Les « petites phrases

Transcription

Les « petites phrases
Communication & langages
http://www.necplus.eu/CML
Additional services for Communication
&
langages:
Email alerts: Click here
Subscriptions: Click here
Commercial reprints: Click here
Terms of use : Click here
Les « petites phrases » Les émissions de
divertissement : de nouveaux lieux de valorisation
des petites phrases ?
Pierre Leroux et Philippe Riutort
Communication & langages / Volume 2011 / Issue 168 / June 2011, pp 69 - 80
DOI: 10.4074/S0336150011012063, Published online: 07 September 2011
Link to this article: http://www.necplus.eu/abstract_S0336150011012063
How to cite this article:
Pierre Leroux et Philippe Riutort (2011). Les « petites phrases » Les émissions de
divertissement : de nouveaux lieux de valorisation des petites phrases ?.
Communication & langages, 2011, pp 69-80 doi:10.4074/S0336150011012063
Request Permissions : Click here
Downloaded from http://www.necplus.eu/CML, IP address: 78.47.27.170 on 21 Feb 2017
69
Les émissions de
divertissement :
de nouveaux lieux
de valorisation
des petites phrases ?
La petite phrase prend place dans un espace aux
frontières floues, situé entre le formel et l’informel, la
maîtrise de la parole et le dérapage verbal plus ou moins
contrôlé, mais elle n’existe véritablement que lorsqu’elle
bénéficie des effets de la circulation médiatique qui
construisent son importance et son sens. Elle semble
donc valoir moins par sa substance que par ce sur
quoi elle renseigne, notamment les variations des usages
politiques et médiatiques qui en sont faits.
La petite phrase s’est historiquement définie dans le
cadre des rapports noués entre le personnel politique
et l’univers journalistique. Formule recherchée dans les
interventions politiques, condensant un propos, livrant
en quelques mots un point de vue ou une analyse,
elle est devenue tributaire, en s’institutionnalisant en
routine journalistique, des logiques d’anticipation des
professionnels de la politique. Faisant l’objet de commentaires et d’exégèses en nombre croissant (« Mais
qu’a-t-il voulu dire ? ») à mesure que se multiplient
les scènes médiatiques traitant de politique, les petites
phrases ont, par exemple, revêtu une portée symbolique
décisive lorsqu’il s’est agi de désigner un vainqueur
dans les débats télévisuels1 ou de prendre l’ascendant
sur un adversaire dans une campagne électorale.
Les « petites phrases »
PIERRE LEROUX ET
PHILIPPE RIUTORT
Les auteurs analysent les relations entre transformation des formats médiatiques et circulation des formules politiques. Les politiques ont dû s’adapter
à la montée d’émissions de divertissement, d’abord conçues en opposition
au débat politique, puis progressivement
transformées pour favoriser la circulation des formules. D’abord marginalisées
lorsqu’elles commencèrent à inviter des
personnalités politiques, ces émissions,
devenues « conversationnelles », ont peu
à peu pris place parmi les tribunes
recherchées par le personnel politique
de premier plan. L’ « informalisation » des
situations ne signifie donc pas improvisation : face à des interlocuteurs spécialisés à l’affût des petites phrases, les
invités politiques s’emploient à devancer
ces attentes implicites.
Mots clés : Politique, divertissement,
émission politique, télévision, animateurs, talk-show
1. À la manière de la phrase devenue célèbre de Valéry Giscard
d’Estaing, adressée à François Mitterrand lors de leur face-à-face
de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 1974 : « Vous
n’avez pas le monopole du cœur ». Plus largement, sur l’arbitrage
journalistique et sondagier des débats télévisés, Champagne, Patrick,
1989, « Qui a gagné ? Analyse interne et analyse externe des débats
politiques à la télévision », Mots. Les langages du politique, 20, pp. 5-22.
communication & langages – n◦ 168 – Juin 2011
70
Les « petites phrases » en politique
Objet de préparation minutieuse, attribuée à un locuteur mais souvent construite
collectivement par des équipes de conseillers en communication, la petite phrase
devient un outil stratégique de la compétition politique. Mais l’inflation de la
production de formules affaiblit aussi leur impact, en dehors de circonstances
exceptionnelles, et leur portée symbolique pâtit de leur banalisation.
La production et la circulation des petites phrases, voire leur dénomination
même en tant que catégorie journalistique d’appréhension de la politique,
relèvent de deux tendances contradictoires du discours politique moderne : son
officialisation croissante, dans un premier temps, et la mise en œuvre de multiples
dispositifs visant à s’en affranchir, dans un second.
