arconville en 1219. Vaalin, prêtre de Vernonvilliers, céda à l’abbaye
de Beaulieu deux pièces de vignes qu’il possédait à Arsonval (1236)
Des roturiers
Des roturiers cédèrent, parmi d’autres donations, de nombreuses vignes : Pierre le Juif abandonna à
Clairvaux trois vignes d’un bon cru à Couvignon (1239) ; Gilo, bienfaiteur de Montiéramey en 1223, était médecin.
Toutefois, le statut social des donateurs n’est pas toujours aisé à déterminer : au milieu du XIIe siècle, Thèce
d’Engente lui donna pour l’âme de son mari Constant Cornu, une vigne sise au Val Joudrey (à Bar-sur-Aube).
Emmeline, veuve de Silvestre de Perrecin concéda la vigne qu’elle possédait à Morvaux, près de Baroville (1173).
Des laïcs qui se convertissent
Des vignes furent aussi données à l’abbaye par des laïcs qui se convertissaient dans l’abbaye, c’est-à-dire
qui changeaient de mœurs, qui adoptaient la vie laïque pour la vie monastique. Ils devenaient des convers, des laïcs
entrés dans un monastère, ayant prononcé certains vœux et chargés surtout des charges matérielles, et notamment les
cultures : avant 1147, la moitié d’une vigne à Fraville, sur la Côte d’Aurifons , par Dodon de Mondeville quando
venit ad conversionem in Clarevallensi monasterio ; la vigne de Cenbain cédée par Frehier de Juvancourt lorsqu’il
prit l’habit religieux à Clairvaux ; quatre journaux de vigne « in Combes », donnés précédemment avec réserve
d’usufruit, par Gautier de la Poterne, lorsqu’à l’article de la mort, il prit l’habit de convers à Clairvaux (1189)
Les pancartes
Au XIIe siècle, ces libéralités furent l’objet de pancartes, des chartes confirmant, en les énumérant, des
donations faites par divers laïcs. Certaines, émanant d’évêques de Langres, sont très intéressantes, mais
l’identification des lieux-dits où étaient situées les vignes n’est pas toujours facile. L’évêque de Langres Gautier, en
1179, en rédigea plusieurs mentionnant de nombreuses vignes cédées à Clairvaux, sans doute dans les années qui
précédaient : à Baroville dans la Vallée Goudron (commune d’Urville), Morincourt (com. de Champignol-lesMondeville), Meurville, Fraville, Baroville ou in mortuo loco à Arconville. Son successeur, Manassès, fit de même
dans les années 1185 pour des vignes sises à Clairvaux, Cembain, La Ferté-sur-Aube, Jurville (village détruit sur le
territoire de Vaudrémont en Haute-Marne), en 1189 pour d’autres à Baroville, Couvignon, Cirfontaines-en-Azois,
Juvencourt, Belgenval, Arunval, Arconville, Champignol-lez-Mondeville, Munterval, Fraville, Baroville, et en 1190
sur la côte de Marocharme, dans la vallée de Rivus, Cembain, Chininvalle, Varencey, Juvancourt, Orges et
Barbenval. Une des plus intéressantes est celle de l’évêque de Langres Garnier en 1198 car elle n’énumère que des
donations de vignes : à Chacenay, dans la vallée des Vignes, in hastis (perche, mesure de superficie) des Vignes, in
Montibus, D’autres chartes de la même année mentionnent une vigne à Bergères, deux autres à Moimons, in valle
Grimodi, Barbenval (à Vaudrémont), Morvaux.
Ventes et échanges
Les vignes n’étaient pas toujours données à l’abbaye : en 1217, Perrenette de Baroville lui vendit pour 60
sous une vigne au lieu dit Rossel. Afin d’améliorer la gestion de leurs domaines, les propriétaires procédaient aussi à
des échanges : en 1198, Hugues Charam échangea la vigne de Ferri contre celle de Thierry de La Ferté ; en 1237, un
certain Guillaume échangea avec Clairvaux sa vigne sise en la côte de Bergères contre une vigne de la Côte d’Aube.
Des donations et des échanges avaient le même objectif : en 1238, l’abbaye acheta la moitié d'une vigne sise à
Colombé, à côté de la vigne de l'abbaye ; la même année Evrard, curé de Maranville, et son père Eudes, donnèrent
une vigne sise au dessous de la vigne de "Lieuïr" appartenant à l'abbaye.
Donations et vignes pouvaient se compléter : en 1221, Aubri de Baroville donna à Clairvaux la moitié d'une
plante sise devant la maison des lépreux de Baroville, et lui vendit l'autre moitié moyennant six livres, en même
temps qu'une autre vigne, au-dessus, moyennant vingt neuf livres. S’engageant à faire approuver cet acte par ses
enfants, à leur majorité, pour le tiers qui les concernait, il remit en gage à l'abbaye sa vigne de La Combelle, pour
laquelle il devait payer six deniers à la saint Rémi. En 1225, Martin de Proverville, lui offrit un tiers de sa vigne sise
en Provenchevaux , mais vendit les deux autres tiers. L’année suivante, Haymon de Bergères et son frère Roland,
d'accord avec leurs femmes, donnèrent à Clairvaux un tiers de leur vigne au Val-de-Bergères, et lui vendirent le
reste pour 7 livres de Provins.
Les vignes, objets de contestations
Les vignes furent parfois aussi l’objet de contestations : En 1168, Ansculf de La Ferté-sur-Aube renonça à
toute contestation contre l’abbaye sur les terres et vignes de Baroville et de la Bretonnière (commune d’Arcoville) ;
en 1192, Morel de Sexfontaine abandonna ses prétentions sur une vigne à Rouvres-les-Vignes, où au même
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moment, Alexandre, prieur lui céda une autre vigne.; en 1195, le doyen de Vendeuvre, Maubert, attribua à l’abbaye
de Clairvaux une vigne, sise à Mussy-sur-Seine, qu’un certain Simon lui avait léguée et dont s’étaient emparé sa
veuve et son frère. En 1212, le chapitre du Val d’Osne se désista du procès qu’il avait engagé contre l’abbaye de
Clairvaux en lui remettant tous ses droits sur une vigne à Colombé-le-Sec. La même année, Etienne, clerc de Barsur-Aube abandonna ses prétentions sur une vigne. Trois ans plus tard, le doyen de Bar-sur-Aube adjugea à
Clairvaux une vigne de Colombé-la-Fosse, que les Cisterciens disputaient à Aubert de Bar et aux Templiers. Un
accord particulier fut conclu entre Clairvaux et Dominique de Rouvres : il fut décidé que celui-ci tiendrait à viager la
vigne qu’il avait plantée sur les terres de l’abbaye et qu’à sa mort la moitié reviendrait à l’abbaye, l’autre moitié
restant chargée envers elle d’un cens annuel de 20 deniers.
