memoire Sidonie Chevalier - Réseau Politiques Enfance Jeunesse

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memoire Sidonie Chevalier - Réseau Politiques Enfance Jeunesse
Université Toulouse II – Le Mirail
UFR Sciences Espaces et Société
Département des Sciences de l’éducation et de la formation
Unité mixte de recherche
Éducation, Formation, Travail, Savoirs
Culture scolaire, culture théâtrale
artiste-enseignant
un partenariat à inventer
pour la relance de l'éducation
Mémoire de Master II politiques enfance jeunesse
présenté le 16 septembre 2014
par Sidonie Chevalier
Sous la direction de
Dominique Broussal
Tuteur de stage
Bruno Houlès, directeur de la MJC de Rodez, Aveyron
Membres du jury :
Dominique Broussal
Maitre de conférence en Sciences de l'éducation et de la formation , université Université
de Toulouse II le Mirail, Membre de l’Unité mixte de recherche Éducation, Formation,
Travail, Savoirs de Toulouse
Véroniques Bordes
Maitre de conférences en Sciences politique et jeunesse Université de Toulouse II le
Mirail, Membre de l’Unité mixte de recherche Éducation, Formation, Travail, Savoirs de
Toulouse
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Remerciements
Je remercie, la directrice de formation Véronique Bordes pour m'avoir fait confiance et
soutenue dans les périodes de doutes durant cette année de master.
J'adresse ma profonde reconnaissance, à mon directeur de mémoire, Dominique Broussal,
pour m'avoir montré tout à la fois la permission de la liberté et la nécessité de l'exigence. Je
le remercie de m'avoir toujours donné la possibilité de « ne pas m'en tenir là ». Je le
remercie également de m'avoir appris dans sa démarche la vraie définition du mot
accompagner.
Je remercie mon directeur de stage Bruno Houlès pour m'avoir mis entre les mains la
question de commande et de recherche, du rôle de l'artiste à l'école, question ouverte qui
porte en elle un enjeu de société pour demain. Je remercie également Nora Triby,
coordinatrice de la MJC de Rodez pour sa disponibilité sans égale.
Je remercie ma famille et particulièrement mon frère qui a relu, corrigé avec plein
d'attention et de patience et mon compagnon qui a su s'accommoder de ce travail en
prenant part à mes questionnements autant méthodologiques que théoriques.
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Sommaire
Introduction............................................................................................................................5
La MJC de Rodez : quel est le rôle de l’artiste à l’école ?................................................6
1 Contexte de la commande : l’action culturelle pour les jeunes...........................................9
1.1 Renforcement d’une action jeunesse pour la culture ?................................................9
1.2 Initiatives de la MJC : des jeunes et des artistes........................................................10
2 Contexte de la commande : son partenariat avec la communauté éducative....................14
2.1 Rappel historique : l’éducation artistique et culturelle..............................................14
2.2 Les actions culturelles de la MJC dans le système scolaire.......................................16
3 Problématique....................................................................................................................20
4 Ouverture thématique et conceptuelle...............................................................................22
4.1 Place de l'art et de l'artiste dans la société.................................................................22
4.2 Rôle de l'art et de l'artiste dans la communauté éducative........................................25
4.3 Un modèle : la reprise artistique et esthétique de l'éducation....................................29
4.4 Le théâtre dans son processus réception ...................................................................34
4.5 Culture scolaire et culture théâtrale, vers le partenariat............................................38
5 Méthodologie.....................................................................................................................50
5.1 Premières lectures......................................................................................................50
5.2 L’entretien sa construction et sa mise en œuvre........................................................51
5.3 Genèse des thèmes de la recherche ...........................................................................53
5.4 Opérations de catégorisations....................................................................................55
6 Résultats : Tableaux synthétiques......................................................................................59
7 Analyse comparative des représentations artistes et enseignants......................................63
7.1 Le théâtre...................................................................................................................63
7.2 Le partenariat enseignant – artiste.............................................................................82
8 Synthèse des analyses .......................................................................................................99
9 Discussion.......................................................................................................................101
9.1 Sur la ligne de fuite de l'artiste................................................................................101
9.2 Pour un devenir-dansé de l'enseignant.....................................................................104
9.3 Pour une réconciliation du sensé et du sensible.......................................................107
9.4 Pour un partenariat de l'être-avec.............................................................................111
Conclusion .........................................................................................................................116
Bibliographie .....................................................................................................................117
ANNEXES.........................................................................................................................121
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Introduction
« Pour chercher il faut sortir du contexte » a déclaré le metteur en scène Peter Brook.
(Brook,1991). C’est à l’aune de cette citation que j’ai voulu déposer une expérience
professionnelle. Remettre en cause une posture, se détourner, quitter un système de
références. Depuis une dizaine années, j’interviens comme animatrice d’ateliers d’écriture
auprès d’un public que j’ai toujours souhaité le plus divers possible. Il s’agissait
jusqu’alors pour moi de redonner à chacun la permission d’écrire. De montrer que chacun,
de là où il était, pouvait s’emparer d’une même proposition d’écriture, et en émettre son
propre « son », travailler sa singularité. Je suis devenue à la fois suffisamment aguerrie
dans une pratique et en même temps, de plus en plus souvent, confrontée à des situations
d’écritures dans lesquelles les participants ne dépassaient plus le stade de l’expression
personnelle. Je tournais dans le même sens. Revenant sur des acquis. Les acquis devenant
des recettes. Sans tirer d’autres fils. C’est dans le temps de cette phase critique sur mon
travail, que je me suis aussi questionnée sur les lieux dans lesquels j’intervenais. Le lieu, sa
fonction, le personnel accueillant les relations avec les tiers, enseignants, éducateurs,
travailleurs sociaux. Finalement, s’est posée la question de savoir ce que je venais faire à
l’école, dans la prison, à l’hôpital. Ce que signifiait l’intervention de l’art et la création
dans un autre lieu, avec d’autres codes, d’autres normes. Car il y avait quelque chose de
lisse et polie dans le fait de venir « faire atelier ». Une adéquation de départ, une entente
potentielle, un consensus autour de l’art, entre l’enseignant et moi même. Mais Au-delà,
qu’est ce qui se jouait entre nous ?. Qu’est ce qu’il en restait après ?. Qu’est ce qui pouvait
se construire, qu’est ce qui allait changer pour l’un et l’autre dans nos pratiques, nos
manières de faire ?, Est ce que le « devenir musical » de l’écriture pouvait devenir l’arc
tendu de la classe ?. Chercher autour. Sortir du contexte. M’inscrire dans une recherche.
Chercher, chez les autres ce qui se dit, ce qui se fait, ce qui s’adresse, se pense en matière
de création et comment par confrontation peuvent se réajuster des médiations, des
pratiques. Et parce qu’il y a une entente à dire que créer a bien à faire avec l’école, trouver
aussi le temps de dépasser ce consensus. Mettre en discussion, en débat les points de
« frottements et de rencontres » pour leur donner une perspective nouvelle celle de
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repenser la place faite à l’art et sa fonction dans notre société contemporaine.
Dans le cadre d’un master 2 en Politiques Enfance et Jeunesse, j’ai donc commencé mon
stage de recherche à la MJC de Rodez. La question de départ posée par Bruno Houlès, le
directeur de la MJC, allait trouver un écho avec ce qu’il m’avait été donné de charrier ces
dernières années et ce qui m’avait forcé à l’arrêt. La question : quel est le rôle de l’artiste à
l’école ?, Bruno Houlès se la posait pour des raisons propres au fonctionnement de sa
structure, sans doute elle aussi et nous le verrons plus tard, dépendante d’un besoin de
restituer des priorités. Autre chose, faisait clignotant pour moi, l’emploi du mot « artiste »
non pas l’animateur, l’intervenant mais l’artiste sa spécificité, son statut. Le mot artiste
venait doublement m’interpeller. D’une part, dans ce que j’avais décidé de ne pas être, une
artiste, et d’autre part, implicitement, venait orienter et émanciper la démarche de
recherche, m’autorisant à définir ce qu’est l’artiste.
La MJC de Rodez : quel est le rôle de l’artiste à l’école ?
Quel est le rôle de l’artiste à l’école ?. La question est loin d’être anodine, dans un contexte
de réforme éducative ou le « comment transmettre » et ses finalités sont un enjeu nouveau.
La question est loin d’être superficielle dans un monde en bouleversements, à la recherche
d’un espace sensible qui tient compte du réel pour le rendre habitable. (Prigent, 2004).
Quel est le rôle de l’artiste à l’école ?. La question, Bruno Houlès l’appréhende aujourd’hui
à travers un projet culturel qu’il porte avec convictions. La programmation de la MJC : 36
spectacles par an, autant de visions du monde ou comme pourrait le dire Nicolas Bourriaud
de micro utopies (Bourriaud, 2000). L’artiste ,il sera question dans ce mémoire du
comédien et du metteur en scène, est au cœur de la programmation de la MJC. Il est aussi
partie prenante dans la sensibilisation et l’imprégnation artistique. Il va dans la classe. A
l’école au collège. Mais y a t-il une pertinence à ce que l’artiste intervienne à l’école ?, Où
doit-il être ailleurs ?. La MJC croit aux bienfaits de l’art. La MJC croit surtout à la place de
l’artiste au sein de la communauté éducative dans ce que l’artiste vient déstabiliser, et
ébranler. En toile de fond, il est important pour moi ici, de rapporter alors, ce que Bruno
Houlès avançait dans nos premières entrevues. Bruno Houlès parle alors de « contact
physique » entre élèves et artistes. Parce que le corps est la matière première du théâtre.
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Parce que le comédien qui intervient auprès des élèves pose d’abord, le corps. Le corps
debout. Le corps si souvent contraint à l’école. Mais aussi parce que l’artiste, intervenant,
crée une « zone de développement proximale » (Vygostki, 1985). Parce que l’artiste dans la
recherche artistique de l'enfant collabore avec lui, cherche avec lui.
Quel est le rôle de l’artiste à l’école ?. La question est le constat d’incompréhension et de
malentendus entre le monde de l’art, ici théâtral et le monde scolaire. Pour Bruno Houlès,
faire venir les classes de collèges et de lycées à la MJC ou faire rentrer un artiste à l'école
ne va pas de soi. La question de Bruno Houlès émerge en effet d'un lieu, la MJC de Rodez
qui porte à la fois les valeurs de l'éducation populaire et celle d'un lieu de création
exigeante. Loin de les séparer, faire rentrer les jeunes dans un processus de création devient
pour eux, une autre étape. Cette fois, non plus seulement dans la découverte d'une activité
artistique, qui souvent peut apparaître comme consommée, mais au contact d'un artiste,
dans le travail sur soi qu'elle impose et revalorise. La pertinence de ses actions invite la
MJC à solliciter le monde scolaire et « à le contaminer » d'un effort artistique restaurant
l'éducation, elle même se disant en crise. C'est la spécificité théâtre qui est également en
jeu. Car le théâtre est présent à l'école, est étudié par les professeurs de Français. Le
comédien lui aborde le plus souvent le théâtre par la pratique. Le professeur y voyant de
quoi complémenter sa discipline en fait souvent un outil de réappropriation pédagogique.
Aussi, n'est-il pas fondamental alors, de redéfinir le théâtre comme art vivant, c'est à dire
lieu d'école du spectateur nous faisant rentrer dans un vraie pratique de réception du monde
sensible et intelligible, pratique venant remettre l'humain en mouvement. Le théâtre est
aussi le jeu, via, l'école, l'artiste qui propose outils, gestes et règles nouvelles. Le théâtre
défiant les habitudes, la personne étant la matière de travail, vient directement remplir le
déficit du sujet dans l'école et en cela s'y confronter. N'est ce pas dans cette réappropriation
d'une définition du théâtre, qu'il faudra trouver des repères et des solutions face aux
difficultés ?. Les propositions, les dispositifs de la MJC montrent leurs limites et leurs
insuffisances. La jonction d'un lieu de création et du milieu scolaire est celle d'une
rencontre de l'économie « flirtant » avec un mode social de consommation de la culture,
dans une visée de résultat et d'égalité à tout prix. Mais c'est aussi une rencontre qui
n'affronte pas les malentendus. Or Intérêts et objectifs ne peuvent plus coïncider à travers
un consensus de façade qui esquive les questions les plus délicates. L’artiste, alors, n’est-il
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plus seulement, l’être périphérique mais ne pose t-il pas les jalons de ce que devrait devenir
l’éducation entière « dans un rapport à soi inter-corporel » (Wallon, 2006) dans une
restauration de l’élève-sujet ?. La relance de l'éducation à travers un partenariat doit peu
être, être interrogée au niveau le plus « bas », celui d'un artiste et d'un enseignant. L'un et
l'autre ont- ils mesuré la nécessité de ce partenariat ?. Ont-ils pris le risque de la
confrontation de leurs cultures ?. Le partenariat se doit en amont de poser sa genèse. A quoi
peuvent travailler ensemble, artistes et enseignants, en sachant que chacun à une identité à
défendre. Bruno Houlès a bien conscience de la nécessité à interroger les modalités de ce
binôme. Est ce du côté d'une médiation ou d'un accompagnement de la relation? Le travail
de recherche et d'analyse aura ici son rôle, 'aide à la décision et aux préconisations.
Dans un première partie, je dresserai donc un état des lieux de la structure et des dispositifs
qu'elle propose pour la communauté éducative. Puis, dans une seconde partie théorique et
conceptuelle, j'aborderai les thèmes partagés par les deux mondes à savoir, l'objet théâtre
et un dispositif, celui du partenariat. Puis, dans une troisième partie, les entretiens m'
auront donné une matière nécessaire pour un travail d'analyse comparative des
représentations sur le thème théâtre et partenariat, coté enseignant et artiste. L'analyse
m'amènera alors à une troisième partie, celle de la discussion. J' exposerai à travers le
portrait de deux figures, à priori antagonistes, une perspective de mise en œuvre des
éléments de préconisations pour la MJC de Rodez afin qu'elle puisse peut être rénover le
travail non seulement des propositions autour de la pratique théâtrale, mais rénover aussi,
au cœur les manières de faire et de construire le partenariat.
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1 Contexte de la commande : l’action culturelle pour les
jeunes
1.1 Renforcement d’une action jeunesse pour la culture ?
Tout d’abord, il s’agit de replacer la question de la MJC dans un contexte local de
développement et d’aménagement de nouveaux lieux culturels à Rodez et sur la commune
avoisinante, d’Onet le Château. En effet, on voit aujourd’hui se dessiner une nouvelle
configuration culturelle autour notamment du spectacle vivant et sur l’espace
communautaire. Aujourd’hui, la MJC se trouve confronter à l’installation de nouveaux
opérateurs sur le terrain : un cinéma multiplexe, un musée Soulages mais surtout une salle
de spectacle « la Baleine » à Onet-le-Château, d’une jauge deux fois plus importante que
celle de la MJC. Loin de rentrer en concurrence, les acteurs ont su d’emblée s’allier,
trouver des complémentarités dans le choix des spectacles, des mutualisations dans la
diffusion, une promotion du travail en commun sur les résidences et la médiation, une
cohérence dans l’affichage de leur programmation (les spectacles de la Baleine étant
annoncés dans les programmes MJC). Cependant, cette nouvelle configuration oblige aussi
un repositionnement de chacun des acteurs. L’occasion est alors pour Bruno Houlès de
renforcer son action pour la jeunesse et de suivre l’axe d’une politique culturelle pour la
jeunesse.
Qu’est- ce qu’une politique culturelle pour les jeunes ?, qu’est ce que l’action culturelle
pour les jeunes aujourd’hui ?. A l’évidence la culture pour la jeunesse n’est pas une priorité
du gouvernement. Le dernier rapport interministériel de François Hollande s’intitule «
priorité à la jeunesse », se définissant en 43 chantiers, la culture arrive en 40 ème position.
Elle est éternellement réduite à l’objectif de démocratisation. La culture pour tous et pour
le plus grand nombre étant principalement la culture de l'élite. Son accès visant à effacer
toute formes d'inégalités, mettant tout le monde d'accord sur ce qu'est l'art et ce qu'il n'est
pas, dans une sorte de lissage cherchant à oublier l'art comme forme subversive. De quoi
parle t-on quand nous évoquons la culture et la jeunesse ?. Si les institutions prennent en
charge, nous le verrons, l’éducation artistique et culturelle à l’école maternelle et primaire,
elle reste fortement réduite au collège et au lycée. Quand les jeunes ont un projet artistique
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les services culturels et jeunesse des mairies minimisent la dimension culturelle et les
renvoient au volet social. Pour répondre à l’envie de culture des jeunes, l’offre des
institutions de type médiathèques et musées, est encore trop restreinte. Donc, en dehors de
l’école et pour assouvir leur envie de faire, de pratiquer, les jeunes peuvent se tourner vers
des associations, telles que les MJC, s’inscrire dans un atelier ou un stage. En 2009 l’Injeep
réunis des professionnels de la culture, des élus, des associations de l’éducation populaire
autour de la question : une politique culturelle pour le jeunes ?. Les débats mettent
notamment en exergue le fait que les jeunes déprécient ou ne valorisent pas eux-mêmes
leurs pratiques parce qu’ils ont intégré quelles ne faisaient pas partie de la culture.
L'acquisition légitime de la culture légitime organiserait « un ensemble de thèmes de
perception et d'appréciation, d'application générale » (Bourdieu, 1982, p 28) qui fonderait
alors l'unité des goûs et des pratiques culturelles suivant la classe sociale. Ce constat
perpétue l’idée que la culture légitime ne serait pas pour eux et met en avant l’absence
d’une politique d’accompagnement qui ne puisse se réduire aux facilités d’accès tarifaires
par exemple. Les préconisations de l’Injeep ont estimé la nécessité d’ un accompagnement
des jeunes dans les lieux et les manifestations culturelles, le développement de l’éducation
artistique comme pratique artistique et expérience esthétique, le développement d’espaces
indépendants, lieux alternatifs ou niches d’autonomie ou les jeunes puissent inventer
d’autres expressions, l’articulation de culture instituée et culture émergente, le
développement d’une politique culturelle non seulement pour les jeunes mais aussi avec les
jeunes.
1.2 Initiatives de la MJC : des jeunes et des artistes
En ce qui concerne la MJC de Rodez et son action culturelle pour la jeunesse, la voie est
déjà ouverte. La MJC est déjà un lieu de ressource pour les jeunes. La structure MJC de
Rodez situe son engagement à l’intersection de trois secteurs d’activités : l’action jeunesse,
les clubs d’activités et l’action culturelle. L’action jeunesse au sein de la MJC est traitée de
manière transversale. Elle occupe à la fois les missions courantes de la MJC comme les
offres d’activités, elle est présente dans le volet culturel à travers nous le verrons, des
actions spécifiques.
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A la MJC, 70 clubs d’activités sont proposés. En 2013, la MJC sur 2600 inscriptions pour
les activités, 529 sont des jeunes de moins de 26 ans dont 43 % sont enregistrés sur des
activités culturelles. La MJC est également très engagée dans la prise en compte des
projets émergeant de jeunes eux mêmes, comme la naissance de certaines activités, de
collectifs. Les jeunes sont devenus acteurs de leurs projets jusqu'à défendre ces mêmes
projets devant les élus. La MJC déplace alors l'idée d'une culture consommée vers une
culture comme projet activité, action, réalisation. Ce Mouvement vient mettre en valeur la
singularité de la personne et en cela, s'oppose à l'école qui laisse peu de place à l'élève
sujet. Ce que je voudrais pointer, c’est que la MJC dans son fonctionnement a su prendre
en compte les pratiques des jeunes en leur laissant une liberté de champs d’actions
diversifiés et sans nivelage. Ce qui amène une reconnaissance du caractère pluriel de la
culture, conjuguant la culture légitime et favorisant des expressions plus vernaculaires sans
pour autant les confondre. Il est certain que cette adhésion de l’équipe MJC aux pratiques
dites jeunes, jusqu’à les responsabiliser dans leur choix, a permis de créer « un bouillon de
désirs » et de travailler à la régénérescence de ces désirs au sein de la structure ce qui va
faciliter l’ouverture sur d’autres possibles, comme celui d’ actions en contact direct avec
l’art, l’artiste.
En effet, l’action culturelle devient aussi le ressort de l’action jeunesse avec le volet
sensibilisation et médiation. Il est nécessaire de venir préciser que dans le paysage des
MJC de Midi Pyrénées, la MJC de Rodez semble sortir du lot, de part une programmation
culturelle exigeante accès sur le spectacle vivant, le soutien aux artistes et aux compagnies,
la diffusion et la résidence. C’est donc avec et à partir de cette ressource des artistes, que
Bruno Houlès souhaite mener la réflexion. En confrontant les adolescents à un processus
de création qui au-delà de la pratique divertissante hebdomadaire, leur donne l’occasion de
s’immerger et de se concevoir comme singularité dans un frottement des désirs et des
représentations de chacun. Pour Bruno Houlès, il s‘agit d’envisager la culture comme
mode de construction de l’individu et non plus comme la seule possibilité d’accès à des
biens de consommations culturelles.
Les projets de résidence sont alors les matrices de cette volonté politique de faire participer
la jeunesse. Au-delà de leur fonction première d’apporter une aide à la diffusion et la
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création d’une compagnie, la résidence dans son dispositif est à même de répondre à des
projets de développement. La présence d’un artiste sur le territoire peut devenir alors un
moment de partage et de rencontre avec la population. Optimisant cette présence de
l’artiste sur un terrain et dans le sillage de ces convictions, Bruno Houlès va initier des
rencontres artistes-jeunes, à partir de 2005. Il est d’ailleurs fort de constater que bien
souvent les artistes ont une sorte de penchant naturel à vouloir travailler avec des
adolescents autour du « faire artistique ». Un faire « bricolé » se situant du côté de
l'expérimentation, un faire qui déplie les gestes et les corps dans un processus de création,
un faire qui vise la valorisation du singulier, l'émancipation et l'interprétation de soi. Un
faire du rapport et qui a avoir avec l'éducation. Je rapporte en annexe, les petites
monographies de quelques projets menés avec des artistes en direction d’adolescents. Ces
exemples montrent que « l’axe jeunesse » pris par la MJC aujourd’hui, va se ferrer et
s’imposer suite à ces diverses expériences vécues par les jeunes eux-mêmes du côté de
l’art. (voir Annexe 1 projets). Ainsi nous pouvons constater que de 2005 à 2013, les projets
artistes adolescents n'ont cessé d'aller de plus en plus en loin dans leur mise en contact et
en cause autour d'une réalisation servie par la notion de l'engagement. Engagement dans la
durée et sur des temps hors-classe. Engagement dans la création. Les projets ont en
commun, de choisir des jeunes volontaires, de partir de leur savoir faire, de valoriser
chacun d'eux autour d'un objectif commun en construction.
En Novembre 2014, Bruno Houlès emmène son projet autour de la jeunesse un peu plus
loin. En partenariat avec trois autres structures, trois territoires que sont Marionnetissimo
(Tournefeuille, Midi Pyrénées), la MJC (Rodez, Midi Pyrénées) et les RTA (Laval,
Québec), la ville de Rodez devrait accueillir à son tour, sur le modèle québécois, les
premières rencontres de théâtre pour adolescents des pays francophones. Il est d’abord le
fruit d’un historique de projets communs antérieurs. Initié en 2008, « Territoires Mémoires
Fictions » avait déjà permis d’ouvrir la porte à des rencontres artistiques sur les territoires
Midi Pyrénées-Québec, en encourageant l’échange entre les artistes de chaque régions, en
fédérant les structures culturelles de deux territoires autours de formes théâtrales
méconnues. Les objectifs de ce nouveau projet étant de sensibiliser le public adolescent à
l’art théâtral et marionnettiste, de mettre à profit l’expérience de trois structures dans le
domaine de la médiation culturelle à destination des publics adolescents, de permettre aux
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jeunes de se rendre sur les deux territoires, d' impulser des initiatives, de développer une
réflexion des acteurs culturels et professionnels de la culture et de l’éducation sur la
médiation culturelle à destination de ce public spécifique.
La MJC poursuit ainsi sa thématique : comment intéresser les adolescents au théâtre ?,
comment réunir ces deux mondes ?, faut-il développer un théâtre pour adolescents ?, et par
là forger une action culturelle en direction de la jeunesse qui n’est pas du côté de la
consommation mais qui relate une histoire avec eux. Présumer que la jeunesse peut
s’intéresser au théâtre est profondément optimiste et source de création. C’est aussi
affirmer que le théâtre est bien le lieu des interprétations multiples faisant passer de la
scène au public, permettant de faire et de juger ce faire. « Faire », faire avec l’artiste, aller
au bout de soi comme des grands. Certains jeunes s’y sont déjà initiés. Dans ce projet de
rencontres théâtrales, c’est une autre marche qui leur est donnée de monter celle de devenir
aussi spectateur critique, de confronter leurs expériences, d’aiguiser leur avis, de faire des
choix. De se construire comme spectateur émancipé. (Rancière, 2008).
Il n’en reste pas moins que ces expériences ne touchaient qu’un public potentiellement déjà
acquis. Un public de jeunes pratiquant déjà le théâtre par exemple dans les ateliers de la
MJC (ou ailleurs) et s’engageant de leur plein gré, par désir, désir de scène, désir
d’expression, désir d’y être. L’objectif de Bruno Houlès aujourd’hui est de toucher d’autres
jeunes et c’est aux collèges et aux lycées que nous allons les trouver. Ceux aussi qui
n’iraient pas de leur plein gré au théâtre ou dans un atelier de théâtre, mais qu’une action
artistique au collège et au lycée, certes dans un cadre obligé, pourrait peut être éveiller au
même titre. Mais plus encore, n'est ce pas aussi la question de la relance et des objectifs de
l'éducation artistique à l'école qui est en jeu ?. Le travail d'analyse et de recherche autour
de la question du rôle de l'artiste à l'école mettra en exergue les représentations de
l'éducation artistique à travers la spécificité thêâtre et montrera si les mêmes objectifs sont
reconnus par la communauté éducative. Le partenariat culture artistique -culture scolaire
connait son historicité. Les dispositifs se sont accumulés les uns après les autres et le
consensus autour de l'art à l'école est approuvé par les politique mais peut être en a t-on
oublié la finalité Après un rappel historique de l'éducation artistique, je poserai les actions
de la MJC vers les collèges et lycées
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2 Contexte de la commande : son partenariat avec la
communauté éducative
La question du rôle de l’artiste à l’école se verbalise également dans un contexte de
reforme éducative et plus précisément celui de la circulaire des ministères conjoints de
l’Education, de la Culture et du Ministère Jeunesse et Sports de Mai 2013. Le projet de loi
sur la réforme de l’éducation intègre dans l’article 6 des parcours culturels et artistiques
organisés tout au long de la scolarité des élèves. La complémentarité, les notions de
parcours et de territoire semblent être les mots phares de ce projet. C'est donc la question
de l'éducation artistique qui est relancée et des dispositifs qu'elles proposent. Nous pouvons
alors souligner les propos d’Emmanuel Vallon pour qui l’éducation artistique est une
chance de voir l’école se reformer, se repenser, innover sous la condition d’une coconstruction entre les partenaires, tant organisationnelle que de réalisation. (Wallon, 2013)
2.1 Rappel historique : l’éducation artistique et culturelle
L’éducation artistique fut d’abord expérimentale. Il y a une trentaine d’années,
des
pionniers militants issus principalement du monde scolaire et, déjà dans une l’idée de
rénovation pédagogique, initient localement des projets, montent des associations,
s’engagent dans des pratiques amateurs, se forment par les réseaux de l’éducation
populaire. L’esprit y est alors plus socioculturel que culturel. Dans le même temps, dans les
pas de Malraux, et de son ambition de rendre géographiquement accessible l’art au plus
grand nombre et à tous ceux qui le veulent, le territoire s’aménage de nouveaux musées, de
centres d’action culturel. Ici, se trouve les fondements des politiques d’accès à la culture.
Mais c’est aussi le règne dénoncé d’une excellence artistique que les années 80 vont
bousculer en intégrant les formes non académiques (bien que la culture légitime soit restée
très présente) partant du principe que l’art ne peut être abordé que par la pratique. En 1983,
l’éducation artistique est définitivement institutionnalisée. Un acte fondateur, un protocole
national, réunit le Ministère de l’Education et le Ministère de la Culture autour de ce qui va
devenir une politique publique. L’éducation aux arts et la culture est définie, sa pratique de
partenariat enseignants / artistes est formalisée. L’ambition est de « favoriser une ouverture
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plus grande des établissements scolaires sur leur environnement. Cette collaboration
permet une participation plus active des artistes et des organismes culturels à l’éveil de la
sensibilité artistique au coté des enseignants « .(Bordeaux & Deschamps, 2013)
Ce protocole met fin au souffle de l’expérience et va enserrer l’éducation artistique dans un
empilement de dispositifs qui s’annuleront d’une année sur l’autre rendant le sujet de
l’éducation artistique complexe, peu lisible. Martine Bordeaux et François Deschamps
(2013) parlent alors de « l’éternel retour » de l’éducation artistique et de sa difficulté à
imposer ses dispositifs et les faire évoluer. Le cadre est posé : on vise la pratique
personnelle d’un art dans un cadre collectif, l’acquisition sensible des langages, la capacité
à définir une position critique, la pratique de spectateur, l’acquisition d’une culture et d’un
art. Cependant, malgré des programmes d’actions volontaristes, il reste l’opposition entre
culture légitime et culture relativiste.
Les années 90, vont être abordées sous l’angle d’un impératif démocratique. Nous sommes
alors dans un contexte de territorialisation et, de part la décentralisation, une montée en
puissance du rôle des collectivités territoriales. Celles-ci, dans la mise en place de leurs
politiques culturelles se doivent de faire accéder le public à la culture cultivée et répondre à
des projets de proximité. Il ne s’agit plus d’adapter une politique de l’État à un territoire
mais de favoriser l’émergence de projets éducatifs élaborés et financés par les collectivités
(villes, départements, régions), et d’élargir les publics scolaires bénéficiaires des actions,
d’étendre ces actions sur le territoire. Le parcours culturel, le jumelage, les résidences
d'artistes (impulsés en 1981) autant de dispositifs menés en partenariat avec des institutions
culturelles, qui permettent l’inscription d’un artiste dans un établissement, un quartier, un
territoire, et seront vecteur d’une vraie expérience esthétique, d'une rencontre entre enfants
et artistes.
Les années 2000, sous le Ministère de l’Éducation et de la Culture (Lang/Tasca), sont
marquées par l’audace et une vraie volonté de structuration politique de l’éducation
artistique. L’école devient le lieu central de l’accès à la culture et le contact avec les
œuvres est requis dès le plus jeune âge, l’éducation artistique est valorisée comme
contrepoint à la culture élitiste et mondialiste. Les classes à PAC (projet d’actions
culturelles) permettent un partenariat entre professionnels et enseignants, et de faire
15
accéder dans une continuité à une culture artistique. L’éducation artistique devient une
vraie politique publique. En témoigne, la mise en place de formations de haut niveau dans
les IUFM, les universités d’été, le développement de la médiation culturelle, la création de
services éducatifs, de postes de professeurs relais dans les musées et de conseillers
pédagogiques au sein de l’éducation nationale. Transmettre l’art, ses normes, ses codes, le
désacraliser, le questionner semble être l’enjeu de l’éducation culturelle.
Aujourd’hui, il existe toutes sortes de dispositifs suivant les villes, les départements, les
régions. Il n’en reste pas moins qu’un dispositif annule l’autre et empêche l’éducation
artistique de maintenir une cohérence, d’asseoir son ambition. Le cadre référentiel de ces
dispositifs n’a pas bougé convoquant valeurs artistiques, valeurs esthétiques et valeurs
symboliques, c'est-à-dire découverte des œuvres, des artistes, des pratiques, et du
développement du jugement critique pour l’acquisition des savoirs culturels. Encore une
fois l’éducation artistique et culturelle est abordée sous l’angle du pour tous et du nombre
en quelque sorte pour fabriquer du consensus. Alors que l'art par ailleurs, est le ferment du
dissensus. Le risque étant de s'approprier l'art, l'artiste, et de le plier à la norme existente.
L'éducation artistique semble rester inculcation du savoir sans visée explicite et possibilité
de réinterroger les manières d'être et de faire au sein même de la communauté éducative
De repenser l'éducatif comme rapport. De penser l'art à l'école comme une étape de la
démocratie elle-même, la démocratie par l'art. (Kerlan, 2012)
2.2 Les actions culturelles de la MJC dans le système scolaire
2.2.1 Education artistique à l’école primaire et au collège
La nouveauté se situant alors dans l’articulation des trois temps scolaire, périscolaire et
extrascolaire. De fait, il remet en avant l’importance de l’éducation populaire longtemps et
encore souvent mis à l’écart. Une structure comme la MJC de Rodez qui depuis quelques
années, innove, propose, initie, met en contact les jeunes et les artistes, leurs donne des
occasions de se confronter à la création contemporaine, à des sensibilités diverses, des
façons de voir le monde, est incontournable pour l’éducation nationale. Elle devient outil,
ressource, référence, pour l’école sur les questions artistiques et partie prenante dans la
construction d’un patrimoine culturel. Elle contribue à cette réforme des savoirs, contribue
16
au débat avec conscience de ce qui est en jeu dans l’acte artistique.
La MJC est présente à l’école primaire. Elle signe depuis quelques années, une convention
avec le service culturel de la mairie de Rodez chargé de l’éducation artistique à l’école
primaire. D’une année scolaire à l’autre, il est proposé aux enseignants de Rodez, une
dizaine de projets qui consistent en l’intervention d’un artiste en classe sur une vingtaine
d’heure (voir plus). Jean-Auguste Nougaret, coordinateur du service culturel met l’accent
sur la consolidation du couple artiste/enseignant en amont du projet mais aussi sur la
relation artiste/enfant et la proximité de cette relation. L’artiste est d’abord repéré pour la
professionnalisation, une activité de création récente, une relation à l’éducation, à la
pédagogie.
De la même manière, la MJC propose des actions vers les collèges . Depuis 5 ans, le
Conseil Général de l’Aveyron pilote l’opération théâtre au collège en partenariat avec la
MJC de Rodez. La MJC propose les spectacles et les artistes intervenants, le conseil
général finance la venue de l’artiste dans les classes et la mission départementale anime le
dispositif. Celui ci concerne les élèves de 4 ième, des collèges publics et privés du
département. Il permet aux différentes classes de se familiariser avec des textes de théâtre
contemporain ou classique, d’assister aux représentations théâtrales dans un lieu dédié ou
au sein de l’établissement scolaire et de rencontrer ou de pratiquer avec les artistes.
D’autres dispositifs plus simple dans la mise en œuvre sont proposés par la MJC. Cette fois
les propositions n’impliquent pas d’autres partenaires que celui de l'’éducation
nationale : « Ce soir je sors mon prof » pour assister au spectacle de la saison, « bord de
scène » permettent de rencontrer les metteurs en scène, les comédiens les équipes
artistiques pour échanger avant ou après une représentation. « Visite du théâtre de la MJC »
pour découvrir les métiers du théâtre. La MJC est également une ressource pour
l'intervention des artistes dans les collèges et les lycées. Elle peut, en lien avec sa
programmation proposer des ateliers de pratiques de jeu théâtral. On peut noter que sur la
saison 2012-2013, le dispositif ce soir je sors mon prof a accueilli 282 spectateurs. Théâtre
au collège a fait participer 15 collèges, 39 classes de 4ime, soit 1177 élèves. Cette même
année 5643 élèves se sont déplacés sur la programmation.
17
2.2.2 Coordination des actions de l’éducation artistique et cultuelle et constats
Nora Triby est la coordinatrice jeunesse de la MJC. Elle a en charge la coordination et la
médiation des actions pour les écoles les collèges et les lycées et du lien avec les
enseignants. En fin de saison, Nora Triby informe les enseignants ou les documentalistes
de la programmation des spectacles pour l’année à venir. La médiation de la MJC auprès
des enseignants, elle, consiste essentiellement en l’accueil des élèves pour les
représentations et le lien avec les compagnies lors des échanges bord de scène. Lors de
notre discussion avec la coordinatrice, celle-ci remarquait le manque de moyen et de temps
pour développer une vraie médiation. Elle citait alors une fois de plus l’exemple du
Québec. Le médiateur intervient en classe pour présenter le spectacle et ce qu’est le
théâtre, accompagne les élèves lors de la représentation, et échange aussi avec eux en
classe. Ces médiateurs ont une formation artistique, une formation au spectacle vivant
mais également sont formés sur ce qu’est l’adolescence. D’autre part, l’enseignant ne peut
réduire le dispositif au spectacle seul. La représentation comprend obligatoirement ces
temps de médiation.
Cependant, si la MJC reste force de propositions et si l’objectif est bien de développer des
partenariats vers la communauté éducative pour toucher les jeunes de 12 à 17 ans, la
relation avec les enseignants reste souvent infructueuse. Pour ce qui est d’aller voir les
spectacles, certains enseignants en effet déplacent leur classe. En revanche, sur les
propositions d’ateliers de pratique avec un artiste intervenant, la participation est
occasionnelle. L’artiste à l’école ne va pas de soi. L’éducation artistique à l’école primaire
est déjà une affaire bien rodée. Mais il s’avère que la dimension temporelle au collège et au
lycée n’est pas à l’identique. Le découpage en heures de cours, en matière, ne permet pas
la souplesse du temps du primaire. La lourdeur des programmes ne donne tout simplement
pas le temps aux enseignants de se déplacer et encore moins de faire intervenir sur ces
heures de cours, un artiste. D’autre part les enseignants peuvent chercher à vouloir
optimiser leurs cours, l’illustrer et dans ce cas, leur demande en matière de programmation
des spectacles est celle qui « colle » aux programmes de l’éducation nationale. On peut
donc supposer, d’ors et déjà, une difficulté de leur part à jouer la carte de l’ouverture et de
la transversalité. Mais plus encore peut être, est ce une manière de considérer le spectacle
comme strictement l’œuvre d’un auteur et d’un metteur en scène en particulier, et non pas
18
comme un processus de création, un travail avec la langue comme outil.
De plus, quand les enseignants accompagnent leurs élèves au théâtre, ils sont souvent les
premiers heurtés par la proposition scénique. Eux mêmes ont-ils une culture du spectacle
vivant ?, viennent- ils part eux même au théâtre ?, quant est il aussi de la préparation en
amont de la représentation ou de l’atelier ?, en quoi consiste-t-elle pour eux ?.Toujours estil, que les élèves ont eux mêmes de grandes difficultés à se confronter à la création sans
trouver forcement de recours auprès de leurs enseignants, eux-mêmes démunis. Bruno
Houlès pointe alors du doigt non seulement, l’absence de référent culturel dans les collèges
et lycées et par là même, l’absence de projet culturel dans ces mêmes établissements.
Bruno Houlès parle alors de co-construction d’un projet en amont qui permettrait de réunir
des envies d’abord, des compétences diverses, mènerait la réflexion et le débat pour des
actions reconnues, assumées et cohérentes avec l’action éducative.
MJC de rRodez Synthèse des actions de l'éducation artistique
Établissements
Politique
MJC
Primaire
Partenariat Mairie de Rodez Proposition de spectacles
et Education Nationale
Mise à disposition des
artistes programmés, pour
des interventions dans les
écoles
Collèges
Partenariat Conseil Général Propositions de spectacles
et Education nationale
Rencontres avec les artistes
dans le cadre dispositif programmés à la MJC
« théâtre au collège »
Collèges et lycées
Partenariat
nationale
Education Accueil des classes lors des
représentations scolaire
Propositions de dispositifs
-Ce soir je sors mon prof
-Bord de scène
-Visite au théâtre
Propositions de pratique du
jeu théâtral au contact d'un
artiste programmé
19
3 Problématique
Suite à cet état des lieux, et partant de la question de recherche, je peux maintenant poser le
problème que suscite la question du rôle de l'artiste à l'école, en regard de la politique
d'éducation artistique de la MJC et dans une perspective d'aide à la décision.
Sur le devant de la scène, l’éducation artistique et culturelle semble être au cœur d’un
enjeu de société. Au delà de sa nécessité et de ses référentiels invoqués, elle semble
répondre à deux crises, deux angoisses celle d’une part de l’éducation qui se doit d’innover
et de l’autre celle de l’action culturelle qui se doit de s’élargir. La question, pour la MJC,
est peut être celle du sens à donner aux actions dans un monde en profonde mutation, et
dans lequel il y a urgence de vouloir se situer. La MJC relevant une difficulté celle du
manque d'intervention de l'artiste à l'école, celle aussi d'une difficulté avec les enseignants
dans la médiation et dans ce que propose l'artiste. La MJC dispose de plusieurs dispositifs
de sensibilisations et de médiations. Dispositifs qui sont mis au service de l'école. Le
problème est peut être dans la manière qu'ont les enseignants d'aborder ces mêmes
dispositifs. Le plus souvent se servant et consommant. Le risque est alors celui de
l'exploitation, l'instrumentalisation, la réappropriation pédagogique. Mais les dispositifs
eux-mêmes alors ont peut être besoin d'être réinterrogé. Car bien souvent, ils servent les
intérêts de la MJC elle même, à voir augmenter sa fréquentation. Le dilemme est peut être
dans l'obligation politique de la MJC à toucher le plus grand nombre et à la fois et à
montrer la pertinence d' actions moins visibles, moins rentables mais mais qui répondent à
l'enjeu humain, éducatif et sociétal à venir. Le risque est alors le cumul des dispositifs, et
celui de rester sur ces positions, de manquer la rencontre nécessaire entre culture théâtrale
et culture scolaire. L'analyse de cette étude pourra mettre en exergue d' autres modes de
médiations, car celle-ci incite souvent à tirer la couverture à soi. L'accompagnement
pourrait être proposé. Accompagnement de proximité et relationnel qui fasse parler le cœur
du partenariat artiste-enseignant. Le partenariat est bénéfique quand il est l'occasion de
mouvement, d'innovation, de confrontation, de rapports. Pour donner relief à une cause
commune. Il y a donc aussi peut-être une logique d'efficience à trouver plus que
d'efficacité. Cette logique doit permettre aussi de s'interroger sur ce que peut le théâtre, la
spécificité théâtre comme art vivant, de la même manière qu'il faut s'interroger sur la
20
définition du partenariat. Ce réinvestissement de l' objet théâtre et du processus partenariat
est nécessaire pour y trouver matière à contrer toutes politiques de consommation. Mon
analyse s'appuiera sur ces deux thématiques. J'espère y trouver les raisons d'un
renforcement de la politique Mjc et pouvoir argumenter des éléments d'aide à la décision.
Comment, une pratique artistique telle que le théâtre peut elle se loger dans la forme
scolaire ?, comment la forme artistique peut-elle s'accommoder de la forme transmissive de
l'école ?. On assiste aujourd'hui à une esthétisation du monde. L'art est un recours. La place
de l'artiste a profondément évolué. Il tend à vouloir retrouver une place sociale et à
intervenir dans cette même société voir comme modèle. Le théâtre, est une forme artistique
en prise avec le social. Art vivant par excellence, art qui réclame l'autre, de l'autre en cela
art de la réception profondément émancipateur et herméneutique. Mais ces dimensions sont
elles saisies par l'enseignant ?. Le théâtre, pour la communauté éducative et
particulièrement pour les enseignants de français est objet d'apprentissages fondamentaux.
Aussi le théâtre porte en lui ce paradoxe d'être à la fois matière textuelle et matière vivante.
Mais plus encore l'artiste à l'école pose la question du partenariat artiste /enseignant et
vient mettre ensemble la personnification de deux mondes distincts. Ce partenariat
réinterroge l'éducation à l'école. Car l'artiste dans l'activité qu' il propose, avec ses outils ,
ses gestes, vient peut être répondre concrètement à un déficit. Celui du sensible, du sujet.
Celui de considérer l'éducation aussi comme un rapport à soi , aux autres, revalorisant la
subjectivité. L’enjeu de cette démocratie par l'art serait alors aussi dans une vraie
expérience esthétique à vivre et d’un regard à éduquer. (Kerlan, 2012). L'enseignant est il
prêt à accepter cette relance ?. Le problème est alors que le partenariat, s'il veut être
effectif, demande aux protagonistes un déplacement dans leurs cultures. Plus encore, dans
le partenariat, pour être complémentaire, n'y a t-il pas une nécessité à se savoir manquant ?.
21
4 Ouverture thématique et conceptuelle
4.1 Place de l'art et de l'artiste dans la société
4.1.1 Valorisation du processus de création
Nous sommes actuellement dans une époque de création diffuse, causée par la socialisation
massive de l'œuvre. Processus émergeant de la démocratisation culturelle, amorcée dans
les années soixante-dix qui annonce une volonté de désacraliser l'œuvre et de rapprocher
l'artiste de son public. Car par ailleurs, la société attribue à l'œuvre un pouvoir excessif,
celui de décider de ce qui est de l'art ou pas, de ce qui doit se convertir en émotion ou en
notoriété, là où la société fait prévaloir l'œuvre réalisée, elle « déqualifie dans l'art ce qui
est de l'ordre du faire, l'activité elle-même dans son processus d'avenir » (Nicolas le Strat,
1998, p55). Ce nouveau processus, aujourd'hui, va même jusqu'à la généralisation de
l'activité artistique dans de nombreux domaines connexes. La notion même des mondes de
l'art chez Howard Becker a montré le caractère collectif de la production artistique et
l'interdépendance des compétences. « dans un monde de l'art toute fonction peut être tenue
pour artistique et tout ce qui fait un artiste, même le plus incontesté peut devenir une
activité de renfort pour quelqu'un d'autre » (Becker, 1988, p 110). La responsabilité de
l'artiste ne s'inscrit pas uniquement dans l'œuvre finie, mais aussi dans l'association de
multiples activités que la réalisation de l'œuvre entraîne. Par exemple l’enchaînement des
fonctions dans un spectacle. Aussi, l'œuvre s'affranchie de sa vision surplombante
classique, « ceci est beau », l'artiste n'est plus cette figure idéalisée et isolée, au contraire,
l'artiste travaille, l'œuvre qu'il crée, se déploie, associe, déborde. Elle existe, comme le
soutient le sociologue Pascal Nicolas Le Strat, sur le mode du « et » c'est-à-dire, sur le
mode du multiple, de l'extension. L'artiste, lui-même, est un être socialisé, pris dans un
contexte et un environnement, inscrit dans des réseaux et des partenariats.
L'œuvre alors, se manifeste plus que ne s'expose. L'artiste est alors impliqué dans un autre
contexte de vérité : celui où la création ne surgit pas mais s'instaure. Que ce soit dans la
nécessité de valoriser le processus artistique ou dans une sorte d'urgence de faire, ces deux
visées reflètent la contribution sociale de l'artiste (Lecocq, 2004). Il est devenu plus
important aujourd'hui pour l'artiste de se construire socialement dans ce qu'il peut apporter
22
aux autres, par l'exercice de pratique, et non de viser comme finalité, sa personne
« artiste ». La sociologue Nathalie Heinich va même plus loin, l'artiste représente à la fois
un modèle au-dessus, et à la fois ce que tout un chacun peut être auquel la société
s'identifie. (Heinich, 2005). En résulte aujourd'hui, de nouveaux rapports aux publics aux
récepteurs, du côté du faire et de partager ensemble.
4.1.2 L' assise sociale de l'artiste
L'art existe dans le champ social.Ce qui lui reste à faire, c'est donc à l'intérieur de ce
champ, de provoquer, d'éprouver et de « faire éprouver sa résistance sur le mode
relationnel » (Bourriaud, 2001, p 31). L'artiste instaure une relation avec le spectateur, en
amont de l'œuvre, dans sa genèse, l'invitant à participer. Nicolas Bourriaud parle
d'esthétique relationnelle et observe que les artistes « ont fait glisser le lieu de constitution
de la forme esthétique de l'œuvre », « à des moments de convivialités construites, à la
relation sociale ». Cette dernière serait le point de départ et le point d'aboutissement de la
forme esthétique.En quelque sorte, l'artiste rend les valeurs esthétiques de l'œuvre
disponible au public.