La première concourt au formatage croissant de l’expression du personnel
politique. Elle résulte de la conjonction de plusieurs phénomènes. La professionnalisation du personnel politique à l’œuvre dès la fin du XIXe siècle et ses
caractéristiques socioprofessionnelles dominantes (avocats, professeurs) ont participé de l’émergence de formes de discours politique adaptées aux circonstances de
la vie parlementaire, mettant en évidence l’éloquence comme ressource politique
majeure2 . L’évolution du discours politique officiel glissant progressivement de
l’éloquence vers une technocratisation progressive a pu également reposer, dans
un second temps, notamment à partir de la Ve République, sur les mutations du
personnel politique : communauté des cursus, des origines sociales, des carrières,
de plus en plus souvent unifiées par le passage par l’Ena, contribuant à favoriser
l’emploi d’un langage commun à la haute administration et au personnel politique
de premier plan. Toutefois, dès lors que s’impose le principe de publicité des
débats des assemblées, le discours politique tend à s’adresser à d’autres destinataires
que les pairs, visant ainsi « l’opinion ». La division du travail croissante a
progressivement imposé de plus en plus souvent la délégation de cette production
à un personnel spécialisé – les collaborateurs politiques – adaptant à la marge
à des auditoires et des circonstances variés les discours officiels rituels (vœux,
inaugurations) ou ciselant des formules destinées à décrédibiliser l’adversaire
(joutes oratoires, campagnes électorales). La maîtrise de la parole participe donc
pleinement, hier comme aujourd’hui, à la définition du métier politique et
s’étend désormais à de multiples activités : réactions officielles, communiqués,
entre autres, et, de plus en plus, interventions médiatiques. L’uniformisation des
discours politiques a été accentuée par les modèles élaborés par les professionnels
de la communication3 qui ont eu une large influence, y compris sur la fraction du
personnel qui ne bénéficie pas directement de leurs conseils.
La seconde tendance, apparemment inverse de la première, tend à tirer le
discours politique vers moins de formalisation et de formatage. Elle pourrait être
la simple conséquence de la professionnalisation croissante des discours politiques
et être appréhendée comme le résultat d’un processus d’informalisation4 , pour
reprendre la formule de Cas Wouters, inspirée de Norbert Elias : le « relâchement
2. Rousselier, Nicolas, 1997, Le Parlement de l’éloquence, Presses de Sciences Po, Paris.
3. Ollivier-Yaniv, Caroline, 2000, L’État communiquant, PUF, Paris.
4. Wouters, Cas, 2003, « La civilisation des mœurs et des émotions : de la formalisation à
l’informalisation », in Yves Bonny, Jean-Manuel de Queiroz, Erik Neveu (dir.), Norbert Elias et la
communication & langages – n◦ 168 – Juin 2011
De nouveaux lieux de valorisation des petites phrases ?
71
des mœurs » qui aurait saisi l’ensemble des relations sociales depuis les années 1960
ne témoignerait pas d’une « authenticité » croissante des relations sociales, mais au
contraire d’un auto-contrôle pulsionnel encore plus important et de la nécessité
de maîtriser ses émotions en public. Le professionnel de la politique est sommé
d’entretenir la croyance dans sa sincérité et ses qualités d’humanité et d’en fournir
publiquement des gages. Cette tendance s’est accentuée avec la transformation
de la relation entretenue par les médias avec l’univers politique. À l’origine, la
presse, qui rend compte des débats parlementaires dès le XIXe siècle, relayait les
déclarations politiques et déjà les formules, les « petites phrases », voire les écarts
de langage, composantes ordinaires des affrontements politiques. À mesure que
les organes de presse tentent d’anticiper la curiosité de leur lectorat, la mise en
valeur d’éléments saillants du discours politique devient constitutive de l’écriture
journalistique5 , alors que du côté des professionnels de la politique, l’élaboration
de « petites phrases » s’inscrit dans une stratégie de maîtrise de la production et
d’anticipation des logiques de publicité des discours.
À la télévision française, la transformation des émissions accueillant des
politiques témoigne de ces jeux contradictoires de formalisation/informalisation.
Longtemps dominée par le modèle de l’échange d’arguments arbitré par des
journalistes6 , l’émission politique sous sa forme classique n’a cessé de tenter de
déjouer tout ce qui contribuait à « routiniser » les échanges. La « réinvention »,
par les producteurs, des éléments des dispositifs (décors, organisation spatiale
des plateaux, types d’intervenants et d’interventions) en témoigne. Ces tentatives
de renouvellement eurent leurs limites, dès lors qu’elles ne pouvaient réellement
s’affranchir de tout ce qui définissait les principes mêmes de leur relation
au politique (l’accord tacite sur l’ordre du jour et le principe de l’échange
d’arguments), et les émissions n’ont pu conserver la place emblématique dont elles
disposaient, face à l’accroissement de la concurrence et à la volonté de conquête
d’une audience maximale7 . Les émissions de divertissement ont commencé à
¯ théorie de la civilisation, PUR, Rennes, pp. 147-168 et Wouters, Cas, 2007, Informalization: Manners
and Emotions since 1890, Sage, Londres.