En 1223, un accord fut conclu entre les prieurs de Sainte-Germaine et de La Ferté-sur-Aube, d’une part, et
les moines de Clairvaux, d’autre part : il prévoyait que ces derniers pourraient vendanger à Bergères lorsqu’ils le
voudraient, mais ils s’engageaient à ne rien acheter de ce que possédait sur le finage de Bergères le seigneur Gui de
Saint-Usage. Rien dans la charte ne permet d’affirmer que cet accord fut le fruit d’une querelle.
Les conflits étaient parfois internes à l’abbaye ; l’abbé de Clairvaux, en 1215, conclut un accord entre le
portier et les cellériers : toutes les vignes, terres ou prés aux mains du portier furent attribuées aux cellériers, qui
devaient lui laisser prendre dans les prés le foin nécessaire à l’entretien annuel d’un seul cheval ; le portier avait en
échange le moulin de Morains avec tous ses revenus.
Les cessions de vignes le furent parfois sous réserve d’usufruit, comme en 1219 : Constant de
Colombé-le-Sec et Aceline, sa femme, donnant à Clairvaux une terre et un pré sis derrière le Cellier, et une vigne
sise "ad Crucem Tiaceum", se réservèrent l'usufruit de ladite vigne jusqu'à la mort d'Aceline, payant seulement pour
elle un setier de vin à l'abbaye qui devait les aider jusqu'à la valeur de quinze sous en cas de grand besoin. Thibaud
le Galeux de Colombé-le-Sec, donna à l'abbaye la moitié de sa vigne sise audit lieu, à la réserve de l'usufruit viager.
Henri de Voigny et Flandrine sa femme cédèrent à l'abbaye trois vignes à Voigny, et reçurent en échange 25 livres.
D’autres réserves peuvent être précisées : en 1189, Erard, seigneur de Chacenay, au moment de son départ en
croisade, donna sa vigne dite du Clos, à Baroville, en se réservant de la récupérer si il revenait de son expédition.
Pour être complet, il faut ajouter que l’abbaye de Clairvaux possédait aussi des vignes dans d’autres
régions, notamment en Bourgogne, non loin de Cîteaux. En 1190-1191, le duc de Bourgogne Hugues III lui
confirma la possession d’une maison sise à Dijon, où l’abbé séjournait lorsqu’il venait au chapitre général et pour
son entretien lui attribua du froment, dix muids de vin à Beaune, de sa vigne de Pommard ; en 1195, le couvent de
Mormant vendit à Clairvaux 20 journaux de vignes à Dijon pour une somme de 300 livres. Parmi les donations en
faveur de Clairvaux énumérées par l’évêque de Langres en 1196, figuraient deux journaux de vigne à Fontaines-lesDijon. Deux ans plus tard, un certain Giroard donna deux journaux et demi de vigne près de Fontaine-l’Abbé. Des
vignes se trouvaient aussi dans des sites éloignés de l’abbaye et aujourd’hui sans vignes : en 1235, les
moines concédèrent à titre viager à Jean de Vassy, dit du Bois, une maison avec une vigne sise entre Vassy et
Brousseval, moyennant une rente annuelle de quatre livres provinoises.
Les celliers de Clairvaux
Pour gérer leurs propriétés, les Cisterciens organisèrent des cellules de production et d’administration, les
granges, surveillées et administrées par les convers, avec à leur tête un moine nommé maître. Les granges n’étaient
pas des petits monastères et, bien qu’elles eussent un autel, on ne pouvait pas y célébrer la messe : les convers
devaient, pour les offices, se rendre à l’église abbatiale, ce qui impliquait une certaine proximité entre l’abbaye et
ses granges. En 1152, le chapitre général rappela que les granges ne devaient pas être installées à plus d’une journée
de marche de l’abbaye et qu’entre deux granges, il ne pouvait y avoir moins de deux lieues de Bourgogne, soit
11694 mètres, prescriptions qui ne furent pas toujours respectées. L’abbé et le cellérier de Clairvaux pouvaient venir
visiter les granges.
Étudiant le domaine agricole de Clairvaux, Gilles Vilain a dénombré « 41 exploitations agricoles ayant
appartenu de façon certaine, à l’ancienne abbaye de Clairvaux entre le XIIe et le XVIIIe siècle ». Toutefois Ces
granges pouvaient posséder des vignes, comme en témoignent, à l’extrême fin du XIIe siècle, des donations à la
grange d’Outre-Aube. Clairvaux, pour organiser la production de vin de ces nombreux domaines, posséda, à
proximité de l’abbaye, trois celliers, des granges spécialisées dans la viticulture : Morval, Colombé-le-Sec et
Gomméville, respectivement à 8, 12 et 28 km de l’abbaye. La date traditionnelle de création des celliers doit être
discutée car la construction du cellier est souvent postérieure (de combien d’années ?) à la donation d’une vigne.
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Morval
Le cellier de Morval ou Morvaux, aujourd’hui détruit (seul subsiste un lieu-dit Morvaux dans la commune
de Baroville), trouve son origine dans la donation, en 1143, par le comte Thibaud II de trois vignes à Baroville dont
une « in Moravalle », avec un cellier. Ce comte ajouta encore des vignes à Baroville en 1151. En 1168, Ansculf de
La Ferté-sur-Aube renonça à toutes ses contestations sur les terres et vignes de l’abbaye à Baroville. Après 1170, les
donations se multiplièrent : ainsi, l’abbaye reçut d’autres vignes dans ce lieu en 1173 par Emeline, veuve de
Silvestre de Perrecin, et avant 1198, par un certain frère Robert. En 1189, Erard Ier de Brienne lui donna sa vigne du
Clos, sous la condition qu’il la reprendrait s’il revenait de croisade. Mais le cellier de Morval proprement-dit n’est
mentionné pour la première fois que dans une bulle du pape Célestin III du 31 janvier 1197. Plusieurs maîtres de ce
cellier sont connus : G (1203), Eudes (1218), Ancher (1222).