L'œuvre d'art se présente comme quelque chose à éprouver, elle est prise dans un régime de
rencontre et elle prend pour thème central, l'être ensemble, l'élaboration collective du sens.
Après le savoir conquis, après avoir investi l'espace public, économique, social, l'artiste
resserre les espaces de relations. La question d'aujourd'hui est de savoir comment l'art et
l'artiste, et ce qu'il instaure dans la rencontre, selon des processus propres à chaque forme
artistique, peuvent relancer le projet d'émancipation de l'homme (Bourriaud, 2001).
Dans ce nouvel interface artiste-public, c'est aussi la question de l'éducation à l'art de la
société qui se pose. On ne peut plus se satisfaire de la vision surplombante de l'art, à
laquelle « il faudrait éduquer le peuple démuni culturellement et auquel, on a concédé une
capacité à s'éduquer et à évoluer à condition de médiation éducative » (Nicolas-le-Strat,
1998, p 143). L'art descendant de son piédestal, l'artiste dépliant l'acte de créer, a trouvé en
face un écho en des récepteurs demandeurs et aguerris. En effet, comme le souligne le
sociologue, le peuple a forgé des savoirs, lui appartient de l'intelligibilité, de la créativité,
acquises à l'école. Assez aujourd'hui « pour revendiquer le droit d'en faire l'expérience »,
23
de s'exprimer avec, dans la vie. Le droit d'exercer et d'expérimenter en somme, « le parfait
discernement de l'homme qui sait comment les choses se passent » (Vatimmo,1987, p 16).
N'est-ce-pas la revendication d'un espace de recherche, d'irrigation et d'émancipation par
rapport aux mêmes savoirs, « d'une chambre à soi » ? dans la vie. Comment faire alors
pour que l'art soit affaire du plus grand nombre ?. Il faut considérer les créateurs dans leurs
multitudes et l'activité artistique elle-même dans sa multiplicité, instillant tous les
domaines de la vie, et non comme unicité. Il faut introduire dans les mondes de l'art un
espace public nouveau « qui admet sans conteste que l'appréciation et la compréhension
artistique sont devenues l'affaire du plus grand nombre (...) un espace public qui n'est rien
d'autre que l'espace de l'activité artistique » (Nicolas-le-Strat, 1998, p 148).
4.1.3 Le recours des valeurs esthétiques dans la société
Aussi l'artiste est-il mobilisé dans tous les champs de la société. On assiste comme je l'ai
signifié précédemment à une généralisation de l'activité artistique : « Du cadre de vie à la
réclame du design ménager, tout entend devenir œuvre de création, tout peut se
comprendre comme l'expression d'une expérience esthétique première. Faire de sa vie une
œuvre d'art, n'est-ce pas devenue une injonction de masse ? » (Maffessoli, 1990, p 12) .
Que vient insuffler, combler l'art et l'artiste pour qu'il y ait à ce point une telle
appropriation du peuple ?, que fait l'artiste aujourd'hui ?. Il introduit une rupture dans le
réel, il réinvente dans la société une proximité avec la vie, le peuple. Il propose une
critique de ré-interprétation du monde. Écrire, nous dit le poète Jean-Baptiste de Seyne,
c'est « regarder le monde et dire comment je le vois. » (De Seyne, 2014). L'utopie que
l'artiste invente n'est pas du côté du rêve ou de l'imaginaire mais d'un réel à transformer et
réinterpréter. Dans un rapport sensible et relationnel, il s'agit de renouer art et vie. Restituer
du collectif, du « singulier pluriel » (Nancy, 1996) dans un monde individualiste. Certes,
l'art dans la vie, il en résulte un phénomène d'esthétisation du monde qui parfois a ses
dérives. Le poète et essayiste Christian Prigent rappelle les mots de Nietzsche « Il y a dans
la monde plus d'idoles que de réalités » (Prigent, 2004, p 26). La dérive en est aussi sa
banalisation et sa convocation sur le mode du vedettariat « autorisé » et « justifié par des
performances personnelles » (Heinich, 2005, p 28) amenant confusion dans la définition
même de ce qu'est un artiste. La télévision, les médias nourrissent le simulacre : nos désirs,
24
nos attentes, nos horizons sont devancés, normés, voir contrôlés, nous annulant comme être
singulier, anesthésiant la libido et la lecture que nous pourrions faire de notre propre être.
L'artiste propose une esthétique de la sensation et non de l'émotion toute faite. En cela, il
interpelle le peuple, le questionne, lui donne la parole et lui propose de jouer à son tour.
Ainsi par exemple, se succède sur la scène des aventures atypiques éloignées de nos
références, nos langages. Montages et aventures proposées au public qui cherchent à
brouiller nos sens, à perturber nos visions faisant s'activer d'autres sens, provoquant des
ruptures, obligeant à repenser nos certitudes et dans le même temps redistribuant nos
connaissances, nos savoirs du monde, notre rapport au réel.
L'art n'est donc pas porteur d'espoir révolutionnaire mais il est ce lieu capable de fabriquer
des micro-utopies quotidiennes et de proximité. Travaillé par une nouvelle alliance avec le
monde, « l'artiste va contre l'existant, instille de l'inquiétude dans l'illusion idyllique »
(Nicolas Bourriaud, 2006, p 34). Ce rapport à la création, J. Rancière le soulignera aussi
avec force. Si l'art se met à faire effet dans le réel c'est que « se mettent en place des
variations sensibles, des perceptions et des capacités qui creusent des écarts et
reconfigurent la carte du sensible » ( Rancière, 2000, p 62).
L'idée d'une dimension esthétique généralisée de l'existence est développée par le
philosophe Gianni Vattimo. Dans son ouvrage, la fin de la modernité, il consacre plusieurs
chapitres au thème de la fin de l'art. Le philosophe développe l'idée selon laquelle un
nouvel « idéal émancipateur » aurait succédé à la maîtrise intellectuelle du monde
ébranlant son rapport au réel. D'où l'œuvre d'art et sa rencontre « l'expérience esthétique
nous fait vivre d'autres mondes possibles et nous montre par là même la contingence, la
relativité, le caractère non définitif du monde réel » (Vattimo, 1987, p 20).
4.2 Rôle de l'art et de l'artiste dans la communauté éducative
4.2.1 Le poids d'une morale dominante
Si l'art s'infiltre dans tous les pans de la société, si l'on assiste à une reprise esthétique du
monde social dans laquelle l'artiste devient un recours, ce phénomène vient faire collision
avec une instance de poids, la communauté éducative, l'école. Qui finalement elle aussi
s'instille, existe « partout. ». Le chercheur et sociologue Alain Kerlan démontre, j'en ferais
25
état plus avant dans ce travail, que l'entrée de l'art à l'école fait bien partie de ce même
mouvement mais non sans freins et risques d'instrumentalisation. S'il y a consensus sur un
déficit éducatif et sur la nécessité de la reprise de la subjectivité, c'est encore sous l'aune
des savoirs et des apprentissages que l'on juge la réussite scolaire. Clause qui se répercute
par la suite dans la relation qu'entretient notre société au travail. Si l'activité artistique alors
s'envisage sur le mode du « et » tel un rhizome, vie et travail pour autant reste dissocié.
L'homme annulant alors sa capacité à être autre, perd sa position de sujet.
Je souhaite ici convoquer le travail du sociologue Bernard Lahire. Cette ouverture pour
permettre non seulement de mesurer le poids de l'écrit et donc de l'école dans notre société
mais comment aussi notre société envisagée comme « problème à résoudre » tend à soigner
et normer fermant les espaces de tentatives inventivité, de créativité. L'école est encore
considérée comme le lieu de la maîtrise intellectuelle du monde, comme une vérité à
atteindre pour gagner le bonheur, l'épanouissement, l'autonomie, le pouvoir sur soi, la
maîtrise de soi. Le sociologue Bernard Lahire montre à travers son essai « l'invention de
l’illettrisme « (Lahire,1999), que toutes ces conquêtes à atteindre sont le plus souvent
associées à l'accès à l'écrit et aux livres. La lutte contre l'illettrisme, d'ailleurs, s'est inscrite
elle-même dans cette exigence de lutter contre une situation, en énonçant « une morale du
dominant ». C'est à travers les discours sur l'illettrisme qu'on retrouve tout un ensemble de
stigmate qui tend à évaluer toute situation sociale et à classer ceux qui n'atteignent pas les
objectifs visés par le système scolaire. L'absence de pouvoir sur la vie, la non maîtrise sur
sa vie, sont devenus des valeurs à partir desquelles, on mesure « les inégalités » et on
évalue « la dignité », « l'entrée dans l'humanité » sous le joug du pouvoir de l'écrit.
L'existence s'accomplit par l'intellect ; c'est sur le modèle des lettres que sera forgée la
culture. Dans un article de libération du 5 octobre 1998, intitulé « le vrai chantier de
l'école », on pouvait lire sous la main d' Alain Bentolila : « que les enfants en difficultés
avec la langue orale et écrite seront moins humains que les autres ». Cité par Bernard
Lahire, celui-ci oppose en réponse les mots de Jean-Claude Passeron qui parle alors d'un
« viol symbolique sur la personne qu'on incite à regarder ailleurs » (Passeron, 1996, cité
par Lahire, 1999, p 278) ). Ailleurs c'est-à-dire dans le sens de la marche et sans possibilité
d'autres espaces symboliques à investir.
26
Mais alors comment concrètement considérer qu'un artisan au plus haut de la
maîtrise de son art, qu'un ouvrier qualifié, qu'un sportif, qu'un pilote
automobile... ne développent pas pleinement ce que potentiellement, ils
peuvent développer... en revanche combien d'intellectuels ne développent guère
de capacités ou de maîtrises pratiques, ces arts du corps et du geste (Lahire,
1999 p 297).
Aussi va t-on vers ce que Louis Dumont appelle « le sujet normatif des institutions »
(Dumont, cité par Lahire, 1999, p 290), c'est-à-dire un sujet dressé, autonome et
raisonnable. Or la crise de l'éducation, depuis quelque années, montre que, sans doute cette
« morale étalon » non seulement ne peut suffire mais que l'humanité, l'entrée dans
l'humanité n'est pas seulement une affaire de sensé, mais que lui manque la part belle peutêtre d'une entrée sensible privilégiant l'intériorité, source aussi de connaissance.
Nous remettre dans une compréhension intuitive du monde est bien ce que fait l'art et
l'artiste. Le système social, économique, médiatique, éducatif rompt avec cela. La culture
du quotidien, culture aussi de l'artiste, cet ensemble de savoir vivre et de savoirs intuitifs et
informels est dévaluée. A l'école, transmettre, c'est inculquer des savoirs fondamentaux,
communs, savoirs lissés, classés et normés dans l'objectif d'un résultat à atteindre,
conclusif. En 1976, Adorno prônait « le non identique » (Adorno, 1976) c'est-à-dire les
activités et les relations par lesquelles le sujet refuse de s'identifier à un rôle, une identité
sociale.
Ce rapport au pouvoir finalement dont parle aussi Bernard Lahire qui s'instaure à l'école en
terme de : ce qui ont, ce qui n'ont pas, se retrouve dans la société du travail, pensé alors
comme ce qu'on a, ce qu'on n'a pas. J'avance alors ici le travail du sociologue Bernard
Groz. Le travail qui pour lui est pensé comme métier profession et non pas comme
« faire ». D'ailleurs, pour Gorz, « le travail de l'artiste n'est pensé en terme de travail que »
lorsqu'il donne des cours mais la création elle-même, est pensée comme récréation des
normes et des codes refus et contestation du travail » (Gorz, 1999, p 14). Quoi qu'il en soit,
« vie et travail sont alors dissociés, de même que le temps de travail est dissocié du temps
consacré à l'individu, à la production de soi et la production de sens » (Gorz, p 209).
D'autre part, en même temps que la société n'a plus de travail, des espaces illimités
deviennent disponibles pour des activités de proximité, activités je le rappelle qui fondent
les pratiques artistiques « les activités autodéterminées : activités de soins, de soi,
27
relationnelles, éducatives, artistiques dans les sphères publiques et privées, réseaux autoorganisés, de coopération, d'échange » (Gorz, p 209). Mais là aussi, il peut y avoir
une « mise en danger du pouvoir économique qui voudrait s'emparer et professionnaliser,
normer aussi ces activités » dépossédant une nouvelle fois l'individu de sa liberté à pouvoir
se régénérer, devenir et inventer.
4.2.2 Le sujet « singulier pluriel »
S'appuyant sur la pensée d'Alain Touraine, la résistance que propose Gorz est celle de
rester sujet. Il cite alors Alain Touraine. Pour l'auteur de : Critique de la modernité, une
manière de résister est pour lui le « je » contre le « soi », « l'existence du sujet ne devient
intelligible qu'à travers une recherche herméneutique de l'unité et de la diversité,
inséparables de toutes les déchirures de l'ordre établi, de tous les appels à la liberté ».
( Touraine, 1992 cité par Gorz , p 213 ). Le je contre le soi, cette aptitude à la dissociation
est le projet de toute création. Elle est d'ailleurs significative chez les écrivains. Parfois
excessive comme la perte de soi chez Bataille, jusqu'à l'impersonnalité chez Blanchot, où
cette « honte d'être rivé à soi-même » chez Levinas. Écrire et donc créer, est toujours cette
séparation de soi pour un je qui s'avance et se fabrique une historicité créatrice faisant sens
de manière universelle.. Le sujet de Touraine est un résistant qui aux antipodes du souci de
soi défend la liberté contre le pouvoir et cherche avant tout à devenir acteur. Le je contre le
soi conduit l'individu à écarter les déterminismes sociaux, à inventer une situation au lieu
de s'y conformer. Touraine insiste sur la complémentarité de la liberté-sujet et de la
communauté-sujet, pour autant le sujet de Touraine évite le piège individualiste et trouve
des alternatives complémentaires socialisantes. « Il manque donc des activités chargées de
sens par lesquelles les individus pourraient produire des rapports sociaux libres, et se
produire comme sujets de leurs actes » (Touraine cité par Gorz, p 215). J.L Nancy évoque
lui ,« L'Être singulier pluriel « d'un seul trait sans ponctuation, sans marque d'équivalence
( …) l'être avec lui-même désigné comme l'avec de l'être, comme l'avec du sens »(Nancy,
1996). Le travail alors dans cette perspective serait la combinaison de plusieurs vies, sur le
mode du « et » fait d'expériences et de transformations et notre vie faite comme une œuvre
d'art de matériaux disparates (Touraine, 1992, p 258). Cette réappropriation du sujet liberté et du sujet - communauté à la fois peut passer par l'art et le contact avec un artiste.
28
L'acte de création lui-même est ce singulier pluriel. Ce passage simultané de soi à un je
universel qui nous regarde tous et nous questionne en retour sur notre être, notre existence,
« essentiellement co-existence » et comblant ainsi « le défaut d'un nous à penser « ( Nancy,
1996).
Car un simple retour « béat » à soi et au monde ne permet pas de briser le mur et « l'entrée
par le sens, n'a de sens que dans des espaces intersubjectifs, construits sur l'écoute et la
patience, en vue de dégager des significations, d'en élaborer des formes de partages et peutêtre mieux décider dans quel sens orienter nos actions » (Filiod, 2011, p 47). Des espaces
où la subjectivité est capable de se réinventer. Mais plus encore peut-être, Nicolas
Bourriaud cite les travaux de Félix Guattarri qui relança la subjectivité moderne au nom de
l'esthétique : « la subjectivité ne saurait être définie que par la présence d'une seconde
subjectivité : elle ne constitue un territoire qu'à partir des autres territoires qu'elle rencontre
; elle se modèle sur la différence qui la constitue elle-même en principe
d'altérité » (Cuattarri cité Bourriaud, 2001, p 95). La subjectivité n'existe alors que dans
une sorte de couplage et non de manière complètement autonome. Le processus de
singularisation /individuation consiste à intégrer les signifiants autour de nous en tant
qu'outils servant à inventer de nouveaux rapports, servant à résister à l'uniformisation des
pensées et des comportements. Felix Guattari nous invite alors à articuler des univers
singuliers, de cultiver en soi, la différence avant de la faire passer dans le social. C'est ce
que provoque la réception d'une œuvre d'art, qui « déterrioralise » notre perception la
déplace ailleurs, provoquant « la bifurcation » de notre subjectivité. « La seule finalité
acceptable des activités humaines est la production d'une subjectivité auto-enrichissant de
façon continue son rapport au monde. » (Guattarri, 1992, p 38). Tels les artistes aujourd'hui
incluant dans leur œuvre des modes d'être au monde, incluant le regardant.
4.3 Un modèle : la reprise artistique et esthétique de l'éducation
4.3.1 La pénétration des valeurs esthétiques à l'école
Depuis une trentaine d'années, la pénétration des arts en éducation serait à même selon
Alain Kerlan de faire vaciller la forme scolaire. Le mouvement esthétique atteint donc
l'école elle-même en crise. Je ne retiendrai pas le mot crise mais plutôt celui de déficit de
29
manque éducatif donc que propose Jacques Rancière.( Rancière, 2014). Envisager l'école
en manque suppose alors de l'invention. Aujourd'hui, l'art et l'artiste est tenu comme un
recours éducatif et semblerait aujourd'hui pouvoir restaurer l'herméneutique du sujet
moderne en l'appuyant sur ce que l'école tendait à exclure : la réhabilitation de la
sensibilité, la valorisation du particulier, la légitimité de l'expression individuelle et de ses
émotions. Mais plus encore le chercheur, Alain Kerlan proposera le modèle de la reprise
esthétique des savoirs et des apprentissages ; que l'art soit aussi le moyen de refonder
l'éducation comme « atelier de l'humanité » (Kerlan, 2007, p 92), le travail artistique
devenant « modèle possible du travail enseignant, l'expérience artistique partagée comme
reconquête d'une modalité d'existence oubliée. » (Kerlan, 2007, p 85). Devant l'inappétence
pour l'école et l'échec scolaire, les artistes enracinant leurs pratiques dans le proche et la
subjectivité permettraient la rencontre de chacun avec lui-même comme artiste potentiel.
« L'art et l'artiste sont donc le moyen de réorienter une culture et un rapport au monde
dominé par la technique et la raison instrumentale, réduit à l'utile et l'utilitaire » (Kerlan,
2007, p 95). Le risque est alors de considérer l'art et l'artiste comme détour passager ou
bouée de sauvetage. Ce serait nier ou raccourcir le rôle de l'artiste à l'école dans ce qui le
constitue intrinsèquement, voir d'instrumentaliser l'art lui-même. Comment comprendre
alors ce nouveau modèle ?. La relance de l'éducation par l'art est en premier lieu, pour
Alain Kerlan la possibilité de vivre une expérience esthétique et d'intégrer des valeurs
esthétiques à côté des valeurs scolaires. Car l'éducation esthétique est pleinement éducative
parce qu'elle seule « peut réunifier une culture déchirée, fragmentée, seule elle peut assurer
l'unité d'une nature humaine divisée entre raison et sensibilité, l'unité d'une existence en
quête de sens. » ( Kerlan, 2014).
4.3.2 L'expérience ordinaire comme fondement de l'expérience esthétique
Tout d'abord, le qualificatif esthétique renvoie aujourd'hui à plusieurs objets auxquels font
référence la beauté, le traitement du corps. Citant le philosophe Jean -Marie Shaeffer, Alain
Kerlan nous en propose une autre définition :
Essayer de comprendre les faits esthétiques revient à chercher ce qu'il peut y
avoir de commun entre par exemple entre un enfant passionné par un dessin
animé passant à la télé, un insomniaque qui trouve le repos en écoutant le chant
matinal des oiseaux, un amateur d'art enthousiasmé ou déçu par une exposition
30
consacrée à Beuys, un lecteur ou une lectrice plongé dans un roman (Shaeffer
cité par Kerlan, 2014, p 13).
Trois points fondent alors l'expérience esthétique : une attention spécifique voire une
concentration devant l'objet, la part de l'enfance (dans le commencement et les première
fois) et le plaisir relevé de cette expérience. L'expérience esthétique, étant elle-même
l'expérience ordinaire de toute chose dans la vie, prenant racine dans le quotidien, invite
alors à chaque fois qu'on en a l'occasion à relier et renouer avec la vie. Pour Dewey, il y a
une continuité alors entre art et vie et l'on ne peut comprendre un tableau, l'arbre du tableau
par exemple, si l'on ne comprend pas qu'il est en lien avec une expérience première de
l'arbre.
Il s'agit alors de restaurer cette continuité entre ces formes raffinées et plus
intenses de l'expérience que sont les œuvres d'art et les événements quotidiens
universellement reconnus comme des éléments constitutifs de l'expérience. De
rétablir la continuité entre l'expérience esthétique et les processus normaux de
l'expérience (Dewey, 2005, p 23).
Baldine St Girons fait de l'homme un acteur esthétique et résultant de la simple expérience
d'éprouver et d'apprécier « l'acte esthétique se présente à nous comme une provocation
dans une civilisation qui valorise à l'extrême la productivité et qui tend à la mise à distance
du sensible ou à sa quasi-maîtrise » (St Girons, 2008, p 17). L'acte esthétique « est ma
provocation » à sentir, me souvenir, à imaginer. Et pour l'auteur, faire une expérience
esthétique comme celle d'une soirée d'été, convoque alors quatre temps : l'expérience est
une convocation dehors et devant les choses ; l'expérience est la reconnaissance d'un « c'est
ça » ; l'expérience engendre l'effervescence ; l'expérience amène la volonté de la valider
c'est-à-dire le besoin de produire en acte, en m'engageant. « L'acte esthétique relance le
monde (…). A une provocation il faut répondre par une provocation » ( St Girons, 2008,
p20). L'expérience ordinaire d'un soir d'été par exemple, nous pousserait alors à
« provoquer » à notre tour, à faire, à dire, à exprimer pour continuer ce bout de réel et nous
remettre en contact avec la vraie vie. L'expérience esthétique vécue nous inciterait à valider
l'expérience à notre tour en nous faisant acteur, créateur.
Guattarri voit aussi dans la contemplation esthétique un processus de transfert de la
subjectivation c'est-à-dire le moment où la matière d'expression devient formellement
31
créatrice comme passage de témoin entre l'auteur et le regardant (Guattarri, 1992).JeanMarc Filiod, lui parle d'une expérience esthétique qui précéderait l'expérience esthétique,
c'est-à-dire une attitude à percevoir des sensations quitte à en être submergé. Or l'homme
ne peut s'en tenir à la perception et le partage de ses sensations pour l'homme, doit devenir
un partage du sens (Filiod, 2011, p 45). Au-delà de la sensation et de la perception
immédiate, il y a langage, la pensée, la vie commune, les autres. « L'expérience est le
processus continu qui fait communiquer de manière complexe les sens, le langage, la
pensée, en bref le sensible et l'intelligible avec des allers-retours fréquents entre ces
différentes composantes de notre être » (Filiod, 2011, p 46).
Nous pouvons donc penser que mettre en pratique, faire une expérience esthétique en acte,
celle que propose l'artiste aux élèves, c'est donc proposer d'interpréter le monde à sa
manière, de le mettre en rapport, de rentrer dans une interrogation toujours ouverte,
dialogique avec la monde, de construire son intériorité. Projet contrastant avec l'école qui
se voudrait seulement linéarité des savoirs, l'uniformisation de la pensée par des objectifs à
atteindre, modélisant et normant l'élève.
4.3.3 Réconcilier le sensé et le sensible au contact de l'art
Réconcilier le sensé et le sensible dans l'éducation est donc au cœur du projet et du modèle.
Non pas l'art pour l'art, non pas l'art au service de l'école mais véritablement l'expérience regarder faire - esthétique de l'art pour ce qui à l'intérieur de cette même expérience est de
l'ordre aussi d'apprendre, comprendre, mettre en rapport, passant par le sensible. L'art
éduque et la manière dont il éduque peut devenir un modèle pour l'éducation tout entière. Il
éduque en prenant en compte le sensible et l'intelligible. Contournant lui aussi la
polémique du sensible et de l'intelligible, Nelson Goodman montre que l'un n'excluant pas
l'autre, les émotions peuvent être aussi un instrument de connaissance et d'appréciation. De
la même façon « la compréhension et la création qui ont cours dans le domaine artistique
impliquent des processus actifs et constructifs de discrimination, d'inter-relation et
d'organisation qui n'appartiennent pas à la pure inspiration » (Goodman, 1984, p 86). Les
œuvres que les artistes fabriquent, informent « non pas en fournissant de l'information mais
en formant, reformant ou transformant la vision, non la vision oculaire, mais la vision
comme compréhension générale des mondes dans lesquels nous vivons et créons »
32
(Goodman, p 123).
Le retour et le passage par le sensible, à l'école est donc propice à la connaissance et la
reconnaissance du sujet, à l'interprétation du monde et des ses formes, à l'inter-subjectivité.
Cette mise en rapport est éducation. L'artiste semble alors être la personne adéquate pour
relancer ce rapport et servir à étudier la façon dont les êtres humains apprennent et
comprennent. Dans Allitérations, le dialogue entre la danseuse Malthide Monnier et le
philosophe Jean-Luc Nancy évoque parfaitement ce que l'expérience esthétique vécue
produit comme acte de penser. Il s'agit de partir de soi, de sa subjectivité pour en tirer
matière et du même coup trouver une forme et de former l'espace autour de soi, le monde.
« soi n'est rien d'autre que ce double mouvement dont on pourrait dire quelque fois qu'il
part de rien et qu'il ne revient sur rien mais que ce battement fait ce qu'on appelle un sujet
et qui s'interprète » (Monnier & Nancy, 2005, p 94). Renversement donc de l'essentiel qui
vient de ce que tout commence par la subjectivité habituellement à cacher dans
l'enseignement. Pour Leslie Kaplan, auteur de théâtre, c'est aussi à penser bien plus que
s'exprimer que l'acte esthétique et artistique convie. Penser c'est-à-dire faire des ponts, des
liens des rapprochements (Kaplan, 2013)
Marie-Hélène Popelard nous rappelle alors que la question de l'éducation est au cœur de
l'art. Elles souligne les effets de l'œuvre sur la sensibilité : « l'œuvre est un mélange
hybride qui mêle plaisir à ce qui est un mélange de turbulence et de calme (…) l'éducation
doit apprendre à habiter ce lieu de conflits. Annuler ces contradictions dans l'enseignement
c'est simplifier, formaliser en produisant ennui et indifférence » (Popelard, 2005, p 93) ; sur
la conscience de ma liberté : toute œuvre d'art réussi, dit Shiller dans ses lettres sur
l'esthétique, est un témoin qui me crie : « sois libre comme moi » et qui m'invite à
découvrir la liberté qui est en elle ; mais aussi ma liberté de jugement ce qui ne veut pas
dire liberté d'opinion mais liberté raisonnée ; sur la formation du jugement,
sur le
renouvellement de ma vison du monde. Ainsi « l'éducation artistique à la différence du seul
enseignement est celle qui réhabiliterait la curiosité, réveillerait le sens du dépaysement
pour mieux éprouver la liberté de juger sans règle préétablie » (Popelard, 2005, p 95).
33
4.4 Le théâtre dans son processus réception
Le théâtre est la forme et la pratique artistique représentées à la MJC de Rodez. Après une
présentation des conditions de son énonciation aujourd'hui, je développerai la thématique
du théâtre sous l'angle de la réception. Le processus de réception dans l'œuvre théâtrale
faisant de nous des « spectateurs émancipés », et nous ramenant à une position
d'interprétant qui n'aura jamais le dernier mot (Gadamer, 1992).
4.4.1 Le théâtre lieu de l'altérité
Le théâtre est le lieu où l'homme est face à lui-même et reconnaît sa condition.Un miroir
cependant ne se contente pas de renvoyer une image mais nous permet de reconnaître
quelqu'un que l'on aurait oublié. En cela, le théâtre arrache son masque à l'individu.
Le théâtre s'intéresse à l'homme, à ses pensées, ses actions, à ses échecs, à la manière dont
l'homme échoue à se comprendre lui-même et à comprendre le monde. Cette incapacité
qu'ont les hommes à se voir et à voir le monde tel qu'ils sont, constitue pour le théâtre une
source inépuisable. Le théâtre est aussi apte à mettre face à face identité et société par le
biais du plus vulnérable des supports : la peau. « La peau de l'acteur contre la peau de la
salle, toile vivante sur laquelle on cherche à mener à bien une démonstration de l'état de
l'humanité » (Duvignaud, 2000).
Le théâtre convoque une assemblée, nous invite à participer au rite dans laquelle se joue et
se rejoue le monde « sans relâche » et le sociologue Jean Duvignaud le signifie à son tour :
« il y a bien de troublantes ressemblances entre la vie sociale et la pratique du théâtre entre
les actes les plus marquants de la vie collective et la représentation dramatique »
(Duvignaud, cité par Balandier, 2000 p 65). Un processus de réception est alors au travail
quand nous sommes au théâtre, processus qui a suscité l'intérêt depuis que le théâtre luimême s'est rapproché de son public .
En effet, le phénomène majeur du XXème siècle, en matière artistique, se situe dans une
crise de la représentation, crise qui a suscité des mutations et des évolutions sur la scène
théâtrale. La saisie du texte littéraire comme objet scénique et non plus le texte comme
simple illustration et l'acteur comme présence identificatrice. Ce qui ne signifie pas pour
autant que le théâtre est aujourd'hui « le théâtre moins le texte » (Barthes, 1954, p 41).
34
Roland Barthes insiste sur, non pas une soustraction du texte mais une différence
dynamique entre la représentation et le texte : « on a donc affaire à une polyphonie
informationnelle et c'est cela la théâtralité : une épaisseur des signes (Barthes, 1963, p
258). Cette épaisseur constitutive du travail théâtral fait alors la différence avec le texte
linguistique. La libération du texte théâtral, de la représentation, va profiter aussi à la
présence de l'acteur en tant qu'auteur. L'acteur expose et témoigne. Il porte une proposition,
une interprétation du texte la sienne passant par sa sensibilité pour s'adresser au public et le
provoquer dans sa capacité à répondre.
Le théâtre « place la réalité à distance dans une sorte de proximité paradoxale ».
(Abddelkader & Bazile, 2013, p 233). Si le théâtre fait référence au monde sur lequel il
s'adosse, il l'invente et en même temps montre qu'il l'invente. Il oppose dans le même
temps réel et fiction. En cela, il est lui même représentation identique et différente de la
réalité, donc essentiellement une construction en tant qu'altérité. Au théâtre, le spectateur
signe un contrat spectaculaire. Il « est pris dans un régime de croyance. » (Helbo, 2007, p
69). Le spectateur est alors invité à démonter l'effet théâtral. Nathalie Heinich souligne
aussi que le regard requiert un régime de croyance donc une énigme à élucider, c'est elle,
cette énigme, qui permet de voir et de de trouver un sens (Heinich, 2008). Le spectateur à
la fois dans l'illusion et la dénégation de l'effet, joue le jeu et met le jeu à distance, le
déconstruit. C'est bien cet espace « entre deux », c'est-à-dire entre réel et fiction, qui
permet au spectateur de se contenir dedans et à la fois de s'en distancier pour construire du
sens. « Le spectateur prélève des prises de vue dans le continuum spectaculaire et construit
son propre montage en dialogue permanent avec le signaux scéniques qui guident son
attention, et conserve le libre arbitre de détruire l'image scénique et de construire du sens à
sa guise » (Helbo, 2008, p 43). Le théâtre construit alors un espace d'interrogation qui nous
renvoie à notre rapport au monde social et participe à la construction identitaire de
l'individu. « il n'y pas de passivité ou abandon d'un auditoire mais fécondation mutuelle par
où se construit une attente, une émotion, une participation » ( Duvignaud, 1977, p 48). En
cela, la réception de l'œuvre de théâtre sollicite donc une position herméneutique active qui
sollicite l'intellect et les sens. Le théâtre n'est pas purgatoire, ni identification mais plutôt
« clarification » de quelque chose pour moi au niveau de ma pensée. (Lauret, 2008, p 13).
Une représentation qui s'adresse à une pluralité de sujets qui peuvent agir, penser.
35
4.4.2 Le théâtre, relance d'un projet d'émancipation
Le spectateur est interrogé dans son ressenti dans ses perceptions. Franchir le gouffre qui
sépare l'activité de la passivité, c'est bien ce que cherche à faire le théâtre. Jacques
Rancière, pose cependant la question de savoir, si à force de réduire la distance, celle-ci
n'est-elle créée de nouveau ?. D'autre part, le spectateur n'est jamais passif au théâtre : il
comprend, voit et ressent. « Face à l'hyper théâtre qui veut alors transformer la
représentation en présence et la passivité (du spectateur) en activité » ( Rancière, 2000, p
28), Il s'agit au contraire de poser le spectateur comme celui qui joue le rôle d'interprète
actif (Rancière, 2000, p29). Être spectateur n'est pour Rancière, pas une condition passive,
qu'il nous faudrait changer en activité mais bien, notre situation normale. Un spectateur
compose son poème avec les éléments du poème en face de lui. Jaques Rancière va contre
l'idée d'une « émancipation comme réappropriation d'un rapport à soi perdu dans un
processus de séparation ». Le théâtre est par lui-même un lieu communautaire. « Des corps
s'adressent à des corps vivants dans le même lieu il semble que cela suffise à faire du
théâtre, le vecteur d'un sens de communauté » (Rancière, 2000, p 22). Le théâtre est
communautaire par lui même.
(…) mais le pouvoir commun au spectateur ne tient pas à leur qualité de
membre d'un corps collectif ou à l'interactivité. Mais, c'est le pouvoir qu'à
chacun de traduire à sa manière ce qui ou elle perçoit, de le lier à l'aventure
intellectuelle singulière qui les rend semblables à tout autre pour autant que
cette aventure ne ressemble à aucune autre (Rancière, 2000, p 23).
Dans sa capacité à se lier, se délier, se relier à ce qui encourt de façon communautaire ; par
association et dissociation. C'est dans ce pouvoir que réside l'émancipation du spectateur.
Une façon aussi de reconnaître le savoir de l'œuvre chez l'ignorant et de reconnaître en
chacun une capacité d'interprétation.C'est d'ailleurs, la critique de Rancière dans le maître
ignorant, la logique du « pédagogue abrutissant », du savoir linéaire et de l'élève qui
apprend ce que le maître lui demande d'apprendre. Or l'artiste, l'acteur sur scène ne veut
pas instruire inculquer mais produit une intensité, une énergie. L'artiste suppose l'effet sur
le spectateur mais il sait aussi que quelque chose lui échappe dans sa propre création, tout
comme au spectateur. La réception est « indécidable ». Le spectateur est donc un joueur. Il
faut donc cette distance dont parle Rancière, cet entre-deux, qui permette une capacité
herméneutique propre qui rend possible la pluralité des sens possibles.
36
4.4.3 Le théâtre, relance d'une disposition herméneutique
Pour le philosophe de l'herméneutique, Hans-Georg Gadamer le théâtre est art de
l'herméneutique et propose en retour une position herméneutique. Gadamer pose
l'interprétation comme thème central de la compréhension de l'homme. L'homme n'est sujet
qu'en tant qu'il n'est pour lui-même objet de questionnement. Ce projet est au cœur du
travail, de la représentation et de la réception théâtrale. Tout d'abord Gadamer développe
l'idée que l'homme n'est pas occasionnellement dans la situation de l'interprète mais que
l'être même de l'homme est interprétation. Dans l'art comme dans l'histoire, l'homme se
rencontre lui-même et s'y comprend. La compréhension nécessite alors une saisie et une
application. L'œuvre d'art nous fait advenir. Gadamer montre que l'œuvre d'art contient en
elle quelque chose qui ressort et qui est à comprendre. Ce qui se pose à nous, comme ce
qui ressort, est la vérité de l'œuvre. Donc la réception de l'œuvre révèle sa capacité à mettre
en commun des individualités. Mon interprétation de l'œuvre « ressort » parmi d'autres.
La représentation théâtrale pour Gadamer serait un « faire voir autrement le monde » et
« un voir autrement le monde ». Cette expérience relève donc d'une expérience de
reconnaissance. Le spectateur a cette capacité de saisir l'être dans l'œuvre et la question
qu'elle pose, à laquelle il est convié, à laquelle il s'approprie et à laquelle il répond.
L'œuvre est toujours quelque chose à comprendre que l'artiste à déposer dans l'œuvre et
que le spectateur reconnaît mais non seulement refait, reconduit, rejoue. Et remet en jeu
pour d'autres.
Aussi, l'expérience théâtrale d'art développe une vérité à laquelle il importe de participer.
C'est bien la position de la représentation théâtrale aujourd'hui comme expérience de la
réalité et de l'être. Gadamer tire aussi l'idée que le rapport du spectateur à l'œuvre d'art peut
devenir un modèle à la théorie de la compréhension et ce rapport contribue alors à élaborer
une éducation par l'art. Nous nous confrontons à l'œuvre que pour revenir sans cesse sur
nous-mêmes. La réception de l'œuvre se réitère. « L'expérience herméneutique du monde
est une expérience de rappel incessant de ce qui se joue dans le jeu par lequel nous
enrichissons en permanence le sens de nos actions. » (Gadamer, 1992, p 502). Dans
l'espace social, le théâtre répond à la réconciliation du sensible et de l'intelligible plus que
ça peut-être encore, dans ce même espace social, il me permet de me saisir de mes rapports
37
au monde, à l'autre, de les « rejouer », de les remettre en cause dans mon existence.
4.5 Culture scolaire et culture théâtrale, vers le partenariat
4.5.1 « Sauver l'alchimiste sous l'ingénieur »
Le théâtre et l'école travaillent ensemble depuis longtemps. La communauté du théâtre et
de l'école a toujours su mener une réflexion sur l'importance de l'art dramatique à l'école.
Leur champ d'action étant proche et leurs pratiques concurrentes. Le maître qui se veut
metteur en scène de sa classe et le metteur en scène qui se veut maître d'une classe. UnE
relation passionnée de l'un et l'autre, objet de concurrence mais aussi de séduction que ce
soit pour l'école devant le pouvoir d'émancipation du théâtre et pour le théâtre celui de
l'éducation des générations à l'école. Philippe Mérieu nous le rappelle, une dualité fonde
leur relation. « Par ailleurs pour Platon, le théâtre est l'expression de la diversité et de la
singularité alors que l'éducation doit permettre de s'exhausser au-dessus de la singularité et
de la diversité pour accéder (…) à la véritable intelligence des choses » (Mérieu, 2002, p
30). Cette dualité exaltée pendant le siècle des lumières, va s'estomper grâce notamment à
ce que Philippe Merieu appelle « l'autre école », celle des nouveaux pédagogues
(Montessori , Freinet) et grâce aussi aux principes de l'éducation populaire hérités de Léon
Chancerel, suivi par Vilar. (Beaucoup d'enseignants ont porté la culture théâtrale
passionnément et se sont retrouvés par la suite à la direction d'institutions culturelles.). Des
techniques théâtrales seront alors introduites dans l'école. Mais là encore, la notion
d'exercice comme maîtrise de construction de soi va être suppléée par celle de production
de projets, de spectacles, attractifs socialement. Les années 2000 voient se mettre en place
une reconnaissance des fondamentaux du théâtre au sein de la communauté éducative.
Philippe Mérieu en relève quelques-uns. Professeur en science de l'éducation et directeur
de formation à l'institut des maîtres, son engagement pour l'éducation artistique à l'école est
certes reconnu. L'entretien qu'il accorde à Jean Claude Lallias (conseiller théâtre) montre
l'attention de l'instance scolaire portée à la culture théâtrale et la signale comme venant
combler ou réhabiliter les manques de l'école. Le théâtre, alors à l'école, pour la
construction d'un espace symbolique, construction d'un espace ritualisé, espace où il y a
des places et où l'enfant peut prendre la parole et peut sortir de l'agglutinement, espace où
le geste a du sens et contrairement à l'école d'aujourd'hui où la classe est banalisée,
38
contrairement à l'espace social où tout est au même niveau. Le théâtre comme l'espace de
la parole via le texte. La pratique du théâtre invitant à travailler la co-présence au texte. Le
chercheur met l'accent sur la parole qui inclut le silence et qui aujourd'hui dans le quotidien
d'une classe devient insupportable. Le théâtre à l'école est aussi le partage dans un collectif
institué. Il s'agirait alors de construire un vrai spectateur « en état de maîtrise concentrée et
active ». P. Mérieu oppose cette situation du spectateur émancipé au spectateur de
télévision dispersé et passif. Contre l'anti-spectacle, le théâtre convoque le rassemblement
à une activité commune vécue de manière collective. La focalisation au théâtre permet « à
chacun de se mettre « en jeu » donc aussi « en je » dans sa propre vie ». (Mérieu, 2002, p
42).
Dans les actes du colloque « l'art debout un dérèglement nécessaire » (Lallias, 2005),
Marie Hélène Poppelard, maître de conférences en esthétiques, met l'accent sur la culture
du professeur qui dit-elle se devrait d'être double culture, celle de savant et culture de
poète, d'enseignant et d'éducateur. M. H. Poppelard voit trois opérations nécessaires pour
réhabiliter chez l'enseignant le goût de cette double culture. Ou sauver « l'alchimiste sous
l'ingénieur » (Bachelard). « Ne pas exiler la langue, accueillir l'émerveillement, faire
goûter la langue », car le poétique et l'imaginaire se cultivent, voir et entendre s'éduquent.
Les savoirs ne doivent pas être envisagés sous l'angle de la possession et la dépossession,
ce qu'on a ce et qu'on n'a pas, car en résulte une pétrification de nos formes
d'apprentissages : « dans le déclic du je comprends, se cache le souvenir non identifié
comme tel, la conclusion d'un raisonnement qui se passent de ses procédures intériorisées
qui finissent pas être de l'ordre d'une seconde nature, d'un style propre à un individu »
(Popelard, 2004, p 96). Ces procédures qui sont autres choses qu'une méthode transmise
par explication, ont une part secrète qui appartient au processus de création comme à celui
d'éducation. Pour former des hommes, toute éducation suppose des espaces « pour
entendre, rêver, explorer, subvertir, déplacer », suppose de travailler avec la sensibilité. En
deuxième lieu, l'auteur place l'éducation artistique dans une approche de confrontation et
de comparaison ouvrant ainsi les espaces temporels et culturels, permettant alors d'élargir,
de mettre en rapport de relier. D'autre part, la pratique artistique, l'expérience esthétique
invite à la patience, la délibération et la transgression. C'est à ses conditions que
l'enseignant mobilisé pourrait retrouver sa place et de surcroît l'artiste aussi dans l'école.
39
Ces fondamentaux et réflexions portés, lors de colloque sur la question de l'éducation
artistique, mettent toutes en avant la pratique, celle du spectateur comme celle du corps et
de la parole. Mais elles ont cela aussi de convergeant, qu'elles mettent en exergue une
finalité bien plus grande pour l'élève que celle des lieux communs, l'art comme un espace
de socialisation ; pouvoir d'expression corporelle. Autant du côté de sciences de l'éducation
que du côté des sciences de l'art, le terme éducation artistique retrouve sa finalité, celle de
faire dans la classe « un atelier de l'humanité ». Mais s'il y a un consensus, dans le faits,
dans la classe, le projet et modèle d'Alain Kerlan trouve des résistances.
4.5.2 L'école et la tentation esthétique
Je l'ai signalé, l'école est elle-même touchée par le mouvement d'une esthétisation du
monde. La pénétration des arts, des valeurs esthétiques, de la subjectivité dans l'école
semble bien réelle. Cependant « le développement de la dimension esthétique en éducation
coexiste avec le maintien, la réaffirmation du noyau dur de l'école comme lieu de
rationalité et de transmission des connaissances » (Kerlan, 2007, p 89). Les enseignants ne
refusent pas la culture artistique qu'ils introduisent dans toutes sortes de paramètres de la
forme scolaire mais le plus souvent il s'agit pour eux d'une pédagogie du détour ou d'une
réappropriation dans les apprentissages fondamentaux. La tentation de l'instrumentalisation
en ce sens est grande. De la même manière que le risque est de s'approprier l'art « sur le
mode autarcique » ( Popelard, 2005, p 89) disant : voilà ce que tu dois ressentir. Logique
de la transmission droite et à l'identique. Ce qui fait dire à Alain Kerlan que l'esthésitation
de l'école aujourd'hui, dans les faits, ne serait qu'une « concession stratégique », une « ruse
pédagogique qui n'entamerait en rien le projet moderne d'éducation ». L'école alors
continue de se « mesurer à l'aune des savoirs inculqués et de leur vocation à la généralité ».
Il en serait ainsi pour les pratiques théâtrales à l'école qui deviennent alors de la
sensibilisation pédagogique plus qu'un projet de transformation de l'élève (Loriol, 2002, p
8).
Or quand l'école se réapproprie des pratiques non fondées initialement par la
logique scolaire /scripturale, elle les dé-contextualise et en transforme le sens et
la forme en rompant partiellement ou totalement avec leurs usages quotidiens
et avec la logique sociale qui la constitue » (Faure & Garcia, 2003, p 87).
40
On assiste alors à une dénaturation de la pratique artistique elle-même ou une
« hétéronomisation. »
L'école aborde principalement la question du théâtre à travers le texte et l'étude des textes
de théâtre. Pour ce qui est des enseignements de théâtre en option obligatoire au lycée, le
système éducatif propose la co-intervention d'un enseignant pour le théorie et d'un
professionnel artiste pour la pratique. Au collège et au lycée, le cours de français prend en
charge l'enseignement du théâtre avec le sous titre récent « texte et représentation ».
L'intégration de la dimension scénique du théâtre permet alors d'une part de reconnaître le
théâtre comme art hybride, à la fois objet textuel et objet scénique et de relever un défi,
celui de décloisonner les disciplines entre théorie et pratique et l'on pourrait espérer celui
d'en passer par une forme sensible d'apprentissages partant de la valorisation du singulier.
Les enseignants accompagnent donc leurs élèves une à deux fois par an pour une
représentation théâtral. Or selon P. Mérieu, ces représentations dédiées aux scolaires
viennent dénaturer là encore le projet social et éducatif du théâtre celui de réunir de
manière hétérogène individuellement et collectivement le public. (Merieu, 2002, p 41). Les
enseignants s'improvisent metteur en scène dans leur classe mais le plus souvent démunis
et sans compétences en reviennent à illustrer le texte de manière canonique (Mérieu, 2002,
p 42). Quand ils le peuvent, les enseignants font appel à un artiste comédien, metteur en
scène. Mais la présence de l'artiste, c'est aussi la personnification d'un monde à l'opposé du
monde de l'école et à la manière de faire de l'artiste, ses techniques, son savoir-faire, ses
gestes dépassent la seule réconciliation de la théorie et de la pratique, du texte et de l'objet
vivant de la scène. Parce qu'il part des sens, du corps, de l'énoncé esthétique, l'artiste
propose du rapport, de la relation, du contact. Il propose de déplier en quelque sorte le mot
apprendre et comprendre. Je rejoins ici le projet d'Alain Kerlan qui voit dans la présence
des artistes à l'école, la reprise ou la relance de toute l'éducation.
4.5.3 Outils et gestes d'artistes à l'école
Que fait l'artiste dans la classe qui puisse expliquer aussi les heurts entre culture scolaire et
culture théâtrale. Est-ce qu'il y a une place dans l'école, dans laquelle les élèves vont aller
pas forcément à la rencontre des savoirs, mais d'abord à la rencontre d'eux-mêmes ? (Py ,
2012, p 35). Certes les outils et les méthodes de travail des artistes sont pluriels et
41
dépendent souvent de la personnalité de l'artiste, de sa propre histoire avec le théâtre.
Pour H.G. Gadamer, l'artiste développe un agir communicatif quand il intervient au contact
de l'élève. (Gadamer, 1992). L'artiste propose une expérience artistique et esthétique. Il ne
propose pas l'exercice ni l'imitation mais propose son soutien, son entourage, pour que
dans le geste artistique de l'élève celui-ci, cherche et trouve son identité. L'artiste va alors
se mettre à la hauteur de l'élève et s'intéresser au questionnement de l'élève. Sur « le
comment faire », ils vont alors chercher ensemble, en faire un problème commun. Dans
cette relation à l'artiste et cette relation à l'apprentissage, il y a éducation par la restauration
d'un rapport autre fait d'un passage, d'une dimension verticale à une dimension horizontale.
