Maison des morts

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Maison des morts
LA MAISON DES MORTS
Du même auteur
aux éditions theâtrales
FIN D’ÉTÉ À BACCARAT, 1984
RUINES ROMAINES/QUATUOR, 1986
CHAMBRES/INVENTAIRES/ANDRÉ, 1993
LES GUERRIERS/VOLCANS/OÙ VAS-TU JÉRÉMIE ? 1993
DRAMES BREFS (1), 1995
chez d’autres éditeurs
LE DÎNER DE LINA, Avant-Scène n° 745
INVENTAIRES, Avant-Scène n° 809
BOOMERANG OU LE SALON ROUGE, Avant-Scène n° 879
GANG, Avant-Scène n° 972
LES PETITS AQUARIUMS, Actes Sud-Papiers, 1989
PHILIPPE
MINYANA
LA MAISON DES MORTS
Pièce pour acteurs et marionnettes
en six mouvements
avec prologue et épilogue
OUVRAGE PUBLIÉ AVEC
LE CONCOURS DU CENTRE
NATIONAL DU LIVRE
éditions
theatrales
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l'auteur ou de ses ayants droit. Avant le début des répétitions, une demande
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© 1996, éditions THEâTRALES
4, rue Trousseau, 75011 Paris
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ISBN : 2-907810-88-X
« …puis s’éveillant chez des gens s’est dit ah
je ne suis pas mort il s’est levé d’entre les
morts c’est ce qu’il dit d’entre les morts »
LA FEMME À LA NATTE,
Quatrième mouvement.
Philippe Minyana est avant tout un poète. Il opère la fonction
essentielle de la poésie en transformant les « bouts de réel », qui
résistent à la dilution, au flux du discours usuel, en « choses bien
dites ». Lorsque cette transmutation est organisée, architecturée, nous
apercevons un monde nouveau, inconnu jusque-là.
La Maison des morts est une éclaircie où l’auteur tente de
laisser le désir de résolution en suspens. Tout serait dit d’une vie
en la prenant par le plein, par le milieu, par le lieu même de notre
mère / langue : la maison. C’est dans des pièces meublées que la
mort travaille avec soin et entaille tous les destins. Seul le quatrième
mouvement nous livre une figuration d’un ressuscité, d’un rescapé et
seul le quatrième mouvement se passe dans la nature, comme une
fenêtre donne sur l’extérieur, pour mieux définir l’enclos de la
représentation.
Ce chant d’amour à nos morts nous hante grâce à l’obstination
d’un écrivain explorant nos commotions, celles qui restent à jamais
car elles n’ont pas de nom. Ainsi Philippe Minyana est un poète
dramatique car il persévère en cherchant les paroles sous les langues
pour s’adresser à l’immédiat en nous et nommer ces détours, ces
mouvements, ces révélations. Il nous prévient du tourment qui nous
attend (il y en a de joyeux), celui d’être entre l’effroi de la solitude et
la joie première de la communauté.
Ce chant poétique pour acteurs et marionnettes retrouve la
fonction du théâtre : transformer le réel en langage et nous faciliter la
vie par un surcroît, par une force brutale de mystère qui nous
organise, nous harmonise.
robert Cantarella
Assise toute la journée dans un fauteuil de toile en face
de la mer, avec un chandail usagé, une paire de pantalon
en coutil déteint et des espadrilles. Elle ne faisait rien.
Elle restait là, assise, dans cette immobilité absolue
que le docteur reconnut instantanément sans avoir
besoin que son opinion fût corroborée par les traits tirés
et la fixité des regards absents – abstraction statique,
totale, d’où la douleur et la terreur sont absentes – où
une créature vivante semble écouter et même surveiller
un de ses organes qui flanche, le cœur par exemple,
la secrète, irréparable infiltration du sang ; et l’homme,
jeune aussi, vêtu d’un pantalon kaki et d’un tricot sans
manches […] passait devant la femme sur sa chaise de
toile sans qu’elle lui fit un signe, un mouvement de tête,
pas même peut-être un mouvement des yeux.
William Faulkner
Les Palmiers Sauvages
à Catherine Hiegel
PROLOGUE
LA VOIX
CAR
GROS
SEL
CAGETTE
LA FEMME POLICIER
LES MAGISTRATES
MANNEQUIN
L A
M A I S O N
D E S
M O R T S
la voix.–
kI A TUÉ ANNE-CHRISTELLE
la femme poliCier.–
(entrant)
RE-CONS-TI-TU-TION
Elle sort. Entre un Mannequin sur roulettes représentant une petite fille
blonde ; entrent Car, Gros, Sel, comme trois fantômes.
la voix.–
kI A TUÉ ANNE-CHRISTELLE
la femme poliCier.–
(entrant)
RE-CONS-TI-TU-TION
Elle sort.
gros.– (après une série de petits gestes qui marquent son affolement)
Car a mis l’cutter al cou d’la
fifille qui hurla a Car
a tranchê l’cou d’la fifille qui
alors gisait
Car.– (après une série de petits gestes qui marquent son affolement)
A Sel lui a qui a
mis al cutter au cou d’la
fifille et ka dit a vai a qui
tranchê le cou et Gros regardé
des deux yeux alors Sel
a tranchê l’cou d’la fifille qui
alors gisait
sel.–
(après une série de petits gestes qui marquent son affolement)
Gros a mis
al cutter a cou d’la fifille
et Car et Gros
15
P H I L I P P E
M I N Y A N A
ensemb avé l’cutter ont tranchê
al cou d’la fifille et moi suis parti
é-pou-van-tê
la voix.–
kI A TUÉ ANNE-CHRISTELLE
*
la voix.–
kI A TUÉ ANNE-CHRISTELLE
la femme poliCier.–
RE-CONS-TI-TU-TION
(entrant)
Elle sort. Entre le Mannequin représentant la fillette. Entrent Car, Gros, Sel
comme trois fantômes.
mannequin.–
RE-CONS-TI-TU-TION
Les trois hommes s’approchent du Mannequin.
Car.–
Cé un mannequin.
gros.–
A t’ai regardé des deux yeux
après ai point vu
avé kronembourg dans l’bidon
a fé des p’tits pas de ci de là
mé entendu tes cris
Car.–
A qui avé l’cutter
A toi
Il désigne Sel.
sel.–
A qui avé l’cutter
A toi
Il désigne Gros.
16
L A
M A I S O N
D E S
M O R T S
gros.–
L’cutter
Flottement.
gros.–
L’cutter L’cutter
la voix.–
À kI APPARTIENT LE CUTTER
Flottement.
mannequin.–
RE-CONS-TI-TU-TION
Flottement.
Car, gros, sel.– (ensemble)
À moi
la femme poliCier.–
Band’ demerdeux
*
la voix.–
RE-PRE-NONS À zÉ-RO
la femme poliCier.–
(entrant)
RE-PRE-NONS À zÉ-RO
la voix.–
kI A TUÉ ANNE-CHRISTELLE
Entrent Car, Gros et Sel comme trois fantômes. Car désigne Gros qui
désigne Sel qui désigne Car et Gros.
la voix.–
kI A TUÉ ANNE-CHRISTELLE
Même manège : Car désigne Gros qui désigne Sel qui désigne Car et Gros.
Flottement.
*
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