Piracci - WebLettres
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Plan détaillé de commentaire L’extrait se situe dans les dernières pages du chapitre 7 intitulé « L’homme Eldorado ». Le commandant Piracci commence son voyage. Ebranlé par le récit de la femme du Vittoria, le refus de sauver l’interprète achève de lui donner des doutes quant à la valeur de son travail et surtout quant au sens de sa vie. C’est encore un départ qui est raconté au lecteur, un départ et un adieu, comme c’était le cas dans le précédent extrait où Soleiman disait adieu à sa ville. Dès lors nous verrons comment ce départ devient pour le commandant Piracci abandon volontaire de toute une vie, abandon de soi. I- Un départ qui nécessite force et détermination. 1- La volonté de Piracci • « à la seule force de ses bras », « Il s’arc-boutait […] des vagues », « il poussait […] en bois », « à la force lente des bras », « A chaque vague […] têtu », Répétition de « vigueur » dans le 1er paragraphe. Ces nombreux exemples traduisent la détermination du personnage, sa force, et le désir de ne pas se laisser porter par les événements mais de prendre en main son destin. • La première phrase est particulièrement forte : pronom « tout » qui marque l’absolu, adverbe d’intensité « si », vocabulaire fort « extraire », « engluée », termes à connotation péjorative par leur emploi dans une métaphore qui crée une forte impression d’attachement, d’enlisement. 2- son activité, sa force, s’opposent à l’image d’une ville passive : • Il fuit une existence bourgeoise sans histoire à Catane comme l’indiquent la personnification et la comparaison « Catane, derrière lui ronflait comme un curé après un bon repas ». • Le personnage, lui, se met en marge de la société : « comme un voleur ». La nuit est complice de son départ, il peut partir « à l’insu de tous ». Elle paralyse la ville « pesait sur les hommes et les engloutissait » : la métaphore et la personnification mêlent l’élément aérien et marin pour renforcer cette idée d’immobilité. 3- Cette détermination n’est toutefois pas incompatible avec le questionnement du personnage. e • Cf. le passage du début du 3 § Le discours direct, la fréquence du pronom « je » et la forme interrogative nous montrent un personnage seul face à lui-même, la position de sujet et de complément montrent en effet qu’il est la matière de son discours. En effet c’est un changement radical qui attend le personnage, ce « vertige » est pour le moins ontologique. La ville est donc marquée par la pesanteur, la quitter demande un effort particulier du personnage qui y met toute sa force, mais qui en vient à douter, à perdre ses repères. II. Une perte des repères et de l’identité 1- Le commandant abandonne son ancienne existence, toute sa vie, mais également son identité. • «extraire sa vie […] engluée », « quelques affaires […] il l’abandonnait », « Il prit le temps […] il ne reviendrait plus », « Il repensa […] de tout cela » Dans le second exemple, on note une antithèse entre « affaires précieuses » et l’énumération qui suit, cela suggère que le personnage laisse vraiment tout, ses valeurs ont aussi changé. • Comme dans le texte précédent, on retrouve les thèmes de l’adieu et de la nostalgie naissante, cf gradation « ces gestes et ces habitudes qui font une journée, une semaine, une vie » 2- ambiguïté de l’adieu à une ancienne vie qui s’apparente à un suicide • Le personnage évoque explicitement la possibilité de la mort « mourir cette nuit ». Mais la narration dissémine également ce thème tout au long du texte : • « me dissoudre en haute mer » : les termes sont forts, c’est son humanité même qui est remise en cause, le verbe « dissoudre » donne l’image d’une fusion avec l’eau – n’est-il plus qu’un corps sans âme ? cf l’expression « se vider » qui évoque la fuite de l’âme. La métaphore animalière « silence de poisson » suggère aussi cette fusion avec l’élément marin. • « adieu à la ville, à sa vie » le lyrisme créé par le parallélisme et l’assonance en [i] nous place dans un langage poétique, et autorise une double lecture, « vie » = vie de capitaine de frégate, ou bien « vie » tout court, en tant que contraire de la mort. • De la même manière, la répétition par trois fois de la proposition « il repensa » évoque le bilan d’un homme qui fait défiler le fil de sa vie avant de mourir. • « le noir épais de la mer » clôture notre passage en alliant à nouveau l’eau et la nuit pour en faire un élément inquiétant. Cette image négative est renforcée par la négation et la restriction « il n’y avait que » et à l’idée de l’insaisissable et de l’infini : « à perte de vue » Cet extrait est en partie programmatique, la présence du thème de la mort annonce la fin malheureuse du personnage, et met également en place le thème de la « dissolution » du personnage, qui sera repris dans l’excipit du roman.