Faire rentrer l'élève dans une démarche artistique et esthétique c'est aussi trouver une
relation individuante. Il ne s'agit pas pour l'élève de se soumettre à une norme ou à des
valeurs extérieures mais de revendiquer sa différence, son identité et en même temps
conduire sa vie et sa relation aux autres.
L'individualisation de l'enseignant renvoie toujours l'élève en dernier ressort à
une norme commune d'apprentissage déjà posée, alors que l'individualisation
artiste ne renverrait à d'autre norme que celle singulière et immanente de
l'œuvre elle-même, du travail de l'enfant. (Kerlan, 2014).
L'agir communicatif dont parle Gadamer se retrouve dans le jeu théâtral où le corps en
cause fait son entrée dans le symbole, par la concentration, l'artiste va inciter l'élève à fixer
son attention à la fois sur le corps et la pensée et lui proposer une énigme à résoudre
passant par l'expérience sensible de son corps et de sa pensée. Un mode créatif et non
quelque chose auquel l'individu doit s'ajuster et s'adapter.
Quels sont alors les outils simples et primordiaux du comédien, de l'artiste intervenant
qu'aurait oublié l'enseignant et qui pourrait l'intéresser dans le cadre d'un partenariat ?. Car
l'artiste dans l'école est un projet pour les élèves mais doit l'être aussi donc pour
l'enseignant.
D'abord le corps. Le corps ne se contente pas de renforcer la parole, il est langue à part
entière énergie qui danse. La parole s'articule à lui dans dans une dissociation créative et
garantit la présence. La conquête du sens de l'œuvre textuelle passe alors par la sensation
des mots et l'articulation de leurs associations. Le sens du texte est donc détaché de la seule
42
signification des mots, se gagne par l'appropriation du sujet. Peter Brook évoque « l'hyper
lucidité » de l'acteur c'est-à-dire la conscience scénique du corps et de la parole en apport
avec les autres. (Brook, p 57). La pratique théâtrale est ce travail de déconditionnement à
l'œuvre et produit un travail sur le corps qui permet l'émergence de sa propre interprétation
« Ce que tu dis, tu n'as pas besoin de le faire », disait Louis Jouvet. Faire aborder un
texte ,c'est permettre de s'en laisser traverser et de créer en soi un vide psychique qui entre
en résonance. « Il s'agit de laisser la place à l'expérience, de chercher son propre rapport
aux mots d'où l'émergence sans doute d'une parole teintée, émue. Il s'agit de faire langue
plutôt que faire image » (Ollivier, 2013, p 89).
Le metteur en scène, Olivier Py souligne le fait que la relation à l'autre aujourd'hui est
appauvri dans son rapport à l'autre, à lui-même. Le théâtre est alors l'outil pour restaurer
cette présence à soi au monde aux autres. L'outil du théâtre est la parole. Prendre la parole
c'est-à-dire élever sa voix, de confronter la parole à une langue qui n'est pas du tout une
langue parlée, de réinventer son rapport à la langue et permettre de se réapproprier la
langue, se présenter comme sujet. De parler à l'autre, à un groupe, une génération c'est-àdire dans le rapport à l'altérité « et au-delà de parler à dieu, son destin de parler au pouvoir,
de parler aux valeurs fondamentales c'est-à-dire d'assumer les héritages ». Le théâtre nous
incite donc à « langager » (Aden, 2013, p 113), c'est-à-dire à utiliser la langue comme
matière vivante de reproduction de soi et de relation à l'autre. Le théâtre nous fait
« translanguer », c'est-à-dire suivant la définition de Aden : « l'acte dynamique de relance à
soi aux autres et à l'environnement par lequel émerge en permanence des sens partagés
entre les humains » (Aden, 2013, p 115).
4.5.4 Le partenariat dispositif et méthode
La prise en compte des fondamentaux de la représentation théâtrale dans l'enseignement du
Français notamment, impose de faire appel à un professionnel en la personne de l'artiste.
Le partenariat est en cela le dispositif qui associe deux champs d'actions fortement distincts
en la personne de l'artiste et l'enseignant. Comment alors dans ce dispositif, enseignant et
artiste vont vers l'autre sans perdre leur spécificité. De la même manière, artiste et
enseignant ne peuvent se suffire ou se renier s'ils oublient leurs différences. Comment
peuvent - ils alors partager un espace commun dans lequel ils se sentent concernés tous les
43
deux ?. Le partenariat nécessite alors une autre relation à l'école et au théâtre pour amener
au cœur une dimension sociale éducative et artistique. En soi, le partenariat dépasse la
compétence des partenaires pour laisser surgir une double voix beaucoup plus complexe.
Avant donc d'expérimenter sur le terrain de recherche la dimension de ce partenariat, il est
important d'en poser la définition et le modèle.
Avant de donner la définition du partenariat et d'en montrer le modèle conceptualisé dans
les travaux de Corinne Merini, je voudrais exemplifier et servir le propos, à partir de
quelques éléments de compte rendu et de réflexions rapportés des sociologues Alain Kerlan
et Jean-Marc Filiod.
Alain Kerlan cite alors dans son étude les propos d'une artiste auquel il pose la question :
pourquoi faut-il un artiste ?. « Ma réponse va paraître trancher : un enseignant seul dans sa
classe ne saurait faire entrer dans une vraie conduite esthétique, sauf s'il est lui-même
artiste ( …). On ne peut rendre compte d'une expérience de création sans être pris soimême dedans ». Le chercheur pose par la suite un des nœuds auquel peut se confronter le
partenariat : « cela ne signifie pas que l'enseignant en soi exclu, et qu'il n'est pas sa part
dans cette entrée esthétique. Trop souvent d'ailleurs on cantonne cette part à l'après, aux
prolongements, à l'exploitation pédagogique ». Avant ou après, c'est trop souvent en
dehors. Peut-on alors parler de partenariat ? « Je crois au contraire que l'enseignant doit
être dedans, au cœur de l'expérience esthétique. En la vivant pour lui même, en y
accompagnant l'enfant » (Kerlan, 2014). Condition donc, du partenariat, la nécessaire
présence des deux protagonistes, la présence concernée et dans le même temps. D'autre
part, un aller vers l'autre et la culture de l'autre, en l'occurrence ici pour l'enseignant dans
son rapport à la dimension esthétique telle que la propose l'artiste.
Dans le partenariat artistique, un des facteurs de difficultés peut se situer dans les décalages
entre les ambitions éducatives des artistes et les intentions récréatives des enseignants qui
viennent vivre un moment entre parenthèse pris en charge. Ou décalages entre deux
attentes. Celle de l'artiste qui se suffit d'une expression de l'enfant, force de créativité, et
celle de l'enseignante quand elle y voit un comportement en décalage avec ce quoi est
attendu habituellement un élève (Fliod, 2014). Au delà de l'opposition créativité et objectif,
il y a ici l'enjeu de la prise de risque du partenariat qui voit les identités professionnelles
44
bousculées. Or « les projets les plus innovants sont mus par une logique d'efficience qui
tire maximum parti des ressources de chacun plus que sur une logique d'efficacité, centrée
sur des objectifs à atteindre » (Filiod, 2012, p 16).
Dans sa version ordinaire, être partenaire, c'est être ensemble. Le mot partenaire nous vient
de l'anglais « partern». Il est défini comme : une personne associée dans. Au niveau de sa
racine, « partitio» signifie diviser, partager, séparer. La dimension d'opposition cette fois
prévaut. S'il y a bien le fait d'une association, ce n'est pas seulement sur la base d'une
communauté mais surtout sur la base des différences existantes. Ce qui explique que la
relation soit paradoxale, interactive et évolutive. Le partenariat est donc une relation
complexe qui induit le couplage relation-opposition. Et « Travailler avec » présente donc le
risque de « la confusion identitaire ». Ainsi chacun se crispe sur une « logique identitaire,
une représentation stéréotypée du métier de l'autre, se cristallise qui vaut aussi pour l'autre
tout court puisque cette réalité est incarnée par un sujet » ( Filiod, 2014, p 87).
Corinne Mérini pose les règles de la genèse du partenariat. Règle pour laquelle le
partenariat se doit d'être ressenti comme un besoin régi par un principe d'association, sur
un partage d'un minimum de valeurs ; le principe d'interaction par lequel chacun va rentrer
dans un processus ; le principe de rupture qui suppose une forme d'ouverture à de
nouveaux schémas ; s'ensuit le principe de risque par lequel chacun peut perdre ses repères
habituels. Un lien de proximité va alors contribuer à installer des rapports de confiance et
permettre d'approfondir la connaissance de l'autre : le lien personnalise l'action ; le lien
constitue alors la part vivante de l'action et fait du partenariat « un modèle d'organisation
de type organique « ( Merini, 2013). Aussi, Corinne Mérini définit alors le partenariat :
Etre partenaire, c'est être engagé dans une relation d'échanges, de
confrontation et de négociation avec d'autres acteurs au sein d'un système
d'ensemble contextualisé dans un temps et sur une scène donnée ceci dans la
perspective de résoudre un problème commun, s'intéresser aux partenaires,
c'est s'intéresser non pas aux individus mais aux liens qui unissent aux autres
dans un système d'actions donné c'est-à-dire un processus (Merini, 2013, p24).
Le partenariat éducatif qui occupe cette recherche comme tout partenariat, est une
interaction. La tentation est souvent grande de ne pas se laisser aller à la confrontation et
de se contenter de rechercher des objets à transmettre relativement simples, en cherchant
45
par exemple un accord sur les modalités pratiques, plutôt que sur le montage du projet luimême et donc le partage d'un certain nombre de valeurs. C'est d'ailleurs sur la notion de
projet que la relation peut achopper : « pour l'enseignant, le projet s'ordonne à la visée
d'objectifs pédagogiques définis et posés en fonction des programmes ; pour l'artiste, le
projet fait corps avec lui-même, œuvre démarche et expérience de vie confondues, se
nourrit du même mouvement » (Kerlan, 2005, p 16). Dans toute relation, quelque chose est
donnée qui va au-delà de la chose en soi. Quelque chose est mis dans ce qu'on reçoit qui
ajoute à la chose une valeur ajoutée.
Le partenariat ne peut alors se cantonner au passage de contenu. Il est le lieu de rencontres,
de parcours, de désirs, de choix et de représentations. S'engager dans un partenariat, c'est
partager une culture professionnelle. C'est-à-dire faire un état des lieux de ses pratiques et
de ses actions en positionnant les limites de ses compétences ; interroger le pourquoi de la
pratique, comprendre les intentions de son partenaire et justifier ses choix ; définir l'enjeu
de l'action, par exemple du côté de l'artiste comment faire pour que l'atelier ne soit pas un
cours et donc rassurer sur les connaissances. Si nous nous rapportons au modèle de Corrine
Merini, on peut rapporter quatre types de positionnements dans le partenariat :
- la dimension du monopole (affectif, institutionnel ou d'influence), quand l'un des
partenaires se repose sur l'autre. Il peut s'agir dans ce cas de l'enseignant qui ne participe
pas au projet de l'artiste ou de l'artiste qui accepte le projet verrouillé de l'enseignant. On
est dans l'instrumentalisation. Sans participation ou positionnement. C'est donc un cadre
qui tend à ignorer les conflits et les tensions.
- la dimension de concurrence s'appuie sur le désir de dépasser l'autre dans ses registres
d'interventions mais aussi de « créer une exclusivité permettant d'établir de nouveaux
monopoles sur les registres appartenant à l'autre » (Merini, 2013, p 94).
- la dimension de complémentarité dans un désir de cohérence, de cohésion, et de
coopération. C'est elle qui introduit la dimension éthique de l'action et la prise en compte
de l'autre.
Il y a donc une prise de risque qui fait partie du modèle tel que Merini le définit. La prise
de risque renvoie aux questions de représentations et on peut lui associer l'idée
46
d'innovation. Prendre des risques c'est innover dans le cadre de la logique culturelle de
l'autre. La prise de risque renvoie aussi à la question des limites et des seuils dans
l'engagement de sa propre personne, à la question de l'altérité, de l'attention à l'autre du
respect, respect et de l'écoute. La prise de risque peut être régulée. A certains moments
donc, il faut mettre en place des mécanismes de protection pour marquer les frontières ; des
mécanismes d'interdictions par rapport à ce qui est acceptable ou non. Prendre le risque de
la collaboration c'est accepter de ne pas maîtriser la situation, de perdre ses référents, ses
repères, ses représentations et donc de perdre un peu de soi .
Le contrat de collaboration est donc « le rapport que les partenaires créent entre les trois
dimensions, concurrence monopole et complémentarité, orientées vers une transformation
ou une mise en mouvement des savoirs et des identités » (Mérini, 2013, p 169). Des
mécanismes également de « transposition » sont à l'œuvre « cela engendre des réactions
dans le partenariat d'adaptation, modification,
par exemple,
l'enseignant
peut se
surprendre à « laisser faire » au sens moral et péjoratif du terme alors que l'artiste se
surprend à verbaliser » (Filiod, 2012, p 87). Les savoirs faire des partenaires se
contaminent, s'hybrident, se métissent. C'est aussi une forme de deuil qui se traduit pas une
forme de rupture. On agit ensemble mais pas en même temps, ni de la même façon et en
opposition par rapport aux formes symboliques que chacun propose. Entre négociations et
prise de risque, il s'agit d'entendre le modèle de l'autre et de construire « la commune
mesure » (Mérini, 2013, p111).
Les partenariats ne vont pas de soi. S'engager dans la mise en œuvre d'un projet associant
des acteurs aux caractéristiques professionnelles différentes dont la finalité est éducative,
« implique des ajustements et réajustements. La rencontre des sujets, les interactions aux
quotidiens engagent » dans une altérité concrète et génèrent une altération entendue dans le
sens d'une dynamique constructive des identités professionnelles » (Filiod, 2012, p88) et
notamment comme le souligne J.P. Filiod dans le faire et le dire. Souvent le partenariat est
une économie de la relation, de la transaction et de l'organisation. Or, le partenariat peut
être un riche espace de confrontation et de confrontation des cultures. Cela suppose sans
doute de se sentir responsable de ce qu'il se passe ailleurs et de s'autoriser à agir sur des
territoires non habituels .
47
La théorie offrant des modèles, il s'agira de vérifier si l'analyse concrète peut en être un
exemple. Il s'agira de démontrer les enjeux qui servent le partenariat artiste et enseignants,
à travers les rôles et les places de chacun des protagonistes. La représentation du théâtre
pour l'enseignant comme pour l'artiste sera aussi analysée. Le théâtre dans son approche
matière textuel et/ou matière vivante. Que révèlent alors dans le contexte de l'école, les
manières de faire de chacun autour de l'objet théâtre ?. Au sortir de cette première étape, je
fais l'hypothèse que pour l'enseignant le théâtre vu et pratiqué reste un vecteur des
apprentissages littéraires. En cela, l'enseignant resterait encore à l'écart de ce que peut
développer la pratique au contact de l'artiste, à savoir la valorisation du singulier. Avec la
crainte peut être d'une forme de passion dans l'artistique. Je fais l'hypothèse que le rôle de
l'artiste dans la classe est artistique et éducatif. Source d'émancipation et d'interprétation de
soi. En cela, il aurait toute sa place pour répondre au modèle que propose Alain Kerlan.
Celui d'une reprise esthétique de l'éducation. L'artiste apporterait-il la part sensible en
déficit dans l'édifice scolaire aujourd'hui et de par sa seule présence, ces manières de faire,
pourraient être un modèle pour les manières de faire enseignante ?. Pour être
complémentaire il faut se savoir manquant, aussi je fais, l'hypothèse d'un partenariat
consommé. Ne répondant qu'au monopole institutionnel ou affectif .
48
Synthèse de l'ouverture conceptuelle :
•
Aujourd'hui dans une époque de création diffuse, l'artiste devient un recours ou un
modèle pour la société. Sa pratique répond à une demande sociale d'exercer et
d'expérimenter par soi même (Nicolas Le Strat). Le processus de création, le faire,
est dévoilé devant le spectateur. L'activité artistique est envisagée comme une
esthétique relationnelle et écosophique (Bourriaud, Guattarri).
•
L'école constitue encore le poids d'une morale dominante (Lahire, Gorz). Alain
Kerlan propose alors le modèle de l'expérience esthétique pour relancer l'éducation
en déficit et en recherche d'un autre modèle. Faire une expérience esthétique agit
sur la sensibilité et le jugement critique et fait passer du statut de « spectateur » à
celui « d'acteur » (Goodman, Popelard, Filiod, St Girons). Le modèle esthétique
permet la réconciliation du sensé et du sensible mais aussi la valorisation du sujet
impliqué. (Touraine, Guattarri).
•
Le théâtre est un art vivant, scène du peuple du monde, de l'excès (Duvignaud,
Gadamer). Le théâtre met le spectateur dans un processus de réception qui doit
conduire à l 'émancipation (Rancière) et l'herméneutique (Gadamer). La pratique du
spectateur doit être alors envisagée comme dynamique de transformation du regard
et faire naître le besoin de théâtre.
•
Dans le secondaire, le théâtre est abordé par le professeur de français via le texte.
L'artiste intervient alors pour la pratique théâtrale via un travail sur le corps et la
langue. (PY, Brook, Gadamer, Aden). Il instaure un dérèglement nécessaire des
manières d'apprendre et de comprendre. Valorisant alors chez l'élève sujet le
processus d 'invention dans une relation proximale (Vygostki). En cela le contact
avec l'artiste et ses manières de faire vient relancer le projet éducatif. (Kerlan).
•
Le partenariat artiste-enseignant est celui de deux cultures distinctes et lieu de
frottements. Il est aussi l'occasion de la rencontre de deux cultures (Kerlan ,Filiod) .
Le partenariat est un donc méthode (Merini) à construire. Il s'agit de trouver des
intersections pour une mesure commune en sachant que chacun a une identité à
défendre (Kerlan).
49
5 Méthodologie
5.1 Premières lectures
Avant d’avancer et d’expliciter mes choix méthodologiques, mais pour autant faisant
partie de ma méthode, j’insisterai sur le fait que le travail sur la théorie, le travail de lecture
s’est effectué en deux temps. Ce qui sans doute, dans la continuité de la lecture du
mémoire, n’apparait pas.
Le champ d'application dans lequel s'inscrit ma question de recherche, le rôle de l'artiste à
l'école étant « l’éducation artistique et culturelle à l’école », c'est avec deux ouvrages
récents que j'ai commencé à me documenter. Celui de Marie-Christine Bordeaux et
Francois Deschamps « Éducation artistique, l'éternel retour ?» (Bordeaux & Deschamps,
2013) et le n° 43 de la revue Observatoire Culturelle dédié à l’éducation artistique (Pignot
& Saez, 2013). Deux ouvrages retraçant l’historique de l’éducation artistique et culturelle
en France inscrivant les ministères culturels, de l’éducation et de jeunesse et sports dans un
même enjeu, rassemblant les voies de transmission artistiques et culturelles que l’école
peut assurer, montrant le nouveau rôle des collectivités territoriales initiatrices de projets
innovants et cohérents et, donnant parole au pédagogue, psychologue, sociologue, acteurs
de la culture, élus autour de la nature de cette éducation et de la plus value qu’elle pourrait
représentait aujourd’hui pour les jeunes. La pertinence de l'objet à traiter ainsi validé, j'ai
commencé une autre phase de prospection par d'autres lectures théoriques, connexes au
cadre de l'éducation artistique et toujours en relation avec ma question de recherche.
Lectures principalement autour de l'activité artistique, la culture théâtrale et de la culture
artistique en milieu scolaire dans les disciplines de la sociologie, des sciences de
l'éducation, la philosophie et l'esthétique. Ce travail s'est affiné en passant par l'écriture du
contexte et de la problématique. Cependant, cette première phase de rédaction théorique
aura été retravaillée, relancée et affinée, par et suite à l'analyse de terrain.
50
5.2 L’entretien sa construction et sa mise en œuvre
L’entretien est l’instrument de départ qui allait permettre d’apporter des matériaux et
construire l’analyse. C’est avec le directeur de la MJC que nous réfléchissons et mettons à
jour ses besoins autour de cette question de départ. Nous nous interrogeons un moment sur
la nécessité dans l’analyse de l’observation des pratiques des artistes dans les classes.
D’une part, pour moi, c’était passer une étape, c'était partir du fait que la place de l’artiste à
l’école était déjà une place acquise. D'où le risque : la centralisation sur l’artiste en laissant
de côté la figure de l'enseignant ou en ne lui donnant qu'un rôle pair ou de suppléant
approbatif. La MJC exprimant des difficultés dans sa relation avec le système éducatif et
ses enseignants, il fallait donc à mon sens mettre en relief ces deux acteurs : artistesenseignants. L’objectif de l’entretien serait alors de faire parler et comparer, les
représentations des enseignants et d’artistes sur le rôle de l’artiste dans le système éducatif.
Si l'artiste rentre dans l'école, y a t-il un espace commun partageable, une perméabilité de
leurs mondes respectifs ?. Ainsi, avec les entretiens, je disposerai d’une architecture
cognitive et affective des personnes, autour d’un objet partagé, qu’est le théâtre à l’école ?.
Trois thèmes sont prélevés et assignés pour constituer la grille de l’entretien : Qu’est ce
que l’art dramatique ? – Le rôle éducatif de l’art dramatique – Les dispositifs mis en place
par la MJC vers la communauté éducative. Premier travail, celui d'élaborer pour ces trois
thèmes une première classification faites de questions apposées à des éléments théoriques
sélectionnés et à ma disposition (voir Annexe 2.1). A partir de là, je travaille à ma grille
d’entretien pour un état définitif, en ajustant les questions principales avec questions de
relance, les rassemblant, leur donnant une qualité précise et simple, accessible. Je veille
également à l’indépendance des questions, à la fois à leur logique dans l’enchainement.
Aussi, je tente d’imaginer les réponses, ce qui permet d’aiguiser la question. Ce cadre
structuré et que j’espère solide, de l’entretien doit être pour moi une garantie de
l’implication confiante de l’interviewé ; que mon objet devienne aussi l'objet de
préoccupation, de creusement de mes informateurs. (voir Annexe 2.2 )
Ma grille d’entretien construite, il s’agit maintenant de faire le choix des interviewés. En
concertation avec le directeur et la coordinatrice des projets d’éducation artistique de la
MJC, nous établissons une liste nominative d’enseignants de collège, de lycée et d’artistes.
51
Le choix se portent sur les enseignants ayant déjà travaillé avec la MJC. Soit que ces
enseignants participent déjà aux dispositifs proposés par la MJC (les enseignants déplacent
leur classe sur la programmation ou accueillent un artiste au sein de leur classe). La plupart
de ces enseignants sont des professeurs de français du collège ou du lycée qui travaille le
théâtre sous l'intitulé théâtre et représentation. Pour affiner ce choix, je décide donc de
nuancer en ajoutant à la liste deux professeurs d’arts plastiques. Nuance fragile et peut être
trop unique certes, mais ces deux enseignants se retrouvant en marge, j'espère alors, que
leurs propos puissent donner un regard sur l’artiste à l’école autre, étant eux même engagés
dans une matière artistique, tout en restant enseignant. J'ai moi même souvenir de ces
matières « à côté », où ils nous étaient permis de nous déplacer dans la classe, de
manipuler, de choisir, de partager avec le professeur.
Du côté des artistes, de la même manière, nous repérons, avec l'équipe, les artistes ayant
déjà travaillé sur les actions de la MJC et principalement au sein de l’école en collège ou
lycée. Il se trouve que la plupart d’entre eux, vivent et travaillent sur Toulouse. Nous
voyons la nécessité aussi de l’entretien avec les artistes locaux. En premier lieu, les artistes
locaux, comédiens, metteurs en scène, interviennent dans les écoles du territoire.
Cependant petite nuance encore, leurs actions au sein des écoles, collèges et lycées n’est
presque jamais commandité par la MJC. Ils n’interviennent pas forcément dans les
dispositifs de la MJC. En revanche, ils animent au sein de la structure des ateliers le soir
après la classe ou le mercredi. Outre, leur expertise en tant qu’intervenant, ils possèdent
une connaissance du milieu rural, des enseignants, leurs isolements, leurs difficultés à
trouver de la ressource culturelle localement, à se déplacer vers ses ressources. Les artistes
venant de Toulouse sont souvent de passage, mais exercent en milieu urbain trouvent à
contrario, ils ont de la facilité à la création et sa diffusion ce qui leur donne une assise sur
l'activité artistique. La liste des informateurs est ainsi composée de 18 participants. Je
décide de concentrer les entretiens sur un mois, en alternant artiste et enseignant pour
préserver la dynamique de comparaison.(annexe 2.3)
Parler du déroulement de l’entretien fait partie de la méthode. La grille de l'entretien sert
l'avancement méthodique, garantie la tenue et la récupération des informations mais
suffirait-il de s’y tenir comme à une mécanique ?.Très vite, des détails : l'engagement
52
socio-affectif et passionnel des artistes contre la retenue et la méfiance de l'enseignant. En
tous les cas, évoquer le déroulement de l’entretien conduit à se poser la question de la
posture de l’apprenti chercheur : pratiquer la distance nécessaire, comprendre que
l’informateur peut avoir besoin de temps pour répondre, comprendre que le débit de sa
parole ne doit par moment, pas être interrompue, qu’elle lui sert à construire sa pensée, ou
sentir au contraire le besoin de la relance et amorcer un mot, le faire expliciter. Il s’agit
d'admettre une forme d’ouverture et de bienveillance sur les informations données, de
relever les contradictions, de dédoublement de posture ou de rôle. L’attention est portée sur
l’objectif à poursuivre, portée sur le présent de l’entretien et sur quelque chose qui malgré
soi, fait écho avec des éléments reconnus de la théorie. Je prends aussi conscience qu’une
autre théorie peut s’inventer ici. Ainsi, dans chaque entretien, je peux reconnaitre
l’individu qui se dit et le social qui se construit. En d’autre terme, tout un système de
valeurs en construction avec ses particularités qui sous tendent les catégories. L’entretien
apparait donc comme un corpus complexe et sans doute infini pour son analyse à venir.
(Kaufman, 2013)
5.3 Genèse des thèmes de la recherche
La masse de documents apportées par les entretiens, leurs complexités, demande une
technique d’analyse adaptée non-standardisée, celle-ci risquant d’annuler les flottements
dans le propos, les contradictions, les troubles. Je choisie donc de travailler sur une analyse
de contenu manuel par thématique, catégorisation et codage, telle qu’à pu le proposer
Laurence Bardin. (Bardin, 2013).
Le choix des thèmes autour desquels vont s’opérationnaliser les catégories me demandent
une première réappropriation de mon corpus d’entretiens. Dans un premier tableau, je
reprends alors chaque entretien pour un découpage, un prélèvement d’éléments signifiants.
En face de chaque élément, je pose des notes réflexives qui tendent vers un déchiffrage
structurel, intuité, déjà dans la conduite des entretiens et qui me permettent au fur et à
mesure de dégager des thèmes. A la fin de ce premier état des lieux, mes choix de thèmes
sont posés : le théâtre et le partenariat. Je vais d’une part chercher à les isoler et les valider
en commençant le travail de catégorisation. (voir Annexe 3.1)
53
Dans un second tableau, j’affine l’exploration. Je reprends les éléments d’entretiens, en
face dans une deuxième colonne je pose les thèmes auquel ils se rapportent à savoir théâtre
et partenariat et je commence aussi à débusquer les catégories. Dans une troisième colonne
je continue le fil de la réflexion et des hypothèses. (voir Annexe 3.2) A ce stade, les
entretiens, anonymes d’une part, accumulés dans un seul et même tableau, passés au
« sécateur » puis au « tamis » semblent à la fois s’être réduits et complexifiés.
Les deux thèmes dégagés et choisit sont donc le théâtre et le partenariat. Deux thèmes qui
vont servir la question de recherche.
Le thème du théâtre, parce qu’il est l’objet spécifique et commun, partagé à un moment
donné dans un dispositif, par tous les informateurs artistes et enseignants. D'une part, le
théâtre est le lieu, le terrain et la matière de travail au quotidien des artistes-comédiens
qu'ils partagent avec un public lors d'une représentation. Le théâtre est aussi pour eux, un
objet de transmission auprès d'un public enfants et jeunes. A cette occasion, l'artiste est
amené soit à recevoir les élèves après les représentations, soit à intervenir en classe, pour
des ateliers de pratiques. Pour les enseignants, le théâtre est un enseignement, une matière
dans le cours de français sous titré « texte et représentation ». L'étude des textes de théâtre
est un objet d'étude mais l'enseignant se doit de prendre en compte pour son aspect vivant.
Aussi la fréquentation des salles de spectacles ainsi que la mise en jeu font parti du
programme scolaire. En cela, ils sont amenés à rencontrer et solliciter les artistes. Les
enseignants rencontrés ont par ailleurs, une pratique avertie, individuelle du théâtre en
dehors de la classe. Le choix de ce thème est aussi rapporté au choix de la programmation
de la MJC essentiellement porté sur le théâtre ainsi qu’a son projet futur de théâtre pour
adolescents.
Le partenariat est le processus qui met en relation et en interaction l’artiste et l’enseignant.
Le processus qui véhicule l’objet théâtre, qui va permettre à deux protagonistes de se
rencontrer autour d'un même objet. Soit il s'agit d'un partenariat proposé par l'institution
culturelle ou éducative, soit que l'artiste sollicite directement l'enseignant ou inversement.
En regard des entretiens, le travail d'analyse catégorielle s'impliquera sur le partenariat
effectif c'est à dire non pas dans la construction des projets mais dans le temps où l'artiste
intervient en classe auprès des élèves avec l'enseignant.
54
5.4 Opérations de catégorisations
Le travail de catégorisation va permettre une classification des éléments de significations,
constitutifs des messages. Je reprends une nouvelle fois mon corpus et les premiers
éléments de recherche des catégories. J’isole la colonne inventaire des catégories
provisoires sur un tableau excel (voir annexe 4.1). A partir de là, j’effectue un travail
manuel de stabilisation de catégories. « La colonne » me permets de classer les mots
suivant leur univers de référence et de les compter. A partir de là, je commence une autre
phase pour affiner. Cette phase est longue et plus ardue. Elle commence au brouillon. Les
catégories s’enchainent sous le chapeau de chacun des deux thèmes. Il est difficile de
rendre compte de cette phase de travail qui impose et mobilise fortement l’intellect. Il s'agit
d'un travail presque littéraire, un travail didactique sur le sens des mots choisis pour
nommer ces catégories. Je comprends que cette phase entraine l’apprenti chercheur dans
un vrai processus de recherche qui consiste à creuser verticalement, à rayer, à reprendre, à
ajouter horizontalement.
C’est alors, comme, « tout à coup » que quelque chose prend, s’arrête comme si pour un
moment, le processus de recherche des catégories s’épuisait rendant après « essorage » les
catégories à leur abstraction. Je prends conscience que le travail pourrait être à l’infini dans
la précision et la concision extrême du mot choisi définissant telle ou telle classe. A partir
de ce travail analogique et progressif, le titre conceptuel de chaque catégorie et sous
catégorie se défini en fin de l’opération. Je vérifie pour chacune d’elle et comme le
préconise Laurence Bardin, ses qualités requises, c’est à dire l’indépendance et
l’enchainement logique, leur homogénéité, leur pertinence, afin qu’à travers elles, puissent
se lire, les intentions et questions de recherche, leur objectivité et leurs possibilités
d’apports d’indices de données.
55
5.4.1 Tableau de stabilisation des catégories
Le théâtre
expérience esthétique
émotion
choc
enfance
intensité
dedans
attente
interaction socio-affective
rencontre
rendez-vous
partage
participation
contact
accès à la représentation de la
société
l'homme au centre
destin
fonction critique
transcendance
réflexion
réel
excès
objet d'étude du monde
scolaire
vecteurs des apprentissages
scolaires et cognitifs
vecteur de développement
personnel
programme
texte
savoir
progression
compréhension
facilitateur
élève
individu
savoir être
sens- critique
corps
liberté
découverte
56
Partenariat
Rôle de l'enseignant
rôle attribué à l'enseignant par
l'artiste
rôle de l'artiste
rôle attribué à l'artiste par
l'enseignant
garant du système
garant du suivi artistique
médiateur
garant de la morale
hédonique
garant du système
garant du suivi artistique
disciplinaire
artistique
déstabilisateur
démystificateur
éducatif
patrimoniale
garant de la morale
garant de la réciprocité
médiateur
artistique
déstabilisateur
démystificateur
médiateur
hédonique
niveau d'engagement
retrait
coopération
difficultés repérées
pratiques
conception de l'art
Puis, à partir de mes deux grilles de catégorisation, j’effectue un travail à rebours. Je pose
dans un tableau excel mes catégories (et sous catégories) et je leur rapporte tous les
éléments du corpus, soit les unités d'enregistrement mots ou thèmes, qui lui correspondent
ainsi que le nom codé de l’informateur. Le même travail est effectué pour les enseignants
puis pour les artistes et pour chacun des thèmes. Il s'agit d'un passage de données brutes en
données organisées qui tendent à se resserrer autour d'une catégorie avec une intention
57
structurelle. J'applique les principes de Laurence Bardin à nouveau exhaustivité et
exclusivité. Il s'agit, pour cette analyse thématique « de repérer des noyaux de sens qui
composent la communication et dont la présence d’apparition pourrait signifier quelque
chose pour l’objet analytique » ( voir annexe 4.2).
5.4.2 Codages et tableaux de synthèse
Je passe au tableau de codage qui va me permettre un comptage fréquentiel du nombre
d'items par catégories pour chaque thème et chaque acteur des thèmes. L'application de la
règle de 3 me donnera de la même façon, le pourcentage pour chaque catégorie (voir
annexe 5).
Enfin je relève et rassemble les éléments dans un tableau synthétique qui va me permettre
une vue globale et des possibilités de comparaison des pourcentage.
58
6 Résultats : Tableaux synthétiques
Théâtre/Artiste
Catégorie
Nombre d'items Entretien concerné
Accès à la société
j'étais fasciné par un des acteurs par son
immobilité, par tout ce qui se passait
derrière(A5)
c'est vraiment un rassemblement concret dans
lequel tous le monde doit être disponible les
uns envers les autres ( A1)
le théâtre c'est l'homme c'est des
problématiques humaines (A3)« il doit nous
secouer, réinventer le monde » (A6) ; « il
dépasse , il dépasse la quotidien ( A8) ; « c'est
un art politique qui a une conscience sociale
(A1); « Être artiste aujourd'hui c'est tenir le
cap sur les enjeux sociétaux « ( A3)
objet d'étude
c'est donner la littérature à l'oral ...c'est
hyper important de ne pas faire un putsch sur
la littérature ( A7)
Expérience esthétique
Interaction
vecteur apprentissages
vecteur personnel
33
1,2,3,4,5,6,7,8,9
13,81%
54
1,2,3,4,5,6,7,8,9
22,59%
72
1,2,3,4,5,6,7,8,9
30,13%
10
2,3,7
0
« ils sont directement confrontés à s'exprimer
ans l'art dramatique est libérateur ,
réconciliateur, constructeur et peut aider
( …) on y apporte son corps, son vécu, son
regard » (A1)
59
%
70
239
4,18%
0,00%
1,2,3,4,5,6,7,8,9
29,29%
100,00%
Théâtre/Enseignant
Catégorie
Nombre d'items Entretien concerné
J'attends de l'émotion , il me faut une surprise
( E6)
il y a un espèce de transfert qui s'est fait entre
le message ou le sentiments de la pièce et le
Interaction
spectateur( E2)
Il parle de l'homme ! Comme il l'a toujours
fait sauf que je pense qu'il le fait de manière
beaucoup plus épuré, j’allais dire cru, mais
pas dans le sens grossièreté, dans le sens
mettre à nu de manière un peu plus visible
Accès à la société
toutes les failles de l'être humain (E6)
«c'est dommage de perdre le texte (...) je ne
peux pas les envoyer au bac avec ce genre de
pièce, il faut qu'ils connaissent les classiques
objet d'étude
«(E5)
« c'est une autre façon d'entrer dans le texte.
Moi j'aime bien rattacher au programme donc
on fait des petits jeux de rôles , de mimes
pour les habituer et les faire progresser en
vecteur apprentissages français » ( E4)
« ça relève de l'autonomie, du savoir se
comporter avec sa voix , son corps, son
caractère , de partager , de faire des
compromis , d'attendre, ça sociabilise
beaucoup et puis il y a des règles aussi
vecteur personnel
« ( E5)
Expérience esthétique
60
%
46
1,2,3,4,5,6,7,8,9
14,79%
20
1,3,4,6,8
79
1,2,3,4,5,6,7,8,9
25,40%
36
2,3,4,5,6,7
11,58%
51
1,2,4,5,6,7,9
16,40%
79
311
1,2,3,4,5,6,8,9
6,43%
25,40%
100,00%
Partenariat/Artiste
Catégorie
rôle de l'artiste
Nombre d'items Entretien concerné
«artistiquement c'est moi qui décide» (A2)«;
«l'artiste propose une vision et on essaie de
travailler à partir de ça , de perturber les
codes, les façons de voir, d'envisager les
choses » (A1); « essayer d’établir un rapport
d’égal à égal en respectant l’intelligence, la
sensibilité de l'être, et de ne pas lui imposer
une façon de faire ou de penser «( A9)
»l'enseignant pour moi c'est clair c'est le
référent du système « ( A1)« les profs
devraient être en mesure de rebondir sur la
rôle de l'enseignant p/a proposition de l'artiste » (A9)
Moi j’aime bien qu'il y ait un partenariat.
L’enseignante aussi peut amener un texte. Je
trouve que le partenariat enseignant-artiste
est précieux, mais il n’est pas facile, mais il
niveau d'engagement est précieux il faut le garder. »A2
« moi je sais que sur le projet que j'ai fait, il
fallait que tout soit prés au maximum tout le
temps, et l'imprévu a été une notion très dure
et créer c'est être dans l'imprévu dans le vide,
dans l'inconnu, (…) je pense que c'est bien si
les parcours artistiques sont envisagés à
l'école sans enjeu de visibilité extérieure...
difficultés
( A1)
61
212
1,2,3,4,5,6,7,8,9
24
1,2,3,4,5,7,8,9
33
1,2,3,4,5,6,7,8,9
59
328
1,2,3,4,6,7,8,9
%
64,63%
7,32%
10,06%
17,99%
100,00%
Partenariat/Enseignant
Catégorie
Nombre d'items Entretien concerné
« nous on va être dans l'intellect, le
décryptage et avec un artiste c'est le ressenti
« (E6); « l'artiste est celui qui apporte la
différence, le neuf , l'autre approche” (E4);
“il transforme la classe, il en fait ce qu'il veut
pour montrer comment on va construire un
rôle de l'artiste
espace» (E6)
«mon métier c'est de transmettre, de
transmettre ce que j'ai appris le mieux
possible pour qu'ils en retiennent quelque
chose moi je ne crée pas “( E5)« mon rôle
c'est de permettre aux élèves de trouver un
intérêt à l'artiste. Ça fait de l'enseignant un
rôle de l'enseignant p/a initiateur «(E3)
niveau d'engagement
difficultés
« je pense qu'on s'efface .on a pas à être là «
(E3)
«A mon avis ça se passe pas bien et c’est
source d’incompréhension et de frustration si
par exemple l’artiste vient sans mesurer
quelles sont les contraintes de l’enseignant,
d’emploi du temps, de charge autre que
l’intervention, l’évaluation, “(E1)
62
%
49
1,2,3,4,5,6,7,8,9
50,00%
14
1,2,3,5,6,7,8
14,29%
9
1,4,6,8
26
98
1,2,3,4,5,9
9,18%
26,53%
100,00%
7 Analyse comparative des représentations artistes et
enseignants
7.1 Le théâtre
7.1.1 le théâtre est une expérience esthétique
14,79 % des propos des enseignants évoquent le théâtre comme une
expérience esthétique.
Je rappelle les éléments qui constituent une expérience esthétique dans les travaux d'Alain
Kerlan : Une forme de concentration et d'attention rapportées au plaisir. La part de
l'enfance y est également centrale.
Sur les 9 enseignants interrogés, 14,79 % d'entre eux considèrent qu'aller au théâtre, est un
événement, attendu pour l'émotion et le plaisir. « j'attends de l'émotion, il me faut une
surprise » (E6), « je veux que ça fonctionne, il faut que ça marche » (E3), « je veux vivre le
spectacle, j'attends de l'émotion » (E7).
L'emploi du pronom « je » et du verbe d'intention « je veux », « j 'attends » signale que
l'attente, la mise en attente de ce que l'on va expérimenter est toute aussi essentielle que le
plaisir nommé pour lui même, et font sensiblement écho à une forme de joie apparente à
celle que l'enfance peut nourrir. En cela, ces propos font références aux plaisirs simples,
ordinaires de toutes formes d'expériences. « Je veux vivre le spectacle, il faut que ça
marche » ( ) ...entre nous, pourrait-on rajouter. Il y a donc l'élan et l'allant qui disent à la
fois le désir de la rencontre avec « quelque chose » qui reste encore à l'état latent, prêt à
être reçu. Et dans la réception, l'espoir que ce quelque chose, rencontre une intériorité, un
dedans. Il faut que ça marche, entre nous et dedans moi. C'est donc bien un plaisir construit
sur l'attente.
Le plaisir peut venir à l'origine d'un motif scénique plastique : « je n'ai rien compris mais
c'était l'émotion de la robe noire » (E9) ou d'un choix de mise en scène : « ça ma
bouleversée notamment ce comédien qui ne dit pas un mot de toute la pièce » (E7), « ça
passe par le jeu des acteurs, plus c'est épuré plus ça va me toucher, si au cours de la
représentation, je prends mes distances, ça fonctionnera moins, moi je suis dans le basique,
63
dans l'illusion théâtrale pure » (E6).
Plus précisément, les trois enseignants E 9,7,6 parlent de l'acteur, de l'artiste comme
présence concentrée sur le plateau qui va les saisir au point de les renvoyer à une
concentration intérieure, et de les mettre dans une expérience esthétique relationnelle nous le verrons plus tard. Rien n'est dit sur le narratif, l'artifice, les codes du théâtre. Ce qui
touche est au delà du texte, de la parole, de la justification. Mais existe dans la présence de
l'artiste.
La plupart du temps les propos justifiant l'expérience esthétique relèvent d'une forme
concise et brève. Rien ne semble devoir et vouloir s'expliquer. L'émotion vécue fait un pli
sur soi : « Si j'y suis allée seule, je vais être remplie, ça va être un moment que je vais
conserver en moi (...)A plusieurs notre ressenti est forcément confronté à celui des autres et
donc on va être dans la justification » (E6).
La présence du seul groupe obligerait la justification. Dans ce cas, l'expérience esthétique
est-elle partageable ?. Notre espace social permet-il d'exprimer le désir, le plaisir sans le
raisonner ou le rapporter à la justification ?.
L'expérience esthétique est de l'ordre du « dedans » pour 4 enseignants. Que ce soit le lieu
lui même, le lieu concret : « Je rentre dans ce lieu là et je vais oublier ce que j'ai fait dans la
journée » (E7) ou l'espace symbolique : « je rentre dans les choses, il faut que je rentre
dedans, dans le décor, le talent des acteurs » (E5). « S'il y a une personne qui te fait
découvrir Baudelaire ou le théâtre Sorano, tu rentres dedans » (E3). « Dedans » est à la fois
le lieu du théâtre et une projection dans ce que représente le théâtre. Et ce « dedans », est
aussi pour certains enseignants le départ, l'endroit d'un passage ou d'une translation. Elle ne
l'ai pas et devrait l'être : « je me sens rarement embarqué » (E1), elle est exprimée : «
j'attends tout, que ça me surprenne, me transporte » (E6), « j'en sors heureuse, ça me donne
de l'élan dans la vie, l'envie de changer » (E9), Ici, dans ces propos, l'idée d'un trajet : du
dehors vers un dedans, pour un dehors de nouveau, mais construit vers une sortie vivifiée.
13,81 % des propos des artistes, évoquent le théâtre comme une expérience
esthétique .
Celle-ci est directement rapportée à l'enfance (ou à l'adolescence), ancrée dans l'enfance,
64
citée et située. Dans l'entretien, c'est un moment narratif, isolé, un souvenir raconté avec
attention, et comme soulevé du parcours de l'artiste. Souvent l'âge est cité, reconnu comme
un point départ ou une bifurcation : « ça remonte à loin » (A1), « j'ai commencé à l'age de
six ans » (A7), « a 11 ans je savais que c'était ce métier là » ( A7), « c'est un virage très
précis dans mes études » (A5). A noter que sur les 9 artistes interrogés, pour 4 d'entre eux
la découverte du théâtre s'est faite à l'école et pour 5 d'entre eux, la famille a été le moteur.
Qu'elle soit vécue en tant que spectateur ou dans la pratique d'un d'atelier, l'expérience
première du théâtre, est un choc, une mise à l'arrêt, engage l'être, le soi. Ces moments
rapportés dans l'entretien fonctionnent comme des micros-biographies qui sont souvent
découvertes avec précision et mettent l'accent sur l'expérience sensible et émotionnelle.
Les neuf artistes ont raconté ce point de départ.
À douze ans. Quand je suis arrivée à paris. J'ai fait mes premiers cours de
théâtre et je n'ai plus arrêté .Voilà. Ça commence même plus tôt avec Agnès
(sa mère) et Val (son beau père) qui ont joué « vive le train » ici avant que l'on
quitte l'Aveyron et nous la bande d'enfants, on suivait les répétition... il y avait
Claire, Nora c'était merveilleux. C'était amateur mais ça a était une aventure
tellement génial que nous enfants... moi en tout cas... j'ai adoré... mais aussi
avec les enfants... c'était extra... une belle aventure. Je pense que c'est là que
j'ai découvert ce qu'était le jeu en regardant Agnès, en la voyant arriver sur
scène dans sa robe moulante ultra sexy, j'étais submergé et impressionnée... et
des que nous sommes arrivés à paris, j'ai attaqué le théâtre... j'ai pris des
cours le mercredi après midi avec de adultes... je me suis retrouvé à 12 ans
avec les adultes le mercredi soir jusqu'à 22h… c'est eux qui me ramenaient
(A8).
L'intensité de l'émotion et du choc viennent de la présence d'un acteur sur scène qui fascine
de part sa plasticité, qui submerge et « prend ». L'intensité de l'expérience vient aussi, plus
subtilement, de quelque chose vécu dans une sorte d'incompréhension lié à l'enfance.
Expérimenté sur scène avant même d'être vécu dans la réalité. Parfois vécu comme contre
soi, vient, à la fois bousculer et orienter un parcours de vie. Comme si l'expérience
incompréhensible vécue dans l'enfance, devenait l'objet de la quête intuitive et nécessaire.
La timidité à dépasser, la mort en direct, l'image de la femme, l'image sexuelle. Ne
s'agissait-il pas pour ces futurs artistes de prendre l'expérience douloureuse, choquante et
de lui donner une forme, un sens ?
Le théâtre est aussi de l'ordre du « dedans « pour 3 d'entre eux. : « le fait de rentrer dedans,
65
t'as l'impression d'être à la maison » (A6), « j'ai choisi le théâtre, je n'ai pas vraiment
choisi, je me suis retrouvé dedans » ( A4), « on est toujours dedans » (A1), « j'attends du
théâtre qu'il me fasse oublier ma vie d'avant, ce que je viens de dire à une personne avant
de rentrer » (A5). Existe il un lien perméable entre dedans et dehors ?. Le dedans a t-il
avoir avec une concentration, l'isolement de la création ?.
L'expérience esthétique est liée au vécu, à l'enfance, elle est de l'ordre d'une concentration
qui s'est ancrée, il y a longtemps. Cependant, il y a absence de propos dans l'âge adulte qui
posent le théâtre comme une expérience esthétique.