Progressivement, en multipliant les achats ou les donations en leur faveur, les moines de Clairvaux,
acquirent toute la seigneurie de Baroville, avec les dîmes des vignes. Les bâtiments, détruits lors du passage des
écorcheurs entre 1441 et 1445, furent restaurés avant 1501. L’année suivante, l’abbaye acheta le pressoir banal du
village.
Colombé-le-Sec
Le cellier de Colombé-le-Sec est la grange de Clairvaux la mieux conservée. A 11 km au nord du
monastère, il fut établi sur le versant sud de la vallée de la Bresse, un affluent de l’Aube, à 700 m du village, au
milieu de terroirs complémentaires (des prés au fond de la vallée, des champs sur les premières pentes, des vignes
sur le coteau et des bois sur le plateau), mais la principale activité du secteur fut la viticulture.
Il date certainement de la fin du XIIe siècle : en 1194, Evrard, maître de la Maison-Dieu de Bar-sur-Aube,
donna à l’abbaye tous les biens de son établissement sis à Colombé-la-Fosse et Colombé-le-Sec, dont sept vignes
dans le premier village et trois dans le second. La construction du cellier suivit de près cette donation puisqu’un
maître est attesté à Colombé-le-Sec dès 1202. Cette dotation foncière augmenta au XIIIe siècle, par donations ou par
achats. Le cellier acquit de nombreuses vignes à Colombé-le-Sec, mais aussi dans les villages voisins, à Voigny,
Jusenvaul, et surtout Colombé-la-Fosse où Simon de Joinville multiplia les donations après la cession, en 1218, de
son vignoble appelé Clos-Joinville. Toutefois, Clairvaux ne fut pas le seul propriétaire dans ce village : en 1218,
Simon de Joinville autorisa les frères d’Ecurey à vendre à Joinville le vin de Colombé-le-Sec au même moment que
les gens du voisinage, mais aussi depuis la Pentecôte jusqu’aux vendanges. Selon Robert Fossier, l’abbaye de
Clairvaux, autour de son cellier de Colombé-le-Sec, possédait 33 biens à Colombé-la-Fosse (plutôt des prés), 58 en
vignes à Colombé-le-Sec et fut dotée 7 fois à Engente, 4 à Morvilliers, et 1 à Levigny. Au XIIIe siècle, les noms de
trois maîtres du cellier de Colombé-le-Sec sont connus : Evrard (1202), Martin (1222) et Girard (1250). (Pour la
description archéologique du cellier de Colombé-le-Sec, on se reportera à l’article publié par Patrick Corbet dans les
Actes du colloque organisé à Bar-sur-Aube et Clairvaux en 1990).
Gomméville
Plus au sud, dans la vallée de la Seine, à une trentaine de kilomètres de Clairvaux, le cellier de
Gomméville, dont la possession fut confirmée par le comte Thibaud IV aux moines de Clairvaux en 1231, fut
construit après la donation, en 1209 d’un clos par Milon III, comte de Bar-sur-Seine. Diverses donations agrandirent
cette exploitation qui fut ravagée par les écorcheurs en 1441 et 1445.
D’autres celliers possibles
Robert Fossier a proposé d’ajouter à ces trois celliers Jurville, à 5 km de Clairvaux, exploitation qui n’est
pas qualifiée de cellier mais qui possédait 12 ha de vignes. « Le Petit Clairvaux », à Bar-sur-Aube, bâtiment de la fin
du XIIe siècle qui servit d’entrepôt pour les grains et les vins provenant de différents domaines de l’abbaye (par
exemple à Pouilly et à Fontaines, le village natal de saint Bernard), n’est pas à proprement parler un cellier.
Du vin était aussi stocké dans l’abbaye même de Clairvaux, où il y aurait eu une cuve de 500 tonneaux. On
peut citer également un autre témoignage des activités viticoles de l’abbaye de Clairvaux, la cave voûtée datant du
XIIIe siècle, appartenant aujourd’hui à la maison de Champagne Drappier, à Urville.
Hors de la Champagne, les moines de Clairvaux possédaient encore un cellier à Dijon, « la maison de
Clairvaux », construit dans les dernières années du XIIe siècle (première donation en 1190). Il servait à l’origine de
logement pour les abbés se rendant au chapitre général de Cîteaux.
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Le vaste domaine viticole de Clairvaux
Par diverses donations simultanées de plusieurs vignes en un même lieu, par des achats ou des échanges,
les moines de Clairvaux, en bons gestionnaires, regroupèrent leurs parcelles pour se constituer un vignoble
important dans tel ou tel village : c’est le cas du Val des Vins et des Hastes des Vins en 1198.
L’abbaye de Clairvaux était propriétaire d’un vaste domaine viticole, dont Robert Fossier a évalué
l’importance en 1330. Dans les documents, l’unité de superficie des vignes est l’homme, qui correspond environ à
5,25 ares. A Morval, 53,3 ha de vignes appartenant à l’abbaye, dont 43 à Morval même, et 33 vignes dont la
superficie n’est pas précisée ; à Colombé-le-Sec, 50,25 ha, dont 28,85 pour le cellier lui-même, plus 30 autres
vignes ; à Gomméville, 23,10 ha et 11 autres vignes, toutes autour du cellier ; à Jurville, 22,85 ha et 11 vignes. Au
total, en comptant les vignes bourguignonnes, la superficie du vignoble claravallien était supérieure à 230 ha (4422
hommes, dont 245 en Bourgogne).
A cette époque, l’abbaye possédait 27 pressoirs banaux, dont 4 à Morval, 6 à Colombé-le-Sec et 4 à
Gomméville. Toujours selon les calculs de Robert Fossier, 40 hommes de vin permettaient la production de 21
muids de vin, soit 80 hl : la récolte de l’abbaye atteindrait alors 7 à 8000 hl, ce qui laisserait un excédent important
écoulé en grande partie, probablement, aux foires ou aux marchés de Bar-sur-Aube où les moines de Clairvaux se
rendaient régulièrement. Ils avaient obtenu, en 1147, du comte Thibaud II, des droits de péage à Perrecin, village
disparu qui devait se situer sur le territoire de Bayel, entre Bar-sur-Aube et Clairvaux.