5. Kaciaf, Nicolas, 2006, « Le journalisme politique d’une République à l’autre. Les conditions de
transformation des pages “Politique” de la presse écrite française (1945-1981) », in Antonin Cohen,
Bernard Lacroix, Philippe Riutort (dir.), Les formes de l’analyse politique. Éléments d’analyse sociologique
XVIIIe - XXe siècle, PUF, Paris, pp. 367-384 et Kaciaf, Nicolas, 2007, « L’objectivation du rapport aux
sources dans les pages “Politique” des quotidiens », in Pascal Dauvin, Jean-Baptiste Legavre (dir.), Les
publics des journalistes, La Dispute, Paris.
6. Nous opposons ainsi dans plusieurs de nos travaux* l’idéal-type de fonctionnement des émissions
politiques classiques (« émissions argumentatives ») à celui des talk-shows de divertissement
(« émissions conversationnelles »), dont le dispositif tend à éviter la structuration des discours et des
tours de parole selon un ordre du jour préétabli pour s’organiser – sur le modèle de la conversation
ordinaire – en fonction des performances (humour, « coup de gueule », etc.) et des capacités à orienter la
conversation des différents participants sans principe hiérarchique fort. *Cf. notamment Leroux, Pierre,
2009, Mettre en scène la politique. Les reconfigurations du spectacle politique à la télévision française,
Habilitation à diriger les recherches en sciences de l’information et de la communication, Université
de Toulouse-Le Mirail.
7. Dès les années 1980, les confrontations en face-à-face se raréfient (en dehors des périodes
électorales), les émissions de débats politiques sur les grandes chaînes généralistes sont moins présentes.
La suppression en 1995 de l’émission phare du service public, L’Heure de vérité, créée en 1982 sur
communication & langages – n◦ 168 – Juin 2011
72
Les « petites phrases » en politique
accueillir régulièrement des personnalités politiques à la fin des années 1990, en
mettant l’accent sur la nouveauté de dispositifs qui – c’est du moins comme cela
qu’ils se présentèrent à l’origine – bouleversaient les repères habituels des invités
politiques : abandon de la référence à l’agenda politique qui dictait l’ordre du jour,
fin de la « transcendance du politique »8 et désacralisation de la parole politique,
confrontée à égalité avec celle d’invités du spectacle, majoritaires sur les plateaux
de divertissement.
Délibérément ignorées par les journalistes politiques à l’origine comme des
concurrentes « indignes », ces émissions sont désormais observées et décryptées
au même titre que les émissions politiques classiques. Surveillées par les agences
de presse, elles sont l’objet de commentaires d’analyse et de « reprises » par
l’univers journalistique, témoignant à la fois de leur banalisation et de la place
nouvelle qu’elles ont acquise au sein même du jeu politique médiatisé. Il semble
qu’il soit possible de dégager deux « moments » dans la brève histoire de
la contribution des émissions de divertissement à la circulation de la parole
politique. La phase initiale, au cours des années 1990, est caractérisée par un net
souci de renouvellement des approches médiatisées de la politique, encourageant
la production de petites phrases. . . qui pourtant verront rarement le jour,
en raison de la marginalité de ces émissions dans les logiques de circulation
de l’information politique. La seconde phase, apparue au cours des années
2000, se traduit par le poids croissant qu’y occupe la politique. Ayant accès
aux acteurs dominants de l’univers politique, ces programmes participent
désormais pleinement au « jeu » politique et bénéficient d’effets de reprise
rendant désormais visible la production des « petites phrases » en leur sein.
Ainsi, le succès de ces espaces fait aujourd’hui émerger de nouvelles formes de
« formatage » des petites phrases ajustées à « l’informalisation » apparente de ces
émissions.
LA – VAINE – QUÊTE DE LA PETITE PHRASE
Les émissions de divertissement, souvent dénommées « talk-shows », invitant
des responsables politiques ont cherché dès leurs débuts à se démarquer des
émissions politiques « traditionnelles ». Jugées démodées, convenues et compassées
dans leur forme et excessivement sérieuses, voire ésotériques, sur le fond, ces
dernières contribueraient pour les inventeurs de formules nouvelles à un désintérêt
croissant du public pour la politique. Les premières émissions de divertissement
qui invitent avec régularité le personnel politique s’emploient à sortir du schéma
de l’interview politique classique. Les audaces sont surtout formelles : ainsi,
Karl Zéro dans Le Vrai Journal (1996-2006) sur Canal+ se fait remarquer en
employant systématiquement le tutoiement de ses invités politiques, et en utilisant
ostentatoirement un vocabulaire « jeune » censé marquer sa distance et celle de
¯
Antenne 2 (qui a suivi sa déprogrammation de 20h30 au dimanche midi en 1988), l’atteste, alors
que dans le même temps TF1 ne compte plus d’émission politique régulière.