La comparaison enseignant-artiste
Le théâtre est une expérience esthétique pour les enseignants et les artistes. Je peux noter
seulement qu'à la différence de l'enseignant, l'artiste fait très peu état de son plaisir, de son
émotion. Aussi, dans les entretiens, ces micros-biographies sont les seuls moments ou
choc-plaisir-émotion sont évoqués. C'est à dire, dans un contexte où l'artiste - enfant
encore - est en situation lui aussi de spectateur. A ce moment là, il rempli les mêmes
catégories que l'enseignant. Même si, pour l'artiste, l'expérience esthétique unique, est
déterminante pour le parcours de vie alors que pour les enseignants, elle semble pour ainsi
dire consommée ou concentrée de façon évènementielle. La nature du travail artistique lui
même, explique peut être cette distance par rapport au plaisir remplacé par la tension, la
recherche, celle-ci puis je le prétendre, constante, faisant souvent reporter le plaisir ou le
rendant éphémère. D'autre part, la situation économique et professionnel souvent celle de
la précarité et de l'intermittence de l'artiste met peut être en retrait ce même plaisir. Si le
théâtre est une expérience esthétique, celle ci se situe dans l'ordinaire, en dehors de toute
connaissance de toute explication, elle est ressentie et vécue à un moment donné pour les
artistes et les enseignants comme une concentration-attention et un plaisir-émotion.
7.1.2 Le théâtre est une inter-action
6,43 % des propos enseignants montrent que le théâtre est le lieu d'une
interaction
La représentation théâtrale pour les enseignants peut être vécue comme une rencontre de
66
proximité, un partage et très minoritairement, pour une enseignante, aller jusqu'à la
participation ou jusqu'au désir de cette participation active du spectateur.
Pour dire cette interaction, différents termes sont employés, 5 des enseignants interrogés
signifient dans leur expérience de spectateur, une relation, une rencontre, un
rapprochement, un nœud et semblent mettre en dialogue deux personnes : « il y a un
espèce de transfert qui s'est fait entre le message ou le sentiment de la pièce et le spectateur
» (E2), « la création d'un rapport entre celui qui va mettre en scène et celui qui va se définir
comme public » (E6), « il y a quelque chose qui se noue » (E3).
Pour l'enseignant E8, c'est le terme de partage qui l'emporte, employé à plusieurs reprises
dans l'entretien : « le partage c'est le premier mot qui me vient » ; « et j'attends ça d'une
représentation c'est le partage qui me touche, c'est quand le théâtre parle de la société » ;
« ça revient à l'idée de partage » ; L'enseignant va pousser alors le terme de « partage »
jusqu'à la concrétisation qui serait pour elle, de l'ordre de la participation- intervention : «
mais moi ce que j'aimerai c'est que l'acteur me choisisse pour monter sur scène... mais c'est
vrai quand je parlais de l'idée de partage c'est ça ».
Ce propos est suffisamment évocateur et singulier pour que je m'y arrête. Tous d'abord,
dire que cet énoncé est celui d'un professeur d'art plastique. Je l'explicite en regard de la
discipline exercée dans sa profession, conduite dans un rapport au sensible, mais explicitée
aussi par sa connaissance potentielle des courants performatifs de l'histoire de l'art, qui
inclus le spectateur dans le travail en train de se faire, l'interpelle, jusqu'à l'appeler pour
qu'il éprouve « avec » . C'est à dire que l'interaction, le rapport, la synergie citée plus haut
par les 9 enseignants n'est plus ici un partage entre l'objet spectacle, son contenu, les
personnages et le spectateur- enseignant mais le partage est envisagé avec l'artiste et
comme possibilité « que l'acteur me choisisse ». Qui signifie : vouloir être choisi par
l'artiste. ? L'enseignant invente ici son propre rapport à l'artiste, donne son envie de
partager avec l'artiste, de rejoindre l'interprétant et donc peut-on suggérer, de participer ou
de proposer lui aussi son interprétation. N'est-on pas ici dans l'exemple même d'une
expérience théâtrale envisagée sur la base d'une réciprocité. Que ferait l'enseignant sur le
plateau, lieu du monde, avec l'artiste ?. Que ferait-il autre que : voilà ma façon de voir le
monde dit l'artiste, présente moi ta façon de le voir. Mais, minoritaire, ce propos, rappelons
67
le, est aussi ceux d'enseignants d'arts plastiques qui ont assimilé ce qu'est un processus de
création. C'est à dire qui passe par le faire, la manipulation tout comme dans la gestion de
sa classe qui invite à laisser une place au corps. On se déplace, on tourne autour de la table.
22,59%, des propos des artistes montrent que le théâtre est le lieu d'une
inter-action
Pour tous les artistes, la représentation théâtrale est un rendez vous : « c'est vraiment un
rassemblement concret dans lequel tous le monde doit être disponible les uns envers les
autres (...) il faut des gens qui aient préparé quelque chose et un récepteur. Oui c'est un
rendez-vous » (A1), D'autres termes utilisés insistent sur la rencontre : « Un rapport direct
avec le public (…) c'est un contact, un rapport de proximité, la manière dont je vais
construire va me demander d'être proche et de ne pas oublier le spectateur » (A6), « il faut
à un moment donné cette communion là, qu'il se passe quelque chose sur l'humain » (A7).
Le rendez vous, la rencontre, le rapport, la communion sont d'une part liés au lieu lui
même qui met face à face spectateurs et acteurs. Il y a un rapport direct avec des corps, des
êtres. Et d'autre part avec ce que l'acteur fait circuler, apporte. L'inter-action c'est la
création partagée. C'est à un moment donné, la présentation, la représentation et
l'interprétation qui vient toucher le spectateur. La rencontre se faisant dans la réception.
Donc que ce soit un rendez-vous ou une rencontre, celle-ci est plus souvent souhaitée, prise
en compte dans la création ou la réception mais non, concrète et concrétisée par un accès
direct à l'artiste.
Je rapporte le propos isolé d'un artiste qui évoque le théâtre, le lieu théâtral dépossédé des
foyers lieu entre le dedans et le dehors, lieu possible de rencontre concrète, immédiate avec
l'artiste et son public. « le théâtre est devenu la maison du divertissement... il y avait les
foyers dans les théâtres... c’est à dire des endroits ou y avait une foule de gens, qui se
retrouvait après les spectacles ça existe plus. On vient, on joue, on s'en va… » (A5).
Est-ce que, cette interaction AVEC, non plus l'œuvre par l'intermédiaire de l'artiste, mais
l'artiste lui même, est elle possible aujourd'hui ?. Ou, dans quel lieu ?. Cet empêchement ne
contribue t-il pas à une mise à distance de l'artiste ?.
68
Le mode participatif qui serait un aboutissement d'une rencontre est aussi avancé mais il
est plus idéalisé qu'effectif. « Alors pour moi la place du spectateur c’est la participation
active. Ce n’est pas quelqu’un qui serait passif, qui ne devrait pas juger une œuvre. Il
devrait participer à l’œuvre, au théâtre. (…) de dire : j’y vais en toute liberté parce que je
participe à l’œuvre. Je suis nécessaire dans le spectacle. Donc ça veut dire aussi qu’on
pourrait se permettre de partir par exemple. ».(A1)
Les deux propos mettant en exergue, l'absence de ce lieu où rencontrer l'artiste, lieu pour
parler échanger, manifester, accepter ou pas. Si le théâtre n'est plus ce lieu là, que reste- il
alors à provoquer, sinon les applaudissements polis ?.
« Il faudrait pouvoir retrouver le côté brut des choses » (A5). N'est ce pas l'hypothèse d'un
manque. D'une nostalgie d'un théâtre populaire qui aujourd'hui ne remplit plus sa forme
originelle. Qui vient au théâtre ?. Sur quel motif ?. Entre celui qui se divertit, celui qui
s'abonne et consomme de la culture, quel peut être la place du spectateur ?. De l'échange ?
Je me demande s' il ne faut pas retrouver des dispositifs hors les murs parce
que là pour le coup, j'ai des souvenirs de chocs absolument inouïs. Donc je
m'interroge sur le fait d'aller volontairement jouer des pièces dans des lieux
qui ne soit pas des théâtres (A1).
Le choc de la rencontre rapporté ici est vécu dans un autre espace que le théâtre lui même,
sur le lieu quotidien de vie. Dans un autre dedans, celui de la vie courante et ordinaire, et
dans lequel l'artiste dessine pour un temps un espace symbolique, lieu d'une interaction
vraie, d'un choc inouï possible parce qu'il s'ajoute à la vie du spectateur, repasse en gras sur
la sienne.
Comparaison enseignant – artiste
22% des propos des artistes montrent que le théâtre est une interaction, 6,43%, seulement
du côté des enseignants. Des termes similaires sont employés pour désigner cette
interaction : rapport, proximité, contact. Cependant, je note que dans les propos de
l'enseignant, l'adverbe « entre » est souvent présent. Il s'agit d'une interaction
« entre ». Dans les propos des artistes « entre » est remplacé par le corps : un rapport
immédiat, un contact direct, être proche, se voir, se toucher. Pour, l'enseignant, il y a inter69
action quand il y a transmission de l'œuvre. L'inter-action a lieu parce que l'œuvre circule
vers le spectateur – récepteur. Mais pour autant met-elle en contact l'artiste et le public ? .
Aussi, l'artiste idéalise, espère ce contact presque de peau à peau, avec le public qui
pourrait exister dans un débat autour de l'œuvre, dans une participation du public. On peut
alors, se poser la question de savoir pourquoi n' y a t il pas chez les enseignants un désir de
rencontrer l'artiste ?. Est-ce une appréhension, celle d'un autre monde frivole et passionné à
l'encontre de celui de l'enseignant ?. Ou l'appréhension de rentrer dans un contact réel qui
n'est pas théorique, ni littéraire mais tout simplement réel, le côté brut des choses ?.
7.1.3 Le théâtre donne accès à la société
25,40% des propos des enseignants montrent que le théâtre donne accès à
la société
De quoi parle le théâtre aujourd'hui ?. De l'homme. Parmi les enseignants interrogés, tous
évoquent dans leurs propos, l'homme et son existence. L'homme est au centre du théâtre,
du texte théâtral, de la présentation et cela depuis toujours, seules les formes et le contenu
des interprétations semblent avoir changé. Je ne citerai pour exemple qu'un seul propos
représentatif et explicite : « Il parle de l'homme !. Comme il l'a toujours fait sauf que je
pense qu'il le fait de manière beaucoup plus épuré, j’allais dire cru, mais pas dans le sens
grossièreté, dans le sens mettre à nu de manière un peu plus visible toutes les failles de
l'être humain… » (E6).
Pour deux enseignants, le réel, la société, l'homme, ces thèmes pris en charge par le théâtre,
sont aujourd'hui, pour les enseignants, traités de manière excessive du côté d'une certaine
noirceur et non de l' embellissement du monde. Le théâtre assume son rapport au réel, le
présentifie mais gêne, perturbe ou manque de la légèreté. « j'apprécie d'aller voir des
choses contemporaines c'est très agréable mais c'est perturbant, voilà je trouve que ça reste
perturbant » (E2) ; « c'est noir je trouve que l'œuvre manque de légèreté, je trouve que c'est
très sombre, je fais le même reproche à la littérature » (E3). Pour deux autres enseignants,
la forme va compter « on est resté sur notre fin, c'était long ça n'avait aucun sens narratif »
( E4), « ça manque de poésie, il faut faire la différence avec le quotidien » (E3) ; « le corps
nu, ça non je ne peux pas, je n'ai pas envie de me faire mal » (E2).
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Trop noir, trop perturbant voir choquant, manque de poésie, de la structure narrative. Que
peut on entendre en filigrane chez ces enseignants ?. Est-ce un besoin d'une forme
poétique, qui transcenderait le réel ?. Le dépasserait ?. Nous le verrons et l'analyserons
plus tard. Est ce l'attelage du théâtre à une forme hyper-réaliste ou une forme de théâtre
volontairement provocante où le corps s’exacerbe, se propose comme la dote d'un message
sociétal du côté de la violence, de la destruction ?. Ne faut-il pas entendre dans ces propos,
non seulement, une représentation encore classique du théâtre, la difficulté d' accéder à un
théâtre du côté du corps ?. N'est ce pas ici la reprise professorale la révocation d'un théâtre
des passions qui viendrait buter contre l'enseignement du théâtre à l'école, du côté du texte
à l'écart de l'exposition de l'affect ?. N'est ce pas aussi un manque de fréquentation du
théâtre qui ne permet pas alors la comparaison ?. Est ce un désir plus personnel d'un théâtre
« heureux et léger »?. Ou un théâtre pour se divertir ?. Les propos, même s'ils attestent que
l'homme est au centre du théâtre et permettent de parler de lui, de son existence, relèvent
cependant des stéréotypes limités au j'aime-j'aime pas, sans prise de position réelle sur le
théâtre et la société. Ce n'est pas l'occasion aussi pour l'enseignant de penser la société
mais plutôt de remettre en cause les formes théâtrales.
A contrario peut être, pour un enseignant, le théâtre est une mimesis :
La représentation théâtrale met une distance énorme avec le spectateur… une
distance qui est difficile à réduire entre la vraie vie et une représentation.(...).
C’est l’histoire de la mimesis et ce n’est pas évident de proposer un autre
langage pour justement traduire ce qu’il se passe vraiment, les émotions telles
que les gens les vivent. (E9)
Ici le théâtre est en défaut de réel. Il peut parler de l'homme, mettre l'homme au centre,
l'actualité, mais la forme est toujours comme décalée de nous. Le théâtre n'est pas le réel et
la mimesis qui l'occupe semblerait mettre à distance le spectateur.
En marge, je relève ici les propos d'un enseignant qui relate sa sortie au cinéma avec ses
élèves pour le film Yves st Laurent :
ce qui les a choqué c'est l'homosexualité et je me dis qu'à notre époque que les
ados soient choquée par le fait que deux hommes s'embrassent et que cela soit
montré … moi je trouve ça très beau et ce qui m'a choqué, c'est qu'ils aient pu
être choqué (E8).
71
Je prends ces propos pour exemple et sans doute pour l'enchainement. Ici je retiens le choc
de l'enseignant, choqué par la réaction de ces élèves devant un sujet sociétal et qu'elle
trouve, à priori, non seulement nécessaire de montrer mais aussi dans lequel elle reconnaît
l'esthétique du film et la beauté. Certes il ne s'agit pas du théâtre, d'ailleurs la violence, la
noirceur, l’exacerbation des passions, l'étrangeté, ce qui n'est conventionnel est mieux
accepté sur la toile du cinéma, qui pose un filtre sur notre réel. (Un corps nu au cinéma ne
choque pas). L'enseignant témoigne et postule du fait que l'art en général, parle de sujets et
faits d'actualité, que c'est bien son rôle et au delà peut nous amener à changer notre regard,
accepter les différences, nous faire réagir sur cette même société et nous faire réagir sur la
manière de la représenter. Ce qu'elle dit aussi et ce qui l'a touchée, c'est toute la part du
metteur en scène qui propose son propre regard sur l'homosexualité. Aussi, le théâtre
comme tout art n'est il pas quand il a lieu, une proposition parmi d'autre. N'est il pas à
envisager comme regard parmi d'autre ?. Aussi, et en écho au rejet de certains enseignants
pour certaines formes de théâtre et certaines façons de dire et montrer le monde et
l'homme, n' y a t- il pas, là l'avertissement d'une société en défaut d'un regard sur l'œuvre,
l'œuvre comme esthétisation du monde, proposition parmi d'autre.
Il n'en reste pas moins que cependant, pour tous les enseignants, le théâtre est un outil de
réflexion sur le monde. « il y a des pièces qui questionnent » (E3) ; « avant on allait se
distraire alors qu'aujourd'hui on est plus sur de la réflexion » (E2), « il renouvelle notre
regard sur la société » (E6), « il parle de la société, ça remet en cause des questions de
valeurs » (E8).
22,61% des propos des artistes montrent que le théâtre donne accès à la
société
Tous les artistes se sentent très engagés quand il s'agit de mettre en regard théâtre et société
« c'est l'être humain qui est valorisé, qui est montré dans tous ses aspects » (A1) ; « le
théâtre c'est l'homme, c'est des problématiques humaines » (A3). Pour un artiste la question
de la place de l'homme et de son destin est mis en avant :
C’est un art plus social.qui s’occupe davantage de questions de civilisations
donc il se pose la question de : où est ce que l’on est, en temps que civilisation
et donc… en tant que spectateur, à ce besoin de situer... euh je ne sais pas
comment dire... il y a quelque chose à voir avec le destin de l’humanité (A4)
72
Le théâtre est une représentation du réel mais au delà il est transcendance de ce même réel
portant en lui la matière à se déplacer, à réfléchir, sans militantisme mais nous renvoyant à
nous même : « il doit nous secouer, réinventer le monde » (A6), « il dépasse , il dépasse le
quotidien » (A8), « c'est un art politique qui a une conscience sociale » (A1), « être artiste
aujourd'hui c'est tenir le cap sur les enjeux sociétaux » (A3)
Le théâtre parle à peu prés de tout quand Mayenburg travaille sur la
chirurgie esthétique. C’est pas seulement pour la critiquer, même si c'est pour
s’interroger, c’est aussi pour savoir qu’est-ce qui nous pousse aujourd’hui à
vouloir être beau, jeune, s’habiller de la même façon.(A7)
le théâtre permet une réflexion et de secouer la conscience collective :
Oui en quelque sorte… je le vois comme une nécessité de nommer, de penser
comme une nécessité de prendre la parole, il provoque, oui, il peut être
dérangeant. Mais tant mieux. tant mieux. (...) C’est être capable d'être en
mesure d’aller sur la lune et de regarder le monde, d'être en mesure d’avoir un
regard périphérique sur ce qui m’entoure de prendre position par rapport à ça
et de ne pas avoir peur d'être engager dans la société engager dans le monde
et de prendre position et de bousculer et de provoquer des réflexions… de
provoquer du débat, arriver avec des œuvres qui vont susciter la réflexion le
dialogue qui vont permettre d'aller plus loin. Je n’ai pas envie de chose facile
qui donc... d'être le plus près de ce qui se passe ici aujourd’hui et maintenant
(A8).
Tous les artistes engagent le théâtre et leur travail dans cette voie, cette sortie. Que le
théâtre puisse être un lieu de l'interprétation du réel, le propos d'un regard, d'un regard
individuel critique ou poétique, exacerbé ou épuré. Le théâtre est toujours donc un
témoignage de la société. Les propos des artistes à ce sujet sont souvent très engagés,
singuliers, en regard de leur l'histoire, de leurs pratiques. En s'engageant à dire et penser, le
théâtre fait acte social. les artistes nous renvoient à une forme de théâtre populaire. Le
théâtre est il encore le lieu de débat pour tout le monde, le théâtre parle de l'homme, du
monde, transcendé sur la scène mais comment infuse-il aujourd'hui sur la scène sociétale ?.
Comparaison enseignant – artiste
il y a du théâtre qui fait réfléchir bien sûr, et cherchons dans les classiques
mais actuellement on veut des couleurs que le scénario soit clair qu’on soit
73
dans une histoire… souvent elle finit bien. On est hors la vie. Parce que ce que
leur vie elle pas superbe donc on ne va surtout pas montrer ça. Pourquoi
Closer parle de cette chose qui s'est passé avec notre président... pour moi
c'est des choses qui se passe dans toutes nos maisons ça intéresse personne et
pourtant ça intéresse une foule de gens donc c'est ça qui m'embête... on peut
parler de sujet identique à condition que la poésie existe voilà. (A5)
A titre d'exemple, je relève ici les propos d'un artiste (il y en d'autre) qui opposant au
théâtre une autre esthétique celle de la télécratie qui a pour gouvernail le divertissement,
l'hyperréalisme. Certains artistes affichent la problématique du rapport au réel dans notre
société. Que ce soit la réalité virtuelle ou le réality show médiatique dans l'affichage du
corps, l’extrémité de masse qui efface plutôt qu'elle ne montre l'en-soi, lisse plutôt qu'elle
ne sépare. le théâtre à l'inverse dans sa monstration, pauvre, bricolé, artisanal soumet le
réel à la parole extérieure, à l'échange, au débat, à la pensée contradictoire et en devenir.
Pour les enseignants le théâtre est bien l'occasion de parler de l'homme, son existence, de
reporter un regard critique et de réflexion sur le monde, sur sa propre manière d'être au
monde. Cependant, ils semblent se contenter de l'œuvre et non de ce qu'elle ajoute comme
regard. Ils semblent se reposer sur l'œuvre repliant la représentation sur elle-même. La
forme n'est pas toujours validé et parfois, pour certains détruit l'accès à un théâtre du
monde. Les artistes posent la question du théâtre sa forme, son contenu comme un témoin
signalétique d'un rapport au monde et au réel, témoin d'un état du monde. Ce n'est pas
seulement un point de vue critique mais l'occasion de se demander pourquoi/ pourquoi le
corps ?. Pourquoi la violence ?. Pourquoi le noir ?. Le processus de création est lui même
très peu abordé, il est sous entendu pour devenir vecteur d'accès à la société.
7.1.4 le théâtre est un objet d'étude
11% 95 des propos des enseignants concernent le théâtre comme objet
d'étude
Six enseignants l'affirment. Le théâtre est un objet d'étude, il fait parti du programme, c'est
un apprentissage, la connaissance d'un patrimoine littéraire. « on est là pour constituer une
culture littéraire, que les élèves ne connaissent pas » (E3), « c'est dommage de perdre le
texte (...) je ne peux pas les envoyer au bac avec ce genre de pièce, il faut qu'ils connaissent
les classiques » (E5). Au miroir de la connaissance s'ajoute des qualités requises du texte
74
classique : le sens, le narratif « tout doit servir le texte » (E3), « ils ne peuvent pas
comprendre si on a coupé des scènes. Avec la meilleure volonté du monde ils ne peuvent
pas comprendre » (A5).
sauf que vous mettez un élève devant une pièce contemporaine, il comprend
rien... faut faire ses gammes. On peut pas comprendre... on va voir une œuvre
conceptuelle... le gamin il va dire c’est n’importe quoi... si il connaît les règles
du théâtre classique…par exemple la Cantatrice Chauve, sans contexte… ça
sert à rien… sur du théâtre, par exemple, la Cantatrice Chauve, ils ne peuvent
pas éprouver d’émotions sans comprendre, ça fonctionne pas, il ne voient pas
le comique, si c’est une œuvre qui mobilise de la culture ça va pas
fonctionner… prenons Rimbaud… c’est autre chose, y a de la poésie, si c’est
une œuvre qui est dans l’émotion ça fonctionne. Mounchkine ça fonctionne
parce que ça mobilise les sens. La musique… tous les sens. Là ça peut marcher
sur les élèves... ce n’est pas que sur les codes… ( A3)
Dans ce propos relevé, se confronte la compréhension et l'émotion, l'intellect et le ressenti.
La distinction entre l'œuvre classique ou conceptuelle qui ne peut être comprise et acceptée
par les élèves sans les codes et l'œuvre poétique qui mobilise les sens et demande le
ressenti. Peut-on ressentir, éprouver, être ému sans comprendre, sans contextualiser, sans
l'histoire ?. S'agit il dans son propos de donner une piste pour réconcilier sensé et sensible ?
Ne s'agit-il pas ainsi de rendre au sensible une indépendance qui passerait par la
connaissance des courants du théâtre ?. Ou inversement de lui accorder une primauté
quand il s'agit de poésie ?. Qu'est ce qui fait qu'une œuvre mobilise les sens plus qu'une
autre ?. L'école peut-elle être le lieu de l'expérience esthétique vécue pour elle-même ?.
Les enseignants savent individuellement, vivre une expérience esthétique quand ils vont au
théâtre sans faire appel à leur espace cognitif. Cette dimension semble être mise à l'écart
dans le contexte de l'école ou le moi professoral prend le dessus. Les enseignants ne
pourraient ils pas vivre une représentation avec leurs élèves de la même manière qu'ils le
font individuellement ?. Quel dispositif à l'école permettrait -il cela ?.
Les propos cités montrent d'une part que le texte s'impose d'abord, c'est une culture
littéraire, une valeur, des règles, du narratif. D'autres certains propos mettent l'accent sur
l'aspect de la représentation. Et relèvent aussi de certaines frustrations des enseignants qui
souhaitent que le texte étudié en classe soit aussi celui qui soit vu et représenté au théâtre.
« C'est difficile de faire du contemporain », « ils ne peuvent pas comprendre si on coupe de
75
scènes » : l'institution culturelle devrait-elle adapter ses propositions au programme
scolaire ?. Mais Le théâtre représenté est-il encore le texte ?. N'y a t-il pas une médiation à
faire auprès des enseignants pour montrer que le texte, au théâtre n'est plus celui d'un
auteur mais l'interprétation d'un metteur en scène et que la représentation passe toujours
par ce filtre et de fait se sépare du texte. Dans le contexte de l'école, peut-on aller voir du
contemporain et étudier le théâtre classique ?. Les avis sont partagés.
Certains enseignants s'approprient le théâtre et les propositions de l'institution comme une
matière et joue la carte de la comparaison et la diversité : « ...mais même encore tout à
l’heure, il y en a encore un qui m'a parlé de la pièce Absence (texte contemporain) par
rapport à... on travaillait sur les lettre de prisonniers... en français aussi, on est drôlement
libre on peut faire plein de liaisons et de ponts » (E4). D'autres, se soumettent davantage à
l'objet étudié en classe : « c'est dommage de perdre le texte (...) il faut qu'il y ai de la
cohérence, de la qualité d'interprétation... mais nous on est partagé par le fait qu'il y a le
programme, donc pour sortir il faut qu'on puisse légitimer, il faut qu'on l'ai étudié en
classe » (E5).
En marge, je m'appuie sur ce dernier propos de l'enseignant E5 pour montrer par ailleurs, la
contradiction, parfois, de certains enseignants :
Mais moi justement... dans ma matière je n’aime pas trop qu’on demande aux
élèves d'apprendre… je préfère qu’ils cherchent par eux-mêmes, qu’ils
réagissent d'eux-mêmes ce qui fait que les miens ne sont pas des perroquets
qui restituent un enseignement, je ne dis pas que ça marche à tous les coups
mais je trouve ça essentiel de former comme ça je les pousse à créer. ( E5)
Cette contradiction n'est pas la seule. Je m'arrête un instant sur cette complexité chez
l'enseignant tiraillé entre entre le moi individuel et le moi professoral. Contradiction qui
montre une capacité à « tordre un peu la règle » (A5). Cette manière de faire de
l'enseignant, ce « créer » dont il parle ici, ne serait-il pas aussi par moment applicable
alors, pour le théâtre et sa connaissance ?. Si la littérature ne s'apprend par cœur, si elle est
objet aussi de recherche, de construction d'une pensée critique pour l'élève, le théâtre en
fait parti. Et peut lui aussi « se bricoler », faire des ponts, se relier.
76
4,35% des propos des artistes concernent le théâtre comme objet d'étude.
« la rencontre avec des textes c'est magique pour eux » (A2), « c'est donner la littérature à
l'oral c'est hyper important de ne pas faire un putsch sur la littérature et de le ramener vers
l'écriture théâtrale, le plaisir de lire et d'aller voir » (A7). Trois artistes évoquent le texte et
la littérature théâtral. C'est un objet d'étude propre à l'école, ils le reconnaissent et eux
mêmes parfois soumettent des propositions de textes à l'enseignant. C'est une matière qu'ils
apportent et qui doit remplir sa mission d'imprégnation de la littérature mais aussi du
plaisir de découvrir des textes.
Comparaison enseignant – artiste
Il est donc à constater que très peu d'artistes évoquent le texte et la littérature théâtrale dans
les entretiens. A contrario des enseignants, pour lesquels c'est une mission de leur
profession que de donner cet apport. L'artiste quand il intervient et notamment dans un
atelier de pratique, fait il impasse sur le texte ?. Le nombre de séances et d'interventions
incitent souvent à des formes simples autour du jeu et de l'improvisation. Mais ne faut-il
pas d'abord, le corps, avant de s'harnacher à un texte ?. Cependant, l'artiste ne doit il pas
oublier qu'il intervient à l'école, dans un contexte, de savoir et de transmission littéraire ?.
Pourquoi se déchargerait-il de cette mission ?. En considérant que le théâtre est un objet
d'étude, ne peut-il pas aussi permettre de donner un autre visage au texte, une autre
manière de l'appréhender ?. Quand un artiste amène un texte en classe, ce n'est pas pour le
décortiquer, et l'expliquer mais pour que le corps passe dedans, et aide à la compréhension
par le ressenti, par un équilibre entre soi et l'autre qui donne lieu à l'interprétation. Le
risque en faisant impasse sur la littérature, le risque n'est il pas de susciter des malentendus
et de faire de l'intervention de l'artiste un atelier d'expression corporelle ?.
7.1.5 Le théâtre est un vecteur d'apprentissage
16,40 % des propos des enseignants se rapportent au théâtre comme vecteur
des apprentissages fondamentaux.
Pour 8 enseignants, le théâtre, sa pratique est un facilitateur ou un outil de récupération
pour mieux apprendre ou apprendre autrement : « il faut que les enseignants sentent qu'ils
77
en profitent, que les élèves en profitent, que ça soit un facilitateur » (E1), « c'est une autre
façon d'entrer dans le texte. Certains enfants qui sont effacés peuvent devenir à l'aise, les
enfants qui sont en échec peuvent se révéler très performants » (E4). « Donc il faut y
rentrer autrement donc c'est une autre approche qui va permettre à des élèves qui sont
davantage visuels ou en difficultés de passer par le ressenti » (E2)
Le théâtre, lu, vu, pratiqué est envisagé comme accès à l'apprentissage, à la connaissance
de la discipline et parfois vers un résultat scolaire, dans un parcours de progression. La
pratique alors, le passage par le ressenti, le corps, peut aider l'élève. Cependant la visée en
est toujours un mieux lire, une maitrise. L'enseignant ne parle pas encore d'une
compréhension sensible, de soi. Ici on est dans une approche sensible au service du texte et
non de son interprétation : « ils arrivent à maitriser par le biais du corps et ça c'est bien »
(E7), « je leur demande de la jouer et ça aide à la compréhension de passer par le
corps » (E5), « Je les encourage à la rentrée en septembre à s'inscrire dans des clubs parce
que je leur explique à quoi ça va leur être utile. Il y a un oral de français donc la pratique
de l'oral, ce n’est pas rien. » (E4)
Encore une fois en marge, et pour faire un signe à la suite de l'analyse, je cite l'enseignante
qui évoque un élève en grande difficulté scolaire mais particulièrement bon et passionné de
théâtre : « le théâtre c'est par là qu'on pourrait l'attraper qu'on pourrait le ramener à lui …il
va se retrouver coincé... on est pas obligé de savoir écrire… mais quand même il faut
savoir lire c'est à dire comprendre ». ( E9)
Reconnaissance encore ici du théâtre, de sa pratique comme vecteur d'un apprentissage.
Comment entendre ce « ramener à lui » qui vient contredire l'aller vers les
apprentissages ?. Est ce toute la difficulté pour l'enseignant que d 'entendre la pratique du
théâtre comme une forme d'interprétation de soi même, qui n'a pas forcément un lien avec
lire, écrire, apprendre, savoir ?. C'est aussi la contradiction de l'enseignant dans son
hésitation à la fin du propos : le théâtre comme seul vecteur des apprentissages
fondamentaux se permets d'être le vecteur d'un développement personnel.
En revanche, à aucun moment le théâtre pour les artistes n'est envisagé comme vecteur des
apprentissages fondamentaux.
78
7.1.6 le théâtre vecteur de développement personnel
25,40 % des propos des enseignants concernent le théâtre comme vecteur
de développement personnel
Tous les enseignants attestent que le théâtre est un vecteur de développement personnel
pour leurs élèves. Dans le cadre des modifications de l'enseignement du théâtre, les
enseignants proposent eux mêmes un peu de pratique ou souvent démuni, font appel à un
artiste ou répondent aux propositions des instituions culturelles de faire intervenir un
artiste. C'est l'occasion pour ces mêmes enseignants, semblent dire les propos, de
reconnaître l'individu et la personne en l'élève. Reconnaissance qui se situe souvent pour
eux entre un « se construire soi » et « se construire auprès des autres ». Trouver sa
place. :« ... c'est... quelque chose qui est apportée à chacun pour se construire, donc c'est un
regard neuf qui leur permet de s'émanciper des autres, et puis ensuite ça permet de créer
du lien avec les autres, » (E6) Elle ajoute plus loin « on est à la fois dans le ciment collectif
et à la fois dans l’élaboration d'un individualité » (E6).
Certains enseignants insistent sur, le passage par le corps. D'abord parce qu'ils sont eux
mêmes démunis dans le travail de pratique qui appelle et pose, d'abord le corps, le corps
debout, annule la hiérarchie : « c'est vrai que le corps on ne le travail pas du tout » (E2),
« il y a dans le théâtre la notion de jeu, la mise en scène du corps qui n'est pas mobilisé par
moi » (E3) ;
Le plus souvent le théâtre et sa pratique sont un vecteur de savoir-être et profite en retour
au groupe classe. Se comporter, s'exprimer, se mettre en lien avec les autres sont autant de
références citées mais cependant reconnaissables dans tout atelier ayant trait au
développement de la personne. Et de fait ici, peut-on se poser la question : au delà, des
stéréotypes et de la généralisation de ces thèmes, jusqu'où l'enseignant a t-il intégré la
spécificité de la pratique théâtrale pour leurs élèves ? : « c'est intéressant parce que ça met
l'accent sur le savoir être, le savoir se comporter, comment trouver sa place, comment
montrer qu'il n'y pas qu'une réponse à une proposition » (E1), « ça relève de l'autonomie,
du savoir se comporter avec sa voix, son corps, son caractère, de partager, de faire des
compromis, d'attendre, ça sociabilise beaucoup et puis il y a des règles aussi » (E5).
Une autre occasion, pour 6 enseignants, celle de faire référence au corps-adolescent de
79
l'élève. Le travail sur le corps est donc ici un travail à partir du corps inimité, travail qui
servirait à le rendre plus libre, plus ouvert. « ils ont un rapport au corps différent, parce que
pour certains, le corps, il est essentiel, et... Ensuite non quand ils sont à l’école, le corps ne
sert pas... enfin sauf dans la séduction, pour l'apparence » (E6).
Cependant, et je précède les résultats appartenant aux artistes sur la même catégorie, :
quand l'artiste intervient, est-il vraiment dans cette visée de contrer l'existant chez la
personne ?. Ou au contraire, ne va t-il pas se servir de la mollesse, ou de l'apparat, suggéré
dans les propos pour donner à l'état, une valeur, montrer le corps tel qu'il peut être aussi ?.
D'autre part comment expliquer dans les propos, ce qui, chez les enseignants, semblent
rester en surface, dans une sorte de lissage du développement personnel, et séparé de toute
réflexion sur l'interprétation de soi, séparé du risque de l'interprétation de soi : N'y a t-il
pas là d'autres moules qui se préparent ici ? :« Devenir autonome » , « sociable », « savoir
se comporter »?. La venue de l'artiste est-elle considérée comme un plus, un joker qui
viendrait compléter les apprentissages fondamentaux de l'élève par un apprentissage des
savoirs êtres ?.
Je rapporte les propos isolés d'un enseignant. Cette même enseignante qui très tôt avait
vécu une émotion esthétique à la vue d'une Antigone dans sa robe noire. Propos qui
insistent sur la pratique comme création de l'individualité et d'un accès au réel. Est ce de sa
part, signifier que l'enseignement est déconnecté du réel, «le côté brut des choses ? »
(A5) :
Moi ce qui m'intéresse le plus dans le théâtre c'est la personne. Avec cette
proximité un peu comme on est. Donner la permission aux gamins d'être eux
mêmes, de dire ce qui les touche ou pas, c'est génial au niveau du groupe. Ça
déborde le côté théâtre à proprement parler ça devient de la connaissance de
soi (…) on sent que c'est quelque chose qui est porteur, c'est une mise en
situation qui leur servira toute la vie encore plus que ce que nous on peut faire
parce que c'est réel, alors que le reste lire un texte dans l'immédiat ce leur sert
à rien par rapport à s'affirmer (E9) .
Pour 30% des propos des artistes concernent le théâtre comme
développement personnel
Tous les artistes exposent que le théâtre et sa pratique permettent de s'affirmer en tant
qu'individu et de mesurer son rapport à l'autre. Mais plus encore de construire, creuser cet
80
autre en soi à partir de soi. Il s'agit bien pour autant d'accéder à une compréhension de soi
dans son horizontalité, et non dans l'échelle à gravir jusqu'au résultat. Aussi, l'artiste,
l'artistique, sa proposition permet l'ajout, le cumul exponentiel de thèmes, du côté du
développement personnel. : « ils sont directement confrontés à s'exprimer donc l'art
dramatique est libérateur, réconciliateur, constructeur et peut aider ( …) on y apporte son
corps, son vécu, son regard » (A1).« La nécessité de trouver son identité, de s'affranchir de
cette identité et de trouver la place » (A9), « le corps et l'espace, se reconnaître soi, les
autres, le rapport à l'autre » (A5).
Tous les artistes mettent en évidence la pratique d'un art qui perturbe et transforme les
relations aux autres et à l'espace, mais aussi transforme leur regard sur leur génération : «
c'est un art qui aide beaucoup, qui perturbe les relations entre les élèves » (A1) ; « ça peut
modifier leur regard sur ce qu'est une génération, et puis le respect mutuel, il se sont fait de
vrais amis, ce n'est pas loin du sport collectif » (A7).
Plusieurs artistes montrent que le théâtre permet la pensée critique et du débat :
Il peut y avoir la partie politique, non pas fabriquer des militants qui pourraient
partager mes idées mais rappeler que c'est un acte fort de venir sur un plateau
et qu'on doit venir avec un message qui est le sien (A7).
Le corps est appelé aussi dans les propos : « Et puis le théâtre c'est des corps » (A1), « ça
passe totalement par un retour au corps » (A4). La pratique du théâtre est un lieu de
développement personnel. Mais il ne suffit pas de poser des corps dans l'espace, de les
faire s'exprimer. Dans plusieurs propos, le corps sert le processus de création. :
Observer le corps de l’autre et ne pas apporter de jugement, mais voir à quel
endroit il est émouvant, drôle. Aider l’acteur, l’élève, l’apprenti acteur à s’en
saisir … et se rendre compte, regarder c’est quoi un baiser très lent ou très
rapide pour moi ça permet d’aborder le rythme... et c’est en fonction de
l’énergie qu'il a mis, que ça ne raconte pas la même chose. Que
l’interprétation ne parle pas que par des effets de voix … la lenteur de la prise
du gobelet raconte plus de chose et ça c’est la poésie c’est la poésie
gestuelle... (A7)
Ici le corps est travaillé comme matière pour donner du sens aux gestes et à sa mise en
rapport avec l'espace autour, l'acteur lui même et les autres. C'est éprouver la résonance du
corps et sa présence comme co-existence à ce qui l'entoure.
81
Comparaison enseignant – artiste
Bien évidemment, les artistes parlent d'une pratique quotidienne qui leur est propre et
qu'eux mêmes, charrient tous les jours dans leur travail de création. Je note donc des
termes plus précis moins généraux qui répondent à l'expérience de la pratique pour les
artistes.
Artistes comme enseignants s'accordent à dire que la pratique théâtrale est un vecteur de
développement personnel. Cependant, là où il est question de mise en rapport pour l'artiste,
c'est pour l'enseignant une question d'apport.
Pour l'enseignant, c'est un travail sur le jeu, la mise en scène, le rythme, l'élocution qui
peuvent être nécessaire pour gagner en autonomie, dépasser sa timidité, de savoir se
comporter, se socialiser, gérer le corps. Les verbes employés par ces enseignants
témoignent d'une représentation de la pratique qui n'est pas dégagée de la gageure
professorale. D'autre part, ils sont employés pour témoigner du théâtre comme
développement personnel de l'élève mais se rapporte aussi au vocabulaire du savoir.
Pour l'artiste, il s'agit de trouver sa place, trouver sa parole, trouver son identité, devenir,
s'ouvrir, modifier son regard, passer par le corps, travailler sur le corps, observer. Les
verbes employés sont de l'ordre de quelque chose du côté de l'expérimental, du devenir, de
l'infini d'une recherche. Ces termes sont aussi tout à la fois ceux que l'on pourrait attribuer
à une recherche artistique et créative.
Comment insérer la pratique artistique théâtrale à l'école ?. La pertinence de l'artiste à
l'école n'est elle pas du côté des manières de faire en lesquelles les enseignants pourraient
trouver un modèle ?. Ou l'artiste vient-il en plus, comme recours, aux apprentissages ?.
7.2 Le partenariat enseignant – artiste
Je rappelle que le thème du partenariat est abordé dans les cas où l'artiste intervient dans la
classe. Il s'agit alors de comprendre où se situe ce partenariat et de vérifier l'hypothèse que
ce partenariat est semble-t-il fictif.
82
7.2.1 le rôle de l'enseignant dans le partenariat vu par l'enseignant
14,29 % des propos parlent du rôle de l'enseignant
Le partenariat enseignant-artiste est un dispositif qui implique l'attribution plus ou moins
concerté de rôles. Le travail d'analyse catégorielle a montré que les rôles pouvaient se
multiplier, se différencier et parfois s'associer. Enseignants et artistes pouvant jouer le
même rôle. La qualité de « référent » étant le marqueur de leur différence.
Dans le partenariat artiste-enseignant, 7 enseignants se montrent être garant du système et
de la répartition des rôles : « nous on est là pour amener de la théorie, donc c'est difficile
d'amener de la pratique, de la création. Moi j'ai une formation théorique, je suis là pour
apprendre des techniques, pour aider les élèves » (E8), «mon métier c'est de transmettre,
de transmettre ce que j'ai appris le mieux possible pour qu'ils en retiennent quelque chose
moi je ne crée pas, je ne crée rien, par contre on peut évaluer » (E2). « Je ne crée rien et ça
c’est précieux. Ce que lui fera de manière conventionnelle lui le fera de façon originale »
(E6).
L'enseignant se positionne clairement du côté des fondamentaux théoriques, justifiés par sa
formation. Il laisse à l'artiste sa spécificité et s'écarte de ce rôle pour lui même. Il se
démarque par la comparative : il y a celui qui amène la théorie, les savoirs et celui qui
crée ; par la négative : « je ne crée pas », « je ne suis pas artiste ». Utiliser la négation « je
ne créé pas », n'est sans doute pas anodine. Peut-on se permettre d'y lire une frustration
mélancolique de l'enseignant à ne pas créer ?. On connait la pression, la lourdeur des
programmes qui assigne l'enseignant à une tache de production et de rendement.
Cependant, il y a bien quand même distinction voir séparation entre le savoir et la création.
Les termes employés pour signifier l'artiste : celui qui n'a pas d'objectif, qui fait d' une
manière originale, qui créer, s'oppose à celui qui apporte, transmet, normalise et mettent
déjà en évidence deux rôles distincts dans leur pratiques.
L'enseignant peut aussi préciser son rôle « je pense qu'on peut fonctionner comme
médiateur entre eux et lés élèves » (E6). « Ça fait de l'enseignant un initiateur » (E3).
D'ors et déjà, je constate l'absence d'un rôle bien défini pour l'enseignant dans le
partenariat, pendant l'intervention de l'artiste. Les propos cités montrent que l'enseignant va
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se positionner dans un rôle « entre » artistes et élèves ou « à posteriori » avec les élèves.
Mais, qu'en n'est-il dans le partenariat lui même ?, avec l'artiste ?. Que fait l'enseignant de :
pratiquer, faire,créer ?. S'il prend le rôle de « l'entre », du médiateur ou de l'initiateur, celui
du trait d'union entre l' artiste et élève, considère t-il que la rencontre ne puisse avoir lieu
sans lui ?. Ou que cette même rencontre a besoin d'un recours professoral ?. Est ce une
manière de ne pas s'écarter complètement ?. Est-ce une façon de ne pas se laisser
déposséder de ses élèves ?. Est ce une crainte de la personnalité «artiste » et d'une
représentation de l'artiste qui viendrait mettre au tapis le travail de l'enseignant, l'artiste
venant souvent déstructurer l'existant ou toucher des points affectifs chez les élèves ?. Est
ce une volonté de garder la main aussi sur le cadre et les normes ?. Mais aussi, en
l'absence, d'un rôle défini préparé et concerté, dans la difficulté de trouver son rôle dans ce
partenariat, et, puisqu'à priori l'enseignant se dit hors la création quand l'artiste est là, n'est
ce pas alors ces dérives qui conduisent l'enseignant à revenir sur ce qu'il a en charge, à
savoir, les élèves. N'est ce pas, ce rôle, qu'il soit «entre» ou «à postériori», celui, garant du
binôme et de la distinction, garant du système, n'est ce pas ce rôle, qui redessine et déplace
la barrière morale, éducative, que l'enseignant a habituellement avec les élèves ?.
L'enseignant n'aurait il pas à gagner, à prendre sa place entre tous, dans, un « entre nous ».
Dans le cercle que propose l'artiste, plutôt qu'entre artiste et élève, élève et savoir (C'est
une image mais bien souvent, les ateliers d'improvisation théâtre commencent par un cercle
dans lequel l'intervenant artiste prends aussi sa place).
Un enseignant se donne le rôle de garant de la morale :« On a envie de leur dire : vous
voyez qui vous avez en face de vous, des gamins à qui on a rien demandé, parfois il lui
demande des trucs énormes qu’un gamin est incapable de faire. Et qu’il n’est pas
souhaitable qu’il fasse, parce qu’à ce moment là il n’est pas près. » (E1).
Quatre enseignants vont mettre l'accent sur ce que pourrait être la limite du travail sur soi
dans la pratique du théâtrale et la limite de ce qui est montrable pour des adolescents dans
le cadre d'une représentation quand elle vient toucher l'excédent intimiste. Je cite à titre
d'exemple :
Dans la pratique, j'ai eu deux trois cas d'élèves qui ont fait du théâtre pour
régler des problèmes personnels, comme exécutoire et même ça a été un peu
grave. On voyait que dans la façon de se donner sur scène, c'était dans le
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personnel. J'ai connu une jeune fille qui a mis fin à ces jours. Le théâtre ça lui a
pas ...c'est pour ça que j'ai du mal avec F. il est Borderline ? ... Les élèves ont
été choqué par la mélancolie de barbares, la jeune fille qui était nue, elle est
restée longtemps nue pourtant j'avais préparé en amont je leur avais dit, mais
les élèves ont été gênés. (E5).
L'enseignant se pose en figure protectrice. Protection contre un trop de violence ou un trop
de soi ?. S'agit-il de savoir comment récupérer et ré-exploiter ces sujets difficiles amenés
par l'artiste dans la classe ?. S'agit il de récupérer les élèves trop choqués ?, et de savoir
comment les récupérer ?. Y aurait-il une ligne à ne pas franchir pour l'artiste ?. Ou « le
dehors » fait il défaut à l'enseignant ?. En tous cas, l'enseignant semble être celui qui
connait l'élève et reconnait l'adolescent en l'élève, à contrario, semblent-ils dire de l'artiste.
Le propos cité plus haut pose la question de l'art contemporain, de l'accès de l'artiste qui
débarque et de son manque, parfois, de pédagogie qui peut avoir un effet néfaste sur les
élèves. Le rôle de l'enseignant n'est il pas ici à un moment donné de faire en sorte que
l'intervenant n'aille pas trop loin dans l'artistique ?. Les propos reposent aussi la question
de l'intervention artistique comme engagement dans un processus de création. Y a t-il eu
médiation ?. Un apport de l'artiste ou d'un médiateur sur ce qu'est un processus de création
et notamment dans le cas de la pratique théâtrale une prévention sur ce que l'action peut
soulever du côté de l'intime ?. Mais doit-il y avoir prévention ?. Doit-on sécuriser, encore
ici dans la classe ?.