IV - LES AUTRES PROPRIETAIRES
Si j’ai beaucoup insiste sur les vignes claravalliennes c’est d’une part parce que l’abbaye cistercienne est
certainement la principale propriétaire de vignes dans la région, mais c’est surtout en raison de l’abondance des
sources et surtout de leur disponibilité sur Internet. Mais il est évident que ce ne sont pas les seules vignes.
Pour localiser les vignes non claravalliennes, on recourra au mêmes indices. Pour exemple je citerai des
toponymes mentionnés par Blandine Vue à Lanty-sur-Aube : « le bois de Vigne rouge » (1334) ; « la Combe des
Vignes », « dessus les vignes de Puiseeux », « en la Commelle des Vignes » et « la louche au Pendu au sentier des
Vignes de Chausseux » en 1584 ; la même année et dans la même commune, l’évêque de Langres, possédait une
vigne de 48 ouvrées appelée « la Grand Vigne de Puisnée ».
Autres mentions : la fabrique de Juvancourt, possédait en 1634, parmi d’autres biens, trois journaux de
vignes au lieu-dit les Grandes Vignes, donnant un revenu de 25 sous ; un lieu-dit Momont-la-Vigne, dans la forêt de
Clairvaux, sur les finages de Ville-sous-la-ferté et d’Arconville, figure sur le cadastre ancien, mais ne semble pas
mentionné dans les chartes médiévales.
Blandine Vue mentionne, d’après le dénombrement de la seigneurie de Lanty-sur-Aube, un pressoir banal à
Lanty-sur-Aube en 1584 ; Alphonse Roserot signale l’existence d’un pressoir banal à Ville-sous-la-Ferté vers 1770 ;
En 1789, d’après Emile Jolibois, le prieuré de La ferté-sur-Aube possédait dans cette localité deux pressoirs et des
vignes. Tous ces pressoirs mentionnés à l’époque moderne étaient vraisemblablement plus anciens et d’origine
médiévale.
Le paiement de dîmes de vin ou d’autres redevances sur les vignes sont un autre indice de la présence de
vignes. Selon Emile Jolibois, des habitants de Dinteville payaient des cens sur plusieurs vignes à leur seigneur.
Celui-ci possédait d’ailleurs des vignes car dans cette commune une gravure représentant un aspect du château porte
comme titre : « Aile gauche du chasteau de Dinteville qui fait face aux vignes et aux bois du seigneur »
Les seigneurs
Parmi les propriétaires de vignes, les seigneurs étaient assez nombreux, mais on peut accorder une mention
spéciale aux seigneurs de Joinville dont nous avons évoqué ci-dessus les bienfaits, mais qui gardaient des vignes :
En 1209, Simon de Joinville donna à l’abbaye d’Ecurey dix muids de vin sur ses vignes de Colombé. La famille de
Joinville était sans doute possessionnée dans cette région depuis le mariage d’Etienne de Joinville, le fondateur du
lignage, avec la sœur du comte de Brienne, Engelbert IV, vers 1020.
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Les monastères
L’abbaye de Clairvaux était omniprésente dans la région baralbine, qui attira d’autres monastères.
Malheureusement, si le temporel de Clairvaux, grâce à ses riches archives, a fait l’objet de nombreuses recherches, il
n’en est pas de même pour les autres établissements religieux, et nous ne pourrons donner ici que les résultats de
quelques sondages dans les chartriers.
Les maisons de la région de Bar-sur-Aube avaient tout naturellement et très tôt acquis des vignes dans leur
voisinage : prenant sous sa protection les biens de l’Hôtel-Dieu de cette ville, en 1147, le pape Eugène III mentionna
des vignes à Bar-sur-Aube, Proverville, Rouvres-les-Vignes, Colombé-le-Sec, Thors et en d’autres lieux non
identifiés ; en 1261, un certain Bernard et sa sœur Adeline confirmèrent la donation par leur grand-mère à l’abbesse
et au couvent de Saint-Nicolas de divers biens, dont trois pièces de vignes sises dans les environs de Bar-sur-Aube.
L’abbaye de Basse-Fontaine fut une des mieux dotées dans ces vignobles : un archidiacre de Troyes, lui
donna deux vignes en 1237, l’une à Bertrimont et l’autre près d’Ailleville, vers Bar-sur-Aube, et en 1252, un
bourgeois de Bar, reconnut tenir de l’abbaye de ce monastère une grange, avec un pressoir et ses dépendances,
située l’extérieur de la Porte d’Aube à Bar-sur-Aube, près des moulins du comte, ainsi qu’une vigne à Axival. Par
testament, vers 1191, Agnès, dame de Chacenay, légua à Basse-Fontaine une vigne à Couvignon et à Montiéramey,
le gage qu’elle tenait sur deux vignes à Baroville. Ce monastère reçut d’autres vignes dans la Vallée Houtesains en
1198, à Spoy en 1218 ; deux vignes à Proverville et près de Bar-sur-Aube en 1223, et surtout, en avril 1236, à
Fravaux.
L’abbaye cistercienne d’Ecurey, dans le diocèse de Toul, possédait des vignes à Colombé-le-Sec et
Colombé-la-Fosse, dès la fin du XIIe siècle : en 1197, Geoffroy V de Joinville lui abandonna le droit de vinage
qu’elle lui devait pour ses vignes de Colombé ; En 1218, son frère, Simon, les autorisa à vendre à Joinville le vin de
Colombé, au même moment que les gens du voisinage, mais encore depuis la Pentecôte jusqu’aux vendanges (le vin
se conservant assez mal, les seigneurs, par leur droit de banvin, se réservaient souvent la vente de leur vin pendant
cette période afin de vider leurs tonneaux avant les vendanges) ; Simon, sire de Clefmont, rappelant en 1235, que
son beau-père, Simon de Joinville, a donné à sa fille la terre de Colombé, à condition de donner dix muids de vin par
an à l’abbaye d’Ecurey, acquitta celle-ci d’une redevance de trois muids de vin qu’elle lui devait sur le vinage de
cette même terre. Ce monastère dut conclure un accord avec Clairvaux en 1240 au sujet des dîmes des terres et des
vignes dans ces villages. Désormais les moines d'Ecurey devaient payer à ceux de Clairvaux trois muids de vin et
trois setiers de blé pour les terres qu'ils ont acquises jusqu'à ce jour auxdits finages.