8. Lochard, Guy et Soulages, Jean-Claude, 2003, « La parole politique à la télévision : du logos à
l’ethos », Réseaux, 118, pp. 65-94.
communication & langages – n◦ 168 – Juin 2011
De nouveaux lieux de valorisation des petites phrases ?
73
son public avec la langue des politiques9 . Thierry Ardisson dans Tout le monde en
parle (1998-2006) adopte le ton de l’interview « décalée », en affirmant souvent
une distance ironique avec les modèles journalistiques. Privilégiant la dimension
personnelle et les « zones d’ombre » de l’invité politique, il aborde des thèmes
privés, comme la sexualité, secondé par les interventions d’un sniper – l’humoriste
Laurent Baffie – chargé de jouer la connivence avec le public au détriment
de l’invité. L’ancien Premier ministre Michel Rocard (31 mars 2001), interrogé
en pleine affaire Clinton-Monica Lewinsky, avait dû répondre à la question de
l’animateur « est-ce que sucer, c’est tromper ? », ce qui avait suscité nombre de
commentaires désapprobateurs sur l’« abaissement » de la politique produit par
ce type d’émissions10 . Si le statut de l’interlocuteur politique avait certainement
contribué à favoriser une certaine indignation journalistique, le traitement des
invités politiques ordinaires ne suscitait la plupart du temps aucune réaction11 .
L’invention de dispositifs télévisuels12 favorisant particulièrement la dimension
ludique et théâtrale, dans la conduite même de l’interview politique13 , pousse
d’ailleurs à surenchérir dans l’originalité des mises en scène. Le député PS Arnaud
Montebourg a pu menacer un temps de boycotter les émissions de divertissement
à la suite d’un passage malheureux dans l’émission Vendredi pétantes, animée
par Stéphane Bern (27 janvier 2006). Allongé sur un divan et répondant aux
questions d’une animatrice, il se trouvait ridiculisé par un mime placé derrière lui,
supposé représenter son subconscient. . . essentiellement dominé par des pensées
scabreuses. Le choix de sortir les responsables politiques de leur cadre habituel
présente l’intérêt de se démarquer des connivences supposées, entretenues entre
politiques et journalistes, et de s’adresser à des fractions du public plus larges,
plus « populaires » et plus jeunes que celles des émissions politiques. Mais il est
censé également permettre l’accès à une certaine authenticité de la parole politique
et, sous cet aspect, le traitement infligé aux invités politiques, quoiqu’inédit, ne
diffère guère là encore de celui qu’on réserve depuis plus longtemps aux invités
du monde du spectacle, qui composent l’essentiel des plateaux14 . La démarche
9. Recevant Edouard Balladur (1er mars 1998), Karl Zéro lui demande : « Est-ce que la campagne va
être particulièrement jeune et fun ? », cité in Lhérault, Marie, 2002, Le Vrai Journal décrypté, Nouveau
Monde Éditions, p. 154.
10. Pour un exemple, Schneidermann, Daniel, 2001, « Ma couille et l’Histoire », Le Monde, 8 avril.
11. La conseillère régionale – et ancienne Miss France – Élodie Gossuin s’entend énoncer ses
mensurations à l’antenne et lorsqu’elle les conteste est gratifiée par Laurent Baffie de la remarque
suivante : « Elle a pris du cul. . . ça arrive aux meilleurs » (3 avril 2004) ; le député, alors UMP, Nicolas
Dupont-Aignan doit, après avoir subi les foudres des comédiens Gérard Darmon et du groupe IAM à
propos d’un débat sur le cannabis, revenir sur le plateau à l’initiative de l’animateur qui fait scander son
prénom par le public (20 septembre 2003).
12. Voir, Amey, Patrick, 2009, La parole à la télévision. Les dispositifs des talk-shows, L’Harmattan, Paris,
pp. 17-31.
13. Voir Lochard, Guy et Soulages, Jean-Claude, « La parole politique à la télévision : du logos à
l’ethos », art. cit.
14. Thierry Ardisson s’est affirmé depuis le début de sa carrière d’animateur, au début des années 1980,
par le souci de jouer avec les codes télévisuels. Sur les particularités du « style » de cet animateur,
Leroux, Pierre et Riutort, Philippe, 2006, « La consécration de l’animateur. Appréciation d’un métier et
affirmation d’une position : le cas de Thierry Ardisson », Réseaux, 139, pp. 219-248.