Pour finir, je note et rapporte les propos d'un enseignant sur le rôle de l'enseignant et de
l'artiste, dans le partenariat. :
Souvent l'artiste, il vient avec l'étiquette artiste comme si ça lui permettait tout
Et puis bien des artistes se plaignent quand l’enseignant se met sur le côté et
devient spectateur de l’intervention et en même temps l’enseignant se plaint de
ne faire que de l‘autorité et de la discipline et cette place fait défaut à l’artiste
qui considère qu’il n’a pas à prendre ça en charge.(E1).
Ce propos, unique, ne peut être explicatif mais il met en exergue l'absence d'un rôle
effectif du côté de l'enseignant, sa disqualification dans le partenariat et qui se retrouve à
occuper un rôle disciplinaire et à contrario du rôle prégnant de l'artiste. Or que peut il se
passer si les rôles ne sont pas partagés mais séparés ? Que peut il se passer pour l'artiste lui
même qui vient se frotter au lieu de l'apprentissage ?. Que peut-il mettre en réflexion s'il ne
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vient pas associer l'enseignant à une démarche neuve, à cette autre approche qui prend le
risque, la subjectivité par exemple ?. Jusqu'où l'artistique d'ailleurs, ne faiblit pas de cette
absence de l'autre ?.
7.2.2 le rôle de l'artiste dans le partenariat vu par l'enseignant
50% des propos de l'enseignant attribuent un rôle à l'artiste
L'enseignant attribue plusieurs rôles à l'artiste dans le cadre de ce partenariat.
Le rôle de l'artiste est posé de nouveau, en comparant ou séparant le domaine de l'intellect
et du sensible : « nous on va être dans l'intellect, le décryptage et avec un artiste c'est le
ressenti. Il faudrait les deux. C'est pour ça que c'est intéressant qu'ils interviennent » (E6) ,
« les idées ne sont pas encore arrêtées pour former l'esprit critique, c'est bien que ça ne
vienne pas que des profs, de la famille, c'est bien qu'ils aient d'autres façons de représenter
ces discours moins didactiques » (E5).Il y aurait donc d'un côté l'intellect, le savoir, la
didactique, de l'autre le ressenti, l'être que l'artiste prendrait en charge. S'agit-il de penser le
sensible séparé de la connaissance ?.Ou ne peut-on pas y lire une complémentarité ?.
Encore une fois l'enseignant se pose séparé ou observateur de l'artiste.
Pour les 9 enseignants, l'artiste assume le rôle de l'artistique : Il est qualifié d'artiste et il en
a la compétence. Il est artiste. Il a donc une spécificité. Il crée, apporte « quelque chose
d'autre », du neuf, une différence. Encore une fois, c'est par comparaison que l'enseignant
lui assigne ce rôle, en lui donnant le rôle de l'autre, l'autre approche, l'autre langage
professionnel : « l'artiste il amène sa pâte, sa touche » (E8), « l'artiste est celui qui apporte
la différence, le neuf, l'autre approche ».
Cette « autre approche » est très peu explicitée cependant. Je l'ai constatée par ailleurs, les
enseignants reconnaissent les effets sur leurs élèves mais définir et décrire le rôle artistique
en revient à poser des termes généraux : « mettre en scène », « mettre en forme et à créer »
(E6) ; des jeu, des exercices de théâtre » (E4).
Je note aussi, en marge, que lors des entretiens, quatre enseignants ont qualifié leur
posture professorale en l'assimilant avec celle du comédien sur le plateau. Le terme de
représentation est alors utilisé à plusieurs reprises : « quand j'enseigne je ne suis pas moi, je
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suis en représentation tout le temps » (E3), « On prend souvent de l'artiste mais quand
j’enseigne, je ne suis pas moi. Je m’amuse énormément parce que je suis en représentation
tout le temps. » (E4).
Le rôle artistique est l'occasion de sous-rôles. L'artiste est alors, pour 3 enseignants, un
déstabilisateur. Ce rôle émane directement de la pratique artistique. L'artiste est un
déstabilisateur, qui perturbe les codes hiérarchiques habituels entre le maître et l'élève et
les normes spatiales de la classe « il transforme la classe, il en fait ce qu'il veut pour
montrer comment on va construire un espace » (E6), « ça leur casse les codes, on modifie
les codes, la classe, leur déplacement » (E4).
Autre sous-rôle émanant de l'artistique, l'artiste de part sa présence et sa manière de faire
vient démystifier l'art, l'approche du théâtre, et sa propre posture d'artiste. Le terme de
démystification est parfois associé avec celui de proximité. 7 enseignants en font état : «
L'artiste apporte un regard décomplexé à l'art » (E6), « le fait que l'artiste soit là. Ça
démystifie la chose. Il es là. On le voit. Ça apporte de la proximité » (E7).
Le terme de proximité est révélateur. L'artiste par sa seule présence apporte et amène du
proche, du contact, de l'accessible, du réel. Sous-entendu peut-on lire dans ces propos : il
amène du concret, du réel là où il manque ?.
L'artiste est une aide pour 3 enseignants. L'artiste vient combler alors ce que ne sait pas
faire l'enseignant : « nous on est sans pratique de création donc heureusement que les
artistes sont là pour nous seconder » (E8). « pour moi l'artiste est magique il va amener des
choses que je ne pourrais jamais amener » (E6).
7.2.3 le rôle de l'artiste dans le partenariat vu par l'artiste
64,63% des propos parlent du rôle de l'artiste
L'artiste tient le rôle artistique. Les 9 artistes informateurs en font état. Il a cette
compétence. Il s'affiche comme artiste. Il a l'exclusivité de ce rôle : « artistiquement c'est
moi qui décide » (A2), « il attend l'expérience de moi en tant que comédien, l'expérience
de plateau… moi je les implique sur un travail de mise en scène » (A3). Il affiche son rôle
en évoquant le processus de création lui même, le travail artistique à proprement dit : « on
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les engage dans un processus de création » (A1), « on a parlé de masques, des choses
d'ordre stylistique, du comment on fait les choses » ( A4).
Les propos qui informent du rôle artistique de l'artiste se distinguent par leurs singularités.
Ils sont propre à chaque artiste qui évoquent sa manière de faire, de transmettre, sa façon
de penser le théâtre, d'y engager l'élève. Est-ce que cette vision singulière du théâtre peut
être partagée avec l'enseignant ?. Certains propos montre aussi comment ce rôle artistique
se fabrique concrètement, et vient réconcilier le corps et la pensée.
Reproduire un parcours, faire une action et je demande de refaire toutes les
actions de chacun. A chacun de faire ce parcours puis de faire une historie avec
ses actions puis de prendre trois actions qui sont pour eux les plus
intéressantes(...) De faire des actions qui ne sont pas en lien avec ce qui est
dit… ça sert à chauffer le corps et l’attention. (...)L’imaginaire tout de suite. Il
ne faut pas laisser du temps aux élèves pour improviser. S'ils réfléchissent, ils
bloquent. On donne un mot il faut dire quelque chose. Il faut accepter d’être
ridicule. Une phrase qui n’est pas en lien avec le thème. L’acteur c’est les deux,
le lâcher prise et la pensée … penser ce qu’on a dire et ensuite le lâcher.(A7).
Ce rôle artistique qui prévaut, va générer d'autres rôles comme je l'ai montré dans l'analyse
des propos enseignants. C'est le cas pour le rôle de déstabilisateur. Rôle assumé par l'artiste
qui l'endosse pour l'apposer au normatif.. L' artiste vient donc déstabiliser l'ordre de la
classe mais surtout les codes et les normes habituelles. Il donne l'impression de défaire ou
découdre, de faire le vide ou de se frayer un chemin, de faire accepter les conditions
d'entrée dans un processus nouveau : « l'artiste propose une vision et on essaie de travailler
à partir de ça, de perturber les codes, les façons de voir, d'envisager les choses » (A1), «
toutes les règles que vous avez apprises, moi je vais essayer de les déstabiliser ; ils ont
horreur quand on bouleverse l'histoire »(A6), « on bouleverse les codes, on n'utilise pas le
même langage, on se touche, on fait du bruit ou du silence, on enlève sa carapace » (A6) ,
« ils passent par des phases ou ils me disent on ne va pas y arriver vers quoi on part, ce flou
cet incertitude, cette étape de création les mets mal à l'aise » (A8) .
Le rôle de perturbateur permet aussi à l'artiste d'amener un contenu que seul l'enseignant ne
pouvait se permettre d'aborder : « l’autre jour, j’ai apporté un texte de Mayenbourg et
l’histoire d’un jeune lycéen allemand qui relie la bible et qui devient intégriste chrétien …
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les profs se disent on peut en parler mais c’est quand même plus facile que ce soit vous car
nous c’est compliqué » (A7). Ici c'est l'occasion pour l'artiste de rompre aussi avec
l'explication de texte calibrée, à sens unique. Cette mise en danger réclame le débat,
l'affrontement au monde. Elle est l'occasion de résonance. De perturbateur, déstabilisateur,
l'artiste alors gagne le rôle de passeur. Celui qui transmet. Non pas celui qui inculque alors
mais celui qui propose : et toi quand penses tu ?. A toi de jouer !. À toi de devenir. Donc
celui qui permet une présence pensée de l'autre.
De la même façon, 3 artistes en font état, le rôle artistique dans la classe, impose un autre
rôle celui d'une vraie présence démystifiée qui permet de le rendre plus proche : « la
présence d'un comédien à l'intérieur d'une classe contribue à le démystifier. Ça le rend
proche »(A3) ; « il y a toujours cet espèce de mythe, j'entre dans la lumière, je me mets
dans la peau du personnage, c'est insupportable » ( A7).
Deux artistes font référence au rôle nécessairement pédagogique de l'artiste : « Je me sens
d'avoir un rôle pédagogique et pas que créatif »(A5), « il y a des artistes qui ne sont pas fait
pour ça et il vaut mieux qu'ils n'y aillent pas » (A1). L'extrait suivant cité montre la limite
du rôle artistique dans la classe. :« moi j'ai beaucoup travaillé avec E.... lui il a aucun sens
pédagogique c'est un auteur qui est hors société mais c'est bien que des élèves rencontrent
des gens qui sont passionnées, dans leur folie »( A5). Jusqu'où être artiste quand on est face
à des élèves ?. Jusqu'où peut on lâcher du côté de l'artistique ?. Jusqu'où peut on lâcher du
côté la pédagogie didactique ?.
Dans le partenariat artiste-enseignant, le rôle artistique est donc éducatif ; « on a une
responsabilité au niveau éducatif et donc dans ce sens il faut que ça devienne un véhicule
pédagogique » ; « il faut savoir manier le langage artistique et la langage éducatif » (A4).
Certains artistes revendiquent ce rôle éducatif par le fait que le théâtre devrait être
enseigner comme une matière : « le corps l'espace, se reconnaître soi, le rapport à l'autre.
Le fait de se déplacer. Ça devrait être une matière » (A4), « il y a tellement de base de la
vie que l'on donne » (A8), « ça devrait être une discipline comme les maths et noter le sens
critique. On forme un citoyen » (A5).
L'artiste est aussi le garant de la réciprocité. Les 9 artistes interrogés ont fait part de ce
rôle : « Il faut qu'on soit exemplaire dans la connivence. Dans la construction du gamin de
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voir deux adultes qui sont en connivence comme deux parents. C’est un plus. » (A2),
« essayer d’établir un rapport d’égal à égal en respectant l’intelligence, la sensibilité de
l'être, et de ne pas lui imposer une façon de faire ou de penser » (A9).
S’il n’y a pas cette réciprocité, s’il y a une forme de hiérarchie qui dirait que
l’enseignant est dépositaire d’un savoir que l’autre n’a pas. Mon idée c’est
qu’il y a un investissement personnel réciproque, que moi je mets à disposition,
des moyens tout en attendant de toi que tu fasses quelque chose d’actif avec ça
et envers moi ; et toi en amenant des choses que moi je ne connais pas. dans
une expérience ( A4)
Le rôle garant de la réciprocité devient la cheville ouvrière entre l'artistique et l'éducatif.
L'artiste se pose alors comme celui qui permet la présence de l'autre, écoute et accueil les
différences en se défaisant des principes hiérarchiques. Le même plancher ou le même
bateau est partagé, le rapport est égal. C'est aussi pour l'artiste la reconnaissance dans ce
rôle d'un apport pour lui même. Ici se définissent alors 3 rôles : ouverts, rayonnants
permettant à l'artiste d'imposer sa vision singulières : rôles de proximité du côté de la
relation, rôles de démonstration devant l'enseignant, rôles initiatiques.
L'artiste est un accompagnateur, un médiateur. L'artiste rassure et aide l'enseignant : «
j'essaie de rassurer les enseignants » ; « Faut le rassurer aller dans mon sens avant d'aller
dans le sien » (A6). Trois artistes se positionnent comme médiateur à la fois pour les
enseignants et auprès des élèves : « Parce que c’est reconnaitre quelque chose aux artistes
que de lui donner ce rôle là. Qu'il a aussi ce rôle de médiation » (A4). « Et en même temps
c’est gagnant : quand on arrive à faire cette démarche de médiation avec les enseignants
jusqu’à les mettre dans un atelier de pratique, ils se découvrent eux même en tant que
personne » (A9).
Ce terme employé de médiateur que je peux associer à celui d'accompagnateur peut mettre
en relief les manques de l'enseignant mais aussi le rôle imposant de l'artiste qui prend à son
tour le rôle de « l'entre ». Médiateur entre les formes de représentation et les élèves,
médiateur entre les pratiques théâtrales et les enseignants, est ce à l'artiste d'assumer ce
rôle ?. Est ce un rôle à tenir au risque de manquer l'exploration individuelle ?. Quelle
médiation s'agit-il de penser ?.
90
D'autres rôles sont assumés et portés par 5 artistes du côté de l'affect, de l'intime et
notamment le rôle de garant de l'intime, et de la morale : « il faut un cadre 15 fois plus
épais parce que souvent on les montre avec leurs émotions dans certains textes » (A2) ; «
les enseignants manquent de finesse … l'humain ça s'apprend pas dans … il y en a qui sont
très blessants » (A6). Un propos donne à l'artiste le rôle de garant de la morale. Ce propos
extrême et au caractère exceptionnel dans son contenu n'est retenu ici non pas dans une
intention de jugement mais pour relever le rôle de l'artiste qui dénonce, se fait le rappel à
l'ordre de la fonction enseignante, s'oppose jusqu'à démissionner.
Elle leur faisait jouer des scènes de viols leur conseillant dans leur propre vie
de tuer leur mère donc je dis … j’avais envie de vomir … le proviseur était
d’accord avec moi, mais de là à me soutenir... ça faisait beaucoup... je suis un
peu amer... je pense que les élèves étaient en réel danger ... j’ai vu des élèves
craquer. T. c’est pas l’endroit le plus gai du monde avec des vrais difficultés
sociales… j’ai vu des élèves rouges disant je peux pas faire ça... j’ai fait sortir
les élèves.. sortaient.. c’est la première fois.. que ça m’arrive.(A7)
Fait extrême certes, mais qui vient reposer la question du rôle artistique. Repose encore la
question de : jusqu'où peut-on aller dans l'artistique à l'école ?. Car l'artistique charrie
l'intime, ou en d'autres termes, tenir le rôle de l'artistique n'est-ce pas aussi jouer avec les
frontières de l'être pouvant amener aux dérives que sont fantasme, projection, exutoire. J'en
reviens à tout enseignant qui pourrait jouer le rôle de l'artiste en oubliant d'autres frontières
entre réel et représentation, celle aussi du dedans et du dehors. J'en reviens aussi à la crise
du réel dans notre société, crise de la représentation qui vient escamoter ce même réel du
côté d'une pornographie du corps, son exacerbation, du côté de l'hyperréalisme, du côté
d'une mesure entre ce qui est possible et impossible. Le plateau, la scène confondue à un
« tout est possible ».
7.2.4 Le rôle de l'enseignant vu par l'artiste
7,32.% des propos attribuent un rôle à l'enseignant
Pour 6 artistes, l'enseignant est le garant d'un système : « l'enseignant pour moi c'est clair
c'est le référent du système » (A1), « l'enseignant est du côté du pouvoir, du système, donc
il n'est souvent pas respecté parce qu'il faut aussi s'y opposer » (A7).
L'enseignant est le garant d'un suivi ou d'une réappropriation artistique ou théorique pour 7
91
artistes : « les profs devraient être en mesure de rebondir sur la proposition de l'artiste »
(A9) ; « il faut que le prof parle de l'artiste, de la poésie, de cette rencontre poétique que
n'importe quel enfant peut faire ; il faut redonner le côté noble » (A5).
Un artiste seulement fait référence à la discipline : « le cadre de l’autorité, c’est
l’enseignant qui le porte. Mais pas parce que je ne veux pas le prendre, parce je n’ai pas
assez d’autorité pour le faire, mais, le prof, je le vois, pour les ados c’est lui qui peut dire :
stop. » (A5).
Rôle de garant du système, de suiveur ou de la discipline semblent être des rôles assignés
par défaut. Par ailleurs, sans l'intervention de l'artiste, l'enseignant lui même porte déjà ces
rôles. Ici l'artiste n'attribue que peu de rôle à l'enseignant, absence qui incite à creuser, à se
poser la question du niveau d'engagement de chacun.
Comparaison des rôles
L'analyse nous montre que les rôles des artistes et des enseignants dans le partenariat sont
fortement en déséquilibre. L'artiste y tient le rôle de l'artistique, de l'éducatif. Ces deux
rôles invitant à d'autres rôles : celui de déstabilisateur, de perturbateur, de démystificateur,
garant de la réciprocité, garant de l'affectif et de l'intime, de la morale, en opposition et
contradiction avec ce qui est en place dans la classe, ses normes, ses codes, la distance
hiérarchique. Autant de rôle qui garantissent également l'aspect relationnel. L'enseignant
donc, lui reconnaît le rôle artistique, le rôle de garant du sensible. Il lui reconnaît
également un rôle de déstabilisateur et démystificateur. Cependant, à aucun moment
l'enseignant ne cite explicitement l'artiste dans son rôle éducatif. Alors qu'il reconnaît sur
les élèves, les nombreux effets liés à l'intervention et à la présence de l'artiste. Est-ce au
tour de l'enseignant de ne rien vouloir lâcher du côté de son rôle éducatif au sein d'un
système?. Est-ce le simple fait d'un manque de pratique qui lui permettrait d'éprouver et de
rendre compte de ce que mobilise réellement l'artiste et ce qu'il déplace dans cette même
pratique ?. L'artiste dans le partenariat semble s'imposer et prendre tous les rôles. Rôles
effectifs auprès des élèves. Rôles d'aides potentielles auprès des enseignants venant
combler une incompétence. Le déséquilibre pose question. L'enseignant, lui, est garant de
92
la théorie, du système éducatif et parfois d'un suivi ou d'une reprise de l'intervention de
l'artiste. Ce sont les seuls rôles qui sont reconnus par l'enseignant et l'artiste. En revanche,
l'enseignant peut parfois s'inventer d'autres rôles comme celui de médiateur ou d'initiateur.
Il repose alors la barrière de « l'entre » entre artiste et élève. Le rôle de la discipline quant à
lui est très peu évoqué. Le rôle de garant de l'intime est un rôle que prend aussi
l'enseignant. Dernier rôle qui nous invite à poser la question de la limite de l'artistique dans
un contexte de l'école. Le rôle artistique, et les questions de frontière qu'il pose, ne
pourrait-il pas s'appuyer sur le texte comme recours, passeur, choix, regard, proposition
pour forger le soi, l'individu dans une perceptive réellement créatrice ?. Il est aussi évident
que la personnalité de l'artiste souvent très engagée, laisse peu de rôle à l'enseignant.
L'artiste prend l'enseignant « sous son aile », mais apparemment ne l'associe pas en
partageant les rôles.
7.2.5 le niveau d'engagement de l'enseignant dans le partenariat (vu par
l'enseignant )
9,18 % des propos des enseignants évoquent leurs niveaux d'engagement
Parmi les enseignants, 5 ont évoqué leur place dans le partenariat avec un artiste, comme
celle du retrait : « moi si je suis un marqueur d'une quelconque autorité, discipline, il vaut
mieux que je sorte » (E6), « on a pas à être là. Moi je suis en retrait parce que je suis là
toute l'année » (E8). Que signifie alors, « on a pas à être là » ?, peut il faire écho à « je suis
le marqueur d'une quelconque autorité ? ». Signes, encore,
d'une distinction de deux
mondes, d'une séparation cette fois formalisée par le retrait. Embrigadement dans un rôle.
Pourquoi l'enseignant ne s'engage t-il pas lui aussi dans l'art debout , dans le cercle, ne
pense t-il pas ce dérèglement nécessaire aussi pour lui même ?.
De fait les signes de coopérations sont rares : « c’est un atelier en binôme avec Olivier, il
n’intervient pas tous les mardis, il a un certain quotta de nombres de séances… » (E3) ;
« on étaient souvent en cercle. J'ai joué avec eux. C'était super. Ils ont adhéré et c'était
super oh oui ! » (E4).
93
7.2.6 le niveau d'engagement des artistes pour les artistes
10,06 % des propos concernent le niveau d'engagement de l'artiste.
S'il n'y a pas de place en retrait chez l'artiste, en revanche tous les artistes parlent de formes
de coopération dans le partenariat. Les termes pour désigner cette coopération sont divers.
Il s'agit d'un échange, d'un partenariat, d'une collaboration, d'un rapport, d'une équipe :
« C’est un échange avec l’enseignant » (A3) ; « Le partenariat des deux...se passe très
bien.; Il y a une vraie envie, c’est un plaisir dans la collaboration et il y a une manière
d’aborder les choses. c’est vraiment un travail d’équipe. Qui n’appartient pas plus à l’un ou
l’autre. » (A9).
Quand à lieu cette coopération ? Est ce dans le seul fait, d'accepter l'artiste dans la classe? :
« si la prof me dis : tu sais Martine j’ai pensé à un truc, si ça me plaît je le prends. La place
elle est vraiment dans cette relation proche pédagogiquement et artistiquement. La place du
prof c’est travailler avec moi. » (A2), « Dans ce binôme il faut un échange. Dans mon cas,
il y a un travail en amont qui se fait. (...) C’est une institutrice passionnée de théâtre donc
c’est gagné, elle motive ses élèves, elle s’est occupée de leur faire apprendre le texte. Et
moi, je n’aurai plus qu’à faire la mise en scène. » (A3). Donc la coopération est possible
soit elle intègre la présence de l'enseignant, soit elle se fait entre les séances avant ou
après, c'est à dire dans une réexploitation sur laquelle finalement l'artiste n'intervient pas
lui même.
Ce dernier propos illustre aussi comment le partenariat peut se tisser à condition que
l'artiste aussi accepte un gain pour lui même : « C'est créateur et constructeur pour les
deux. Un artiste apporte quelque chose de différent, c'est aussi mettre en question notre
propre art, nos pratiques, d'évoluer par rapport à la jeunesse, la société et nous faire
interroger sur nos pratiques et les aider à les changer » (A1).
Comparaison des niveaux d'engagement
Il y a retrait de l'enseignant. D'une part, s'il y a calage en amont entre l'enseignant et
l'artiste, il n' a pas été question dans les entretiens de co-construction du projet dans les
contenus eux mêmes. D'autre part, l'intervention de l'artiste ne vient pas toujours aussi à la
94
demande de l'enseignant lui même mais fait suite à la proposition d'une institution
culturelle ou de l'éducation nationale. L'enseignant peut donc se sentir « obligé » et rentrer
dans une intervention de consommation. D'où le retrait possible. Si l'enseignant peut être
demandeur ou moteur de l'intervention de l'artiste. Il va le laisser faire. Et reporter, redéplacer pour lui même cet apport dans une réexploitation. Penser la complémentarité
pourrait faire de l'enseignant « un pratiquant » dans le partenariat, pourrait l'inviter à
participer lui aussi, d'où les rôles se déplaceraient, se partageraient avec des postes
référents. Retrait qui empêche aussi son dialogue avec l'artiste, devant ses élèves : « c’est
rarement un choix de part et d’autre et c’est souvent une contrainte donc ça favorise la
consommation, l’enseignant qui se met sur le côté et qui n’a pas préparé en amont qui va
rien en faire en aval et donc ça se passe. Ça se passe » (E1).
7.2.7 les difficultés repérées par les enseignants dans le partenariat
26,53 % des propos concernent les difficultés repérées par les enseignants
Je précise qu'il s'agit des difficultés rencontrées entre l'artiste et l'enseignant dans le
partenariat de l'artiste à l'école. Elles sont soulevés par six enseignants : « il y avait
justement un artiste qui s' imposait franchement sans que les élèves ait pu dire quoi que se
soit » (E4). « Il faut que ça passe avec l'intervenant » (E9).
En revanche, l'enseignant E1 fait une analyse (ce qui explique le pourcentage plus élevé
que ceux des artistes) des difficultés potentiellement rencontrées avec les artistes en
mettant en regard les contraintes de chacun et la difficulté à accepter ou ne serait-ce que de
connaître ces mêmes contraintes :
C’est source d’incompréhension et de frustration si par exemple l’artiste vient
sans mesurer quelles sont les contraintes de l’enseignant, d’emploi du temps,
de charge autre que l’intervention, l’évaluation, l’artiste il vient
ponctuellement. Il n’a pas ce long terme que le prof a avec l’élève.( E1) .
Que les difficultés susceptibles d'être énoncées par les enseignants soient rares, est
finalement assez logique. Le retrait favorise le lissage du partenariat. Chacun reste dans
son monde. Mais, l'enseignant n'accepte t-il pas trop facilement l'artiste ?. Ne lui fait-il pas
« trop confiance » au point de fermer le yeux sur l'intervention, les manières de faire?.
95
17,99% des propos concernent les difficultés dans la partenariat
A contrario, tous les artistes attestent des difficultés rencontrées dans le partenariat.
Certaines reconnues par les artistes sont liées aux pratiques de l'intervention, aux manières
de faire, sa pédagogie face aux élèves qui vient bousculer celle de l'enseignant et parfois le
mettre en cause. Je cite les propos de l'artiste A1 représentatif des difficultés récurrentes
soulevées par les artistes :
Moi je sais que sur le projet que j'ai fait, il fallait que tout soit prêts au
maximum tout le temps, et l'imprévu a été une notion très dure et créer c'est
être dans l'imprévu dans le vide, dans l'inconnu, (…) je pense que c'est bien si
les parcours artistiques sont envisagés à l'école sans enjeu de visibilité
extérieure... c'est encore les modèles ancestraux, il y a encore le modèle de fin
d'année et ça bloque, ça peut bloquer une démarche... ça bloque le travail
d'obliger à ce qu’il y ait une chose carrée. Une obligation de rendue. Dès fois, il
y a des processus de création qui vont être porteur mais il n’y aura pas
forcément un résultat grandiose, c'est le cheminement qui est intéressant..(A1).
En exposant ses difficultés, l'artiste différencient deux manières de transmettre.
L'enseignant a besoin de certitudes, d'une forme calibrée d'un rendu, d'un résultat et
appréhende le caractère improvisé de l'artiste. De l'autre l'artiste défend la nécessité de
l'improvisation, du cheminement du vide dans un processus, défend la recherche les
tâtonnements, les variations contre la forme toute faite du spectacle, modèle visible
d'objectif atteint. Ce qui à son sens est « dur », c'est bien l'opposition de deux
fonctionnements à l'encontre de l'un et de l'autre. Mais rajoutons aussi peut être, la
méconnaissance pour chacun de ces fonctionnements et contraintes :« Alors, le prof est
déconnecté du réel, faut travailler énormément avec l’éducation nationale. Souvent, ils sont
déconnectés et … parce que pour eux, tout est facile et ils sont dans un autre monde, mais
pas comme l’artiste ; C’est le risque Zéro. » (A6).
le prof est « déconnecté du réel » ce propos interroge d'abord tous les stéréotypes sur
l'artiste qui dans le commun est souvent celui, doux rêveur, qui est en dehors du réel. Ce
qui achoppe ici au contraire serait le réel déconnecté, de l'enseignant. L'autre monde,
l'autre approche est cette fois citée l' artiste. Qu'est ce que l'artiste appelle réel ?. Est ce
l'opposition du savoir, de l'intellect, de la primauté du livre contre la pratique, le corps, le
sensible ?. Ce qui vient buter dans le partenariat n'est ce pas le fonctionnement d'une
institution qui ne pourrait accepter le hors-cadre?.
96
Les difficultés sont parfois conflictuelles et achoppent sur des valeurs pédagogiques ou
éducatives :« j’étais hyper fier d’avoir tenu tête au prof avec une gamine qui ne savait pas
lire qui était complètement rejetée par le prof c’était la seule qui n‘avait pas de livre (…) et
ça a fritté... pour une gamine où il m’avait dit ce n’est pas la peine de la mettre dans le
projet » (A7).
Les difficultés sont celles aussi d'une conception de l'art : qui ramène indéfiniment semble
t' il à une séparation entre le texte littéraire et sa valeur patrimoniale et le texte interprété,
transformé : « ils vont d'abord choisir une œuvre classique mais c'est comme la loi du
moindre effort » (A9), « Aller contre le texte, là c’est plus leur amour propre qui est
touché (A6). La difficulté peut venir aussi des textes contemporains qui vont aborder des
sujets existentiels ou de société avec un langage plus direct ou immédiat qui viendrait
mettre l'élève en contact avec une réalité auquel il n'est pas prêt ou qui n'est pas la sienne.
Ou, je rajoute, au contraire, l'éloigner du réel, l'éloigner du ressenti, de sa propre présence,
l'éloigner de son propre sens critique.
Et puis, l'œuvre contemporaine n'est elle pas initiatrice en ce sens qu'elle est toujours elle –
même un écho d'œuvres plus anciennes ?. N'est-ce pas un autre corps de la parole du
théâtre que ces écritures incitent à découvrir ?. Les filiations et les comparaisons n'aident
elles pas à conquérir une posture artistique ?. Faudrait-il encore que les enseignants en
soient aussi convaincus ou formés ?. L'artiste n'a t-il pas là un rôle à jouer : ne pas faire
l'impasse sur le texte.
Comparaison des difficultés repérées
Il y a donc finalement très peu de difficultés exprimées par les enseignants. Les difficultés
relevées par les enseignants montrent que parfois l'artiste s'impose dans la classe,
débarque, impose sa vision d'artiste, s'écarte donc de l'élève, de l'enseignant et empêche
que quelque chose « se passe ». Je peux aussi mettre en miroir ce que semble révéler
l'enseignant E1 : l'artiste serait déconnecté du réel car il ne connait pas les contraintes de la
classe, il ne sait pas ce qu'est un adolescent et ce que nous rapportait explicitement l'artiste
A6 : « l' enseignant est déconnecté du réel. », il a peur de l'imprévu, il est contraint,
encerclé par l'institution, et la pression sociétale actuelle. L'exemple cité, ne montre t-il pas
97
la difficulté pour chacun à se saisir des contraintes de l'un et de la proposition nouvelle de
l'autre ? Manque t-il la médiation entre l'artiste et l'enseignant ?. Ou plus simplement la
rencontre vraie, rencontre pour que « ça passe » ? .
Le partenariat, fictif à mon sens, l'un s'imposant l'autre s'écartant, ne laisse pas la place à ce
conflit, ce débat, qui pourrait être propice à se déplacer, à travailler avec l'autre.
Enrichissant aussi, il serait pour les élèves, l'exposition de deux mondes, deux manières de
voir, face aux certitudes inculquées.
Certains enseignants ont trouvé l'occasion de rapporter des expériences menées avec leurs
élèves sur des temps de hors classe. J'en cite trois exemples en annexe.
98
8 Synthèse des analyses
Si les enseignants savent vivre la représentation théâtrale comme une expérience esthétique
le désir de rencontrer et de contact avec l'artiste pour autant n'est jamais exprimé. De la
même manière si le théâtre est le lieu de la représentation du réel et de la société, beaucoup
d'enseignants récusent un théâtre noir ou hyperréalisme. Il y a donc une certaine distance
avec l'étrangeté du monde théâtrale. La personnalité de l'artiste, le théâtre sont
intrinsèquement, figure et lieu des passions. Alors que l'école elle même tend à normaliser
et réfréner les comportements excessifs ou simplement le singulier dans l'apprentissage. Le
théâtre reste donc un objet d'étude, un vecteur pour progresser dans les apprentissages
fondamentaux. Le passage par le sensible et le corps est un moyen pour mieux apprendre et
l''artiste est un facilitateur de ces mêmes apprentissages. Les enseignants reconnaissent les
effets sur le développement personnel mais les termes employés restent généraux sans
mettre en exergue l'outil de transformation sociale et éducative qu'est le théâtre pour les
élèves. De la même manière, les enseignants perçoivent mal ce que l'artiste pourraient
apporter dans leur manière d'enseigner.
Les artistes ont vécu une expérience esthétique souvent très jeune au point qu'elle les a
« pris » et ancrée dans un parcours. Le théâtre se construit pour eux sur le désir de
rencontre du public . Il est un vecteur social donnant accès au monde et à son
interprétation. À l'école le théâtre est un objet d'étude par le bais du texte. En revanche, le
théâtre n'est pas un vecteur des apprentissages .Pour l'artiste, la pratique théâtrale dans le
cadre scolaire est un outil anticonformiste, un dérangement salutaire des routines
professorales, un cheminement dans la connaissance de soi, dans la valorisation
individuelle à partir du collectif.
Dans le partenariat, le plus souvent l'enseignant reste en retrait par peur d' incompétence
artistique. Il peut aussi reconstituer son rôle hiérarchique dans une position de médiation
entre l'élève et l'artiste. L'artiste s'impose, occupe la place, fort de son expertise artistique.
Il a le monopole artistique devant l'enseignant. En revanche, face aux élèves, il coupe avec
toute position hiérarchique pour rentrer dans une relation de réciprocité. Le rôle artistique
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semble générer et essaimer d'autres rôles : médiateur, accompagnateur, garant de l'intime,
démystificateur, perturbateur. Il est celui aussi qui relance le rôle éducatif. Pour les artistes,
l'enseignant est le référent par excellence, le garant du savoir pour la société, l'institution. Il
est rare qu'il soit un collaborateur dans l'intervention.
Dans le partenariat, les deux cultures restent alors séparés. Les niveaux de coopérations
sont rares les prises de risques nulles. Les difficultés ne sont que très peu explicitées : elles
existent quand l'artiste s'impose sans évaluer les contraintes de l'enseignant. Elles existent
aussi dans la conception de l'art et des sujets difficiles (politique, mort, religion) que
l'artiste ou le théâtre pourrait aborder. L'enseignant alors, adopte une attitude de
surprotection. La question alors peut se poser de jusqu'où aller dans l'artistique, dans le
travail sur soi ?.
L'analyse montre que le partenariat reste le plus souvent fictif. Au sein même de ce
partenariat, parle t-on d'éducation au théâtre ?, d'éducation par le théâtre ou d'éducation
pour le théâtre ?.Les deux protagonistes du partenariat semblent se rencontrer,
recommandés par les institutions. Le partenariat dans cette recherche semble consommé,
sans prise de risque de voir deux mondes distincts se rencontrer. L'artiste, comme acteur
potentiel d'une relance éducative par le fait esthétique, demanderait alors un véritable
accompagnement.
100
9 Discussion
Dans cette étape qui va suivre, je m'autorise à mêler tout à la fois des élèments théoriques
qui me reviennent suite à l'analyse et des élèments d'aide à la décision.
Les préconnisations vont s'énoncer autour des nécessités d' une redéfinition de l'enjeu de
l'éducation artistique pour la MJC, celle de la pratique artistitique chez les enseignants, et
d'un accompagnement de proximité du partenariat artsiste-enseignant.
Comment accentuer cette analyse, comment l'éclairer à nouveau, même ici de manière
fugitive et forcément lacunaire. Deux images alors me reviennent. Et au delà, deux images
qui convoquent ou exemplifient, deux sensibilités proches, celle d'un philosophe et celle
d'un historien, homme de théâtre.
Avant même d'ailleurs, d'en revenir à la pensée de Gilles Deleuze, ma première image fait
appel au science botanique et à la définition du rhizome :
Un rhizome est une tige pérenne, souvent souterraine ou sub-aquatique,
allongée et horizontale ou oblique, d'une plante, s'étendant à la surface du sol
ou dessous, gonflée de réserves, capable de produire à n'importe quel point de
nouvelles plantes à partir de ses bourgeons .
Ma deuxième citation je l'emprunte au philosophe des images :
J'ai vu un jour dans les Alpujurras, un oiseau immobile dans le ciel. C'est parce
qu'il était placé contre le vent – parce que le milieu, l'air était lui même en
mouvement que le corps de l'oiseau pouvait ainsi jouer à suspendre l'ordre
normal des choses et à déployer cette immobilité de funambule, cette
immobilité virtuose. Voilà exactement, me suis-je dit alors, ce que c'est que
danser : faire de son corps une forme déduite, fut elle immobile, de forces
multiples (Georges Didi- Huberman, 2006)
Je voudrais déléguer ou plutôt dédier la première image au rôle spécifiquement artistique
de l'artiste et la seconde, au rôle en devenir, de l'enseignant, bien que, écrire me devançant,
l'inverse pourrait tout autant être un possible. Je tente alors ici d'expliquer.
101
9.1 Sur la ligne de fuite de l'artiste
La notion de rhizome a servi à Gilles Deleuze et Félix Guattari pour expliquer un système
cognitif qui n'aurait pas de racine. C'est à dire, que pour eux, la structure de la
connaissance n'est alors pas dérivé aux moyens de déductions logiques mais plutôt elle
s'élabore point par point. Le modèle rhizomatique de Deleuze est absence de subordination
hiérarchique, de rigidité (ce qui ne veut pas dire pour autant, absence de règle.) Modèle
horizontal, traçant, qui s'étend, s'élargit suivant les principes d'hétérogénéité, de
multiplicité et de cartographie.
à la différence des arbres ou de leurs racines, le rhizome connecte un point
quelconque avec un autre point quelconque, et chacun de ses traits ne renvoie
pas nécessairement à des traits de même nature, il met en jeu des régimes de
signes très différents. Il n’a pas de commencement ni de fin, mais toujours un
milieu, par lequel il pousse et déborde. (...) le rhizome n’est fait que de
lignes(...) ligne de fuite ou de déterritorialisation comme dimension maximale
d’après laquelle, en la suivant, la multiplicité se métamorphose en changeant
de nature (Deleuze G & Guattarri F., 1980)
Aussi, je me permets de penser que l'artistique ou plutôt le processus de recherche dans
lequel nous invite l'artiste, sa manière de faire donc, est rhizomatique. Dans son travail de
création, pour lui même ou quand il intervient auprès d'élèves dans une classe, quand
l'artiste n'est plus seulement artiste mais, fait faire, engage, il part toujours du milieu et tout
est à chaque instant milieu. Appréhender les choses par leur milieu en ce sens, que toujours
quelque chose d'autre, chez l'autre, peut advenir prendre racine, former, se transformer.
L'artiste propose la bifurcation. Là où il nous semblait exister de la vérité, il nous propose
de nous inquiéter de cette vérité et de la «rejouer» indéfiniment. Il n'y a que réenchainement par dessus les coupures et les discontinuités. Aussi, l'artiste dans son rôle à
l'école, propose de faire et faire avec notre hétérogénéité et notre multiplicité. Contre
l'unique, nous ouvre à nos singularités. Comme disait Bataille, « nous faire saigner
intérieurement ». (Bataille 1953 cité par Didi Hubermann, 2006). Ce « saigner » qu'évoque
aussi les enseignants dans les entretiens, ce saigner intérieurement, que j'associe au « faire
fuir » de Deleuze (Deleuze, 1977, p47) Cette même idée qu'il oppose à toute institution qui
plutôt que de « faire fuir », formalise. Aussi, l'artiste invite à nous soustraire c'est à dire à
ne rien fermer, à nous disloquer pour renoncer à nous mêmes. « Elle était le prononcé «
102
hors-je » « nous dit le philosophe Didi Hubermann. Je me souviens que l'auteur parlait
alors d'une comédienne de son phrasé, glacé et froid, mais : « le ventre tremblait ». Qu'estce que le hors-je ?. C'est justement le renoncer à soi même. Le hors-je c'est l'image
dialectique, la tension entre la dignité civique (le phrasé) et la douleur intime (le ventre) .
Le « hors je » c'est comment oublier le moi, comment penser, sans mettre je au centre pour
que le corps, un corps et un texte se rencontrent et opèrent une frange d'impersonnalité. On
est dans l'expérience de soi qui fuit et qui s'invente, l'expérience de la pensée qui produit un
savoir. Un savoir qui n'intéresse pas l'ego. Un savoir fait d'interprétation. Non décidément,
ce n'est pas l'art que l'artiste transmet, encore moins qu'il ne doit transmettre son art ou son
style. L'artiste transmet une capacité à inventer, à inventer et à faire présence, notre
capacité à nous présenter, à nous faire parole. La condition, c'est le milieu, d'appréhender
par le milieu. Non pas gravissant l'échelle, non pas subordonnée à la parole de l'autre, mais
intervenant comme un autre de plus, au milieu, parmi et avec. En cela, l'artiste ne sait pas
ce qu'il transmet à celui qui en use, puisque ce qu'il transmet est propre à chacun. Chacun
en devenir. En cela le rôle artistique est éducatif. Il nous remet en rapport avec nous même,
l'autre, le monde. En cela, le rôle de l'artiste à l'école est de redonner au mot, éduquer le
sens de « relier » quand, d'autre part, éduquer aujourd'hui, ne veut plus dire que mettre au
format. En cela son rôle artistique donc éducatif pourrait infuser dans d'autres matières,
d'autres disciplines que la littérature et nous faire dire que l'éducation artistique peut
aujourd'hui rendre « enseigner », vivant comme foyer de résistance. Sont à travailler, alors,
nos singularités, dans la mesure où ces singularités ont la possibilité de modifier nos idées
préconçues donc de solliciter la pensée de façon heuristique comme la comédienne du
philosophe, de manière sensible et intelligible. « Seul le poétique peut produire de la
pensée en la laissant brisée devant chaque œuvre » (Didi-Hubermann, p 26) et ainsi donner
à enseigner, non pas l'objectif mais la construction des conditions de la liberté de cette
même pensée. Donner la possibilité de « l'entre », entre le sujet et l'objet, laisser la place
d'inventer : de redire, de se déplacer, d'attendre. Un espace pour de vrai dans une société ou
l'espace est écrasé sous le temps, ou l'on préfère l'illusion que les mirages « c'est que le
temps nous jette dans l'apparence alors que l'espace nous situe dans le réel (..) parce que
l'espace permet des mirages mais pas l'illusion » (Bernard Noël, 2004, p 42) .Oui, prise de
distance donc avec les institutions où la théorie formalise. Ou toute incursion du dehors est
103
reprise au compte de ce même formalisme. L'artiste vient à grande foulée, non pas que
l'artiste doit s'héroïser. Dérive aujourd'hui de l'art qui soignerait des maux. Au contraire,
l'artiste montre, répète, que tout ces gestes, manières, faire, sont si proches de la simplicité,
si proches de notre quotidienneté. Il instaure rupture et connexion tel le rhizome qui « peut
être rompu, brisé en un endroit quelconque, il reprend suivant telle ou telle de ses lignes en
suivant d'autres lignes » (Deleuze & Guattarri,1980, p16), se décentre, brise la symétrie.
Et suivant cette ligne de fuite se quitte, pour fabriquer de l'autre en soi. Nous amène à
penser. Penser : une sensation au contact (Patrice Loraux, 1993).
9.2 Pour un devenir-dansé de l'enseignant
J'oubliais le sens du mot école, « skhole », loisir et celui du mot culture « colere », prendre
soin et celui d'enseigner ?. Si le processus de création est rhizomatique, je donne à
l'enseignant un devenir danseur. Dans son livre, « Le danseur des solitudes », le philosophe
et historien, Georges Didi-hubermann regarde Israël Galvant, danseur de flamenco
contemporain. Mais plus encore, l'auteur reconnaît et « montre » le geste dramatique de
cette danse qu'est le baile jondo, celle du «danser profond »de Galvan. Danser tout à la fois
en éclats et en réserve où le danseur ne s'isole que pour être plusieurs. Pourquoi de ma part,
associer cette image de ce danseur à celle du devenir de l'enseignant. Danser ses solitudes
reviendrait à accentuer les surfaces, émouvoir l'espace, provoquer l'altérité., «perturber le
sens, entrelacer les figures contraires, enchainer les boucles, briser les enchainements,
précipiter les chocs, faire surgir des blocs de paradoxe, détourner la grâce habituelle du
corps qui se sait danser » (Didi-Hubermann, 2006, p 45). Danser avec la notion du danger,
avec la fragilité du savoir. Non pas finir, mais risquer que cela ne tienne pas. « Ne pas s'en
tenir à l'énoncé » pour Georges Bataille. Briser les servitudes, danser contre le dogme,
entre l'ombre et la lumière. Ce n'est pas la profondeur qui cherche à s'exprimer mais c'est
en dansant qu'elle s'exprime, c'est la danse qui invente la profondeur . « Car l'origine
n'existe pas en amont de nos gestes mais il lui faut trouver une forme à chaque instant ».
Pourrions nous espérer que l'enseignant (re)devienne ce danseur. Que l'enseignant prenne
du danseur « ce qui se meut à vif dans le terreau », prenne le fait « de ne former soi-même
ni unité, ni ensemble, créer au contraire du multiple avec son seul corps en
104
mouvement » (Didi-Hubermann, 2006, p 17). Une sorte de contre temps faites d'intervalles
et de rythmes où enseigner risque aussi la possibilité de l'altérité, le templar en espagnol
c'est à dire l'art de modérer et non de clôturer. Et cette joie, de voir parfaitement
décomposé ce qu'il fallait laisser tomber pour que ça arrive. Ce que je montre dans
l'analyse, cette figure bicéphale de l'enseignant, partagée en deux temps, entre son moi
individuel et son moi professoral. Son désir d'émotion esthétique et la réappropriation
canonique de ce désir en présence d'autres. L'enseignant ne doit-il pas devenir ce double
dans son enseignement ?. Garder son rôle de doublure, cette règle qui fait qu'un tissu
externe peut se tordre, c'est à dire ouvrir cet espace contre la positivité du savoir et donner
le change pour la pensée du dehors, pensée faite d'écarts. « L'être soi » dont parle Foulcault
où «je » n'est plus une position universelle mais un ensemble de positions singulières
occupées dans le on. Rester non pas l'émanation de « je » mais la mise en immense d'un
toujours autre (Deleuze, 1986, p 124). Là est le pli et l'enseignant doit apprendre alors, à
plier. D'abord, refuser de plier son corps à la contrainte de l'unique et de l'unicité. « Tout
faire en revanche pour se plier, déplier sans cesse ». (Didi-Hubermann, 2006, p 34). Plier
c'est créer des écarts, des contacts, des poches. Le peintre Simon Hantai utilise cette
méthode du pliage comme un organe à deux temps inspiration expiration, systole diastole.
Le pli invente un dedans plus profond que tout monde intérieur, « une épaisseur retirée en
soi, un organisme d'inversement et de doublures, de strates, de conversions, de plissements
et de contacts. Le pliage comme mémoire du dehors, contact de temporalité hétérogène.
« Le dedans c'est le pli du dehors ; enfermer le dehors c'est à dire le constituer, en
intériorité d'attente ou d'exception. Le dedans comme doublure du dehors. » (Blanchot,
p292). Plier c'est retrouver et inventer ce soi. Pour Foucault, la lutte pour une
subjectivation passe par une résistance aux deux formes d'assujettissements : une forme
nous individualise selon les exigences du pouvoir, une forme attache chaque individu à une
identité connue et stable ( Deleuze, 2012, p 113). La lutte pour le sujet est une lutte pour la
différence, la variation et la métamorphose. Il appartient à l'homme de produire de
nouveaux modes de subjectivation comme foyer de résistance et qui emporte l'homme «
jusqu'à la chambre centrale dont on ne croit plus qu'elle soit vide puisqu'on y met le soi. Ici
on devient maitre de sa vitesse, relativement maitre de ses molécules et de ses singularités
dans cette zone de subjectivation ; l'embarcation comme intérieur de l'extérieur » (Deleuze,
105
2012, p 130) ou « transformer les affrontements en profils » ( Didi-Hubermann, 2006, p
43) ainsi, postuler que l'enseignant est ce danseur qui plie le dehors, c'est à dire qui en soi,
en fait quelque chose de mouvant, c'est postuler que l'enseignement peut être le lieu d'un
affrontement, qu'enseigner est la danse, « la combinatoire des transformations » transmises.