Le prieuré du Val des Ecoliers, près de Chaumont, fut propriétaire de nombreuses vignes dans la vallée de
l’Aube et surtout dans la région de Bar-sur-Aube (Couvignon Fontaine, Proverville, Voigny, Colombé-le-Sec). Il
obtint, en décembre 1216, deux vignes à Bar-sur-Aube, sous le Mont-Sainte-Germaine ; il étendit son vignoble à
Voigny avant juin 1228, à Orges et Cirfontaines après 1236 et à Châteauvillain avant 1245. A Colombé-le- Sec, les
vignes des Ecoliers voisinaient avec celles des cisterciens de Clairvaux : en février 1304, Jean, abbé de Clairvaux,
échangea avec eux une vigne contre une terre dans ce terroir.
L’abbaye de Montier-en-Der, dont nous avons dit qu’elle possédait des vignes dans la région, avait un
cellier à Bar-sur-Aube : en 1255, Lambert, chevalier, fils de feu Pierre Gouin, tenait à cens de Clairvaux deux
maisons sises à Bar-sur-Aube , l’une près du fossé de la ville, et l’autre derrière le cellier de Montier-en-Der.
Une partie de la seigneurie d’Arconville, avec les dîmes, fut possédée d’abord par l’abbé de Cluny. Hugues,
comte de Troyes, la lui avait donnée en 1119 pour son prieuré de Sainte-Eulalie (commune de Bligny). C’est
seulement en 1482 que Cluny vendit sa part à Clairvaux. A cette date l’abbaye de Clairvaux céda à Oudot de
Dortaut, prêtre, prieur de Sainte-Eulalie, seigneur haut, moyen et bas justiciers d’Arconville, divers biens à Urville, à
Bergères et à Couvignon ; en échange le prieur lui abandonna sa haute, moyenne et basse justice, deux parts des
dîmes grosses et menues, des censives, rentes, fours, bois, terres, prés, vignes, hommes et femmes de corps, etc.
Des particuliers
Souvent les vignes apparaissent dans les textes quand elles étaient cédées à un établissement religieux : en
1189, Etienne, l'écrivain de Juvancourt, donna à Clairvaux sa vigne de "Lurnevals", du consentement de sa femme,
et de ses filles. D’ailleurs quelquefois, les vignes sont exclues des donations : Villain, fils de Garnier, céda à
Clairvaux tous ses biens à Saulcy moins, une vigne. En 1202, Herbert de Bayel régla un différend avec l’abbaye de
Clairvaux en lui cédant ses biens, à l’exception des prés et des vignes.
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Un cas particulier, signalé par Blandine Vue est celui d’une vigne qu’un particulier, au contraire, voulut
conserver : En 1292, Hugues de Sainte-Fraygne et sa femme Odette déclarèrent avoir engagé à l’évêque de Langres
ce qu’ils possédaient à Lanty-sur-Aube (terres, prés, maisons, hommes et femmes, bois, moulins, tailles, coutumes,
eaux, pêches, cours d’eau, droits, servitudes, etc.), mais en précisant qu’ils gardaient une vigne au lieu-dit Chaufour,
sans doute parce qu’elle était d’un bon rapport.
En localisant une vigne par les noms de ses voisins, les chartes témoignent de l’importance des petits
propriétaires : en 1189, Robert, fils d'Arnoul, donna à Clairvaux un fruste de terre en "Breicharma", au-dessus de la
vigne de Pierre Fraret ; en 1235, Gautier de Colombé-le-Sec donnèrent à Clairvaux le tiers d'une vigne sise audit
Colombé entre la vigne de Gillebert et celle d'Ebrard, et lui vendirent le reste pour soixante sous forts de Provins ;
en 1238, Etienne Bochut et Anette sa femme vendirent la moitié d'une vigne sise à Colombé, entre la vigne de
l'abbaye et celle de Thibaud, frère dudit Etienne, moyennant soixante sous provinois et deux moitons de froment ;
l’année suivante Arnoul d'Outrepont et sa femme vendirent une vigne sise "sous l'Orme de Baroville", entre la vigne
de feu Jean de Baroville, prêtre, et celle de Jean Loison, moyennant six livres fortes de Provins. Lorsqu’en 1296,
Jean Chatrenot prit à bail une vigne du Val des Ecoliers sise à Bar-sur-aube à Gignival, au-dessous de la montagne
Sainte-Germaine, il est précisé qu’elle se trouvait entre les vignes de Jean Le Frare et de Nicolas Lesclanchier ; le
terrier de l’évêché de l’évêque de Langres, en 1334, mentionne à Lanty, une parcelle « joignant la vigne de Guy de
Gevrolles ».
L’enquête de 1269
Pour évoquer les propriétaires de vignes dans la région, je voudrais évoquer un document mal connu, édité
par Auguste Longnon dans le Tome I de ses documents relatifs au Comté de Champagne et de Brie.
En 1269, le comte de Champagne Thibaud V chercha à trouver des fonds pour financer sa participation à la
VIIIème croisade de saint Louis ; il prescrivit aussi une enquête recensant tous les biens qui ne s’étaient pas acquitté
du droit d’amortissement, compensation financière versée au seigneur féodal lorsqu’un fief relevant de lui tombait
en mainmorte, ce qui était le cas des biens donnés ou vendus à une église et devenus ainsi inaliénables.
Trois rouleaux de cette enquête sont parvenus jusqu’à nous et deux d’entre eux concernent notre région : ils
recensaient les acquêts fait depuis 40 ans dans la châtellenie de Bar-sur-Aube par les églises et par les bourgeois.
Cette enquête eut des suites puisque d’Arbois de Jubainville a pu répertorier quinze chartes d’amortissement
(garantissant le don ou la vente d’un bien à un établissement religieux moyennant compensation), la plus ancienne
connue, datée du 15 janvier 1270, ayant été accordée à Saint-Nicolas de Bar-sur-Aube. Dans ces documents, les
vignes mentionnées ne sont pas très nombreuses, mais ce document n’est pas sans intérêt.
Pour les établissements ecclésiastiques cités dans le premier documents figurent parmi les acquéreurs de
vignes l’abbaye de Clairvaux, mais aussi le Val des Ecoliers, l’abbaye de cisterciennes du Val des Vignes qui venait
d’être fondée à Ailleville et plusieurs établissements de Bar-sur-Aube, le Temple (la commanderie de Thors), le
chapitre Saint-Maclou, le couvent de Saint-Nicolas, le prieuré de Saint-Pierre.