communication & langages – n◦ 168 – Juin 2011
74
Les « petites phrases » en politique
consistant explicitement à renoncer au format officiel et rigide de l’interview
politique favorise par opposition un « libre échange » proche de la conversation
à bâtons rompus, parsemée de confidences, de bons mots illustrant le sens de
la répartie et de la formule dont fait montre l’invité. Le déroulement même de
l’entretien, appréhendé sur le ton de la conversation familière, contribue à inscrire
l’énonciation d’éventuelles petites phrases dans le registre tantôt humoristique,
tantôt polémique, invitant ainsi l’invité politique à sortir de son « rôle » habituel :
Thierry Ardisson, recevant dans son émission Salut les Terriens sur Canal+ (25
septembre 2010) Georges Frêche, exclu du Parti socialiste, l’interroge : « Alors
maintenant que vous n’êtes plus au Parti socialiste, vous pouvez nous le dire, le
plus con, c’est qui au PS ? ». Le ton privilégié par l’entretien, volontairement en
rupture avec la neutralité affichée et le respect dû à l’interlocuteur caractéristiques
de l’entretien politique classique, incite à sélectionner des personnalités politiques
qui se prêtent volontiers au jeu. Thierry Ardisson s’adressant ainsi dans Salut les
Terriens (29 janvier 2011) à l’ancien ministre Roger Karoutchi : « Alors, Roger,
t’étais où ? On ne te voit plus en soirée », et ajoutant lorsqu’il décline son
nouveau poste d’ambassadeur de France à l’OCDE : « On a le droit d’inventer
des métiers comme ça ? ». L’instauration d’un dispositif de rupture avec la
« langue de bois » prêtée uniformément au discours politique conduit à accorder
une visibilité accrue à ce que les animateurs nomment eux-mêmes les « bons
clients », qui, en raison de certaines de leurs propriétés sociales et politiques,
se prêtent plus volontiers que d’autres aux règles de l’émission. Un privilège est
ainsi accordé aux figures émergentes cherchant à accéder à une forme de visibilité
médiatique (à la manière de Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg dans les
années 1990 ou Laurent Wauquiez dans les années 2000), à des responsables
politiques n’étant plus en activité et susceptibles de « vendre la mèche » (de
Claude Allègre à Jack Lang dans les années 2000) ou à des personnalités qu’une
prise de distance publique avec certaines positions officielles de leur formation
politique crédite ainsi d’une forme d’« authenticité » (de Jean-François Copé
à l’UMP à Manuel Valls au PS). C’est ce que mettent en évidence les types
de capitaux politiques détenus par les invités dans une émission comme celle
de Thierry Ardisson, Tout le monde en parle, initiatrice de la participation
en plateau des invités politiques au milieu d’invités issus de l’univers du
divertissement.
Le fait que le volume de capitaux politiques possédé par les invités
politiques soit plutôt faible les rend particulièrement dépendants d’une exposition
médiatique. Malgré un traitement souvent ironique et moqueur des animateurs,
contribuant à retourner à leur profit le rapport de forces qui prévaut généralement
entre journalistes et responsables politiques par l’établissement d’une sorte de
« rituel d’inversion »15 , les invités politiques semblent accepter ce traitement
qui leur est infligé en faisant preuve d’humour et en saisissant de-ci de-là la
15. Leroux, Pierre et Riutort, Philippe, 2007, « Les contraintes d’exposition du métier politique dans
les talk-shows télévisés », communication au Congrès de l’Association française de science politique de
Toulouse, septembre.
communication & langages – n◦ 168 – Juin 2011
De nouveaux lieux de valorisation des petites phrases ?
75
Tableau 1 : Invités politiques par type de capital politique
Fonctions
Nombre d’invités
%
Président et Premier ministre
0
0
Ministre d’État et principaux
1
0,8
Ministres délgués et secrétaires d’État
7
5,8
Anciens ministres
10
8,4
Leaders et porte-parole de partis
18
15
Députés/sénateurs
60
50,4
Élus locaux
14
11,7
9
7,5
Non élus
Émission Tout le monde en parle, 1998-2006. 119 invités politiques.
possibilité de placer quelques propos politiques16 , escomptant par ricochet un effet
de notoriété, faute de disposer d’autres tribunes télévisuelles17 .
En dépit de la quête du bon mot, de la déclaration choc de l’invité18 susceptible
désormais de faire l’objet de reprises sur Internet et de figurer parmi les « meilleurs
moments » sans cesse rediffusés, la faible place accordée à la prise de parole
politique ne favorise guère la distillation de petites phrases. Les sujets politiques ne
sont abordés que par la bande, et par des locuteurs de deuxième ordre. Les petites
phrases, lorsqu’elles surviennent, ont peu de chance de bénéficier d’une attention
et par conséquent d’une existence journalistiques, en raison de la frontière établie
entre l’univers du journalisme politique et celui du divertissement télévisuel.
16. Le président du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, invité régulier, souvent brocardé, des
émissions de divertissement : « Chaque fois qu’on m’invite j’y vais. Je suis bien traité chez Ruquier,
je suis bien traité chez Ardisson. Par contre il y a une chose qu’il faut que vous sachiez et que je veux
redire, c’est la honte dans ce pays du service public en matière d’émissions politiques, ni Marie-Georges
Buffet, ni moi ne sommes jamais invités. On est toujours présents dans les émissions d’amuseurs, or les
amuseurs font plus pour la politique que les officiels. » (France Inter, Le fou du roi, 12 mai 2010)
17. La notoriété par ricochet dont pourrait bénéficier l’invité politique en raison de sa familiarité avec
l’animateur et les invités issus de l’univers du spectacle semble être la raison invoquée par Michel
Drucker pour ne pas convier à son émission Vivement Dimanche sur France 2 les responsables du Front
national, Marine Le Pen comme son père avant elle.