L'enseignant, le même, qui enseigne aussi, le différent, l'autre , et ainsi s'étoile.
Préconisations : redéfinir les enjeux du partenariat artiste -enseignant
Dans le cadre de ces actions avec la communauté éducative, il est sans
doute devenu nécessaire pour la MJC de travailler sur l'association du couple
artiste-enseignant, de soutenir ce partenariat et lui donner des raisons d'être.
Ainsi, les propositions de la MJC dans le cadre scolaire devrait pouvoir
permettre de montrer que l'artistique est éducatif et participe à un enjeu, celui
de restaurer l'éducation elle même. Cette dimension éducative, la MJC a pu
la mesurer par exemple dans les projets périscolaires qui engageaient
artistes et jeunes. La faire passer dans l'école double l'enjeu. Il s'agit alors de
toucher et de déranger les manières d'enseigner et de transmettre, portés
par un enseignant.
Il s'agirait alors de déconstruire chez l'enseignant l'attitude de consommateur,
l'attitude sécuritaire des apprentissages, l'attitude conformiste face à la
création.
D'où la nécessité de réduire les actions elles mêmes qui induisent ces
attitudes comme par exemple les séances exclusivement scolaires. En ce
sens, privilégier les propositions tels que : «ce soir je sors mon prof » .
Il s'agirait donc de ne pas faire l'impasse sur l'enseignant. La MJC doit alors
donner à l'enseignant l'occasion de trouver de quoi restaurer son individualité
dans son enseignement par l'expérience artistique et esthétique. Cela passe
par une reconnaissance, d'une part artistique possible chez l'enseignant
plutôt que de l'astreindre à la seule normativité scolaire. Cela passe aussi par
une visée explicative et sensible de ce qu'est le théâtre. De sa double nature :
moyen social d'apaisement et moyen de subversion social.
L'analyse a
montré combien les enseignants ont souvent peur de la forme exacerbée du
théâtre, comme ils craignent les sujets difficiles en classe. L'artiste est vu
comme celui qu'ils refusent et celui qu'ils admirent. Celui qui amène la
passion exclue de l'école et celui qui apporte cette passion qui leur manque. Il
106
y alors un vrai travail de compréhension et d'accompagnement à mener sur
ces questions, un travail pour inviter l'enseignant à relier théâtre et vie,
enseignement et vie.
La MJC doit éviter le piège du cumul des dispositifs prêt à consommer ainsi
que l'instrumentalisation. La MJC doit se garder de vouloir formaliser le
théâtre, formaliser sa programmation, l'adapter à l'école, et veiller aux normes
par une médiation de l'explication.
9.3 Pour une réconciliation du sensé et du sensible
Dans le partenariat enseignant-artiste, tel que je l'ai analysé, il me semble qu'il y ait un
malentendu qui empêche tout autre portée du rôle de l'artiste. L'introduction du sous titre
« théâtre et représentation », bien qu'il soit un avancement dans la prise en compte du
théâtre comme art vivant, en même temps qu'il est une occasion, est aussi potentiellement
un risque. Un des malentendus se situe du côté d'une indéfectible conformité aux
programmes. Pour l'enseignant la pièce vu ou la présence de l'artiste dans la classe facilite
l'entrée dans la case « représentation »... . Mais si l'artiste amène de « l'autre », ce n'est pas
pour autant, pour l'enseignant, l'occasion d'autre chose ou d'autrement. Ce n'est pas le
risque de l'écart, de l'altérité, de la multiplicité des profils du danseur. Le théâtre vu et joué
est assujetti au programme, aux cases du sous titre. Aussi est il logique de trouver chez
l'enseignant une demande envers la MJC, celle que la pièce colle à l'étude par exemple ou
que le texte figure dans son intégralité sur scène. De même est-il logique de trouver chez
eux une attente à la venue de l'artiste, celle de pouvoir, par le biais du sensible, faire
progresser ou rendre plus performant l'élève. De même alors est-il logique qu'il y ait retrait
de l'enseignant pendant l'intervention. Mais est-il possible de penser définitivement que, ce
qui vient de dehors est bien « autre » et que ce n'est qu'à cette condition que sensé et
sensible pourront se réconcilier ?.
La pièce jouée à la MJC n'est pas toujours celle du programme scolaire pas plus qu'elle ne
répond aux canons de l'objet étudié : c'est alors prendre ce qui est, comme une proposition
esthétique, celle d'un metteur en scène, celle d'un regard, d'un actant qui choisit de donner
à voir ce regard. Expliquer,que le texte d'une part est celui d'un auteur mais qu'une pièce
jouée est le texte passé au filtre d'un metteur en scène. La pièce interprétée, dramatisée, ne
doit pas être une illustration du texte étudié. La sortie théâtre ne doit pas être l'illustration
107
de l'enseignement du français. Car alors, l'enseignant et ses élèves perdent l'occasion de
« l'autre ». Perdent l'occasion de la diversité et de la comparaison, par lequel le regard se
construit, s'éduque et rentre dans un processus créatif. Peu importe alors la pièce, si l'on
part convaincu que l'homme de théâtre a quelque chose à dire aux hommes aujourd'hui et
que ce quelque chose peut devenir une pensée du dehors, une liberté, pour nous même. De
la même manière, l'artiste dans la classe importe un processus de création, de recherche, de
mise en présence. Un espace joué, déstabilisé (ce qui ne veut pas dire là encore absence de
règle au contraire). Il est donc loin du programme à remplir de l'enseignant, loin du bac à
soutenir de l'élève. Le risque est donc de penser l'intervention de l'artiste comme un
débrideur, ou un défouloir, le risque c'est de prendre l'intervention de l'artiste pour un
atelier d'expression corporelle. Le risque c'est de mouler le théâtre et l'artiste, de
l'instrumentaliser, de le confisquer pédagogiquement. Comment alors, faire que artiste et
enseignant « s'articulent » ?. D'autre part, opérer contre ses risques, c'est trouver la
nécessité de réconcilier le sensé et le sensible. Outiller l'élève c'est aussi lui permettre de
construire son intériorité, de trouver une place pour aller à la rencontre de lui même. Et le
texte, (puisque qu'il est souvent dans l'analyse, ce qui sépare artiste et enseignant), peut être
central. Peut être le dénominateur commun du sensé et du sensible. Ce qui va rentrer en
résonance avec le monde d'ici « en même temps que se transporter dans un autre temps
fictif à travers d'autres corps, d'autres usages de la parole » (Lallias, 2005, p 9). Aussi
l'artiste, ne doit pas faire « un putsch sur la littérature » quand il intervient à l'école. Quand
l'artiste amène un texte, de la même manière, c'est toujours l'occasion d'exposer un regard
et de mettre en débat, de parler de l'homme, de proposer à son tour une manière de le dire,
c'est à dire de devenir funambule précaire, trouver de soi dans les mots de l'autre, dans
l'écart avec l'autre. Donc être dans une démarche herméneutique, d'interprétation qui donne
du sens. Mais je dirais aussi, même, sans parler de mettre en scène un texte, apporter les
auteurs de théâtre dans une classe, montrer la diversité des langages, des prises de position
esthétique, critique, c'est en retour proposer aux élèves de s'inventer, dans une écriture de
soi qui passe par la parole, la présence et l'écoute, une pensée au contact qui se construit
« A vous de jouer ». Je pense alors à François Bon, auteur, et son travail d'intervenant
d'ateliers d'écritures partant de la littérature. Mais celle ci comme multiplicités de
territoires investis d'une langue, « littérature assaut contre la frontière » disait Kafka.
108
(Kafka, 1945, cité par Bon , p 21) Je pense aussi à Jan Potack : « il doit y avoir en chaque
homme voué aux délices et aux frayeurs que lui impose son propre corps un appel vers le
haut qui le conduit à se vouloir âme, à s'emplumer à vivre dans la perspective de l'universel
et donc de l'immortalité à ressentir l'urgence de l'éducation par l'œuvre avant qu'il ne soit
trop tard » (Potack, cité par Popelard, 2004, p 89). Au delà, l'éducation artistique et plus
encore la présence de l'artiste dans l'école n'est-elle pas l'occasion de s'interroger aussi sur
la manière dont les savoirs se transmettent, peuvent produire du sens et à quoi peuvent ils
servir ?. Marie-Hélène Popelard cite Anna Harendt qui sut opposer au travail qui nous
constitue comme mortels vouée à sa futilité, l'œuvre et l'action. « C'est seulement en
préservant cette hiérarchie entre le travail d'un coté et l'œuvre et l'action de l'autre que le
laps de temps qui s'écoule entre naissance et mort méritera d'être appelé bios vie humaine
et non zoe vie animale, c'est seulement à ce prix que des évènements surgissent qui
méritent d'être racontés et de fonder une biographie » (Poppelard, 2004, p 90). Travail,
œuvre, action cette trilogie résume les différentes étapes de l'humanisation par l'éducation.
Or aujourd'hui, l'enseignement désigne travail exercice, règles. Apprendre n'est pas
seulement apprendre ce qui nous intéresse mais c'est aussi intéresser à ce qui au départ, ne
nous concerne pas. « On est homme en refusant, en se refusant du moins pour un instant,
l'animal qui est en soi. Or si l'enseignement en reste là, il nous voue au technique, au
savoir. Éduquer donc nous apprend à ne pas en rester là », en suscitant les rencontres et par
un art de faire qui seul peut développer une capacité de résistance. Aussi, dans réconcilier
sensé et sensible, il y aussi l'horizon de l'émancipation. L'artiste à l'école pour s'émanciper.
Être conscient du legs, de l'apport mais s'en défaire. Le sensible pour s'émanciper.
L'éducation artistique a ce rôle là sans doute de remettre de l'éducatif dans l'enseignement.
De poser la question de la transmission des savoirs.. Ne pas gommer les contradictions, les
aspérités. L'éducation doit apprendre à habiter des lieux de conflits, pour ne pas formaliser
le ressenti justement. Ne pas dire : voilà ce que tu as ressenti. L'éducation doit m'ouvrir en
conscience sur une liberté et en cela l'œuvre d'art est un témoin qui m'inquiète, me
questionne et forme mon jugement, renouvelle ma vison du monde, l'élargie, la réveille, la
dépayse. Ce qu'il y a d'artistique (donc éducatif) dans le rôle de l'artiste, au delà du simple
enseignement de la littérature du français, au delà même de l'éducation artistique, force
alors les manières de faire, les praxis de l'artiste à infuser dans enseigner aujourd'hui Et
109
peut être tout particulièrement est ce lerôle de l'artiste de théâtre qui vient faire bégayer la
parole, la rendre chercheuse, qui vient mettre des corps debouts, en présence.
L'enseignant, je l'ai suggéré doit apprendre à plier. Plier c'est se demander ce qui s'est passe
dans le noir et non dans la lumière. En revenir à se poser la question du comment plutôt
que de faire face seul à l' objectivité du : » c'est ça « .C'est aussi, alors susciter la curiosité
et le désir, autre que la transmission explicative. Donner le goût du danger, faire goûter,
faire passer de je en je, confronter et non plus seulement de commenter. Éduquer et
perturber les opinions toutes faites. Au delà, d'une éducation artistique l'artiste en présence
ouvre cette possibilité là à côté d'enseigner. Socrate faisait du professeur un éducateur. Si
enseigner pose « les démarcations », l'enseignant doit aussi les perturber. Et en cela oui
l'artiste est un initiateur. Il montre en faisant, concrètement. Plus encore, l'enseignant
devrait aussi prendre sa place dans le cercle, « faire avec » pour éprouver comment « ça
passe » , ce que « ça fait », pour renouveler la rencontre, l'échange autour de transmettre.
C'est, autre occasion, celle pour l'enseignant, de redevenir figure bicéphale au sein de
l'école au sein de son enseignement et toutes matières apprendre aussi la délibération et le
plaisir de transgresser en jouant avec la frontière. Se faisant double, ainsi l'enseignant
retrouverait sa place d'éducateur dans une société où aujourd'hui il semble la chercher. En
rendant possible la rencontre avec l'artiste, mais aussi en s'appuyant sur ce rôle, ou en le
faisant son double et sa doublure il permettrait (aux élèves) : « devant les angoisses fatales
du marché du travail, on saurait que l'expérience esthétique peut donner une liberté neuve
celle de ne plus être asservie aux cultes de la performance mais savoir ou trouver un espace
de jeu ou l'on peut exister pour que quelque chose se passe » (Popelard, 2004, p 98) car ce
n'est plus seulement alors sensé et sensible qu'il s'agit de réconcilier mais aussi intérieur et
extérieur...
Préconisations : proposer la pratique en amont du partenariat
La MJC doit montrer la pertinence de cette réconciliation et au delà son enjeu
véritable.
Celui
d'une
innovation
possible
dans
l'apprentissage
des
fondamentaux.
L'analyse montre que les fondamentaux de la pratique théâtrale et de ses
effets sur les élèves, pour les enseignants, restent sur le bien fondé de
l'activité à travers des lieux communs. L'enseignant devant justifié ces
110
interventions, les ramène à son propre enseignement. Le partenariat est donc
deux fois, manqué. Manqué pour ce que fait vraiment le théâtre et pour la
relance de l'enseignement lui même. Il faut donc donner à l'enseignant
l'occasion de la pratique théâtrale, l'occasion de côtoyer un artiste, de côtoyer
l'étrange et la passion, l'imaginaire. Il faut également lui montrer l'intérêt de
ne pas dissocier une pratique de spectateur d'une pratique de jeu.
Il pourrait alors s'agir pour la MJC d'organiser des ateliers dans le cadre de
résidence ou des stages artistes-enseignants. Ces projets pourraient alors
être co construit en partenariat avec l'éducation nationale, mais aussi
jeunesse et sport ; encadrés par une veille éducative-culturelle (conseiller
pédagogique, conseiller jeunesse sport, médiateur culturel). Il s'agirait de
faire vivre à l'enseignant une démarche artistique au contact d'un artiste.
Mais, plus encore peut être, pourrait-il être envisagé, lors de ces stages,
d'inciter l'artiste à faire de l'enseignant un collaborateur dans un projet
artistique. Non pas tant pour former l'enseignant à une pratique qu'il pourrait
insuffler lui même dans sa classe. Non pas que l'artiste soit perçu comme un
modèle mais que sa singularité le soit, et que l'enseignant trouve l'occasion
de (re)construire son patrimoine intérieur. J'y vois aussi la nécessité de
moments privilégiés pour des retours sur les pratiques (Ce temps là est
souvent négligé lors de stages., alors qu'il est l'occasion de débats et
confrontations entre des moments d'ateliers) interrogeant les manières de
faire de l'artiste, celles ci pouvant être l'occasion pour l'enseignant d'interroger
les siennes.
9.4 Pour un partenariat de l'être-avec
A la question du rôle de l'artiste il me semble que les propos précédents donnent quelques
pistes de réflexions ou des appuis pour confirmer la pertinence de l'artiste à l'école. Je
dirais pertinence de l'artiste à condition qu'il reconnaisse son rôle éducatif aussi. Lors d'une
réunion pour la présentation du festival Nov'ado, réunion qui rassemblait artistes et
enseignants, j'ai relevé la phrase d'un artiste qui disait en parlant justement de cette
présence de l'artiste dans le système éducatif. « c'est urgent pour le théâtre ». J'ai manqué
de rajouté « ...et l'école». L'artiste en question évoquait la difficulté de vivre tout
simplement celle aussi du théâtre à trouver son public et par là voulait-il nous inquiéter sur
111
le public de demain, Pensait-il aussi que le théâtre et l'artiste à l'école trouve aussi de quoi
se ressourcer se régénérer au contact direct d'enfants, d'adolescents de génération en train
de construire leur regard sur le monde. J'ose l'espérer. Je n'en suis pas si sûre... En tout cas,
ce « c'est urgent pour le théâtre » me renvoie aussi à la réflexion , est ce dire que le théâtre
aussi va mal ?. Est ce dire que la représentation au théâtre est tout autant en crise que
l'école. ? Vers quel théâtre tendre alors ?. La société du spectacle n'est elle pas elle même à
contre courant, à nous demander sans cesse de déchiffrer, reportant la rencontre. A trop
vouloir le langage différent résistant à la rationalité, à trop vouloir résister de toutes leurs
forces stylistiques à la rationalisation les artistes ne risquent-ils pas l'isolement ?. »
(Popelard, 2004, p 87). Que reste-il aussi du lien entre artiste et public ?. Je pense alors à
ce révolutionnaire d'Augusto Boal. Qui dans son « théâtre de l'opprimé » (Boal, 2012)
nous met en garde contre un théâtre qui nous purgerait de tous les mots anti sociaux,
théâtre coercitif d'Aristote. Théâtre de la catharsis. Augusto Boal explique que ce genre de
théâtre dans une société en crise, freine l'individu de tous ses élans transformateurs en cela
que ce théâtre, théâtre de l'osmose avec le spectateur, nous comprend. En ce sens que le
spectateur délègue son pouvoir à la scène. Ce qu'il va se passait, est déjà dans le regard du
regard du spectateur (Boal, 2012, p 200). Le spectateur nourrit la fiction et incorpore les
éléments, adopte comme sa réalité et sa vie, ce qui dans l'œuvre d'art est présenté comme
de l'art. (c'est d'ailleurs ce que souligne Boal, ce que l'on retrouve dans le spectacle de
divertissement à la télé notamment dans les love story). L'auteur propose une autre
poétique, un théâtre qui change la réalité, transforme le spectateur, l'accueille sur scène.
C'est à dire le faisant passer en protagoniste, en sujet créateur et transformateur. C'est
essayer, tester, vérifier. Jouer l'action pour oublier la catharsis qui vide le spectateur de son
contenu. Une action qui stimule la volonté d'accomplir puisque dans le théâtre d'Augusto
Boal, ce théâtre se voulait une répétition d'une action réelle qui allait se passer dans la vie.
Je prends ce révolutionnaire partisan d'un théâtre pour exemple, afin de mettre en évidence
le risque aujourd'hui en temps de crise souterraine, d'un art emphatique. Dans une société
ou l'école fait poids, possède savoir et pouvoir, il est urgent, oui pour le théâtre, pour
l'école, que le théâtre garde sons sens, sa mesure, son rôle d'éclaireur qui vient nous
questionner, nous rencontrer. Et plus encore, le théâtre doit permettre de réaliser nos
actions poétiques, les jouer, nous former en groupe dans la vie. Pour de vrai. Aussi n'est ce
112
pas un genre de théâtre mais tous les théâtres possibles, la diversité des langues du théâtre,
formes mêlées, qui vont nous donner à voir des « comment je le dis », des « comment je le
traite », ce par quoi aussi, j'y reviens, il nous alpague : à vous de jouer.
Donc, le théâtre, comme lieu de propositions particulières qui doit atteindre le spectateur
sans détours, l'émouvoir non pas grâce au lien d'empathie mais dans son intelligence et sa
sensibilité. Donc, veille, précaution à tenir pour la MJC qui doit dans sa programmation
aussi montrer la différence, d'autres sonorités que ce que nous aimerions voir. Quant à
l'artiste dans la classe, j'ajoute et paradoxalement peut être, et contrairement aussi, à
certains artistes interrogés lors des entretiens, que le théâtre à l'école ne doit pas être une
matière obligatoire. L'artiste ne doit pas être un modèle, ou une méthode. L'artiste à l'école
doit rester une proposition, une expérience. Une expérience comme toute celle que nous
faisons quotidiennement, ordinairement. Pour rester vivante. Le lieu de l'artiste à l'école
doit rester un atelier. Lieu où l'on fait, défait, refait autrement. Le partenariat doit rester un
bricolage mais un bricolage professionnel. Pas de méthode à appliquer, pas de copiercoller. Le partenariat doit envisager le risque de la rencontre. Je dirais mettre un visage sur
la rencontre. La rencontre proche « comme on est assis là en face l'une de l'autre » me
disait une enseignante (E9).. Là encore veiller mais peut être plus encore, travailler à la
rencontre, travailler à ce que artistes et enseignants ne remplissent pas seulement une case.
Le partenariat ne peut se contenter d'une addition. Le bricolage professionnel est exigeant,
est humainement exigeant. Il faut que la rencontre soit la mise en contact encore une fois
sans détours de deux mondes. deux reflets. La rencontre artiste-enseignant donc, avec ce
qu'elle contient de flux, d'accrocs, de pulsions, de passions. Ainsi le partenariat peut en
déplaçant, chacun vers avec, peut jouer à coudre et découdre et recoudre les savoirs
d'élèves contre les savoirs des singularités. Il faut des niches ou des espaces en friche dans
le théâtre et l'école pour que la rencontre puisse avoir lieu, pour que ça discute, débatte,
pour « faire fuir ».
Pour que artiste et enseignant se touchent, se choisissent.
L'accompagnement est alors nécessaire plus que la seule médiation qui
convaincre et
tente de
applique. La dimension relationnelle y est évidemment première,
accompagner c'est à dire se joindre à quelqu'un pour aller là où il va (Paul, 2004). Il faut
parler, initier l'enseignant, le prendre avec soi, lui montrer ce qu'est un processus de
création, ce que faire peut ressentir. J'ajoute au mot accompagnement celui
113
d'imprégnation : s'irriguer ou s'imbiber. (Je vole le terme à Jean-Luc Nancy). Il faut un
accompagnement qui montre comment l'artiste invite l'autre à créer soi et la diversité, le
singulier pluriel, comment l'artiste relance poétiquement, rythmiquement chacun à
s'interroger sur comment, invite à explorer, à devenir promesse.Ainsi il faut aider
l'enseignant à retrouver sa figure bicéphale dans son enseignement particulier. Ainsi, c'est
urgent aussi pour le théâtre. Echo lointain et synonyme d'Augusto Boal, un autre
révolutionnaire, Paulo Freire n'oublie pas que l'éducation est forcément une intervention
dans et sur le monde ( Freire, 2013, p 112). A quoi nous servent les révolutionnaires ? A ne
pas les suivre mais à inventer pour nous.
« L'école je la vois toujours, quand j'y pense, comme un cercle : c'est le cercle
de l'attention. Je n'aime pas les programmes, les divisions en années d'étude et
capacités successives. Il n'y a que le cercle ; il peut durer le temps qu'on veut,
les élèves y sont mêlés, débutants ou aguerris. Leurs regard convergent vers le
centre, où on joue. Le maitre est assis dans le cercle ; son rôle n'est pas de dire
comment il faut jouer mais d'entrainer le cercle à déchiffrer les signes qui sont
donnés au centre et naturellement on circule sans cesse du centre à la
circonférence ; La formation de l'acteur est faite ainsi d'intelligence de soi
même » (Vitez, 1994, p 241).
Préconisations : accompagner le partenariat artiste-enseignant dans la
classe
Il s'agirait de travailler Le partenariat dans une logique d'efficience qui prend
en compte non seulement l'identité de chacun mais leur donne les moyens de
se dé-sédentariser face à leur culture, leur acquis, leur pratique. Montrer et
expliquer alors que le partenariat se doit d'être l'espace aussi de croisement
venant nourrir la pratique de l'autre.
La médiation seule aujourd'hui à la MJC ne peut répondre à la problématique
du partenariat à construire. La médiation pourrait alors être augmenter ou
doubler par l'accompagnement. Celui-ci exige l'expertise et la présence d'un
tiers au sein même de ce partenariat. « L'accompagnateur » se devrait d'avoir
une
connaissance
non
seulement
de
l'artiste
mais
aussi
de
l'enseignant :connaissance de leurs contraintes, valeurs, cultures, pratiques.
Il s'agirait alors d'un accompagnement de proximité. Je le vois tout d'abord en
amont de l'intervention, dans une relation inter-personnelle (accompagnantpartenaire) rassurante et structurante en prévision de la rencontre. pour :
114
estimer le rôle éducatif de l'artiste, rappeler à l'artiste les contraintes de
l'enseignant., donner à l'artiste la responsabilité de réorienter l'offre qui
pourrait l'instrumentaliser, mobiliser l'enseignant comme force de proposition
artistique. l'inciter à participer, estimer sa capacité à se laisser déplacer.,
rappeler l'enjeu et le travail de l'artiste. Mais aussi, faire parler les désirs de
chacun, favoriser la rencontre en amont qui tiendrait lieu de genèse,
empêcher toute forme de hiérarchie ou monopole qui voudrait se reconstituer
dans un espace vide, à prendre. La présence tiers, par la suite, permettrait,
alors, de réajuster, questionner, aider. le binôme à trouver l'autonomie et la
mesure commune dans leur action.
La MJC pourrait alors initier la mise en place d'un pôle d'observatoire des
pratiques artistiques (arts vivants) à l'école. Il n'en serait que plus pertinent
dans son lieu. Elle est déjà un lieu de ressource et d'expérimentation. Il
manque peut être la visibilité et la mise en valeur de ses actions.Un site
ressource répertoriant les actions et alimentés par les interventions des
artistes à l'école sous forme de séquences filmées ou dialogues artistesenseignants retranscris, pourrait permettre un espace de recherche continu et
de fédérer, de rendre prioritaire le rôle de l'artiste à l'école.
Je voudrais rajouter que le festival Nov'Ado aura lieu en novembre. Ce projet
associe les jeunes sur du temps et du hors temps scolaire. Le risque est ici
de faire un
nouveau théâtre modèle qui ferait parler les représentations
qu'ont les metteurs en scène sur les jeunes ou les jeunes comédiens sur leur
propre représentations d'eux-même. Théâtre qui peut aussi lisser ou
moraliser les questions propres à la jeunesse. Nouveau modèle de théâtre
qui peut disqualifier l'enseignant ou bien, au contraire, l' encourager à mettre
en débat les questions éducatives des jeunes abordés par le théâtre. Mais
aussi, dans un deuxième temps, permettre à l' enseignant d'inventer une
façon d'emmener ses élèves vers à un théâtre plus diversifié dans ces
propositions. Quoi qu'il en soit, la MJC doit continuer d'encourager et de
montrer du théâtre comme forme subversive, inventive et comme brassage
sur scène de questions humaines .et des difficultés pour l'homme à y
répondre, questions qui peuvent appartenir à tous.
115
Conclusion
Nous sommes passés d'une société de consommation à une société de figurants dans
laquelle chacun veut son comptant de célébrité. Dérive stérile et individualiste mais qui
signale pour le peuple un besoin et un désir de relancer sa subjectivité, de l'exprimer.
L'artiste, propose une esthétique relationnelle, produit des modes de socialité, permet à
notre subjectivité de passer dans le social
« Comment faire vivre une classe scolaire comme une œuvre d'art » demande Guattarri
(Guattarri, 1992). L'école a souvent borné nos désirs. Aujourd'hui en déficit, l'école
désigne un espace vide. L'analyse montre que le rôle de l'artiste dans la classe auprés des
élèves est artistique donc éducatif, comme restauration du rapport dans l'éducatif. Le
théâtre est d'ailleurs en ce sens un levier puissant de mise en mouvement de l'humain et du
collectif. En revanche, le duo artiste-enseignant a l'intuition de cette refonte mais pourtant,
ne trouve pas sa mesure commune. Le partenariat artiste-enseignant reste celui d'un
monopole institutionnel ou affectif qui concourt souvent à laisser l'enseignant au bord.
Alors que de nombreux travaux montre l'enjeu du rôle de l'artiste pour relancer l'enseignant
dans ses manières d'apprendre, relancer l'éducation.. Pour cet enjeu, les outils propre à la
pratique théâtrale peuvent alors devenir ceux de l'enseignant.La MJC de Rodez doit sans
doute, revoir la nécessité d'accompagner ce partenariat pour que les projets ne manquent
pas d'habitants impliqués
Demain, c'est à dire, au mois de Novembre aura lieu à Rodez le Festival Nov'ado organisé
par la MJC. La communauté éducative, en autre, est sollicitée dans sa participation aux
actions qui entourent le Festival. Certains critiquent l'idée d'un théâtre pour adolescents. Il
me semble que la question en cache une autre, celle de la finalité de l'éducation artistique
aujourd'hui et de l'utilisation de l'art non plus comme médium mais comme relance à
l'intérieur de la communauté éducative. Il y a donc une veille à tenir pour une question
innovante à condition d'un accompagnement de proximité, d'un accompagnement au
changement
116
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120
ANNEXES
Sommaire
Annexe 1 : Projets artistes / jeunes à la MJC (2005-2012)................................................122
Annexe 2.1 : Grille d'entretien...........................................................................................125
Annexe 2.2 : Guide d’entretien (Artistes)..........................................................................128
Annexe 2.2: Guide d’entretien. (Enseignants)...................................................................130
Annexe 2.3 : Entretien / A1...............................................................................................133
Annexe 2.3 : Entretien / E6................................................................................................144
Annexe 3.1 :Thèmes et catégories .....................................................................................160
Annexe 3.2 : Thèmes et catégories ....................................................................................162
Annexe 4.1: Analyse catégorielle (extrait).........................................................................165
Annexe 4.2 : Analyse catégorielle Artiste-Théâtre (extrait)...............................................166
Annexe 4.2 : Analyse catégorielle Enseignant-Théâtre (extrait)........................................169
Annexe 4.2 : Analyse catégorielle Artiste-Partenariat (extrait)..........................................172
Annexe 4.2 : Analyse catégorielle - Enseignant-Partenariat (extrait)...............................175
Annexe 5 : Codage et pourcentage (extrait) ......................................................................177
Annexe 6 ............................................................................................................................178
121
Annexe 1 : Projets artistes / jeunes à la MJC (20052012)
En 2005 la compagnie Artizan du metteur en scène Elie Briceno est accueillie à la MJC. Il
s’agit de dépasser la simple diffusion d’un spectacle et d’inscrire une présence artistique
dans la ville, de rendre accessible la création et la production de formes innovantes du
spectacle vivant, de mettre le public au cœur de ce processus. Ainsi les états de création
d’un spectacle sont ouverts au public. Les jeunes sont invités à venir découvrir un
processus en train de se faire, découvrent que le spectacle se fabrique dans le travail, l’élan
et les répétitions pour donner forme, une forme dont le spectacle n’est qu’une proposition.
Mais jusque là encore, artistes et adolescents ne se côtoient que sur le bord de la scène.
En 2007, dans le cadre d’un dispositif imaginé à Toulouse par le théâtre de la Digue
« Urgence de la jeune parole » et d’une résidence à la MJC de Rodez, la compagnie Tabula
Rasa propose un travail théâtral au long cours à destination des adolescents du grand
Rodez Sur neuf week-ends, une dizaine de jeunes choisis alors sur casting, s’engagent dans
un travail co-dirigé par le metteur en scène de la compagnie Tabula Rasa, Sébastien
Bournac. Il s’agit de faire travailler les adolescents à partir d’une actualité du moment, de
leur capacité, à avoir un regard critique sur cette actualité mais surtout de se servir de cette
actualité pour fabriquer un objet de fiction, littéraire et scénique. « La mélancolie des
barbares » sera le fruit d’un travail d’écriture scénique, d’un travail du corps en scène,
jusqu’à sa représentation devant un public.
En 2012, sur le même principe, à l’initiative de la MJC de Rodez (en partenariat avec la
salle de la baleine à Onet le Château) financé par le Grand Rodez et le Ministère de la
culture) dans le cadre de la résidence de Samuel Mathieu, 10 jeunes seront choisis sur
casting pour travailler pendant une année, les week-ends, sous la direction du chorégraphe.
Beaucoup d’entre eux alors ne savent pas danser, mais plus simplement « savent faire
quelque chose » comme dessiner, chanter, faire la roue, lire à voix haute. Ce qui les
rassemble : l’envie d’y être. Engagement, le mot est repris par Samuel Mathieu. Pour lui «
participer à un projet, c’est dire je m’engage, l’engagement étant la seule règle sachant que
122
ce qui s’y fera ne correspondra pas forcement à mon attente ». Force de créer que d’aller là
où on ne s’attendait pas. C’est aussi une expérience qui témoigne pour les jeunes de la
façon dont l’art travaille et traite la matière de l’intime. Leur montrer comment, reprenant
les mots de Samuel Mathieu, « je peux donner une véracité en utilisant mon quotidien
(mon intime) fallacieusement ». « Ready Steady Go » est présenté en mai 2013 non pas
comme un résultat d’un atelier ou un spectacle d’école mais une vraie création, une
dynamique pour reprendre les mots de Samuel Mathieu.
En 2012, Bruno Houlès engage la MJC dans un projet d’échanges avec le Québec et à
destination des jeunes. Le partenariat avec le Québec a déjà quelques précédents. Cette fois
il est proposé à des adolescents de venir participer aux rencontres de théâtre pour
adolescents à Montréal. Les rencontres théâtre ados (RTA) sont une organisation Québec
ayant comme mandat de promouvoir le théâtre de création auprès du public adolescent. Il
s’agit alors d’un événement assez unique au canada. Les RTA proposent des spectacles de
professionnels, des ateliers d’improvisations, des journées de réflexion, des lectures
publiques. Un important travail de médiation et de sensibilisation à la pratique artistique
théâtrale s’ajoute à la vitrine. Dans ce cadre, la MJC sélectionne de nouveau une dizaine
de jeunes. Pendant une année à la MJC sur le temps des week-ends et vacances scolaires,
Ils vont être amenés à travailler sur de l’improvisation théâtrale auprès d’un intervenant
professionnel du théâtre. La finalité du travail étant le voyage au Québec et la participation
aux rencontres de théâtres improvisés pour adolescents à Montréal. Une semaine
d’immersion dans un Festival pour pratiquer, mais aussi rencontrer des pairs, rencontrer
des metteurs en scène, assister à des colloques, des spectacles. Le format qu’est
l’improvisation théâtrale n’est pas anodin dans le projet. L’improvisation est un outil
adapté aux publics adolescents permettant de développer la confiance, l’écoute, l’envie de
construire ensemble. Les techniques d’improvisation développent la créativité, l’agilité à
rebondir dans les échanges. Au Québec l’improvisation est d’ailleurs une plateforme de
développement grâce à des activités de formation avec des artistes et de sensibilisation à la
pratique. La ligue d’improvisation de la rencontre théâtre ados est le plus important bassin
de joueurs d’improvisation. Elle vise à sensibiliser la persévérance scolaire des
adolescents, à sensibiliser ces derniers aux techniques d’improvisation et à favoriser les
rencontres inter-scolaires, favorisant aussi chez les jeunes un sentiment d’appartenance à
123
leur communauté scolaire. Chaque adolescent se structure dans le groupe autour d’un
objectif commun valorisant chaque élève dans le rôle qu’il a à jouer au sein d’une équipe.
L’établissement scolaire devient alors le lieu ou apprendre est un plaisir.
124
Annexe 2.1 : Grille d'entretien
Guide d’entretien (artistes-enseignants)
Théorie
1/ Qu’est que l’art dramatique ?
Allez-vous au théâtre ? Avez-vous une
pratique régulière du théâtre en tant que
spectateur ?
Avez-vous déjà participé à un atelier de
théâtre ?
Ou commence votre histoire avec le
théâtre ? Depuis quand êtes vous metteur
en scène/comédien ?
Animez vous des ateliers théâtre ?
Pour vous, à partir de quel moment peut- L’acte théâtral s’amorce à partir du moment
on dire qu’il y a théâtre ?
où il y a deux personnes en relation
(acteurs) et quelqu’un qui les observe
Quels sont les » ingrédients » d’un (public) – (Enzo Cormann )
spectacle ?
L’espace vide (Peter Brook)
Le corps d’abord (Enzo Cormann)
Quel est la spécificité de l’art dramatique ? Le théâtre = spécificité épistémique (MariePierre Chopin)
De quoi parle le théâtre d’aujourd’hui, en Généralisation de l’art dans toutes les
regard du monde dans lequel on vit ?
sphères de la société – plus de frontières
entre l’art vernaculaire et l’art élitistedissolution de l’art dans la culture, les
médias- contaminations des images
(Vattimo G)
Le théâtre pour vous, doit-il être une
représentation du réel ?
Surprendre le réel et le réinventer (Jean
A votre avis, qu’en pense l’enseignant ?
Pierre Sarrazac, 2002) Le théâtre pose la
A votre avis, qu’en pense l’artiste ?
question du « comment vivre » il est le lieu
de rencontre entre les grandes questions et
125
la dimension artisanale
Le théâtre est représentation des
représentations du monde à l’œuvre, dans
notre rapport au monde (Cormann)
La représentation nous est nécessaire parce
qu’elle constitue une opportunité de saisir
notre rapport au réel, de nous dessaisir en
tant que sujets (Cormann)
Que peut-on dire des formes innovantes du Multiplicité des formes du spectacle vivant
théâtre aujourd’hui ?
– avènement d’un art et de pratiques au
devenir pluriel. (Pascal Nicolas Le Strat,)
Un théâtre qui dérange (Enzo Cormann)
Un théâtre en crise dans un contexte de
désingularisation. Aujourd’hui le théâtre se
situe dans un réalisme expérimental
(Cormann)
Quel est la place du spectateur ? Que lui
demande t-on ? Doit on venir au théâtre en Toucher le spectateur : faire le lien entre sa
étant préparé ou sans précaution ?
propre imagination et l’imagination du
spectateur en transformant l’objet banal en
objet magique (Peter Brook)
Est-ce qu’à votre avis, le commun peut il
accéder à ces formes ? Le public doit il se Proclamation de l’égalité des intelligences (
hausser à la hauteur de ceux qui innovent ? Rancière)
Aujourd’hui le théâtre oubli aussi que le
spectateur dispos d’un savoir, d’une
expérience sociale.
Aujourd’hui les spectateurs ne sont plus
placés dans une situation de spectateurs de
passivité mais invités dans la cuisine, au
processus de fabrication (qui tend à se
confondre à celle de la production)
Qu’est ce qu’un artiste ?
Place sociale de l’artiste :
Quel est la spécificité du comédien ?
Primauté de la production sur la personne
Qu’est ce qu’un artiste dans la société artiste.
aujourd’hui ?
Depuis les années 90, pour l’artiste, la
relation sociale est le point de départ et le
Est ce un travail ou une activité?
point d’aboutissement (Nicolas Bourriaud,
A votre avis, qu’en pense l’artiste ?
1998)
A votre avis, qu’en pense l’enseignant ?
Primauté d’une construction sociale pour
126
apporter aux autres, par l’exercice de
pratiques artistiques.
Face cachée du travail artistique : entre
idéologie de la création et rigueur
nécessaire
Le monde du travail et le monde des
artistes ?. Valorisation du processus
artistique : nécessité de convoquer les gens
en amont des choses, dans leur genèse.
Mais aussi pour pallier à une situation
sociale. (Sophie Le Coq, in Cairn)
Nouvelles pratiques artistiques vont même
parfois jusqu’à une nouvelle comparution
Qu’est ce qui importe le plus : l’œuvre ou en déplaçant le centre d’intérêt vers le
la production ?
public (Sophie Le Coq)
Qu’en pense l’artiste ?
Qu’en pense l’enseignant ?
L’art ne repose plus sur le seul pouvoir de
l’artiste (condition de production et
conditions socio organisationnelles des
pratiques) (l’artiste est moins reconnu
comme auteur que comme producteur..
Aujourd’hui l’artiste délaisse sa fonction de
créateur pour devenir prestataire de
services
Artiste de plus en plus diplômés (Nicolas le
Strat)
Le travail
(Cormann)
127
théâtral :
une
intention
Annexe 2.2 : Guide d’entretien (Artistes)
Cadre déontologique : Cet entretien s’effectue dans le cadre de ma recherche de Master 2
en Politique Enfance et Jeunesse, et d’une commande passée par la MJC de Rodez sur la
question du rôle de l’artiste dans le système éducatif. La MJC de Rodez proposant des
actions de sensibilisation autour de sa programmation théâtrale auprès des élèves, je
m’attacherai plus spécifiquement à la question de l’art dramatique et des dispositifs mis en
place pour la tranche d’âge des 12-17 ans.
Afin de mener au mieux cette étude, je me propose de faire une analyse comparée des
représentations qu’ont les artistes, d’une part et les enseignants, d’autre part du rôle et de
l’intervention artistique dans le système scolaire. Ce travail sur les représentations pouvant
permettre par la suite à la MJC d’ajuster sa démarche de médiation et de démontrer la
pertinence de ses actions. Pour cela, une quinzaine d’entretiens sera réalisé. Chaque
entretien est enregistré pour faciliter la récupération et le traitement des informations. Les
entretiens et les données qui en résulteront, resteront anonymes et ne seront pas divulgués
hors du cadre universitaire.
Par avance, je vous remercie de votre attention et de votre participation à cette enquête.
1/Ouverture :
1.1 Pratique : quand et de quelle façon comment commence votre histoire avec le théâtre ?
1.2 Définition : pour vous, à partir de quel moment peut-on dire qu’il y a théâtre ? A votre
avis que répondrait un enseignant ?
1.3 Expérience : qu’attendez-vous du travail théâtral ? Qu’est ce qui vous habite et vous
motive ?
2/ Le théâtre aujourd’hui :
2.1 Sa place : pour vous, de quoi parle le théâtre aujourd’hui ? A votre avis que répondrait
l’enseignant ?
• Relance : de votre point de vue, le théâtre doit-il représenter ce que l’on vit ?
2.2 Ses formes : due pensez-vous de ces formes théâtrales où le corps est exacerbé, où le
langage est déstructuré ? Où le sens n’est plus donné d’avance ? Où la forme n’est plus
narrative ? ( évocation d'un metteur en scène en particulier)
2.3 Le spectateur : pour vous, quelle est la place du spectateur dans le théâtre en général?
• Relance : de votre point de vue, doit-on venir au théâtre en étant préparé ou sans
information ? A votre avis que répondrait un enseignant ?
• Relance : de votre point de vue, est-on le même spectateur devant une pièce
classique ou contemporaine ?
2.4 Les professionnels : pour vous, qu’est ce qu’être artiste aujourd’hui ? A votre avis que
répondrait un enseignant ?
• Relance : de votre point de vue, l’artiste a-t-il un rôle dans la société aujourd’hui ?
• Relance : de votre point de vue, est-ce un travail ou une activité ?
• Relance : de votre point de vue, qu’est ce qui compte le plus : l’œuvre ou le
concept ?
128
3/ Le rôle éducatif de l’art dramatique
3.1 Les apports : que pensez-vous de la circulaire de mai 2013 sur le parcours artistique
dans tous les temps de la vie ? (rappel des grandes lignes, lire un extrait)
3.2 Rôle et effets : quel est le rôle de l’art dramatique à l’école ? L’artiste a-t-il un rôle à
jouer à l’école ? A votre avis pourquoi l’enseignant fait il intervenir l’artiste à l’école ?
• Relance : de votre point de vue, n’y a t-il pas un paradoxe entre créer et éduquer ?
• Relance : de votre point de vue, entre « assister » à un spectacle et « concevoir »
un spectacle, quels sont les effets sur les élèves ?
•
Relance : de votre point de vue, pour les élèves que signifie l’intervention d’un
artiste ? comment l’art dramatique peut répondre à leur recherche d’émotion,
propre à leur âge ?
3.3 Interaction : où est la place de chacun : artiste / enseignant ? Y a t il un calage en
amont ?
• Relance : l’artiste qui ne joue pas que vient-il faire ? L’enseignant qui n’enseigne
pas où est sa place ?
• Relance : de votre point de vue, que vient bousculer l’artiste ? Que fait-il des
normes ?
• Relance : de votre point de vue, l'enseignant est il passif ou actif ?
4/ Les dispositifs
4.1 Comment se met en place le partenariat avec la MJC ? Comment êtes vous sollicités ?
4.2 : De votre point de vue, quelles pourraient être les améliorations dans les dispositifs
proposés ?
129
Annexe 2.2: Guide d’entretien. (Enseignants)
Cadre déontologique de la recherche : Cet entretien s’effectue dans le cadre de ma
recherche de Master 2 en Politique Enfance et Jeunesse, et d’une commande passée par la
MJC de Rodez sur la question du rôle de l’artiste dans le système éducatif. La MJC de
Rodez proposant des actions de sensibilisation autour de sa programmation théâtrale
auprès des élèves, je m’attacherai plus spécifiquement à la question de l’art dramatique et
des dispositifs mis en place pour la tranche d’âge des 12-17 ans.
Afin de mener au mieux cette étude, je me propose de faire une analyse comparée des
représentations qu’ont les artistes, d’une part et les enseignants, d’autre part du rôle et de
l’intervention artistique dans le système scolaire. Ce travail sur les représentations pouvant
permettre par la suite à la MJC d’ajuster sa démarche de médiation et de démontrer la
pertinence de ses actions. Pour cela, une quinzaine d’entretiens seront réalisés. Chaque
entretien est enregistré pour faciliter la récupération et le traitement des informations. Les
entretiens et les données qui en résulteront, resteront anonymes et ne seront pas divulgués
hors du cadre universitaire.
Par avance, je vous remercie de votre attention et de votre participation à cette enquête.
1/ Ouverture :
1. Pratique : allez-vous au théâtre ? Avez-vous déjà participé à un atelier de théâtre ?
2. Définition : pour vous, qu’est-ce que le théâtre ?
• Relance : de votre point de vue, à partir de quel moment peut-on dire qu’il y a
théâtre ?
4. Expérience : qu’attendez-vous d’une représentation théâtrale ?
• Relance : qu’est ce qui peut faire que le théâtre vous touche ?
• Relance : que ressentez vous le plus souvent en sortant d’une représentation ?
• Relance : etes vous le plus souvent interrogatif ou divertit ?
2/ Le théâtre aujourd’hui :
2.1 Sa place : pour vous, de quoi parle le théâtre aujourd’hui ? A votre avis que répondrait
l’artiste ?
Relance : de votre point de vue, le théâtre doit-il représenter ce que l’on vit ? Doitil parler du réel ?
2.2 Ses formes : due pensez-vous de ces formes théâtrales où le corps est exacerbé où le
langage est déstructuré ? Où le sens n’est plus donné d’avance ? Ou la forme n’est plus
narrative ? (montrer une image )
2.3 Le spectateur : pour vous, quelle est la place du spectateur dans le théâtre en général ?
• Relance : de votre point de vue, doit on venir au théâtre en étant préparé ou sans
précaution ?
• Relance : de votre point de vue, est-on le même spectateur devant une pièce
classique ou contemporaine ?
130
2.4 Les professionnels : pour vous, qu’est ce qu’être artiste aujourd’hui ?
• Relance : de votre point de vue, l’artiste a-t-il un rôle dans la société aujourd’hui ?
• Relance : de votre point de vue, est-ce un travail ou une activité ?
• Relance : de votre point de vue, qu’est ce qui compte le plus : l’œuvre ou la
production ?
3/ Le rôle éducatif de l’art dramatique
3.1 Les apports : due pensez-vous de la circulaire de mai 2013 sur le parcours artistique
dans tous les temps de la vie ? (rappel des grandes lignes, lire un extrait)
• Relance : de votre point de vue, que signifie ce nouveau dispositif ? que met-il en
avant ?
3.2 Rôle et effets : quel est le rôle de l’art dramatique à l’école ? Quel est le rôle de
l’artiste à l’école ? A votre avis pourquoi l’artiste s’engage t il à l’école ?
• Relance : de votre point de vue, n’y a t-il pas un paradigme entre créer et éduquer ?
• Relance : de votre point de vue, entre « voir » un spectacle et pratiquer le théâtre
voyez vous une différence sur vos élèves ?
•
Relance : de votre point de vue, pour les élèves que signifie l’intervention d’un
artiste ? comment l’art dramatique peut répondre à leur recherche d’émotion,
propre à leur âge ?
• Relance : de votre point de vue, pourquoi faire appel à un artiste ? Qu’apporte t il à
la classe, à l’élève ? à la personne ?
3.3 Interaction : pour vous, quelle est la place de l’artiste quand il intervient dans un
atelier ?