Cette enquête mentionnent quelques bourgeois acquéreurs de vignes : Renier de Reims, écuyer, a vendu 12
ans avant l’enquête à Lorent de Donement, avec une maison, « une vigne qui est à Bar en la coste d’Aube », le
document précisant que cette acquisition avait eu lieu avant que Lorent de Donement ne devienne chevalier, que
Renier tenait cette vigne en arrière-fief du roi (c’est-à-dire du comte de Champagne, roi de Navarre) et que cette
maison et cette vigne valaient 25 livres de rente. Le même Lorent de Donement a acheté à Perron Putemonnoie, 20
ans auparavant, la vicomté de Bar-sur-Aube « en la quele il i a X lb de menu cens et IIII arpens de vigne et une viez
maison ». Un autre bourgeois, bobelot de Chatenay tenait une vigne « qui est à Monion Larrin que il prist o sa fame
qui fu fille de la fille de Girart Gouyn et… cil Girat tenoit cele vigne du fié le roi, et vaut cele vigne XXXV livres ».
Mais le document apporte des précisions intéressantes : « Et avons entendu que il i a un chemin à Bar qui a
nom le chemin du Mont Sainte Germaine, qui souloit avoir IIII toises on plus de lé ; tuit cil qui ont vignes sur ce
chemin l’ont si estrecié que il n’i a que la voie à une charrette ».
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V - LES MODES D’EXPLOITATION
Les convers
L’entretien des vignes de Clairvaux fut d’abord confié aux convers. Mais dès le milieu du XIIIe siècle,
l’extension du temporel viticole de l’abbaye fut tel que la situation devint difficile pour ces convers qui devaient
parcourir de longues distances, et donc perdre du temps, pour gagner leur lieu de travail. Cette main-d’œuvre eut
tendance à se raréfier.
Les vignes cédées à bail
Les vignes claravalliennes
Il fallut donc trouver d’autres modes d’exploitation. On eut d’abord recours à des salariés avant de céder les
vignes à bail, et ceci dès le XIIIe siècle : en 1225, le maître du cellier de Baroville céda à viager à un ouvrier
agricole deux vignes sises à Bar-sur-Aube ; en 1233, Lambert de Baroville, qui avait pris, à titre viager, de
Clairvaux, deux vignes sises devant la Léproserie de Baroville, puis acquis une autre vigne voisine des précédentes,
donna cette vigne à l'abbaye, à la réserve de son usufruit viager ; 1242, une vigne fut donnée à bail temporaire fixe,
avec versement de six deniers payables à la saint Remi. Les baux se généralisèrent alors, pour les vignes comme
pour les autres propriété ; en 1245, Pierre de Crespy et Adélaïde sa femme ont pris de l'abbaye deux vignes sises en
Val Courant ("in Valle Currenti") pour cinq sous de cens payables à la saint Rémi au Cellier près de Colombé-leSec, qu'ils garantissaient sur leur vigne sise en "Larochete".
Les autres vignes
Mais ces modes d’exploitation ne concernent pas que l’abbaye de Clairvaux : en 1219, Pierre de Beurville
devait une rente annuelle de douze deniers à Saint-Nicolas de Bar-sur-Aube sur sa vigne d’Epinvaux ; en 1269,
l’abbesse de Saint-Nicolas de Bar-sur-Aube donna à bail au dernier survivant à un ménage deux vignes sises dans la
région à Bretonvaul et aux Vaussaux. En février 1296, Jean Chatrenot prit à bail au finage de Gignival pour 12 ans
une vigne située au finage de Gignival, au-dessous de la côte Sainte-Germaine ; En 1314, la vigne du Châtelier, sur
la Côte-d’Aube où s’élevait le premier château de Bar-sur-Aube, était afferée à Michel de Villiers-le-Duc, et à sa
femme.
La thèse de Catherine Guyon nous permet de mieux connaître la gestion des vignes possédées par le Val
des Ecoliers dont la presque totalité du vin consommé provenait de la vallée de l’Aube. Dès le XIIIe siècle, elles
étaient données à bail, pour une courte période (deux ans en 1309, pour une vigne prise par Aubry de Bar-sur-Aube),
ou, plus souvent pour une période assez longue : 12 ans pour une vigne prise par Jean Chatrenot en février 1296 ;
19 ans en octobre 1361, pour une autre prise par Jean le Toucheur. Les baux soit en argent (en général 10 sous
tournois à Bar-sur-Aube et de 2 à 4) soit en partie de la vendange, souvent un tiers (André à Cirfontaines en 1328 et
Jean Poquerel à Bar-sur-Aube le 15 juin 1404)
VI - LE VIN DE LA REGION DE BAR-SUR-AUBE
Vins de Bar-sur-Aube et foires de Champagne
Selon l’article de Renée Doehaerd consacré, en 1947, à ce qui se vendait dans le Bassin Parisien au haut
Moyen Age, les foires de Champagne « ont probablement été, aux IXe et Xe siècles des foires à vin, avant de
devenir, au XIIe siècle, les grandes assises du commerce du drap ». Douze ans plus tard, dans sa thèse sur l’histoire
de la vigne et du vin en France, Roger Dion nuança cette opinion en faisant remarquer qu’aux foires de Champagne
s’échangeaient « surtout les marchandises offrant une très grand valeur sous un faible poids que se tenaient
principalement les foires de Champagne », ces produits étant les luxueux draps de Flandre et les produits précieux
d’orient. Ces marchandises voyageaient par voie de terre alors que les vins empruntaient plutôt les voies fluviales.
Or les quatre villes de foires de Champagne sont éloignées de celles-ci.
Pourtant, à Bar-sur-Aube, en 1114, on commercialisait bien du vin, ce qui était aussi le cas dans d’autres
foires, comme en témoigne Le dit des Marchands écrit au XIIIe siècle par Phelippot :
Et sachiez que chevalerie
Doivent marcheans tenir chiers
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Qui la mainent les bons destriers
A laingni, à Bar, à Provins,
Si i a marcheanz de vins,
De blé, de sel et de harenc,
Et de soie et d’or et d’argent,
Et de pierres qui bonnes sont.