18. Cette quête est encouragée par le dispositif valorisant la polémique en privilégiant les points de
vue opposés et les raccourcis en raison du faible temps de démonstration octroyé à l’interlocuteur,
effet renforcé par le montage, voire le titrage rétrospectif adopté visant à cadrer les propos : elle peut
ainsi parfois conduire un journaliste, chroniqueur d’une émission de divertissement (celle animée par
Laurent Ruquier sur France 2, On n’est pas couché), comme Éric Zemmour, à devenir le protagoniste
d’une « affaire » débouchant sur une mise en cause et une condamnation judiciaires à la suite de propos
tenus en tant qu’invité dans le cadre d’un débat d’une autre émission de divertissement (Salut les
Terriens de Thierry Ardisson sur Canal+).
communication & langages – n◦ 168 – Juin 2011
76
Les « petites phrases » en politique
L’ÉCONOMIE DE LA CIRCULATION DES PETITES PHRASES
La démarcation ostensible des émissions de divertissement à l’égard des émissions
politiques et du journalisme politique ainsi que la tonalité récréative des
entretiens rendent pratiquement impossibles d’éventuelles reprises journalistiques,
à l’exception de celles qui condamnent les « intrusions » du divertissement
dans la politique. On assiste ainsi, dans un premier temps, à une réaction
de défense journalistique émanant de responsables de rédactions déplorant
l’évolution en cours qui banalise la présence des politiques au sein des émissions
de divertissement : « Je trouve cette dérive dangereuse pour la démocratie, dit
Jean-Pierre Elkabbach19 [. . .] L’animateur devient journaliste, les politiques se
font clowns : une néfaste confusion des rôles » ; « en se rendant dans des
émissions de variétés, ils donnent à penser que tout est divertissement et qu’ils
appartiennent aussi au monde du show-biz, estime Arlette Chabot. Il n’est pas
sûr qu’ils gagnent en crédibilité. »20 Le « mélange des genres » est dénoncé au
sein même des chaînes qui diffusent ces programmes : il témoigne de l’effet de
« balance des pouvoirs »21 en faveur des animateurs-producteurs dont la position
ne cesse de s’affirmer au détriment de celle des journalistes politiques, fragilisée par
la marginalisation relative de leurs émissions dans les grilles de programmes. Un
ensemble de mutations structurelles va conduire à un déplacement de l’émission
de « pur » divertissement à l’émission conversationnelle : celle-ci s’apparente à
une discussion partiellement improvisée dont les tours de parole ne sont pas
strictement prédéfinis, laissant une certaine place à l’initiative des participants. Ces
émissions, à la manière de On n’est pas couché sur France 2 animée par Laurent
Ruquier, du Grand Journal de Canal+ présenté par Michel Denisot ou de Salut les
Terriens sur Canal+ présentée par Thierry Ardisson, vont élaborer de nombreux
compromis tant dans le dispositif de l’émission que dans le contenu même, leur
permettant de pérenniser la présence des invités politiques et surtout de s’adresser
à une fraction plus élevée du personnel politique (cf. tableau 2 et graphique 1).
Cette sensible élévation du capital politique des invités sanctionne une certaine
institutionnalisation de ces émissions, mais également leurs transformations
internes. L’émission présentée par Laurent Ruquier sur France 2 en deuxième
partie de soirée le samedi, On n’est pas couché – soit la case de programmation
qu’occupait Thierry Ardisson avec l’émission Tout le monde en parle conçue, en
outre, par la même productrice –, s’en distingue fortement. À l’interpellation
publique de l’invité politique soumis aux interventions intempestives de
l’humoriste et des invités de l’univers du divertissement, succède un entretien
d’une longueur exceptionnelle dans la télévision contemporaine (d’une durée
moyenne de 45 minutes), placé en première partie d’émission et « isolé » des autres
séquences. L’invité politique, qui n’est plus contraint d’attendre patiemment son
19. Le Monde, « Télévision », 28-29 novembre 1999, p. 5. Le journaliste politique, alors président de
Public Sénat et dirigeant d’Europe 1, interviendra quelques années plus tard comme interviewer dans
l’émission de Michel Drucker, Vivement Dimanche.
20. Ibid, p. 5.
21. Sur cette notion, Elias, Norbert, 2000, « Les transformations de la balance des pouvoirs entre les
sexes », Politix, 51, pp. 13-53.
communication & langages – n◦ 168 – Juin 2011
De nouveaux lieux de valorisation des petites phrases ?