• Relance : de votre point de vue, où est la place de chacun ? L’artiste qui ne joue pas
que vient-il faire ? L’enseignant qui n’enseigne pas où est sa place ?
• Relance : de votre point de vue, que vient bousculer l’artiste ? Que fait-il ? Que
fait-il des normes ?
• Relance : de votre point de vue, que pourriez-vous prendre de la manière de
l’artiste dans votre manière d’enseigner ?
4/ Les dispositifs
4.1 Comment se met en place le partenariat avec la MJC ? Les enseignants sont ils tous
sollicités ?
4.2 : De votre point de vue quelles pourraient être les améliorations dans les dispositifs
proposés ?
4 .3 : Que penseriez-vous d’un projet culturel d’établissement ?
Fiche tableau/ variables socio-biographique
131
Date de l’entretien :
Nom, prénom :
Age
Profession et ancienneté
Loisirs
Participation à un dispositif proposé
par la MJC (représentation, atelier,
formation)
Votre référent à la MJC
Autres référents (établissement
scolaire, mission départementale…)
Documents de préparation
et
nature des informations données
par la MJC
Rencontre avec la MJC en amont
de la représentation
Rencontre avec l’artiste en amont
de l’atelier
Autre médiation de votre part
auprès de vos élèves
Retour sur l’action menée avec la
MJC
132
Annexe 2.3 : Entretien / A1
Quand et de quelle façon commence ton histoire avec le théâtre ?
Ça commence il y a longtemps..., ça commence à l'adolescence, quand j'étais justement à
l'école et que je me demandais comment on pouvait accéder au théâtre de façon
professionnelle… . Ce n’est pas quelque chose de très clair… je n’ai pas fait tout de suite
des études de comédienne. J'ai fait des études de traduction et ensuite, j'ai passé les
concours des grandes écoles que j'ai raté parce qu'il y a une sélection telle et ensuite, j'ai
finalement trouvé une formation abordable mais le théâtre ça commence par les sorties à
l'adolescence. Mes parents avaient un abonnement. Il y avait du théâtre à l'école, mais
c'était plus classique, ça m’intéressait mais pas forcément… . C'était très classique...nous,
on avait pris un abonnement spontanément dans un théâtre à Lyon et c'est vraiment là, avec
ces sorties là, que j'ai vraiment eu envie. Aller voir des pièces, c'est très vivant comme
rencontre. Je me rappelle que c'était des rendez-vous vivants.
Que faut- il pour qu’il y ait théâtre ?
Il y a théâtre du moment où il y a un public, des acteurs. Le minimum : le public, les
acteurs et acte de représentation. Il faut qu’il y ait rassemblement, des acteurs qui
représentent, que tout le monde soit disponible les uns envers les autres parce qu'on peut
faire du théâtre devant sa glace mais pour qu’il y ait acte théâtral, c'est vraiment un
rassemblement concret, des personnes donc... .
Qu’est ce qui te motive dans ton travail ?
Je trouve que c'est un des arts qui reste le plus artisanal. On est des petits fabricants et ça je
trouve que c'est vraiment noble et que nous sommes des gens qui préservent ça. Qu’on est
au contact, au contact des gens, des personnes. C'est un art noble parce qu’on crée
ensemble, c'est un groupe de créateur qui crée ensemble et, on fabrique, on cherche, on
s'interroge sur le monde pour fabriquer de la beauté et de la réflexion... et ce qui est
magnifique, c'est la rencontre avec le public. On ne sait jamais ce qu’il va se passer le soir
de la représentation. On est toujours surpris. Cette magie est unique et elle agit en directe.
Un bouleversement en direct. Il y a une fragilité dans l’art du théâtre où l'on met l'être
humain au centre, qui est embelli. C'est unique. C'est l'être humain qui est mis au centre qui
133
s'exprime qui est valorisé, qui est dans tous ces aspects. C'est un média extraordinaire. Un
média multiple. La magie des soirs de spectacle, c’est comme si on avait préparé une
bonne recette on a préparé une bonne recette quelque chose de bon, on l'ouvre, on le
partage et c'est toujours inattendu, surprenant et ça peut à la fois nous transformer, mais
aussi les transformer, c'est constructeur, un art constructeur, réconciliateur ça peut aider à
réconcilier.
De quoi parle le théâtre d'aujourd'hui ?
Il essaie de parler du monde dans lequel on est. Les gens réfléchissent, essaient de
provoquer des questionnements, des visions, de changer les choses, d'aider à faire avancer
le monde.
On part du réel on s'en sert, on le transforme pour parler de problématique sociale, pour
parler de problèmes mondiaux qui mobilisent tel ou tel metteur en scène. Le théâtre
d'aujourd’hui essaie de faire avancer les choses, de parler du monde de maintenant. Chacun
à sa façon essaie d'apporter sa pierre à l'édifice même si on peut être critique sur les
formes. On peut être critique sur les formes parce qu’on travaille tous sur des formes
différentes mais après dans le fond, tout le monde s’interroge. C'est un art qui est politique,
qui a une conscience sociale qui se veut...on est toujours là dedans.
Que pensez-vous des formes théâtrales où le corps est exacerbé, où le langage est
déstructuré ?
Moi je suis dans un théâtre qui propose ça. Il y a tout un pan de la création contemporaine
qui se dédie à un travail de l'extrême. Moi, je suis dedans parce que c'est une façon de
répondre à la violence du monde de façon radicale et forte et donc ces théâtres et la
performance, forcément, il y a une grande violence mais c'est possible de les aborder, il
faut de la préparation, il faut amener ça et c’est pas avec n'importe quel public, qu'on peut
amener devant ça... .
Pour toi, quelle est la place du spectateur ?
En règle générale, le théâtre est un art pour tout le monde et il faut travailler au maximum
pour que les gens n'aient pas à se préparer avant de venir et que nous, on essaie de
travailler sur des choses abordables, même si on est dans du très contemporain parce que
134
c'est pas tout le monde, qui va se préparer pour venir et c'est peut être à nous dans la forme,
même si c'est contemporain, c'est à nous de trouver la forme pour que ça soit abordable
compréhensible et que ça concerne. Moi, c'est ma posture de départ après... quand c'est des
publics plus difficiles comme en Aveyron par exemple, il est certain qu'une préparation va
être codificatrice pour ne pas renfermer les gens et parce que le théâtre doit ouvrir sur une
rencontre et c'est bien d'être à l'écoute de qui est en face. Des fois, il faut que ça soit
préparé, moi je suis pour la préparation auprès des scolaires. Mais chaque contexte est
différent. Il faut aménager de la rencontre, il faut aménager parce que sinon les gens ne
comprennent pas et il n' y a pas de rencontre possible. Moi je fabrique avec le souci que
n'importe quelle personne peut venir. Il faut que nous, on prenne ça en compte au
maximum pour des gens qui ne sont pas préparés. Ma façon d'écrire des textes est très
compréhensible. Je mélange des références très populaires avec des choses plus
intellectuelles ou je les popularise parce que ça peut vite barrer le chemin mais aussi dans
la mise en scène. On parle à tout le monde, ça doit résonner vers tout le monde et qu’on ne
soit pas trop dans des chemins élitistes et il faut que les créateurs travaillent avec
conscience de ça. On est trop dans un travail élitiste., trop de gens travaille avec cet oubli
là... parce que le théâtre est un milieu très fermé.
La plupart des gens vont au café théâtre pour se marrer. Si je vais chez l'esthéticienne et
que je lui demande qu'est-ce que vous allez voir au théâtre ? Elle me dit j'vais voir un truc
au trois T donc un truc pour rire. On est un petit secteur. On est entrain de devenir petit, de
plus en plus désertifié. L’art du théâtre a été rattrapé par d'autres médias. Le cinéma...la
télé. Il y a une difficulté à convier les gens au théâtre, à ce que les gens se rassemblent. On
sent qu’il y a des arts prioritaires. Parce que le théâtre demande un effort, faut aller au
théâtre, dans un lieu où on est réunit, ça demande de la disponibilité, une réflexion sur ce
qu’on va voir. Il y a tout ce qui est vidéo et ça rallie du monde mais le théâtre on perd
pied… s’ouvrir à d'autres publics, c'est pas évident.
Moi ce que je faisais avant... quand j'ai commencé, j'ai fait « Cendrillon » dans le noir à
l'institut de jeunes aveugles, j’ai créé dans l'institut. L'idée, c'était de venir à l'institut des
jeunes aveugles, de convier le public de l’institut à venir voir un spectacle et se mettre en
état d'aveugle donc c'était une démarche de faire un « hors les murs ». Ensuite, j'ai monté
135
un Rodrigo Garcia à Jolimont dans l'observatoire et là pareil ; il y avait les astronomes qui
jouaient dedans et avant ça, j'ai monté « Agamemnon » au boulodrome d'EDF et là les
ouvriers sont venus nous voir. C'était des hors les murs volontaires. L'institution théâtrale
est tellement lourde de contraintes pour recevoir les compagnies que je me demande s’il ne
faut pas retourner dans des dispositifs « hors les murs » parce que là pour le coup, j'ai des
souvenirs de rencontres et de choc absolument inouï. Donc je m'interroge sur le fait d'aller
volontairement jouer nos pièces dans des lieux qui ne sont pas des théâtres mais en tout
cas... l'institution... les structures ont du mal aussi... tout est lourd. C’est lourd. C’est très
lourd... c'est des réseaux... c'est dur... le théâtre s'est alourdit, le théâtre en France est encore
sur des acquis, conservateurs et du coup vers le public contemporain... le public qui va voir
du théâtre contemporain c'est toujours le même, c'est un mini pan de la société et
finalement, si on compare... pour 80 % c'est inconnu... ça tourne sur soi.
Le hors les murs c'était super... il faut qu’on se réinvente, il faut qu’on se réinvente, on est
quand même qu’un petit pan de la société à aller et faire du théâtre... ça interroge.
Qu’est ce qu'être artiste aujourd’hui ?
Aux yeux de la société, c'est encore difficile d'imposer le fait que c’est un travail... pour la
société c'est une activité de divertissement... du temps des saltimbanques... . Il y a
beaucoup de manque de respect de l’artiste. Souvent quand on est confronté à faire des
actions, on n’est pas très respecté...on nous sabote... je ressens que la société a encore du
mal à assimiler que c'est encore un travail.
Je trouve que les enseignants mesurent l'importance que ça a et ils sont plutôt justement
enclin à nous ouvrir leur portes et à vouloir connaître ce qu’on fait. Ils comprennent un peu
mieux la démarche que l’on a, donc je trouve que les enseignants ont une meilleure
conscience du fait que c'est un travail. La rencontre aide aussi à ça... c'est par forcément
évident auprès de tous les enseignants mais je trouve aussi que les enseignants sont des
gens qui cherchent aussi des médiums intelligents. Ils viennent nous chercher, ils sont
plutôt favorables, intéressés et valorisants. Pas tous, pas tous... .
Pour l'enseignant c'est quoi être un artiste ?
Les enseignants voient les artistes comme des gens qui vont apporter des choses que eux
136
n'ont pas et souvent ils disent que c’est une ouverture sur d'autres façons de voir le monde,
de s'exprimer Mais souvent c'est là où ils peinent. Pour eux, c'est l'inattendu mais quand
même !. Ils savent que ça va leur apporter des choses, qu’eux ne peuvent pas forcément
amener. C'est ce qu'ils renvoient. Ils ont une vision de l'art contemporain qui leur fait peur.
Ils ne sont pas forcément assez aguerris ou au courant. Parce que des fois, il y a des
difficultés à communiquer. Ils ne mesurent pas vraiment ce que c'est, mais c'est bien, ils
laissent cet espace, ils se prêtent au jeu la liberté de faire les choses... au départ, il y a des
difficultés de confiance... ils le voient dans la transformation.
Il y a beaucoup de profs qui ont une vision ancienne et les profs de français sont très
mobilisés et des fois les autres profs aussi mais encore moins... ça ce stop au prof de
français et c’est dommage parce qu'il y en a d'autres qui sont enclins. !
Quel est le rôle de l'art dramatique à l'école ?
C'est un art qui aide beaucoup, qui perturbe les relations entre les élèves, l'image qu’ils ont
les uns des autres, un art qui aide à régler pas mal de problèmes internes à chaque âge de la
vie... c'est vraiment l'expression directe, ils sont directement confronter à s'exprimer, donc
l'art dramatique est libérateur, constructeur et peut aider. Après, tous les artistes ne peuvent
pas aller à l'école ? Il y a des artistes qui ne sont pas fait pour ça et il vaut mieux qu’ils n’y
aillent pas et après, pour ceux qui ont envie d'y aller et qui ont des choses à y faire, je pense
que ça peut enrichir l'art de l'artiste et ses cheminements.
N’y a t il pas une différence entre créer et enseigner ?
Ça peut se compléter, s’enrichir. C’est très enrichissant parce qu’on n’est pas sur le mêmes
cordes quand on arrive à faire un projet. C'est créateur et constructeur pour les deux. Ça
apporte une vision différente aux profs. Un artiste apporte quelque chose de différent, c'est
aussi mettre en question notre propre art, nos pratiques, d'évoluer par rapport à la jeunesse,
la société et nous faire interroger sur nos pratiques et les aider à les changer, les aider à les
mettre au goût du jour, s’adapter.
Qu'est ce que tu prendrais à l'enseignant ?
L'enseignant nous apporte un autre éclairage et on essaie de le perturber, de le tordre. Il
propose une vision et travailler à parti de ça, de perturber les codes, les façons de voir,
137
d'envisager les choses. Ils ont très peur de l'imprévu par exemple... moi je sais que sur le
projet que j'ai fait, il fallait que tout soit prêt au maximum tout le temps, et l'imprévu a été
une notion très dure et créer, c'est être dans l'imprévu dans le vide, dans l'inconnu, et c'est
difficile, mais c'est intéressant parce que on peut construire donc... Le processus de
création est différent du processus d’enseignement mais des fois, il faut plus de
communication avec les professeurs et les équipes éducatives pour qu’ils laissent cette
place là avec tranquillité... je pense que c'est bien si les parcours artistiques sont envisagés
à l'école sans enjeu de visibilité extérieure... encore les modèles ancestraux... il y a encore
le modèle de fin d'année et ça bloque... ça peut bloquer une démarche... ça bloque le travail
d'obliger à ce qu’il y ait une chose carrée. Une obligation de rendu. Dès fois, il y a des
processus de création qui vont être porteur mais il n’y aura pas forcément un résultat
grandiose, c'est le cheminement qui est intéressant... moi c'est le cheminement qui compte.
Après le passage à la scène fait passer un cap aux élèves, aux profs mais quand on est
trop... des fois les équipes enseignantes sont trop dans un souci de montrer un résultat carré
ficelé. Et cela, ça tue des choses dans le cheminement, d'où c'est bien si le parcours est
envisagé dans un parcours où les élèves cheminent, sinon c'est comme si on avait rien
fait... la plupart insiste la dessus surtout les directeurs de collèges... de lycées... il y a
vraiment une éducation à faire auprès des chefs d'établissements parce qu’ils sont bloqués
sur ces modèles ancestraux. C'est pas encore acquis que l’éducation artistique soit un
cheminement artistique…le plus souvent, si l'artiste vient c'est pour faire un spectacle, un
rendu, et après il repart et il ne fait pas parti de l'équipe éducative et il n'est pas au même
endroit. Le cheminement artistique n'est pas intègre et ne chemine pas sur du long terme
avec les équipes. Moi, j'ai fait plusieurs résidences en milieu rural, financées par la DRAC,
je déplorais le fait qu'il n'y avait pas de suivi... c'est à dire que c'est une résidence pour un
an et après c'est ailleurs, on passe d'une école à l'autre donc on nourrit cette mentalité de :
on vient pour faire un spectacle... . Ce qui serait intéressant, c'est de cheminer sur plusieurs
années. Moi je l'avais fait avec l'institut politique à Toulouse, au club théâtre avec les
étudiants de droit. Ce n’est pas encore intégré cette histoire. Ce n’est pas encore intégré
que le cheminement artistique peut se passer sur plusieurs années... qu'on peut intégrer un
artiste dans une école et lui, peut être là, et cheminer avec les classes et les élèves au fur et
à mesure qu’ils grandissent ça, ça se fait pas vraiment... c'est des opérations ponctuelles, et
138
pourtant c'est après la première année que le travail commence... . On pourrait commencer
à bien travailler parce qu’on s'est confronté à tous les problèmes. Patricia Gondre s'était
son désir. Les professeurs se plient à ce qu’on leur impose et si on leur dit qu'un artiste va
être associé. Le problème ne vient pas des profs mais des missions, comment elles ont
fabriquées, comment elles sont faites... c'est des missions sur un temps donné et du coup on
en revient au chef d'établissement qui demande un spectacle. Et après l'artiste repart, alors
qu’un cheminement pourrait se faire et que l’artiste pourrait être impliqué. Je trouve que ça
serait bien, je termine une mission mais c'est toujours là, que la réflexion commence que le
travail commence à ce moment là... .
Par exemple, à l'hôpital avec les malades d’Alzheimer, c'est du long terme et l'attachée
culturelle à l'hôpital elle voit le truc sur du long terme. À la fin des premières années, elle
m’a dit : c'est la que commence le travail. Avec l'institut des jeunes aveugles, je suis
intervenue pendant 4-5 ans, là, j'étais sur du long terme. Et j'étais intégrée, j'étais motivée.
Le problème avec les établissements scolaires, c'est trop ponctuel. On pourrait aller
beaucoup plus loin dans le travail artistique, dans nôtre relation avec les profs dans notre
implication... là, on a à peine fait connaissance des élèves même pas de parents, qu’on doit
partir... ça, je pense que si l'éducation artistique veut intégrer le parcours sur toute la ligne,
le mieux pour remotiver un artiste et qu’il ait sa place, ce n’est pas du ponctuel mais sur du
long, de vraiment associer les artistes dans les établissements... . De leur donner un peu les
moyens, même des fois ce n’est pas beaucoup... une salle... un peu d'argent pour un peu
d’équipement... je pense qu’on pourrait déplacer certains stades, si on était sur du long
terme dans les établissements...et il y aurait un échange entre créer et éduquer. Moi, je
serais motivée, si on me disait pendant 4 ans tu vas cheminer avec des gens... c'est mes
expériences les plus fortes. Les équipes éducatives, les profs aussi font des efforts. C'est
fatiguant pour eux aussi, mais eux, ils sont tellement pris dans une tornade, ce n’est pas à
eux de décider de ça mais au système, décider de mettre ça en place.
Quels sont les effets sur les élèves ?
Ça interagit. C’est l'idéal. D'une interaction entre la représentation et l'atelier... c'est
beaucoup de mise en place ce n’est pas évident de mobiliser les élèves à aller voir, à
s’organiser. Il faudrait que l'éducation nationale intègre aussi ça, pour faciliter. Il y a des
139
gens qui ne sont jamais allés voir, qui pratiquent et qui sont complètement transformés et
qui vont voir après, donc il n’y a pas vraiment de règles. Des jeunes ont été transformés par
la pratique mais aller voir, ça montre que c'est un complément qui va faire réaliser à l'élève,
le travail que c'est et ce que c'est qu'un artiste et ce qu’est un travail, parce un atelier nous
on ne joue pas. Quand ils vont voir, ils peuvent réaliser ce que c’est. L’idéal c'est cet allerretour.
Pour les élèves qu’est ce que signifie l'intervention d'un artiste ?
Dans l'art dramatique, on est très vite dans le domaine des émotions, donc ils sont très vite
mobilisés... ils s'exposent. Ça change vraiment les rapports, les images qu’ils ont les uns
envers les autres... moi j'ai expérimenté ça au collège. Les rapports des élèves ont vraiment
changé, ils se sont vus autrement. Ils y en a qui se découvrent, qui se surprennent, certains
prennent de l'importance alors qu’en classe, ils sont... . Ça change les rapports... permet à
certains élèves de prendre de l'assurance, d'être valorisé... de... et puis le théâtre c'est des
corps, alors quand on voit des corps qui arrivent sur un plateau, des voix, des corps... et
j'essaie qu’on les voit tous dans leur bon côté, ils se découvrent, ils sont contents les uns
pour les autres et aussi... ce qui est intéressant avec les élèves, c'est de poser les règles de
base qui sont que le théâtre est un lieu où il n' y a pas de jugement, et c'est le territoire ou il
n' y pas de jugement de la liberté et du non jugement... . Et c'est le jeu, parce que le théâtre,
on joue, c'est un jeu... c'est de poser les règles de base comme si le théâtre était un territoire
de liberté à part de leur structure, dans leur relation à l'école. Je dis ici personne ne va juger
personne et là, on est vraiment dans le territoire de la tolérance, c'est vraiment une règle
d'or pour qu’ils puissent. Faut de la confiance, faut qu’ils puissent sortir des choses et être
en confiance et ce n’est pas se juger les uns les autres et être aimants. On y arrive avec les
collèges et le théâtre... ils arrivent à dépasser ça... c'est important de placer des cadres,
notamment avec le public difficile qui a besoin qu’on leur impose ces règles-là, pour
inventer de nouveaux rapports entre eux .C'est-à-dire qu’il y en a un qui est timide, qu’il
n’ont jamais soupçonné et qui va bien jouer. Il y en a un qu’ils n'aimaient pas et qui va
aider tout le monde et ils vont être copains avec lui... Il y en a un qui avait honte de son
corps et comme on est tous tolérants, au bout d'un moment il y arrive... il faut poser des
règles de jeu et d’engagement... on y va tous... on se jette à l'eau mais on a pas le droit de
140
mal juger... la bienveillance est la règle d’or... et c'est vraiment à l'intervenant de poser ces
règles... ça prend du temps…. il faut travailler sur le temps... c'est un art qui agit avec la
personnalité de chacun donc il y a des gens qui vont être à l'aise... il faut travailler sur du
long terme... j'en suis sûr... à Pont de Salars (Aveyron) c'est l'inverse, ils étaient trop
gentils, trop polis, trop traditionnels... trop sympas ; il faut qu’on arrive à les faire sortir
d’eux même. On commence un travail... il faudrait continuer l'année prochaine... il faudrait
que les institutions suivent sur ces opérations, c'est plus possible de faire des opérations...
qui durent 3 mois... c'est trop maigre il faut intégrer l'artiste pour que ce soit efficace.
Dans le partenariat, où est la place de chacun ? Y a t-il un calage en amont ?
On se rencontre, on discute... mais par exemple à Pont de Salars, il y a eu beaucoup de
malentendus, lourd... entre l'équipe enseignante, l'idéal ça serait bien qu’on ait des
médiateurs, c'est ce qu’a fait la documentaliste Patricia Gondre. Il faut des intermédiaires.
Des médiateurs sur un territoire, qui s'occuperaient de tous les artistes dans les
établissements et qui seraient garants de cette communication, de comment ça s'organise,
parce que le prof a vraiment un fonctionnement très spécifique et l'artiste aussi, et d'un
coup ces deux fonctionnements sont voués à se rencontrer et à trouver des chemins
d'entente pour le projet et c'est difficile, il y a malentendu sur tous. A Pont de Salars, il
manquait un médiateur. Sur l'emploi du temps, le programme, les fréquences. Même dans
le contenu mais surtout en amont. Il faut vraiment mettre en place un intermédiaire. Les
fonctionnements des artistes et des profs sont tellement différents, parce que sinon, nous,
on est obligé de se plier, parce qu'ils sont plus forts, ils sont plus nombreux sinon, on est
obligé de se plier... si l'artiste est seul face à l'institution. La documentaliste a fait plus que
ce qu'on lui demandait. Elle a joué ce rôle, elle s'est rendue compte, elle connaît l'artiste et
les enseignants, elle connaît les deux parties, elle est éveillée sur ces deux parties ; mais il
faut un médiateur par territoire ça serait l’idéal... la Drac est venue, a essayé de jouer au
départ. Mais il ne peut faire ce rôle interne entre les enseignants et les artistes qui est très
particulier, qui demande… il manque un pion... dans la structure même... j'en suis sûre. Un
travail de médiation, de réunion, de rencontres, d’essayer d'expliquer aux profs comment
l'artiste fonctionne et vice versa et par dépit, que l'artiste ne se retrouve pas à se dire : bon
ben, je vais faire ma mission après je me casse, y en a marre, ils n’ont rien compris... des
141
situations de colère, de frustrations... . Faut un tiers, parce que les équipes entre artistes et
éducation c'est difficile qui gère ça...et...faut un tiers… .
Que fait-il des normes, l'artiste ?
Il vient perturber la structure interne des élèves entre eux. Ça leur laisse plus de place... de
nouvelles places... il y a des élèves qui vont s'exprimer sur des choses. Avant, ils ne
l'auraient pas fait et l'enseignant est plus tolérant.
Souvent l'enseignant est présent, mais il laisse la place. Quand il y a des enseignants qui
bloquent, ça bloque les élèves... d'où le médiateur... surtout sur des territoires plus ardus...
sinon, ils sont là, ils s’intéressent, ils sont favorables... c’est du cas par cas. Généralement
ils sont là, ils aident. Il y a un relais... ils sont présents, ils ont envie... mais il faudrait qu’ils
soient aider. Leur volonté c'est bien mais si c'était relayer, ça serait plus confortable pour
eux. Ils pourraient s’appuyer. Ce n’est pas évident, ils ont un programme. Ils soutiennent
l'action théâtre... .
Comment s'est mis en place le partenariat avec la MJC ?
J'ai demandé à Bruno. C’est un cheminement. Il suit ce que je fais depuis quelques années
et il... . C’est moi qui l'ai sollicité. Ça se met en place sur les idées, sur ce qu’on défend, la
façon de travailler pour lui c'était important, qu’il sache, que moi faire des actions de
médiation, j'y étais favorable parce que j'ai une forme contemporaine et que lui est sur un
territoire difficile. Si je fais quelque chose là-bas, j'aimerai que ça marche pour tout le
monde, pour lui à la MJC, pour nous donc je suis favorable aux projets... . Plus il y aura de
la médiation sur un travail contemporain, plus ça pourra être tranquillisant pour tout le
monde... il serait en plein Paris dans un théâtre contemporain, ça serait pas pareil... mais...
quoique... .
Quelles pourraient être les améliorations sur les dispositifs proposés par la MJC ?
Je ne connais pas encore trop bien les dispositifs... parce que je n'ai pas encore commencé
mon partenariat avec lui mais... effectivement s'il y a un tiers, un médiateur, je trouve ça
super... et après je ne connais pas encore assez bien son fonctionnement, je suis favorable à
toutes les actions qui sont possibles. Je pense qu’il faut les multiplier sur des travaux
comme le mien. Là, on est en train de réfléchir pour aller dans ce sens-là avec Bruno et je
142
pense qu’il faut qu’on soit fort là dessus, si l’on veut arriver à réussir le projet. Je n’ai pas
encore commencé la collaboration. Avec la Drac, elle a donné la mission et fallait qu’on se
débrouille. Donc justement, il pourrait y avoir un médiateur dédié à toutes ces actions...
parce que lui (Bruno), il n’a pas que ça à faire... pour préparer en avance avec le
médiateur... sur la construction de l'action et la mise place de rendez-vous... sur
l'organisation des rencontres. Avec les scolaires mais aussi avec d'autres publics, par
exemple si on veut faire une lecture à tel endroit... mettre toutes nos chances de notre côté
pour faire aborder le théâtre contemporain à un public de ce style et de pouvoir tirer des
conclusions de l'approche du théâtre contemporain sur ces territoires. Ça serait ça... je suis
prête à construire ça.
143
Annexe 2.3 : Entretien / E6
Allez-vous au théâtre ?
Oui, alors je dirais moins qu'auparavant, j'y allais beaucoup puisque j'étais sur Paris,
puisque le choix était plus important, l'offre était importante et donc je sortais beaucoup
étant donné que je n'avais pas d'enfants, aussi donc, j'allais dire une évolution qui est liée à
une évolution à la fois liée à mon statut familial, en devenant parent et une double
modification, puisque ici excepté la MJC ou la Baleine, il n'y a pas grand chose, à moins de
se déplacer sur Decazeville, de temps en temps ou Albi ou Toulouse, mais je continue à
fréquenter à la fois personnellement et puis en emmenant les élèves...
Avez-vous participé à des ateliers ?
Alors... Non... alors oui adolescente … je sais qu'il y en a beaucoup qui se font, par
manque de temps et aussi pas d'envie, je pense que je suis plus une spectatrice qu’une
actrice.
Pour vous, qu'est-ce que le théâtre ?
Il faut qu'il y ait un espace perçu comme mettant en scène quelque chose et que cet espace
soit commun, c'est-à-dire que pour moi, le théâtre de rue existe à partir du moment où il y
a création d'une zone, où vont se mettre en scène des acteurs d’une façon ou d'une autre,
une double spatialité en quelque sorte, ça serait le plus important et la création d'un rapport
entre celui qui va se mettre en scène et celui qui va se définir comme public, je dirais que
ce sont les deux ingrédients principaux. Ensuite, ce qui va être accessoire, costume... non
ça m’intéresse pas.
C’est pas forcément sur une scène, je pense que c'est aux comédiens de le faire apparaître à
ceux qui sont autour, pour marquer une limite même si cette limite va être franchie dans le
cas d'adresse au public mais je pense qu'il est ce lieu circonscrit d'une façon ou d'une autre.
Qu’attendez-vous d’une représentation théâtrale ?
Tout... j'attends tout... j’attends qu'elle me surprenne, qu'elle me transporte mais elle peut
me surprendre, mais je ne vais pas au théâtre dans un objectif précis en fait donc...il me
faut une certaine surprise… qui peut être une identification complète… une réflexion
144
poussée sur le théâtre et tout dépend si je connais l'auteur, si je me suis renseignée etc …
J'y vais sans précaution, mais si par exemple je vais voir une pièce de Koltés … je connais
Koltés … donc forcément je projette certaines choses sur une pièce… je vais avoir une
base, un support sur lequel mes jugements, mes réflexions vont s'appuyer ; par contre si
c'est une pièce d'un auteur que je ne connais pas là, je pars dans le vague ce qui est bien
aussi … .
Qu’est-ce qui vous touche dans le théâtre ?
Je dirais basiquement que ça passe par le jeu des acteurs, plus c'est épuré plus ça va me
toucher, plus les acteurs vont être pas forcément surjoués… plus je vais sentir qu'il y a un
jeu, plus ça va pas me plaire... je pense que je suis dans le principe de l’illusion totale, si je
n'arrive pas à croire forcément ce que je voie, si au cours de la représentation, je prends
mes distances ça fonctionnera moins, je suis dans le basique dans l’illusion théâtrale pure
….
Donc pour vous le sur-jeu fait barrage ?
Oui, parce que sinon j'ai l'impression de relever l'artifice qu'est le théâtre alors si c'est fait
de manière réfléchie tout au long de la pièce, je vais me dire tiens ça me plaît, c'est
intelligent comme procédé de mise en scène, si on sent que ça échappe au comédien dans
son jeu qui va être un peu surjoué… je perçois ça comme une maladresse et je me détache.
Ça va aussi dépendre de la pièce mais aussi de la compagnie ... si j'y suis allée seule, je
vais être effectivement remplie, ça va être un moment que je vais conserver en moi et dont
je ne vais pas forcément reparler plus tard, alors que nécessairement si je suis avec des
personnes, la discussion va s'enclencher sur la représentation, donc discussion sur le jeu
des acteurs ou pas, comme on a apprécié tous les éléments de la pièce... donc c'est pas une
attitude qui va être systématiquement la même... je suis pas dans un ressenti qui va être
identique à chaque fois.
Donc ça dépend si vous êtes seule ou pas ?
Oui, parce que c'est une expérience qui est unique à chaque fois et cette expérience, elle va
être verbalisée à partir du moment où d'autres vont parler et ont besoin de la comparer en
quelque sorte, alors que seule on n'a pas besoin de la comparer, on l'assimile, on la
145
réfléchit, on la digère pour nous et là à plusieurs notre ressenti est forcément confronté à
celui des autres et donc on va être dans la justification, expliquer pourquoi ça nous a plu,
alors que de manière plus solitaire on l'apprécie plus et je pense qu'on va la décortiquer
systématiquement ….
De quoi parle le théâtre aujourd'hui ?
Il parle de l'homme ! Comme il l'a toujours fait, sauf que je pense qu'il le fait de manière
beaucoup plus épurée, j’allais dire cru, mais pas dans le sens grossièreté, dans le sens
mettre à nu de manière un peu plus visible, toutes les failles de l'être humain … c’était déjà
ça auparavant mais de manière plus enrobée, mais de manière plus léchée … aujourd'hui,
les auteurs, les dramaturges s'impliquent davantage parce que l’artiste va mettre une part
un peu plus grande de lui-même … pas forcément tous … on est plus là dedans en ce
moment.
Le théâtre est il une représentation du réel ?
Ah oui! Oui oui !! Qu'elle soit déformée ou agrandie, exagérée exacerbée, je pense que
oui...
il y a une évolution des arts en même temps, l'art a toujours était une évolution de la
société, voir la précéder mais si on réfléchit à tout ce qui a été, le réalisme par exemple,
c'est quand même intiment lié à la représentation que l'homme se fait de lui-même et de la
société dans laquelle il vit, donc je dirais que c'est un prolongement si on part des pièces de
Molière, qui vont servir à rire, à instruire, elles vont répondre aux codes du classicisme de
l’époque, mais si vous prenez Courbet vous représentez la réalité telle qu'elle est et
choquez donc je pense qu'on en est là. L'art a toujours représenté la réalité soit en la
transformant, mais...sauf que là ça passe par l'épure, j'ai l'impression que ce sont des pièces
qui vont être plus tranchantes, qui vont rentrer dans le vif assez vite et qui vont moins se
masquer … peut-être que maintenant, on aime moins décoder et qui faut donner une image
nette de ce qui est, avec le risque que cela perde en subtilité peut être aussi … je pensais à
une pièce de deux femmes en prison avec des mots crus, très réelle alors peut-être que ça
peu plaire, parce que c'est une représentation de la vie dans les prisons mais ...ça peut
perdre en dimension artistique... elles ont une valeur documentaire et pas artistique... je
146
pense parfois certains auteurs peuvent glisser dans la recherche du vrai à quelque chose de
banal et on sent plus forcément la création artistique derrière.
Donc le théâtre transforme... La réalité, elle va passer par la subjectivité de celui qui écrit
donc forcément et donc il y a métamorphose, mais à quel point… comment est-ce qu'on
restitue justement une vision, en quoi cette vision va correspondre à celle de tout le monde
donc… et j'allais dire que le théâtre est particulier parce qu'il y a le texte et la façon dont
c'est mis en scène, donc le texte peut sembler à la lecture un peu banal et en fait va être
transfiguré lui-même par une ou plusieurs mises en scène. Comme les textes de
Mouwawad qui sont beaux à lire déjà … les entendre en plus... ça leur donne une autre
dimension.
Que pensez vous des formes théâtrales où le corps est exacerbé, où le langage est
déstructuré, où le sens n’est pas donné d’avance ?
Alors ça va dépendre des types de pièces... le problème est que j'ai du mal à dissocier moi
et moi le professeur donc… parfois j'ai tendance à reporter sur mon moi individuel des
réflexions entendues de la part d'élèves ou une appréhension de leurs réactions face à
certains spectacles, donc personnellement, je dirais que... dans la déstructuration du
langage, ça ne me pose pas de problème, dans l'utilisation du corps ça dépend parce que ça
peut être plus ou moins pertinent par rapport au but de la pièce et sur la chronologie j'ai
parfois du mal ...toutes les recherches pourraient être originales, ne sont pas forcément
efficaces et donc je pense que … un travail sur la déstructuration du langage correspondrait
à des pièces qui vont faire réfléchir, sur la compréhension, la communication entre les
individus, si c'est juste pour mettre des phrases dans tous les sens pour faire moderne...
non. A partir du moment, où il y a quelque chose derrière et que c'est pensé d'accord si c'est
un artifice, un gadget pour mettre en lumière l'originalité d'une pièce, qui ne le serait pas
sans, non.
Pour vous quelle est la place du spectateur ?
Elle est compliquée cette question … je n’aime pas trop (rire). Je pense qu'elle est là pour
que l’acteur vive, pour que l'œuvre vive… une pièce de théâtre, elle a besoin d'un
spectateur, il y a besoin d'une synergie qui se crée entre la scène et le public et la scène, à la
147
différence d'une lecture où on a besoin d'une solitude et je pense que le spectateur ne peut
être envisagé isolement, parce que un spectacle dédié à une seule personne semble
absolument improbable et imbécile presque en tant que récepteur, mais en tant que créateur
aussi à sa façon en tant que … ce que va faire le comédien … de sentir la présence dans la
salle qui va permettre au comédien de se fondre dans son personnage, de créer ce qu'il veut
mettre en place … je le place dans ce double rôle là.
Pour vous, faut-il venir au théâtre préparé ou sans précaution ?
Sans. Sans, à partir du moment où on a déjà fréquenté le théâtre avant. Voilà. Je dirais que
ado adulte qui ont l'habitude, qui y sont déjà allés et qui ont une certaine ouverture d'esprit,
je dirais que être préparé ne sert pas, ça doit désamorcer certaines choses, par contre
n'allant jamais au théâtre, étant peu ouvert sur tout ce qui va être culturel, ça... nécessite
une préparation … d'expliquer qui sont les personnages et l'histoire … de lire le
programme, un petit article de Télérama et ça permet de percevoir la thématique, le genre,
les codes, évidemment pour quelqu'un qui est habitué à voir surtout des pièces classiques,
qui est traité de manière traditionnelle, aller voir une pièce de Mouawawad c'est … ça peut
être un choc.. si la stupéfaction laisse place au dégoût ensuite c'est un peu problématique,
parce que il va y avoir une vision forcément négative du théâtre, donc blocage par la suite,
parce que aller au théâtre c'est plus difficile que d'aller au cinéma ou sur son ordinateur,
donc je pense qu'il y a un travail à faire pour montrer que le théâtre n'est pas inaccessible,
que normalement il n'y aurait absolument rien à faire, rien à lire il faudrait y aller l'esprit
vierge, de tout présupposé, sauf que leur dire ça, les emmener alors qu'ils n'y connaissent
rien alors on se heurte … on est dans un paradoxe, il faudrait une éducation minimale mais
une éducation presque naturelle et c'est pour ça que l'école a un rôle à jouer pour montrer
que le théâtre doit être … sont fréquentés et sont fréquentables de manière naturelle,
faudrait que ça ne soit pas exceptionnel. Le cinéma, vous allez à n'importe quelle séance,
c'est plus ritualisé, le cinéma c'est l'image pure et que l'écran va fonctionner comme une
sorte d'obstacle. Le cinéma, c'est la télé en plus grand pour certains. Au théâtre, il y a une
proximité avec des corps vivants et que cela puisse se modifier sans qu'ils puissent
maîtriser quoi que ce soit alors que la télé, il va zapper, éteindre et il sait que c'est à
distance et là le théâtre ça va être une confrontation avec des personnes réelles. Le contact
148
avec autrui qui interprète quelqu'un d'autre et du coup le fait qu'on voit une personne qui
n'est pas cette personne là… .
Est-on le même spectateur devant un Classique ou une pièce contemporaine ?
Oui. À la différence que vous avez plus de chance de connaître le texte de la pièce
classique que de la pièce contemporaine, je dirais qu'il y a un bagage culturel qui peut
permettre d’appréhender. Le classique serait plus rassurant parce que ça appartient à
quelque chose de connu, donc pour eux c'est reconnu, c'est validé comme faisant parti de la
culture alors qu'une pièce contemporaine va peut-être être plus proche d'eux, de sujets
qu'elle va aborder mais….ils ne vont pas forcément connaître le nom, l'intrigue, donc …
non.
Pour vous, qu’est-ce qu’être Artiste aujourd'hui ?
Extrêmement variés... les artistes reconnus, les intermittents... une multiplicité de statut....
avec un noyau, celui qui va créer du neuf à partir de l'ancien, pour moi et qui va à la fois
transmettre sa création et qui va créer du lien entre les individus. Donc, ce serait cette
double facette là. C’est énorme comme question (rire).
Quel est le rôle de l’artiste dans la société ?
Il renouvelle notre regard sur la société, donc c'est un discours particulier qui vient
s'inscrire en complément d'autres discours. Il va le renouveler parce qu'il va critiquer la
société, il ne peut pas se placer du même point de vue. Les discours qui sont véhiculés
maintenant … ça va être des discours qui relèvent d'une certaine idéologie... Liés à
l’économie, du monde. Une vision de l'homme particulière et l’artiste permet de remettre
en question cette vision là, de suggérer que d'autres aspects de l'homme, de l'individu
peuvent être mis en lumière ou … quelles sont les valeurs que peut porter l'homme, qui ne
sont pas forcément explicitées par le discours dominant… pas pour tous... l'art pour
certains va … parce que bon après l'art fait rêver … j'y crois pas… moi, je veux qu'il reste
en prise avec ce qu'il se passe… pour moi, c'est s'engager… après ma vision de professeur
peut dire aussi l’artiste il peut être aussi dans sa tour d'ivoire et créer du beau mais c'est pas
à ça que je reconnais un artiste .
149
Pour vous, est-ce un travail ou une activité ?
Je dirais que c'est une vocation. Je pense. C'est un appel. Il y a une force intérieure en
chaque artiste, il est capable de s'abstraire de certaines choses pour réaliser ça… pour moi,
ce n’est pas un travail... le terme de travail est tellement dévalorisé maintenant… l'idée
c'est qu'il n'est pas utile. C'est une vison d'économiste qui domine maintenant et qui doit
être utile, profiter et dans ce cas on pourrait dire que l'artiste ne crée rien qui soit utile mais
ça à jamais était le but de l'artiste … et aujourd'hui, on pense qu'il doit y avoir quantité de
profit amassé et l'artiste n'est pas là dedans puisque ce qu'il va nous donner c'est de
l'immatériel.
Quel est le rôle éducatif de l'art dramatique ?
Pour les élèves, le lieu est important. Une troupe qui vient nous faire une représentation
dans le foyer vidéo ça ne passe pas. Non, parce que c'est un lieu qu'ils maîtrisent, qu'ils ont
utilisé pour regarder des films, il faut que ça soit en dehors du lycée. C'est pas du théâtre,
ils ne se comportent pas de la même manière, parce qu’ils sont dans un lieu qu'ils
maîtrisent, qu'ils ont utilisé autrement aussi donc la dimension théâtrale … chez eux, le
lycée est identifié comme un territoire et du coup les comédiens qui y viennent, qui créent
une atmosphère à part, ceux-là, les élèves restent dans l'identification du lieu comme lycée
et donc ne se plongent pas dans la représentation... je pense que pour eux, il y a l'idée de
« on va au théâtre » et cette dimension là, elle est importante, parce que c'est une sorte de
mise en attente en quelque sorte … rien que du fait d'y aller... . On est assez divisé sur ce
truc là. On réfléchit sur les représentations scolaires. Pour certains, les représentations
scolaires ça marche et pour d'autres, ça marche pas. Le fait d'aller ailleurs, ça les met dans
l'attente … donc il n'y pas ce désir d'y aller, parce que c'est aussi dans un cadre imposé,
mais d'eux-mêmes ils ont la curiosité, donc déjà c'est l'ouverture d'esprit de : je vais voir
quelque chose, que je ne connais pas dans un endroit que je ne connais pas et je vais être
entouré de gens que je ne connais pas et des adultes, qui eux y vont naturellement et donc
ça les met en contact avec un public hétérogène et pas un public homogène d'adolescents.
En fait. En région parisienne, on avait un dispositif, pour 15 euros on pouvait aller trois
fois au théâtre. Ce qui était magnifique. On les avait amené à la comédie française, à
Chaillot et le dernier on avait choisi un tout petit théâtre, la scène devait être pas plus
150
grande que celle là et on avait les acteurs qui étaient à ras et vraiment ça leur avait créé un
choc. Ils se disaient mais en fait, ils sont là, ils sont en train de jouer. Le lieu était devenu
magique, au foyer vidéo, il y rappel de leur vie habituelle.
En fait, nous, nous avons un projet d'établissement dans lequel nous emmenons les élèves
au moins une fois au théâtre par an. À l'origine, c’était une fois les secondes et deux fois
les premières et budgétairement parlant, on s'en tient à une fois les secondes, une fois les
premières sachant qu'on peut quand même, deux fois les premières, ça dépend des prix des
pièces … on a cette opportunité d'emmener les élèves gratuitement. Donc l'équipe de
lettres... on se fixe aussi sur ce qui est présenté pour l'adapter au programme… on intègre
le plus possible le programme de la MJC... au lycée c'est : texte et représentation, donc
c'est une pièce au choix du 17ème au XXIème, donc c'est vaste on a... tendance à jouer des
pièces dont les textes sont accessibles, puisque les élèves doivent acheter le texte pour le
travailler et il est évident qu'un certain nombre de textes, de maison d'édition, sont quand
même assez chers ...et on peut pas le demander aux élèves… ça restreint... on ne peut pas
présenter au bac le texte issu d'une traduction.
Sachant aussi, qu’ils ont à travailler un extrait de roman, de poème, de lecture cursive et on
peut pas demander aux parents d'acheter un livre 14 fois, ce n’est pas possible. L’accès à la
culture n'est pas gratuite.
Y a t-il implication des autres professeurs ?
On décide par équipe… c'est l'équipe de lettres qui décide des pièces que les secondes ou
les premières vont voir.
On va les emmener voir « S’embrasent...le soir... ». Mais ceux qui vont voir une pièce ce
sera la seule donc il reste là dessus …. L’éducation nationale a mis en place un site, où on
peut voir des extraits, mais c'est que c'est plutôt des choses classiques. Maintenant, on a
accès aussi à internet, on tape, on prend des extraits.. ça permet d’avoir un beau panel…
l'année dernière, on a travaillé sur le Bourgeois Gentilhomme et on leur avait fait voir
pleins d'extraits de mises en scène différentes et les élèves voyaient toutes les possibilités
qui s'offraient à eux. Voilà l’équipe de lettres fonctionne comme ça. Je reçois toutes les
propositions et on prend les réservations. On les emmène soit en les préparant, soit pas. En
151
général, on les prépare c'est vrai en discutant avec N., c’est vrai qu’elle a l'impression que
lorsqu’on prépare les élèves, ils n'arrivent pas de but en blanc. C'est un constat positif. Pour
elle, il y a intérêt à ce qu'on prépare les élèves, par contre les compagnies, je pense,
préféreront qu'on ne prépare rien du tout, pour laisser lors des discussions, de laisser les
questions fusées de manière spontanée et surtout les remarques, le problème encore une
fois c'est l'hétérogénéité des classes enfin pour certains ne pas savoir de quoi ça parle, c'est
les amener à une heure trente d'absolu solitude face à une scène … .
En quoi consiste la préparation ?
Par exemple, sur Risk, je leur avais dit : c'est contemporain, ça va être un travail sur le
corps sur la musique, je leur avais dit, faites attention tout ne va pas reposer sur le texte et
le corps parce que c'est ce qui domine en ce moment dans ce à quoi on a accès et pour
certains c'était indispensable parce que même avec des explications, certains on dit que
c'était pas du théâtre, parce que ça racontait pas une histoire qui se déroulait sous nos yeux,
c'était quelque chose qui s’était déjà passée et donc ça n'avait aucun intérêt. C’est ça : sur
la représentation dès qu'elle est contemporaine... on discutait de la déstructuration … ça les
bloque parce qu'ils sont dans une image, dans une vision, très simpliste, réductrice du
théâtre et il leur faudrait le rideau rouge et l'histoire qui va se déroulait. Or tout les films
qu'ils voient, ils en ont énormément qui fonctionnent sur des flash-back, ils connaissent les
mises en abîmes, tous ces procédés, ils connaissent, ils les voient … c'est pas un manque
de connaissance mais une vision qui est limitée du théâtre, parce qu'ils sont restés sur la
pièce qu'ils ont vu au collège, parce que au collège en plus, ils ne font que du classique,
donc à partir du moment où ils n'ont jamais eu d’approche de ce que c'était le spectacle
vivant… même les marionnettes, l'année dernière, avec « Rafales » et le théâtre total du
Québec … le théâtre, il faudrait pour eux que ce soit des costumes, un texte, une histoire...
je pense que c'est la pièce qu'ils ont vu au collège. C'est leur ignorance même de la
diversité de ce qu'est le théâtre qui les bloquent. Parce qu'ils ont une facette et ils ne voient
pas comment ça c'est élargi et ne voient pas toutes les représentations des textes qu’ il peut
y avoir.