Mais était-ce le vin de la région de Bar-sur-Aube ? C’est très vraisemblable pour la foire de Bar-sur-Aube,
peut-être pour celle de Troyes, mais aucune source ne permet de l’affirmer. D’autre part, le vin de Bar-sur-Aube
n’était sans doute pas vendu qu’à la grande foire de la ville, car chaque samedi se tenait dans la ville un marché, où
les habitants de la région pouvaient s’approvisionner.
Une seule des villes de foires de Champagne était proche, et même au centre, d’un vignoble important, Barsur-Aube. Et c’est probablement ce qui explique, selon Roger Dion, le succès du vin de cette région. Citons Roger
Dion : « Si les foires de Champagne ont favorisé le vignoble, c’est d’une manière indirecte, en donnant aux
marchands qu’elles attiraient des occasions d’apprécier les vins du pays et d’en répandre la renommée. Là fut sans
doute l’une des causes de la réputation très enviable dont jouissait en Flandre et en Hainaut, dans les derniers siècles
du Moyen Age, le cru de Bar-sur-Aube. Mais rien, dans ce que nous savons de l’organisation des foires à Bar-surAube, aux XIIe et XIIIe siècles, ne suggère l’idée d’un trafic du vin ». D’ailleurs, le déclin des foires de Champagne
n’eut aucune influence sur le succès du vin de Bar-sur-Aube dans le Nord.
Des vins appréciés, notamment en Flandre
Les vins de Bar-sur-Aube semblent en effet avoir été très appréciés des ducs de Bourgogne maîtres de la
Flandre. En 1386, Pierre Varopel, maître et pourvoyeur de garnisons, c’est-à-dire chargé de l’approvisionnement en
grains, vins et fourrage fut chargé de réunir à Bruges diverses denrées et ustensiles pour équiper le navire du duc qui
devait participer à l’expédition projetée par Charles VI contre l’Angleterre. Parmi les 857 queues de vins
embarquées figuraient des vins rouges de Bar-sur-Aube. Ces vins sont encore mentionnés parmi les achats faits en
1386-1404 par les commissaires chargés d’approvisionner le duc de Bourgogne lorsque celui-ci se rendit dans ses
châteaux de Lille, Arras, Gand et Bruges ; ils figurent en bonne place dans les comptes du sommelier de
l’échansonnerie du duc et garde de ses vins à Arras de 1386 à 1401 ; on en trouve une queue dans les caves ducales
de l’hôtel de la Poterne à Lille en février 1388 ; ils sont mentionnés en 1424 dans une ordonnance de police relative
à la consommation de certaines denrées à Liège. Mais ils sont appréciés aussi à Paris où ils sont présents à l’hôtel du
roi en 1380 ; lors de son voyage vers la Flandre, en 1385, marguerite de Flandre, duchesse de Bourgogne, se procura
du vin de Bar-sur-Aube dans la région parisienne.
Le vin de Bar-sur-Aube n’est pas cité dans la Bataille des Vins poème d’Henri d’Andeli, écrit peu après
1223. Au XVe siècle, pourtant, le vin de Bar-sur-Aube était apprécié, comme en témoigne le Blason des Vins,
ballade écrite en l’honneur du vin de Beaune, comparé à d’autres vins français :
De Sainct Pourçain le gentil bourbonnois,
Et Souvigny je tiens la touche chière,
De Sainct Jangon, aussy de Nivernois,
Le vin de Tiz, Tournon et l’Auxerreois,
Bar-sur-Aube sujet bien à la matière ;
Reims, Epernay peut l’en avoir en cure,
De gastinois rien ne veulx, ne procure.
Cet avis sur la bonne qualité des vins baralbins est confirmée au XVIe siècle par Claude Fauchet qui
développant les raisons qui ont poussé les rois de France à choisir Paris comme capitale écrivit notamment que la
Seine « venant de la basse Bourgogne et Champagne, commençant à porter bateau des son issüe de la ville de
Troyes ; près de Pons sur Seine reçoit la rivière d’Aube, qui apporte les bons vins blancs de Bar-sur-Aube, et les
biens de partie de Bassigny et Perthois ». Le père Fodéré, constatant en 1619 la décadence de la foire de Bar-surAube, précisait que les Flamands et les Lorrains venaient toujours y chercher du vin blanc de la région.
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CONCLUSION
La carte établie à partir de toutes ces données témoigne de l’étendue des vignobles dans la haute vallée de
l’Aube. Presque tous les villages de la région sont cités dans les archives de Clairvaux (surtout si on tient compte
que de nombreux lieux-dits qui n’ont pu être localisés dans un terroir précis) et, de manière plus dispersée, dans
d’autres archives et les blancs que l’on peut repérer sont souvent des sites forestiers.
Aujourd’hui, le vignoble de la Côte des Bars occupe environ 7 000 ha et une comparaison entre les cartes
des villages viticoles du Moyen Age et ceux de l’époque actuelle présentent une très grande similitude : la tradition
viticole développée au Moyen Age dans cette région s’est perpétuée jusqu’à nos jours.
Dans ce développement de la vigne dans la Haute Vallée de l’Aube, le rôle de l’abbaye de Clairvaux peut
paraître essentiel. Mais il faut légèrement nuancer. Si on connaît bien les vignobles claravalliens, c’est grâce à
l’important fond documentaire conservé. Il en est de même pour le vignoble barséquanais grâce au cartulaire de
Molesme.
Les quelques exemples présentés au cours de cet exposé montrent que les abbayes n’étaient pas les seules
propriétaires de vignes. Des laïcs, tant des grands seigneurs, comme les comtes de Champagne ou les seigneurs de
Joinville, que des petits propriétaires disposaient également de vignes. Comme je l’ai dit elles ne sont connues que
lorsqu’elles sont cédées à des établissements religieux… qui sont les mieux pourvus en archives. Mais il est évident
que les laïcs qui donnaient, vendaient ou échangeaient des vignes avec ces établissements en conservaient dans leur
patrimoine.
Et si les établissements religieux et les laïcs favorisaient ainsi la culture de la vigne, c’était pour leur usage
propre, mais aussi parce qu’elle était source de revenus importants, comme en témoigne le droit de banvin qui
permettait aux seigneurs laïcs ou religieux de vendre sans concurrence leur vin. Et dans cette perspective, il est
indubitable que la foire de Bar-sur-Aube, une foire régionale agricole devenue foire internationale, a joué, grâce à
l’action des comtes de Champagne, un rôle important dans l’expansion de la viticulture dans la région.