77
Tableau 2 : Invités politiques par type de capital politique
Fonctions
Nombre d’invités
%
Président et Premier ministre
0
0
Ministre d’État et principaux
7
8,75
18
22,5
Anciens ministres
4
5
Leaders et porte-parole de partis
6
7,5
37
46, 25
Élus locaux
5
6, 25
Non élus
3
3,75
Ministres délégués et secrétaires d’État
Députés/sénateurs
Émission On n’est pas couché, 2006-2009, 80 invités politiques.
Principaux
ministres
Ministres dél.
et sec. d’État
Anciens
ministres
Leaders et porteparole partis
Parlementaires
Élus locaux
Non élus
0
10
20
30
40
50
60
% d’invités par capital politique
On n’est pas couché
Tout le monde en parle
Graphique 1: Comparaison Tout le monde en parle (1998-2006) versus
On n’est pas couché (2006-2009).
tour, n’est, en outre, confronté, hormis l’animateur, la plupart du temps qu’aux
deux seuls chroniqueurs de l’émission – Éric Naulleau, écrivain, directeur de
maisons d’édition et chroniqueur culturel et Éric Zemmour, journaliste politique
au Figaro –, qui endossent des rôles d’experts-critiques de la politique et se lancent
communication & langages – n◦ 168 – Juin 2011
78
Les « petites phrases » en politique
dans des échanges nourris de références, n’hésitant pas à prendre position et
à contredire l’invité, ce qui constitue une différence notable avec les émissions
politiques. La production des petites phrases est grandement facilitée par la
présence régulière puis permanente de journalistes au sein même des émissions
de divertissement : caution pour l’image de l’émission, gage de sérieux pour
l’animateur dont la culture politique peut être prise en défaut, elle rend possible
la participation d’invités politiques de premier rang. Jean-Michel Apathie, chef
du service politique de RTL et interviewer matinal de la station, reçoit ainsi tous
les soirs des personnalités politiques au Grand Journal de Canal+, après avoir été
chroniqueur de 2004 à 2006 au sein de l’émission de Marc-Olivier Fogiel sur France
3, On ne peut pas plaire à tout monde. L’adjonction de journalistes politiques
parmi les plus reconnus contribue à infléchir la parole politique vers l’actualité
immédiate. Salut les Terriens de Thierry Ardisson reçoit systématiquement un
journaliste, généralement de presse écrite, invité à réagir, aux côtés de l’invité
politique, et Le Grand Journal réunit le vendredi plusieurs éditorialistes des grands
médias. Cette émission quotidienne rend d’ailleurs bien compte de cette évolution :
la présence de l’invité du jour est justifiée par le fait que ce dernier est au
cœur de l’actualité. Martin Hirsch est invité au lendemain de sa démission
du gouvernement Fillon, Dominique de Villepin à l’issue de son procès dans
l’affaire Clearstream. . . La présence d’interviewers politiques légitimes aux yeux
des politiques eux-mêmes (le Premier ministre corrige en direct par un texto une
erreur de Jean-Michel Aphatie au Grand Journal en janvier 2010), l’inclination
nettement journalistique du propos, l’implication dans l’actualité médiatique de
la vie politique amènent à une focalisation sur les dernières péripéties politiques,
auxquelles l’invité est sommé de réagir. L’importation de petites phrases dans des
rubriques spécialisées (comme c’est le cas au Grand Journal dans des rubriques
comme « La petite question » et « Le petit journal ») ou sous la forme d’incises
humoristiques (par les présentateurs de On n’est pas couché ou Salut les Terriens)
constitue d’ailleurs des formes d’amorçage invitant à en produire de nouvelles22 .
Dès lors, les propos tenus par des acteurs politiques de premier plan sur les
sujets « brûlants » de l’actualité revêtent une importance stratégique pour les
acteurs politiques comme pour les médias, engendrant presque mécaniquement
la reprise des petites phrases prononcées lors de l’émission. Les petites phrases
sont particulièrement adaptées à un traitement de la politique qui s’inspire pour
partie des recettes éprouvées pour le traitement de la culture et du spectacle,
principalement axé sur les concurrences de personnes, les commérages et le
dévoilement23 . Ces émissions sont particulièrement disposées à jouer un rôle dans
les nouvelles formes de « circulation circulaire » des informations fondées sur la
22. À la manière de la question posée par Ariane Massenet au Grand Journal à Arnaud Montebourg,
porte-parole de Ségolène Royal lors de la campagne présidentielle de 2007, au sujet du plus gros défaut
de la candidate, dont la réponse – « son compagnon » – avait valu une suspension provisoire des
fonctions de ce dernier.
23. Dans Le Grand Journal, des rubriques assez similaires (« Le petit journal », « Le petit journal
people ») traitent de l’actualité politique et du show-business. Dans On n’est pas couché et dans Salut
les Terriens les déclarations spectaculaires sont souvent rappelées dans le portrait de l’invité politique et
les extraits choisis dans les livres des invités politiques procèdent de la même logique de sélection.
communication & langages – n◦ 168 – Juin 2011
De nouveaux lieux de valorisation des petites phrases ?