Quelle est le rôle de l'art dramatique à l’école ? Le rôle de l’artiste ?
Je dirais que... Le théâtre est aussi lié au prof… j'ai une culture humaniste et que j'ai envie
152
qu'ils découvrent un peu tout. Donc je dirais quand même que le théâtre est particulier
parce qu'il est relié à tout ce qui est oral, communication, compréhension et que forcément
quand on travaille sur ce qui est mises en voix, mises en scène d'un bout de scène, on leur
apprend à gérer leur corps, à percevoir les possibilités de leur corps, de leur voix, les
modulations et en même temps c'est le travail de la confiance et regard sur soi et
appréhender le regard des autres, ça c'est important parce que... nous on les a à
l'adolescence, donc nécessairement par rapport à des maternelles ou des primaires, qui vont
être dans la spontanéité, avec nous ils vont être sur la réserve, sur la retenu, l'importance
excessive aux autres et à l'image qu'ils veulent donner d'eux-mêmes, donc ils sont vraiment
dans la reconstruction de ce qu'ils vont projeter, donc le théâtre, c'est un moyen de
relativiser ce regard et démontrer en quoi on peut jouer de soi, même jouer des autres et ça
c'est important donc de ce point de vue, il est essentiel et là je laisse de côté la dimension
culturelle, là c'est vraiment savoir... c'est … quelque chose qui est apportée à chacun pour
se construire, donc c'est un regard neuf qui leur permet de s'émanciper des autres, donc
c'est important et puis ensuite ça permet de créer du lien avec les autres, parce qu'au début
quand on leur fait travailler sur les déplacements, sur du geste, du rythme, du son … ils
sont désinhibés... donc en fait, on est à la fois dans le ciment collectif et à la fois dans
l’élaboration d'un individualité et à la fois dans le collectif donc …
Et le corps à l'école ?
On peut dire que la gestion du geste et du corps c'est ce qui relève de la discipline donc
c'est un certain pouvoir. Mais on ne pas faire cours debout.
On ne peut pas vraiment ? rire
Non. Nous nous sommes toujours debout. … ils diraient c'est fatiguant voilà... on a
beaucoup de sportifs... mais ils s'affalent sur une table parce qu'ils sont fatigués... ils ont un
rapport au corps différent, parce que pour certains, le corps, il est essentiel, et... . Ensuite
non quand ils sont à l’école, le corps ne sert pas... enfin sauf dans la séduction, après dans
l'apparence... en plus, on a un décalage entre les garçons qui sont à l'aise dans leur corps et
… celui qui va être un peu fort il est mis à l'index parce que les autres ont des corps de
sportifs. Le corps là, il est fait pour se montrer. C'est habituel, donc le théâtre est important
dans cette gestion du corps mais … ah j'ai fait un travail de mise en scène avec les élèves
153
les plus à l'aise avec mes élèves et les plus à l'aise c'était les filles qui étaient complètement
à l'aise et les garçons bras croisés bras ballants alors qu'ils avaient répété par avant, mais là,
blocage.
Vous animez des ateliers donc au lycée, ça fait partie de votre formation ?
Non là c'est. Ça vient de moi. Quand j'ai ma formation à l'iufm absolument rien sur le
théâtre. Et j'avais eu une collègue, qui avait son stage avec une formatrice, donc grâce à
elle … elle m'a montrée comment faire … et sur le site drame action qui regorge
d'initiatives avec les élèves… mais parce que je trouvais ça important … essentiel de
passer par le corps mais je tiens à le souligner, ça j'ai pu le faire parce que notre projet
d'établissement met en place des modules en classe de seconde, on a le droit de prendre la
classe en demi groupe une fois dans la semaine … avec 35, je pourrais pas, je ne fais rien
… donc tout dépend des conditions pratiques.
Pourquoi l’artiste intervient il à l’école à votre avis ?
C'est une façon de se faire connaître, de cultiver cette culture du théâtre, un attrait pour...
encore une fois l'idée d’ouverture mais je pense que c'est aussi parce que aussi enfant et
adolescent, les parents ne font pas la démarche de les emmener, de l'ouvrir artistiquement
parlant, c'est l'école qui est censée le faire, mais si l'école ne le fait pas l’artiste à intérêt à
venir les chercher.
Parce que je pense qu'on peut fonctionner déjà comme médiateur entre eux et les élèves.
Ce n'est pas parce que la MJC fait atelier théâtre qu'on va voir affluer les inscriptions, ce
n’est pas vrai et je pense que l'école a encore cette capacité à légitimer certaines pratiques,
donc accueillir un artiste à l'école, c’est aussi suggérer aux élèves que le théâtre c'est bien,
que cet artiste est quelqu'un en qui on doit avoir confiance. Et il va nous faire passer
quelque chose parce que l'école elle est perçue comme le lieu de la transmission et du
savoir etc... et en fait la venue d'un artiste ici c'est montrer, complémenter, apporter
quelque chose de neuf que nous on ne peut pas apporter en tant qu’enseignant… . Un
rapport complètement décomplexé à l'art. Ne s'appuyant pas sur ce que nous ont fait
justement du théâtre, nous on l'aborde à travers un savoir un peu théorique, à travers les
notions de base et nous ca préside à l'analyse, on leur demande de déconstruire le sens. Ils
154
ont le sens et nous on leur demande de nous montrer comment le sens surgit, comment
c'est agencé pour créer du sens et ils sont dans cette analyse, dans la construction. Alors un
artiste, il ne va pas se préoccuper de ça, il amène quelque chose qui fait sens tout de suite
et qui n'a pas besoin d'être travaillé. Ils sont dans le plaisir tout de suite alors que nous c'est
un plaisir mais qui s'analyse. Et c'est ça la différence, nous on va être dans l’intellect, le
décryptage, et avec un artiste c’est le ressenti il faudrait les deux c’est pour ça que c'est
intéressant qu'ils interviennent. Ça évolue. … avant on était que dans l'analyse… on a
changé les approches en changeant les programmes et on nous demande d'être dans le
plaisir du texte, donc l'idée qu'on peut lire un texte sans forcément l'analyser après
quelques petits éléments... donc en travaillant sur certaines séquences de manière plus
libre, on parvient à créer un rapport plus immédiat au texte... mais on revient aussi à l'étude
plus rigoureuse… ça m'a percuté et maintenant, je vais essayer de comprendre pourquoi ça
m'a percuté… c'est un travail à réfléchir avec l'artiste.
Y a-t-il une différence entre créer et éduquer ?
Créer c'est gratuit, parce que on a pas forcément besoin des autres alors que éduquer en
plus c'est en relation avec les normes… ça repose aussi sur la représentation qu'on se fait
de l’école, l'école c'est pas que le lieu des transmissions de savoirs, c'est un lieu de
construction de soi, un lieu de la sociabilité ou ... y a ça, j'apprends bien sur mais est-ce que
je n'apprends pas à créer aussi, est-ce que c'est pas en lisant des textes de poètes qu'on se
donne envie d'être poète ou est-ce qu'on pourrait imaginer qu'un artiste interviennent en
complément des autres matières sur l'année.
Je pense qu'il aurait un statut à part, il ne serait pas par une matière, il fonctionnerait
comme par un enseignement d'exploration mais comme un atelier théâtre… mais on peut
très bien imaginer qu'un artiste soit aussi un professeur.
Y a-t-il une différence entre voir et faire du théâtre ?
Je n’ai pas le recul suffisant... je pense que voir est déjà important par rapport au texte
pur...à ce moment là, il y a trois étapes : la découverte du texte, la découverte de la mise en
scène et ensuite pratiquer. La première étant la plus passive, la deuxième étant déjà dans
l’aperçu de ce qui peut se faire, déjà la créativité et la troisième étant la plus importante
155
parce que c'est réutiliser sa propre lecture… mais quel est le parcours qui serait le plus
évident … je ne sais pas. Je ne sais pas si passer directement par la pratique ne suggérerait
pas… c'est pas si intéressant puisque du coup puisque on peut le créer déjà tout seul … ou
alors pour des élèves curieux.. créer et aller voir ce que les autres ont créé par curiosité
mais j'ai peur que ça soit dans une optique de confrontation, ... je ne sais pas... je n'arrive
pas à voir lequel serait le plus attrayant. J'ai l'impression quand même que la pratique, une
fois qu'ils sont désinhibés, c'est plus jouissif que de regarder, parce que dans voir on
redevient passif... je ne sais pas... peut-être que ça peut marcher mais sur le long terme…
faudrait que soit un procédé soit être répété soit être inversé... par exemple dans l'option
théâtre … j'ai eu fait passer le bac là-bas, je me disais que c'était intéressant, mais parce
que c'est sur du long terme ... c'est toute l'année... c’est un binôme... là, y a un engagement
qui va porter ces fruits, faire ça sur deux mois, c'est déjà extraordinaire, mais ça peut être
frustrant aussi parce qu’ il y a une période d'ébullition mais aussi de calme plat. …
Que peut l’art dramatique dans leur recherche d’émotion ?
….j'ai l'impression que étonnamment, les pièces qui leur parlent d'adolescents sont celles
qui marchent les moins … Risk par exemple, je pensais que cela allait fonctionner, parce
que c'est une classe de garçons d'ados un peu casse cou, les seuls qu'ils ont appréciés
comme personnage c'est le plus atypique, celui a peur de se confronter aux autres, qui reste
cloîtrer chez lui, pour qui les moindres gestes d'ouvrir la porte est insurmontable et les
autres autres qui boivent, qui deviennent violent, ça les a absolument pas touché, parce que
je pense que c'est tellement banal… donc là au niveau de l'émotion pas du tout… alors que
celui qui était dans l’incompréhension, l'incommunicabilité c’était plus fort, donc je dirais
que c’est pas tant la présence de l’artiste au lycée qui va changer quoi que ce soit, c’est des
pièces qu'ils vont voir ou créer… quand je repense à Mouawad, le texte avait été écrit pas
des adolescents, il a été retravaillé c'est sûr, mais je pense qu'il était ancré dans une
géographie précise qu'on aurait pas retrouvé partout, donc l’artiste, s'il intervient c'est pour
allait faire verbaliser et mettre en scène, pas pour représenter quelque chose de ce point de
vue là, parce que ce qui va les toucher c’est la façon dont ils vont le dire et la façon dont
lui, va les aider à le remettre en forme et créer. Je pense que leur proposer quelque chose
venant d'adultes mêmes comédiens, ça ne va pas avoir le même impact, parce que ça va
156
leur être imposé de l'extérieur, alors dans le pire des cas, ils vont dire oh ils ont encore
voulu nous parler de l'adolescence, dans le meilleur des cas : « oh oui c'était sympa mais
bon... franchement », voilà et à mon avis la création je pense que ça serait plus productif.
Avez-vous entendu parler du projet du festival théâtre ados ?
Oui, mais les pièces sont calibrées, sont ciblées,... j'ai l'impression que parfois c'est presque
bien pensant et quand on en discute avec les collègues, on s'est dit qu'en plus c’était
calibré, c'est une heure, des pièces courtes … on a l'impression qu'on adapte complètement
le théâtre et on segmente le public… donc voilà ça c'est des pièces pour ados… donc on a
déjà littérature pour jeunesse et après on a pièce pour ados … sauf qu'on a quand même
l'impression que autant la littérature ça s'adresse à tout le monde, une fois qu'on a écarté la
tranche jeunesse, mais au dessus de 12 ans celui qui a 14 ans c’est déjà presque un adulte
qui peut être adulte et qu'il a une maturité qui leur permet de lire des romans que ces
parents vont lire.
Je trouve ça factice. Autant pour les petits, il y a des limites d'âges mais l'adolescence... vu
ce qu'ils regardent à la télé, devant leur ordinateur, c’est se voiler la face, c'est se bercer de
douce illusion de croire qu'il existerait un type de théâtre ou des romans qui ne leurs
conviendrait pas... ce qu'ils ne leurs conviendraient pas, ce serait la façon dont s'est écrit
mais pas les thèmes et là moi ce qui me gêne dans cette présentation ( théâtre Québec ) …
je ne pense pas que c'est dans ces pièces que les ados viendraient le plus .
Quelle est la place de chacun dans le binôme enseignant ?
Je pense qu'on s’efface... on n’a pas à être là... enfin ça dépend de ce que veut l’artiste... il
faut qu'il puisse transformer l'espace et moi si je suis un marqueur d'une quelconque
autorité, discipline il vaut mieux que je sorte.Il ne joue pas, mais il les met en action
comme un metteur en scène, mais avec un groupe d'élèves … dans la pratique, on avait fait
la présentation avec Betty Boissonnade … après il faut passer à autre chose. ...il aurait fallu
que cette présentation théorique soit le début de quelque chose et ensuite partir sur la
pratique et même on pouvait se passer de cette représentation parce que les élèves
pouvaient le découvrir tout seuls et rapidement.
157
Que fait l'artiste ?
Relativiser … il transforme la salle... il en fait ce qu'il en veut pour montrer comment on va
construire un espace, déconstruire un espace et ensuite travailler sur la voix, sur le corps,
ce que moi je fait de manière conventionnelle, lui le fera de façon plus originale, par
exemple demander aux garçons de jouer des rôles de filles, de jouer l'enfant, le vieillard..
.ce qui est bien c'est quand l'enseignant reste avec l’artiste et devient élève, parce que ça
désacralise le rapport de l'élève à l'enseignant.
Que prendre de l’artiste dans votre manière d’enseigner ?
Nous, on est déjà dans la théâtralité quand on enseigne, on se donne une contenance, on
joue un rôle... donc un certain relâchement dans le respect du temps, nous c'est vraiment,
c'est le temps qui organise notre journée... le fait de percevoir les élèves différemment,
untel qui va être moqué, un timide en classe va être loquace... et je pense tout simplement
une connivence... je pense que ça peut débloquer certaine choses... leur faire lire des livres,
c’est très dur... donc montrer comment le texte n'est pas un obstacle mais devient une
matière qui peut s'épanouir dans la mise en voix, dans la pratique … quand ça passe par le
corps, ça prend du sens … à la fois pour nous et pour eux .. les textes sont là … la lecture
qu'on s'incorpore elle aide...
Connaissez-vous les dispositifs proposés par la MJC ? Quelles pourraient être les
améliorations ?
J'aime bien les emmener sur le dispositif « je sors mon prof », donc le soir dans une
ambiance différente, parce que je repense à la présentation Québec, quand la directrice
expliquait que pour eux c’était naturel que les élèves parlent pendant la représentation, ça
montrait que ça les intéressait... je me disais... Comment est-ce qu'ils ne peuvent pas
percevoir, qu'ils gênent, que c'est une interaction dans la pièce … je ne comprends pas…
j'aime bien les emmener le soir, parce que c'est un public réel hétérogène et pas un
ensemble de lycéens de manière factice dans les représentations scolaires.
La MJC vient vers nous. On est tous sollicité. On a une réunion pour les enseignants. On
nous fait une présentation orientée... celle ci va bien marcher avec des ados... on a un
dossier pédagogique. On nous dit cette pièce-là elle devrait être bien... j'utilise des fois les
158
dossiers pédagogiques… pour des pièces difficiles... je m'en sers pour désamorcer en
amont. On nous propose, mais nous ne sommes pas assez réactifs, on ne rebondit pas sur
les propositions. L’intérêt de novembre… c’est qu'on s'organise... on est pris dans
l'organisation du quotidien et si on nous propose dans l'urgence… ça colle jamais sur nos
horaires... et on se dit là avec la MJC, que si on cogite dès maintenant pour novembre... on
invitera plusieurs classes et ce sera en amont, parce que j'ai l'impression qu'on est encore
dans une démarche consommatrice et pas assez acteur, parce que notre souci c’est de
décider de nos pièces vite, en septembre, il faut réserver alors qu'on découvre nos classes et
on a toujours le problème de percevoir l'ambiance d'une classe, en se disant qu'est-ce qu'on
va pouvoir faire avec eux, est-ce qu'on les emmène ou pas au théâtre... c'est à nous d'être
réactif parce qu' on est dans l'inertie... on prend ce qu'on nous offre. L’atelier théâtre, on
serait d'accord pour le lancer mais est-ce qu'on va arriver à gérer ça sur le long terme et estce que cela va intéresser nos élèves? Parce qu'on est dans un lycée pas littéraire … ls ne
sont pas intéressés par ces matières, y pas de curiosités et on est freiné par le manque de
motivation de nos élèves, des fois ils en ont même pas envie eux-mêmes... ne veux pas
mettre en place quelque chose qui va me décevoir, parce que je n'aurais rien en retour, le
plaisir de mes élèves.
Le principe des dispositifs est intéressant, mais on va se heurter encore une fois à des
horaires. Il faut être là à telle heure et repartir à telle heure pour ne pas rater le cours...je
pense que ça devrait être sur du long terme...avec des artistes mais on a pas une classe qui
pourrait en bénéficier au détriment des autres. Pourquoi telle classe et pas telle autre...on
pourrait choisir la filière littérature et société... c'est trois classes... mais on n'est pas du tout
dans l’homogénéité, ça peut être aussi au détriment d'une classe dynamique...notre projet
d'établissement repose sur l’idée que chaque élève doit avoir accès à une pièce de théâtre et
si on met en place un dispositif comme ça, on contredit le projet puisqu'on va sélectionner
sur des critères.... .
159
Annexe 3.1 :Thèmes et catégories
Eléments de pré analyse
E5 – entretien extraits
Pratique du théâtre
A chaque fois que je peux...
Un texte ...je ne suis pas contre le théâtre de l'impro mais je suis prof Fonction professorale est posée très tôt dans l’entretien
de français donc un texte, des corps. Des artistes pour donner corps
au texte pour interpréter, et un public, et une scène
Le texte : référence au théâtre comme oeuvre littéraire
..le lieu ça peut être, du théâtre du rue du moment qu on entend le
texte ..C’est dommage de perdre le texte.
j'aime le théâtre un peu ambitieux je dis souvent aux élèves : c'est Pour un théâtre dans le respect du texte, conforme au texte, à la langue
pas la peine de faire simple... avec eux, quand on le travaille ils Pour un théâtre sans artifice ou l’homme serait au centre
finissent pas aimer... et puis, j'aime bien qu’il y ait est une écriture
poétique ...je pense à « la mélancolie des barbares » c'était spécial,
mais il y avait quand même une écriture, par exemple un petit
reproche que je fais, il y a de plus en plus de danse, de gestuelles et
de vidéo et je trouve que c'est dommage c'est au détriment de la
parole ..on a plein d'écrans...ça nuit, ça attire le regard alors que l’on
préfère voir le théâtre du comédien puis c'est une mode, c'est pas
160
indispensable, ça introduit un autre genre,
voilà..chaque metteur en scène a le droit de s'exprimer dans sa
langue, si c'est la langue d'origine de la pièce pourquoi pas... Molière
en anglais... non...
J’attends de l'émotion quelque chose qu'on n'éprouve pas à l’écran. Expérience esthétique
Un moment privilégié qui marque, qui frappe, être remué, sortir un
• Emotion
peu de... réfléchir aussi
• Ressenti
...je n’aime pas trop le théâtre qui parle de la vie quotidienne enfin
• Corps
bon minimaliste... ce théâtre du quotidien qui parle des querelles de
• Réflexion
voisinage ou de problèmes de couples. Je trouve qu' Avignon il y en a
de plus en plus de ce genre de choses... ça m'intéresse pas tellement Théâtre de texte, d’auteurs en contradiction avec
je préfère le théâtre d'auteur qui réfléchit un peu plus... un Camus, un quotidien, du divertissement
Sartre..pas Feydeau, Labiche ….
un théâtre du
Il y a de plus en plus de romans, de poésies qui parlent de sujets
graves … globalement, on parle de la mort, de la passion douloureuse
donc que le théâtre représente ça c'est normal, ça ne me dérange pas. L’homme au centre, et ses passions
Pas du tout.
Je n'y vais pas au hasard. J'ai lu un résumé ou j'ai eu une opportunité
mais je n'y vais jamais au hasard. Mais « les monologues du vagin »,
j'en avais entendu parle par les médias...donc par curiosité mais
non...faut préparer un minimum.
En fait pour moi, il ..faut que ça marche, que je rentre dedans que ce L’expérience esthétique :
soit le décor, le talent professionnel ou amateur, faut que je rentre
• Rentrer dedans
dedans et c'est un bon moment, où alors je ne vois que l'aspect
• // cohérence travail et qualité : termes que l’on pourrait
technique et les défauts et là... ...il faut qu'il y ai de la cohérence de...
retrouver dans le champ lexical du système éducatif
161
Annexe 3.2 : Thèmes et catégories
Enseignant n° 9
Oui . À la mjc. ...et ou ça se trouve. Je ne fais pas les festivals par Théâtre
exemple Avignon. Je ne fais pas .
pratique
Le mot qui me vient c'est mise en scène
théâtre
liberté
Ce qui me touche c'est le jeu des acteurs au delà du texte que j'ai ouverture
toujours du mal à suivre parce que ça va très vite et que je n'aime texte
pas connaître le texte.
ma première scène de théâtre c'était à 12 ans, un soir d'été dans un théâtre
village, et c'était Antigone et j'ai l'image très forte très forte et je expérience esthétique
n'ai rein compris mais je ne me souviens que d'une chose c'est la texte
robe noire . Le spectacle c'était un émotion de la robe noir , cette
femme . Le texte m'est passé au dessus.
théâtre
J'en sors heureuse, ça me donne de l'élan. L'envie de. L 'élan, qui plaisir
me donne des idées pour d'autres façon d'aborder des textes, de émotion
les faire passer, ca c'est pour le professionnelle
élan
envie
désir
dehors
déplacement
émotion
162
Au delà du moi professoral, liberté de choix
Comment cette expérience esthétique peut elle
raisonner dans son parcours d'enseignante ?
De tous les problèmes. C'est propre au théâtre puisqu'on aborde
des questions politiques. Dans la peinture, on ne va pas dénoncer
enfin si ..mais ...les mots me touchent ..le théâtre mets les mots en
vie, mets l'homme au centre .
théâtre
fonction social
politique
l'homme au centre
l'existence
la parole
le langage
une adresse
relation
Ca dépend des pièces ...ça dépend. Je ne sais pas. Parfois, je me théâtre
laisse guider. Je fais confiance à celui qui me guide, qui accompagnement
m'indique. Je fonctionne comme ça. A 15 ans je ne savais pas que
lire parce qu'on ne me proposait rien aujourd'hui je me dis
comment font les gamins s 'il n'y a pas quelqu'un qui leur dit
« tu devrait voir ou lire.. »
artiste
Je ne sais pas . Je pense qu il y a des gens qui ne sont pas représentation
reconnus à leur juste valeur par rapport à leur façon de voir faire
mais peut être que ça a toujours exister .
inconnu
Je dirais que c'est quelqu'un qui ne se décourage pas face à ce nouveauté
qu'il a à dire, à faire . Il y a une recherche et un faire .
Aujourd'hui, il nous est plus proche plus accessible.
Je trouve qu'on lui laisse peu de place. C'est déplorable . Moi ça théâtre
m'est arrivé de faire la course au temps et finir par le théâtre au enseignement
163
L'enseignant apprécie d'être guider par l'autre , aime
le conseil . Parce que quelqu'un lui dira qu'il ou elle
aura aimait, elle fera confiance. On peut penser que
c'est le désir, l'émotion de celui qui transmets qui
raisonne en l'autre
le théâtre est d'abord un enseignement . Quand on
aborde la question du rôle éducatif du théâre, elle en
parle d'abord comme un enseignement
mois de juin mais là je parle de l'enseignement du théâtre.
pratique
Mais on essaie de lier le texte à la représentation, ce qui rends la élèves
chose plus perméable pour les élèves sinon...
effets
mais par exemple là ou je suis gênée, c'est que sans mentir, on compétence
reçoit quatre mails par semaine de propositions de spectacles que
l'on ne connait pas toujours, qui viennent des compagnies , des
théâtres..donc faire appréhender le théâtre à des élèves par ce bais
on est d'accord mais nous ? Comment on choisit ? Ca demande un
boulot pas possible . Et puis on connait moins le théâtre que le
roman. Et puis le théâtre demande à être vu .
J e fais un bilan avec mes élèves en fin d'année et dans « ce que
j'ai aimé « ils disent c'est le travail théâtral de pratique en petit
en groupe . Ils doivent interpréter un petit morceau de texte, je
leur laisse choisir et on se consacre à ça pendant 15 jours, chaque
heures . Je faisais le rôle du metteur en scène, ceux qui étaient déjà
en ateliers théâtre vont aussi jouer de rôle de metteur en scène.
On est dans la pratique. Pour les élèves, c'est énorme.
J'ai deux élèves qui sont en difficultés, qui sont suivis . Deux cas
lourd . Très lourd. L'autre jour X, l'un d'eux , me demande une
pièce avec deux acteurs . Finalement il a trouvé et un jour , il me
dit je vais donner une représentation à Toulouse, venez me voir à
la mjc . Je me dis, ah bon à Toulouse mais c'est un gamin en
difficulté . L'autre jour je rendais des rédacs poufff..et bon...et puis
les deux ne sont pas compatibles : « tu ne peux pas être à la fois
acteur et écrire comme tu le fais. Imagine qu'un jour tu veuilles
théâtre
pratique
groupe
création
l'enseignant prends en charge la pratique puisque le
jeu est aussi au programme mais on est dans encore
dans le collage au texte
il y a donc du temps pour faire ce travail de
pratique ?
théâtre
recours
difficultés
apprentissages
corps
expression
individu
164
Annexe 4.1: Analyse catégorielle (extrait)
réajustement
sentiment d'appartenance
une adresse
//histoire du théâtre
acceptation de soi
accès
accompagnement
acteur // intervention
1
1
1
1
1
10
9
2
acteur // intervention
adaptation
actif
adolescent
affective
affirmation
alliance
améliorations
analyser
application
apprendre
apprentissage
apprentissage différencié
approche immédiate
appropriation
artiste
art
artiste // intervenant
attente
attention
au cas par cas
autonomie
autre approche
avertie
bienveillance
binôme
binôme
blocage
budget
ca fonctionne
cadre
catharsis
changement
1
5
1
23
1
2
1
15
1
1
désir
déstabilisation
détente
détermination
deux mondes distinct
complémentarité
comportement
compréhension
compréhension//émotio
n
concentration
conception du théâtre
confiance
conflit
confort
connaissance
connivence
conscience collective
conservatisme
consommation
construction
contact
contemporain
contexte
contrainte
contre – opposition
coopération
corps
conscience collective
création
création //production
créer / codes
critique
croyance
culture générale
curiosité
débat
déception
découverte
dedans
défis
dehors
5
2
1
1
30
8
3
4
1
1
6
3
1
1
87
1
6
1
13
1
3
165
6
9
1
1
22
5
1
13
2
1
2
13
11
5
9
1
3
2
10
7
14
1
1
8
1
2
31
2
9
1
1
1
1
2
3
4
1
1
10
1
1
Annexe 4.2 : Analyse catégorielle Artiste-Théâtre (extrait)
catégories
Sous-catégorie Artiste
Propos
Expérience
esthétique
enfance
A1
Ca commence il y a longtemps...ça commence à l'adolescence
A2
je suivais mes cours, tous mes cours, je ne dormais pas beaucoup. Toutes mes nuits, mes week-ends et
puis j’allais travailler en journée.
A3
Ça remonte à loin
A3
la première fois c'était en quatrième et j'avais été ébloui par une représentation de Molière »
A4
j’avais des expériences de petits spectacles d’écoles jusqu’ à des petites expériences de rues avec des
copains.
A4
Surtout une fois où un spectacle avait du s’arrêter parce qu’un acteur avait du s’arrêter… parce que son
père était mort. Et je me souviens de cette déception.
166
choc
A5
1980 c'est un virage très précis dans mes études. Je traine en fac de math. Le théâtre est très éloigné
pour moi.
A6
Moi j’ai fais des études de biologie. Mais c’est le parcours scolaire qui m’a amené à m’intéresser au
théâtre.
A7
j’ai commencé à l’âge de 6 ans.
A7
A 11 ans, je savais que c’était ce métier là, c’est sur
A9
un spectacle était présentait à l’école
A1
j'ai des souvenirs de rencontres et de choc absolument inouï.
A5
C'était un Shakespeare du temps des costumes qui tenait une lance et j'étais fasciné par cet acteur , par
son immobilité ...il n' a pas dit un mot pendant deux heures ça m' aparu très long et pour moi c'était
quelque chose d'important
A6
j’allais dans un atelier théâtre tous les samedis. Je grillais mon argent de poche pour aller voir des
pièces à Paris
167
A6
l’enfant créateur c’est l’essence même de l’acteur. Je suis méthode russe de la mémoire de Tchekov de
travailler avec son vécu de la mémoire émotionnelle, avec soi même.
A7
Et puis j’ai eu la trouille de ma vie, mais ça été une drogue,
A9
Un choc esthétique, un choc aussi..
A9
Étonnamment mon histoire avec le théâtre débute à la petite école
A9
Donc on était assis sur des tapis bleus. Un spectacle avec peu de moyens. Des cubes, des draps et on
nous racontait une histoire de bateau et j’ai été complètement happé par cette magie de raconter une
histoire avec peu de choses
A8
C'était amateur mais ça était une aventure tellement géniale que nous enfants...moi en tout cas...j'ai
adoré...
A8
..et là ça m'a pas remué ...elle a fait pendant dix minutes comme si elle se masturbait mais ça ne m’a
même pas...rien, ça ne m’a pas touché …
A8
e pense que c'est là que j'ai découvert ce qu'était le jeu en regardant Agnès, en la voyant arriver sur
scène, dans sa robe moulante, elle était hyper sexy , j'étais génée mais subjugée.
168
Annexe 4.2 : Analyse catégorielle Enseignant-Théâtre (extrait)
vecteur
apprentissages
E1
E1
E1
et je trouve que les arts vivants ont cette place au sein de l’école parce que ce sont d’autres critères qui
sont habituellement convoqués et qui deviennent importants. Les élèves ont du mal à se défaire d’un
certains nombres de réflexes et j’ai la prétention de croire qu’ils apprécient ces temps.
il faut que les enseignants sentent qu’ils en profitent, que leurs élèves en profitent que ça soit un
facilitateur.
Pour un enseignant, que ça soit un facilitateur pour ces apprentissages par exemple un prof qui va
aborder tel thème avec les élèves et qui va essayer de toucher du doigt les différentes contraintes ou les
différentes modalités d’un texte de théâtre
E2
Un enseignant il va voir l’expérience que ça peut permettre à l’élève mais il va voir aussi en quoi son
enseignement va être nourrit. Que lui dans sa posture d’enseignant, ça lui donne du grain à moudre.
C’est via autre chose qu'on peut faire bouger, moi je travaille comme ça parce que sinon on ne peut
plus y arriver aujourd'hui. Aujourd’hui ils ne lisent plus. il faut qu'ils y entrent parce que cela reste au
programme scolaire. Donc il faut y rentrer autrement.
il y a eu des répétitions de Roméo, j'ai amené une classe, par exemple à la MJC, ça s'était superbe parce
qu'ils ont vu le travail sur scène de l’artiste donc et par ce biais là, certains m'ont lu Roméo et Juliette,
d'autres ont lu Phèdre
Donc ça c'est une autre approche qui permet peut-être à des élèves qui vont être davantage visuels ou
peut-être en difficultés, de pouvoir sentir, mais par le ressenti.
C'est pour ça, c'est une autre façon d'entrer dans le texte et dans le message que la portée, la visée, ce
que veut dire l'auteur, ce qu'il va exprimer, parce que c'est quand même ça ce que l'on doit leur
expliquer.
quand on a le metteur en scène qui dit : ah qu'est ce que vous en pensez, est-ce qu'il ne faut pas
intensifier ceci ou pourquoi. C’est tout le travail que je fais toute seule quand je fais mon étude de
textes et qui est trop compliqué pour certain..
E2
Mais après sur l'étude du texte pour lui la littérature, bien sûr à mon avis on peut y rentrer, l'écriture
aussi d'ailleurs, on peut y rentrer beaucoup plus joliment
E4
Ils arrivent à maîtriser le texte par le biais du corps et ça c’est bien
E1
E2
E2
E2
E2
169
E4
Donc des petits jeux de rôles, on en fait énormément avec eux, de petits sketchs, de jeux de rôle...de
mimes pour les habituer et aussi pour progresser en français..
E9
Parce que quand on étudie le théâtre à l'école,
subordonnée.
E4
J’ai commencé par le spectacle pour aller vers le théâtre de l’absurde en classe. Donc commencer par
aller voir
E4
certains enfants qui sont effacés peuvent devenir très à l’aise, les enfants qui sont toujours en échec
peuvent se révéler très performants
E4
E4
on intègre aussi le subjonctif l'impératif, la
mais le théâtre, c’est théâtrum c’est je vois, je regarde et j'écoute et je vois des gestes et j’entends des
silences et c’est tout ce qu’on ne fait pas, quand on étudie une pièce de théâtre en cours …
quand on a repris un texte théâtral pour en faire une étude classique sont revenus les idées qu'on avait
pu échanger sur les pièces auparavant...j’ai eu la grande surprise d'avoir des arguments qui étaient tirés
des pièces qu'on était aller voir…y avait pas eu de trace écrite…
E5
mais en français aussi, on est drôlement libre on peut faire plein de liaisons et de ponts, ça pause aucun
problème…
.c'est un reproche que je fais...parce que des fois c'est pas les morceaux que les élèves ont étudié..et ils
ne peuvent pas comprendre si on a coupé des scènes. Avec la meilleure volonté du monde, ils ne
peuvent pas comprendre ...10 euros 50 minutes bon voilà..
E5
le français, plutôt que de la faire à travers les livres, de manières théoriques, pouvoir incarner la
souffrance par exemple c'est autre chose que de le lire !
E5
Je les encourage à la rentrée en septembre à s'inscrire dans des clubs parce que je leur explique à quoi
ça va leur être utile. Il y a un orale de français donc le pratique de l'oral
E5
J 'ai eu de gamins qui font du théâtre depuis le primaire jusqu en terminale et ils connaissent beaucoup
d’auteurs, du contemporain, ils ont une culture impressionnante.
E4
170
E5
dans ma matière je n’aime pas trop qu’on demande aux élèves d'apprendre ...je préfère qu’ils cherchent
par eux même, qu’ils réagissent d'eux mêmes ce qui fait que les miens ne sont pas des perroquets qui
restituent un enseignement,
E5
j'ai surtout fait des filières professionnels donc j'étais obligé de passer par le théâtre ou autre chose
parce que si je leur mettais la littérature comme ça c'était pas possible…
E5
E7
Et certains pensent que ça n'apprend pas à faire du commentaire, pour moi si. Ce n’est pas le chemin le
plus droit mais pour l'artiste c'est un peu pareil …
On a une liberté pédagogiques...après quand je fais une œuvre théâtrale, j'abandonne un peu le cadre
scolaire... je vais privilégier... je vais prendre quelques extraits et puis on va les jouer et abandonner la
maitrise de la langue... je vais privilégier le jeu avec les enfants... je privilégie la pratique avec ma
petite expérience ...
E7
Moi je ne conçois pas une œuvre théâtrale papier sans cette mise en voix...comme pour la poésie, je fais
beaucoup de mise en voix plutôt que l'analyse littéraire. Pourquoi expliquer la poésie
Le fait de les mettre en situation quand on va jouer .Pour eux...c'est un moyen de leur permettre de
mieux comprendre le texte aussi peut être d'incarner les personnages, de se mettre dans la peau de, ca
facilite la difficulté l'accès au texte classique
E7
on l'adapte à notre programmation . On peu le travailler en amont ou en aval
E7
peut être encore une fois ne plus privilégiait le texte écrit comme on a tendance à le faire...et privilégiait
le rapport au jeu – pas le JE ? Non ….
E9
Mais on essaie de lier le texte à la représentation, ce qui rend la chose plus perméable pour les élèves
sinon...
E9
L'autre jour je rendais des rédacs poufff..et bon...et puis les deux ne sont pas compatibles : « tu ne peux
pas être à la fois acteur et écrire comme tu le fais.
E9
l y a un lien à faire entre ces élèves en difficulté et le théâtre c'est par là par la pratique parce que ce
qu' ils veulent c'est pratiquer.
E9
C'est un aller vers les apprentissages.
E7
171
Annexe 4.2 : Analyse catégorielle Artiste-Partenariat (extrait)
catégories
Sous-catégorie artiste
Propos
déstabilisateur A1
L'enseignant nous apporte un autre éclairage et on essaie de le perturber de le tordre.
rôle de l'artiste
A1
L’artiste propose une vision et on essaie de travailler à partir de ça, de perturber les codes, les façons de
voir, d'envisager les choses.
A1
Il vient perturber la structure interne des élèves entre eux.
A3
J’ai toujours eu des enseignants ouverts prêts à bouger la classe.
A4
J’aime davantage Maïakovski, poète qui déchire le drapeau rouge. Il résiste à la structure du pouvoir.
Il faudrait que ça au niveau de la pédagogie…
172
A5
toutes les règles que vous avez apprise, moi je vais les déstabiliser : lâchez vous, ne pensez plus ni à la
conjugaison ni à l’orthographe et la poétique des choses, c'est quand on va vous écoutez…
A6
ensuite ils ont horreur quand on bouleverse l’histoire. Quand on en dit le contraire … j’aime moi …
A6
… donc on bouleverse les codes, on n’utilise pas le même langage, on se touche, on fait du bruit, ou du
silence, on enlève la carapace … au théâtre on ne l’a plus. Tous ces codes sont bouleversés.
A7
l’autre jour, j’ai apporté un texte de Mayenbourg et l’histoire d’un jeune lycéen allemand qui relie la
bible et qui devient intégriste chrétien.
A8
Je pense que ça peut les mettre en contact direct avec leurs vraies émotions, c'est évident ...que...c'est
pour ça que c'est déstabilisant parfois mais...
A8
.Ils sont passés par des phases où ils me disent : « on ne va pas y arriver, vers quoi on part » donc ça les
déstabilise, ce flou cette incertitude, cette étape de création les mets à mal mais en même temps ils sont
venus nous cherche
A8
Ceux qui ont cette démarche là, ils ont conscience de leurs limites...c'est pas négatif, eux ils sont dans
l’enseignement...je pense qu ils apprécient qu'une autre personne viennent bousculer un peu le ronron
de la classe...
A9
à l’école, je crois que l'on est dans des cases, tout est trop cadré, trop cadré
173
artistique
A9
quand on est un peu en situation de déséquilibre, il y a des choses qui se passent très intéressantes
notamment pour les adolescents particulièrement quand ils sortent de leur corps d'enfants, c'est là qu'ils
se révèlent le plus …c'est un moment où ils doivent rentrer dans un moule où ils doivent... je
comprends que ça soient rébarbatifs..
A9
toujours s’adresser à une personne...l’enseignant il s’adresse à un élève dans un cadre avec une
hiérarchie
A9
Je crois que nous devrions faire d’avantage d’ateliers de médiation avec les enseignants avec... pour les
déstabiliser pour qu'ils comprennent ce que c’est
A9
on sort de ce qui est préparé
A1
dés fois il y a des processus de création qui vont être porteur mais il n’y aura pas forcément un résultat
grandiose c'est le cheminement qui est intéressant...moi, c'est le cheminement qui compte.
A1
C'est pas encore acquis que l’éducation artistique soit un cheminement artistique…le plus souvent, si
l'artiste vient c'est pour faire un spectacle un rendu et après il repart et il ne fait pas parti de l'équipe
éducative et il n'est pas au même endroit. Le cheminement artistique n'est pas intégré.
A1
Le processus de création est différent du processus d’enseignement mais des fois il faut plus de
communication avec les professeurs et les équipes éducatives pour qu’ils laissent cette place là avec
tranquillité..
A1
c'est le cheminement qui est intéressant...moi c'est le cheminement qui compte
174
Annexe 4.2 : Analyse catégorielle - Enseignant Partenariat (extrait)
Rôle
enseignant
garant
binôme
E2
moi j'aime bien rattacher au programme quand même avec ce que je fais, avec mon enseignement
même si tout ne doit pas être rattaché mais c'est bien aussi de pouvoir le rattacher, pour les élèves, ça
leur permet de donner du sens aussi à l'enseignement et ça c'est important.
E3
Je demande un objectif…mais le mot objectif me gêne.
E8
Nous on est là pour amener de la théorie donc c’est difficile d’amener de la pratique, de la création.
Moi j’ai eu une formation théorique.
du
E8
E6
moi je suis là pour apprendre des techniques, pour aider les élèves.
ce que moi je le fait de manière conventionnelle, lui le fera de façon plus originale, par exemple
demander aux garçons de jouer des rôles de filles, de jouer l'enfant, le vieillard. … ce qui est bien c'est
quand enseignant reste avec l’artiste et devienne élève parce que ça désacralise le rapport de l'élève à
l'enseignant.
E6
Pour elle, il y a intérêt à ce qu'on prépare les élèves par contre les compagnies, je pense, préféreront
qu'on ne prépare rien du tout, pour laisser lors des discussions, de laisser les questions fusées de
manière spontanée et surtout les remarques,
175
hédonique
médiateur
E3
Mais soumettre les artistes à ça. Ça sert à rien… les gamins qui trouvent du plaisir, ça fonctionne et
ceux qui n’en trouvent pas ça fonctionne pas et donc moi je crois beaucoup que ces choses-là qui sont
périphériques, moi je pense qu'il faut laisser le cadre libre.
E6
je ne veux pas mettre en place quelque chose qui va me décevoir, parce que je n'aurais rien en retour, le
plaisir de mes élèves.
E6
je pense qu'on peut fonctionner déjà comme médiateur entre eux et les élèves
E3
Donc mon rôle c’est de permettre aux élèves de trouver un intérêt à l’artiste. Ça fait de l’enseignant un
initiateur.
E2
ça s'était superbe parce qu'ils ont vu le travail sur scène de l’artiste donc et par ce biais là, certains m'ont
lu Roméo et Juliette, d'autres ont lu Phèdre, on était complémentaires
E7
est à nous enseignants de faire venir le théâtre à l'école ou le amener pour qu'ils découvrent ou aller au
theatre.
E6
E6
suggérer aux élèves que le théâtre c'est bien que cet artiste est quelqu'un en qui on doit avoir confiance.
Et il va nous faire passer quelque chose parce que l'école elle est perçue comme le lieu de la
transmission et du savoir etc... et en fait la venue d'un artiste ici c'est montrer, complémenter, apporter
quelque chose de neuf que nous on ne peut pas apporter en tant qu’enseignant
176
Annexe 5 : Codage et pourcentage (extrait)
Accès à la société
52
22,61%
l'H. Au centre 5
A1
A1
A3
A9
destin
A9
A4
1
transcendance 18
A2
A2
A2
A1
A2
A4
A4
A6
A6
177
Il y a une fragilité dans l’art du théâtre où l'on met l'être
humain au centre, qui est embellit
C'est l'être humain qui est mis au centre qui s'exprime qui
est valorisé, qui est dans tout ces aspects.
le théâtre c'est l'homme, c'est des problématiques
humaines
je trouve qu’on parle beaucoup présentement
d’affranchissement, d’identité.
La nécessité de trouver son identité, et de s’affranchir de
cette identité là.
qu’est ce qu’on fait de la question de la mort ?
il faut que ça tire vers le haut pour moi c’est extrêmement
important.
ce n’est pas lui donner que du rêve… mais il faut qu’il y
ait une transcendance. ...
ça tire vers le haut, ça aide à réfléchir, ça transpose des
choses
chacun à sa façon essaie d'apporter sa pierre à l'édifice
Aussi je regrette les spectacles qui tirent vers le bas.
Il transcende la volonté du message
Ça transcende la question de l’utilité et ça devient
quelque chose d’universel…une forme de partage
universel.
Il doit nous secouer. Réinventer le monde.
Pour moi, on ne vient pas là pour voir l’histoire,
l’exemple du « Tartuffe » sur l’intégrisme par exemple.
On va chercher par la modernité des choses ce qu'on
n’avait pas vues.
Annexe 6
Ces passages cités plus bas montre des bifurcations dans les manière d'enseigner, de
conduire l'enseignement qui font parfois écho à celle de l'artiste : relier à la vie de dehors,
diluer le temps, improviser, faire avec ce qui est, apprendre ensemble.... Mais, je les cite
aussi car tous, infusent une certaine joie ou témoignent du désir et du plaisir, thèmes
absents, moteur trop souvent absents des entretiens que ce soit du côté des artistes ou des
enseignants. Aussi ce rôle et cette place que sait prendre l'enseignant durant des hors temps
scolaire (mais pas toujours), cette construction symbolique d'un espace autre pour faire
autrement avec leurs élèves, ne pourrait elle aussi s'expérimenter dans le temps scolaire. Et
en cela l'artiste, son intervention, ses manières de faire n'est-il pas un chemin à suivre ? N'y
a t-il pas à jeter des ponts entre ce qui est trop souvent à leur yeux, des échappées, du
« hors » cadre et l'intervention de l'artiste ?. N'y a t-il pas souvent contradiction entre ce
que les enseignants se permettent de vivre individuellement et ce qu'ils avancent de la
nécessité à se plier à un programme ?. L'artiste ne trouverait-il pas une vraie finalité dans
aider et accompagner ? :
À un moment donné, on est allé au théâtre parce que j’avais négocié avec la
mission départementale. On prêtait les locaux pour le chœur départemental et
en échange j’avais négocié des places de théâtre, j’avais 10 places et
régulièrement, je prenais dix élèves avec le bus du lycée. C’était gratuit. Je les
prenais dans le mini bus. Du coup on se retrouvait mélangé aux adultes avec un
public volontaire, c’était super… le soir c’est bien ! Mais ça repose sur les
enseignants … moi j’y allais parce que c’était gratuit... s’il avait fallu que
j’organise que je fasse payer que … non. Mais c’était super mais c’est que 10
élèves … Qu'est ce que se passe ?. C’est exceptionnel, ils ont choisi, ils sont
dix, c’est pas du tout pareil… on en discute.. C’était un moment de plaisir… ils
parlaient mais ce n’était pas de l’école. (E3)
Et moi dans l’atelier j’ai aussi ce souci là dès fois les gamins ils te font des
sombres merdes et les gamins ils sont contents de ce qu’ils ont fait et moi je
veux pouvoir imposer ça aux parents, voilà votre enfants, il a décalqué,
pendant des heures il s’est fait plaisir, pendant six mois il a décalqué et c’est
très bien, il a eu plaisir a avoir ce geste du point de vue de la créativité il est pas
énorme mais il a fait ce choix, le choix de s'inscrire à cet atelier de 17 à 18h30,
et je trouve dans l’intervention des artistes eux mêmes ont cette contrainte que
l’enseignant ne mesure pas forcement parce que les gamins se retrouvent en
sandwich au milieu de tous ça et il n’y a plus vraiment apprentissage, il y a
obligation de répondre à la demande institutionnelle, de satisfaire à la
178
commande et le gamin est instrumentalisé, on est dans une réponse aux
commandes (E1).
C’est fou. C'est fou parce qu'a un moment donné, j’ai eu envie de sortir des
cadres et c’est ça qui a marché. À une époque de ma vie de prof, on sortait tout
le temps, on faisait de la radio avec les élèves, fallait improviser tout le temps
même moi … j’étais sur la corde raide parfois, mais c’était passionnant parce
que même en cours on partait de ce qu'on faisait en atelier théâtre et en radio.
Je suis un peu plus coincé mais avant j’avais 7h de cours, je n'en ai que 4h et
faut je coince les mêmes choses au niveau du programme, oh moi, j’arrive à
décloisonner parce que ma nature me porte à faire autrement. Jamais on ne va
perdre deux heures en allant au théâtre, c’est indispensable (E4)
179