Loin de toute exhaustivité (dans les archives que j’ai dépouillées, je n’ai trouvé aucun renseignement sur la
viticulture médiévale à Villars-en-Azois et à Silvarouvres1), j’ai aujourd’hui évoqué quelques pistes de recherche, en
espérant qu’un jour un historien développera cette histoire de la viticulture dans la région de Bar-sur-Aube et de
Clairvaux au Moyen Age. Une meilleure connaissance de ces vignobles serait bénéfique pour les historiens de la
viticulture auboise médiévale. Il est notamment dommage que pour le département de la Haute-Marne, on ne
dispose pas d’un dictionnaire de la qualité du Dictionnaire de la Champagne méridionale d’Alphonse Roserot. Il
faudrait pour cela dépouiller minutieusement d’autres sources : archives d’abbayes, de prieurés ou de l’évêché du
diocèse de Langres), y relever toutes les mentions de vignes, de vin, de microtoponymes liés à la viticulture, de
cépages, tous les noms et statut social des propriétaires ; dépouiller des cartes ou des cadastres anciens pour y
relever les toponymes caractéristiques… Ainsi se constituerait une base de données extraordinaire. Voilà de beaux
sujets de recherche …
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Lors des échanges qui ont suivi l’exposé de M. Lusse le 5 septembre à Dinteville, il a été dit que les communes de
Laferté-sur-Aube et Silvarouvres auraient pu dépendre de l’abbaye de Saint-Claude dans le Jura. M. Lusse a le soir
même indiqué des références confirmant ce rattachement, dont les premiers éléments se trouvent dans l’épilogue.
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ÉPILOGUE
La conclusion de la conférence du 5 septembre faisait apparaitre une absence de référence à Villars-enAzois et Silvarouvres dans les documents utilisés par M. Jackie Lusse, dont notamment le cartulaire de Clairvaux.
Au cours des échanges qui s’en sont suivi avec l’assemblée d’une soixantaine de participants, une piste a été donnée
concernant l’éventuel rattachement des prieurés de ces communes à l’abbaye de Saint-Claude dans le Jura.
Le soir même, dès son retour à domicile, M. Lusse a entrepris une recherche dont les premiers éléments se
trouvent dans un courriel adressé en fin de soirée le même 5 septembre 2015. En voici le principal extrait :
« Comme promis, j'ai fait quelques recherches sur le prieuré de la Ferté-sur-Aube. Ce n'est pas très facile, ce qui
explique l'heure tardive de cet envoi.
Le prieuré de La Ferté-sur-Aube dépendait bien de l'abbaye Saint-Oyand (ou de Saint-Claude)
Aucune source n'a été imprimée
Le fonds du prieuré de La Ferté est conservé aux archives départementales de la Haute-Marne sous la cote 20 H. Il y
a apparemment 6 dossiers contenant des actes de 1298 au XVIIIe siècle. Malheureusement ce sont les seules
indications qu'on trouve sur le site internet des archives de Chaumont. Une consultation de l'inventaire imprimé de
la série H pourrait peut-être déjà donner quelques idées de l'importance du fonds.
L'inventaire du fonds 2H (abbaye de Saint-Claude) des archives du Jura indique de façon très laconique qu'il aurait
des actes concernant La Ferté-sur-Aube des années 1141-1756 mais aucune précision sur le contenu.
Les Archives du Jura possèdent aussi un cartulaire de l'abbaye puis évêché de Saint-Claude daté de 1745. Selon
l'inventaire des cartulaires français de Stein, ce cartulaire serait composé de 4 vol de 514, 372, 399 et 400 ff. La
charte la plus ancienne est de 1184.
Toujours selon l'inventaire de Stein, la bibliothèque de l'évêché de Saint-Claude conserverait un cartulaire sur papier
de 5 volumes de 282, 764, 130 pages et 99 ff (ce qui ne fait que 4)
Enfin, la bibliothèque de la ville de Besançon possède, toujours selon Stein, un recueil de titres relatifs à l'abbaye de
Saint-Claude (collection Droz, manuscrit n° 42), daté du XVIIIe siècle et contenant des actes de 1100 à 1484.
Mais je n'ai trouvé aucun inventaire du contenu de ces cartulaires, ce qui fait que je ne sais pas si on parle de La
Ferté.
Sur internet on peut télécharger une histoire de l'abbaye de Saint-Claude de Joseph Paul Augustin Benoît, en deux
gros volumes de 1890 et 1892 (près de 1800 pages), le tome 1 sur Gallica, le tome 2 sur le site allemand de la
bibliothèque de Münich. On peut accéder facilement à ces téléchargements en passant par l'article abbaye de SaintClaude sur Wikipédia (§ sources et bibliographie). Je les ai parcourus rapidement ; la table des matières est très
détaillée ; il y apparemment quelques renseignements sur les prieurés champenois, mais je n'ai pas eu le temps de
rentrer dans les détails.
Voilà donc tous les renseignements que j'ai pu trouver... A part les dossiers des archives de la Haute-Marne (et
encore, quelle est leur importance ?), je crains, hélas, qu'il n'y ait pas beaucoup de choses. »
Grand merci à M. Lusse, puisque sans plus attendre, nous avons téléchargé le volume 1 de l’histoire de
l’abbaye de Saint-Claude de D. P. Benoît (1890). Comme annoncé par M. Lusse, il est question de « Fondations de
nouveaux prieurés en Champagne » (pages 478 à 480). On apprend que ce serait vers 1076 que le comte de Bar-surAube aurait fondé dix ou douze prieurés, dont 6 dans le diocèse de Langres. Les deux premiers à Bar-sur-Aube et
sur la Montagne Sainte Germaine voisine, puis un à Laferté-sur-Aube, un autre à Silvarouvres, un à Dinteville et
enfin le sixième à Cunfin. Concernant ces villages, on apprend que :
« "Tous ces lieux se trouvent sur les bords si riants de l'Aube, au milieu d'un bassin très fertile, dont le fond s'étale
en riches prairies, qui possède des côteaux aux vins renommés et qui est couronné à droite et surtout à gauche par
des montagnes couvertes de riches forêts. »
Les membres de l’association sont motivés pour prolonger ces recherches et les porter au dossier historique
de la haute vallée de l’Aube champenoise. À suivre donc…
Association de la Haute Vallée de l’Aube Champenoise
Septembre 2015
(Imprimé par nos soins)
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