79
mise en valeur des interventions spectaculaires : les extraits courts, les formules
choc, les propos off sont susceptibles d’être amplifiés en retour par d’autres
réactions et commentaires.
Certains positionnements politiques et la dimension médiatique de certaines
luttes politiques se prêtent d’ailleurs particulièrement bien à l’exploitation de
tribunes de ce type, puisqu’il s’agit de prendre « l’opinion » à témoin. Dominique
de Villepin, ancien Premier ministre, sur le plateau de On n’est pas couché en
novembre 2010 esquisse en quelques phrases un portrait de Nicolas Sarkozy
commenté dans les médias (se décrivant lui et le futur président comme « des mâles
dominants », dans une métaphore animalière), et relance (en janvier 2011) à Salut
les Terriens les supputations sur sa candidature à la présidentielle (« vous avez une
bonne intuition », répond-il à l’animateur qui l’interroge sur cette possibilité). En
avril 2006, Ségolène Royal avait du reste annoncé sa candidature en direct sous
la pression d’un humoriste sur le plateau du Grand journal (« si ça reste comme
ça, probablement, oui. . . »), le commentaire de ce dernier – « elle a dit oui ! » –
ayant largement circulé à l’époque dans les médias et fait l’objet de nombreux
commentaires sur la « stratégie » de la future candidate.
L’institutionnalisation des émissions conversationnelles constitue désormais
un nouvel espace à part entière dévolu à la parole politique. Il faudrait pourtant
faire preuve d’une certaine naïveté pour croire que ce type de parole constitue une
rupture radicale avec celle qui a cours au sein des émissions politiques. D’abord
parce qu’elle correspond aux attentes, voire aux caractéristiques de certaines
fractions du personnel politique rompues à l’univers de la communication et qui
envisagent ces émissions comme des bancs d’essai, des occasions de rectifier leur
image publique, de témoigner de leur « simplicité » et de leur « décontraction » :
il en est ainsi de Jean-François Copé, présent de longue date dans les émissions
de divertissement, auteur d’un ouvrage remarqué par les médias, intitulé J’arrête
la langue de bois, et qui parsème ses interventions de bons mots et remarques
familières, manifestement préparés avec soin24 . De nombreux invités sont ainsi
conduits au cours de l’entretien à évoquer – y compris en s’en défendant – le
media training auquel ils se seraient livrés avant de se rendre à l’émission, le rôle des
conseillers en communication les ayant aidés dans leur préparation de l’émission25 ,
alors que d’autres indiquent qu’ils se sont documentés sur leurs interviewers
avant de se rendre sur le plateau de l’émission26 . À mesure que se multiplient
les passages des invités politiques au sein des émissions conversationnelles et que
se peaufine leur préparation à ce type de programmes, les éventuels « effets de
24. Invité de On n’est pas couché (11 décembre 2010), il reprend à plusieurs reprises, alors qu’il est
contredit sur certaines de ses propositions, l’expression du film populaire La vérité si je mens : « Il faut
laisser sa chance au produit ». Quelques semaines plus tard (22 janvier 2011), dans la même émission,
l’un de ses proches, Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, utilise la même
expression.
25. Le secrétaire d’État au logement Benoit Apparu, invité de On n’est pas couché (5 juin 2010),
conviendra que son conseiller en communication l’attend en coulisses.
26. Le président du Nouveau Centre Hervé Morin, invité de On n’est pas couché (29 janvier 2011), confie
en commençant l’entretien, manifestant son opposition aux « thèses » d’Éric Zemmour sur le centrisme,
qu’il s’est fait remettre par ses collaborateurs le matin même un dossier rassemblant plusieurs années
de papiers écrits par le journaliste sur le sujet.
communication & langages – n◦ 168 – Juin 2011
80
Les « petites phrases » en politique
surprise » occasionnés par ces dispositifs s’émoussent, se « routinisent » et risquent
au bout du compte de se retrouver tributaires du pré-formatage élaboré par les
politiques eux-mêmes ou leurs conseillers. En s’ajustant au cadre spécifique de ces
émissions ils attestent leur spontanéité. Ainsi, tout en induisant par leur dispositif
une propension au relâchement et à l’affaiblissement du contrôle de la parole
politique, les émissions de divertissement peuvent paradoxalement constituer pour
les politiques des tribunes particulièrement adaptées à une production verbale –
contrôlée – susceptible de rencontrer un écho important dans l’univers médiatique.
Ces deux conditions convergent favorablement pour faire des émissions de
divertissement un lieu de production idéal des petites phrases.
PIERRE LEROUX ET
PHILIPPE RIUTORT
communication & langages – n◦ 168 – Juin 2011